INSTITUT LIBRE D'ETUDES DES RELATIONS INTERNATIONALES
ILERI
Introduction à la Géopolitique
Mémoire
LA CONSTRUCTION GEOPOLITIQUE DE LA
TURQUIE
Nikolas
Nicolas Année universitaire 2015 - 2016
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ATTESTATION DE NON PLAGIAT
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SOMMAIRE
I) Aux fondements du nouvel Etat, une idéologie
novatrice et les particularités d'un peuple.
I) 1) Le Kémalisme: genèse d'une Turquie
Moderne.
I) 1) 1) Atatürk et son armée à la
reconquête de l'indépendance et de la fierté
nationale.
I) 1) 2) Le temps des reformes et des « 6
flèches ».
I) 2) l'armée, l'école et l'état aux
origines de l'identité nationale.
I) 2) 1) « L'armée est une école et
l'école est une armée »
I) 2) 2) l'Etat comme vecteur d'uniformisation de la nation
et de son territoire.
II) Un territoire aux multiples aspects
géopolitique.
II)1) « Un état pivot » au coeur du coeur du
Monde.
II) 1) 1)L'« Etat pivot » stratégique au
sein du Rimland.
II) 1) 2) Une zone tampon au coeur de la « région
intermédiaire » de Dimitri Kitsikis.
II)2) Une terre géostratégique à
aménager.
II)2)1) Des atouts indéniables faisant sa force
géostratégique.
II)2)2) Les aménagements structurels du
territoire.
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Introduction :
A la fin du XIXème siècle, les Ottomans perdent
progressivement de leur influenceet le traité de Sèvres, conclu
le 10 août 1920 à la fin de la Première Guerre mondiale
entre les Alliés et l'Empire Ottoman marque la fin de ce vaste Empire.
Destiné à mettre en application les décisions en lien avec
les territoires ottomans prises lors de la conférence de San Remo, le
traité de sèvres s'inscrit dans la suite des accords secrets
Sykes-Picot1(*). Le
territoire devait être partagé en zones d'influence au profit des
Alliés et des minorités Kurdes et Arméniennes. La France,
l'Italie et la Grande-Bretagne se voit confier une zone d'influence dans le
sud, Sud Est de l'Anatolie, les minorités Arméniennes et Kurdes
gagnent l'Est du pays,la Grèce obtient de son côté l'ouest
Anatolien et la Thrace orientale. Istanbul, les côtes des mers de
Marmara et Dardanelles seront démilitariséeset placés
(avec les détroits) sous le contrôle d'une commission
internationale. L'Empire ottoman ne garde alorsqu'un territoire de seulement
420 000 km2 avec en Europe qu'Istanbul et en Asie que la partie
occidentale Anatolienne, moins la région de Smyrne.En comparaison avec
ses 1 780 000 km2 d'avant la guerre, le nouvel Empire ottoman n'est
alors pas plus qu'un territoire composé des steppes salées
d'Anatolie centrale. Les possibilités de développement sont
limitées à cause de la mise en place d'un système qui,
mettra les finances du pays sous la tutelle de commissions
étrangères comme la police, le système fiscal, les
douanes, les eaux et forêts, les écoles privées et
publiques.Craignant de voir le pays partagé entre les Empires coloniaux
occidentaux, une masse de Turc se soulève et s'engagedans
l'armée révolutionnaire qui déclenche la Guerre
d'indépendance en mai 1919.
Pourcomprendre la construction géopolitique de la
Turquie, nous nous demanderons par quels moyens la Turquie, depuis
l'effondrement de l'Empire Ottoman, a pu réaffirmer sa
géopolitique et comment elle a su adapter sa puissance aux
données géographiques.Dans un premier temps, nous
étudieronsles fondements de la nouvel Turquie. Aux origines de cette
Turquie moderne, le Kémalisme d'Atatürk à la
reconquête de territoires perdus, dont les réformes sont
occidentales et les particularités d'un peuple où l'armée,
l'école et l'Etat réinventent l'identité nationale.Dans un
second temps, nous verrons que le territoire Turque est une zone
géostratégique. Au coeur de la région intermédiaire
mondiale, cet Etat pivot possède de multiples interfaces avec ses
voisins. A l'échelle locale des aménagements en vue d'un
développement économique globale.
I) Aux fondements du nouvel Etat, une idéologie
novatrice et les particularités d'un peuple.
Depuis l'empire à nos jours, la doctrine de
l'état en Turquie s'est montrée constante, mais a aussi subit
des variations importantes dans la durée. La définition classique
de l'Empire Ottoman renvoie à une souveraineté
décidée par Dieu, le pouvoir politique est par conséquent
légitimé par lui-même. C'est cette notion qui explique la
capacité de la dynastie Ottomane à se maintenir pendant des
siècles. Cependant, l'arrivée de Kemal au pouvoir met en place la
réalisation de l'identité nationale turque en regagnant sa
fierté et par conséquent consacre sa géopolitique.
I) 1) Le Kémalisme: genèse d'une Turquie
Moderne.
Après la Première Guerre mondiale et
l'occupation alliée de l'Empire ottoman, ce militaire de carrière
refuse de voir son pays être dépouillé et rabaissé
par le traité de Sèvres. En 1920, ce traité est
signé par les vainqueurs de la Première Guerre Mondiale et le
régime ottoman du sultan Mehmet VI. Accompagné de partisans,
Mustapha Kemal se révoltera contre le gouvernement impérial et
créera un deuxième pouvoir politique à Ankara franchissant
une nouvelle étape vers la création de la République
Turque avec la Grande assemblée de la Turquie. Pour Kemal, l'occupation
étrangère est vécue comme une humiliation2(*).
I) 1) 1) Atatürk et son armée à la
reconquête de l'indépendance et de la fierté nationale.
La mise en place du Traité de Sèvres est rendue
impossible par la guerre d'indépendance de Mustafa Kemal entre 1919 et
1923. C'est ainsi qu'en 1919 le Pacte national devient le texte de
référence concernant la base territoriale non négociable.
Le texte voté par l'Assembléeen 1920 affirme
l'indivisibilité du territoire turc. Par leur victoire, les
armées du commandant Kemal obligèrent les Alliés
à renoncer au traité de Sèvres et à
négocierun nouveau traité en juillet 1923. La guerre
d'Indépendance a alors pour conséquence la chute du
système monarchique ottoman, le lancement d'un processus
révolutionnaire sous l'idéologie kémaliste et la
négociation d'un nouveau traité plus avantageux pour la nouvelle
Turquie : le traité de Lausanne3(*).
Le nouveau traité reconnaît tout d'abord la
légitimité du régime d'Atatürk d'Ankara. Les
Alliés obtiennent la reconnaissance par la nouvelle république
turque des pertes territoriales de l'empire ottoman (Chypre, Syrie, Palestine,
Liban, Arabie) mais en échange renoncent à
I
demander la simple autonomie Kurde et Arménienne,
auparavant prévues dans le traité de Sèvres. Au sandjak
d'Alexandrette près, rattaché en 1939 grâce l'accord de
France, les frontières de la Turquie actuelle sont reconnues : la
république turque moderne est limitée à l'Anatolie toute
entière et à la Thrace orientale.3(*)
À Lausanne, le contrôle Alliés sur les
instituts financiers et les forces de l'armée turque sont
stoppés, ainsi que dans les zones démilitarisées et
contrôlées autour des détroits des Dardanelles et du
Bosphore, qui resteront cependant ouverts, sans restriction turc, à la
navigation maritime internationale.
Possédant un socle territoriale cohérant et
indépendant, Kemal peut enfin commencer sa Révolution.
I) 1) 2) Le temps des reformes et des « 6
flèches »4(*).
Inspiré par la Révolution française,le
Kémalisme est une philosophie de modernisation qui a guidé la
transition.C'est un plan de plusieurs réformes sociales, politiques et
économiques. L'objectif final d'Atatürk est la sortie Turque de la
misère et de la pauvreté en s'inspirant du modèle
occidental. Ainsi, Kemal disait : « Nous allons élever
notre nation au niveau des civilisations les plus riches et les plus
civilisées du monde. Nous allons mettre notre culture nationale
au-dessus du diapason de la civilisation contemporaine. »5(*)
Il y a six piliers fondamentaux à
l'idéologie :
Le Républicanismequi
représentera la base de la révolution politique : un
bouleversement en passant de l'Empire multinational ottoman à
l'État-nation turc, ainsi que l'avènement d'une identité
nationale liée à la Turquie moderne. C'est seulement sous la
forme d'un État moderne que l'ensemble de sa politique réformiste
ne peut se concrétiser, d'après Kemal. L'État
républicain représente le mieux, selon lui, les souhaits de la
population.
Le kémalisme et sa révolution a aussi
été une révolution populaire.
C'était une révolution menée pour le peuple mais par des
élites. Les droits des femmes et l'adoption des codes occidentaux sont
adoptés. Le droit de vote féminin est adopté en 1933 et
peuvent se présenter lors d'élection, une nouveauté. Le
Kémalisme s'élevait contre les privilèges inégaux
et contre les distinctions abusées de classes. Le plan de
réformes est seulement pour nation turque, l'État leur appartient
et ils en sont à l'origine de sa souveraineté 6(*)
La laïcité kémalisteimpose
l'indépendance de toutes dominations religieuses et des
établissements religieux etsignifie la fin de l'intrusion de la religion
dans des domaines tel que les affaires éducatives, juridiques et
culturelles. La laïcité kémaliste, comme la
laïcité française, n'est pas une laïcité
athée, contestante la religion, mais une laïcité
rationaliste prônant la religion dans une sphère privéene
pouvant influencer d'une quelconque façon l'État.
Iln'était donc pas opposée à l'Islam mais à la
politique islamique de l'empire ottoman, avec un islam qui selon Kemal nuisait
au processus de démocratisation Turque.
L'un des principes les plus importants d'Atatürk est le
principe révolutionnaire
ouréformiste. Justifiant l'élimination des
traditions considérées comme archaïques au profit de nouveau
concept réformateur, la révolution permanente doit s'identifier
à une période d'avancement significative, et non un retour dans
le passé. La révolution kémaliste serait nourrit par la
Révolution française.
La modernisation complète de la Turquie ne peut venir
que de l'État et de son implication dans le
développement économique dans le Kémalisme. Par la suite,
l'État devient très interventionniste et l'économie
Turque sera étatiste. Dans une période de misère, le
gouvernement judicieux, gère alors l'activité économique.
Des kilomètres de routes ainsi que plusieurs centaines de ponts sont
construits, un réseau ferroviaire est créé,
désenclavant l'Anatolie permettant un développement
économique global. L'agriculture est remis en avant et les paysans
possèdent plus d'outils, de moyens et peuvent pour la première
fois économiser pour les générations futures.
La révolution kémaliste est aussi une
révolution nationaliste. Le nationalisme
kémaliste met en avant l'importance de son peuple dans sa
souveraineté. Plusieurs institutions d'État ont été
créées en suivant ce mouvement nationaliste.
I) 2) l'armée, l'école et l'état aux
origines de l'identité nationale.
Afin de créer une "nation turque" Mustafa Kemal a eu
recours à différent processus et outils : Sa constitution
qui unifie l'État turc, son territoire et sa nation en une
entité indivisible est aussi présente pour uniformiser la Nation,
l'armée turque, qui après la mort de Mustafa Kemal en 1938, reste
très fortement imprégnée des principes du fondateur de la
Turquie. Enfin l'écolequi, au côté de l'armée,
permet de promulguer les valeurs Républicaines Kémaliste.
Enfin.
I) 2) 1) « L'armée est une école et
l'école est une armée »7(*)
En Turquie, il existe deux ministères utilisant le
terme de « national » : Les ministères de la Défense
Nationale et de l'Éducation Nationale. Le premier a pour mission la
protection de l'intégrité territoriale et la sauvegarde de la
République, le second en revanche a pour rôle l'éducation
du futur citoyen à l'obéissance des valeurs du kémalisme,
et d'assurer son épanouissement dans la culture turque. Il s'agit donc
d'une guerre possédant deux fronts. Ce processus d'établissement
national repose sur l'instituteur et le soldat : «Durant la guerre
d'indépendance, tandis que l'armée combattait les Grecs sur le
front, une armée de professeurs préparaient à Ankara
l'assaut final contre l'obscurantisme. La guerre et l'éducation sont
jumelles ; le soldat chasse l'occupant du pays, l'enseignent en extirpe
l'ignorance »8(*).
Ainsi, dans le discours civique et identitaire turc, l'aspect militaire est
très important. L'Image du soldat est la continuité du
caractère national et sa finalité ultime. Le livre
d'éducation civique étudié dans les classes des
lycées du pays expose ainsi les traits supposés propres à
la race turque : «Le turc est combattant, fort, plein de fougue,
intelligent, brave, magnanime, exemple de morale et de vertu pour le reste de
l'humanité. Les victoires des Turcs commencent avec l'Histoire. Les
armées turques ont donné naissance à la gloire et
l'honneur. Les Turcs sont dévoués à leurs pays et
vigilants quant à leur indépendance et à leur
souveraineté. Ils n'hésitent pas à défier la mort
pour la protéger. En définitive, le turc est un être
supérieur qui a une place à part sur terre ».
On retrouve au sein des écoles militaires la même
éthique. Elles ont pour mission de former plus que des soldats mais des
cadres de la nation. Les élèves officiers s'entendent
répéter qu'ils sont l'élite de national. Maintenus
à l'écart de la vie civile, ils conçoivent un
mépris prononcé pour la médiocrité
extérieur. Leur serment implique l'idée du sacrifice ultime car
selon eux, « un pays n'existe que si on peut mourir pour lui »
9(*). Le patriotisme
s'identifie normalement au Kémalisme et aux principes qui s'en suivent :
souveraineté nationale, laïcité et unité de
l'État.
I) 2) 2) l'Etat comme uniformisateur de la nation et de
son territoire.
Tout d'abord, l'Etat turc s'appuie sur une conception
centralisatrice de l'État c'est-à-dire assimilateur et jacobin ,
plus enclin à mettre en avant l'interdit que le dialogue. Cela vient en
effet des conditions de formation de ce dernier produit par les amputations
successives. La Turquie moderne a très tôt proclamé
l'inchangabilité de ses frontières renvoyant au traité de
Lausanne. La négation du cas kurde est donc vitale pour la construction
de l'État-nation. La politique officielle de la Turquie sur ce sujet a
par la suite toujours consisté à verrouiller une dynamique
présentant pour le pouvoir le double danger de l'effet domino (d'autres
minorités risquent de faire des demandes identique), autant de menaces
à l'intégrité du pays et de l'effet de masse (la
sécession de 12 millions d'habitants).10(*)
Pour que l'Unité de l'Etat se fasse Mustafa Kemal a eu
recours à plusieurs moyens d'uniformisation afin de parvenir à
créer une "nation turque". Il a interdit par exemple l'usage de la
langue Kurde pour que la communauté kurde s'assimile peu à peu
à la Turquie et à sa culture.On abandonne l'écriture
arabe, même si c'est celle de tous les textes sacrés en le
remplaçant par des caractères latins en 1928. La politique de
Kemal veut symboliser la cassure avec le passé impérial ottoman
en appliquant des réformes radicales pour son pays, illustrées
par l'attachement à une conception de la Nation proche des idées
françaises11(*). Le
régime prôné est celui de la république unitaire qui
s'oppose à la tradition impériale et multiculturelle. Par
conséquent, Kemal a rejeté tout ce qui liait les Turcs aux
Arabes. Par ailleurs, l'unité ethnique et linguistique s'est
manifestée comme l'un des fondements du nouveau pays. C'est pourquoi la
république Turque s'est construite par exclusion des autres populations
qui vivaient autrefois en Asie Mineure sous l'empire ottoman comme les
Arméniens ou les grecs qu'on incitait à laisser leurs places aux
populations Turques avec des mesures parfois violentes.
La quasi-homogénéité ethnique du pays est
un avantage certain et un cas unique dans la zone du Moyen-Orient : c'est un
atout pour la stabilité du pays et une donnée essentielle pour
les héritiers du Kémalisme; cela explique aussi, en partie, la
lutte contre les Kurdes car la diversité ethnique est
considérée comme une des faiblesses ayant favorisé le
déclin de l'empire. Cela donne à l'Etat une stabilité
nécessaire sur son territoire lui permettant de mettre en oeuvre une
politique international cohérente et de répondre aux enjeux
territoriaux.
II) Un territoire aux multiples aspects
géopolitique.
La Turquie est d'une importance géopolitique de premier
ordre. Au coeur de la « région
intermédiaire »11(*) cet Etat Pivot possède différentes
caractéristiques qui font de lui une zone stratégique très
intéressante. D'un point de vue international, la Turquie possède
la capacité à influencer la géopolitique régionale
malgré qu'elle ait eu une politique
de « neutralité» pendant longtemps. (Cette politique
permettrait de se concentrer sur la modernisation et l'indépendance
totale de l'Etat dans la pensée Kémaliste contrairement à
Enver Pach12(*) qui
voulait aller à la reconquête de l'Asie centrale Turcophone).
Enfin, d'un point de vue interne la vision des différentes
régions de son territoire et l'attribution de leurs fonctions confirme
les enjeux multiples que connait le pays.
II)1)« Un état pivot » au coeur du coeur
du Monde.
Parce qu'il est considéré comme une zone tampon
entourant le « heartland », le « Rimland »
possède un fort potentiel géostratégique car il
permettrait de contenir tout l'arrière-terre du heartland. Ainsi celui
qui cherche à dominer le monde doit contrôler le
«Rimland». Sa force et les intérêts qu'on peut lui
porter résident également dans le potentiel industriel et
démographique, que Spykman considère plus important que celui du
« heartland », en plus du potentiel de pouvoir qu'offre la
localisation à la fois terrestre et maritime de la région.Le
territoire Turques ce trouve réellement au coeur de
l'échiquier.13(*)
II)1)1)L' « Etat pivot »
stratégique au sein du Rimland.
L'expression fait bien sûr référence aux
grands classiques de la géopolitique, Mackinder et Spykman, qui avaient
décelé, dans une approche géographique, des « zones
pivot » qu'il fallait contrôler si on souhaitait dominer le
monde.
La Turquie est considéré comme un Etat pivot de
par sa situation géographique sensible et à sa potentielle
vulnérabilité. Sa localisation au coeur du Rimland et au
Carrefour géographique qu'est le Moyen-Orient sur l'Ile mondiale lui
confère un rôle clé pour accéder à certaines
régions. La Turquie réunit alors, en rendant dépendant ce
qui ne l'était pas,les 2 zones extrêmes du Rimland l'Europe de
l'Ouest et de l'Extrême-Orient. Il articule ainsi l'ensemble et permet de
mettre en relation les différents blocs géopolitiques.
Grâce à ce positionnement incroyable, la Turquie a eu une histoire
riche en démêlés stratégiques et en accords,
notamment avec les Etats-Unis.
Durant la Guerre Froide par exemple, la Turquie accueillit des
missiles Américainscensés encercler et menacer l'URSS. Pour les
Etats-Unis, la Turquie représenta dès lors, un partenaire
stratégique dans la région, une base arrière stable.A la
fin de la Guerre Froide, la chute Soviétique fit craindre à la
Turquie une perte de son statut de partenaire stratégique de premier
choix à celui de partenaire secondaire. Mais en 1990 la Guerre du Golfe
permit la réhabilitation de ce rôle primordial pour les
Américains. En effet, malgré l'opposition du peuple turque, le
gouvernement décida d'autoriser les armées Etats-Uniennes
à se servir des bases militaires et appliqua des sanctions contre
l'Irak, même si elle y perdait beaucoup. Cet acte réconforta le
renforcement de la coopération turco-américaine. On voit donc que
la Turquie permet de jouer sur plusieurs fronts : d'un côté
l'URSS, de l'autre le Moyen-Orient.
Le déclin de l'URSS permit aussi aux Turques de
renforcer leur rôle de puissance régionale En effet, les
régions de la Caspienne et d'Asie centrale sont peuplées de
musulmans turcophones (1). La Turquie entendit donc d'abord profiter du
pétrole de l'Asie centrale et du Caucase pour sortir de sa
dépendance à l'égard du Moyen-Orient. Pour Ankara, le but
était de faire de la Turquie un pont, une véritable zone tampon,
entre l'Asie centrale et l'Europe.
II)1)2) Un Etat Tampon au coeur de la
« région intermédiaire » de Dimitri
Kitsikis.
La Turquie se situant entre plusieurs grandes
civilisationspuissantes et rivales, il est possible de considérer cet
Etat comme une zone tampon, du moins jusqu'à la fin de la seconde guerre
mondiale.Les États tampons, poursuivent une politique de
neutralité, ce qui les distingue des États satellites.
L'existence même de cet État est censée prévenir des
conflits entre ses voisins. Ainsi, les blocs culturels des civilisations
Orientale et Occidentale se mêlent en Turquie.
La Turquie en tant que zone tampon est située entre
deux entités géographique et culturelles ; Au coeur de la
région intermédiaire, qui dans la pensée de
Kitsikis14(*) est une
troisième aire de civilisation entre les civilisations orientales et
occidentales, la Turquie est un territoire au brassage culturel important. Sa
politique de neutralité, jusqu'à la fin de la secondaire guerre
mondiale, était censée limité les interactions entre
voisins trop différents et absorber le choc civilisationnel. Elle
crée à la foi un lien dans la région
intermédiaire, mais lorsque l'on regarde des deux côtés
Est-Ouest du territoire, le contraste est fort.
II)2) A l'échelle locale, une terre
géostratégique à dompter.
Le contraste est aussi très fort lorsque l'on voit les
inégalités suivant les régions, au sein même du
territoire15(*). Mais la
Turquie s'engage et par de nombreux projets, elle aménage son territoire
pour répondre aux défis de son développement. Elle a
d'ailleurs des atouts géostratégiques à faire valoir. Ces
leviers d'actions peuvent d'ailleurs influencer la politique régionale
voir mondiale
II)2)1) Des atouts indéniables faisant sa force
géostratégique.
En 1936, la convention de Montreux régi le statut
international des détroits turcs. Ce traité, même si les
eaux sont considérées comme eaux internationales pour les navires
de commerce, octroie à la Turquie le contrôle des détroits
du Bosphore et des Dardanelles.
Les autorités maritimes turques peuvent inspecter les
navires pour des raisons sanitaires ou de sécurité, imposer des
droits de passage, mais n'ont pas le droit de leur interdire le franchissement
du détroit sauf en temps de guerre. Ainsi, ces détroits font de
la Turquie un Hub pétrolier important avec 53 000 navires, l'un des
trafics les plus importants au monde.16(*)
Mais la Turquie n'est pas seulement un Hub maritime, elle est
aussi objet de projet d'un pipeline partant du Moyen-Orient vers l'Europe en
passant par l'Anatolie : le projet Nabucco. Si celui-ci se
concrétise il se rajoutera à la liste de projet de transports
pétrolier auxquels la Turquie répond comme le South Stream de
GazProm.17(*)
Enfin, l'eau, qui est une ressource rare dans la
région, est abondante en Turquie. Le pays tire avantages de sa situation
en amont des fleuves du Tigre et de l'Euphrate.Prenant leur source en terre
Turque, les deux fleuves parcourent la Syrie et l'Irak pour se jeter dans le
Golfe Persique.18(*) La
pluviométrie est forte au niveau des sources iraniennes et Turques mais
globalement modeste sur le bassin versant. Donc, la part la plus importante du
débit des fleuves se constitue sur le territoire Turque.
On voit donc que la Turquie tire nombres d'avantages de sa
situation en amont ce qui engendre parfois des tensions régionales avec
ses voisins. Ce sont ses eaux qui alimentent le plus le bassin et elle peut
donc capter l'eau avant que celle-ci arrive dans les Etats en aval. Dans le
contexte de croissance démographique, les ressources en eau sont
hautement importantes pour ces Etats déjà fortement
peuplés. C'est pourquoi les Etats riverains du bassin ont rapidement
attaché de l'importance à l'aménagement fluvial.
II)2)2) Les aménagements structurels du
territoire.
L'aménagement est rendu nécessaire par les
caractéristiques mêmes des fleuves présentant de fortes
crues au printemps issues de la fonte des neiges du plateau anatolien. Les
débits annuels sont extrêmement irréguliers d'où la
nécessité de construire des barrages comme le barrage
d'Atatürk et des canaux pour régulariser le cours des fleuves et
pouvoir exploiter l'eau hors des périodes de crues.
C'est avec ce genre de projet que la Turquie pourra
répondre aux défis du développement qu'elle connait
notamment au Sud-Est du pays, en région Kurdes. La Turquie doit enfin
affronter la question sensible des disparités économiques et
sociales. En effet, ces régions reçoivent par exemple beaucoup
moins de crédits bancaires que les provinces les plus riches telles
qu'Istanbul, Ankara ou Izmir, même si des investissements publics massifs
ont été réalisés dans le cadre du Grand projet
anatolien (GAP),19(*) Il
semble toutefois que cette région ait du mal à sortir du cercle
tragique et vicieux
sous-développement/violence/sous-développement20(*)dans lequel elle s'est
longtemps trouvée placée
Le développement des réseaux de transport est aussi
aujourd'hui un facteur déterminant la Turquie. Le secteur des
transports est en tête des investissements publics20(*) en Turquie :
- -Un important réseau ferroviaire de 11 000km
- l'investissement dans les transports aériens notamment
dans la compagnie Turskish Airlines ou encore la création d'un
troisième aéroport à Istanbul (l'un des plus grands au
monde)
- D'importantes infrastructures routières.
Ces projets d'aménagement territoriaux sont inscrits dans
une logique géopolitique marquée par la volonté de dominer
le territoire interne et de mieux gérer tant les troubles internes que
les menaces externes.
Conclusion :
La géopolitique Turque s'est donc construite sur les
bases d'une idéologie révolutionnaire Kémaliste,
respectueuse de l'Histoire Ottomane et marqué par cette dernière.
En effet, cet état moderne, ayant ces origines d'identité
nationale basés sur les entités de l'armée et
l'école est traumatisé par l'humiliation qu'a connu l'Empire en
étant dépouillé de tous ces territoires. Ainsi, cette
Turquie a su jouer de ces atouts tel que son positionnement stratégique
et de son expérience en restant neutre lors de la seconde guerre
mondiale, ce qui lui aura permis de se faire un allié et non des
moindres : les Etats-Unis.Afin de continuer de cette logique de croissance et
de puissance, l'Etat Turque multiplie les projets et continue de mettre encore
plus en valeur et d'exploiter au maximum ces atouts géographiques.
Néanmoins, avec l'avènement de la démocratie, le parti
Islamique d'Erdoganjoue avec le feu notamment au niveau des reformes sociales
et de sa politique extérieur peu logique.
La Turquie, qui possède des aspirations
d'intégration européenne, arrivera-t-elle à continuer dans
la même ligné alors que toute la région retient son
souffle à cause du conflit syrien ?
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BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages :
-Revue de géographie et de géopolitique
Géopolitique de la Turquie, Hérodote n°48
-Revue Française de Géopolitique
Géopolitique de la Turquie, dirigée par Aymeric
Chauprade,Ellipses 2006
-La politique extérieure de la Turquie, Didier
Billion, L'Harmattan 2005
-Le rôle géostratégique de la
Turquie, Didier Billon, IRIS Presse, 1995
-Mustapha Kemal invente la Turquie moderne, Paul
Dumont. Complexe, 1983
-La Turquie au tournant du siècle,Ali
Kazancigil, L'Harmattan, 2004
- Constitution de la Turquie
-Article dans revue :
-MARCOU Jean, "Thriller politique sur les rives du Bosphore",
Libération, 14 janvier 2014
Rapport :
-Ministere des affaires économiques de
France, « Turquie », 31 avril 2013
(
http://www.tresor.economie.gouv.fr/6708_le-developpement-des-reseaux-de-transport)
Internet :
-http://www.moyenorient-presse.com/?p=429
-http://www.franceculture.fr/emission-les-enjeux-internationaux-turquie-une-situation-interieure-delicate-et-unediplomatie-regio
-http://alliancegeostrategique.org/2010/03/26/turquie-eau-for/
-http://www.ifri.org/?page=detail_chercheur&id=71
- Blog d'Olivier Kempf sur la géopolitique et les
questions de sécurité dans l'aire européenne et
atlantique, « Etat-pivot ? », 31 octobre 2008, (
http://egea.over-blog.com/article-24294447.html).
- Xavier Martin, « La Turquie », 26 Avril
2010, (
http://www.xaviermartin.fr/index.php?post/2010/04/26/TURQUIE-DEUXIEME-PARTIE)
ANNEXES
Annexe 1 : Carte Empire Ottoman en 1920
javascript:OuvrirPopup('../cartes_popups/EmpireOttoman1920GF.html','','scrollbars=yes,width=760,height=420,top=0,left=0')
Annexe 2 : Carte des modifications des frontières
Turques après traitée de Lausanne
http://www.atlas-historique.net/1914-1945/cartes_popups/TurquieLausanneGF.html
Annexe 3 : Carte région intermédiaire de
Kitsikis
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/1/1c/Intermediate_Region_FR.jpg/220px-Intermediate_Region_FR.jpg
Annexe 4 : Carte des territoires du
« Heartland » et du « Rimland »
http://img.over-blog-kiwi.com/1/66/96/30/20151014/ob_cf43ac_copy-of-spykman.JPG
Annexe 5 : Carte des projets de pipline en
Turquie
http://www.lemarin.fr/sites/default/files/styles/full/public/2014/12/03/asdr_-projet_pipeline_south_stream_et_nabucco.jpg?itok=r10Nvug8
Annexe 6 : Carte des fleuves du Tigre et de
l'Euphrate
http://www.xaviermartin.fr/public/GAP2.jpg
Annexe 7: Carte projet du GAP
http://www.xaviermartin.fr/public/GAP.jpg
Page laissée volontairement blanche
TABLE DES MATIERES
Sommaire
Introduction_________________________________________________Page
1
I) Aux fondements du nouvel Etat, une
idéologie novatrice et les particularités d'un
peuple. _____________________________ Page 2
I) 1) Le Kémalisme: genèse d'une Turquie
Moderne. ________________ Page 2
I) 1) 1) Atatürk et son armée à la
reconquête de l'indépendance et de la fierté nationale.____
Page 2
I) 1) 2) Le temps des reformes et des « 6
flèches ».___________________________________ Page 3
I) 2) l'armée, l'école et l'état aux
origines de l'identité nationale. ______Page 4
I) 2) 1) « L'armée est une école et
l'école est une armée »___________________________ Page
4
I) 2) 2) l'Etat comme vecteur d'uniformisation de la
nation et de son territoire. __________ Page 5
II) Un territoire aux multiples aspects
géopolitique.________ Page 7
II)1) « Un état pivot » au coeur du coeur
du Monde._________________ Page7
II) 1) 1)L'« Etat pivot » stratégique au
sein du Rimland._____________________________ Page 7
II) 1) 2) Une zone tampon au coeur de la «
région intermédiaire » de Dimitri Kitsikis.______ Page
8
II)2) Une terre géostratégique à
aménager._______________________ Page 8
II)2)1) Des atouts indéniables faisant sa force
géostratégique.________________________ Page 9
II)2)2) Les aménagements structurels du
territoire._________________________________ Page 9
Conclusion________________________________________________ Page
11
Bibliographie________________________________________________________Page
13
Annexes___________________________________________________________
Page 14
* 1Se référer
à l'annexe 1
* 2D'après une expression
de Claude Farrère dans Turquie ressuscitée, Paris, Cahiers
libres, 1930.
* 3Se référer
à l'annexe 2
* 4Expression employé
pour parler des réformes qu'entreprit Mustafa Kemal
* 5 Phrase d'un Discours d'
Atatürk au peuple.
* 6 Voir préambule de la
Constitution Turque
* 7 Citation récente d'un
Ministre d'Etat Turque
* 8Idem
* 9Idem
* 10Voir Article 3 de la
Constitution Turque.
* 11 Modèle
géopolitique reconnu par la communauté scientifiqueen
1970,élaboré par Dimitri Kitsikis en particulier par la
Société royale du Canada
* 12Enver Pach était le
rival de Mustapha Kemal et faisait partie de
l' « opposition »
* 13 Se référer
à l'annexe 3
* 14Se référer
à l'annexe 3
* 15La région du Sud Est
est très pauvre comparé au reste du pays
* 16Chiffres datant de 2004
* 17Se référer
à l'annexe 5
* 18Se référer
à l'annexe 6
* 19 Se référer
à l'annexe 6
* 20D'après le
ministère Français des finances .