L'achat public responsable a-t-il vocation à
soutenir
la performance globale du système de santé
?
Application aux marchés publics de produits
de santé
Mémoire rédigé par Emilie
POMMIER
Sous la direction d'Isabelle NICOLAÏ
MBA Management Responsable et Performance des
Organisations Promotion 2014 - 2015
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
soutenir
la performance globale du système de santé ?
» | MBA MARPO 2014-2015
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Sommaire
Synthèse 3
Mots clés 3
Introduction 4
Chapitre I : L'inclusion de clauses environnementales et
sociales dans les marchés publics :
naissance, évolution et perspectives en
matière d'achats publics responsables 6
Partie 1 : L'inclusion de clauses environnementales et
sociales dans les marchés publics 6
1. a. Historique et contexte 6
1. b. Les différentes possibilités d'inclusion
de clauses sociales et environnementales dans les
marchés publics 10
Partie 2 : Etat des lieux et tendances en matière
d'achats publics responsables 17
Partie 3 : Limites et carences de la politique actuelle
d'achats publics responsables 23
Partie 4 : Quelles perspectives en matière d'achats
publics responsables ? 26
Chapitre II : La performance globale : enjeux, mesure,
limites et risques associés 29
Partie 1 : Le concept multidimensionnel de performance globale
29
Partie 2 : La performance globale, exercice de la
responsabilité sociétale ou indicateur de mesure ? 35
Partie 3 : Limites et débats portant sur la performance
globale et son évaluation 43
Partie 4 : Quels risques encourus à ne pas inscrire ses
activités dans une logique de performance
globale ? 45
Chapitre III : L'achat public responsable comme soutien
à la performance globale du système de
santé, mythe ou réalité ?
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47
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Partie 1 : La commande publique doit encourager et
développer la performance globale
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47
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Partie 2 : La réglementation des marchés publics et
les injonctions du système de santé limitent
considérablement le potentiel de l'achat public
responsable
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52
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Partie 3 : Et si les achats publiques responsables étaient
l'une des composantes de la démocratie
sanitaire ?
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56
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Conclusion
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59
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Glossaire
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61
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Bibliographie
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62
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Annexes
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67
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3
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Synthèse
La commande publique est estimée, en France, à
100 milliards d'euros par an environ - soit près de 10% du PIB national
- ce qui lui confère un pouvoir d'influence considérable. En ce
sens, le Code des Marchés Publics invite depuis 2004 l'acheteur à
s'interroger sur les moyens de concilier achats et développement
durable, considérant que la protection de l'environnement,
l'efficacité économique et le progrès social contribuent
à la performance globale du service public. Pourtant, dans la pratique,
concilier principes fondamentaux du droit communautaire et intégration
de clauses sociales et environnementales dans les marchés n'est pas une
mince affaire. Nombreux sont les acheteurs confrontés aux injonctions
contradictoires et force est de reconnaître que tous n'ont pas
reçu de formation adéquate. Aussi, chacun est aujourd'hui en
droit de s'interroger sur les objectifs portés par la politique publique
d'achats durables. La commande publique responsable est-elle une fin en soi ou
un moyen d'atteindre des objectifs économiques ? Est-elle un indicateur
de la performance globale ? Ou une forme d'incitation positive adressée
au marché afin de faire émerger des offres responsables,
créatrices de valeur - et pas uniquement économique ? L'achat
responsable figure probablement parmi les ingrédients de la
démocratie sanitaire, en tant que vecteur de dialogue et de
confiance entre les parties, et dénote d'une vision stratégique
d'intégration de la responsabilité sociétale dans les
marchés publics français.
Mots clés
Commande publique, Code des Marchés Publics, achats
publics responsables, achats publics durables, clauses sociales et
environnementales, critères d'attribution, critère de jugement
des offres, conditions d'exécution, spécifications techniques,
marchés réservés, définition du besoin, performance
globale, performance intégrée, performance RSE,
évaluation, responsabilité sociétale d'entreprise,
reporting extra-financier, notation extra-financière, parties prenantes,
création de valeur partagée, démocratie sanitaire.
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Introduction
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Les autorités publiques ont par essence vocation
à servir l'intérêt général. A ce titre la
commande publique1, si elle est un acteur majeur de la bonne gestion
et de la modernisation de l'administration, est également un levier pour
la croissance économique et pour la promotion des clauses sociales et
environnementales. Désormais, outre le domaine économique, en
grande partie couvert par la réglementation, la commande publique met en
effet de plus en plus l'accent sur le respect de l'environnement, des droits
fondamentaux de la personne et des règles d'éthique ; devenant
ainsi une « commande publique responsable ». Une évolution qui
n'est pas sans conséquences, lorsque l'on sait que les marchés
publics en France sont estimés à 100 milliards d'euros par an
environ, soit près de 10% du PIB national2 et 16 à 19
% du PIB de l'Europe3.
Le développement durable couvre, quant à lui,
différents domaines et repose sur une série de principes : la
précaution, la prévention, l'économie et la bonne gestion,
la responsabilité de tous, la subsidiarité. Ce concept recouvre
également les valeurs défendues par les établissements
publics de santé et médico-sociaux que sont l'humanisme,
l'accessibilité, la solidarité, l'universalité et
l'égalité. Dès 2004, en invitant l'acheteur à
s'interroger sur les moyens de concilier achats et développement
durable, le Code des Marchés Publics considère que la protection
de l'environnement, l'efficacité économique et le progrès
social contribuent à l'efficacité et à la performance du
service public. Une " petite révolution ", en somme.
Ces dernières années, nombreuses sont les
grandes directions d'achats privées à avoir ajouté des
exigences relatives à la RSE dans leurs cahiers des charges, afin
d'être elles-mêmes en conformité avec un impératif de
responsabilité sociétale : ne pas faire travailler des
fournisseurs peu scrupuleux et donner la préférence aux
fournisseurs plus responsables. Mais qu'en est-il des acteurs publics ?
Ils ne sont pas en reste, mais doivent avancer tout en
respectant certains principes fondamentaux du bloc constitutionnel (Droit
communautaire et du Code des Marchés Publics). Pour autant,
d'après la 6ème édition du Baromètre HEC
Ecovadis, « l'intégration des critères de RSE dans la
sélection des fournisseurs a progressé de façon
très impressionnante. Alors qu'en 2007, 25 % des entreprises
déclaraient ne pas prendre en compte la performance RSE de leurs
fournisseurs, elles ne sont plus que 4 % aujourd'hui.4
»
1 La commande publique regroupe l'ensemble des
contrats que les pouvoirs publics passent afin de répondre à
leurs besoins.
2 Stéphane SAUSSIER et Jean TIROLE, Les notes
du Conseil d'analyse économique n°22 (avril 2015).
3 NAVEZ (2005).
4 HEC Ecovadis, AT Kearney, «Sustainable
Procurement: Time to measure value creation» - Sustainable
procurement barometer 6th edition (2013).
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Des chiffres confortés par le Baromètre
Santé Durable 2015, qui indique que les trois priorités
identifiées par les établissements de santé en
matière de développement durable sont la réduction de
l'empreinte environnementale de leurs activités (81 % des
répondants), le bien-être et la qualité de vie au travail
(71 % des répondants) et la réalisation d'achats durables (73 %
des répondants). Le sujet est donc au coeur de toutes les attentions.
Dans sa définition officielle, l'achat public
responsable intègre des dispositions en faveur de la protection de
l'environnement, favorise le progrès social et le développement
économique ; mais il prend également en compte
l'intérêt de toutes les parties prenantes concernées par
l'acte d'achat, permet de réaliser des « économies
intelligentes », le tout en considérant chacune des étapes
du cycle de vie du marché. Le périmètre de l'achat public
durable est donc beaucoup plus vaste que le seul acte d'achat, et les liens
d'interdépendance entre l'acheteur public et ses parties prenantes sont
un point essentiel de la relation. Dans ce contexte et au regard des objectifs
fixés à travers le programme PHARE5 sur la
période 2012-2014, chacun est en droit de s'interroger sur les ambitions
portées par la politique publique d'achats durables, en France :
a-t-elle vocation à optimiser les coûts ? à contribuer au
progrès social en santé ? à réduire l'empreinte
environnementale des établissements de santé et
médico-sociaux de France ? ou encore à servir un objectif bien
plus large de performance globale ?
Dans l'optique de répondre à cette question, ce
mémoire porte d'abord un regard critique sur l'intégration des
clauses sociales et environnementales dans les marchés publics
français, depuis leurs prémices jusqu'à nos jours ; avant
d'approfondir le concept de performance globale, à travers ses
caractéristiques, ses avantages, mais aussi ses limites et risques
associés. Au-delà d'objectifs nobles et ambitieux inscrits dans
les textes réglementaires, nous verrons comment, dans la pratique, les
acteurs du système de santé concilient des intérêts
qui ne semblent pas toujours compatibles et la façon dont ils
appréhendent cette notion d'achats publics responsables.
5 « Performance hospitalière pour des achats
responsables » (PHARE) : programme lancé par la Haute
Autorité de Santé, fin 2011, visant un potentiel de gains de 910
milliards d'euros au plan national, sur 3 ans.
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Chapitre I : L'inclusion de clauses environnementales et
sociales dans les marchés publics : naissance, évolution et
perspectives en matière d'achats publics responsables
Partie 1 : L'inclusion de clauses environnementales et
sociales dans les marchés publics
1. a. Historique et contexte
Impulsée par l'Agenda 21,
adopté à l'issue du Sommet de la Terre, l'idée d'une
politique nationale d'achats publics durables remonte au début des
années 90 : « les gouvernements eux-mêmes jouent (...) un
rôle dans la consommation, notamment dans les pays où le secteur
public représente une part importante de l'économie, et peuvent
avoir une influence considérable tant sur les décisions des
entreprises que sur les perceptions du public. Ils devraient donc
réexaminer les politiques d'achat de fournitures de leurs organismes et
départements afin d'améliorer si possible l'élément
environnemental de leurs procédures d'acquisition, sans préjudice
des principes du commerce international » 6 . Certaines
collectivités françaises adoptent alors un Agenda 21
local au sein duquel les marchés publics sont perçus
comme un moyen de faire évoluer les comportements d'achat et de donner
une nouvelle direction à l'économie. Les effets de ces politiques
éparses dites « de verdissement » de l'administration,
où le prix ne serait plus le seul critère de choix,
s'avèrent cependant très limités.
Il faudra attendre près d'une décennie pour que
la Commission européenne fixe les conditions d'intégration des
considérations environnementales dans les procédures de passation
des marchés publics7. Une année supplémentaire
pour que les chefs d'Etat, lors du Sommet mondial pour le
développement durable de Johannesburg (2002) et forts d'une
prise de conscience des dangers engendrés par l'activité
économique mondiale, évoquent à leur tour
l'opportunité de « marchés publics écologiques
».
Le 3 juin 2003, à travers sa Stratégie
Nationale de Développement Durable, la France propose une
vision plus exhaustive et adopte un programme d'actions " Vers un Etat
exemplaire ", reflet d'une volonté d'éco-responsabilité de
l'Etat. Il est fait référence à « l'achat public
durable » en tant qu'un ensemble d'exigences, spécifications
et critères en faveur de la protection et de la mise en valeur de
l'environnement, du progrès social et favorisant le développement
économique, notamment par la recherche de l'efficacité,
d'amélioration de la qualité des prestations et d'optimisation
complète des coûts.
L'année suivante, alors que le Parlement
européen et le Conseil de l'UE complètent et renforcent le cadre
juridique existant, en appuyant fortement l'intégration des
critères
6 Paragraphe 4.23, inscrit au chapitre 4 «
Modification des modes de consommation ».
7 Communication interprétative de la Commission
du 4 juillet 2001 sur le droit communautaire applicable aux marchés
publics et les possibilités d'intégrer des considérations
environnementales dans lesdits marchés.
7
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environnementaux8, le Code des
Marchés Publics français rend enfin possible
l'intégration de critères environnementaux et sociaux aux
différents stades de la passation d'un marché public. En 2006, la
notion de « développement durable » est quant à elle
explicitement intégrée au CMP9.
Dès 2004, l'acheteur public français est donc
tenu de prendre en compte les objectifs du développement durable, lors
de la définition des besoins (article 5 du CMP) et dans les
conditions d'exécution d'un marché ou d'un accord-cadre
(article 14 du CMP). Afin de l'accompagner dans cette démarche,
l'article 132 du CMP prévoit la possibilité de créer des
groupes d'étude des marchés (dits « GEM »). Le Groupe
d'étude des marchés Développement durable-Environnement
(ou GEM-DDEN) voit ainsi le jour, avec pour mission d'élaborer des
documents pratiques, juridiquement sûrs, destinés à aider
l'acheteur public à intégrer ces enjeux - essentiellement
environnementaux - dans ses marchés. Concernant le volet social, le Code
des Marchés Publics reprend en 2006 les dispositions introduites par la
Loi de Programmation pour la Cohésion sociale, dite « Loi Borloo
»10, et offre au pouvoir adjudicateur la possibilité de
faire prévaloir les questions d'insertion professionnelle lors de
l'évaluation des offres.
Cette même année, la France adopte son
1er Plan National d'Action pour des Achats Publics
Durables11, réaffirmant sa volonté d'inscrire
le développement durable au sein de la commande publique.
Deux ans plus tard, à travers l'adoption du
Grenelle de l'environnement12, le gouvernement
français élargit le débat écologique et responsable
à l'ensemble de la société. Le sujet se
démocratise, en quelque sorte.
Plusieurs Conventions d'engagement mutuel volontaire
voient le jour, co-signées par le Ministère de
l'Ecologie, du Développement et de l'Aménagement durables, et des
représentants sectoriels. En octobre 2009, la Fédération
Hospitalière de France - aux côtés de la
Fédération des cliniques et hôpitaux privés de
France (FHP), de la Fédération des établissements
hospitaliers et d'aide à la personne (FEHAP) et du groupe Unicancer -
s'engage ainsi dans une démarche volontaire pour promouvoir le
développement durable au
8 « Les pouvoirs adjudicateurs peuvent contribuer
à la protection de l'environnement et à la promotion du
développement durable tout en leur garantissant la possibilité
d'obtenir pour leurs marchés le meilleur rapport qualité/prix
» (Directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du
31 mars 2004 portant coordination des procédures de passation des
marchés publics de travaux, de fournitures et de services ; et Directive
204/17/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 portant
coordination des procédures de passation de marchés dans les
secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services
postaux).
9 Directive n°2006-975 du 1er août 2006 portant Code
des Marchés Publics, JO 4 août 2006.
10 Loi de Programmation pour la Cohésion
sociale du 18 janvier 2005.
11 Adopté le 1er août 2006.
12 La Loi Grenelle I prévoit un recours
croissant, dans les marchés publics des administrations, aux
critères environnementaux et aux variantes environnementales, ainsi
qu'un certain nombre d'objectifs par familles d'achats.
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sein des établissements de santé et
médico-sociaux, en tant que composante de leur management et de leurs
relations avec leurs parties prenantes.
Une partie de ces acteurs n'en est pas à ses
débuts, puisqu'à travers la création du
Baromètre du développement durable en
santé13, les fédérations
hospitalières offrent aux établissements de santé et
médico-sociaux la possibilité de mesurer gratuitement, via une
autoévaluation annuelle, leur performance en matière de pratiques
responsables. Et ce, à travers neuf grands thèmes : le pilotage
de leur démarche DD ; leur communication ; leur responsabilité
sociale ; leur politique d'achats ; la construction et la rénovation des
bâtiments ; leur gestion de l'eau et de l'énergie ; l'informatique
verte ; leur gestion des déchets ; les transports et
déplacements.
Le véritable tournant dans l'évolution et la
structuration des pratiques des établissements de santé
français n'a lieu qu'en 2010, lorsque la Haute Autorité de
Santé (HAS) décide d'intégrer une série
d'injonctions vers des pratiques dites « responsables » dans son
Manuel de certification - V2010. Dans le cadre de
l'évaluation externe des établissements de santé publics
et privés14, ces derniers doivent soumettre leurs pratiques
à un audit portant sur le niveau des prestations et soins
délivrés aux patients, ainsi que sur la dynamique
d'amélioration de la qualité et de la sécurité des
soins mise en oeuvre.
Largement inspirée du contexte réglementaire
européen et national et afin que la procédure de certification
puisse attester l'existence de pratiques efficientes et pérennes, la HAS
inscrit le développement durable dans huit critères du Chapitre 1
- « Management de l'établissement ».
Références
|
Critères
|
Dénomination
|
Référence 1
|
Stratégie de l'établissement
|
Critère 1b
|
Engagement dans le développement durable
|
Référence 3
|
La gestion des ressources humaines
|
Critère 3d
|
Qualité de vie au travail
|
Référence 6
|
La gestion des fonctions logistiques et des
infrastructures
|
Critère 6f
|
Achats éco-responsables et approvisionnements
|
Référence 7
|
La qualité et la sécurité de
l'environnement
|
Critère 7a
|
Gestion de l'eau
|
Critère 7b
|
Gestion de l'air
|
Critère 7c
|
Gestion de l'énergie
|
Critère 7d
|
Hygiène des locaux
|
Critère 7e
|
Gestion des déchets
|
Tableau récapitulatif des injonctions responsables
dans le Manuel de certification V2010 de la HAS
13 Le Baromètre du développement durable
en santé - aujourd'hui « Baromètre Santé durable
» - a été créé en 2007 par la FHF, la FEHAP,
l'EHESP et la société PG Promotion.
14 La certification des établissements de santé
étant pratiquée depuis 1999.
9
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En octobre 2011, pour porter la dynamique nécessaire
à l'essor et à la structuration de la fonction achats au sein des
établissements de santé et médico-sociaux en France, un
programme national est lancé par la Direction Générale de
l'Offre de Soin (DGOS). Baptisé " Performance
hospitalière pour des achats responsables " (PHARE), ce
programme a pour objectif de dégager des « économies
intelligentes », c'est-à-dire mieux acheter pour donner des
marges de manoeuvre supplémentaires aux hôpitaux, dans un contexte
général de réduction budgétaire. Tout cela, en
conservant bien entendu le niveau de qualité de prise en charge des
patients et de sécurité des soins.
Parce qu'ils ne sont pas contradictoires avec la performance
économique et partagent au contraire le même
objectif15, les achats éco-responsables ont toute leur place
dans ce programme et sont même aujourd'hui au coeur de la
5ème vague du projet Armen, lancée en octobre
201516. Ils sont également l'enjeu clé du
Guide pour les achats durables appliqués aux produits de
santé, qui compte parmi les principaux
référentiels en matière d'intégration du
développement durable dans les marchés publics et qui a
été rédigé par le Groupe d'Etude des Marchés
de Produits de Santé (GEM-PS)17.
Ce qu'il faut retenir
Si l'Europe et la France se sont engagées en faveur de
l'intégration du développement durable dans la commande publique,
ces efforts ont été dispersés sur une vingtaine
d'années, avec une accélération notable sur cette
dernière décennie.
Quant à la confusion récurrente entre ambitions
d'achats dits « environnementaux » et injonctions à
réaliser des achats « responsables et durables », force est de
constater que les autorités manquent de clarté voire
d'objectivité sur leurs intentions et les moyens qu'elles sont
réellement prêtes à allouer à l'atteinte de ces
objectifs.
15 DirectHopital, « Achats hospitaliers :
la performance économique et les critères sociaux et
environnementaux ne sont pas "contradictoires » (article par Morgan
Bourven, 15 octobre 2015)
16 Le projet Armen consiste, dans le cadre du
programme PHARE, à identifier des opportunités de gains, par
vagues de 10 domaines sur une durée de 3 mois.
17 La version 1.0 du Guide GEM-PS a
été publiée en juillet 2011. La dernière version de
ce référentiel (3.0) a été publiée en mars
2013.
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1. b. Les différentes possibilités d'inclusion
de clauses sociales et environnementales dans les marchés publics
Comme vu précédemment, le Code des
Marchés Publics français a évolué - dès
2004, sur impulsion du droit communautaire - en faveur de la prise en compte de
considérations durables et responsables (appelées «
clauses sociales et environnementales » dans le CMP). Pour autant,
les différentes composantes du développement durable ne sauraient
être intégrées de la même façon dans un
marché public et doivent respecter trois principes essentiels :
l'égalité de traitement des candidats, la liberté
d'accès à la commande publique et la transparence des
procédures de passation.
A date, le Code des marchés publics permet
d'intégrer le développement durable :
? lors de la définition de l'objet du marché et
dans les conditions d'exécution du marché
? à travers les articles 5, 6, 14, 15 et 50 du CMP
[Phase I] ? lors de la passation complète du
marché
? à travers l'article 45 du CMP (pour l'examen des
candidatures) [Phase II]
? à travers l'article 53 du CMP (pour l'examen de
l'offre) [Phase III]
Sanction éventuelle en cours
d'exécution du marché
10
Schéma récapitulatif des possibilités
d'inclusion de critères sociaux et environnementaux dans les
marchés publics
(Annexe 1)
11
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?Cinq articles du CMP représentent ce qu'il convient
d'appeler ici la PHASE I. Ils permettent l'inclusion de
critères sociaux et environnementaux lors d'une phase amont,
exclusivement centrée sur le pouvoir adjudicateur, et
indépendante de toute réflexion portant sur les
compétences du candidat ou les caractéristiques de l'offre que ce
dernier pourra présenter.
La PHASE I peut être assimilée à une forme
d`introspection : l'acheteur public se pose sur son/ses besoin(s) et sur
l'environnement dans lequel son futur marché sera déployé.
Ainsi, c'est bien la considération du contexte - notamment le niveau de
risques encourus - qui doit permettre au pouvoir adjudicateur de positionner
son niveau d'exigences durables, tantôt en formalisant des exigences
sociales et environnementales (SE) dans le cahier des charges, tantôt en
rappelant la prise en compte de critères SE dans le choix de l'offre.
La définition du/des besoin(s) est une étape
déterminante pour tout achat public responsable et durable. Il s'agit
pour le pouvoir adjudicateur de savoir comment il consomme (actuellement)
et de s'interroger sur la façon dont il pourrait satisfaire son/ses
besoin(s) tout en consommant mieux (demain). A ce titre, l'acheteur
public n'est autorisé à lancer un marché insérant
des clauses sociales et environnementales qu'après avoir mené une
étude de marché, permettant de vérifier
l'adéquation de sa demande avec l'offre existante.
Pour rappel, en application de l'article 5 du
CMP18, l'acheteur public est tenu d'intégrer une/des
clause(s) sociale(s) et environnementale(s) dans ses marchés. A
défaut, il doit pouvoir justifier l'absence de telles
considérations (c'est le sens de l'étude de marché
mentionnée ci-dessus). « La nature et l'étendu des
besoins à satisfaire sont déterminées avec
précision avant tout appel à la concurrence ou toute
négociation non précédée d'un appel à la
concurrence en prenant en compte des objectifs de développement durable.
Le ou les marchés ou accords-cadres conclus par le pouvoir adjudicateur
ont pour objet exclusif de répondre à ces besoins ».
Malgré son existence, le reproche qui peut toutefois
être adressé à cette disposition est qu'elle
entérine une obligation de moyens à défaut d'une
obligation de résultats. En ce sens, aucune jurisprudence n'a jamais
sanctionné l'absence de prise en compte du développement durable
dans la définition d'un marché public (où cette
considération aurait pu/dû apparaître), là où
des organismes publics ont déjà pu être sanctionnés
pour leur recours, même modéré, à des
critères sociaux dits trop éloignés de l'objet du
marché19.
Même après la réalisation d'une
étude de marché, il peut arriver que l'acheteur public ne soit
pas certain qu'il existe des solutions responsables et durables recevables pour
les produits, services ou travaux qu'il souhaite acquérir ou
réaliser. En cas d'incertitude, le recours aux variantes permet de
stipuler des exigences minimales assorties d'alternatives, telle qu'une
meilleure performance environnementale : le pouvoir adjudicateur «
peut
18 Article 5 du CMP, portant sur la définition
du besoin du marché.
19 CAA Douai, 29 novembre 2011, Région Nord
Pas-de-Calais, réq. n°10DA01501.
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préciser qu'il est disposé à
accueillir des offres répondant à certaines variantes plus
écologiques »20. Une variante peut ainsi être
définie comme une offre de produit ou service qui répond aux
besoins de l'acheteur, qui est même susceptible de proposer une
alternative qualitativement supérieure à la solution
imaginée par ce dernier, mais qui diffère cependant de la
description faite dans les documents de la consultation.
Le recours à l'article 50 du CMP et
à cet outil flexible que sont les variantes sociales et/ou
écologiques permet à l'acheteur public d'intégrer la
protection de l'environnement et des Hommes dans le règlement de la
consultation, en formulant un ensemble minimal de spécifications
techniques en la matière. Toutefois, l'usage de variantes est
aujourd'hui très peu utilisé par l'acheteur public, par crainte
d'introduire un nouveau critère d'attribution des
offres « non défini », susceptible
d'engendrer une discrimination entre les soumissionnaires21.
Intégrées au Cahier des charges et
généralement transcrites dans le Cahier des clauses techniques
particulières (CCTP) du marché, les conditions d'exécution
sont des prescriptions que toute offre devra respecter afin d'être
conforme à l'objet du marché. L'article 14 du
CMP22 dispose ainsi que « la définition des
conditions d'exécution d'un marché dans les cahiers des charges
peut viser à promouvoir l'emploi de personnes rencontrant des
difficultés particulières d'insertion, à lutter contre le
chômage ou à protéger l'environnement. (...) Ces conditions
d'exécution ne peuvent pas avoir d'effet discriminatoire à
l'égard des candidats potentiels.» A travers les conditions
d'exécution, l'acheteur public peut imposer la livraison ou le
conditionnement en vrac plutôt qu'en emballages individuels, la
récupération ou la réutilisation des emballages ou encore
la livraison des marchandises dans des conteneurs réutilisables - pour
illustrer quelques aspects environnementaux. Mais les conditions
d'exécution peuvent également favoriser l'insertion
professionnelle, allant même jusqu'à désigner des
marchés dits « réservés » - aux secteurs
adapté et protégé, notamment - grâce à
l'article 15 du CMP23. Selon le niveau de
maturité de sa démarche responsable et durable, le pouvoir
adjudicateur pourra combiner injonctions écologiques et sociales.
Bien entendu, l'article 14 du CMP doit avoir pour corollaire
la définition de procédures de contrôle et de sanctions
précises, en cas de non-respect des conditions d'exécution. Car
si la mauvaise exécution d'un marché ne saurait être
sanctionnée au stade de l'attribution, elle peut l'être en cours
d'exécution et entraîner la résiliation dudit
marché. En 2010, près de 30 % des acheteurs publics
déclaraient s'engager dans cette voie qui, selon eux, garantit ou
renforce la prise en compte d'exigences de développement
durable24. Mais, à moyen terme,
20 Circulaire d'application du Code des
marchés publics du 3 août 2006 (art. 50 du CMP, portant sur la
possibilité d'admettre des variantes).
21 Cabinet SCP Charrel et Associés, «
L'environnement et les marchés publics : quels critères pour
quelles conditions de prise en compte ? » (Support de formation,
décembre 2014).
22 Article 14 du CMP, portant sur les conditions
d'exécution du marché.
23 Article 15 du CMP, portant sur les marchés
réservés.
24 Direction des affaires juridiques du
Ministère chargé de l'Économie et des Finances -
Observatoire Economique de l'Achat Public, « L'achat public durable en
2010 » (synthèse des résultats, octobre 2011).
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
soutenir
la performance globale du système de santé ?
» | MBA MARPO 2014-2015
il semblerait que les difficultés liées au
contrôle des modalités d'exécution aient eu raison de leurs
ambitions.
L'article 6 du CMP25 autorise
l'acheteur public à se référer à des
spécifications techniques pour définir la prestation attendue
(i.e. l'objet du marché), lui offrant ainsi la possibilité de
traduire son/ses besoin(s) en caractéristiques techniques -
éventuellement de portée sociale et/ou environnementale -
requises pour un produit ou un service26. Dans sa version 2004, le
Code des Marchés Publics faisait référence « aux
normes homologuées ou à d'autres normes applicables en France en
vertu d'accords internationaux27 » et sa version
2006 a élargi les possibilités à la définition de
spécifications techniques et d'exigences fonctionnelles fondées
sur la performance. Les caractéristiques techniques requises doivent
correspondre à l'usage auquel l'objet du marché est
destiné. Elles constituent des critères de conformité
minimum et déterminent un certain niveau de compétitivité,
sans pour autant « créer des obstacles injustifiés
à l'ouverture des marchés publics à la
concurrence28 ».
Dans son étude sur l'achat public durable,
l'Observatoire Economique de l'Achat Public rapportait que seuls 25 % des
acheteurs publics exerçaient concrètement leur droit à la
rédaction des spécifications techniques afin d'y inscrire le
développement durable ; là où les autres se contentaient
d'un simple copié-collé des marchés
antérieurs29.
L'examen des candidatures et l'examen des offres
(opérations dites de « passation du marché »)
constituent deux phases successives et indépendantes, qui
précèdent « l'attribution du marché ». Les
grandes étapes de la procédure de passation doivent être
définies en amont, dès la préparation de la consultation
publique.
Aussi, il est extrêmement important de ne pas confondre
:
? les critères de sélection (aptitude
et capacités30 du candidat à réaliser
le marché)
? critères qualitatifs
? et les critères d'attribution (performances
du produit/service proposé par le candidat)
? critères quantitatifs.
25 Article 6 du CMP, portant sur les
spécifications techniques de l'objet du marché.
26 Niveaux de qualité ou de performance
environnementale ; conception pour tous les usages (y compris par
des personnes en situation de handicap) ; évaluation de
la conformité, de l'utilisation du produit, de sa sécurité
ou de ses dimensions (y compris les prescriptions applicables au produit en ce
qui concerne la dénomination de vente, la terminologie, les symboles,
les essais et méthodes d'essais, l'emballage, le marquage et
l'étiquetage les instructions d'utilisation, les processus et
méthodes de production, ainsi que les procédures
d'évaluation de la conformité).
27 Dans les conditions prévues par le
décret n° 84-74 du 26 janvier 1984 fixant le statut de la
normalisation.
28 Code des Marchés Publics français
- version 2004 (article 6, portant sur les spécifications techniques de
l'objet du marché).
29 Direction des affaires juridiques du
Ministère chargé de l'Économie et des Finances -
Observatoire Economique de l'Achat Public, « L'achat public durable en
2010 » (synthèse des résultats, octobre 2011).
30 Capacités économiques,
financières et techniques.
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
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D'après le Code des Marchés Publics
français, toute intégration de critères sociaux et/ou
environnementaux aux étapes de passation d'un marché doit
être expressément mentionnée dans l'Avis d'Appel Public
à la Concurrence ou dans le Cahier des Clauses
Particulières31. De telles clauses, dites sociales et
environnementales (SE), doivent être en rapport avec l'objet du
marché et définies de façon suffisamment claire pour ne
pas offrir une liberté de choix illimitée au pouvoir
adjudicateur.
?L'examen des aptitudes et capacités durables du
candidat, lors de la passation des marchés : critères de
sélection qualitatifs (PHASE II).
En dehors de la faute professionnelle grave, pour crime
environnemental ou toute forme d'atteinte aux Droits fondamentaux de la
personne32, aucune candidature à un marché public ne
saurait être exclue lors de cette phase. Au contraire, le Code des
Marchés Publics issu du décret du 7 janvier 2004 permet de
prendre en compte les capacités techniques minimales des entreprises en
matière sociale et environnementale, en prévoyant en son
article 45 qu'« au titre des capacités
professionnelles, peuvent figurer des renseignements sur le savoir-faire des
candidats en matière de protection de l'environnement ». Dans
la mesure où « il ne peut être exigé que des
niveaux minimaux de garanties et de capacités, qui sont liés et
proportionnés à l'objet du marché », il est
indispensable que l'élément de preuve illustrant la
capacité technique (responsable et durable) du candidat ait un impact
sur la qualité du bien ou du service, ou qu'il influence la
capacité dudit candidat à exécuter un marché avec
des exigences sociales ou environnementales (par exemple, une gamme de produits
d'hygiène & désinfection éco-labellisée, pour
être utilisée dans les services d'un établissement de
santé HQE ou certifié EMAS). L'article 45 du CMP33
prévoit en ce sens que l'acheteur public peut « demander aux
opérateurs économiques qu'ils produisent des certificats de
qualité » ; normes de garantie qui doivent bien sûr
être délivrées par un organisme tiers indépendant et
fondées sur des normes européennes ou internationales. A titre
indicatif, l'OEAP révélait dans son étude sur l'achat
public durable que seul 1 acheteur public sur 5 fixait de tels seuils minimum
de capacité techniques responsables et durables pour ses
candidatures34.
? L'examen des performances responsables et durables d'une
offre, lors de la passation des marchés : critères de
sélection quantitatifs (PHASE III).
31 Cahier des Clauses Administratives
Particulières (CCAP) et Cahier des Clauses Techniques
Particulières (CCTP).
32 Développée dans le Chapitre I -
Partie 2.
33 Article 45 du CMP, portant sur les capacités
techniques (minimales) du candidat au marché.
34 Direction des affaires juridiques du
Ministère chargé de l'Économie et des Finances -
Observatoire Economique de l'Achat Public, « L'achat public durable en
2010 » (synthèse des résultats, octobre 2011).
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
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Dans sa communication interprétative du 4 juillet 2001,
la Commission Européenne stipulait que le choix des critères
d'attribution d'un marché doit être dicté par la recherche
de l'avantage économique ; induisant au passage que les critères
sociaux et environnementaux n'étaient pas susceptibles de servir,
à eux seuls, un tel objectif35. Quelques mois plus tard, la
Cour de Justice Européenne donnait une interprétation
différente, offrant la possibilité de recourir aux clauses
sociales et environnementales en tant que critères d'attribution
à part entière, aux côtés des critères dits
« traditionnels ». C'est cette dernière interprétation
qui a été reprise à travers les Directives du 31 mars 2004
et l'article 53 Code des Marchés Publics
français36. D'après cette lecture, le sens des
critères d'attribution est de détecter « l'offre
économiquement la plus avantageuse » : en ne résumant
pas la performance financière à la logique court-termiste du
« moins-disant37 », mais en ouvrant sur la question du
coût global d'utilisation et la notion de performance globale (concept du
« mieux-disant38 »).
L'acheteur public peut donc prendre en compte des
considérations responsables et durables au stade du jugement de l'offre,
en veillant toutefois à respecter quatre conditions cumulables :
? les critères SE doivent être en lien avec l'objet
du marché ;
? les critères SE doivent être objectivement
quantifiables (afin de ne pas donner au pouvoir adjudicateur une
liberté illimitée de choix, ni un pouvoir
discrétionnaire39) ;
? les critères SE doivent être mentionnés
expressément dans l'Avis d'Appel Public à la Concurrence et dans
le Cahier des Clauses Particulières (conformément au principe
de transparence des marchés publics) ;
? la formulation des critères SE doit respecter les
principes fondamentaux du droit européen : non-discrimination et
égalité de traitement.
Mais, attention, il ne s'agit pas d'une obligation pesant sur le
pouvoir adjudicateur. Celui-ci peut, s'il le souhaite, évaluer les
offres reçues selon le seul critère Prix (« moins-disant
») ; il peut établir un ensemble de critères d'attribution
dits « classiques40 » ; ou bien choisir de
compléter ces critères d'attribution en intégrant
différentes facettes du développement
35 Communication interprétative de la
Commission du 4 juillet 2001 sur le droit communautaire applicable aux
marchés publics et les possibilités d'intégrer des
considérations environnementales dans lesdits marchés.
36 Article 53 du CMP, portant sur les critères
d'attribution du marché (jugement de l'offre).
37 L'offre économiquement la plus avantageuse
est l'offre la moins chère à l'achat (« moins-disant
»).
38 L'offre économiquement la plus
avantageuse est l'offre la plus performante sur l'ensemble du cycle de vie du
produit/service et celle qui permet de gérer au mieux l'ensemble des
externalités liées au produit/service (« mieux-disant
»).
39 Article 52 de l'Ordonnance du 23 juillet 2015
relative aux marchés publics, qui transpose en droit français les
Directives marchés publics européennes de 2014.
40 En général, il s'agit des
critères Prix / Qualité / Logistique & Délais.
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
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durable41. Dans son étude sur l'achat public
durable, l'Observatoire Economique de l'Achat Public rapportait d'ailleurs que
seul 1 acheteur public sur 4 fixait, en 2010, des critères
d'attribution...strictement environnementaux42 !
Si le pouvoir adjudicateur privilégie toutefois cette
option et parce que l'intégration de considérations responsables
et durables doit impérativement être transcrite à travers
des critères objectivement quantifiables, l'acheteur public est tenu de
hiérarchiser et de pondérer les critères d'attribution
retenus. Conformément au CMP 2006, il détermine d'abord
l'importance relative de chaque critère par rapport aux autres, puis
attribue à chacun une pondération43 (coefficient ou
nombre de points). Même lorsqu'elle n'est pas obligatoire, la
pondération est néanmoins recommandée : plus pratique que
la hiérarchisation, elle facilite le choix de « l'offre
économiquement la plus avantageuse » et donne plus de garanties
quant au respect de l'égalité des chances des
candidats44. Une fois établie la liste des critères
d'attribution et leur pondération, l'acheteur public a défini sa
grille de notation des offres, dont le détail doit figurer dans l'Avis
d'Appel Public à la Concurrence ou dans les documents de
consultation.
Ce qu'il faut retenir
Le Code des Marchés français propose dans sa
version actuelle au moins cinq possibilités différentes - et
cumulables - d'intégration des clauses sociales et environnementales, en
plus de l'obligation légale de considérer le développement
durable lors de la définition du/des besoin(s). [Voir Annexes 2 et
5]
Faut-il y voir la volonté d'inscrire des
considérations responsables tout au long du cycle de vie d'un
marché, dans une perspective durable ?
« En lien avec l'objet du marché », «
objectivement quantifiable », « respectant les principes de
transparence, de non-discrimination et d'égalité de traitement
» : les conditions et modalités accompagnant l'intégration
du développement durable dans les marchés publics sont toutefois
nombreuses et illustrent bien la complexité des débats sur le
sujet.
41 Performances en matière de protection de
l'environnement, performances en matière de développement des
approvisionnements directs et locaux, performances en matière
d'insertion professionnelle des publics en difficulté, coût global
d'utilisation, coût global du produit (tout au long du cycle de
vie)...
42 Direction des affaires juridiques du
Ministère chargé de l'Économie et des Finances -
Observatoire Economique de l'Achat Public, « L'achat public durable en
2010 » (synthèse des résultats, octobre 2011).
43 « Pour les marchés passés selon une
procédure formalisée [Appel d'offres, procédures
négociées, concours et système d'acquisition dynamique]
et lorsque plusieurs critères sont prévus, le pouvoir
adjudicateur précise leur pondération ». « Le pouvoir
adjudicateur qui estime pouvoir démontrer que la pondération
n'est pas possible notamment du fait de la complexité du marché,
indique les critères par ordre décroissant d'importance.
»
44 Vademecum des marchés publics,
édition 2015.
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
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Partie 2 : Etat des lieux et tendances en matière
d'achats publics responsables
Les clauses sociales et environnementales dans les
marchés publics se développent de façon continue en
France, depuis que la réforme du Code des Marchés a rendu
obligatoire la réflexion sur le sujet par le pouvoir
adjudicateur45. Selon l'Observatoire Economique de l'Achat Public,
entre 2009 et fin 2010, les marchés de plus de 90 000 euros comportant
une clause environnementale ont augmenté de 350 % (6,7 % à fin
2010 VS 1,9 % en 2009) et ceux comportant une clause sociale, de 234 %
(6,1 % à fin 2010 VS 2,6 % en 2009)46.
Des scores impressionnants mais associés, il faut bien
le rappeler, à un stade de démarrage et qui confirment un certain
amalgame entre injonctions au développement durable et injonctions
strictement écologiques. Par ailleurs, l'OEAP observe que les clauses SE
se retrouvent essentiellement dans les marchés de travaux, de
fournitures & services et dans les achats de fournitures courantes ; et de
façon bien moindre dans les marchés portant sur des biens et
services standards.
Extrait des résultats de l'enquête «
L'achat public durable » (Observatoire Economique de l'Achat Public,
2011)
45 Au 1er septembre 2006.
46 Direction des affaires juridiques du
Ministère chargé de l'Économie et des Finances -
Observatoire Economique de l'Achat Public, « L'achat public durable en
2010 » (synthèse des résultats, octobre 2011).
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Extrait du 8ème Baromètre «
Santé durable » (Squaremetric, 2015)
?Critères DD dans la politique d'achats : quels
domaines ? quels types d'achats ?
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Le niveau d'intégration du développement
durable : ce qui se fait en général
D'autres études récentes, notamment la
8ème édition du Baromètre « Santé
Durable » et le Baromètre 2014 « Achats responsables »
co-piloté par le ds et AFNOR Solutions Achats47,
révèlent que -dans son principe- l'achat responsable et durable
est plébiscité48, mais qu'un décalage perdure
entre l'adhésion au principe et la réalité, complexe, de
sa mise en oeuvre. Ainsi, 75 à 82 % des établissements de
santé affirment avoir aujourd'hui mis en oeuvre une politique d'achats
durables, mais seuls 25 à 31 % d'entre eux en ont réellement fait
un critère de choix dans leur sélection des offres.
47 Présentation des premiers résultats
en cercle fermé, lors d'une journée thématique
organisée par le ds.
48 Réaliser des achats durables est la
priorité n°2 des répondants à la
8ème édition du Baromètre Santé durable,
à 73 % ; après la réduction de l'impact environnemental de
l'activité (81 %) ; et avant le bien-être et la qualité de
vie au travail des salariés (71 %) (SQUAREMETRIC, 2015).
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
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Dans le cadre de la 5ème vague du projet
Armen49, une analyse des 450 actions identifiées a
montré que « plus d'une centaine peuvent être
considérées comme durables et éco responsables alors
qu'elles n'avaient pas été identifiées comme telles au
départ »50, démontrant qu'il est
désormais possible de concilier exigences environnementales et
performance économique. Pour autant, ce constat met surtout en exergue
la difficulté - partagée par les établissements de
santé et, fait plus inquiétant, les entreprises soumissionnaires
- à identifier ce qui relève du développement durable et
ce qui ne rentre pas dans ce spectre. Constat soutenu par les chiffres du
Baromètre « Santé Durable » 2015 : seuls 23 %
des établissements de santé et médico-sociaux
répondants (sensibilisés aux thématiques durables, soit
dit au passage) ont fait le choix de dispenser des formations en matière
d'achats durables51.
Malgré les apports bénéfiques des
considérations responsables et durables dans la relation B to B, la
majorité des soumissionnaires confirment la prédominance des
critères de choix qualité-coûts-délais dans
l'attribution des marchés - cantonnant les clauses sociales et
environnementales à un statut d'argument « nice to
have52 ». Marc Bouche, adjoint au chef du Programme de
performance hospitalière pour des achats responsables (PHARE) à
la Direction Générale de l'Offre de Soin, définit pourtant
l'achat durable selon quatre critères : « des "économies
intelligentes", la prise en compte de l'intérêt des parties
prenantes, la protection de l'environnement et l'intégration de toutes
les étapes du marché et de la vie du produit53
». Une définition qui considère bien les clauses
sociales (« les intérêts des parties prenantes
») et les clauses environnementales (« la protection de
l'environnement ») comme deux principes d'égale valeur. Or
jusqu'à présent, non seulement la commande publique n'a eu que
très peu recours à l'achat durable mais elle a, en plus,
montré bien plus d'aisance avec l'intégration de dispositions
environnementales qu'avec son pendant social.
N'importe quel soumissionnaire pourrait légitimement
s'interroger sur la corrélation éventuelle entre
l'intégration du développement durable dans son offre et le
nombre de marchés qu'il a remportés. Mais, en tout état de
cause, le lien n'est pas évident à établir. Selon
l'interprétation faite du Code des Marchés Publics, les clauses
sociales et environnementales ne constituent pas un critère
déterminant54 et ne doivent surtout pas
49 Le projet Armen consiste, dans le cadre du
programme PHARE, à identifier des opportunités de gains, par
vagues de 10 domaines sur une durée de 3 mois.
50 DirectHopital, « Achats hospitaliers :
la performance économique et les critères sociaux et
environnementaux ne sont pas "contradictoires » (article par Morgan
Bourven, 15 octobre 2015).
51 SQUAREMETRIC, 8ème édition
du Baromètre Santé durable (2015).
52 « Un plus » « Un élément sympa
à avoir, mais qui n'est pas essentiel ».
53 DirectHopital, « Achats hospitaliers :
la performance économique et les critères sociaux et
environnementaux ne sont pas "contradictoires » (article par Morgan
Bourven, 15 octobre 2015).
54 En raison de la faible valorisation du
développement durable dans l'évaluation de l'offre.
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
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devenir un critère discriminant55 dans le
choix d'une offre. Dans ce cas, peuvent-elles représenter un motif
d'exclusion ? Les Directives européennes, au même titre que la
plupart des législations nationales sur les achats durables,
énoncent une liste précise de conditions d'exclusion d'un
candidat. Ces critères excluent, par exemple, les entreprises en
faillite ou en liquidation judiciaire ; celles qui n'ont pas payé leurs
impôts ou leurs cotisations sociales ; ou encore les entreprises ayant
commis des crimes environnementaux et/ou ayant porté atteinte aux droits
fondamentaux de la personne, et qui ont été condamnées
à ce titre56. Lors de la phase d'examen des candidatures (et
non lors de l'examen des offres), l'acheteur public peut donc écarter un
soumissionnaire ayant commis une faute professionnelle grave, en lien avec un
enjeu de développement durable. Cependant, un tel motif d'exclusion est
difficile d'application en l'absence de condamnation, sanction
économique ou amende administrative.
Différentes enquêtes menées auprès
de fournisseurs des organismes publics corroborent l'ensemble de ces constats.
Ces enquêtes prouvent que les entreprises soumissionnaires
interrogées ne sont tout bonnement pas en mesure de citer d'exemple de
marchés qu'elles n'ont pas obtenus, faute d'inclusion du
développement durable, ou à l'inverse qu'elles auraient obtenus
grâce à une offre performante en la matière57.
Il semble donc que l'achat public responsable et durable reste, à date,
très largement porté par une approche de gestion des risques.
Cette approche « risques » est intimement
liée à la notion de conformité réglementaire,
notamment le respect des principes fondamentaux de la commande publique,
énoncés dans les Directives du Parlement européen et du
Conseil de 2014. Ainsi, les cas de jurisprudence58 en matière
d'inclusion de clauses sociales et environnementales rappellent-ils davantage
la nécessité de respecter ces dispositions (concurrence,
non-discrimination, transparence, lien avec l'objet du marché, offre
économiquement la plus avantageuse) plus qu'ils ne rappellent au pouvoir
adjudicateur l'obligation de moyens qui pèse sur lui (considérer
le développement durable lors de la définition de son/ses
besoin(s)). La portée juridique de cette obligation reste tellement
imprécise qu'« à l'évidence, tous les acheteurs
n'ont pas perçu le caractère obligatoire du questionnement »
selon Patrick Loquet, Maître de conférences en Droit et
consultant, dédié aux clauses sociales dans les marchés
publics59.
55 Directive 2014/24/UE du Parlement
européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des
marchés publics et abrogeant la Directive 2004/18/CE.
56 Articles 53 et 54 de la Directive 2004/17/CE et
article 45 de la Directive 2004/18/CE.
57
http://www.patrickloquet.fr
58 Arrêt Wienstrom du 4 décembre 2003,
arrêt Concordia du 17 septembre 2002 et arrêt Beentjes du 20
septembre 1988.
59
http://www.patrickloquet.fr
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Le schéma ci-dessous illustre l'évolution des
clauses sociales et environnementales, à travers un suivi sur trois ans
de leur intégration aux documents de la consultation publique de
produits de santé ; marchés pour lesquels l'entreprise B. Braun
Medical était soumissionnaire. La période 1 (octobre 2012 -
septembre 2013) correspondant à la mise en place de cet indicateur,
une certaine marge d'incertitudes doit être considérée.
Pour autant, les grandes tendances sont pleinement représentatives de la
réalité, ainsi que le détail des pondérations du
critère développement durable.
Suivi de l'intégration des clauses sociales et
environnementales dans les marchés publics pour lesquels B. Braun
Medical était soumissionnaire (Annexe 3)
L'analyse de cet indicateur sur trois années
consécutives permet de dégager quelques tendances fortes en
matière d'intégration des clauses SE dans les marchés
publics.
?Tendance n°1 : Le
développement durable n'est plus une option.
Dans plus de 80 % des marchés publics de produits de
santé observés sur la période 3, cette mention figure bien
(stricto sensu ou sous une dénomination environnementale) dans l'un des
documents de la consultation.
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?Tendance n°2 :
Le développement durable se fait progressivement une place
parmi les critères de jugement d'une offre (art. 53 du
CMP)...mais avec de grandes disparités observées dans sa
pondération (et son rattachement60).
?Tendance n°3 :
La variété de pondérations peut être le
signe de positionnements plus affirmés de la part des
établissements de santé.
Et ce, dans les deux sens : qu'il s'agisse de positionnements
« pro DD » (critère DD pondéré entre 8 et 15 %
de la note globale) ou plus détachés (critère DD
pondéré entre 0,5 et 4 % de la note globale). Dans les deux cas,
le pouvoir adjudicateur semble confirmer sa position et assumer ses choix.
?Tendance n°4 :
Les clauses sociales et environnementales ne constituent pas un
critère déterminant dans le jugement des offres.
Ce qu'il faut retenir
En moyenne, le développement durable compte pour 5 % de
la note globale attribuée. Une valorisation, certes, mais trop faible
pour pouvoir être qualifiée de « déterminante
».
Les clauses SE, puis le développement durable ont
été respectivement inscrits au Code des Marchés Publics en
2004 et 2006. Dix ans plus tard face aux amalgames, aux disparités entre
types de marchés, aux principes reconnus mais pas ou peu
appliqués, devant les différents niveaux d'expertise ou encore
face l'absence de "rappel à l'ordre"...certains estiment qu'il serait
temps de changer la logique de « ce qui est permis » pour
passer à une logique de « ce qui est exigé
».
En France, si le développement durable n'est pas un
critère déterminant61, s'il doit veiller à ne
pas être discriminant et s'il est (très) peu excluant, il se
crée progressivement une place dans la commande publique. En
comparaison, les pays scandinaves - malgré leur avance prise sur le
sujet - intègrent les clauses SE dans seulement 36 % de leurs
marchés et pondèrent en moyenne ce critère à 3,3 %
de la note globale62.
60 Critère DD en propre ou
intégré, comme sous-critère, à un critère
d'attribution plus large (ex : Performance fournisseur, Valeur technique,
etc).
61 5 % en moyenne de la note globale attribuée
à une offre.
62 MARTY Frédéric, « Les
clauses environnementales dans les marchés publics : perspectives
économiques » (working paper, 2012) faisant
référence à une étude de Parrika-Alhola et al.
(2006).
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Partie 3 : Limites et carences de la politique actuelle
d'achats publics responsables
Si l'achat responsable et durable répond à un
véritable mouvement de société, ce n'est pas chose
aisée que de trouver le bon équilibre entre introduction d'un
critère devenu réglementaire et sa mise en pratique. A date, la
commande publique durable semble toutefois " patiner " et avoir du mal à
décoller, signe de certains dysfonctionnements ou, tout du moins, d'un
fonctionnement à deux vitesses. Focus sur les écueils du
système.
La législation sur les marchés publics
présente en matière de développement durable
des limites intrinsèques et révèle des
incertitudes, notamment quant à la compatibilité légale et
la faisabilité opérationnelle d'insérer de tels
critères. En effet, un marché public doit pouvoir être
exécuté par tout type de soumissionnaire, sans discrimination -
notamment géographique. Or, certaines conditions
d'exécution63 durables peuvent entraîner une forme de
préférence locale, si l'on tient compte - par exemple - des
réductions d'émissions occasionnées (un soumissionnaire
dont le centre de distribution est situé à proximité de
l'établissement de santé-adjudicateur sera naturellement
favorisé). Dans quelle mesure l'acheteur public ne se trouve-t-il pas
face à des injonctions contradictoires ? D'un côté, les
politiques publiques ne doivent pas être l'outil d'un protectionnisme
« vert » ou « bleu » et, de l'autre, l'intégration
de conditions d'exécution à visée sociale et/ou
environnementale pourrait constituer un moyen efficace de garantir la
performance durable d'un soumissionnaire, sur le long terme64.
Individuellement, chaque pouvoir adjudicateur doit aujourd'hui trancher ce
débat et relever le défi d'une évaluation
équitable, à l'équilibre entre respect des principes
fondamentaux de la commande publique, incitation à l'innovation
responsable et éthique de l'acheteur.
Dans les faits, l'acheteur public manque
cruellement de soutien politique et administratif. En
2011, l'étude menée par l'Observatoire Economique de l'Achat
Public révélait qu'un peu plus d'1/3 des acheteurs était
en mesure d'identifier une personne portant la démarche
développement durable au sein de son organisation. D'après le
Baromètre « Santé durable » 2015, 2
établissements de santé sur 3 identifieraient aujourd'hui au
moins une personne chargée de ces questions...mais son positionnement
dans les services recouvre des réalités très
différentes, d'un établissement à l'autre65.
Devant l'ampleur du chantier, ces chiffres sont malheureusement trop faibles.
D'autant plus quand on sait la place que les achats responsables et durables
occupent dans le nouveau Plan National d'Action pour les Achats Publics
Durables 2015-2020 (2ème chantier prioritaire). Il
conviendrait donc d'inciter les
63 Article 14 du Code des Marchés Publics
64 Proposition n° 5 du Rapport fait au nom de la
commande publique, par Philippe Bonnecarrère et Martial Bourquin
65 SQUAREMETRIC, 8ème édition
du Baromètre Santé durable (2015).
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
soutenir
la performance globale du système de santé ?
» | MBA MARPO 2014-2015
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décideurs à repenser le positionnement du
processus achat dans leur organisation et, d'une certaine façon, les
encourager à " se donner les moyens de leurs ambitions ".
Par ailleurs, l'acheteur public manque temps.
Si elle est nécessaire, l'évaluation de la performance durable
d'un soumissionnaire est un processus chronophage, tant pour le pouvoir
adjudicateur que les candidats. Dans un contexte déjà
extrêmement contraint, où il dispose de peu de ressources
(financières et humaines), difficile pour un acheteur de nier cette
sensation de saturation et de dispersion dans des tâches qui semblent si
éloignées de l'acte d'achat, tel qu'il lui a été
enseigné. Certains pourront également avoir l'impression d'un
ratio temps passé-bénéfice dégagé peu
efficace, consacrant ainsi du temps à des questions " accessoires " sur
des marchés dont l'impact environnemental ou social reste minime.
Pourtant, il est indispensable non seulement de prendre le temps de cette
évaluation, mais aussi de piloter la démarche d'achats publics
responsables et durables. Car seuls la mesure, le suivi et le pilotage
permettront de mesurer les gains liés à l'inclusion de clauses
sociales et environnementales à la commande publique. A date, selon les
résultats de la 8ème édition du
Baromètre « Santé durable », seul 1
établissement de santé sur 3 calcule le retour sur investissement
de ses actions de développement durable66. C'est dire si la
démarche est confrontée à une réalité forte
de scepticisme !
Mais le bilan économique net de l'insertion des clauses
environnementales et sociales est également complexe à
établir, parce que l'achat responsable et durable est encore
vécu comme un surcoût. Plus de démarches, plus de
temps, plus de budget...pour un marché finalement réduit, voire
une qualité douteuse : les clichés ont la peau dure. Pour
beaucoup, minimiser le coût d'acquisition et réduire l'impact
environnemental et/ou social d'un bien ou service acquis sont deux objectifs
antagonistes, entre lesquels l'acheteur public doit arbitrer67. Or,
le défaut d'informations quant au prix de revient réel de ce bien
ou service (i.e. son coût global, tout au long du cycle de vie) ne permet
pas fondamentalement à l'acheteur d'effectuer son choix en
considérant l'ensemble des éléments... Un autre aspect da
la problématique est que, pour réfléchir en coût
complet, il faut pouvoir rendre compte les gains réalisés sur une
base pluriannuelle ; mais les établissements de santé ont un
cadre comptable et budgétaire calé sur un rythme annuel. Enfin,
en ces temps caractérisés par de fortes tensions
budgétaires, tout surcoût à court-terme - même s'il
garantit des économies globales sur le moyen ou le long-terme - reste
controversé.
La plupart des acheteurs publics continuent d'être
considérés comme de seuls opérateurs économiques. A
ce jour, ce ne sont des experts ni en environnement ni en pratiques socialement
responsables. Et les agents techniques en charge de ces questions ou encore
les
66 SQUAREMETRIC, 8ème édition
du Baromètre Santé durable (2015).
67 MARTY Frédéric, « Les
clauses environnementales dans les marchés publics : perspectives
économiques » (working paper, 2012) faisant
référence à une étude d'Appoloni et al., (2011).
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
soutenir
la performance globale du système de santé ?
» | MBA MARPO 2014-2015
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directions juridiques des établissements de
santé n'ont, quant à eux, pas de réelle vision globale des
implications d'une démarche d'achats responsables sur l'ensemble de
l'organisation. En d'autres termes, un déficit de connaissances
et de formation caractérise la commande publique durable. Au vu
du cadre rigoureux de l'achat public, en l'absence de formation initiale ou de
" mode d'emploi unique " pour les achats responsables, nul ne saurait reprocher
aux représentants du pouvoir adjudicateur une certaine
modération, voire un attentisme sur le sujet. Pour autant, cela ne doit
pas être un prétexte à l'inaction. Et à l'image du
guide élaboré par le GEM-PS, des supports pédagogiques
existent déjà, présentant des exemples concrets et le
droit en vigueur. « L'achat durable va bien au-delà de l'impact
positif sur les plans environnemental et social. Il valorise le travail de
l'acheteur et représente une vraie source de motivation
supplémentaire pour [contribuer à la performance globale de
l'organisation].68 »
Ce qu'il faut retenir
Il ne suffit pas d'inscrire le développement durable
dans le droit de la commande publique pour que les établissements de
santé du territoire pratiquent, du jour au lendemain, les achats
responsables. Face à un tel changement de paradigme, il est
indispensable d'accompagner les acheteurs publics (cycles de formation continue
et intégration au cursus initial), de procéder à une mise
en cohérence des intentions et de la politique d'allocation des
ressources (temps, Homme, cycles de formation), et de fixer des objectifs
opérationnels, par familles de produits de santé.
68 (voir réf. ci-dessus)
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
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la performance globale du système de santé ?
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Partie 4 : Quelles perspectives en matière
d'achats publics responsables ?
La complexité de la commande publique n'est pas une
fiction. Lors d'une enquête menée par le Secrétariat
général pour la modernisation de l'action publique69,
auprès d'entreprises privées, ces dernières ont
exprimé un niveau de complexité ressentie relativement fort, lors
de l'exécution d'une réponse à une consultation
publique70. Les difficultés pointées du doigt
étant la redondance des informations demandées et le sentiment
d'inutilité des démarches à accomplir. De ce constat est
née l'idée de fascicules71 regroupant les bonnes
pratiques que les acheteurs publics doivent observer pour simplifier leurs
procédures d'achat. Une initiative française inscrite en
cohérence avec l'ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015 relative
aux marchés publics, qui transpose en droit national les Directives
européennes72 sur la simplification des marchés
publics et constitue une première étape vers la création
d'un Code unique.
L'article 30 de cette ordonnance, relatif à la
définition préalable du/des besoin(s), enrichit les
différents objectifs de développement durable susceptibles
d'être poursuivis par l'acheteur, lors de cette étape clé :
« La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont
à présent déterminés avec précision [...] en
prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs
dimensions économique, sociale et
environnementale73. » Un souci
d'exhaustivité rappelant que la démarche d'achats publics
responsables et durables répond également à une logique
sociale.
Ainsi, les marchés réservés aux
structures d'insertion par l'activité économique (SIAE) font leur
apparition dans le CMP. Ces marchés pourront être
réservés aux opérateurs économiques dont le but est
l'intégration sociale et professionnelle des personnes
défavorisées : entreprises adaptées ou ESAT74
employant moins de 50 % de personnes handicapées ou de travailleurs
défavorisés, selon un seuil sera fixé par
décret.
Afin de garantir plus d'équité dans la
représentativité des entreprises soumissionnaires et soutenir les
principes de non-discrimination et d'égalité de traitement, cette
ordonnance prévoit également un accès facilité aux
PME et TPE. En 2013, ces deux catégories d'entreprises ne
représentaient en effet que 30 % des contrats publics, en
valeur75.
69 Secrétariat général pour la
modernisation de l'action publique, « Etude par
événements de vie sur la complexité - volet entreprises
» (2013)
70 Cumul des réponses « assez
compliqué » et « très compliqué » : 54 %
des répondants.
71 Direction des Affaires Juridiques du
Ministère chargé de l'Économie et des Finances, «
Acheteurs publics : 10 conseils pour réussir » « Acheteurs
publics : simplifiez-vous l'achat ! » (fascicules, juin 2015).
72 Directive 2014/24/UE du Parlement
européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des
marchés publics, abrogeant la Directive 2004/18/CE.
73 Ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015
relative aux marchés publics, transposant les Directives
européennes sur la simplification des marchés publics.
74 Etablissements et services d'aide par le
travail.
75 BatiJournal, « Plus de commande publique
pour les PME » (article du 27 juillet 2015).
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
soutenir
la performance globale du système de santé ?
» | MBA MARPO 2014-2015
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Mais les évolutions apportées par ce projet de
simplification de la commande publique ne s'arrêtent pas là. En
réunissant toutes les règles relatives aux marchés publics
dans un seul et même texte, en d'autres termes, en ayant recours à
l'unification des documents (et non « l'unification des règles
»), l'Etat entend donner au pouvoir adjudicateur la possibilité de
passer moins de temps à vérifier qu'un dossier de candidature est
complet...et plus de temps à analyser son contenu. L'un des aspects de
cette démarche de simplification, prévu par l'ordonnance
n°2015-899, est la dématérialisation du dossier de
consultation. A l'avenir, une plateforme documentaire de type coffre-fort
numérique permettra à l'acheteur et aux soumissionnaires de
déposer et partager l'ensemble des données essentielles au
marché, sous un format ouvert et réutilisable. Ainsi, l'acheteur
ne sera plus tenu de demander des documents qu'il aurait déjà
obtenus lors d'une consultation antérieure et qui seraient toujours
valides, conformément au programme « Dites-le nous une fois
».
Parce que les marchés publics comptent parmi les
instruments en capacité d'encourager fortement l'innovation, qu'elle
soit sociale et/ou environnementale, cette ordonnance prévoit enfin de
transformer la commande publique hospitalière en un véritable
moteur de croissance : « L'innovation apparaît aujourd'hui comme
un facteur déterminant de la performance du système de
santé. » L'une des actions proposées dans l'axe 3 -
« Des modalités innovantes d'achat pour une commande publique
performante » - consiste à introduire un critère
spécifique dans les appels d'offres publics ; au carrefour entre
innovation, traçabilité et transparence, et portant à la
fois sur le lieu et les conditions de fabrication du produit de santé.
Quant à l'axe 4 - « Impliquer pleinement les acheteurs publics
hospitaliers » - il vise entre autres à « abandonner la
logique d'approvisionnement et [à] sortir d'une logique
juridique pour structurer une stratégie [achats] fondée
sur le coût global et la maîtrise
budgétaire...».
La France vient également de lancer son
2ème Plan National d'Action pour les Achats Publics Durables
(PNAAPD 2015-2020), sous la supervision de la Direction Générale
Environnement de la Commission européenne 76 , afin de
soutenir toujours plus l'intégration du développement durable
à la commande publique. Sans être le pays le plus en pointe, la
France se situe toutefois dans les cinq premiers États membres en nombre
d'acheteurs publics ayant inclus des clauses sociales et environnementales dans
au moins 50 % de leurs marchés.
76 Cette instance anime et cordonne un
Comité dédié à l'achat public durable (the Green
Public Procurement Advisory group), favorise au sein de cette instance
l'échange sur les bonnes pratiques, suit la mise en oeuvre des plans
d'action nationaux et formule des préconisations auprès de la
Commission, qui élabore des guides à destination des acheteurs
publics.
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
soutenir
la performance globale du système de santé ?
» | MBA MARPO 2014-2015
|
Ce nouvel opus comprend 11 chantiers phares (voir
ci-après) et s'est fixé des objectifs ambitieux,
organisés autour de 3 axes majeurs : mobiliser les décideurs,
accompagner les acheteurs et rendre compte des progrès
réalisés.
Chantier 1
|
Rappeler les obligations ou outils et les faire appliquer
|
Chantier 2
|
Inciter les décideurs à repenser le processus achat
dans leur organisation
|
Chantier 3
|
Montrer les réussites et les avantages pour donner envie
de développer les achats durables
|
Chantier 4
|
Etudier les conditions juridiques et techniques de certains
sujets nouveaux ou complexes
|
Chantier 5
|
Sensibiliser les agents au développement durable et
à l'achat public durable
|
Chantier 6
|
Développer la formation des acheteurs publics à
l'achat public durable
|
Chantier 7
|
Soutenir et développer les réseaux d'acheteurs
publics permettant de développer les bonnes pratiques sur l'achat public
durable
|
Chantier 8
|
Améliorer la plate-forme, le site portail Internet
national dédié à l'achat public durable ainsi que
l'assistance téléphonique aux acheteurs publics
|
Chantier 9
|
Mettre à disposition des outils pour les acheteurs
publics
|
Chantier 10
|
Piloter le dispositif dans une perspective d'amélioration
continue sur plusieurs années
|
Chantier 11
|
Impliquer les parties prenantes
|
Détail des 11 chantiers du 2ème Plan
National d'Action pour les Achats Publics Durables 2015-2020
Pour respecter la feuille de route établie dans le
cadre de ce Plan, la France devra enregistrer d'ici à 2020 25 % de
marchés publics comprenant au moins une disposition sociale et 30 %
comprenant au moins une disposition environnementale. Tous les marchés
devront respecter l'article 5 du CMP (renforcé par l'article 30 de
l'ordonnance n°2015-899) et faire l'objet d'une analyse approfondie, en
matière d'objectifs de développement durable.
Des objectifs ambitieux, traduisant une volonté de
l'Etat de déployer largement la commande publique responsable et
durable.
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
soutenir
la performance globale du système de santé ?
» | MBA MARPO 2014-2015
|
Chapitre II : La performance globale : enjeux, mesure,
limites et risques associés
Partie 1 : Le concept multidimensionnel de performance
globale
Aujourd'hui, dans un contexte global d'hyper-information, la
performance des organisations est au coeur des attentes des parties prenantes.
Mise sur le devant de la scène, décryptée,
analysée, sans cesse commentée : elle apparaît comme un
antidote au climat économique morose.
Dans sa définition anglo-saxonne, la performance
renvoie au « résultat optimal qu'une machine peut obtenir
». Selon les domaines envisagés - la santé, par exemple
- la logique de rendement sous-jacente à cette définition sera
parfaitement inappropriée77. On lui préfèrera
de loin sa version en ancien français, parformer78,
et l'idée de « parfaire, améliorer, mener à bien
». Toutefois, la performance a longtemps été
appréhendée sur un plan strictement financier, avant que sa
signification ne s'élargisse progressivement... Au début des
années 1980, tous les modèles financiers de mesure de la
performance sont critiqués : l'entreprise n'est pas uniquement au
service de ses actionnaires et de ses clients (vision exclusivement externe),
elle doit également satisfaire de façon équilibrée
l'ensemble de ses parties prenantes - notamment la société
civile. Ainsi, dans les années 1990, de nombreux efforts sont
menés pour optimiser la mesure de la performance de l'entreprise, en
étendant le champ d'analyse bien au-delà des limites
financières et en développant le champ temporel, afin
d'éviter les seules analyses à court terme.
Les temps ont donc changé. Aujourd'hui, la
pérennité d'une entreprise ne dépend plus uniquement de
l'impact financier de ses activités ; elle est également
liée à ses comportements et à son exercice de
l'éthique des affaires. Dans ce cadre, le champ des
responsabilités de l'entreprise s'élargit : il ne se limite plus
aux seuls actionnaires, mais intègre également des associations,
ONG, syndicats, clients, fournisseurs... ; parties prenantes très
puissantes de par leur nombre et/ou leur niveau d'influence sur l'organisation.
Ces nouveaux acteurs exigent d'être entendus et tout processus
d'écoute mis en oeuvre devient une condition essentielle de la
performance et de la pérennité de l'entreprise.
77 Agence Nationale d'Appui à la Performance
des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP),
« En quoi les usagers et les citoyens peuvent-ils contribuer à la
performance du système de santé ? » (Actes des
Universités d'été de la performance en santé,
Tours, 28-29 août 2015).
78 Signifiant « parfaire, améliorer, mener
à bien » (Le Petit-Robert).
30
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
soutenir
la performance globale du système de santé ?
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|
Afin de bien comprendre comment les modèles
théoriques de performance ont accompagné la mutation des
Sociétés occidentales, décrypter l'influence relative de
ces courants et appréhender la transition - d'un modèle de
performance stricto sensu à un modèle de performance globale - il
convient de suivre l'évolution de la dimension partenariale, à
travers le tableau de synthèse présenté
ci-après.
Synthèse des théories sur la
RSE79
Théorie
|
Type de modèle
|
Brève description
|
Références clés
|
THEORIES INSTRUMENTALES
Obtenir des résultats économiques à
travers les activités sociétales
|
Valeur pour l'actionnaire
|
Maximisation de la valeur long terme
|
Friedman, 1970 Jensen, 2000
|
Avantage stratégique compétitif
|
Investissement social en contexte de compétition
|
Porter et Kramer, 2002
|
Stratégies fondées sur les ressources naturelles et
la capacité dynamique de l'entreprise
|
Hart, 1995 Lizt, 1996
|
Stratégies du bas de la pyramide économique
|
Prahalad et Hammond, 2002 Hart et Christensen, 2002 Prahalad,
2002
|
Marketing de causes
|
Activité altruiste reconnue par la société
comme instrument de marketing
|
Varadarajan et Menon, 1988
Murray et Montanari, 1986
|
THEORIES POLITIQUES
Viser un usage responsable de l'influence politique
des entreprises
|
Corporate Constitutionalism
|
La responsabilité sociétale des entreprises
provient de l'importance leur influence sur la société
|
Davis, 1960, 1967
|
Contrat social
|
Un contrat social entre entreprises et société
|
Donaldson et Dunfee,
1994, 1999
|
Citoyenneté d'entreprise
|
L'entreprise est conçue comme un citoyen qui a un certain
engagement dans et vis-à-vis de la communauté
|
Wood et Logson, 2002 Andriof et McIntosh, 2001
Matten et Crane, 2004
|
79 Garriga, et al. (2010).
31
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
soutenir
la performance globale du système de santé ?
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|
Théorie
|
Type de modèle
|
Brève description
|
Références clés
|
THEORIES INTEGRATIVES
Intégrer la demande sociétale
|
Management par les enjeux
|
La réponse des entreprises aux problématiques
sociales et politiques qui peuvent les impacter de façon
significative
|
Sethi, 1975 Ackerman, 1973 Jones, 1980 Vogel, 1986 Wartick et
Mahon, 1994
|
Responsabilité publique
|
Loi et processus des politiques publiques pris comme
référence pour la performance sociétale
|
Preston et Post, 1975, 1981
|
Management des parties prenantes
|
Prendre en compte les intérêts des parties prenantes
de l'entreprise
|
Mitchell et all, 1997 Agle et Mitchell, 1999 Rowley, 1997
|
Performance sociétale
|
Légitimité sociale et processus donnant des
réponses appropriées aux enjeux sociétaux
|
Carroll, 1979 Wartick et Cochran, 1985
Wood, 1991 Swanson, 1995
|
THEORIES ETHIQUES
Intégrer ce qui est juste pour construire une bonne
société
|
Théorie normative des parties
prenantes
|
Obligations vis-à-vis des parties prenantes de
l'entreprise, en référence à des théories morales
(Kantiennes, Utilitariste, théorie de justice...)
|
Freeman, 1984, 1994 Evant et Freeman, 1988 Donaldson et Preston,
1995
Freeman et Phillips, 2002
Phillips et Al, 2003
|
Droits universels
|
Cadre fondé sur les Droits de l'Homme, le droit du
travail et le respect de l'environnement
|
Global Sullivan Principles, 1999 UN Global Compact, 1999
|
Développement durable
|
Vise le développement humain, considérant les
générations présentes et futures
|
Brundtland, 1987 Gladwin et Kennelly, 1995
|
Biens communs
|
Orienté vers les biens communs de la
société
|
Kaku, 1997
Alford et Naughton, 2002
Melé, 2002
|
Conformément à la définition
proposée par la Commission européenne, « la
responsabilité sociétale d'entreprise est un concept qui
désigne l'intégration volontaire, par les entreprises, de
préoccupations sociales et environnementales à leurs
activités commerciales et leurs relations avec leurs parties
prenantes80. »
Pour être qualifiée de «
sociétalement responsable », l'entreprise doit
impérativement aller au-delà des obligations imposées par
les conventions collectives et au-delà des exigences légales en
vigueur.
80 Livre Vert (juillet 2001, page 8).
32
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
soutenir
la performance globale du système de santé ?
» | MBA MARPO 2014-2015
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Une entreprise sociétalement responsable se singularise
par le fait, notamment, de :
- se projeter dans l'avenir et de bâtir des
stratégies à moyen terme (plutôt que sur le
court terme) ;
- faire participer ses salariés à sa construction,
à son évolution, à sa stratégie, à ses
processus de décision ;
- concevoir les ressources humaines comme un domaine
stratégique avec des
préoccupations fortes d'épanouissement et
d'employabilité des salariés ;
- développer de manière structurée le
dialogue avec et entre ses différentes parties
prenantes ;
- fonder la relation client-fournisseur sur un socle de valeurs
équitables et durables ;
- mettre l'innovation au coeur de sa stratégie ;
- respecter son écosystème ;
- avoir une forte préoccupation de la
société civile et favorise l'implication de ses
représentants dans la vie de la cité.
Les composantes de la RSE (Mercier, 2004 ; Carroll,
1991)
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
soutenir
la performance globale du système de santé ?
» | MBA MARPO 2014-2015
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Schéma de la performance globale (Reynaud,
2003)
Une entreprise sociétalement responsable propose une
combinaison de facteurs humains, organisationnels, techniques et financiers qui
ne s'avère efficace que dans un contexte donné. En effet,
l'expérience révèle que les trois objectifs du
développement durable - la prospérité économique,
la justice sociale et la qualité environnementale - ne s'harmonisent pas
spontanément.
De fait, viser la performance suppose de concilier des
intérêts souvent opposés, donc de trouver des arbitrages et
des compromis susceptibles de satisfaire les différentes
catégories de parties prenantes concernées. Perceptible à
travers toute la chaîne de valeur, cet impératif de conciliation
répond à une logique transversale ; à l'opposé de
l'approche classique verticale, qui découpe l'entreprise en centres de
profit. La performance se construit alors dans la coopération, avec le
souci de ne présenter aucune défaillance dans la chaîne de
valeur.
?Plus que jamais, la performance globale est donc un
processus transversal d'arbitrage.
Les domaines couverts par la performance globale, son
périmètre, son niveau d'intégration et les indicateurs
clés (KPI) sensés la piloter sont intimement liés à
la vision et à la place accordée à la
responsabilité sociétale au sein de l'entreprise - depuis une
vision traditionnelle financière (i.e. une vision « shareholders
») jusqu'à une vision intégrative des parties prenantes
(i.e. une vision « stakeholders »). Pour atteindre une performance
globale, les indicateurs clés doivent être reconnus tant pas les
dirigeants que par les parties prenantes de l'entreprise, suite à une
décision obtenue par consensus.
?La performance globale est un processus
stratégique intégrateur.
Ce qu'il faut retenir
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
soutenir
la performance globale du système de santé ?
» | MBA MARPO 2014-2015
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?Parce qu'elle naît d'un compromis entre les
différentes parties prenantes, la performance globale relève
d'une convention sociale co-construite et
négociée. Elle peut être rapprochée de la
théorie des « communs81 » -
développée, notamment, par Elinor Ostrom - qui considère
un ensemble de ressources partagées, jugées essentielles à
la Société et qui constituent un point de ralliement consensuel
de tous les acteurs (par ex : l'air, l'eau, la biodiversité, le savoir,
la culture, la santé...).
L'usage veut que la mesure de la performance soit
principalement abordée sous l'angle « business case ». Aussi
les approches comptables de la performance globale s'efforcent de rapprocher la
dimension économique à l'une des deux autres dimensions - sociale
ou environnementale (intégrant du « human case » ou du «
green case »82). En résultent des approches dites de "
comptabilité sociale " ou " écologique ", qui tendent à
mettre en lumière les coûts et les investissements liés aux
domaines sociaux et environnementaux : coûts cachés83 ;
coûts ou investissements visant à améliorer la
qualité sociale ou environnementale ; balance
coûts-bénéfices qui en découle...
Dans le cadre du Protocole de Kyoto, par exemple, le
mécanisme des externalités liées aux émissions de
CO2 et autres gaz à effet de serre 84 a fait rentrer
directement cet aspect de la performance environnementale dans la performance
comptable et financière des entreprises. La bottom line du
compte de résultat représentant ainsi une performance
financière résiduelle, après la prise en compte de
l'ensemble des coûts sociétaux. Ce type d'approche positionne
ainsi la performance globale comme une contribution à
l'amélioration du couple valeur créée/coûts
engendrés85. Mais l'instrumentation comptable de la
performance globale reste encore embryonnaire et sujette à de nombreux
débats, à commencer par sa compatibilité difficile avec la
théorie des communs évoquée précédemment.
81 Ressource partagée par une communauté
d'individus et collectivement gérée selon des règles
propres.
82 Bieker et Gminder (2001).
83 Savall, 1987.
84 Mécanisme du marché des permis
d'émission, réintroduit à partir de 2005.
85 Prolongement de la théorie d'Ernult
(2005).
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
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la performance globale du système de santé ?
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Partie 2 : La performance globale, exercice de la
responsabilité sociétale ou indicateur de mesure ?
Dans la littérature relative à la
responsabilité sociétale d'entreprise, les principaux
auteurs86 ne définissent pas la notion de « performance
sociétale ». La performance est ainsi amalgamée à
l'exercice de la responsabilité sociétale, sans que la question
de son évaluation ne soit réellement abordée.
Pour autant, le terme « performance » englobe bien
aujourd'hui tant la notion d'accomplissement d'un processus, avec les effets
qui en découlent (i.e. performance action), que la reconnaissance d'un
niveau de réalisation des objectifs (i.e. performance résultats,
avec l'idée d'une étape franchie). Cette deuxième
définition, largement répandue, présente la performance
telle une donnée relative : elle ne présente
d'intérêt qu'adossée à la concurrence, dans une
logique de comparaison. Certains87 vont même jusqu'à
affirmer qu'elle n'existe pas de fait : elle émerge de
l'évaluation relative à une référence ou à
un objectif.
Force est de constater que les dispositifs actuels
d'évaluation de la performance globale sont relatifs aux attentes des
parties prenantes et mesurés par des agents extérieurs à
l'entreprise : notation extra-financière, classements et prix,
enquêtes de réputation (voir tableau ci-dessous). Un
phénomène logique, étant entendu que l'évaluation
de la performance globale doit permettre l'intégration cohérente
des trois dimensions du développement durable, sur des frontières
plus larges que le seul périmètre juridique de l'entreprise.
CREATION DE VALEUR DESTINATAIRE DE
L'EVALUATION
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Pour le(s) actionnaire(s)
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Pour les parties prenantes
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Destinataires externes :
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Comptabilité financière Reporting financier
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Notation extra-financière Reporting
extra-financier
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Investisseurs, analystes...
(fonction de rendre compte)
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Destinataires internes :
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Comptabilité et contrôle de gestion
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Analyse de matérialité
Dialogue social et avec les autres parties prenantes
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Direction, Managers...
(fonction de pilotage)
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86 Caroll (1979) et Wood (1991).
87 Bourguignon (1997).
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
soutenir
la performance globale du système de santé ?
» | MBA MARPO 2014-2015
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Différents outils et acteurs partagent
l'évaluation de la performance globale. Le présent document
n'entend pas établir un recensement exhaustif de ces dispositifs, mais
explorer les plus reconnus et utilisés.
Le Balanced Scorecard88 (BSC)
Présenté par ses concepteurs89 comme
un tableau de bord facilitant l'évaluation de la stratégie et la
mesure de la performance, le BSC est une combinaison de mesures
financières et opérationnelles, classées selon quatre
dimensions :
? les résultats financiers ; ? la satisfaction des clients
;
? les processus internes ; ? et l'apprentissage
organisationnel.
Lors que le Balanced Scorecard est lancé, en 1992 aux
Etats-Unis, l'outil est le premier à mettre en exergue l'importance
d'indicateurs non-financiers dans l'évaluation de la performance. Un
véritable changement de paradigme, pour l'époque ! Pourtant, on
reprochera au BSC de créer une hiérarchie entre les quatre
dimensions, subordonnant les trois derniers axes aux résultats
financiers, et de rester ainsi très orienté résultat : les
compétences humaines (axe apprentissage organisationnel)
permettent d'améliorer la productivité et la qualité
des services (axe processus internes) qui, à leur tour,
contribuent à la satisfaction des clients et servent les
objectifs financiers de l'entreprise. Plusieurs versions optimisées du
modèle verront le jour : depuis le Sustainability Balanced
Scorecard90 (SBSC) jusqu'au Total Balanced
Scorecard91 (TBSC), en intégrant au passage un
cinquième axe - l'axe sociétal92.
?Malgré ses évolutions successives, le Balanced
Scorecard se trouve confronté à une réalité : la
mesure effective d'une performance intégrée (ou performance
globale), qui ne soit pas exclusivement orientée vers les
résultats financiers, reste très problématique. Les
pratiques restent focalisées sur les indicateurs faciles à
renseigner, d'autres aspects plus qualitatifs sont mal pris en compte et les
liens de causalité ne sont presque jamais analysés. Selon
certains, par ailleurs, « considérer qu'une organisation se
comportant en entreprise citoyenne influencera favorablement sa valeur
actionnariale, tel que le supposent Kaplan et Norton, constitue pour le moins
une assertion restant à démontrer93.
»
88
http://balancedscorecard.org/Resources/About-the-Balanced-Scorecard
89 Kaplan et Norton (1998).
90 Hockerts (2001) : extension du BSC initial,
composée en partie d'indicateurs mesurant la performance
environnementale et sociale des entreprises.
91 Supizet (2002) : le TBSC repose sur une
série de relations causales entre les six parties prenantes en jeu : les
actionnaires, les clients, les usagers, l'entreprise elle-même en tant
que personne morale, les partenaires, le personnel et la
collectivité.
92 Bieker (2002).
93 Germain et Trébucq (2004).
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
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La Triple Bottom Line94 (TBL)
Développée par John Elkington, l'approche
anglo-saxonne de la performance globale reprend l'idée d'une triple
contribution de l'entreprise à la prospérité
économique, à la qualité de l'environnement et capital
social, illustrée à travers un triple bilan - social,
environnemental et comptable. Ce modèle est aujourd'hui mondialement
connu pour son concept des « 3 P » : people, planet, profit.
?Dans la pratique, la TBL reste encore un bilan
segmenté en trois parties établies de manière
séparée, pour être ensuite compilées, sans tenir
compte des corrélations existant entre elles. Un schéma de
causalité fait défaut à ce modèle, afin de l'ancrer
dans une dynamique intégrative de performance globale.
ISO 2600095
La norme ISO 26000 est un référentiel
international qui vise à fournir aux organisations des lignes
directrices pour la mise en oeuvre d'une démarche de
responsabilité sociétale. Etabli par consensus, ce document donne
un cadre de comportement à tout type d'organisation (entreprise,
collectivité, ONG, syndicat...) - quelle que soit sa taille ou ses
domaines d'actions - dans le respect des grands textes fondateurs.
L'ISO 26000 invite les organisations à articuler leur
démarche autour de sept questions
centrales : · la gouvernance de l'organisation ;
· les droits de l'Homme ;
· les relations et conditions de travail ; ·
l'environnement ;
· les bonnes pratiques des affaires ;
· les questions relatives aux consommateurs ;
· et l'engagement sociétal.
La manière dont une entreprise s'inscrit au coeur de
la Société et de son environnement, la façon dont elle
contribue à la bonne santé et au bien-être de son
écosystème, sont autant de facteurs décisifs pour la
poursuite de ses activités. C'est la raison pour laquelle ces
paramètres sont regardés de près, lors de
l'évaluation de la performance globale.
?Si la portée internationale et universelle de la
norme ISO 26000 constitue un atout de taille, le fait qu'elle ne soit pas
certifiable génère de nombreux débats. Aussi le rôle
de l'ISO 26000 est - à date - essentiellement pédagogique, mais
il s'agit d'un guide méthodologique dont s'inspirent beaucoup d'autres
référentiels. Par ailleurs, cette norme volontaire est souvent
considérée comme un référentiel ISO en plus, si ce
n'est le référentiel "de trop", du fait qu'elle englobe de
nombreux systèmes de management pour lesquels certaines entreprises ont
déjà obtenu une certification.
94
http://www.ibrc.indiana.edu/ibr/2011/spring/article2.html
95
http://groupe.afnor.org/animation-iso26000/index.html
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La Global Reporting Initiative96
(GRI)
Né en 1997, de la collaboration entre le Coalition for
Environmentally Responsible Economies (CERES) et le Programme des Nations Unies
pour l'Environnement (PNUE), la GRI réunit des ONG, cabinets de conseil
et d'audit, collectivités territoriales, associations et bien sûr,
des entreprises. Fidèles au schéma des « 3 pétales du
développement durable », les premières versions de la GRI
ont pu être critiquées pour leur absence d'indicateurs de mesure
des interactions entre les différentes sources de performance.
Fin 2013, l'organisation répond à ces critiques
avec le lancement de la GRI-G4, qui développe ou introduit de nouveaux
concepts. Parmi eux, la notion de « Matérialité » ou
une incitation forte à focaliser son reporting sur les enjeux RSE les
plus pertinents et les plus matériels par rapport à son secteur
d'activité. La GRI-G4 met également l'accent sur «
l'approche managériale97 », dont la vocation est de
fournir des informations détaillées quant au mode
d'identification, d'analyse et de réponse de l'entreprise pour ses
impacts économiques, environnementaux et sociaux - réels et
potentiels - et ce pour chaque enjeu matériel identifié. Une
manière de passer d'une logique de transparence et de reporting
extra-financier pur à une logique de performance et de pilotage du
reporting extra-financier.
?Si la GRI est l'outil de reporting RSE par excellence, dans
le monde, il souffre du même écueil que la norme ISO 26000 : il
s'agit d'une démarche volontaire, donc non imposée. L'autre
difficulté majeure de la GRI est que ce référentiel entre
parfois en conflit avec des réglementations légales nationales
qui présentent, elles, un caractère obligatoire et dont les
consignes de reporting - tant en termes d'indicateurs qu'en termes de
méthodologie - n'insufflent pas le même élan que la Global
Reporting Initiative.
Les indices boursiers socialement responsables
Apparus en Europe vers la fin des années 1990, les
indices boursiers socialement responsables sont des indices tournés vers
l'éthique sociale, le développement durable et la
préservation de l'environnement.
Les grands indices boursiers socialement responsables en
Europe sont : FTSE4Good, Euronext Vigeo, ESI (Ethibel Sustainability Index),
Gaïa Index et le DJSI (Dow Jones Sustainability Index World). Tous ces
modèles de notation se singularisent par leur choix de
méthodologie, des critères d'évaluation ciblés, les
zones géographiques considérées, la taille des entreprises
comparées ou encore le nombre de titres inclus.
D'après Jean-Philippe Rayssac (Institut RSE
management) qui le perçoit comme le questionnaire le plus challengeant,
« le DJSI s'appuie sur une analyse approfondie d'un certain nombre de
critères tels que la gouvernance de l'entreprise, la ges on des risques,
la lu e contre la corrup on ou les normes rela ves à la chaine
d'approvisionnement et les
96
https://www.globalreporting.org/standards/g4/Pages/default.aspx
97 DMA pour disclosure of management approach.
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conditions de travail ». Les items à
renseigner afin d'intégrer cet indice boursier responsable sont mis
à jour régulièrement et la méthode d'analyse
fournie par l'agence de notation RobecoSAM est très orientée sur
la matérialité des enjeux, avec une approche économique
étayée. « [Le DJSI] est reconnu, car il sort de
la vision classique de la RSE pour s'intéresser vraiment à la
durabilité du business de l'entreprise, ce qu'on ne retrouve pas
forcément chez d'autres agences de notation. »
?La principale limite des indices boursiers socialement
responsables est que le gage d'évaluation de performance globale qu'ils
apportent est exclusivement réservé aux
sociétés...cotées en bourse ! La tendance à
réduire le paysage économique français aux seules
entreprises du CAC 40 est pourtant loin de la réalité. En France
en 2013, les PME représentaient 99,8 % de la population des entreprises
nationales et près de 60 % de la valeur ajoutée98,
avec seulement 562 entités juridiques cotées en bourse ! Qui plus
est, en l'absence d'un consensus méthodologique, la portée de ces
indices - pourtant reconnus - semble discutable. Cela pourrait être
intéressant, par exemple, que les agences attribuant ces indices
précisent le niveau de pluralisme des points de vue pris en compte dans
leur évaluation.
La notation extra-financière
Le rôle des agences de notation extra-financière
consiste à évaluer les politiques environnementales, sociales et
de gouvernance (critères dits « ESG ») des entreprises. Ces
notations, qui permettent de comparer entre elles les politiques ESG des
émetteurs de titres, sont utilisées par les
sociétés de gestion - en plus des critères de performance
économique habituels - pour composer les fonds ISR99 que
celles-ci proposent à leurs clients. Une notation
extra-financière peut ainsi être effectuée à la
demande d'investisseurs qui veulent estimer la responsabilité sociale
d'une entreprise avant de l'intégrer à leur portefeuille. Dans ce
cas, la notation est qualifiée de « déclarative » :
elle donne lieu à une analyse réalisée à partir de
documents publics portant sur l'entreprise ciblée.
Mais la notation extra-financière peut
également être sollicitée par une entreprise
désireuse d'évaluer sa propre performance globale (ou performance
sociétale), indépendamment de toute démarche visant
à rejoindre un fond ISR. Il s'agit alors d'une notation dite «
sollicitée » ou « approfondie », reposant sur une analyse
documentaire " de proximité " : enquêtes terrain, interview des
dirigeants, audit auprès des filiales mais aussi auprès des
clients et fournisseurs.
98
http://www.bpifrance-lelab.fr/Ressources/Ressources-Bpifrance-Le-Lab/Rapport-sur-l-evolution-des-PME-2014
99 Investissement socialement responsable.
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C'est la comparaison des scores, par secteur, qui permet de
dégager un classement global et d'attribuer un rating pour
l'entreprise.
Les agences de notation extra-financière, dans la
mesure où elles analysent un certain nombre d'organisations selon des
critères ESG couvrant les différents volets de la RSE, disposent
d'un ensemble de données extra-financières extrêmement
qualitatives. Aussi, certaines ont décidé de créer leur
propre indice boursier socialement responsable et proposent un accompagnement
personnalisé aux entreprises qui souhaiteraient le
rejoindre100.
?Comme évoqué dans le cas
précédent, la diversité des méthodes
employées et les différences de périmètre du champ
d'analyse ne permettent pas de dégager un consensus en matière de
performance globale. De plus, dans le cas d'une notation «
déclarative », le processus d'analyse ESG ne se concentre pas
explicitement sur les parties prenantes (contrairement à la notation
« sollicitée »). Enfin, si la quasi-totalité des
organisations passées au crible des critères ESG sont des
sociétés cotées en bourse, la démarche reste
parfaitement accessible à une entreprise non cotée qui
souhaiterait, par exemple, procéder à une notation «
sollicitée », en vue de mieux se comparer à ses
concurrents.
La plateforme SaaS101 d'évaluation de la
performance globale
Autre acteur sur le marché : les
sociétés proposant un outil d'évaluation de la performance
globale et de dialogue 2.0. entre acheteurs et fournisseurs. L'un d'eux -
EcoVadis102 - se présente comme une plateforme
d'évaluation des organisations, au service de pratiques d'achats
responsables. Réalisant entre 12 000 et 14 000 évaluations par
an, sur 150 secteurs et dans 140 pays, Ecovadis dispose d'un cadre
méthodologique inspiré des standards internationaux du
développement durable - dont la GRI, le Global Compact et la norme ISO
26000.
Cette méthodologie consiste en un questionnaire
comptant entre 20 et 90 questions, adapté selon le secteur
d'activités de l'entreprise ciblée ; dont les réponses
seront enregistrées depuis la plateforme en ligne puis analysées,
avant attribution d'une note sur 100 (valable 1 an). Cette approche s'organise
autour quatre thèmes : l'environnement, le social, l'éthique des
affaires et les achats responsables. La note obtenue par l'entreprise
répondante correspond à la moyenne pondérée de ses
quatre notes, par thème103. Pour chacun des thèmes
précités, sept indicateurs de management sont analysés,
chacun étant évalué selon trois dimensions (les Politiques
mises en oeuvre, les actions menées et le pilotage des
100 Toutefois, ce n'est pas le cas de toutes les
agences de notation extra-financières, dont certaines ont fait le choix
de concentrer leurs activités sur cette seule prestation de services.
101 Software as a service.
102
http://fr.ecovadis.com/what-we-do/
103 Pour information, la note moyenne obtenue sur la
plateforme Ecovadis, tous secteurs d'activités confondus, est de
42/100.
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la performance globale du système de santé ?
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résultats). Ainsi, l'évaluation de la
performance globale des entreprises repose sur un ensemble de 84
critères transversaux, adaptés aux caractéristiques du
marché considéré. Cette mesure de la performance globale
permet à l'entreprise de piloter de façon autonome sa
responsabilité sociétale, grâce à un tableau de bord
interactif ; d'exploiter et de communiquer ses indicateurs de performance
à quiconque la solliciterait sur le sujet104 ; et de
visualiser rapidement les axes d'amélioration.
? Outre le fait qu'une entreprise doive payer (certes, une
somme minime) pour se soumettre à cette évaluation, il est
regrettable que le détail de l'analyse de sa performance ne soit pas
disponible, gratuitement, pour tout autre adhérent Ecovadis qui
souhaiterait le consulter. Cela permettrait à plusieurs donneurs d'ordre
examinant la performance d'un même fournisseur de prendre connaissance
des informations RSE le concernant, dans une logique de mutualisation et
d'optimisation des coûts.
Parmi les cadres méthodologiques balayés, aucun
ne semble apporter de réponse claire à la question complexe de la
performance globale ; ni se distinguer de façon unanime et consensuelle
comme référentiel " labellisable " de cette mesure.
?Beaucoup peinent à intégrer
concrètement les trois volets du développement durable
(performance partielle), d'autres proposent une approche sciemment
segmentée et orientée (performance dirigée) ; certains
sont accessibles à tout type d'acteurs économiques, tandis que
d'autres sont implicitement réservés aux organisations les plus
matures... On rencontre bien quelques tentatives d'évaluation des
interfaces économique-social ou économique-environnemental, mais
aucune initiative capable d'intégrer de manière harmonieuse les
trois domaines du DD à la fois. Ce serait également un leurre que
d'envisager la mesure de la performance globale comme une simple juxtaposition
d'un ensemble de « sous-performances thématiques », même
selon une logique inclusive.
?La théorie des parties prenantes, quant à
elle, ne semble pas compatible, à date (trop prématurée
?), avec la mesure de la performance globale. A l'heure où certaines
entreprises s'engagent timidement dans le co-développement de leur
stratégie ou de leurs actions RSE, aux côtés des parties
prenantes, envisager d'atteindre un compromis sur les indicateurs clés
de pilotage de cette performance globale semble illusoire.
?Comme dans toute approche multicritères,
l'équilibre entre les différentes dimensions du
développement durable dépend des priorités des
décideurs et peut évoluer, au fil du temps,
104 Y compris à un autre donneur d'ordres désireux
de connaître son niveau de performance globale - tout en
bénéficiant de la caution « Ecovadis-checked ».
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
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la performance globale du système de santé ?
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selon les acteurs et leurs rapports de force.
L'évaluation de la performance globale ne peut donc pas être
déconnectée du jeu des acteurs qui la mettent en oeuvre.
Et là encore, pour assumer son rôle de
façon optimale, un système de mesure de la performance globale
doit s'inscrire dans le prolongement de la mission que s'est fixée
l'entreprise, des objectifs stratégiques qui en découlent et des
moyens mis en oeuvre pour les atteindre. « Vouloir évaluer la
performance d'un système d'exploitation quand l'outil de mesure a
été créé dans le vide, c'est-à-dire en
l'absence de données sur la planification stratégique, ferait
prendre le risque de déconnecter la mesure et la stratégie.
Autrement dit, de passer à côté du but
recherché.105 »
Ce qu'il faut retenir
Il est, aujourd'hui, légitime de se demander si la
performance sociétale est réellement un but en soi ou s'il s'agit
d'un moyen permettant de servir d'autres objectifs - financiers, par exemple.
En témoigne le développement des méthodes de
monétarisation des externalités ou de calcul des actifs
immatériels, fortement sollicitées par des entreprises qui ne
tentent pas uniquement de chiffrer le coût global de leurs impacts mais
également de mesurer le ROI106 de leurs actions RSE. La
réponse à cette interrogation tient probablement à la
dimension temporelle envisagée, selon que l'on évolue dans une
organisation court-termiste, constamment rivée sur la bottom
line du bilan comptable, ou que l'on bénéfice de la
confiance et du soutien d'une équipe dirigeante prête à
accepter - dans une certaine mesure - la logique du coût global et du
« retour sur investissements différé »... Une certitude
: l'échange et le dialogue sont des éléments clés
de la performance globale. Pour preuve, le panorama des attentes
croisées de la société civile et de la communauté
économique - réalisé en 2015 par l'Institut du Management
RSE - révèle des décalages significatifs entre
l'appréhension des enjeux RSE par les acteurs économiques
(plutôt pro-environnementaux) et le grand public (qui exprime nettement
une attente sociale)107.
105 Atkinson et al. (1997).
106 Retour sur investissements.
107 Institut Management RSE / CSR Metrics France, «
L'Observatoire des enjeux RSE 2015 : état des attentes RSE en
France, vues par la société civile et la communauté
économique, et leur utilisation dans l'analyse de la
matérialité des enjeux RSE des entreprises »
(février 2015).
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Partie 3 : Limites et débats portant sur la
performance globale et son évaluation
Nous vivons une époque charnière, «
où l'ancien monde ne veut pas mourir et où le nouveau monde ne
parvient pas à naître108. » Dans ce
contexte, les enjeux RSE sont autant de risques et opportunités qui
expriment les attentes et les besoins de la société civile
à l'égard des entreprises. Des enjeux devenus éminemment
stratégiques et présentant une grande variété dans
leur niveau de criticité, leur portée géographique, leur
degré de spécificité et leur dynamique (selon qu'ils
régressent ou qu'ils augmentent) ; ils occupent aujourd'hui une
sphère d'activités et d'influence de plus en plus large ; et sont
à la fois globaux, régionaux, sectoriels et
évolutifs109.
Pour autant, la demande formulée aujourd'hui aux
entreprises est claire : d'abord ne pas nuire110, puis contribuer
à la vie sociale.
Observatoire des enjeux de la RSE / Institut de la RSE (mars
2015)
108 Commissariat Général au Développement
durable, « Penser autrement les modes de vie ».
109 Etude Global Risks (2015).
110 « Primum non nocere... »,
parallèle avec les premiers mots du serment d'Hippocrate.
Ce qu'il faut retenir
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Dans ce contexte, la notion de « performance globale
» renferme beaucoup de subjectivité. Une subjectivité
liée non seulement aux approches de la responsabilité
sociétale, rarement exhaustives ; mais également au double niveau
d'interprétation du concept : la performance en tant qu'action et la
performance en tant que résultat. L'appréciation de la
performance globale étant d'autant plus partiale que « chacun voit
midi à sa porte » et jauge le niveau de performance RSE d'une
organisation à la lumière de sa propre vision et, a fortiori, des
avantages dont il/elle pourrait bénéficier dans le cadre d'une
collaboration. Ainsi, mesurer la performance globale répond à une
logique parcellaire.
Comme évoqué précédemment, le
concept de performance globale souffre d'un manque de consensus ou, tout du
moins, d'un référentiel éprouvé en la
matière proposant un cadre méthodologique intégratif. A
défaut, les entreprise dissocient les mesures de performance et
maintiennent artificiellement le mythe d'une possible conformité
simultanée de divers intérêts conflictuels, en assurant une
forme d'équilibre entre eux111. Dans les faits, pourtant, la
performance économique est presque toujours privilégiée :
les individus confrontés à des injonctions contradictoires ayant
tendance à négliger un des deux messages émis,
généralement celui qui engendre le moins d'impacts
négatifs pour leur organisation112.
Enfin, la performance globale est un processus actif, inscrit
dans le temps et en perpétuel mouvement. Toute la difficulté de
son appréciation est de ne pas tomber dans l'écueil de " l'image
à l'instant T " et de trouver un équilibre réaliste entre
évaluations intermittentes et évaluation en continu.
Si un consensus ne saurait être établi par
l'ensemble des acteurs externes, une organisation peut néanmoins soigner
sa performance globale en adoptant une stratégie RSE holistique et
cohérente. En d'autres termes, en bannissant tout décalage entre
le « dire » et le « faire » [Voir Annexe 4]. Dans
la pratique, l'exercice est plus complexe qu'il n'y paraît113,
mais il permet de réduire certains déséquilibres ou
frustrations ressentis par les parties prenantes - qui ont parfois le sentiment
d'être réduites au statut de variable d'ajustement. Or l'un des
principaux leviers d'action de la performance globale est la notion de «
contrat », à savoir les objectifs de progrès co-construits
avec ses parties prenantes en vue d'apaiser, d'innover et de nourrir des
démarches de durabilité114.
111 N. Antheaume (2005).
112 Le Roy (1996).
113 La mise en oeuvre d'un système de performance
globale dépend du degré de volonté des dirigeants pour
confronter leur stratégie de conformité, voire
d'évitement, aux intérêts de leurs parties prenantes
(Oliver, 1991).
114 Institut Management RSE / CSR Metrics France, «
L'Observatoire des enjeux RSE 2015 : état des attentes RSE en France,
vues par la société civile et la communauté
économique, et leur utilisation dans l'analyse de la
matérialité des enjeux RSE des entreprises »
(février 2015).
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Partie 4 : Quels risques encourus à ne pas inscrire ses
activités dans une logique de performance globale ?
La responsabilité sociétale de l'entreprise
repose avant tout sur une démarche volontaire. Le droit en la
matière est souvent qualifié de mou (ou « soft law
»), c'est-à-dire qu'il est peu contraignant et ne
prévoit pas - ou peu - de sanction en cas d'inaction. Aussi la RSE peut,
au premier abord, donner à penser qu'elle ne répondre d'aucun
mécanisme de contrôle des risques. Pourtant, certains aspects de
la responsabilité sociétale - notamment plusieurs enjeux sociaux
- ainsi que plusieurs jurisprudences récentes contraignent peu à
peu les entreprises à respecter au minimum leurs engagements - y compris
ceux décrits dans des documents internes tels que leurs codes
éthiques, leurs accords sociaux, leurs brochures commerciales ou
marketing. En outre, les sanctions liées à des enjeux de
responsabilité sociétale peuvent porter préjudice aux
entreprises, de façon directe mais aussi indirecte. Elles
affectent essentiellement la réputation de la marque et son
attractivité sur les marchés, sans compter les impacts
négatifs recensés au niveau de leurs produits et services (baisse
des ventes, mauvaise presse, boycott...).
Sans équivoque, il existe bien un lien fort entre les
principes, les objectifs et la gestion des indicateurs de la
responsabilité sociétale, et les risques légaux
associés.
En 1997, Nike a vu ses ventes dégringoler suite
à la dénonciation par Amnesty International de l'exploitation
d'enfants pour fabriquer ses chaussures et ballons de foot. Shell a, pour sa
part, subi un boycott aux Pays-Bas après que le groupe ait
décidé de couler une de ses plateformes de pleine mer. Dans les
années qui ont suivi, les dérives se sont poursuivies, notamment
dans les pays pauvres transformés en ateliers textiles à bas
coût. Avant la catastrophe du Rana Plaza, survenue en avril 2013, qui a
impliqué plusieurs marques de textile - dont certaines enseignes
françaises. Autant de scandales qui, bien sûr, ont alerté
l'opinion publique sur des pratiques et dérives inacceptables. Les
réactions massives se sont transformées en pression forte sur les
marques...qui n'ont pas eu d'autres choix que de rectifier ces écarts,
d'optimiser leurs pratiques et de devenir exemplaires. « Un mal pour un
bien », en quelque sorte.
Force est de constater qu'entre ces deux extrêmes -
absence de sanction et situation de crise sociétale internationale - se
trouve un ensemble d'entreprises, qui ne savent plus vraiment à quel
Saint se vouer.
Pour répondre à leurs interrogations, l'agence
Vigeo a publié en mai 2015 un Rapport portant sur le coût de
l'inaction responsable à travers le monde 115 . Le principal
enseignement de ce document est que l'inaction sociale et
environnementale représente un coût plus élevé que
l'achat responsable - et ce, en termes de responsabilité
vis-à-vis des
115 VIGEO, « Responsabilité sociale d'Entreprise
: le coût des sanctions » (Rapport publié en mai
2015).
Ce qu'il faut retenir
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générations, de management, de gains
économiques et même d'image. Un coût non-négligeable,
d'ailleurs, puisqu'entre 2012 et 2013 le non-respect de facteurs RSE aurait
coûté plus de 95 milliards d'euros aux entreprises dans le monde,
prenant la forme de condamnations judicaires, de sanctions administratives ou
transactionnelles avec les autorités de régulation.
La frontière entre la responsabilité
sociétale des entreprises et leur responsabilité légale
est donc ténue et de plus en plus mouvante. Bien sûr, la
judiciarisation de la responsabilité sociale reste très
contrastée selon les régions, les secteurs et les domaines
d'activités considérés. Durant la période
étudiée, 1/3 des entreprises nord-américaines se sont vues
sanctionnées pour non-respect de clauses sociales et/ou
environnementales, contre 1/5 en Europe, à peine 1/10 dans la zone
Asie-Pacifique et 0,8/10 dans les pays émergents108.
15 secteurs ressortent comme particulièrement
exposés aux poursuites légales, notamment la distribution d'eau
et la gestion des déchets (50 % des poursuites), l'industrie
automobile (43 % des poursuites), l'alimentation (23 % des
poursuites), l'industrie pharmaceutique (34 % des poursuites) et
les banques (21 % des poursuites)116.
Une autre étude, menée cette fois auprès
de 2 300 entreprises américaines cotées117, a
démontré que l'action des sociétés performantes
selon les critères ESG jouissait d'un bien meilleur cours que les
entreprises ayant été moins bien notées. Il existerait
donc une corrélation entre la responsabilité sociétale de
l'entreprise et la performance financière, obtenue grâce à
un meilleur pilotage des risques ? Une troisième analyse118
semble confirmer un tel lien de causalité : 88 % des entreprises
américaines ayant adopté une démarche RSE robuste font
preuve d'une meilleure performance opérationnelle, qui se traduit dans
les flux de trésorerie.
Responsabilité sociétale et
rentabilité ne seraient donc pas incompatibles.
Il n'existe pas de "recette" pour atteindre un niveau de
performance sociétale digne des « best in class ». Pour
autant, il serait malvenu d'avancer le manque de consensus, les
difficultés à construire un cadre méthodologique
intégré ou encore les coûts engendrés par la mise en
oeuvre d'actions RSE...comme autant d'éléments de justification
pour NE PAS se lancer dans une telle démarche.
Il est de notoriété publique que la
majorité des approches sociétales responsables sont la
volonté d'un ou plusieurs individu(s), portant à bout de bras un
ensemble de valeurs durables. Des rapports d'analyse confirment même que
la performance globale constitue aujourd'hui un "garde-fou" bien plus vaste,
limitant un certain nombre de risques : réputationnel, éthique,
commercial et bien évidemment, économique.
Pis, elle assurerait une meilleure performance - et
pérennité - financière, sur le long terme.
116 VIGEO, « Responsabilité sociale d'Entreprise
: le coût des sanctions » (Rapport publié en mai
2015).
117 Robert G. ECCLES et Ioannis Ioannou George SERAFEIM,
« The impact of a corporate culture of sustainability on corporate
behavior and performance » (Harvard Business School, 2011).
118 Gordon L. CLARK, Andreas FEINER et Michael VIEHS,
« How sustainability can drive financial outperformance »
(University of Oxford and Arabesque Partners, 2014).
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
soutenir
la performance globale du système de santé ?
» | MBA MARPO 2014-2015
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Chapitre III : L'achat public responsable comme
soutien à la performance globale du système de santé,
mythe ou réalité ?
Partie 1 : La commande publique doit encourager et
développer la performance globale
S'il est un domaine pour lequel les notions de bien
commun119 et de bien public mondial sont
particulièrement pertinentes, c'est en effet la santé. Chacun
d'entre nous bénéficie du système de santé et en
retour, sa responsabilité nous incombe collectivement : l'accès
au meilleur état de santé possible et la protection de la
santé constituent des droits fondamentaux applicables à tout
être humain ; chacun est solidaire du maintien de la qualité de
notre environnement de vie et de la pérennité du système
de santé ; sa gestion et sa mise en oeuvre reposent sur la
coopération et la responsabilité de l'ensemble des acteurs
(pouvoirs publics, citoyens, professionnels ou établissements du secteur
de la santé, du social et du médicosocial, entrepreneurs et
industriels, associations, chercheurs, etc). La Déclaration Universelle
des Droits de l'Homme entérine d'ailleurs son caractère
inaliénable : « Toute personne a droit à un niveau de
vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa
famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins
médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires...
» (art. 25).
La commande publique en matière de santé, dont
l'un des objectifs est de protéger ce bien commun, peut apporter un
soutien d'autant plus fort qu'elle prend place dans un marché pour
lequel elle représente une part significative de la demande. De longue
date, les effets d'entraînement de la commande publique sur l'innovation
et de façon globale sur le démarrage de certaines industries,
font partie de la littérature économique et permettent à
ces dernières d'atteindre rapidement une taille critique,
bénéficiant ainsi d'économies d'échelle. Il s'agit
du modèle du public demand push, théorisé par
Burmeister120 : les marchés publics constituent un levier de
politique technologique particulièrement favorable au début du
cycle de vie, « quand le secteur public dispose d'un pouvoir de
monopsone121 qu'il utilise à travers une
stratégie d'acheteur simultanément exigeant et bienveillant, et
quand la technologie développée est générique ou
adaptable aux besoins du secteur privé ». Faire de la commande
publique un levier privilégié de la politique sociale et
environnementale peut ainsi être rapproché des politiques de
soutien à l'innovation des années 1950-1980, illustrées
par de grands programmes technologiques ou des investissements des entreprises
publiques122.
119 Ressource partagée par une communauté
d'individus et collectivement gérée selon des règles
propres.
120 BURMEISTER Antje (1994)
http://www.persee.fr/doc/rfeco_0769-0479_1994_num_9_2_956
121 Régime de formation des prix dans lequel un acheteur
unique trouve en face de lui une multitude de vendeurs.
122 « Les clauses environnementales dans les
marchés publics », MARTY Frédéric (1999).
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
soutenir
la performance globale du système de santé ?
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Ce modèle de soutien par l'achat public responsable
contribue à la levée des risques pour les entreprises proposant
des biens et services plus respectueux de l'environnement et des Hommes ; il
leur permet de tirer profit de certaines économies d'échelle
favorisant la diffusion de leur offre ; et, dans une certaine mesure,
d'augmenter leurs capacités de prescription - notamment vers les
marchés privés.
Mais l'achat public responsable est également un outil
de gestion des risques et une forme de réponse à la
démultiplication des sources de pression. Quand on sait qu'en moyenne,
30 % des développements produit présentant une
amélioration environnementale sont imputables à des stimuli
externes115, on comprend combien l'achat de produits de soin
auprès de fournisseurs responsables peut être complexe. La
commande publique en santé étant située au carrefour d'un
bloc constitutionnel (droit de l'Union Européenne et Code de la
Santé Publique), du Code de l'Environnement et du Code du Travail...pour
ne citer qu'eux.
En marge de ces impératifs réglementaires,
l'accroissement ces dernières années de scandales sanitaires
portés en justice grâce à des lanceurs d'alerte ou encore
la perspective de potentielles class actions en
santé123 - actions de groupe menées par des
associations de patients - illustrent bien le pouvoir des parties prenantes,
tant sur les offres et solutions proposées par les industriels de
santé que sur la responsabilité des professionnels de soin qui
les mettent en oeuvre. Là où, seul, le citoyen est contraint au
silence, les associations d'usagers s'engagent à le rendre visible,
audible et lui permettent d'agir face aux professionnels et aux institutions
qui n'auraient pas assumé pleinement leur responsabilité
sociétale124. Ces class actions à la
française, dans la mesure où elles constituent un excellent
moyen de mutualiser les coûts, permettent par ailleurs au patient/usager
un accès plus équitable et plus aisé aux procédures
légales.
Enfin, si les différents classements des
hôpitaux et cliniques de France n'intègrent aujourd'hui aucun
critère relevant formellement de la RSE, il est fort à parier que
plusieurs de ces sujets se fraieront progressivement un chemin vers le devant
de la scène. Il faudra alors que l'ensemble des acteurs de
système -industriels de santé et établissements de
soin-soient en mesure d'apporter une réponse collective,
cohérente et économiquement acceptable à ce nouveau type
d'exigences. Exigences en termes de qualité et de sécurité
de l'offre de soin, en matière d'éthique et de dispositif de
sécurisation des données patients, vigilance quant à la
bonne gestion sociale de l'établissement de santé ou encore quant
à ses impacts environnementaux...
123 Action judiciaire qui serait engagée par une
association agréée, afin que les usagers de santé puissent
solliciter la réparation de leurs dommages corporels auprès d'un
défendeur pour le manquement de ce défendeur à ses
obligations légales ou contractuelles. » (selon Maître
Charles-Henri Caron, avocat au sein du cabinet Hogan Lovells).
124 Agence Nationale d'Appui à la Performance des
établissements de santé et médico-sociaux (ANAP),
« En quoi les usagers et les citoyens peuvent-ils contribuer à
la performance du système de santé ? » (Actes des
Universités d'été de la performance en santé,
Tours, 28-29 août 2015).
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
soutenir
la performance globale du système de santé ?
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Le patient, s'il ne devient pas souverain, continue d'exercer
une pression grandissante, et le défi que le système de
santé devra relever consiste à garantir à tous une
combinaison optimale solution de santé/pratique des soins. Il faudra, de
fait, inscrire les relations entre pouvoir adjudicateur et fournisseurs d'une
logique de « donneur d'ordre » à une logique de synergie :
toute offre socialement et/ou écologiquement performante étant
conditionnée aux pratiques vertueuses et responsables de
l'établissement dans lequel elle sera mise en place.
De façon concomitante à cet ensemble de stimuli
externes, la professionnalisation de l'acheteur public est un
élément indispensable à la performance globale du
système de santé. Un mouvement déjà en marche,
illustré par le rassemblement spontané de plusieurs centres
hospitaliers universitaires en France, désireux de partager leurs bonnes
pratiques et leurs difficultés. Donnant vie au proverbe africain
« seul on va plus vite, ensemble on va plus loin », ce
cercle privé constitue désormais le Cercle « Performance
Achats », sous l'égide de l'ANAP125, et compte plusieurs
nouveaux membres. Confirmant cette tendance de la professionnalisation de
l'achat, la dernière édition du Baromètre «
Santé durable » révèle que le
développement durable figurait en 2015 parmi les priorités du
plan de formation dans près de 1 établissement de soin sur 5 - ce
qui reste trop peu, malgré une nette inflexion des chiffres. Les trois
cycles de formation phares étant : les gestes et postures au travail (78
% des établissements répondants), la gestion des déchets
(47 %) et les achats durables (23%)126.
Or un acheteur bien formé, c'est un acheteur qui
maîtrise les subtilités de la commande publique responsable et
sait manier les différentes options d'intégration des clauses
sociales et environnementales, afin de les adapter au mieux à son/ses
besoin(s) et à la maturité des offres disponibles sur le
marché.
Ainsi, dans une optique de performance globale, l'acheteur
public de produits de santé pourra par exemple définir des
conditions d'exécution127 qui imposeront aux fournisseurs de
respecter des engagements de performance RSE pendant toute la durée du
contrat (par exemple : livrer les produits de santé dans des cartons
labellisés FSC ou PEFC ; garantir la reprise des palettes et/ou des
cartons, après livraison, par le personnel d'un ESAT128 qui
en assurera la valorisation...), en plus d'intégrer le
développement durable parmi ses critères
d'attribution129. Cette possibilité d'inscrire le
développement durable à plusieurs étapes du « cycle
de vie d'un marché public » est une véritable
opportunité de confirmer le choix responsable de l'acheteur et, pour le
candidat retenu, de démontrer l'authenticité de ses
125 Agence Nationale d'Appui à la Performance des
établissements de santé et médico-sociaux.
126 DirectHopital, « Plus de 8 établissements
sur 10 intègrent le développement durable dans leur projet
stratégique » (article du 21 mai 2015).
127 Article 14 du Code des Marchés Publics.
128 Etablissement de service et d'aide par le travail.
129 Article 53 du Code des Marchés Publics.
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
soutenir
la performance globale du système de santé ?
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engagements responsables (cohérence et
pérennité). A la recherche de la fameuse harmonie entre le «
dire » et le « faire ». Une harmonie envisageable à
condition, toutefois, d'inscrire son règlement de consultation et ses
clauses techniques en cohérence avec l'ensemble de ces exigences, en
veillant notamment à bien équilibrer le niveau de
pondération du critère développement durable avec le
niveau de complexité des fiches techniques à compléter.
Mais l'acheteur public pourrait également, dans une
volonté d'intégrer davantage les clauses sociales et
environnementales à ses marchés, teinter chacun
des critères de jugement de l'offre d'une dimension responsable
: 20 à 25 % du critère « Logistique »
réservés à la description d'une solution de Green
Supply Chain ou de mobilité douce, incluse lors de la livraison des
produits ; 20 à 25 % du critère « Technique »
réservés à une analyse documentée des avantages de
l'offre en matière d'ergo-conception, de simplification de manipulation
du produit ou de contribution à la réduction des troubles
musculo-squelettiques; 20 à 25 % du critère « Prix »
réservés à une analyse exhaustive du coût complet du
produit... Ainsi, la différenciation responsable de l'offre (le cas
échéant) serait manifeste et sans équivoque,
puisqu'observable sur chacun des critères essentiels de jugement et
argumentée de façon tangible. Une opportunité de
distinguer plus facilement les offres 100 % durables et de leur attribuer une
forme de bonus RSE ayant une réelle valeur déterminante
dans le choix final, en phase avec le concept du « mieux-disant ».
Les responsables de la commande publique pourraient enfin
rejoindre ou créer leur propre système centralisé et
collaboratif d'évaluation de la performance et de dialogue
fournisseur130 en l'adaptant, par secteurs. A l'image de la
plateforme « Together for Sustainability » (TfS)131, dont
le but est de développer et implanter un programme d'évaluation
et d'audit global pour évaluer et perfectionner les pratiques
responsables des acteurs de la supply chain de l'industrie chimique, les
représentants de la commande publique pourraient imposer à tous
leurs fournisseurs de se soumettre à une évaluation
régulière de leur performance RSE via ce type de plateforme en
ligne. Accessible 24/24, 7 jours sur 7, un tel système permettrait aux
candidats de compléter une sorte de « méta-questionnaire RSE
» correspondant à leur profil et à leurs services
(universels) mais de renseigner également des évaluations bien
plus courtes et ciblées visant à qualifier les bienfaits sociaux
et/ou environnementaux de leur offre, par gamme.
Cette évaluation initiale serait certes plus
exhaustive - donc plus longue à compléter - qu'un questionnaire
développement durable joint à la consultation d'un
établissement de santé, mais le candidat n'aurait ensuite
à la renseigner qu'une fois par an, ou plus selon les mises à
130 Ecovadis :
http://fr.ecovadis.com/supplier-solutions/
Acesia :
http://groupe.afnor.org/pdf/ACESIA-afnor-solutions-achats.pdf
Enablon :
http://enablon.fr/solutions-fr/performance-des-fournisseurs
Correl :
http://correl.fr/evaluer.phtml
131
http://www.arkema.com/fr/media/actualites/detail-actualite/Arkema-rejoint-Together-for-Sustainability-TfS-une-initiative-pour-une-supply-chain-responsable/
Ce qu'il faut retenir
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
soutenir
la performance globale du système de santé ?
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jour qu'il souhaiterait apporter132. Ramené
à l'année, cela représenterait en définitive un
gain considérable, quand on sait le temps Homme consacré à
l'élaboration de réponses aux injonctions sociales et
environnementales, dans le cadre des consultations publiques ! Un gain de temps
observé également chez l'acheteur qui, à l'occasion de
chaque marché, n'aurait plus qu'à interroger le système
afin de voir si l'évaluation RSE du candidat X est disponible et, selon
la réponse du logiciel, il n'aurait plus qu'à visualiser cette
évaluation ou à solliciter le candidat pour que ce dernier se
soumette à l'évaluation initiale. Pour l'acheteur, le premier
avantage d'une telle plateforme d'évaluation en ligne serait donc la
réduction du « temps administratif » au bénéfice
du « temps utile », offrant la possibilité de focaliser sur
l'analyse qualitative de l'offre responsable. Le second avantage de ce
système centralisé collaboratif, accessible à tout
établissement de santé adhérent, serait l'alternative
d'une vision matricielle - transversale - sur l'un des aspects de la
performance du candidat (par exemple, les économies d'énergie
liées à ses produits). Un détail qui pourrait finalement
ne pas en être un, si tant est qu'il puisse avoir une incidence sur un ou
plusieurs des chantiers stratégiques de l'établissement de
santé (par exemple, si la réduction de ses consommations
d'énergie, par ailleurs source d'économies substantielles,
figurait parmi ses priorités). Enfin, l'acheteur public aurait la
possibilité de visualiser en un clin d'oeil la performance relative de
chaque candidat soumissionnaire, sur une matrice globale. Ce qui ne le
dispenserait pas, pour autant, de creuser les sources de performance de tel ou
tel candidat.
Les idées ne manquent pas pour développer la
performance globale au sein du système de santé. Toutes
n'induisent pas, d'ailleurs, de changement majeur dans le système
actuel...mais certains ajustements et, indéniablement, de créer
une impulsion forte en ce sens. La commande publique peut et doit initier ce
mouvement : non seulement elle est capable de générer des effets
d'entraînement forts, mais elle est plus que concernée par le
partage de responsabilité vis-à-vis de la santé, ce bien
commun si cher à chacun d'entre nous. En outre, le poids des injonctions
réglementaires et légales se trouve aujourd'hui
décuplé par la pression - légitime - exercée par
les patients et usagers des produits de santé. La réponse
à l'ensemble de ces directives se trouve probablement dans la
construction d'un système de soin responsable, intégratif et
cohérent, capable de créer de la valeur et des
bénéfices partagés, encourageant la professionnalisation
des acheteurs et permettant à ces derniers d'explorer certains outils
collaboratifs en vue de mutualiser leurs efforts.
C'est à ces conditions et à ces conditions
seulement que la commande publique de produits de santé pourra
espérer atteindre les objectifs ambitieux fixés à travers
le 2ème PNAAPD133. Car ce qui a changé,
c'est le discours de preuve, la mesure des résultats, la conviction
qu'on ne peut plus faire « sans » le développement durable et
que ce qui était, hier, une exhortation à penser le changement
est aujourd'hui devenu une exigence de le conduire, de façon
concrète.
132 Nouvelles informations RSE, mises à jour d'une
certification, mise à jour de la consommation électrique de tel
ou tel produit, etc.
133 25 % de marchés comportant au moins une
disposition sociale et 30 % comportant au moins une disposition
environnementale, d'ici à 2030.
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
soutenir
la performance globale du système de santé ?
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Partie 2 : La réglementation des marchés
publics et les injonctions du système de santé limitent
considérablement le potentiel de l'achat public responsable
S'ils sont institutionnalisés, les principes
fondamentaux de lien avec le besoin à satisfaire134 et de
non-discrimination semblent toutefois représenter la première des
barrières à l'évolution de la commande publique vers un
modèle de performance globale. Dans une certaine mesure, ils
ralentissent aujourd'hui considérablement la transition d'un
régime d'autorisation (« ce qui permis ») vers un
régime de stimulation (« ce qui est exigé »),
qui aurait le pouvoir de favoriser les innovations sociales et
environnementales. L'acheteur public est tenu de se concentrer sur l'objet du
marché. A ce titre, en dehors des conditions d'exclusion et des articles
15 et 45 du Code des Marchés Publics, portant respectivement sur les
marchés réservés135 et l'examen du savoir-faire
social et/ou environnemental du candidat, une majeure partie de la commande
publique a les yeux rivés sur le « besoin à satisfaire
». Toute information abordant l'objet du marché de
façon indirecte, sans être interdite, prête aujourd'hui
à débats. Le produit a-t-il fait l'objet d'une évaluation
environnementale tout au long de son cycle de vie ? Le site de fabrication
dudit produit est-il détenteur de telle ou telle certification
volontaire ?... Autant de questions longtemps jugées
inappropriées et sans lien avec l'objet du marché mais qui, au
sens de la norme ISO 14062 sur l'éco conception relèvent bien du
périmètre du produit ou service. Depuis quelques années,
grâce à la professionnalisation des outils et de leur cadre
méthodologique, la notion de cycle de vie et ses étapes
clés sont toutefois rentrés dans les moeurs des acheteurs
publics, qui tolèrent désormais des questions portant sur la
présence de composants recyclés, la recyclabilité du
produit ou encore sur les éventuels labels officiels apposés sur
les emballages produit ou de transport. Mais le chemin à parcourir est
encore long...
En adoptant cette vision quelque peu parcellaire, la commande
publique se coupe nécessairement d'une vision globale et holistique de
l'objet du marché et du contexte dans lequel la réponse à
ce besoin a été développée : « the big
picture ».
Selon les principes fondamentaux du droit communautaire,
encourager la performance globale pourrait également constituer un frein
à l'égal accès au marché. Une idéologie
liée à la crainte que la responsabilité sociétale
puisse attiser des élans de protectionnisme « vert ))136
ou « bleu ))137, exprimés à travers des
conditions d'exécution ou des spécifications techniques
très, voire trop, précises. Certes, la diversité du
paysage économique induit que tous les acteurs en présence ne
sachent pas répondre avec le même niveau de maturité
à ce type d'injonctions. Pour autant, l'acheteur public est sensé
étudier son marché, avant toute
134 Ou, dit autrement, l'objet du marché public.
135 Seules les structures qui accueillent des personnes en
situation de handicap sont alors autorisées à se porter
candidates.
136 Environnemental.
137 Social.
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
soutenir
la performance globale du système de santé ?
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rédaction d'une consultation. Le cas
échéant, s'il constate que les offres responsables sur ce
marché sont trop rares - si ce n'est monopolistique - il lui revient de
ne pas inscrire dans les documents de sa consultation des exigences ou
spécifications techniques particulières en ce sens et d'autoriser
les variantes. Les candidats disposant d'une offre « pro RSE »
pourront ainsi soumissionner, sans pour autant léser les autres
fournisseurs.
Ce point relève, semble-t-il, de la rigueur et du
discernement de l'acheteur plus que d'une éventuelle « menace
» portée par un ou plusieurs candidats aux offres vertueuses. Et
c'est précisément en encourageant les best players que
la commande publique se donne une chance de stimuler, de tirer vers le haut ses
marchés.
Pour les raisons évoquées ci-dessus et afin
d'éviter à l'acheteur public tout risque de contentieux, le
système actuel cantonne plus ou moins le critère
développement durable à l'article 53 du Code des Marchés
Publics, en tant que critère de jugement des offres. Une alternative
conventionnelle, limitant la portée des débats - certes - mais
réduisant considérablement le poids relatif de cet enjeu dans la
note globale attribuée.
Qui plus est, étant donné les sources de
pression pesant sur le système de santé, et plus
spécifiquement les établissements de soin, il est
compréhensible que ces derniers - confortés par un ensemble de
réglementations européennes et nationales - cèdent
à la tentation du " transfert de responsabilités ", en
redirigeant la majeure partie des injonctions à des pratiques plus
vertueuses vers les fabricants. Si les industriels - en tant que metteurs sur
le marché et parce qu'ils ont l'initiative de certaines orientations
fondamentales pour le produit telles que le choix des matières
premières - doivent évidemment assumer leur part de
responsabilités vis-à-vis de l'environnement et des Hommes, cela
ne doit pas dispenser pour autant les établissements de santé
d'endosser la leur. Ni même d'ailleurs les empêcher de s'interroger
sur l'intégration du développement durable dans leur organisation
et leur Plan stratégique pluriannuel.
Pourtant, à quelques exceptions près (largement
célébrées et relayées), l'intégration du
développement durable dans les marchés publics de santé
répond davantage d'une volonté de conformité
réglementaire et d'un acte symbolique que de convictions personnelles.
En l'absence d'un tel stimulus et à défaut d'une
compréhension globale de la RSE, nombre d'acheteurs voient dans la
commande publique responsable un moyen de répondre à des
objectifs de normalisation et de standardisation, là où d'autres
ont compris la portée stratégique des clauses sociales et
environnementales. Une dichotomie qui a toujours existé et qui se creuse
chaque année un peu plus, entre les « établissements
pionniers » et les autres...
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
soutenir
la performance globale du système de santé ?
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Au-delà des exigences en vigueur, un ensemble de
pratiques - admises - limitent considérablement le développement
de l'achat public responsable et la stimulation de la performance globale.
L'obstination à circonscrire le développement
durable à des thématiques purement écologiques, par
exemple, en est une. Si elle découle du principe communautaire de lien
avec l'objet du marché, cette injonction à réduire les
impacts du produit/service sur l'environnement permet surtout de visualiser
rapidement et de façon quantitative ces effets positifs. Une
démonstration simple et efficace, souvent chiffrable, parfois " vitrine
", qui retient de loin la préférence de l'acheteur public,
contrairement à la clause sociale. Devancés par les aspects
écologiques depuis plusieurs années, les enjeux sociaux devraient
gagner progressivement en représentativité grâce,
notamment, à la refonte du Code des Marchés Publics et
l'intégration des fameux « marchés réservés
». Toutefois, il est fort à parier que ces efforts de rattrapage ne
suffiront pas à hisser les problématiques sociales sur le haut de
la pile. Car comme le révélait le panorama des attentes
croisées de la société civile et de la communauté
économique - réalisé en 2015 par l'Institut du Management
RSE - là où le grand public exprime nettement une attente
sociale138, les acteurs économiques formulent une attente de
nature pro-environnementale.
Concrètement, l'intégration du
développement durable dans les marchés publics est probablement
envisagée par la majorité des acheteurs comme un moyen de
répondre à une forte incitation économique. Etant
donné le niveau des objectifs « d'économies
intelligentes » fixé aux établissements de santé
français, à travers le programme PHARE139, il s'agit
même d'une théorie plausible... Ainsi, l'acheteur public sera
particulièrement réceptif aux solutions de réduction des
déchets ou de reprise des emballages, qui permettent à son
établissement de dégager rapidement des économies (et de
l'espace disponible !).
Mais les échanges acheteur-fournisseur restent
fondés sur une vision court-termiste, ne laissant que peu de place au
débat sur le coût complet, et pour lequel l'acheteur public ne
dispose pas - a priori - de cadre méthodologique précis. Une
tendance annoncée dès 2011, par l'enquête de l'Observatoire
Economique de l'Achat Public, qui révélait que moins de 10 % des
acheteurs publics reconnaissaient adopter cette démarche.
Il semble que conjuguer « développement durable
» au pluriel (économique, social et sociétal,
écologique) et à moyen terme (dans une logique de coût
complet) soit plus complexe dans la pratique qu'en théorie...remettant
en question la capacité du système de santé
d'évoluer vers un modèle de performance
intégrée.
138 Institut Management RSE / CSR Metrics France, «
L'Observatoire des enjeux RSE 2015 : état des attentes RSE en
France, vues par la société civile et la communauté
économique, et leur utilisation dans l'analyse de la
matérialité des enjeux RSE des entreprises »
(février 2015).
139 Programme de performance hospitalière pour des achats
responsables.
Ce qu'il faut retenir
55
« L'achat public responsable a-t-il vocation à
soutenir
la performance globale du système de santé ?
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En marge de ces injonctions contradictoires, le débat
sur l'achat public responsable doit également être recentré
autour de l'acheteur et s'inscrire dans le cadre de sa relation avec les
acteurs présents sur le marché.
A date, l'absence d'accompagnement de l'acheteur public est
à la fois pénalisante et incompatible avec toute forme
d'aspiration à un système globalement performant.
La commande publique responsable peinera à gagner en
maturité si les directions d'établissement ne s'engagent pas
à allouer davantage de ressources - temps, Hommes, budget - à
leurs acheteurs, mais elles devront également lui assurer un parcours de
formation adapté, permettant de gagner en compétences et en
domaines d'expertise. Le système de santé devra également
apporter un certain nombre d'éléments de réponses à
des questions qui restent aujourd'hui non-traitées : comment motiver
l'acheteur public ? (par le conseil, par l'incitation, par la
récompense, par l'obligation ?) Comment sécuriser, juridiquement,
l'acheteur, toujours hanté par le risque de contentieux ? Comment faire
en sorte que les clauses sociales et environnementales soient respectées
et correctement appliquées ?... Le guide des bonnes pratiques en
matière de Marchés Publics140 - élaboré
avec l'appui de la Direction des affaires juridiques du ministère de
l'Économie, de l'Emploi et de l'Industrie, et du ministère du
Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique - apporte des premiers
éclairages sur ces différentes questions.
Les établissements de soin précurseurs,
aujourd'hui, sont ceux qui ont fait le choix de dédier des ressources
à la RSE. Ceux-là même qui, hier, furent les premiers
à dégager du temps utile pour que certains personnels se
rassemblent en Commission développement durable, mènent des
actions sur le terrain (audits déchets, par exemple), organisent des
événements internes autour de sujets RSE, challengent la
performance des offres des fournisseurs ou encore organisent avec ces derniers
des rendez-vous afin de construire des solutions concrètes...
Dans un monde qui fonctionne déjà à deux
vitesses, creuser l'écart entre les établissements de
santé précurseurs et le reste des opérateurs, sur le
territoire, représente un risque : celui de ne pas prendre le train en
marche, de ne pas amorcer le virage qui redessinera complètement le
paysage sanitaire français et, en définitive, d'être
évincé d'un nouveau système reposant sur la
co-construction et la création de valeur partagée.
140
http://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/conseil_acheteurs/guides/g
uide-bonnes-pratiques-mp.pdf
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
soutenir
la performance globale du système de santé ?
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Partie 3 : Et si les achats publiques responsables
étaient l'une des composantes de la démocratie sanitaire ?
Petit retour en arrière.
Dès 1945, avec la création de la
Sécurité sociale, le système de santé
français est placé dans la sphère de la
démocratie sociale, qui relève de la
légitimité des partenaires sociaux. En 1997, lorsque paraît
le premier palmarès des hôpitaux, l'intention est de permettre
à chacun de connaître les très bons (et non les meilleurs)
services hospitaliers en France, dans un souci de partage de l'information avec
le grand public.
Cette lame de fond que l'on appelle aujourd'hui
démocratie sanitaire est un mouvement directement
hérité de ces mutations et si le concept est encore en phase de
construction, il doit d'ores et déjà relever de nombreux
défis dans un contexte de crises sanitaires successives et de
difficultés majeures en matière d'accès aux
soins141. Inventée dans les années 1990, l'expression
démocratie sanitaire traduit la volonté d'encourager
l'adhésion et la contribution des patients-usagers et des associations
qui les représentent, à l'ensemble de l'écosystème
de la santé. Signe d'une volonté de transparence vis-à-vis
de l'usager, notamment le patient expert142, la
démocratie sanitaire s'efforce de créer les conditions
d'une participation effective du citoyen aux politiques de santé dont il
est justement le destinataire et d'instaurer un climat de confiance mutuelle,
dans un cadre géographique stable. Signée en mai 2015, la
Convention portant création de l'Institut pour la Démocratie en
Santé (IPDS) entérine d'ailleurs un certain nombre de missions en
ce sens : former les responsables du système de santé aux enjeux,
méthodes et outils afférents143 ; créer un
centre de ressources permettant de regrouper, partager et diffuser les
connaissances144 ; initier les projets de recherche dans le domaine
de la participation des usagers et des citoyens.
Au sein de cette démocratie sanitaire, la place des
professionnels de soin doit encore être clarifiée et
confortée, de même que celle des industriels. Une certitude
demeure : la performance est l'affaire de tous et la responsabilité de
chacun. En plaçant l'usager au coeur du système - en tant
qu'acteur de sa santé, à titre individuel et collectif - celui-ci
se voit offrir la possibilité de démontrer sa performance et son
aptitude à s'impliquer145. Calquant son comportement sur ses
agissements en tant que consommateur, il est tout à fait
141 Déserts médicaux, obstacles financiers,
complexité de la prise en charge des maladies chroniques...
142 Le patient qui, atteint d'une pathologie chronique,
développe une connaissance pointue de sa maladie
143 Pour permettre une plus grande implication des citoyens
dans la définition des politiques publiques, comme dans l'adaptation des
organisations en santé.
144 Et impliquer les citoyens dans la définition des
politiques publiques comme dans l'adaptation des organisations en
santé.
145 Agence Nationale d'Appui à la Performance des
établissements de santé et médico-sociaux (ANAP),
« En quoi les usagers et les citoyens peuvent-ils contribuer à
la performance du système de santé ? » (Actes des
Universités d'été de la performance en santé,
Tours, 28-29 août 2015).
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
soutenir
la performance globale du système de santé ?
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envisageable que le patient de demain interpelle de
façon indirecte les industriels de santé et impulse certaines
(r)évolutions dans la chaîne d'approvisionnement.
L'acheteur public de santé tient donc, aujourd'hui, un
rôle bien plus actif et transversal que celui qui lui incombe dans une
approche purement standard, au point de vue économique du terme. Il doit
assumer pleinement son statut de coordinateur de la co-construction pour et
avec les usagers, mais aussi pour et avec ses fournisseurs. Car si le
système de santé entend travailler de façon collaborative
avec le patient-usager (en aval), cette démarche sera naturellement
étendue à la relation acheteur-fournisseur (en phase amont), de
façon à créer un système vertueux,
intégratif et cohérent.
Incarnant, à sa façon, les changements
observés dans le rapport de force acheteur-fournisseur, l'acheteur
public de demain sera donc un promoteur, un acteur majeur de la performance
globale. La cheville ouvrière d'une démarche
intégrée à la stratégie de l'établissement
de santé, porteuse de sens et créatrice de valeur
partagée.
Promoteur d'un dialogue ouvert et interactif
permettant de pérenniser la relation, l'acheteur aura une
double vocation : celle d'accompagner les fournisseurs vers un meilleur niveau
de performance, tout en souscrivant à des solutions durables venant
parfois troubler son propre équilibre146. Consolidée
autour de valeurs partagées, d'une ambition de performance
assumée et d'une reconnaissance des responsabilités individuelles
et communes, la relation acheteur-fournisseur devrait générer une
confiance réciproque et constituer un terreau fertile de
co-création. Dans ce cadre, la conduite par l'acheteur d'audits terrain
ou de contrôles auprès des fournisseurs fera partie
intégrante de la relation. La responsabilité sociétale
d'entreprise est sans nul doute au coeur de la relation acheteur-fournisseur :
il s'agit d'un critère de confiance, de transparence, marqueur (le
cas échéant) d'une relation pérenne, inscrite dans
une logique de fidélisation - y compris dans un contexte de crise.
L'acheteur public perçoit en effet de façon très nette les
bénéfices d'une démarche RSE sur la maîtrise des
différents niveaux de risque. Si un industriel de santé propose
à l'acheteur une solution dont le caractère durable ne fait aucun
doute, ce dernier pourra à son tour devenir « promoteur de
la confiance » auprès des patients-usagers. La confiance
devenant alors, de manière tout à fait officieuse, une forme de
critère de sélection des offres.
Mais l'acheteur public de demain tiendra également un
rôle de promoteur du territoire. Les
établissements publics de santé sont des acteurs
économiques et sociaux importants, au coeur des territoires. Ils sont
bien souvent les premiers employeurs d'une ville, disposent d'une large
sphère d'influence et détiennent un potentiel éducationnel
extrêmement fort en direction des personnels qui y travaillent, mais
aussi vis-à-vis des millions de patients et résidents qu'ils
accueillent. A ce titre, la relation acheteur-fournisseur sera d'autant plus
bonifiée qu'elle s'inscrit dans un rapport privilégiant cette
dimension économique locale, dans une perspective de partenariat sur le
long terme. Certains industriels de santé, à
146 Etant entendu dans une logique positive d'optimisation de
ses processus.
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
soutenir
la performance globale du système de santé ?
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l'image de B. Braun Medical, tentent déjà
d'accompagner leurs clients sur des chantiers sources d'économies
intelligentes et de valeur partagée147 pour les
réseaux territoriaux148. Il s'agit alors d'envisager la RSE
comme une incitation à la création de valeur partagée
entre l'entreprise et la société civile, à savoir
« cette valeur qui permet de "reconnecter" la
compétitivité de l'entreprise avec les besoins de la
société en matière de progrès
social149. » Le secteur de l'industrie
pharmaceutique se révèle être un terrain de recherche
opportun pour aborder ces questions des relations entre société
civile et entreprise, étant donné le contexte de défiance
envers les industriels et la complexification des enjeux environnementaux et
socio-économiques150.
Au sein de la démocratie sanitaire, la
commande publique peut donc jouer un rôle essentiel. A condition de
construire un système où éthique des affaires,
transparence et relations de confiance seront de mise, il s'agit même
d'un élément central, source de création de valeur pour
tous, au-delà de la qualité des soins et de la bientraitance. Au
sein d'un tel système, l'acheteur public jouira d'une fonction
transversale et stratégique, servant la performance de
l'établissement de santé.
147 Le concept de création de valeur partagée,
développée par Porter et Kramer, répond à 5
critères essentiels : la définition d'un objectif social et/ou
environnemental, l'existence d'un besoin bien défini, le suivi
d'indicateurs de mesure de la valeur créée, le déploiement
d'une structure d'innovation pertinente et la mise en oeuvre d'un processus de
co-création.
148 Voir leaflet Ecoflac? [Annexe 6].
149 Porter, Kramer (2011).
150
http://www.leem.org/les-entreprises-du-medicament-publient-leur-10eme-rapport-de-responsabilite-societale
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Conclusion
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Si la vocation première des achats publics
responsables n'est probablement pas de mener à la performance globale,
il s'agit toutefois un important contributeur à ce mouvement. En effet,
l'achat responsable constitue - quoi qu'on en dise - une forme d'incitation
positive adressée au marché ; incitation qui crée un
cercle vertueux et contribue peu à peu à l'émergence
d'offres responsables construites (produit et service) tangibles,
créatrices de valeur et économiquement avantageuses. Evidemment,
le niveau de " couverture " des enjeux du développement durable est
relativement disproportionné, fonction des volets
considérés, mais force est de constater que l'évolution de
l'inclusion des clauses sociales et environnementales dans les marchés
publics, ces dix dernières années, constitue un signal
relativement positif. Un stimulus d'autant plus fort qu'il pourrait être
démultiplié grâce aux effets d'entraînement de la
commande publique, capable de démocratiser cette pratique dans les
années à venir - qui plus est en matière de produits de
santé.
Il convient davantage d'envisager les achats publics
responsables comme l'un des maillons de la démocratie sanitaire,
dont le mot d'ordre est l'instauration d'un dialogue constructif. En
convertissant la thématique des achats d'un statut de défiance
à un statut de confiance, la commande publique a ainsi toutes ses
chances de gagner en maturité, de se structurer au sein des
établissements de santé et de soutenir -in fine- la performance
globale.
Toutefois, la réglementation des marchés
publics - du fait qu'elle propose à la fois des modalités
variées d'intégration du développement durable et
pèse, en même temps, de tout le poids du droit communautaire et du
risque de contentieux - restreint considérablement les éventuels
élans dans le sens de la RSE. On observe ainsi un système
à deux vitesses régenté par des injonctions
contradictoires ; un système qui semble parfois un peu
"dépassé" et pas toujours disposé à se donner les
moyens de ses ambitions.
Alors, certes, le propre de la performance globale est
qu'elle propose de concilier des intérêts souvent opposés,
quitte à procéder à des arbitrages...mais en
matière d'achats publics responsables, les amalgames sont encore
très (trop) fréquents et les arbitrages, orientés dans une
seule et même direction. Le développement durable dans la commande
publique de produits de santé est quasi exclusivement réduit au
seul volet environnemental. La logique de coût complet n'est clairement
pas acquise ni parfaitement assimilée, au sein de la communauté
des acheteurs publics. Quant aux volets social (démarches RSE
encourageant la performance interne) et sociétal (démarches RSE
encourageant la performance externe), ils ne sont pas considérés
comme partie intégrante du périmètre d'actions, au nom du
principe fondamental de lien avec l'objet du marché.
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
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la performance globale du système de santé ?
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La marche vers des clauses sociales et environnementales
intégrées à toutes les consultations, de façon
homogène et systématique, prendra encore du temps. Un temps qu'il
faudra consacrer à l'accompagnement du changement, à la formation
professionnelle des acheteurs publics et à la mise en place de
structures organisationnelles dédiées aux achats responsables - y
compris en termes de ressources.
La performance intégrée, comme son nom
l'indique, dénote une vision stratégique et politique
d'intégration de la responsabilité sociétale. Une vision
dont découle ensuite des objectifs et priorités en matière
de développement durable. La véritable question que doit
aujourd'hui se poser la communauté des acheteurs publics est finalement
celle de la place qu'ils sont prêts et en mesure d'accorder au dialogue
qualitatif avec les parties prenantes, à la co-construction de solutions
RSE, à la création de valeur partagée, etc... dans leurs
marchés. Et la réponse à cette question ne tient pas tant
à des exigences réglementaires ni à des valeurs morales,
qu'à la volonté propre de leur direction d'établissement.
En effet, en matière d'achats publics responsables, la véritable
performance consiste à challenger ses fournisseurs sur les
thématiques qui constituent les priorités stratégiques et
figurent, à ce titre, dans son Plan d'établissement et dans aucun
autre. Les efforts RSE des uns (fournisseur) serviront ainsi les objectifs RSE
des autres (acheteur), dans une logique de synergie et de performance
partagée. Dans cette perspective, il conviendra également de
s'interroger sur la place attribuée au développement durable dans
l'établissement de santé, afin de respecter une certaine
cohérence entre ce qui est exigé des candidats et la
réalité de son organisation. Enfin, lors de la définition
des indicateurs de pilotage, l'ensemble de ses réflexions devra aider
l'acheteur public à déterminer le ou les but(s) que sert sa
démarche responsable, autrement dit : la responsabilité
sociétale est-elle une fin en soi ou sert-elle exclusivement des
objectifs économiques ?
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
soutenir
la performance globale du système de santé ?
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Glossaire
ANAP : Agence nationale d'appui à la
performance des établissements de santé et médico-sociaux
BSC : Balanced Scorecard (aussi SBSC : Sustainability Balanced
Scorecard / TBSC : Total Balanced Scorecard)
CCTP : Cahier des clauses techniques
particulières
CMP : Code des Marchés Publics
Commande publique : regroupe l'ensemble des
contrats que les pouvoirs publics passent afin de répondre à
leurs besoins
[Clauses] ES : [Clauses]
environnementales et sociales
DD : Développement durable
DJSI : Dow Jones sustainable index
ESAT : Etablissement de service et d'aide par
le travail
[Critères] ESG :
[Critères] Environnemental, social et de gouvernance
FSC : Forest Stewardship Council
GEMP-PS : Groupe d'étude des
marchés de produits de santé
GRI : Global reporting initiative
HAS : Haute Autorité de Santé
PEFC : Pan European Forest Certification
PHARE : Programme de performance
hospitalière pour des achats responsables
PME : Petites et moyennes entreprises
PNAAPD : Plan national d'action pour les achats
publics durables
Pouvoir adjudicateur : acheteur public
OEAP : Observatoire économique de
l'achat public
RSE : Responsabilité sociétale
d'entreprise
SaaS : Sytem as a service
SIAE : Structures d'insertion par
l'activité économique
TBL : Triple bottom line
TPE : Très petites entreprises
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
soutenir
la performance globale du système de santé ?
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Bibliographie
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Guide juridique des achats hospitaliers » (octobre 2014)
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nationale RSE, « Panorama de la mise en oeuvre de la RSE dans les
entreprises françaises » (4 février 2014)
· Agence Nationale d'Appui à la Performance des
établissements de santé et médico-sociaux (ANAP),
« En quoi les usagers et les citoyens peuvent-ils contribuer à
la performance du système de santé ? » (Actes des
Universités d'été de la performance en santé,
Tours, 28-29 août 2015)
· Agence Nationale d'Appui à la Performance des
établissements de santé et médico-sociaux (ANAP),
« Responsabilité sociétale des établissements de
santé et médico-sociaux » (Actes de la Journée
Nationale, 22 janvier 2015)
· AOUN Elisabeth, « Développement
durable et produits de santé : 2005-2015 »
(Présentation PPT, 26 juin 2015)
· Atelier de réflexion sur les aspects sociaux de
la commande publique, « Commande publique et accès à
l'emploi des personnes qui en sont éloignées » (guide
et recommandations, Version 2.1, octobre 2015)
· BatiJournal, « Plus de commande publique pour
les PME » (article du 27 juillet 2015)
· BOURQUIN Martial au nom de la Mission commune
d'information sur la commande publique, « Rapport d'information fait
au nom de la mission commune d'information sur la commande publique »
(Rapport n°82, 14 octobre 2015)
· Cabinet SCP Charrel et Associés, «
L'environnement et les marchés publics : quels critères pour
quelles conditions de prise en compte ? » (Support de formation,
décembre 2014)
· Campagne pour l'achat public responsable, «
Pour un achat public responsable et économiquement avantageux »
(Manuel Procura+, 2ème édition, 2007) (
http://www.procuraplus.org/fr/accueil-fr/le-manuel-procura)
· CHAKROUN Wafa et TOUNES Azzedine, «
Performance sociale des entreprises et dispositifs de mesure : un panorama
théorique » (ESC Chambéry, 2013)
· CHARLIER Raphaële, « Les critères
environnementaux dans les marchés publics » (mémoire,
2007)
· CLARK Gordon L., FEINER Andreas et VIEHS Michael,
« From the stockholder to the stakeholder : How sustainability can drive
financial outperformance » (2014, mise à jour mars 2015)
· Code des Marchés Publics :
http://www.marche-public.fr/CMP-2006/Clauses-sociales- environnementales.htm
· Comité du Développement Durable en
Santé (ds) en collaboration avec AFNOR Certification, «
Santé durable et responsable - Guide à l'usage des
établissements de santé » (2015)
· Comité du Développement Durable en
Santé (ds), « Santé durable et responsable - Guide
à l'usage des établissements de santé » (Dossier
de presse de lancement du 11 juin 2015)
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
soutenir
la performance globale du système de santé ?
» | MBA MARPO 2014-2015
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Européennes sur le droit communautaire applicable aux marchés
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environnementales dans lesdits marchés » (rapport, 4 juillet
2001)
· De COURTIVRON C., LEMAIRE F. et GAUDIN A., «
Achat de dispositifs médicaux : quelle place pour le
développement durable ? » (restitution post-enquête pour
l'Institut Gustave Roussy, août 2013)
· CSR Europe, « Get value : guide your
company's sustainability journey » (2015)
· DARRODES M., De COURTIVRON C., LEMARE F. et GAUDIN A.,
Poster Europharmat « Achats de dispositifs médicaux et
développement durable : comment aider les pharmaciens hospitaliers ?
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· DirectHopital, « Achats : une
réglementation unique souple va être mise en place pour les
hôpitaux et les Espic » (article, 9 juillet 2015)
· DirectHopital, « Achats hospitaliers : la
performance économique et les critères sociaux et
environnementaux ne sont pas "contradictoires » (article par Morgan
Bourven, 15 octobre 2015)
· DirectHopital, « Plus de 8
établissements sur 10 intègrent le développement durable
dans leur projet stratégique » (article du 21 mai 2015)
· Direction des Affaires Juridiques du Ministère
chargé de l'Économie et des Finances, « Acheteurs
publics : 10 conseils pour réussir » (fascicule, juin 2015)
· Direction des Affaires Juridiques du Ministère
chargé de l'Économie et des Finances, « Acheteurs
publics : simplifiez-vous l'achat ! » (fascicule, juin 2015)
· Direction des affaires juridiques du Ministère
chargé de l'Économie et des Finances, « Vade-mecum des
marchés publics » (édition 2015)
· Direction des affaires juridiques du Ministère
chargé de l'Économie et des Finances - Observatoire Economique de
l'Achat Public, « L'achat public durable en 2010 »
(synthèse des résultats, octobre 2011)
· Direction des affaires juridiques du Ministère
chargé de l'Économie et des Finances - Observatoire Economique de
l'Achat Public, « Le développement des clauses sociales dans la
commande publique » (actes du colloque, 17 octobre 2008)
· Ecovadis - Médiation Inter-Entreprises,
« Comparatif de la performance RSE des entreprises françaises
avec celles des pays de l'OCDE et des BRICs » (étude, 23 mars
2015)
· Etudiants du MBA Management de la Performance Durable
de l'ISCP sous l'impulsion du Label LUCIE, « La RSE : quels apports et
perspectives dans les relations B to B ? » (mémoire,
Février 2014)
· GERMAIN Christophe et TREBUCQ Stéphane,
« La performance globale de l'entreprise et son pilotage : quelques
réflexions » (Semaine sociale Lamy, 18 octobre 2004)
· GIMENES Nathalie, « Créer une valeur
partagée et un nouveau contrat social avec la société : le
nouveau défi des entreprises du médicament en France : une
réflexion autour du potentiel de transformation de la RSE »
(thèse, septembre 2013)
· Groupes d'Etude des Marchés (GEM), Programme
2015 des publications des groupes d'étude des marchés
64
« L'achat public responsable a-t-il vocation à
soutenir
la performance globale du système de santé ?
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Courrier adressé à B. Braun Medical dans le cadre de
l'évaluation de la performance RSE des fournisseurs, sur le
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dispositifs de diagnostic in-vitro » (Document confidentiel, 8
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· HISSEIN Hassan Ahmat, « L'intégration
de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) dans le droit des
marchés publics » (thèse, Novembre 2010)
· Hospimedia, « L'idée d'un guichet
unique sur l'achat public innovant en santé fait son chemin »
(Article, 9 septembre 2015)
· Hospimedia, « Seuls 2 % des projets
développement durable ont un budget dédié dans les
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« L'Observatoire des enjeux RSE 2015 : état des attentes RSE en
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économique, et leur utilisation dans l'analyse de la
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(février 2015)
· JACQUET Stéphane, « Management de la
performance : des concepts aux outils »
· KROEMER M., CHOLLEY T., POURCELOT C., VOIDEY A. et
GRUMBLAT A., Poster Europharmat « Achats de dispositifs
médicaux : quelle place pour le développement durable ? »
(octobre 2015)
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publics : quelles simplifications ? pour qui ? » (dossier, mai-juin
2015)
· La Gazette des Communes, « Ordonnance des
marchés publics : un pragmatisme séduisant qui permet d'avancer
» (article du 28 juillet 2015)
· La Gazette des Communes, « Ordonnance des
marchés publics : une réforme en profondeur » (dossier
spécial `décryptage' du 27 juillet 2015)
· La Gazette des Communes, « Simplification des
marchés publics : de bonnes intentions à confirmer pour les
associations » (article du 9 juin 2015)
· Les Ateliers de l'Eco-Département - Yvelines,
« Les critères environnementaux et les clauses sociales dans
les marchés publics » (Mini-guide, 3 mai 2012)
· MARTY Frédéric, « Les clauses
environnementales dans les marchés publics : perspectives
économiques » (working paper, 2012)
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« Faire de la commande publique un vrai moteur de croissance des
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durable dans les affaires publiques : l'insertion des critères
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· Ministère de l'écologie, du
développement durable et de l'énergie, Plan national d'action
pour les achats publics durables 2015-2020
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
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» | MBA MARPO 2014-2015
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ratings can capture value that financial system reporting systems overlook
» (article du 7 août 2015)
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» (article paru sur le site Actu Environnement, en date du 23 juillet
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Lyon, Note de synthèse du 3 avril 2013
http://www.lyon.cci.fr/upload/docs/application/pdf/2015-05/le__developpement_durable_dans_les_marches_.pdf
· Secrétariat Général de
l'Administration, Actes du 3ème colloque ministériel
des achats responsables (15 mai 2014)
· Secrétariat général pour la
modernisation de l'action publique, « Etude par
événements de vie sur la complexité - volet entreprises
» (2013)
· SNITEM, « Les marchés publics de
produits de santé » (Présentation PPT, 27 juillet
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· Socialement Responsable (blog), « Achats
publics responsables : le nouveau plan 2015-2020 » (article, 28 mai
2015)
· SQUAREMETRIC, 8ème édition du
Baromètre Santé durable (2015)
· TAHIRI Azedine, « Innovation par la
responsabilité sociétale dans la gestion de projet
d'ingénierie pharmaceutique » (thèse, 2013)
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soutenir
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· TRUDEL Jean-Sébastien, « Le
développement durable est-il vraiment rentable ? En voici la preuve
» (extrait)
http://jeansebastientrudel.com/2014/04/le-developpement-durable-est-il-vraiment-rentable-en-voici-la-preuve.html
· VIGEO, « Responsabilité sociale
d'Entreprise : le coût des sanctions » (Rapport publié
en mai 2015)
·
www.marchéspublicspme.com,
« Vers des critères de pondération RSE
systématiques dans les marchés publics » (article du 24
avril 2013)
Sites internet consultés
· Site internet
www.cci.fr « Lancer et
valoriser votre démarche RSE » :
http://www.cci.fr/web/developpement-durable/lancez-et-valorisez-votre-demarche-rse
· Site internet
www.cnrs.fr - questions parlementaires
« Objectif de développement durable et définition du
besoin » (réponse du 11 janvier 2007) (extrait)
· Site internet
www.economie.gouv.fr
« Marchés publics : comment les critères sociaux et
environnementaux sont-ils pris en compte ? » (extrait)
· Site internet
www.ecoresponsabilite.environnement.gouv.fr/faq.php?cat=1&theme_menu=1
(Portail internet Administration éco-responsable)
· Site internet
http://www.economie.gouv.fr/dajoeap-liste-des-guides-gem
(Portail Centre de documentation Economies-Finances)
· Site internet
http://www.marches-publics.legibase.fr/newsletter/136
· Site internet
http://www.patrickloquet.fr
(Maître de conférences en droit et consultant, dédié
aux clauses sociales dans les marchés publics)
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
soutenir
la performance globale du système de santé ?
» | MBA MARPO 2014-2015
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Annexes
Annexe 1 : Schéma récapitulatif
des possibilités d'inclusion de critères sociaux et
environnementaux dans les marchés publics
Annexe 2 : A quelle disposition du Code des
Marchés Publics recourir pour intégrer le DD dans la commande
publique ?
Annexe 3 : Suivi de l'intégration des
clauses sociales et environnementales dans les marchés publics pour
lesquels B. Braun Medical était soumissionnaire
Annexe 4 : La performance globale sous l'angle
de la triple injonction « dire-faire-évaluer »
Annexe 5 : Exemples d'intégration du
développement durable dans les marchés publics de produits de
santé
Annexe 6 : Leaflet Ecoflac? -
solution valorisation matière
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
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la performance globale du système de santé ?
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Sanction d'exécution
éventuelle du
en
cours
marché
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Annexe 1
Schéma récapitulatif des possibilités
d'inclusion de critères sociaux et environnementaux dans les
marchés publics
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
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Annexe 2
A quelle disposition du Code des Marchés Publics
recourir pour intégrer le DD dans la commande publique ?
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Pour le pouvoir adjudicateur
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Commentaires
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Intégrer des clauses sociales et environnementales dans la
définition de l'objet du marché (art.5)
|
Il s'agit de la façon la plus rapide, la plus directe,
mais surtout la plus transparente pour signifier aux fournisseurs qu'une
politique d'achats responsables sera appliquée au marché
considéré.
|
L'engagement (social et environnemental)
demandé aux soumissionnaires devrait également
être précisé, au sein des clauses techniques (CCTP) ou des
critères d'attribution (art.53) => Jurisprudence pas
réellement disposée à sanctionner l'absence de prise en
compte du DD dans la déf° du marché
=> Jurisprudence sanctionne le recours à des
critères sociaux, dits trop éloignés avec l'objet du
marché
|
Définition de spécifications techniques mesurables
(art.6)
|
Il s'agit de définir
-des normes techniques environnementales ou sociales, ou
équivalent (critères écolabels ou labels sociaux)
-des exigences de performance précises
- des méthodes et processus de production.
Les spécifications techniques permettent au pouvoir
adjudicateur d'énoncer les exigences minimales que le produit ou service
doit remplir afin d'être considéré.
Grande technicité / expertise requise pour l'acheteur
!!
|
Les spécifications techniques ne pouvant être
discriminatoires, il conviendra de préciser systématiquement
« ou équivalent », lorsqu'il sera fait référence
aux normes techniques
|
Prévoir dans le CCAP une ou des condition(s) sociale(s)
et/ou environnementale(s) d'exécution (art. 14), par
exemple un nombre minimum d'heures d'insertion professionnelle de tous les
publics bénéficiaires assortie de clauses de contrôle et de
sanction.
|
Permet d'imposer aux entreprises soumissionnaires de s'engager
à réaliser une action d'insertion correspondant à un
volume déterminé d'heures de travail.
Permet d'imposer aux entreprises soumissionnaires des exigences
environnementales (ex : tous les soumissionnaires devront s'engager à
collecter les emballages ainsi que les produits arrivés en fin de vie,
fournis dans le cadre du marché)
|
Implique de connaître au préalable la situation
locale en matière d'emploi et l'offre d'insertion professionnelle de
tous les publics éloignés de l'emploi effectivement mobilisable
pour exécuter le marché.
Implique de connaître les compétences
particulières en lien avec l'environnement et nécessaire à
la réalisation du marché.
L'engagement (social et/ou environnemental) demandé aux
soumissionnaires doit être précisément fixé, au sein
des clauses techniques (CCTP) ou des critères d'attribution (art.53)
Eviter les clauses « fourre-tout » (trop
générales), les clauses « parfaites » (trop
exigeantes), les clauses « incohérentes » (voire
contradictoires avec l'objet du marché), les clauses
« invérifiables » (fondées sur du
non-tangible, non-mesurable, non-vérifiable) ou encore les clauses
« déplacement de pollution ».
|
Réserver certains marchés à des structures
d'insertion professionnelles de
|
Permet de réserver des marchés ou des lots : -
à des entreprises adaptées (EA) ;
- aux établissements et services d'aide par le travail
(ESAT) ;
|
Implique une bonne connaissance des fournisseurs potentiels de
ces catégories et de leurs capacités de production.
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- à des structures équivalentes employant
principalement des personnes handicapées. Favorise à moyen terme
le développement de ces structures.
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personnels handicapés (art. 15)
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Variantes (art. 50)
|
Permet de bénéficier de propositions plus
|
La variante doit être prévue dès l'avis de
publicité.
|
|
innovantes que celles proposées par l'acheteur
|
Les documents de la consultation doivent prévoir
|
|
public (art. 14 et 53).
|
les éléments nécessaires à
l'appréciation de la pertinence de la variante. L'ouverture de la
commande publique aux variantes est un facteur de complexité de
l'analyse des offres sur la base des critères annoncés.
|
|
|
Il convient de mettre en place une méthodologie d'analyse
transparente.
|
|
|
? C'est une option très utile lorsque les acheteurs
publics ne sont pas sûrs de la disponibilité de certains
services/travaux/produits sur le marché.
|
Prévoir un critère social
|
Peut inciter de manière transparente les
|
La jurisprudence assoupli le lien entre l'objet du
|
et/ou environnemental
|
entreprises soumissionnaires à présenter des
|
marché et l'insertion professionnelle, mais le
|
parmi les critères
|
offres performantes en matière d'insertion
|
marché doit être susceptible d'être
exécuté, au
|
d'attribution des
|
professionnelle et/ou d'environnement.
|
moins en partie, par des personnels engagés dans
|
marchés (art. 53)
|
Mise en place d'une pondération favorisant les
|
une démarche d'insertion.
|
|
offres performantes en matière d'insertion
|
Pas d'obligation de combiner l'article 53 I. 1° avec
|
|
professionnelle et/ou d'environnement.
|
une clause d'exécution de l'article 14.
|
|
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Attention :
|
|
Ces critères d'attribution permettent au
|
- affecter au critère un poids raisonnable pour ne
|
|
pouvoir adjudicateur d'indiquer ce qu'il serait
|
pas être discriminatoire, mais suffisamment
|
|
préférable...mais pas à n'importe quel
prix.
|
important pour être significatif ;
|
|
|
- annoncer dès l'avis de publicité de marché
le critère des performances en matière d'insertion
professionnelle de tous les publics en difficulté ;
|
|
|
- indiquer clairement dans le règlement de la consultation
les éléments qui seront pris en compte pour l'appréciation
des offres ;
|
|
|
- être en mesure d'apprécier objectivement les
offres grâce à une grille d'indicateurs de performances en
matière d'insertion professionnelle, de contrôler le respect des
engagements pris et prévoir dans le CCAP les sanctions.
|
|
Favorise à moyen terme le développement des
|
|
|
entreprises adaptées ou structures équivalentes au
sens des directives
|
Objet limité
|
Privilégier certaines structures au moment de
l'attribution des marchés (droit de préférence de
l'art. 53
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2004/17/CE et 2004/18/CE.
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IV)
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« L'achat public responsable a-t-il vocation à
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Annexe 3
Suivi de l'intégration des clauses sociales et
environnementales dans les marchés publics pour lesquels B. Braun
Medical était soumissionnaire
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Annexe 4
La performance globale sous l'angle de la triple injonction
« dire-faire-évaluer »
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L'organisation
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Ses parties prenantes
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L'organisme tiers-indépendant
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DIRE
Façon dont la
performance globale est évoquée
|
Intentions, allégations
Rendre compte des actions RSE réalisées
|
Partagent leur propre expérience auprès de la
communauté
Partagent les bonnes et les mauvaises pratiques RSE dont
ils ont pu avoir connaissance
|
Peut être amené à partager les bonnes
pratiques qu'il a
lui-même observées
(pas systématique)
|
FAIRE
Façon dont la
performance globale est pratiquée
|
Projets RSE en cours
|
Challengent et stimulent la stratégie RSE de
l'organisation
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Audite le système de management de la RSE
de l'organisation
|
EVALUER
Façon dont la
performance globale est mesurée /
validée
|
Suivi des KPI de la stratégie
RSE
Analyse et retour d'expérience sur les actions RSE
réalisées
|
Possibilité de se rassembler afin de mener des «
class actions » (pouvant entraîner une décision de
justice)
Rôle de lanceurs d'alerte auprès d'associations de
défenses des consommateurs/patients...
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Valide ou invalide la performance globale au sein de
l'organisation
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Pouvoir d'influence sur la stratégie RSE de
l'organisation
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Annexe 5
Exemples d'intégration du développement durable
dans les marchés publics de produits de santé (consultations
reçues par B. Braun Medical et référencées selon
leur n° Eurydice)
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Annexe 6
Leaflet Ecoflac? - solution valorisation
matière
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