5. TCP et les réseaux sans fil
Initialement le protocole TCP a été conçu
pour faire face aux pertes de paquets liés à la congestion dans
les réseaux filaires. Cependant, les études menées sur TCP
en environnement sans fil [121], indiquent une dégradation de
performances, par rapport à son fonctionnement en environnement filaire.
La dégradation de performance s'explique par différents facteurs
:
- Limitation de la bande passante
Contrairement à un réseau filaire, la largeur de
bande disponible est réduite : des débits de 11 à 50 Mbps
pour les réseaux locaux sans fil de type 802.11 à comparer
avec
28
Chapitre I: Concepts de base
des débits de 100 Mbps à 1 Gbps pour les
réseaux locaux filaires type IEEE 802.3 (Ethernet), et ceux de l'ordre
du 10 Gbps pour les fibres optiques des réseaux longue distance.
- Taux d'Erreur Lien
Le taux d'erreurs bits (Bit Error Rate, BER) sur des liaisons
sans fil est de l'ordre de 10-2 jusqu'à 10-3 alors
que celui sur des liens filaires se situe entre 10-6 et
10-12. Ces erreurs provoquent des destructions de paquets qui
empêchent l'émetteur de recevoir un acquittement avant
l'expiration du timer de retransmission; celui-ci doit alors,
conformément aux procédures de contrôle de congestion,
diminuer sa fenêtre et retransmettre car TCP assimile l'altération
temporaire à une congestion. Ces altérations sur les liens sans
fil peuvent survenir par burst (en rafales) en provoquant plusieurs pertes de
paquet sur une période de temps inférieure au temps pour
émettre une donnée et recevoir l'acquittement (temps
aller/retour).
Notons que dans le cas de réseaux sans fil
utilisés en accès d'un réseau longue distance filaire, la
perte de paquet au dernier saut sur la liaison sans fil provoque une
retransmission de bout en bout, génératrice de trafic
supplémentaire sur le lien sans fil, et donc encombrement et source
d'erreurs additionnelles.
- Mobilité de l'utilisateur
Quand un mobile se déplace d'une cellule dans une
autre, un ensemble d'informations doit être transporté de son
ancienne station de base à sa nouvelle station. Cette procédure,
nommée Handover, peut provoquer de courtes interruptions de la
connectivité. Le protocole de transport TCP assimile ces périodes
de déconnexion à des phases de congestion et déclenche
inutilement la procédure de contrôle de congestion qui diminue le
débit du flux. L'interruption momentanée de la communication peut
également être liée à un mobile qui sort de sa zone
de portée de transmission ou bien des signaux radio bloqués par
des obstacles.
- Fluctuation des valeurs de RTT
En plus des pertes de paquets dues à
l'inefficacité des canaux sans fil, de fortes fluctuations de valeurs
RTT à travers la connexion peuvent entraîner l'expiration du TCP
Retransmission Time-Out. Cette situation conduit au déclanchement de
l'algorithme de contrôle de congestion et à la retransmission des
paquets, bien que ces derniers ne sont pas réellement perdus mais
simplement retardés. Ainsi, le protocole TCP diminue sa fenêtre de
congestion au minimum et sous-utilise la bande passante disponible inutilement,
en plus de sa consommation d'énergie pour retransmettre les paquets
supposés perdus.
5.1. Problèmes de TCP dans les réseaux ad hoc
mobiles
Les principales raisons qui entraînent une
dégradation de performance dans les réseaux ad hoc proviennent,
comme dans les réseaux sans fil, de la qualité du lien sans
fil,
Chapitre I: Concepts de base
mais également de la qualité du chemin. Une
raison à cette dégradation provient du comportement erroné
de TCP qui déduit à tort les pertes de données comme une
congestion et diminue inutilement son débit d'émission.
- Pertes de données dans les réseaux ad
hoc
Les réseaux ad hoc présentent un taux d'erreurs
plus important que celui des réseaux traditionnels en raison du taux
d'erreurs (BER) des liaisons sans fil, mais également des pertes
liées aux collisions de la couche d'accès au médium, ou
encore de problèmes des noeuds cachés.
- Coupures de chemin dans les réseaux ad hoc
mobiles
La mobilité des noeuds du réseau provoque des
modifications de topologie gérées par la couche réseau. Le
protocole de routage est en charge du rétablissement du chemin en cas de
rupture du chemin courant, en exécutant un processus de
rétablissement dont le délai est non négligeable. Celui-ci
est fonction du nombre de noeuds dans le réseau, des types de
transmission des noeuds, de la topologie courante du réseau, de la bande
passante disponible et de la nature du protocole de routage.
Si ce temps de rétablissement est plus grand que la
valeur du temps de retransmission, l'émetteur suppose l'apparition d'une
congestion dans le réseau et retransmet les paquets perdus. Ces
retransmissions peuvent, si le chemin n'a toujours pas été
rétabli, mener à un gaspillage de bande passante et de batterie
ainsi qu'une augmentation dans le délai d'acheminement de bout en bout.
De plus de par le contrôle de congestion, lorsqu'un nouveau chemin aura
été mis en place, le débit sera inutilement faible.
- Impact de la longueur du chemin
La possibilité d'une coupure de chemin augmente avec la
longueur de celui-ci et lorsque la longueur augmente, le débit de TCP se
dégrade comme nous le montrons sur la Figure 10 :
Figure 10 : Variation du débit de TCP
avec la longueur du chemin
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30
Chapitre I: Concepts de base
- Comportement asymétrique de liens et de
chemins
Les propriétés du canal radio utilisé
dans les réseaux ad hoc peuvent mener à l'existence de liens
asymétriques entre noeuds. En effet, un paquet est correctement
délivré à un noeud dans le sens aller, mais
l'acquittement, peut ne pas être reçu dans le sens inverse. Cette
impossibilité de réception peut être temporaire, le temps
que le canal radio devienne à nouveau bidirectionnel.
Dans les réseaux ad hoc utilisant le protocole
d'accès IEEE 802.11, chaque acquittement ACK peut nécessiter un
échange de trames RTS-CTS (Request To Send - Clear To Send) qui peut
mener à une consommation significative de la bande passante sur le
chemin inverse. Si ce dernier est symétrique du chemin aller, ceci
entraînera une réduction du débit sur le chemin aller. A
noter qu'une coupure de chemin sur un chemin d'acquittement affectera
inutilement le protocole.
- Pic de signalisation et recherche de route
La construction des tables de routage par la couche
réseau nécessite l'envoi de nombreux paquets de signalisation.
Dans le cas des protocoles réactifs, le médium va leur être
dédié durant une période assez longue. Le fort coût
d'accès au médium en temps et en espace, fait que cette
période peut-être suffisamment longue pour produire des
expirations du timer de retransmission sur certaines connexions. Il n'y a pas
réellement de congestion dans le réseau mais seulement un pic de
charge de signalisation. Celui-ci peut se produire à
l'établissement du chemin mais surtout à la restitution d'une
route en cas de rupture.
- Contrôle de flux par fenêtres
glissantes
TCP emploie une fenêtre coulissante pour contrôler
le flux et éviter des engorgements du récepteur. Dans les
réseaux ad hoc, le mécanisme de fenêtre coulissante peut ne
pas être adapté, lorsque le protocole d'accès n'est pas
équitable. Par exemple, les protocoles d'accès tels que le
protocole CSMA/CA (Carrier Sense Multiple Access with Collision Avoidance)
montrent une iniquité d'accès à court terme, car un noeud
qui a capturé le canal a une probabilité plus
élevée de le capturer à nouveau. Dans [122], il a
été montré que cette iniquité peut mener à
la réception d'un groupe de paquets d'acquittement, qui provoquera un
effet de burst sur l'émission de trafic.
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