Conclusion générale et perspectives
L'étude de la dynamique des paysages
végétaux à la périphérie de la ville de
Meiganga de 1987 à 2015 s'est faite sur certaines bases. En effet,
longtemps restée statique dans les faits (réalisations) sur les
questions de développement, Meiganga a connu un changement important
à partir du bitumage de la Nationale qui la traverse en 2012. Des flux
importants ont émergé de cette ville et vice versa. Le
foisonnement des activités dans et autour de la ville s'est
accompagné d'un recul sans cesse progressif de la
végétation à la périphérie de celle-ci. La
recherche du bien-être est ainsi passée en avant, en
délaissant le volet environnement. Tous ces éléments, en
plus de l'insuffisance d'études réalisées dans cette zone
nous a poussée à nous attarder sur l'évolution de la
végétation à la périphérie de cette ville et
de s'interroger sur le niveau d'emprise que cette dernière pouvait avoir
sur sa périphérie. D'où le choix de cinq villages
situés dans un périmètre de 900 km2 autour de
la ville.
En rapport avec sa démographie, l'étendue de son
espace urbain et la qualité des infrastructures qu'elle abrite, la ville
de Meiganga se positionne parmi les villes moyennes du pays. Elle a connu
différents statuts en relation avec la vie politique de l'État.
Son milieu physique est marqué par un réseau hydrographique
dense, une biodiversité en régression (faune et flore) sous
l'effet des activités humaines. Par ailleurs, son volet social est
marqué par une économie basée sur l'agriculture,
l'élevage, le commerce et le transport.
L'analyse de la végétation révèle
six formations notamment les forêts-galeries, les forêts claires,
les savanes arborées, boisées, arbustives et herbeuses. La mise
en place de 66 placettes et la réalisation de 08 transects dans les
villages Bardé, Nganhi, Bounou, Meidougou et Dokolim, ont permis
d'identifier 3705 ligneux appartenant à 104 espèces,
regroupées au sein de 34 familles. Avec 506 occurrences soit 15,82% des
relevés, Annona senegalensis de la famille des Annonaceae
est l'espèce dominante. Par ailleurs, les analyses montrent que la
répartition des formations est fonction de certains paramètres
dont l'un des plus importants est la topographie.
L'analyse de la végétation urbaine a retenu
notre attention et c'est à travers celle-ci qu'on remarque un fort
intérêt de la population et des autorités pour
préserver et multiplier les arbres dans le centre urbain, utile pour
leurs multiples rôles (embellissement, brise-vent, ombrage,
pharmacopée traditionnelle, etc.).
Dynamique des paysages végétaux dans
une ville moyenne et sa périphérie : cas de Meiganga (de 1987
à 2015) 140
L'analyse diachronique effectuée sur les trois
scènes retenues via la classification dirigée des images Landsat
de 1987, 1999 et 2015, associées aux calculs de différences
d'évolution et productions des cartes dans ce sens révèle
une régression de la végétation au profit des champs,
brulis, constructions et autres aménagements importants (routes,
pipeline, etc.), un phénomène attribué de prime abord
à la croissance démographique qui entraine une conquête des
terres, généralement occupée par la
végétation. Des différentes régressions
observées, la plus importante est celle des forêts-galeries dont
la superficie a fortement diminué, dans l'intervalle [1999-2015].
Le dépouillement des 90 questionnaires
administrés dans les 5 villages enquêtés, couplées
aux observations de terrain et entretiens menés avec le personnel des
délégations consultées, a permis de ressortir les facteurs
de la dynamique des paysages végétaux ainsi que les
différents acteurs.
La croissance démographique impulsée par le
bitumage d'une portion de la Nationale N°148 et
l'arrivée des réfugiés centrafricains, a indubitablement
augmenté les surfaces cultivées, le nombre de vendeurs de bois,
qui au départ pratiquaient le ramassage du bois mort en
conformité avec la loi, se livrent à l'abattage des arbres (dont
les plus exploitées sont Terminalia sp et Lophira lanceolata),
à cause de la rareté et des longues distances à parcourir
pour en trouver.
Les mauvaises méthodes dans la culture et
l'élevage se traduisent par le surpâturage et la non-maitrise des
feux de brousse qui engendrent la régression des savanes arbustives et
arborées au profit des savanes herbeuses. En outre, le passage du
pipeline a engendré d'énormes pertes pour la
végétation lors de sa phase d'exécution. De même,
l'apport du bois dans les écoles en campagne, certes négligeable
contribue à dégrader la végétation, surtout lorsque
cette pratique devient une obligation pour les élèves.
Les actions concertées des autorités et la
population pour le reboisement, les actions répressives face aux
contrevenants sont des actions qui freinent cette dégradation. Toutes
fois, l'ignorance des textes en matière de protection de la
biodiversité est une réalité chez la plupart des
populations en milieu rural. Il convient de fournir davantage d'efforts dans la
sensibilisation et dans la mesure du possible, mettre en place des points
focaux affectés à des secteurs
48 Selon le nouveau catalogue des routes du
Cameroun, le bitumage comprend trois sections : Garoua Boulaï-Meiganga
long de 106,83 km avec pour code CAMN000108, le second, Meiganga-Babongo long
de 39,16 km nom de code CAMN000109 et Babongo-Ngaoundéré d'une
longueur de 117,78 km code CAMN000110.
Dynamique des paysages végétaux dans
une ville moyenne et sa périphérie : cas de Meiganga (de 1987
à 2015) 141
spécifiques avec pour « leitmotiv »
la protection de l'environnement, un modèle des services de santé
publique qui peut être appliqué à ce secteur primordial
pour l'intérêt de tous.
Le reboisement est certes un excellent procédé
pour combler les coupes abusives des arbres. Cependant il est prouvé
qu'à peine la moitié des plants arrive à grandir à
cause du faible suivi et de la négligence des populations, qui souvent
ne sont pas conviées à ces actions. D'où la
nécessité d'intégrer les populations dans le reboisement,
afin qu'ils soient des protecteurs des plants, et non leurs bourreaux.
Des échanges menés avec le personnel de la
délégation de l'environnement et la protection de la nature, les
plantes octroyées aux établissements lors de la journée
mondiale de l'environnement, destinées à reboiser
l'établissement sont plantées à une mauvaise
période (en juin). Un mois après la mise en terre de celles-ci,
les élèves sont en vacances et les plantes abandonnées
à elles même, vandalisées et à la merci des
bêtes en divagation. Il convient donc soit de recruter un agent
chargé de veiller sur ces plantes, soit changer la date de remise des
plantes pour la reporter au mois de septembre, à la rentrée
scolaire.
En fin de compte, l'utilisation de l'imagerie satellite est un
excellent moyen pour suivre l'évolution des paysages
végétaux autour des agglomérations. Avec
l'avènement des grands projets structuraux et le développement
des villes sous l'impulsion de la croissance démographique, mener une
telle à l'échelle régionale en utilisant la
modélisation est une piste de recherche qu'il convient d'explorer. Par
ailleurs, le travail, bien qu'arriver à son terme contient des limites
qu'il convient de relever.
L'usage des images satellites pour analyser l'évolution
de la végétation via la production et la comparaison des cartes
d'occupation des sols réalisées pour chaque pas de temps choisi
est un excellent procédé qu'il convient d'effectuer pour les
villes afin de contrôler le comportement de la biodiversité qui
les entoure et de prendre des décisions qui s'imposent. Cependant, les
confusions entre les classes qui entrainent la fusion de certaines entrainent
une perte d'informations qui auraient pu être capitalisées.
Les résultats obtenus confirment nos hypothèses
de départ. Ils traduisent une évolution régressive du
couvert végétal dans l'ensemble sur les pas de temps 1999 et
2015. Ce résultat est, d'une part, pareil que celui de certains auteurs
(Rahim, op cit.), d'autre part, divergent (Abdelgader, op cit ;) où l'on
note des phases de régression et extension, influencées par la
Dynamique des paysages végétaux dans
une ville moyenne et sa périphérie : cas de Meiganga (de 1987
à 2015) 142
dimension des reboisements qui sont effectués. Sur
cette même base, d'autres analyses révèlent une
évolution positive de la végétation (Wafo T.,et Fotsing
J.M, op cit).
L'échantillon retenu constitué de 90 individus,
et focalisé sur les activités en relation directe avec la
végétation présente des résultats qui s'il
était étendu à un nombre de personnes plus important,
pourraient être différents. Ce constat concerne aussi le nombre de
villages choisis.
La méthode statistique utilisée pour
déterminer la population de la ville et des villages (projection des
données du recensement de 2005) présente des limites. En effet,
elle ne donne que des informations indicatives et selon les situations, ces
informations peuvent être très différentes de la
réalité.
Après analyse des résultats de terrains, la
population est l'une des premières causes de dégradation des
paysages végétaux, cependant, avec l'accélération
de la croissance de la ville, suite aux projets d'envergures (pipeline,
bitumage de la route), on en déduit que c'est l'association de ces
éléments qui a un impact significatif.
Dynamique des paysages végétaux dans une ville
moyenne et sa périphérie : cas de Meiganga (de 1987 à
2015) 143
|