Avant-propos1
Ce mémoire n'aurait pas pu être
rédigé sans l'existence du CCRM. Le CCRM et plus largement tous
les CLCRM d'Europe ont été le fruit d'un effort collectif. Cet
effort collectif a été porté par des hommes et femmes, par
des Européens et par des Marocains.
L'action des CLCRM était organisée par ces
hommes et femmes mus par un idéal commun de justice et de
solidarité. Ce travail était, en plus, effectué sans
aucune forme de rétribution. Fournir un tel travail militant sur une
vingtaine d'années relève au moins d'une
générosité désintéressée, sinon d'une
résistance ouverte face à l'oppression politique et à la
tyrannie d'Hassan II. Les militants connus et moins connus ont consacré
leur temps et leur énergie à soutenir le peuple marocain dans sa
lutte contre le régime d'Hassan II. Alors que ce dernier disposait les
moyens de sa répression politique, les militants des CLCRM disposaient
d'une organisation, des moyens d'action rapide et surtout du courage. Le
courage apparaissait comme la première arme de résistance face
à la dictature marocaine.
Depuis l'indépendance du Maroc, les enlèvements,
les tortures, les incarcérations, les meurtres et les disparitions
définitives ont été le lot quotidien du peuple marocain
dans le cadre de sa lutte pour la démocratie, la liberté
d'expression, la liberté de conscience et la liberté d'opinion.
De ce fait, les CLCRM ont relevé un grand défi celui de la lutte
contre la répression au Maroc.
Outre le courage, l'entraide permettait aux Marocains du Maroc
et d'Europe de combattre la répression politique. Néanmoins,
comme le dit l'adage suivant : « Derrière chaque grand homme se
cache une femme ». Ainsi, lors des rafles qui frappèrent de plein
fouet les militants marocains, qu'ils soient de gauche ou d'extrême
gauche, ce sont les femmes, les mères, les filles, les tantes, les
grand-mères, les cousines qui sortaient pour manifester et revendiquer
la libération immédiate des détenus dans les prisons. En
guise d'exemple, citons le combat des femmes proches des militants de l'UMT ,
de l'UNFP, de l'USFP, d'Ilal Amam et du 23 Mars qui ont aidé
ces derniers à échapper à la police, et les femmes de
l'extrême gauche, dont Saïda Menbehi*, sûrement la plus forte
figure féminine de la résistance au régime d'Hassan II,
qui est morte pour son combat en 1977. Ces femmes devaient,
parallèlement, pourvoir à l'éducation au sein du foyer
à l'heure où leur mari sortait militer pour un Maroc meilleur. La
machine répressive ne faisait pas de cadeaux, ainsi pensons aux
nombreuses familles marocaines détruites par les actions arbitraires
commises par la police marocaine.
Ensuite, citons les cas des femmes des détenus «
secrets » dans les centres de détention, les PF ou les bagnes.
Parmi ces femmes, évoquons les femmes du capitaine Salah Hachad et du
commandant M'barek Touil, Aïda Hachad et Nancy Touil qui ont plaidé
jusqu'au bout pour la libération de leur mari et de leur groupe entre
1973 et 1989. Evoquons la mobilisation de la famille Ben Barka qui ne cessa de
militer pour connaître le sort de Mehdi Ben Barka disparu depuis 1965. Il
y a aussi la famille El
Manouzi, qui, encore aujourd'hui, se mobilise pour
connaître le sort d'Houcine El Manouzi disparu depuis 1975. Parmi les
femmes des détenus, citons Christine Jouvin* et Jocelyne Laâbi qui
luttèrent pour la libération de leur mari : Abraham Serfaty et
Abdellatif Laâbi. Parmi les mères qui se sont illustrées
dans le combat pour la libération de leurs enfants, citons les
mères de Moustapha Belhouari et Moulay Ahmed Douraïdi qui sont
sorties avec les mères des détenus lors des manifestations qui
ont eu lieu à Marrakech le 1er mai 1984.
Ces mères, ces femmes, ces tantes et ces
grand-mères étaient celles qui allaient voir
régulièrement les détenus en prison en leur apportant des
vivres, de la tendresse et de l'amour comme l'indiquait
« Rahal » dans son témoignage. Sitôt
les prisonniers recevaient quelque chose sitôt ils étaient
fouillés par les gardes de la prison qui confisquaient tout, même
l'amour apporté...
Le présent travail vise à rendre hommage
à ces militants marocains, français, belges, néerlandais,
allemands, suisses et espagnols, tout en saluant l'action des hommes et femmes
de l'ombre qui ont constitué une véritable force organisatrice
militante.
1
|