1
Master professionnel
Mention : Information et
Communication Spécialité : Médias et Communication
Option : Médias Informatisés et Stratégies
de Communication
De la gratuité sur Internet Etude de cas de Google
Inc.
Responsable de la mention information et
communication Professeure Karine Berthelot-Guiet
Tuteur universitaire : Marion Rollandin
Nom, prénom : Pillet Clara Promotion : 2014-2015 Soutenu
le : 28/09/2015 Note du mémoire : 15/20
École des hautes études en sciences de
l'information et de la communication - Université Paris-Sorbonne 77, rue
de Villiers 92200 Neuilly tél. : +33 (0)1 46 43 76 76 fax : +33 (0)1 47
45 66 04
www.celsa.fr
2
3
Remerciements
À Marion Rollandin et Gabriel Delattre, d'avoir
accepté de suivre l'évolution de mon travail et de me conseiller
pour ce mémoire.
À Cédric Diridollou pour le contenu de son cours
sur les modèles économiques appliqués à Internet
qui m'aura beaucoup aidé, et pour avoir répondu gracieusement
à toutes mes questions.
Aux 160 personnes qui ont répondu à mon
questionnaire, à ceux qui l'ont gentiment partagé sur les
réseaux sociaux (Pierre-Marie, Sarra, et Anja), et à ma famille
pour avoir accepté d'être mes cobayes.
À mes parents pour le confort et le soutien, et pour toute
leur aide pendant la rédaction et la relecture.
À la promotion MISC 2015 pour leur aide, leur soutien et
les commentaires stupides et drôles qui ont égayé la
rédaction (thanks Anouk & Samuel), à Maxime pour m'avoir dit
qu'il croyait en moi, à Clarisse pour son aide et ses messages
d'encouragements continus, à mes collègues de stage pour leur
soutien et leur précieux conseils, et à Anthony pour ce qu'il
est.
Et, à Google Inc., pour proposer des outils gratuits et
nécessaires à la rédaction d'un mémoire dont le
sujet porte sur Google Inc., comme Google Forms, Google Docs, Google Scholar et
bien sûr Google.
4
Introduction 7
Problématique 12
Hypothèses 13
Méthodologie 14
Annonce de plan 15
I. De la gratuité : la donnée personnelle
comme objet de toutes les convoitises dans un
système de surveillance
généralisée 16
1. Les données personnelles 16
- La donnée personnelle comme trace 17
- La valeur de la donnée 19
2. Le fonctionnement de Google et son business model
21
- La publicité selon Google Inc. 21
- La donnée personnelle au coeur des échanges
économiques 24
- Du gratuit rentable ? Essai sur le don - tome 2 26
- L'utilisateur, produit de Google Inc 29
3. Le produit-utilisateur au coeur d'une économie
foucaldienne 31
- Le sur-mesure de masse 31
- De l'économie de l'information à et
l'économie de l'attention 32
- De l'économie de l'attention à l'économie
de surveillance 35
II. « Je te déteste, mais je reste » ;
le paradoxe des internautes au coeur de l'écosystème
de Google Inc. 38
1. Le profil des sondés 39
- Démographie 39
- Utilisation des services de Google Inc. 40
2. Les utilisateurs face à l'utilisation de leurs
données personnelles 44
- La position des utilisateurs par rapport à leurs
données personnelles 44
- L'opinion des utilisateurs par rapport à l'utilisation
de leurs données personnelles par Google
Inc. 48
- Quelles stratégies de repli ? 49
3. La place des utilisateurs dans le modèle
économique de Google Inc. 50
- L'opinion des utilisateurs face à la gratuité de
Google Inc. 51
- Payer ou se faire payer pour l'utilisation de ses
données personnelles ? That is the question 52
- Le consommateur producteur 54
5
III. Google Inc., une entreprise de droit divin partie
à la conquête de la confiance des
internautes 59
1. La mise en forme du monde 62
- Google Inc. et sa philosophie 62
- De Babel à Xanadu : l'organisation de toute
l'information du monde 63
- Google Inc. : centre de l'univers ou monopole social ? 65
2. La mise en forme de l'utilisateur 68
- De la collecte et l'exploitation de la donnée 68
- De la donnée à l'information 71
3. Google Inc., une entreprise qui vous veut du bien
72
- Google Inc. au service de l'internaute 74
- La confiance : le Saint Graal de Google 76
Conclusion 81
Bibliographie 86
Table des annexes 91
Résumé 125
Mots-clés 126
6
7
Introduction
« Les premiers usages du réseau [Internet] seront
fortement marqués par cette culture de la liberté, de la
gratuité et de l'ouverture aux contributions informelles et
décentralisées. L'accès sans entrave à
l'information, sa libre circulation, la propriété publique des
infrastructures apparaissent comme les conditions sine qua non de
réalisation de ce projet utopique. »1
Internet a été imaginé, conçu et
développé par l'armée américaine dans les
années 1950 aux Etats-Unis, avant que des scientifiques du MIT et du
CNRS ne s'en emparent et que le Web tel que nous le connaissons, apparaisse au
début des années 1990. Internet, comme un réseau de
communication entre individus, a été pensé comme un espace
libre et gratuit. La gratuité est une valeur intrinsèque
d'Internet. En effet, le réseau Internet et le Web ont été
imaginés et conçus en dehors de toute valeur marchande et
économique : le seul objectif était la mise en communication
d'individus, de manière libre, facile et gratuite. Ces idées
seront reprises en 1984, dans l'Ethique des Hackers, transcrites dans le livre
de Steven Levy : « l'accès aux ordinateurs et tout ce qui pourrait
vous apprendre quelque chose sur la façon dont le monde fonctionne
doivent être illimités et totales », et « toute
l'information doit être gratuite »2.
Ainsi, les internautes doivent seulement payer les moyens
d'accès (soit l'infrastructure technique, comme un terminal ou un
ordinateur, et la connexion au réseau) pour avoir accès à
« toute l'information du monde » de manière gratuite et
libre.
Ainsi, la gratuité est le modèle fondamental
d'Internet : l'information y est libre et gratuite, ainsi que les
communications entre individus et les différents services
proposés comme Google.
Google Inc. est une entreprise emblématique de la
culture de la gratuité sur Internet : développée dans les
années 1990, l'entreprise a profité du développement
d'Internet et du Web pour lancer un service de recherche sur Internet, sans
avoir de modèle économique. Google Inc. est une entreprise
américaine, crée en 1998 par Larry Page et Serguey Brin. A
1 PROUX S & GOLDENBERG A., « Internet et la
culture de la gratuité ». Revue du MAUSS 1/2010 (n°
35). Disponible :
http://www.cairn.info/revue-du-mauss-2010-1-page-503.htm
(consulté le 27 août 2015)
2 LEVY Steven, Hackers : Heroes of the computer
revolution, Dell Publishing, 1994, p.32-33. Disponible :
http://www.temarium.com/wordpress/wp-content/documentos/Levy
S-Hackers-Heroes-Computer-Revolution.pdf (consulté le 5
septembre)
l'origine, Google est un moteur de recherche,
c'est-à-dire, une application web qui permet de retrouver des fichiers
et des pages web sur Internet. Son fonctionnement est basé sur trois
processus : l'exploration du web, soit la recherche de tous les sites webs,
documents, et fichiers existants sur le réseau Internet, l'indexation de
ces informations, et enfin la recherche qui permet de les retrouver
facilement.
À sa création, Google est le premier moteur de
recherche à utiliser un algorithme de recherche et de classement des
pages web : le fonctionnement de Google est basé sur l'intervention
d'une machine, qui classe, trie, et répertorie tous les sites.
En plus de son moteur de recherche lexical, Google Inc. a
développé plusieurs autres services de recherche : Google Image,
Googles News, Google Map et Google Earth. Ils sont tous complémentaires
et interconnectés, car ils fonctionnent ensemble. Depuis 2004, Google
Inc. développe des services annexes comme Gmail, une messagerie
électronique, Google Drive, un service de stockage en ligne, Android, un
système d'exploitation pour smartphonesÉ ; en 2015,
Google Inc. propose 51 services différents3. Ces produits
sont des compléments, car ces produits et services tendent à
être consommés ensemble.
Quelques chiffres :
- Aujourd'hui, Google est le leader mondial du moteur de
recherche : il pèse 89% du marché mondial, avec 77% de parts de
marché aux Etats-Unis, et 94% en France4.
- En 2014, Google Inc. a réalisé un chiffre
d'affaires de 66 milliards de dollars, soit une progression de 19% par rapport
à l'année précédente5.
- La firme a traité plus de 100 milliards de recherches
par mois en 20136.
- 89% du chiffre d'affaires de Google Inc. est issu de la
publicité7.
Ainsi, il devient essentiel de s'intéresser à
Google Inc. : les chiffres concernant la recherche sur Internet ainsi que les
chiffres financiers montrent que cette entreprise est un acteur majeur sur le
Web.
3 « About Google - Products »
https://www.google.com/intl/en/about/products/
(consulté le 19 juillet 2015)
4 Chiffres de Juin 2015, via StatCounter
http://gs.statcounter.com/#search
engine-FR-monthly-201406-201506 (consulté le 19 juillet 2015)
5 « Google Inc. Announves Fourth Quarter and Fiscal Year
2014 Results », Press release, January 29, 2015.
https://investor.google.com/earnings/2014/Q4
google earnings.html (consulté le 19 juillet 2015)
6 « 2013 Founders'Letter »
https://investor.google.com/corporate/2013/founders-letter.html
7 « Google Inc. Announces Fourth Quarter and Fiscal Year
2014 Results », Press release, January 29, 2015.
https://investor.google.com/earnings/2014/Q4
google earnings.html (consulté le 19 juillet 2015)
8
9
À noter que Google réfère au moteur de
recherche développé par l'entreprise Google Inc. Ainsi, je
différencie ces deux entités durant tout mon argumentaire, afin
de marquer la différence entre l'entreprise et un de ses services,
différence qui n'est pas souvent relevée dans le langage courant,
Google étant souvent utilisé pour désigner l'entreprise
toute entière.
J'ai également choisi de parler de Google Inc. et non
de Alphabet. En effet, le 10 août dernier8, les fondateurs de
Google, Serguey Brin et Larry page ont annoncé avoir créé
une nouvelle entreprise, Alphabet, qui sera composée de 8 filiales, dont
Google Inc. et ses différents services, Calico, Nest, Fiber, Sidewalks
Labs, Google Capital, VC Google Venture et Google X. Le groupe se structure
ainsi par filiales et grands projets pour afficher des résultats
financiers détaillés par activité. J'ai donc choisi de
mentionner uniquement Google Inc., et non Alphabet : cette décision
juridique et financière est encore très récente, tous les
contours de cette nouvelle entité n'ont pas encore dessinés, et
Google Inc. reste l'entité qui développe et monétise tous
les services utilisés par les internautes comme le moteur de recherche
ou Gmail.
Ainsi, Alphabet peut être considéré comme
un « conglomérat numérique », car l'entreprise propose
des services très diversifiés. J'ai cependant choisi de ne
mentionner que les principaux services de la nouvelle entité Google Inc.
(soient les services en ligne), et plus particulièrement Google et
Gmail. En effet, Google étant le premier service de l'entreprise, celui
par lequel tout a commencé, j'ai choisi de ne mentionner que ce dernier.
De plus, le nombre de services étant trop élevé et trop
diversifié, j'ai choisi de me concentrer sur ceux qui sont le plus
utilisés, sachant que tous les services de l'entreprise répondent
tous à une même logique économique.
Ainsi, Google Inc. est le porte-étendard de la
gratuité pour les utilisateurs : Google est présent sur la
plupart des navigateurs Internet, il est utilisé par une
écrasante majorité d'individus, qui ne payent jamais pour
utiliser le moteur de recherche. Par ailleurs, ces utilisateurs ne payent
jamais pour utiliser Gmail, pour stocker leurs photos sur Google Photos, pour
réaliser du traitement de texte collaboratif en ligne grâce
à Google DocsÉ Google Inc. a débuté en
étant
8 « Alphabet ou l'illusion de la transparence »,
Usine Digitale, le 19 août 2015
http://www.usine-digitale.fr/editorial/alphabet-ou-l-illusion-de-la-transparence.N345289
(Consulté le 19 août 2015)
un service gratuit, sans modèle économique, et sans
aucune rentabilité pour les investisseurs. Aujourd'hui, cette entreprise
qui propose des services gratuits pèse plusieurs milliards de dollars,
et est la 40ème entreprise la plus riche des Etats-Unis selon
le classement Fortune9.
En effet, si Internet a été pensé pour
être gratuit, et que les premières entreprises qui l'ont investi
comme Google Inc. ont débuté sans modèle d'affaires et en
proposant des services gratuits pour les utilisateurs, le problème de la
rentabilité s'est très vite imposé.
Ethan Zuckerman, inventeur de la publicité pop-up
contextuelle, explique comment la gratuité comme modèle
d'affaires n'est pas compatible avec la mise en informations du monde, la libre
circulation de contenus et la gratuité de services, idées
fondamentales d'Internet.
« What we wanted to do was to build a tool that made
it easy for everyone, everywhere to share knowledge, opinions, ideas and photos
of cute cats. As everyone knows, we had some problems, primarily business model
problems, that prevented us from doing what we wanted to do the way we hoped to
do it. »10
Il explique alors comment la publicité est alors
apparue comme le seul moyen de rentabiliser un service gratuit. L'utilisateur
ne paye toujours pas le service, et la publicité permet aux
créateurs de sites web et de services en ligne de gagner de l'argent et
aux entreprises d'être rentables et bénéficiaires, afin de
continuer à proposer des services gratuits pour les utilisateurs. Afin
que ces publicités soient toujours rentables pour l'annonceur et
efficaces pour le consommateur, la publicité est devenue ciblée,
en utilisant les données personnelles des utilisateurs. Ainsi, la
donnée est devenue importante pour que les créateurs de ces
différents services puissent « raconter de meilleures histoires
»11.
C'est ainsi que la gratuité est devenu le modèle
d'affaires par excellence sur Internet, car soutenu par la publicité en
ligne.
9 2015 Fortune 500
http://fortune.com/fortune500/#methodology
(Consulté le 19 août 2015)
10 ZUCKERMAN Ethan, « The Internet's Original Sin
», The Atlantic, le 14 août 2014.
Traduction : « Ce que nous voulions, c'était
créer un outil qui rende facile pour tous et partout dans le monde le
partage de connaissances, d'opinions, d'idées et de photos de chats
mignons. Comme chacun le sait, nous avons eu quelques problèmes,
principalement des problèmes de modèle d'affaires, qui nous ont
empêché de faire ce que nous voulions faire de la façon
dont nous espérions faire. » Disponible :
http://www.theatlantic.com/technology/archive/2014/08/advertising-is-the-internets-original-sin/376041/
(Consulté le 12 juin 2015)
11 Cegowski cité par Ethan Zuckerman dans
« The Internet's Original Sin »
10
En effet, dès l'année 2000, Google Inc. lance
AdWords qui permet aux entreprises d'afficher de la publicité en ligne
ciblée et contextuelle à côté des résultats
de recherche, en combinant les données de recherches et les
données personnelles des utilisateurs. En 2003, l'entreprise lance
AdSense, soit un système de régie publicitaire, qui permet
d'afficher de la publicité ciblée sur des sites web. Grâce
à la publicité, Google Inc. devient rapidement rentable et
engrange des bénéfices.
Ainsi, Google Inc. a transposé des outils marketing
déjà existants à Internet : la publicité
ciblée était déjà appliquée notamment
à la télévision, grâce à l'analyse des
audiences. Cependant, Google Inc. a augmenté d'un cran la
publicité ciblée, en la rendant contextuelle et pertinente pour
les utilisateurs, grâce à leurs données personnelles, et
efficaces et rentables pour les annonceurs qui ne payent que les clics
obtenus.
La publicité en ligne proposée par Google Inc. a
donc permis à ce que ses services restent gratuits pour les
utilisateurs. Cependant, Milton Friedman12, un économiste
américain de l'Ecole de Chicago a déclaré « There
is no such thing as free lunch », soit « Un repas gratuit,
ça n'existe pas », insinuant que la gratuité dans un
modèle économique supposait automatiquement un paiement
déguisé.
11
12 FRIEDMAN Milton, There's No Such Thing as a
Free Lunch, Open Court Publishing Company, 1975
12
Problématique
Le phénomène de gratuité sur Internet est
donc à interroger, et notamment la place de l'utilisateur au coeur des
relations économiques qui se jouent avec l'entreprise de services
gratuits. Peut-on réellement parler d'un Internet gratuit, soit d'une
utilisation de services web gratuite pour le consommateur ? Quels sont les
enjeux sociaux, économiques et communicationnels qui sous-tendent la
gratuité sur Internet ?
En effet, la gratuité, comme notion économique,
soulève de nombreuses interrogations concernant le rôle de
l'individu-consommateur et son rôle social au sein des échanges
marchands qui se créent avec l'entreprise, et au niveau communicationnel
en ce qui concerne la valorisation de la gratuité au niveau social et
économique. On peut ainsi se demander dans quelle mesure l'utilisation
d'un service gratuit sur Internet place l'individu au coeur de relations
économiques complexes avec l'entreprise créatrice de ce service
gratuit. Google est-il gratuit ? Et comment son système
économique permet d'impliquer le consommateur dans son
développement ? L'utilisateur est-il conscient du rôle qu'il joue
dans cet écosystème ?
In fine :
Dans quelles mesures un modèle
économique basé sur la gratuité, implique les internautes
aux niveaux économique et social dans le développement d'une
entreprise comme Google Inc. ?
13
Hypothèses
De cette tension au sujet de la gratuité et des
conséquences économiques, sociales et communicationnelles
qu'implique ce modèle d'affaires sur le web découle plusieurs
hypothèses qui permettent de répondre à cette
problématique.
Hypothèse 1 : Google Inc. ne propose pas de services
gratuits, l'utilisateur paye avec ses données personnelles. Ainsi, je
cherche à vérifier l'affirmation d'ordre générale,
qui possède aujourd'hui une valeur de proverbe : « si le service
est gratuit, l'utilisateur est le produit ». Je suppose alors que
l'utilisateur est le produit de Google Inc., soit l'élément
constitutif des relations marchandes de l'entreprise, au coeur d'un
système économique complexe, où trois agents
(l'entreprise, l'utilisateur et les annonceurs) opèrent.
Hypothèse 2 : L'utilisateur est conscient de la
collecte et du traitement de ses données personnelles effectués
par Google Inc., et conscient des relations d'échanges qui se jouent
entre lui-même et l'entreprise. Ainsi, l'utilisateur se sait produit et
producteur de la richesse de Google Inc. : il a conscience de payer les
services avec ses données personnelles, d'être le produit de
l'échange entre Google Inc. et les annonceurs, et il a également
conscience d'être le producteur de la richesse de Google Inc., en
améliorant les services proposés par sa seule utilisation, ce qui
permet d'attirer toujours plus d'utilisateurs.
Hypothèse 3 : Google Inc. produit des discours
idéologiques pour légitimer son mode de fonctionnement et
euphémiser les relations d'échange économique qui lient
les utilisateurs à l'entreprise. En effet, l'utilisateur étant
conscient de ces relations d'échanges, il s'agit de le rassurer sur
l'exploitation de ses données personnelles, et sur le rôle qu'il
joue au sein du système économique mis en place par Google
Inc.
Méthodologie
Une méthodologie reposant sur deux outils sera
utilisée pour répondre à ces hypothèses.
Le premier consiste en une analyse de la réception des
utilisateurs des services de Google Inc., grâce à un
questionnaire13. J'ai choisi le questionnaire et non l'entretien,
afin d'avoir un large échantillon de réponses, qui puisse
être facilement quantifiable. Ainsi, j'ai réalisé une
étude quantitative et qualitative, en introduisant des réponses
à champ libre, me permettant d'avoir une analyse plus large et de
dépasser mes hypothèses en laissant les réponses des
utilisateurs me guider. L'analyse des réponses me permettra de
comprendre comment les utilisateurs se placent par rapport à
l'écosystème construit par Google Inc. et de comprendre leurs
opinions face aux stratégies de développement de l'entreprise.
Le deuxième consiste en une analyse de discours de
Google Inc. Ainsi, j'ai choisi un corpus de trois discours produits par
l'entreprise14, de natures différentes et avec des objectifs
différents, afin d'étudier les discours d'accompagnements de
l'entreprise Google Inc. L'analyse de la stratégie de communication de
l'entreprise, par l'étude de ces discours me permettra de comprendre la
position que Google Inc. adopte face à ses utilisateurs.
13 Annexe 1, p. 92
14 Annexes 2, 3, et 4, p. 110, p.115 et p.122
14
15
Annonce de plan
Dans un premier temps, il convient d'interroger la notion de
données personnelles et de gratuité. En effet, je suppose que
l'utilisateur paye les services de Google Inc. grâce à ses
données personnelles qui deviennent alors l'objet de toutes les
convoitises pour Google Inc. et les annonceurs. J'expliquerai également
quel est le mode de fonctionnement de Google Inc. et son business model, en
insistant sur la place de l'utilisateur dans cet écosystème
basé sur la surveillance de l'individu.
Ensuite, je tâcherais de comprendre si les utilisateurs
sont conscients de la collecte et du traitement de leurs données
personnelles effectués par Google Inc., grâce à l'analyse
de leur réception via un questionnaire. Ainsi, je tâcherai de
rendre compte de la place de l'utilisateur, tel qu'il le ressent, au sein du
modèle économique, et quelle est son opinion en tant que produit
et producteur de la richesse de l'entreprise.
Enfin, la stratégie de communication de Google Inc.
sera étudiée, grâce à l'analyse de trois discours,
afin de montrer comment l'entreprise conçoit et entretient une
idéologie pour légitimer son mode de fonctionnement et rassurer
les utilisateurs afin de garder leur confiance et de garantir son monopole.
16
I. De la gratuité : la donnée personnelle
comme objet de toutes les
convoitises dans un système de surveillance
généralisée
Google Inc., créé en 1998, a toujours
été un service gratuit pour les internautes : personne n'a jamais
payé pour utiliser les différents services que l'entreprise
propose. Cependant, on peut observer un certain paradoxe : des services
gratuits permettent à l'entreprise d'avoir un chiffre d'affaire
supérieur à 45 000 dollars en 2014. En effet, le modèle
d'affaires est basé sur un échange monétaire entre Google
Inc. et les publicitaires qui se servent des plateformes de Google Inc. pour y
afficher leurs produits. Cependant, pour que ces publicités soient mises
en place et soient rentables pour les deux parties, la présence de
l'utilisateur des différents services de Google Inc., qui est la cible
de ces publicités, est absolument nécessaire.
J'émets l'hypothèse que Google Inc. propose des
services gratuits car l'utilisateur paye l'utilisation de ces services avec ses
données personnelles. L'utilisateur est alors le produit de la richesse
de Google Inc. Il convient alors d'interroger la relation économique de
Google Inc. avec ses utilisateurs, pour comprendre quels sont les
mécanismes qui sont mis en place par l'entreprise pour être
rentable en proposant des services gratuits.
Dans un premier temps, il convient de définir les
données personnelles pour comprendre quelle peut être leur valeur.
Ensuite, le fonctionnement et le modèle d'affaire de Google Inc. doivent
être expliqués afin d'évaluer la place de l'utilisateur au
sein d'un système économique complexe.
1. Les données personnelles
La donnée personnelle est le fondement de
l'économie numérique, et notamment du modèle d'affaires de
Google Inc. Sa définition est complexe, et son statut économique
et juridique reste encore à déterminer.
Premièrement, la donnée est « ce qui est
connu et admis, le point sur lequel on fonde un raisonnement, qui, étant
indiscutable ou indiscuté, sert de base à une recherche, un
examen quelconque ». La donnée réfère
également à « une représentation conventionnelle
d'une
17
information en vue de son traitement informatique
»15. La donnée informatique est donc le plus petit
élément composant une information numérique. Les
données représentent donc l'ensemble des éléments
connus et admis qui doivent être traités de manière
informatique pour donner du sens.
À cette définition de la donnée
informatique, s'ajoute la définition juridique de la donnée
personnelle. L'article 2 de la directive européenne 95/46 du 24 octobre
1995 ainsi que l'article 2 de la loi « Informatique et Libertés
» du 6 janvier 1978 définissent les « données à
caractère personnel » comme « toute information concernant une
personne physique identifiée ou identifiable ; est réputée
indentifiable une personne qui peut être identifiée, directement
ou indirectement, notamment par référence à une
numéro d'identification ou à un ou plusieurs
éléments spécifiques, propres à son identité
physique, physiologique, psychique, économique, culturelle ou sociale.
» Cette définition concerne aussi bien les données
directement nominatives que celles qui le sont indirectement comme une adresse,
un numéro de téléphone, une adresse IP, les traces des
données de connexion - tout ce qui permet de remonter indirectement
à un individu.
Ainsi, les données à caractère personnel
qui font l'objet de collecte et de traitement dans un environnement
numérique sont très diverses ; elles peuvent être
transactionnelles, collaboratives, issues de système de gestion, de
registres officiels, de médias sociaux, de capteurs d'objets
connectés. Les données structurées, comme les fiches
clients ou les bases de données, différentes des données
non structurées, comme les requêtes des utilisateurs d'un moteur
de recherche, qui permettent d'analyser leurs discours et leurs comportements.
De plus, contrairement aux bases de données statiques, elles se
présentent sous forme de flux, sont constamment mises à jour, et
se renouvellent en permanence16.
- La donnée personnelle comme trace
Ainsi, les données personnelles peuvent
également être automatiquement produites à l'occasion d'un
calcul, d'une connexion, sans que le sujet en soit conscient. À chaque
fois que
15Trésor de la Langue Française
Informatisé
16 CHIGNARD Sinon & BENYAYER Louis-David,
Datanomics, Les nouveaux business models des données, Editions
FYP, Collection « Entreprendre - Développement professionnel
», 2015.
l'internaute effectue une recherche sur Google, il crée
des traces, des empreintes de connexion, et laisse derrière lui des
informations à son sujet. Nous pouvons alors reprendre le premier des
cinq axiomes de la communication développés par Watzlawick,
Bavelas et Beavin17 : « on ne peut pas ne pas communiquer
». Tout comportement porte un message, et même un non comportement a
un sens dans une situation d'interaction. Ainsi, on peut dire qu'en
matière de comportement numérique, on ne peut pas ne pas
laisser de traces et de données personnelles dans un environnement
numérique.
Les données personnelles des internautes peuvent
être considérées comme des traces, « construite[s] ou
retrouvée[s], d'une communication en même temps qu'un
élément de systèmes identitaires. »18 En
effet, la trace est ce qui subsiste de quelque chose, d'un passage, d'une
action réalisée dans le passé. Dispositif de
mémoire, elle agit comme un témoignage qui doit être
analysé pour créer du sens. La trace n'est pas un message, et
doit être combinée à d'autres pour faire sens. Les
données produites par les individus sont des données
chiffrées, des bits, des logs et non des informations. Alexandre
Serres19 distingue deux types de traces : celles qui
résultent d'une « interaction homme/machines » et celles qui
réfèrent à une suite d'événements
ordonnés. On peut distinguer les traces « profilaires »,
liées au support technique utilisé (adresse IP, cookie), les
traces déclaratives (les données nominatives ou
démographiques volontairement inscrites), les traces navigationnelles
(les requêtes effectuées sur Google, les achats effectués
en ligne ; toute action prise sur un site web), et les traces comportementales
(l'historique de navigation). La trace assigne une signature invisible à
un comportement informationnel. Ces données personnelles sont
reliées à une énonciation incertaine,
différée, et sans marqueurs corporels. Les données
personnelles sont des déictiques qui signalent une identité, de
manière contextuelle, en reliant l'activité d'un individu
à son identité, mais elles sont dissociables de leur production,
car ce sont des « unités solvables, agençables et
calculables »20. Les données personnelles ne
dépendent donc d'aucun support matériel et ne font pas l'objet
d'un droit de propriété au niveau juridique. Ainsi, les
données de tous types, y compris celles à caractère
personnel sont très malléables, et transformables à
17 WATZLAWICK, JACKSON & BEAVIN, Pragmatics of
Human Communication, W. W. Norton & Company, 2011. Disponible :
https://books.google.fr/books?id=Ob9UAgAAQBAJ&pg=PA29&source=gbs
toc r&cad=4#v=onepage&q&f=false, p. 29
18 PEDAUQUE T. Roger, La redocumentarisation du
monde, Editions Cépaduès, 2007.
19 SERRES Alexandre, « Quelle(s)
problématique(s) de la trace ? », Texte d'une communication
prononcée lors du séminaire du CERCOR (actuellement CERSIC), le
13 décembre 2002. Disponible :
http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic
00001397/document (Consulté le 12 janvier 2015)
20 PEDAUQUE T. Roger, La redocumentarisation du
monde, Editions Cépaduès, 2007.
18
19
l'infini21 et elles doivent être
exploitées et transformées pour devenir une information : les
données personnelles ne prennent de sens que quand elles sont
collectées en masse et exploitées, transformées pour y
extraire de la valeur marchande.
- La valeur de la donnée22
Il convient alors d'interroger la valeur de la donnée
personnelle. En effet, l'essor d'Internet et l'explosion de ses usages ont fait
croître de manière importante le nombre de données
produites par les internautes. Dans ce cadre, les entreprises se sont
intéressées à ces données reliées à
des individus dans un but commercial. En effet, les données personnelles
permettent d'identifier des consommateurs de manière ultra
précise pour leur proposer des produits adaptés, garantissant
ainsi l'acte d'achat. Un prix, soit une somme d'argent, est attribué aux
données personnelles qui acquièrent alors une valeur marchande
dans un environnement numérique. Il convient alors d'interroger le
statut économique de ces données personnelles et de
déterminer comment un prix correspondant à ces données
peut être appliqué.
La donnée est un bien non rival, public et de non
exclusion car sa consommation ne prive pas les autres agents de son usage ;
elle peut être faîte simultanément par plusieurs agents
économiques sans que ses caractéristiques soient affectées
; et son usage ne peut être exclu sans dispositifs techniques
spécifiques ou droits de propriété. D. Quah précise
en plus que la donnée est « reproductible à l'infini,
a-spatiale, indivisible et recomposable »23. La donnée
personnelle est un « capital circulant » dont la valeur, loin
d'être détruite, s'accroît au cours des transmissions entre
les différents agents24. Ainsi, elle est un bien d'abondance,
car non destructible et reproductible. Les données sont des biens
informationnels et intangibles (comme les services) mais qui peuvent être
stockées (comme les produits), d'où son statut économique
hybride.
21 MERZEAU Louise, « Du signe à la trace,
l'information sur mesure », Hermès, N° 53,
Traçabilité et réseaux, CNRS éditions,
2009. Disponible :
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00483292
(Consulté le 12 janvier 2015)
22 CHIGNARD Sinon & BENYAYER Louis-David,
Datanomics, Les nouveaux business models des données, Editions
FYP, Collection « Entreprendre - Développement professionnel
», 2015.
23 Cité par BARBET Philippe & LIOTARD
Isabelle, Sociétés de l'information : enjeux
économiques et juridiques, Ed. L'Harmattan, Paris, 2006, p. 35
24 Sous la direction de BARBET Philippe & LIOTARD
Isabelle, Sociétés de l'information : enjeux
économiques et juridiques, Ed. L'Harmattan, Paris, 2006. p.16
20
Il est intéressant de noter que la donnée peut
avoir plusieurs valeurs, selon le temps, le lieu, les personnes
interrogées, et le contexte. En effet, la valeur de la donnée est
changeante, et dépend notamment de la finalité et de l'objectif
que la donnée permet d'atteindre. Elle a une valeur immédiate :
la donnée d'aujourd'hui a plus de valeur que celle d'hier. En effet, le
volume et la vitesse de croissance de ces données personnelles les
rendent obsolètes dans le temps, car changeantes et instables.
Cependant, la somme des données passées acquiert de la valeur
dans la mesure où elle permet de définir les algorithmes des
moteurs de recherche par exemple, ou de définir le profil d'un individu.
La donnée possède une valeur d'option, soit une valeur
attribuée à un usage potentiel futur.
Simon Chinard explique que « la première valeur
d'une donnée n'est pas monétaire. C'est d'abord et avant tout une
valeur de levier : l'usage qui va en être fait et qui va permettre de
changer les processus de décisions ou de produire différemment
certains services. C'est donc la capacité de relier une donnée
à une autre, de la croiser, qui va faire sa valeur »25.
Ainsi, les données personnelles brutes, ne valent pas tant pour ce
qu'elles sont, mais plutôt pour ce qu'elles permettent de faire ; c'est
un bien d'expérience, dont la qualité ne se révèle
qu'à l'usage.
En effet, la valeur de la donnée se co-construit avec
d'autres données. En reprenant les termes de la loi de Metcalfe, la
valeur d'une donnée est proportionnelle au carré du nombre de
données auxquelles elle est associée26. Ainsi, la
donnée ne prend de la valeur que quand elle est utilisée et
transformée pour donner du sens. La donnée est collectée
à l'état brut par une entreprise et elle doit subir une
transformation et être croisée avec d'autres données pour
la rendre propre à l'échange et à l'utilisation. La loi
« Informatique et Libertés » du 6 janvier 1978 définit
le traitement des données à caractère personnel comme
« toute opération de collecte de traitement de la donnée
» (art.2). De plus, le responsable du traitement des données
réfère « à toute personne physique ou morale qui
détermine les finalités et les
25 Simon Chignard, dans « Les données
personnelles, une denrée sous-utilisées par les
collectivités », la Gazette des Communes, publié le 2
juillet 2015, par Claire Chevrier. Disponible :
http://www.lagazettedescommunes.com/374186/la-capacite-a-croiser-une-donnee-a-une-autre-fait-sa-valeur/#
(consulté le 3 juillet 2015)
26 La loi de Metcalfe, énoncée par
Robert Metcalfe, un ingénieur américain à l'origine du
protocole Ethernet, annonce que « la valeur d'un réseau est
proportionnelle au carré du nombre de ses utilisateurs ». Cette loi
annonce que plus il y a d'utilisateurs de réseau, plus ce réseau
a de la valeur. Ainsi, plus il y a d'utilisateurs de Google Inc., plus les
services de l'entreprise ont de la valeur d'utilité pour les
utilisateurs, et de la valeur économique. Citée dans
Sociétés de l'information : enjeux économiques et
juridiques, Ed. L'Harmattan, 2006, Paris, sous la direction de BARBET
Philippe & LIOTARD Isabelle, p.42
21
moyens du traitement » (art.3) et réfère
à la personne ou l`entreprise qui engage sa responsabilité en
mettant en place un fichier de collecte et des outils de traitements des
données à caractère personnel.
Dans le cas de Google Inc., la donnée personnelle
acquiert une valeur car elle permet d'établir le profil des utilisateurs
pour leur proposer les publicités adéquates. Ainsi, «
l'information, c'est-à-dire, la décision que permet l'analyse de
données a une valeur d'utilité plus forte que la donnée
elle-même »27. Il convient alors d'interroger le
modèle économique de Google Inc. et de comprendre la place de la
donnée personnelle au sein de ce modèle.
2. Le fonctionnement de Google et son business model
Le modèle d'affaire de Google Inc. n'est pas
basé sur la production et la vente de contenus, mais sur le profit de
contenus déjà existants sur le web. Par le biais de la
publicité en ligne, juxtaposée à des contenus externes,
Google Inc. propose des plateformes de services gratuits. Ainsi, l'entreprise
joue un rôle d'intermédiaire entre les contenus et les annonceurs,
en récoltant des informations marketing à partir des
données personnelles de ses utilisateurs. « L'économie du
médium a remplacé l'économie du message
»28. Ce sont les plateformes et les dispositifs que Google Inc.
met à disposition de ses utilisateurs qui rapportent de l'argent
à l'entreprise, et en aucun cas les contenus qui y sont
hébergés. Google Inc. a ainsi pour objectif de se positionner
comme un point de rencontre exclusif et obligé entre les internautes,
les contenus et les annonceurs. 29
- La publicité selon Google Inc.
Le modèle économique de Google Inc. est donc
basé sur la publicité, dont 89%30 de son chiffre
d'affaire est issu. L'entreprise propose des services aux entreprises et
annonceurs qui
27 CHIGNARD Sinon & BENYAYER Louis-David,
Datanomics, Les nouveaux business models des données, Editions
FYP, Collection « Entreprendre - Développement professionnel
», 2015, p.43
28 MELOT M., préface de PEDAUQUE T. Roger,
Le Document à la lumière du numérique, 2006.
29 BOUQUILLON Philippe & MATTHEWS Jacob T., Le
web collaboratif, mutations des industries de la culture et de la
communication, Ed. Presse Universitaire de Grenoble, coll. « La
communication en + », 2010. p.42
30 « Google Inc. announces Fourth Quarter and Fiscal Year
Results 2014 », 29 Janvier 2015, Disponible :
https://investor.google.com/earnings/2014/Q4
google earnings.html (Consulté le 12 juillet 2015)
22
veulent faire de la publicité pour leurs produits. Ces
services se caractérisent par le ciblage des publics, pour rendre les
publicités plus efficaces, pertinentes et rentables pour l'annonceur.
Selon Hervé Le Crosnier31, trois types de
publicités ciblées peuvent être distinguées. En
premier lieu, la publicité personnalisée qui consiste à
savoir, selon plusieurs critères, qui est la personne derrière
l'écran en fonction des sites web qu'il aura visités. L'autre
forme de publicité ciblée est contextuelle où l'analyse se
porte sur le contenu que recherche l'internaute et donc, quels sont ses
désirs et ses besoins à un moment précis. Enfin, la
publicité comportementale est le type de publicité le plus
complet : l'individu est suivi en permanence et tout ce qu'il fait est
enregistré. Lors de chaque visite d'un site web, un cookie est
déposé sur l'ordinateur de l'individu qui l'identifie et regroupe
toutes ses informations en matière de comportement.
Ainsi, Google Inc. propose à la fois de la
publicité personnalisée, contextuelle et comportementale, comme
nous allons le détailler ci-dessous.
Le premier service de publicité proposé par
Google Inc. est AdWords, soit de la publicité contextuelle. Les
annonceurs créent des annonces publicitaires sous forme de liens, comme
les résultats des requêtes sur le moteur de recherche Google. Ces
annonces sont combinées à des mots clés en rapport avec
l'activité des annonceurs, qui misent dessus. Quand un utilisateur
effectue une requête avec un de ces mots clés, l'annonce
apparaît sur la même page que les résultats naturels, dans
un encart dédié aux annonces commerciales. L'annonceur qui a
misé la plus grosse somme d'argent sur un mot clé verra son lien
commercial apparaître en premier. Quand l'utilisateur clique sur le lien
sponsorisé, l'annonceur va payer la somme mise en enchère
à Google Inc. ; on parle de CPC (Coût par Clic). Ce système
permet d'afficher de la publicité en rapport avec la recherche
effectuée par l'utilisateur. On parle alors de marketing ciblé :
cette stratégie permet d'afficher des résultats pertinents pour
l'utilisateur, ce qui augmente les chances pour l'annonceur de voir
l'utilisateur cliquer sur son lien proposé. À noter que le
classement des annonces dépend à la fois des enchères
faîtes par les annonceurs et du taux de clics effectués par les
utilisateurs sur ces annonces. Ainsi, le système
31 LE CROSNIER Hervé., « Usage des traces
par la publicité comportementale », Traces
numériques, de la production à
l'interprétation, CNRS Editions, 2013
23
d'AdWords prend en compte à la fois la somme d'argent
dépensée par les annonceurs et le retour des utilisateurs : si un
lien sponsorisé n'est jamais cliqué, il n'apparaîtra plus.
Grâce à ce système de revenus, Google Inc. met ainsi en
relation une recherche de contenus avec une entreprise. Les mots-clés de
recherche sur Google sont « monétisés » et deviennent
des objets de ventes aux enchères selon des critères de
popularité.
Google Inc. possède également une régie
publicitaire, AdSense. Ce programme permet aux producteurs de contenus sur
Internet, propriétaire d'un nom de domaine, de générer des
revenus en diffusant des annonces publicitaires ciblées sur leur site
Web. La publicité affichée est déterminée en
fonction du contenu de la page web : on peut parler de publicité
personnalisée. Ainsi, Google Inc. est également présent
sur le marché du display, soit l'affichage de bannières
publicitaires sur les sites web. Ici, Google Inc. peut être
rémunéré financièrement de deux façons ; le
CPM (coût par mille), où l'annonceur paie en fonction du nombre
supposé d'internautes exposés à l'annonce, et le CPC
(Coût par clic), où l'annonceur ne paie qu'en proportion du nombre
de clics sur le lien sponsorisé ou l'annonce.
En plus de ces deux services de publicité, Google Inc.
propose des solutions de retargeting. L'entreprise utilise des
cookies32 pour profiler les internautes et récupérer
leurs données de navigation. Le cookie est un petit fichier texte
stocké sur le navigateur d'un utilisateur qui permet de faciliter sa
navigation en conservant ses données ; l'utilisateur pourra voir des
messages publicitaires apparaître en fonction des recherches qu'il a
effectuées auparavant et des sites qu'il a pu consulter.
Ainsi, les revenus de Google Inc. sont issus de la somme que
les annonceurs paient pour que leurs publicités soient visibles par les
utilisateurs de Google Inc.
Le modèle économique de Google Inc. est donc
celui d'une régie publicitaire qui vend des espaces à des
annonceurs sous forme de liens dits « commerciaux » ou «
sponsorisés ». Cette pratique joue sur une illusion de surgissement
contextuel pertinent.33 En effet, plus que de l'espace, qui est
infini sur le web, Google Inc. vend les intentions des utilisateurs qu'ils ont
exprimées sous la forme d'une simple requête sur le moteur de
recherche. Cette pratique est
32 « Types of cookies used by Google »
https://www.google.com/policies/technologies/types/
(consulté le 19 août 2015)
33 ERTSCHEID O., GALEEZOT G & BOUTIN E., «
PageRank : entre sérendipité et logiques marchandes », dans
L'entonnoir : Google sous la loupe des sciences de l'information et de la
communication, C&F Editions, Paris, 2009, p.125
24
également une transformation radicale de
l'économie de l'information, puisque ce n'est plus le résultat
qui fait l'objet d'une certaine valeur, mais la requête en
elle-même34. C'est donc le besoin d'information de
l'utilisateur qui se monétise, car les entreprises accordent de la
valeur au fait de se trouver au bon endroit et au bon moment pour combler ce
besoin d'information de l'utilisateur, futur consommateur. La visibilité
possède une importance toute particulière pour les annonceurs qui
souhaitent être immanquables pour le consommateur.
Google Inc. revendique l'utilisation des données
personnelles de ses utilisateurs pour satisfaire au mieux ses besoins
d'information et satisfaire le besoin de rentabilité des entreprises qui
utilisent ces services de publicité. « Le moteur de recherche
[É] exploite et trace entièrement et continuellement les
comportements de tous ceux qui utilisent ses services, afin de « profiler
» leurs habitudes et d'insérer dans leurs activités
(navigation, courrier électronique, gestion des dossiers...) une
publicité personnalisée, contextualisée,
légère et omniprésente. »35 La mise en
réseau des ordinateurs et la mise en commun de tous les sites Internet
par Google, permettent de capter des informations sur les internautes et ces
ressources sont mises à dispositions d'acteurs externes pour
développer leurs activités. Le modèle d'affaire de Google
Inc. est basé sur un échange entre l'entreprise et ses
utilisateurs, et l'entreprise et les annonceurs.
- La donnée personnelle au coeur des
échanges économiques
Le web et les services de Google Inc. sont fondés sur
une interconnexion de sites et les données personnelles des utilisateurs
sont disséminées à travers le réseau. En effet, la
collecte et l'utilisation des données sont au coeur du modèle
d'affaire de Google Inc., grâce à ses services de moteur de
recherche, courrier électronique, et autres.
Google Inc. recueille des informations sur ses utilisateurs
pour parfaire la segmentation de ses utilisateurs et leur proposer les
informations qui ont le plus de chance d'attirer leur attention.
34 SIMONOT Brigitte, « De l'usage des moteurs de
recherche par les étudiants », dans L'entonnoir : Google sous
la loupe des sciences de l'information et de la communication, C&F
Editions, Paris, 2009, p 101
35 KYROU Ariel, Google God, Ed. Inculte,
Paris, 2010.
25
Le moteur de recherche aspire les données des
utilisateurs et leur « expédie » également des messages
personnalisés36.
En ce qui concerne les coûts de collecte, de traitement
et d'exploitation des données personnelles par Google Inc., ils sont
très bas et chutent très vite, en raison de ses économies
d'échelles. Les volumes de données produits par les utilisateurs
des services de Google Inc. sont tels, et augmentent tellement que les
coûts de traitement de ces données baissent drastiquement, et
l'entreprise peut négocier les meilleurs tarifs pour ses
matériels de traitement et de stockage, la bande passante et
l'électricité nécessaire à son activité, et
ainsi accroître sa rentabilité, en fournissant ces données
aux annonceurs.
Ainsi, la stratégie commerciale de Google Inc. est
basée sur le marketing relationnel, soit « la politique et les
outils destinés à établir des relations
individualisées et interactives avec les clients, en vue de créer
et d'entretenir chez eux des attitudes positives et durables à
l'égard de l'entreprise et de la marque »37. Cependant,
ce n'est pas au profit direct de Google Inc. que cette stratégie est
mise en place ; ce sont les annonceurs qui ont besoin de cette relation
individualisée avec les consommateurs, et c'est Google Inc. qui met en
place les dispositifs qui identifient le consommateur personnellement et
enregistrent sa manière de consommer pour accroître la
rentabilité de l'annonceur, et indirectement de Google Inc. si ces
dispositifs sont efficaces.
En effet, en utilisant les données personnelles des
utilisateurs, les annonceurs qui payent pour avoir des publicités
ciblées réduisent les coûts des publicités qui
seront montrées à des consommateurs non réceptifs, et
augmentent leur revenus en proposant des informations utiles et ajustées
à l'intérêt des consommateurs. Les données
personnelles permettent également de mesurer et d'améliorer
l'efficacité de ces publicités en ligne. Elles acquièrent
alors une valeur marchande pour les entreprises qui visent une valorisation
publicitaire.
Google Inc. possède donc un modèle
économique biface : l'entreprise exerce un rôle
d'intermédiaire entre deux acteurs du marché, que sont les
utilisateurs de ses services et les annonceurs. L'existence d'une face
représente de la valeur pour l'autre ; si l'un des deux
36 DUJARIER Marie-Anne, Le travail du
consommateur : de McDo à Ebay, comment nous coproduisons ce que nous
achetons, Ed. La Découverte, Collection Poche/Essais,
2014, p.89
37 idem, p.91
26
acteurs du marché (utilisateur ou annonceur) se retire,
Google Inc. n'a plus de raison d'être, et sa rentabilité n'est
plus assurée. Ainsi, Google Inc. est dépendant à la fois
de ses utilisateurs, et des annonceurs pour exister.
L'on peut alors constater que la seule limite de la croissance
de Google Inc. est le rythme de croissance du Web lui-même : si le nombre
de pages web augmente trop et que l'algorithme de Google Inc. n'est pas capable
d'indexer les sites et de satisfaire les besoins des utilisateurs, ces derniers
n'utiliseront plus les services de Google Inc., entraînant le retrait des
annonceurs. Ainsi, les services de Google Inc. produisent des effets de
réseaux : l'utilité réelle de ses différents
services techniques dépend en effet de la quantité d'utilisateurs
de ses services. C'est également cet effet de réseau qui permet
à Google Inc. de proposer des services gratuits.
- Du gratuit rentable ? Essai sur le don - tome
2
D'un point de vue économique, le modèle
d'affaire de Google Inc. ne semble pas relever du modèle marchand
puisque ses services sont entièrement gratuits et qu'il n'y a pas
d'échange d'argent entre l'entreprise et ses consommateurs finaux. Il
convient alors d'interroger ce modèle d'affaires et de comprendre
comment l'entreprise peut être bénéficiaire tout en
proposant des services gratuits.
À noter que la gratuité des services de Google
Inc. n'est pas uniquement une étape intermédiaire dans son
modèle économique avant de passer à un modèle
payant : la gratuité est bien au coeur de la philosophie de Google
Inc.
Chris Anderson, dans Free ! Entrez dans l'économie
du gratuit38, explique comment Google Inc. a adopté un
modèle basé sur la gratuité selon trois phases historiques
:
- En 1998, Serguey Brin et Larry Page ont inventé un
moteur de recherche basé sur un modèle algorithmique et
automatique, qui classe les sites web selon le degré de confiance et de
recommandation accordé par les internautes. Entre 1999 et 2001, la
société Google Inc. a transformé son moteur de recherche
pour qu'il s'améliore au lieu de se dégrader au fur et à
mesure que le Web prenait de l'ampleur.
38 ANDERSON Chris, Free ! Entrez dans
l'économie du gratuit, Ed. Pearson, coll. Economie/nouvelles
technologies, 2009, p. 139
27
- À partir de 2001, l'entreprise a adopté une
méthode qui permet aux annonceurs de créer en libre-service des
annonces publicitaires correspondant à des mots-clés de
requêtes ou des contenus. Pour que les annonces soient les mieux
placées dans les résultats de requête, les annonceurs
doivent d'enchérir entre eux. Avec la création d'AdWords et
d'AdSense, Google Inc. est vite devenu une entreprise rentable qui
réalise des bénéfices.
- À partir de 2003, grâce aux
bénéfices réalisés par la publicité sur son
moteur de recherche, Google Inc. a pu investir dans de nouvelles ressources
pour créer d'innombrables services et produits qui élargissent la
présence de l'entreprise, renforçant l'attachement des
consommateurs à son égard.
Il est intéressant de noter que à sa
création, Google a été pensé comme un service
gratuit et accessible à tous. Le besoin de rentabilité et de
bénéfices monétaires est apparu face au succès
grandissant de Google et le besoin de toujours l'améliorer au niveau
technique et commercial. Par la suite, les bénéfices liés
à la publicité ont seulement permis de créer de nouveaux
services gratuits, utiles pour les internautes.
À noter que ce modèle d'affaire basé sur
la gratuité est également la meilleure manière de toucher
un marché le plus vaste possible et de faire adopter massivement ses
produits et services. Eric Schmidt, CEO de Google Inc. de 2001 à 2011,
parle de « mass strategy » et affirme que
cette stratégie deviendra la règle sur les marchés de
l'information39. En effet, la gratuité permet
d'accroître le volume de consommateurs et de monétiser cette
audience croissante. Si le nombre de consommateurs croît, les
publicités sont d'autant plus rentables car elles touchent plus
d'audience, et les revenus de ces publicités permettent de créer
de nouveaux services qui accroissent encore le nombre de consommateurs et, par
corrélation, le revenu des publicités. Le modèle d'affaire
de Google Inc. est donc un cercle vertueux, basé sur le nombre croissant
de ses utilisateurs.
Cependant, la gratuité pour l'acteur final, ici
l'utilisateur des services de Google Inc., ne signifie pas que son
modèle est hors du modèle marchand. Un service gratuit ne l'est
jamais réellement : « Le coût est loin d'être nul, il
est simplement invisible », explique Pierre-Michel
39 ANDERSON Chris, Free ! Entrez dans
l'économie du gratuit, Ed. Pearson, coll.
Economie/nouvelles technologies, 2009, p. 142
28
Menger, professeur de sociologie au Collège de France,
dans un entretien accordé à Marianne40.
Le terme « gratuit » vient du latin «
gratia », et s'applique aux deux parties en présence lors
d'un échange : celui qui accueille avec faveur et celui qui est
accueilli avec faveur. Benveniste parle de « valeur réciproque
» dans un échange gratuit41. Dans le cadre marchand,
gratuit signifie sans valeur d'échange. Or dans le système
économique de Google Inc. il existe une valeur d'échange qu'il
convient d'interroger. De plus, la pensée marchande affirme que la
gratuité est impossible dans les faits, le récepteur devrait
toujours finir par payer « There is no such thing such as free lunch
» soit « un repas gratuit gratuit, ça n'existe pas »
: il existe toujours des coûts d'opportunités dans la
gratuité, soit le fait de renoncer à quelque chose pour avoir
accès à autre chose.
On peut donc parler du modèle d'affaires de Google Inc.
comme du « troc implicite de données contre services
»42. En effet, le troc réfère à
l'échange d'un bien contre un autre, sans aucune intervention de
monnaie. La logique du troc réfère également à la
logique du don explicitée par les ethnologues, qui fait
référence à l'action de donner quelque chose à
quelqu'un. Il est intéressant de noter que le terme « don »
trouve son étymologie dans le latin « data », terme
qui est aujourd'hui utilisé en anglais pour désigner la
donnée informatique. Ainsi, la donnée personnelle peut être
considérée comme un don de la part de l'utilisateur envers Google
Inc. en attente d'un retour de services, comme ceux que Google Inc. propose. Le
don rejette donc le modèle d'affaires basé sur la gratuité
prôné par Google Inc. qui indique l'absence de valeur
d'échange, car la relation du don n'est que phénomène de
réciprocité et implique une valeur d'échange43.
De plus, les services de Google Inc. valent les données personnelles de
ses utilisateurs ; or dans le marché, il y a « la
nécessité psychologique d'obtenir une chose d'une valeur
égale ou sacrifiée », dit Simmel44 et dans la
logique du don, le contre-don doit être égal ou supérieur
au don pour être valable. De plus, dans une logique
40 Entretien de Pierre-Michel Menger
réalisé par Elodie Emery, « Un enjeu démocratique
sans précédent », Marianne, le 13 avril 2015. Disponible
:
http://www.marianne.net/enjeu-democratique-precedent-100232625.html
(Consulté le 2 mai 2015)
41 GODBOUT T. Jacques, en collaboration avec CAILLE
Alain, L'esprit du don, Ed. La découverte & Syros, Paris,
2000, p.248
42 CHIGNARD Sinon & BENYAYER Louis-David,
Datanomics, Les nouveaux business models des données, Editions
FYP, Collection « Entreprendre - Développement professionnel
», 2015.
43 GODBOUT T. Jacques, en collaboration avec CAILLE
Alain, ibid, p.17
44 Cité par GODBOUT T. Jacques, en
collaboration avec CAILLE Alain, L'esprit du don, Ed. La
découverte & Syros, Paris, 2000, p.252
29
de don et de contre-don, « la valeur réside dans
le lien entre les deux entités »45, le don étant
symbole et « performateur » des relations. Ainsi, c'est par la valeur
des biens échangés (services contre données) que la
relation entre les deux entités (utilisateur et entreprise) prend de la
valeur. En effet, Google Inc. ne saurait se passer de la relation avec
l'utilisateur, sans quoi ses services n'existeraient plus.
Enfin, selon Marcel Mauss, les relations de don sont soumises
à des contraintes, notamment dues à la nature de la chose
donnée : « Ce qui, dans le cadeau reçu,
échangé, oblige, c'est que la chose reçue n'est pas
inerte. Même abandonnée par le donateur, elle est encore quelque
chose de lui »46. En effet, les données personnelles,
données par les utilisateurs sont quelque chose d'eux, puisqu'on l'a vu
précédemment, elles permettent de leur donner une
identité. Ainsi, les données personnelles liées à
l'utilisateur, comme objet de don, deviennent des produits de
l'échange.
- L'utilisateur, produit de Google Inc.
« Google vend des consommateurs à des annonceurs
». Cette phrase pourrait résumer à elle seule le
modèle d'affaire de Google Inc., basé sur la collecte et le
traitement des données personnelles des utilisateurs pour affiner les
publicités aux profits des annonceurs. L'utilisateur peut être
considéré comme le produit de Google Inc. que l'annonceur
achète avec de la publicité.
Il convient d'interroger le terme « produit » qui a
plusieurs acceptations dans la langue française : il peut
référer à « une substance, marchandise, richesse
économique née de l'activité de l'homme » ou «
à des choses que l'industrie a su créer. Il est rare qu'un
produit soit le résultat d'un seul genre d'industrie
»47. Le consommateur peut être considéré
comme « une richesse économique » pour Google Inc., « une
marchandise » qui permet de créer de la valeur économique.
Le profilage est indispensable à la survie d'un modèle
économique qui a la gratuité comme principe et la
publicité comme outil. Ainsi, le financement du gratuit
45 ibid, p.252
46 MAUSS Marcel, Essai sur le don. Forme et raison
de l'échange dans les sociétés archaïques,
version numérique produit par Jean-Marie Tremblay, coll. Les
classiques des sciences sociales, 2002. Disponible :
http://www.congoforum.be/upldocs/essai
sur le don.pdf (Consulté le 7 août 2015)
47 Trésor de la Langue Française
Informatisé
30
suppose d'exploiter la « valeur des consommateurs ».
L'utilisateur devient alors une marchandise comme les autres. Les vrais clients
de Google Inc. sont les annonceurs, qui achètent de l'espace et des mots
clés à Google Inc., et achètent indirectement de
l'audience ciblée et des consommateurs. Le produit est l'utilisateur des
services de Google Inc.
Le terme produit peut également référer
au sens figuré à « ce qui rapporte quelque chose, ce qui est
le résultat de quelque chose »48. Dans ce sens,
l'utilisateur est ce qui rapporte de l'argent à Google Inc. ; c'est
parce que l'internaute utilise les services de Google Inc. qu'il crée de
la valeur économique. Avec l'omniprésence de la publicité
et notamment la présence de liens sponsorisés sur la même
page que les liens de résultats, la recherche d'information peut
s'apparenter à une nouvelle forme d' « économie-casino
», dans laquelle le langage (les mots-clés) et le comportement des
internautes (le clic) sont une source inépuisable de
richesse49.
Ainsi, l'échange qui s'opère entre Google Inc.
et l'utilisateur de ses services repose sur un échange de données
personnelles contre un service gratuit.
« Objet de toutes les attentions et de toutes les
convoitises, cette entité [le consommateur] est en passe de devenir la
principale monnaie d'une économie numérique où chaque
échange se paie en données personnelles. »50
L'utilisateur est produit de Google Inc. en tant que
création de l'entreprise qui restitue toutes ses données
personnelles échangées de manière indirecte sous forme de
produit, qui sont alors vendues contre de l'argent aux annonceurs. Le
consommateur, alors délié de ses données personnelles qui
ne lui appartiennent pas, devient une monnaie d'échange contre de
services. De plus, grâce à la technique, l'individu externalise
ses fonctions humaines : grâce à la technologie proposée
par Google Inc. l'individu externalise ses fonctions de mémoire, en
effectuant des recherches sur le moteur de recherche Google et il externalise
également son
48 Trésor de la Langue Française
Informatisé
49 SIMONOT Brigitte, « De l'usage des moteurs de
recherche par les étudiants », dans L'entonnoir : Google sous
la loupe des sciences de l'information et de la communication, C&F
Editions, Paris, 2009, p.101
50 MERZEAU Louise, « Présence
numérique : les médiations de l'identité », Les
enjeux de l'information et de la communication n°3, CNRS, Paris,
2009. Disponible :
https://www.cairn.info/revue-les-enjeux-de-l-information-et-de-la-communication-2009-1-page-79.htm
(consulté le 12 janvier 2015)
31
identité51, ce qui consiste en ses
préférences, ses intérêts, ses désirs et ses
besoins au profit de Google Inc. Lorsque le service est gratuit, l'utilisateur
est à la fois le produit et la monnaie.
3. Le produit-utilisateur au coeur d'une économie
foucaldienne
Google Inc. a donc mis en place un modèle d'affaire
basé sur la gratuité de ses services, et l'utilisation des
données personnelles de ses utilisateurs. Pour Google Inc., les
données sont à la fois la ressource principale de ses services,
le moteur de la réalisation de son revenu et l'arme stratégique
de conquête de positions concurrentielles. Il convient alors d'interroger
cette troisième affirmation.
- Le sur-mesure de masse
Le fonctionnement de Google Inc. propose donc un sur-mesure de
masse : avec plus de 90%52 de parts de marché dans le monde,
Google Inc. possède la plus grande base utilisateur du monde. Ces
produits d'adressent donc à une masse d'utilisateurs, et pourtant Google
Inc. propose à chacun une expérience personnalisée. La
donnée personnelle des utilisateurs en tant que trace permet de calibrer
les informations sur mesure.
En effet, le numérique tend à personnaliser
l'information qu'il dissémine, notamment par son architecture
décentralisée. Le web donne à chacun son information, en
faisant de la pertinence le seul critère valable. Cette personnalisation
suppose un traçage des facteurs singuliers qui affectent
l'identité.
Sackmaan, Strucker et Accorsi53 définissent
trois formes de personnalisation : les services personnalisés
fondés sur l'exploitation des données personnelles qui permettent
une communication one-to-one comme de la recommandation, ou la
facilitation d'achats selon l'historique de navigation des utilisateurs ; les
services individualisés qui ne nécessitent pas d'identification
de l'utilisateur mais des données de contexte comme une requête
effectuée sur
51 MERZEAU Louise, « Du signe à la
trace, l'information sur mesure », Hermès, N° 53,
Traçabilité et réseaux, CNRS éditions,
2009. Disponible :
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00483292
(Consulté le 12 janvier 2015)
52 Chiffres Google - 2015, via Le blog du
modérateur. Dernière mise à jour le 3 août 2015.
Disponible :
http://www.blogdumoderateur.com/chiffres-google/
53 ROCHELANDET Fabrice, Economie des
données personnelles de la vie privée, Ed. La
Découverte, coll. Repères, Paris, 2010, p.63
32
Google ; et le service universel accessible à chacun et
portant sur des données individuelles émises et utilisées
par les individus eux-mêmes (commentaires sur un forum) ou sur des
fonctionnalités individualisables (comme la recherche sur Google),
chaque utilisateur se servant du service en fonction de ses besoins à un
moment donné. Google Inc. applique ainsi ces trois formes de
personnalisations.
En effet, Google Inc. utilise des techniques de
tracking qui consistent à pister les singularités des
individus pour cibler toujours plus finement les consommateurs. Les
comportements et les préférences des utilisateurs n'existent que
par rapport aux autres usages, préférences ou opinions des
utilisateurs. Ainsi, la personnalisation s'opère dans un contexte
où la communauté est la plus importante, et on peut parler de
sur-mesure de masse. Comme l'explique Louise Merzeau54, les
données personnelles et personnalisées sont aujourd'hui
favorisées ; le but des annonceurs et de Google Inc. n'est pas de
connaître les habitudes communes à toute une masse d'individus,
mais plutôt celle d'un individu en particulier pour lui proposer un
message personnalisé et positif à ses attentes. Ainsi, les
entreprises, grâce aux fonctionnalités publicitaires de Google
Inc. ciblent les publicités de manière précise sur les
internautes.
Les utilisateurs de Google sont à la recherche d'une
information, et le service leur propose une information personnalisée et
sur mesure. Bill Davidow parle de prison algorithmique55 pour
désigner ce phénomène d'hyperpersonnalisation induit par
l'utilisation des données massives. Cette prison est telle qu'elle n'est
pas connue par les utilisateurs : ils ne savent pas à quelles
informations ils n'ont pas accès. On peut donc parler d'un changement de
paradigme, où le modèle d'affaires de Google Inc. n'est plus
uniquement basé sur l'économie de l'information, mais
également sur celle de l'attention.
- De l'économie de l'information à et
l'économie de l'attention
Google Inc. base son modèle d'affaires sur le
marché d'abondance qu'est celui de l'information. D'une part, les
contenus informationnels qui sont sur le Web et que les utilisateurs
recherchent, d'autre part les informations de la masse des utilisateurs de
Google
54 MERZEAU Louise, « Du signe à la trace,
l'information sur mesure », Hermès, N° 53,
Traçabilité et réseaux, CNRS éditions, 2009.
Disponible :
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00483292
(Consulté le 12 janvier 2015)
55 DAVIDOW Bill, « Welcome to Algorithmic prison
», The Atlantic, le 20 février 2014. Disponible :
http://www.theatlantic.com/technology/archive/2014/02/welcome-to-algorithmic-prison/283985/
(consulté le 13 août 2015)
33
Inc. Parce que les contenus augmentent et que les prix de
stockage sont en constante réduction, les prix de l'information
publique, soit les contenus sur le web, tombent à des prix marginaux.
L'information n'est alors plus un bien rare et ne
possède presque plus de valeur économique : l'accès
à l'information est facile et simple pour tous les individus qui
disposent d'un ordinateur et d'une connexion Internet. En effet, en
économie, les produits fait d'idées, au lieu de matière,
deviennent plus vite bon marché ; étant des bien non rivaux, qui
ne se détruisent pas à l'utilisation, l'information est un bien
d'abondance. Ainsi, l'information conserve un coût marginal, qui est si
proche de zéro qu'il est préférable d'arrondir. En effet,
si la loi veut que les prix chutent jusqu'au coût marginal, la
gratuité n'est pas une option, mais un aboutissement inéluctable
de l'économie. C'est la racine de l'abondance qui mène à
la gratuité56. De plus, l'aspect intangible de l'information
favorise sa gratuité. Étant un bien non rival, l'information
devient un produit abstrait, qui semble ne rien coûter pour le
consommateur. En réalité, Google Inc. a intérêt
à ce que l'information soit gratuite, car « plus le coût de
l'information diminue, plus l'entreprise gagne de l'argent », explique
Nicolas Carr dans The Big Switch. En effet, si l'information est
gratuite, les internautes vont utiliser Google pour y avoir accès, et
devenir alors consommateurs des publicités.
La multiplication de l'information et son accessibilité
font ainsi naître un nouveau paradigme ; c'est l'attention qui a de la
valeur, et non plus l'information.
« Dans un monde riche en information, l'abondance des
informations signifie une privation d'autre chose, la rareté de quoi que
ce soit que l'information consomme. Ce que l'information consomme est
l'attention du destinataire. Une abondance d'information crée une
disette
d'attention. »57
Ainsi, l'information atteint un coût zéro, tandis
que l'attention atteint un coût élevé, puisqu'elle se
raréfie étant donné le nombre d'informations croissant
auquel l'utilisateur a accès. C'est le contact entre l'utilisateur qui
cherche de l'information et Google Inc. qui classe
56 ANDERSON Chris, Free ! Entrez dans
l'économie du gratuit, Ed. Pearson, coll. Economie/nouvelles
technologies, 2009, p. 96
57 SIMON Herbert, cité par ANDERSON
Chris, Free ! Entrez dans l'économie du gratuit, Ed. Pearson,
coll. Economie/nouvelles technologies, 2009, p. 209
34
et donne accès aux informations, qui est porteur de
valeur58. La notion d'attention réfère donc au «
temps de cerveau disponible », nécessaire pour que la
publicité soit reçue par les consommateurs. Il convient donc de
trouver des stratégies efficaces pour que l'utilisateur des services de
Google Inc. soit en contact avec les publicités, et AdWords et AdSense
sont des moyens efficaces de montrer de la publicité adaptée aux
besoins des utilisateurs. Cependant, la notion d'économie d'attention
est à questionner.
Pour que l'utilisateur de Google soit réceptif aux
publicités, et y accorde son attention, l'entreprise met en place des
méthodes pour collecter ses données de recherche et ses
données personnelles afin de lui afficher des publicités
contextuelles et adaptées. Ainsi, en mettant en place de nombreux
services pour les utilisateurs, Google Inc. a accès à un ensemble
d'informations qui relèvent de la sphère publique, de la
sphère privée ou professionnelle et de la sphère intime
des utilisateurs. Avec cette nouvelle configuration des espaces informationnels
émerge une nouvelle écologie cognitive, soit «
l'étude des interactions entre les déterminants biologiques,
sociaux et techniques de la connaissance »59, qui consacre
l'interpénétration des deux sphères : celle de la
recherche d'informations publiques sur le web, et celle de la recherche
d'informations concernant les données personnelles des utilisateurs et
possibles consommateurs. En effet, le moteur de recherche de Google permet
à la fois aux utilisateurs d'avoir accès à de
l'information publique, et à la fois aux annonceurs d'avoir accès
à de l'information sur leurs consommateurs. « Ainsi, les individus
sont considérés comme des petits éléments dans une
machine d'information, quand ils ne sont pas les seules sources ou destinations
d'informations. »60 Ce changement de paradigme ouvre des
espaces pour le suivi et le traçage des individus à la fois
à leur insu et avec leur consentement61.
58 KESSOUS Emmanuel et REY Bénédicte,
« Economie numérique et vie privée »,
Hermès, N°53, Traçabilité et réseaux,
CNRS éditions, 2009. Disponible :
http://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2009-1-page-49.htm
(Consulté le 12 janvier 2015)
59 BATESON Gregory, cité par ERTSCHEID O.,
GALEEZOT G & BOUTIN E., « PageRank : entre sérendipité
et logiques marchandes », dans L'entonnoir : Google sous la loupe des
sciences de l'information et de la communication, C&F Editions, Paris,
2009, p..119.
60 LANIER Jaron, Who owns the future ?,
Penguin Books, 2014.
61 ERTSCHEID O., GALEEZOT G & BOUTIN E., «
PageRank : entre sérendipité et logiques marchandes », dans
L'entonnoir : Google sous la loupe des sciences de l'information et de la
communication, C&F Editions, Paris, 2009, p.119.
35
- De l'économie de l'attention à
l'économie de surveillance
La publicité sur le web est partie intégrante
d'une nouvelle forme d'économie, qui n'est plus l'économie de
l'attention, mais l'économie de la surveillance62, qui
consiste à ce que toutes les informations qui constituent les individus
soient dévoilées pour permettre un ciblage et une
personnalisation toujours plus accrue. Les faits et gestes des utilisateurs de
Google sont constamment surveillés, et les données personnelles
sont collectées pour adapter et affiner au maximum les publicités
auxquelles l'utilisateur est confronté.
Les méthodes de profilage de Google Inc. peuvent
être reliées à l'idée du panoptique
développée par Michel Foucault dans Surveiller et Punir.
En effet, Google Inc. « voit sans être vu » les comportements
des utilisateurs de ses différents services, et est capable de collecter
toutes les traces des utilisateurs et d'analyser leur comportements. « La
surveillance prend appui sur un système d'enregistrement permanent,
[É] constant et centralisé. » 63 En effet, Google Inc.
enregistre de manière permanente et constante tous les comportements de
ses utilisateurs, en centralisant ses données personnelles. C'est par la
surveillance de ces utilisateurs et la centralisation de ces informations que
Google Inc. dégage de la valeur financière. En reprenant les
termes de Michel Foucault dans l'introduction de Surveiller et Punir,
Google Inc. peut être décrit comme « un espace clos,
découpé, surveillé en tout points » ; de la page
d'accueil de Google, à la page d'un Google Doc, les espaces où
l'utilisateur se sert des services de Google Inc. sont des espaces
cloisonnés, et surveillés par l'entreprise. « Les moindres
mouvements sont contrôlés, les événements sont
enregistrés » ; chaque action, chaque clic, chaque nouvelle
requête ou nouvel e-mail est enregistré par Google Inc., qui les
centralise pour établir un profil presque parfait de l'utilisateur.
L'espace de Google Inc. est également caractérisé par
« un travail ininterrompu d'écriture qui relie le centre et la
périphérie » ; le centre étant Google Inc. et la
périphérie étant les annonceurs qui utilisent les services
publicitaires de Google Inc., un travail d'écriture et d'analyse est
constamment en marche entre ces deux acteurs, entre lesquels les utilisateurs
évoluent et se comportent grâce à l'écriture.
62 SCHNEIER Bruce, « `Stalker economy' here to
stay »,
CNN.com, le 26 novembre 2013. Disponible :
http://edition.cnn.com/2013/11/20/opinion/schneier-stalker-economy/index.html
(Consulté le 1er mai)
63 FOUCAULT Michel, Surveiller ou Punir,
Gallimard, Paris, 1979, Introduction.
36
De plus, les méthodes de tracking et de
profilage de l'utilisateur réfèrent à un assujettissement
politique et économique des individus. Grâce à l'analyse
croisée de millions de requêtes, aux fonctions d'historiques de
navigation et à l'analyse des données personnelles des
utilisateurs, Google Inc. est capable de prédire que l'affichage de tel
lien sponsorisé entraînera un clic. L'action prédictive
devient un aspect incitatif pour le consommateur, le lien sponsorisé
acquérant une valeur de suggestion efficace pour orienter la recherche
d'information des internautes64. Ainsi, l'algorithme utilisé
pour générer des revenus publicitaires devient un algorithme
d'orientation65. Google Inc. « impose une conduite quelconque
à une multiplicité humaine quelconque »66 et,
comme le panoptique de Michel Foucault, met en place « un ensemble de
prescriptions, calculées et raisonnées, selon lesquelles on
devrait [É] régler des comportements. » Ce programme de
sur-mesure instauré par Google Inc. a sa « régularité
propre », et la surveillance, consciente ou non, des utilisateurs instaure
des comportements orientés et définis non plus par l'individu
mais par Google Inc.
Ainsi, le paradigme se déplace : dans l'économie
de l'attention, l'utilisateur contrôle ses agissements, et décide
ou non de prendre le temps de voir les publicités selon son
intérêt pour elles. Dans l'économie de surveillance,
l'utilisateur subit entièrement les publicités, et son
comportement est constamment surveillé et orienté pour que la
décision de voir et d'agir en fonction des publicités
affichées ne se fasse plus. Ainsi, l'utilisateur actif qui prend des
décisions pour prêter de l'attention à telle ou telle
publicité devient sujet passif et soumis aux règles
imposées par Google Inc., et est produit de richesse pour les
annonceurs. Jaron Lanier conclue que « Gratuit signifie
inévitablement que votre vie va être décidée par
quelqu'un d'autre. »67
Ainsi, la donnée personnelle, comme trace de
l'utilisateur de Google Inc. prend de la valeur lorsqu'elle est associée
à toutes les données personnelles qu'un utilisateur peut laisser
lors de son utilisation d'Internet. Ces données sont ensuite
valorisées dans un système économique où Google
Inc. se place comme un intermédiaire entre les annonceurs et les
utilisateurs. Une relation d'échange et de don se met en place entre
l'entreprise et l'utilisateur, et on peut
64 ERTSCHEID O., GALEEZOT G & BOUTIN E., «
PageRank : entre sérendipité et logiques marchandes », dans
L'entonnoir : Google sous la loupe des sciences de l'information et de la
communication, , C&F Editions, Paris, 2009, p.125
65 idem p.125-126
66 FOUCAULT Michel, Surveiller ou Punir,
Gallimard, Paris, 1979, Préface de Gilles Deleuze.
67 LANIER Jaron, Who owns the future ?,
Penguin Books, 2014.
37
conclure que la donnée personnelle devient un moyen de
paiement, comme dans un échange de troc. Cependant, ce système
économique et symbolique complexe font de l'utilisateur un simple
produit d'échange, entre Google Inc. et les annonceurs, qui se retrouve
à être surveillé tout le temps et partout pour devenir
rentable. Cependant, au sein de ces échanges économiques
complexes, il convient d'interroger cette notion de produit et d'examiner les
relations qu'entretient l'utilisateur avec l'entreprise Google Inc. Le produit
pourrait-il être en même temps le producteur de la richesse et du
bon fonctionnement de Google Inc. ?
38
II. « Je te déteste, mais je reste » ;
le paradoxe des internautes au
coeur de l'écosystème de Google Inc.
Il s'agit de comprendre quelle est la position de
l'utilisateur face à ces logiques marchandes et aux échanges qui
se jouent entre lui-même et Google Inc. Si l'utilisateur de Google Inc.
est le produit de la richesse de Google Inc., et est une monnaie
d'échange assujettie et contrôlée par l'entreprise et les
annonceurs, il s'agit de déterminer s'il a conscience de ce rôle,
et comment il conçoit sa relation avec l'entreprise. J'émets
l'hypothèse que l'utilisateur est conscient de la collecte et du
traitement de ses données personnelles, et qu'il se sait à la
fois produit et producteur de la richesse de Google Inc. En effet, en utilisant
les services de Google Inc., l'utilisateur participe à la production de
la richesse de l'entreprise et à son amélioration technique.
Ainsi, si l'utilisateur est le produit d'échange entre Google Inc. et
les annonceurs, il est également producteur des services de Google Inc.,
lui rapportant indirectement de la richesse.
Pour appuyer mon argumentaire, j'ai choisi de réaliser
un questionnaire sur les habitudes d'utilisation des services de Google Inc.
J'ai réalisé ce questionnaire sur la plateforme Google Forms qui
a été diffusé sur les plateformes des réseaux
sociaux et par mail auprès de mon entourage. Le questionnaire est
disponible en annexe68, avec les justifications de chaque question
et les résultats. 160 personnes ont répondu au questionnaire
entre le 8 et le 20 juillet 2015. Les résultats ont été
arrondis au dixième. Le nombre de réponses est suffisamment
important pour que je puisse récolter des réponses et faire des
analyses, cependant, je considère que mon échantillon n'est pas
assez large pour qu'il soit représentatif de la population
française.
Dans un premier temps, le profil des sondés sera
détaillé, ainsi que leur habitudes d'utilisation des services de
Google Inc. Ensuite, l'opinion des utilisateurs face à l'utilisation de
leurs données personnelles par l'entreprise sera explicité, afin
de montrer s'ils sont conscients des enjeux que supposent l'utilisation de
leurs données personnelles, pour enfin détailler leur rôle
actif et conscient au sein du système économique mis en place par
Google Inc.
68 Annexe 1, p. 92
39
1. Le profil des sondés - Démographie
Le profil des sondés est composé à 68,1%
de personnes entre 15 et 30 ans ; ce sont des « digital natives
»69, soit la génération qui a grandi dans un
environnement numérique. 10,7% des sondés ont plus de 50 ans.
åge
15-20 ans 20-30 ans 30-40 ans 40-50 ans 50-60 ans Plus de 60
ans
6,25%
2,50% 1,90%
4,40%
8,10%
60,00%
De plus, 53,8% des sondés sont étudiants.
À noter que 22,5% des sondés évoluent dans le milieu
professionnel de la communication et du marketing, qu'ils soient
étudiants ou actifs : ce résultat, non représentatif de la
population, est lié au fait que j'ai diffusé le questionnaire
dans mon entourage, composé d'individus évoluant dans la
même sphère professionnelle que moi.
69 PRENSKY Marc, « Digital Natives, Digital
Immigrants », extrait de On the Horizon (MCB University Press,
Vol. 9 no. 5, Octobre 2001) Disponible :
http://www.marcprensky.com/writing/Prensky%20-%20Digital%20Natives,%20Digital%20Immigrants%20-%20Part1.pdf
(Consulté le 2 août 2015)
5,00%
5,60%
3,10%
5,00% 4,40% 6,30%
36,30%
Situation professionnelle
18,10%
17,50%
Salarié
Etudiant en communication/ marketing
Etudiant dans une autre filière
Lycéen Fonctionnaire
Professionnel de la communication/marketing Retraité
Sans activité Autres
40
- Utilisation des services de Google Inc.
En ce qui concerne l'utilisation des services de Google
Inc., 95.2% des sondés utilisent les services de
Google. Ainsi, ces résultats sont proches du taux d'utilisation du
moteur de recherche Google en France, qui est d'environ 93.5%70.
92.9% des sondés utilisant les services de Google Inc.
possèdent un compte Google. Les sondés qui ont indiqué ne
pas avoir de compte Google ont plus de 50 ans (70%). À noter qu'un
sondé dit ne pas avoir un compte Google, mais utilise le service de
messagerie Gmail, ce qui implique d'avoir un compte Google. Il est
intéressant de noter que les utilisateurs ne sont pas forcément
au courant de l'existence d'un compte Google et que la multiplicité des
services que l'entreprise propose n'est pas comprise pour certains
sondés comme un « package », mais comme
différents services indépendants les uns des autres.
Enfin, concernant les services utilisés par les
sondés, une écrasante majorité de sondés qui
utilisent les services de Google Inc. utilisent le moteur de recherche Google.
À noter que 4.5% des sondés utilisent les services de Google Inc.
comme Gmail ou Google Drive mais ne se servent pas du moteur de recherche et
utilisent Ecosia ou DuckDuckGo. Les services les plus utilisés sont
Youtube avec un taux d'utilisation de 78%, Gmail (68.8%) et Google Drive
(56.8%). Des sondés ont également mentionné Google
Calendar, qui est utilisé dans certaines entreprises, et sur les
smartphones Android, et Blogpost.
70 StatCounter Global Stats, Top 5 Desktop, Tablet
& Console Search Engines from July 2014 to July 2015 in France.
http://gs.statcounter.com/#search
engine-FR-monthly-201407-201507 (consulté le 3 août)
Quels sont les services de Google utilisés par
ses utilisateurs ?
14,30%
56,50%
68,80%
1,30% 1,30%
78%
95,50%
Le moteur de recherche
Gmail
Google Drive
Google +
Youtube
Google Calendar
Blogpost
41
J'ai ensuite demandé aux utilisateurs des services de
Google Inc. quelles étaient les raisons pour lesquelles ils les
utilisaient. En effet, quand le prix n'est pas mentionné et qu'il est de
zéro, les individus appliquent les normes sociales pour
déterminer leur choix et leur effort. Quand un produit ou un service
comme ceux de Google Inc. est gratuit, le prix n'est plus un critère de
choix pour l'utilisateur ; il se base alors sur les recommandations de ses
pairs, sa réputation, son efficacité et son éthique, ainsi
que sur l'utilité qu'un tel service peut lui apporter, selon ses besoins
et le degré de satisfaction qu'il souhaite accomplir.
Pour une grande majorité des sondés, les raisons
d'utilisation du moteur de recherche de Google sont liées à sa
facilité d'utilisation. Pour la moitié d'entre eux, le moteur de
recherche de Google est le plus pertinent par rapport à ses concurrents
: ainsi, la notion d'efficacité est un critère de choix
prédominant pour les utilisateurs, qui se base également sur la
recommandation de leurs pairs.
32% des sondés évoquent le fait qu'il soit
standardisé, et que tout le monde l'utilise. Ainsi, pour un tiers des
utilisateurs, la recommandation par les pairs et la réputation sont des
critères de choix. De plus, 30,5% des utilisateurs évoquent le
fait que le moteur de recherche soit installé par défaut sur le
navigateur. En effet, Google a été le moteur de recherche par
défaut sur le navigateur Firefox jusqu'en Novembre 201471, et
sur Google Chrome, le logiciel de navigation édité par Google
Inc. le moteur de recherche y est installé par défaut.
71 « New search Strategy : Promoting Choice and
Innovation », The Mozilla Blog, 19 novembre 2014. Disponible :
https://blog.mozilla.org/blog/2014/11/19/promoting-choice-and-innovation-on-the-web/
(consulté le 13 août 2015)
42
3.2% des sondés ont répondu « Autres »
et ont détaillé leur réponses.
Trois sondés citent le design et l'esthétisme du
moteur de recherche. L'objet du moteur de recherche apporte un plaisir
d'utilisation aux utilisateurs. La page d'accueil, simplissime et ergonomique
du moteur de recherche est un critère de choix : elle ne présente
qu'une barre de recherche, surmonté du logo de l'entreprise. Une seule
action est possible, et l'utilisateur peut se passer de l'usage de la souris ou
du pad, en tapant sur entrée. Le design apporte donc une facilité
d'utilisation et la sobriété un plaisir d'utilisation.
Deux sondés citent l'interopérabilité
entre les différents services et les différents appareils. En
effet, Google Inc. a conçu ses services pour qu'ils puissent tous
fonctionner entre eux, et être disponibles sur toutes les plateformes et
appareils utilisés. Le protocole SaaS qui permet d'avoir toutes ses
applications (mail, traitement de textes, stockage de photos) au même
endroit, en ligne, qui permet alors de se passer de la possession d'un
terminal, est un critère d'utilisation et de satisfaction important pour
les utilisateurs.
Deux sondés citent également l'efficacité
et la rapidité du moteur de recherche. Les utilisateurs recherchent un
outil capable de répondre de manière rapide et efficace à
leurs besoins. La performance est un critère de choix important, qui est
également lié à la pertinence des résultats d'une
requête. Les utilisateurs veulent que leurs besoins en information soient
satisfaits rapidement et de manière pertinente, afin que les coûts
de recherche (soit le temps passé à effectuer une recherche)
soient les moins élevés possible.
Un sondé cite également la personnalisation des
requêtes comme critère de choix. Cet élément fait
écho à l'hyper-personnalisation que propose Google en
matière de recherche, grâce à l'utilisation des
données personnelles de ses utilisateurs. Ainsi, ce sondé
souhaite avoir accès à de l'information sur mesure, qui satisfait
entièrement ses besoins selon ses préférences et ses
intérêts.
Enfin, à noter qu'un sondé explique ne pas
connaître d'alternatives au moteur de recherche de Google. Le monopole de
Google Inc. est tel que les internautes ne connaissent pas ses concurrents et
ne sont pas capables de choisir entre plusieurs services. Cette situation de
monopole sera examinée plus tard dans mon argumentaire.
Raisons des utilisations du moteur de recherche de
Google
3,20%
0
30,50%
72,10%
58,40%
32,00%
Il est facile d'utilisation
Tout le monde l'utilise, c'est standardisé
Les résultats des autres moteurs de recherche ne sont pas
aussi
pertinents
Il est installé par défaut sur le
navigateur L'habitude
43
Ainsi, une grande majorité des sondés utilise
les services de Google Inc. et plus particulièrement le moteur de
recherche de Google. Il est intéressant de noter que les critères
d'utilisation sont d'abord liés à son utilisation qui est facile
et ne nécessite pas de manuel d'emploi. De plus, la recommandation par
les pairs est également un critère de choix : Google devient un
point de repère pour toute une population donnée, et son
utilisation ne fait pas débat au sein d'une communauté.
L'utilisation de Google est standardisée et même
institutionnalisée au sein d'une population, qui en fait un objet de
référence commune. Enfin, la situation de monopole de Google
comme moteur de recherche par défaut est également un
critère d'utilisation dominant : les utilisateurs utilisent Google sans
avoir auparavant étudié les différentes alternatives sur
le marché. Les coûts de transaction liés à la
recherche (de prospection, de comparaison, d'études de marché)
sont totalement supprimés pour l'utilisateur. On peut donc remarquer que
les critères d'utilisation de Google abaissent les coûts
liés au temps pour l'utilisateur : le temps de recherche d'un autre
moteur de recherche, le temps de compréhension de la plateforme, le
temps de recherche de résultats pertinents, etc. La réduction de
ces coûts rend Google satisfaisant pour les utilisateurs.
Après ce premier tour d'horizon concernant les
habitudes d'utilisation des services de Google Inc. par les sondés, il
convient désormais de comprendre quelles sont les relations qui se
jouent entre les utilisateurs de Google Inc. et l'entreprise, notamment en ce
qui concerne l'utilisation de leurs données personnelles.
44
2. Les utilisateurs face à l'utilisation de
leurs données personnelles
Après avoir montré dans une première
partie que les services de Google Inc. n'étaient pas gratuits pour
l'utilisateur, car un échange de données personnelles
s'effectuait entre l'utilisateur et l'entreprise, il m'est apparu
évident de savoir si les utilisateurs étaient conscients de cet
échange économique qui se jouait avec Google Inc. et de
comprendre quelle était leur position par rapport à la
gratuité des services et à l'utilisation de leurs données
personnelles comme monnaie d'échange.
- La position des utilisateurs par rapport à leurs
données personnelles
La vie personnelle est aujourd'hui quelque chose d'individuel,
dont la définition collective est difficile à trouver. La vie
privée peut être définie comme « le droit à
être laisser tranquille et à être seul »72,
soit le droit de ne pas dévoiler des informations sur soi et de ne pas
être importuné par autrui, que ce soit des individus ou des
organisations privées. Ainsi, ce droit est de plus en plus
revendiqué par les citoyens du monde, notamment en ce qui concerne
l'environnement numérique.
Selon l'enquête réalisée par PewResearch
Center en mai 201573, 90% des internautes américains veulent
garder le contrôle sur leurs données privées, 40% d'entre
eux n'approuvent pas le business model de Google Inc. et 66% ne font pas
confiance aux moteurs de recherche. J'ai cherché à
vérifier ces chiffres grâce à mon questionnaire.
Je suis partie du postulat que tous les sondés sont
donc conscients de l'utilisation de leurs données personnelles par
Google Inc., et si ce n'était pas le cas, j'ai laissé entendre
dans mes questions que l'entreprise collectait, traitait et exploitait les
données personnelles de ses utilisateurs. Suite aux réponses, il
en ressort que la majorité des sondés sont dérangés
par cette pratique.
72 WARREN & BRANDEIS, « The Right to
Privacy », Harvard Law Review, Vol. IV, No 5, le 5 décembre 1890.
Disponible :
http://groups.csail.mit.edu/mac/classes/6.805/articles/privacy/Privacy
brand warr2.html (Consulté le 13 août 2015)
73 « American's Atittudes about Privacy, Security and
Surveillance », PewResearchCenter, 20 mai 2015. Disponible :
http://www.pewinternet.org/2015/05/20/americans-attitudes-about-privacy-security-and-surveillance/
(consulté le 6 juin 2015)
45
66% des sondés, non utilisateurs des services de Google
Inc. ont un avis négatif sur la collecte des données personnelles
par une organisation privée comme Google Inc. En ce qui concerne les
sondés utilisateurs de Google Inc., 67,5% se sentent concernés et
dérangés par l'utilisation de leurs données personnelles
par une organisation privée comme Google Inc. Seuls 35.5% des
sondés ne sont pas dérangés par la collecte, le traitement
et l'exploitation de leurs données personnelles, dont 37.5% des
professionnels de la communication et du marketing, et 25% des étudiants
dans ce domaine. Ainsi, les individus évoluant dans ce domaine
professionnel sont plus à même d'être informés de
cette pratique, et de connaître au niveau technique et commercial son
fonctionnement, notamment parce que ce sont des pratiques qu'ils mettent en
oeuvre au niveau professionnel. À noter également que 57.2% des
sondés sans activité ne sont pas dérangés par
l'utilisation de leurs données personnelles, et que seulement 12.5% des
retraités le sont.
Ainsi, ces pratiques sont perçues de manière
négative par les sondés, qui veulent garder le contrôle sur
leurs données personnelles, et n'approuvent pas qu'elles soient
traitées par des tiers.
Cependant, il est intéressant de noter que seuls 10.4%
des sondés ont lu les conditions d'utilisation des services de Google
Inc. Seuls ces sondés ont une connaissance exacte des conditions
d'utilisation de leurs données personnelles effectuée par Google
Inc. En effet, les conditions d'utilisation de services sur Internet sont
très rarement lues par internautes, étant donné la
longueur des textes et leur caractère juridique, qui peuvent être
compliqués à comprendre pour la plupart des utilisateurs de
services.
À noter que parmi les sondés qui ont lu les
conditions d'utilisation des services de Google Inc., 14% sont des
étudiants, 13.8% sont des salariés, 28.6% sont sans
activité. Il semble que la lecture des conditions d'utilisation ayant un
coût en temps important, seuls les sondés qui ont des horaires de
travail allégées ou qui n'ont pas d'activité peuvent avoir
le temps de chercher et de lire ce texte.
De plus, le faible taux d'utilisateurs ayant lu les conditions
d'utilisation de Google Inc. s'explique notamment par le fait que leur lecture
n'est à aucun moment proposé à l'utilisateur, les
conditions d'utilisation précisant que « l'utilisation des services
de Google Inc. implique
46
votre acception des présentes conditions d'utilisations
»74. L'utilisateur ne doit à aucun moment cocher une
case pour accepter les conditions d'utilisations, et s'il ne les cherche pas,
elles ne lui sont jamais affichées. Cependant, même si 10% des
sondés ont lu les conditions d'utilisation des services de Google Inc.,
la problématique des données personnelles et de l'exploitation
qui est faite par les entreprises se heurte au consentement préalable et
limite la possibilité de réutiliser les données. « Il
est difficile de demander un consentement pour des traitements dont on a pas
encore l'idée », explique Simon Chinard.75 Ici, le
consentement des utilisateurs est implicite, ce qui permet à Google Inc.
de se réserver le droit de traiter les données personnelles de
ses utilisateurs de toutes les manières possibles, sans que
l'utilisateur ait son mot à redire. Une des limites essentielles
à laquelle se heurte les individus qui cherchent à
préserver leur vie privée et l'utilisation de leurs
données personnelles est l'incomplétude
d'information76 : du fait de l'asymétrie informationnelle
entre l'individu et une entreprise comme Google Inc., l'utilisateur a une
certaine difficulté à calculer les probabilités
d'occurrence d'événements futurs engendrées par son
comportement présent. En effet, Google Inc. est seul maître
à bord, et est le seul à détenir les informations de
collecte et de traitements des données. L'utilisateur, étant en
déficit d'informations par rapport à Google Inc., ne peut pas
savoir l'usage de ses données personnelles qui va être fait dans
le futur, et si cela pourrait être un préjudice pour
lui-même ou non.
On peut donc considérer un certain paradoxe de la vie
privée : les internautes sont dérangés par la collecte et
le traitement de leurs données personnelles, qui relèvent de la
vie privée, mais dans le même temps, ils ne prennent pas le temps
de lire les conditions d'utilisation des services numériques qu'ils
utilisent. En terme de psychologie, les individus préfèrent un
plaisir immédiat, une satisfaction à un besoin immédiat
à un dommage futur qu'il est difficile d'envisager.
74 Annexe 3, p. 115
75 Simon Chignard, dans « Les données
personnelles, une denrée sous-utilisées par les
collectivités », la Gazette des Communes, publié le 2
juillet 2015, par Claire Chevrier. Disponible :
http://www.lagazettedescommunes.com/374186/la-capacite-a-croiser-une-donnee-a-une-autre-fait-sa-valeur/#
(consulté le 3 juillet 2015)
76 ROCHELANDET Fabrice, Economie des
données personnelles de la vie privée, Ed. La
Découverte, coll. Repères, Paris, p. 82
47
Selon Alessandro Acquisiti77, les individus ont des
préférences stables en ce qui concerne leurs données
personnelles, et ils font des compromis mentaux entre le prix à donner
à leurs informations et les bénéfices de leurs partages de
données.
« En choisissant l'équilibre entre le partage et
la dissimulation des données personnelles (et entre le choix d'exploiter
ou de protéger les données personnelles des individus), les
individus et les organisations font face à des compromis complexes,
parfois intangibles et souvent ambigus. Les individus veulent la
sécurité de leurs données, et éviter la masse de
leurs informations qu'ils échangent avec d'autres entités.
Cependant, ils bénéficient également du partage de ces
informations avec leurs pairs et des tierces parties, qui rendent de possibles
interactions mutuelles satisfaisantes.»
Ainsi, Google Inc. génère des
externalités négatives et positives pour ses utilisateurs car
« son activité procure à un autre agent, sans contrepartie
monétaire, une utilité, un avantage ou un dommage
»78. En effet, son utilisation permet à la fois aux
utilisateurs de satisfaire des besoins en information, et en même temps,
son utilisation est dommageable pour les utilisateurs qui ne veulent pas que
leurs données personnelles soient collectées et exploitées
par l'entreprise.
Ainsi, selon Antonio Casilli, « la privacy
[NDLA : le droit à la vie privée] est une
négociation incessante, dans un cadre de complexité sociale et
technologique. »79 La conceptualisation de la vie privée
et des données personnelles est façonnée à la fois
par les attitudes des utilisateurs, par les efforts des entreprises
privées et morales et par les normes imposées par les Etats. La
négociation de la vie privée est « collective, conflictuelle
et itérative, visant à adapter les règles et les termes
d'un service aux besoins de ses utilisateurs ».80 Ainsi, les
sentiments des utilisateurs par rapport à l'utilisation de leurs
données personnelles sont à mettre en relation avec leur besoin
d'utilisation d'un service. J'ai donc choisi de demander
77 ACQUISITI Alessandro, Privacy &
Behavioral Economics : The Paradox of Control & Other Studies, Heinz
College/CyLab, Carnergie Mellon University, Paduano Symposium, 15 Octobre 2010.
Disponible :
http://www.heinz.cmu.edu/~acquisti/papers/acquisti
privacy behavioral economics.pdf (Consulté le 16 mars 2015)
78 CHIGNARD Sinon & BENYAYER Louis-David,
Datanomics, Les nouveaux business models des données, Editions
FYP, 2015, Collection « Entreprendre - Développement professionnel
», p. 47
79 CASILLI A. Antonio, « Contre
l'hypothèse de la « fin de la vie privée », La
négociation de la privacy dans les médias sociaux »,
Revue française des sciences de l'information et de la
communication, 2013
80 idem
48
aux sondés utilisateurs des services de Google Inc.
pourquoi ils utilisaient les services de Google Inc. alors que la collecte et
l'utilisation de leurs données par l'entreprise les dérangeaient.
Cette question me permet alors de comprendre la relation entre les utilisateurs
et l'entreprise Google Inc.
- L'opinion des utilisateurs par rapport à
l'utilisation de leurs données personnelles par Google Inc.
Le rapport de force entre les individus et les entreprises est
si important que l'échange équitable n'existe pas. On peut
remarquer que les services que Google Inc. sont si invasifs que les
utilisateurs n'ont pas le choix de refuser ou de négocier les
règles d'échange, comme vu précédemment notamment
en ce qui concernent les conditions d'utilisation.
En effet, trois sondés expliquent utiliser les services
de Google Inc. malgré le fait qu'ils désapprouvent la collecte et
l'utilisation de leurs données personnelles par l'entreprise, parce
qu'ils n'ont « pas vraiment le choix ». Ils « se
sentent pris au piège » par leurs habitudes d'utilisation.
Deux sondés citent également une obligation d'utilisation,
notamment pour des raisons professionnelles. « Quand tout le monde
utilise Google Calendar, je n'ai pas le choix ». Enfin, deux
sondés ont répondu : « Je ne sais pas, je ne me suis
jamais posé la question ».
A noter que 9% des sondés expriment le fait que les
services de Google Inc. sont comme tous les autres services du même type
et ne peuvent pas protéger leurs données personnelles. Ainsi,
certains individus ne font pas confiance aux entreprises qui créent et
proposent des services gratuits, et semblent résignés à
l'utilisation qui est faite de leurs données personnelles.
Ainsi, la position de leader de Google Inc. sur le
marché du moteur de recherche dans le monde est un critère
d'utilisation important pour les utilisateurs, qui ne peuvent se passer du
leader et du moteur de recherche référent. De plus, les
stratégies d'enfermement, qui peuvent être reliées à
l'idée du panoptique de Michel Foucault évoquée dans la
première partie, sont également des notions à prendre en
compte concernant les sentiments des utilisateurs par rapport à Google
Inc. L'utilisateur choisit d'utiliser les services de Google Inc. mais ne peut
pas arrêter de les utiliser. En effet, trois sondés utilisent
Google et pas d'autres services « par
49
flemme ». « De toute façon, il a
déjà mes données personnelles en stock ». De
plus, 5.4% des sondés expliquent qu'ils utilisent Google par habitude et
facilité. En effet, le coût procédural de changement
(switching cost), qui concerne le temps, les efforts demandés
et l'incertitude liés au repérage d'un nouveau service, son
adoption et son utilisation sont trop importants et on peut parler d'effets de
réseaux négatifs. Les données personnelles sont une
barrière à la mobilité, et permet à Google Inc. de
garder sa position de monopole, car les coûts de migration sont trop
importants. Le sentiment d'impuissance des internautes face à une
surveillance constante qu'ils ne peuvent pas contrôler explique cette
passivité : les utilisateurs sont résignés.
- Quelles stratégies de repli ?
Il est intéressant de noter que des stratégies
de repli sont mises en oeuvre par une minorité utilisateurs qui
désapprouvent l'exploitation de leurs données personnelles par
Google Inc. Des comportements de retraits et d'évitement se mettent
ainsi en place parmi les utilisateurs. Ainsi, un sondé explique utiliser
les services de Google « le moins souvent possible », tandis
qu'un autre affirme avoir « réglé les paramètres
de confidentialité le plus haut possible, pour que Google ne puisse pas
[le] tracer ». Pour reprendre possession de ses traces, et de ses
données personnelles, cet individu a mis en place une «
sousveillance », où il enregistre les indices de sa présence
pour préserver l'intégrité de son identité, et ne
pas subir une asymétrie informationnelle face à Google
Inc.81
Ainsi, on observe que seule une minorité d'utilisateurs
est consciente et dérangée de la collecte de leurs données
personnelles et a donc mis en place des stratégies de repli.
En ce qui concerne les sondés non utilisateurs des
services de Google Inc., 50% estiment ne pas avoir besoin des services de
l'entreprise, et 50% ne veulent pas qu'elle puisse avoir accès à
leurs données personnelles. La moitié des sondés a donc
fait le choix de ne pas utiliser Google Inc. à cause de son mode de
fonctionnement. L'utilisation des données personnelles est donc un
critère de choix d'utilisation de services gratuits, pour une
minorité d'internautes.
81 MERZEAU Louise, « Du signe à la trace,
l'information sur mesure », Hermès, N° 53,
Traçabilité et réseaux, CNRS éditions, 2009.
Disponible :
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00483292
(Consulté le 12 janvier 2015)
50
Ainsi, le repli s'explique par une non utilisation totale des
services que propose l'entreprise, ce qui, d'une certaine manière exclue
ces internautes, qui ne partagent pas un point de repère avec le reste
de la société. Par leur non utilisation de Google Inc., ils
s'excluent d'un système où le modèle de
référence en termes de moteur de recherche est Google. Ils
adoptent alors une position en marge de la société.
3. La place des utilisateurs dans le modèle
économique de Google Inc.
Google Inc. propose des services gratuits aux utilisateurs,
dans la mesure où ils ne doivent pas débourser une somme d'argent
pour utiliser ses services. En revanche, comme évoqué dans la
première partie, la gratuité de Google Inc. n'est pas ce qu'elle
donne à voir : on peut parler d'une logique de troc et de don en ce qui
concerne les échanges qui s'opèrent entre l'utilisateur et Google
Inc. L'utilisateur donne ses données personnelles à Google Inc.
qui lui fournit en échange différents services. De plus,
l'utilisateur devient alors le produit de la richesse de Google Inc., en
étant échangé contre une somme d'argent par les
annonceurs. Il m'a semblé important de vérifier si les
utilisateurs étaient conscients de cette relation d'échange qui
s'opérait entre les trois agents économiques du modèle
d'affaires de Google Inc., et s'ils étaient conscients du rôle
qu'ils tenaient en tant que produit de la richesse de l'entreprise.
En début de questionnaire, j'ai donc choisi de demander
aux sondés s'ils pensaient que les services de Google Inc.
étaient gratuits afin de comprendre comment ils appréhendaient
cette notion, et comment ils envisageaient leurs relations avec Google Inc. :
74.4% des sondés pensent que les services de Google sont gratuits pour
les utilisateurs.
« Les individus semblent majoritairement ignorer les
coûts d'opportunités associés à l'accès
à du contenu gratuit en ligne. Ces coûts comportent le coût
d'attention (le fait d'être exposé de manière non
volontaire à de la publicité) comme les coûts de recherche
(le temps passé à trouver un chanson ou un article gratuit,
plutôt que de le payer). » 82
82 SHAMPAN'ER K. & ARIELY D., « How Small is
Zero Price ? The True Value of Free Products », MIT, Octobre 2006.
Disponible :
https://www.bostonfed.org/economic/wp/wp2006/wp0616.pdf
(Consulté le 12 janvier 2015)
51
Les coûts d'opportunité désignent la perte
des biens (ici les données personnelles) auxquels un utilisateur renonce
en choisissant d'utiliser un service (les services gratuits de Google Inc.)
Ainsi, selon Kristina Shampan'er et Dan Ariely, les utilisateurs ignorent le
fait qu'ils renoncent à leurs données personnelles en utilisant
les services de Google Inc. et ne sont pas conscients d'être ainsi
exposés à de la publicité non volontaire. J'ai choisi de
discuter cette citation et de comprendre quel est le sentiment des utilisateurs
face à la gratuité des services de Google Inc.
- L'opinion des utilisateurs face à la
gratuité de Google Inc.
Il est intéressant de noter que la notion de
gratuité évolue durant le questionnaire : si la majorité
des utilisateurs considère que les services de Google Inc. sont
gratuits, car ils ne payent pas son utilisation avec de l'argent, plus de la
moitié d'entre eux considèrent que la gratuité de ses
services est liée à l'utilisation des données personnelles
réalisée par l'entreprise. (Questions
11a. et 8b.)83 Ainsi, les
utilisateurs sont conscients de l'utilisation de leurs données
personnelles, et y voit une relation de cause à effet avec la
gratuité des services. Pourtant, ils ne semblent pas conscients de
l'utilisation de leurs données personnelles en tant que monnaie
d'échange, et donc, du fait d'être des produits de Google Inc.
En effet, 66% des sondés non utilisateurs des services
de Google Inc. sont d'accord avec l'affirmation suivante « Google Inc.
propose des services gratuits car vous lui fournissez vos données
personnelles » et pensent donc que la gratuité du service est
induite par l'exploitation des données personnelles. À noter que
ce taux est plus élevé que celui des sondés utilisant les
services de Google Inc. ; 47.4% des sondés utilisateurs des services de
Google Inc. considèrent que ses services sont gratuits car ils lui
fournissent des données personnelles, dont 75% des professionnels de la
communication et du marketing, ainsi que 50% des étudiants en
communication et marketing. Seuls 25.9% des étudiants sont d'accord avec
cette affirmation. On peut remarquer 48.1% des sondés qui sont
dérangés par la collecte et l'utilisation de leurs données
personnelles par une organisation privée sont d'accord avec cette
affirmation.
De plus, 57% des sondés utilisateurs de Google Inc.
pensent que l'utilisation de leurs données personnelles par Google Inc.
est le prix à payer pour un service gratuit. La moitié des
83 Annexe 1, p.102. et p.105
52
individus sondés sont donc conscients de
l'échange qui a lieu entre Google Inc. et eux-mêmes, à
savoir des données personnelles contre un service gratuit. Ainsi,
l'utilisation des données personnelles par Google Inc. en échange
de services gratuits est comprise par la majorité des utilisateurs.
Cependant, il convient de distinguer « utilisation des données
personnelles contre un service gratuit », contre « donnée
personnelle en tant que monnaie d'échange ». En effet, la
donnée personnelle devient un bien d'échange qui a de la valeur,
au même titre de l'argent. Afin de comprendre si les utilisateurs
étaient conscients de cet aspect de leurs données personnelles,
j'ai choisi de vérifier la valeur qu'ils accordaient eux-mêmes
à leurs données.
- Payer ou se faire payer pour l'utilisation de ses
données personnelles ? That is the question.
Si la donnée personnelle est une monnaie
d'échange entre l'utilisateur et l'entreprise, elle possède alors
une valeur monétaire : cet échange de données contre
services pourrait être mesuré en argent. En effet, selon une
étude du Boston Consulting Group en 201184, les
données personnelles des consommateurs européens valaient 315
milliards d'euros.
Ainsi, j'ai choisi de demander aux sondés quelle valeur
ils accordaient à leurs données personnelles avec deux questions.
« Seriez-vous prêt à payer une somme d'argent pour
accéder à des services équivalents à ceux que
propose Google Inc. pour que vos données personnelles ne soient pas
utilisées à des fins commerciales ? » pour les utilisateurs
des services de Google Inc., et « Seriez-vous prêt à accepter
une somme d'argent de la part de Google Inc. pour que l'entreprise puisse
collecter, exploiter et stocker vos données personnelles ? » pour
les sondés non utilisateurs des services de Google Inc.
Ces deux questions se distinguent, car ne font pas état
d'un même paradigme. D'un côté, les sondés doivent
évaluer à combien s'élève la protection de leurs
données, tandis que de l'autre, à combien s'élève
l'utilisation de leurs données. Cependant, ces questions
soulèvent une seule et même problématique, celle de la
valeur des données : si un utilisateur estime la protection de ses
données personnelles à une somme d'argent, on peut
considérer que ses données valent
84 « Vos données personnelles valent 315 milliards
d'euros »,
01net.com, le 12 novembre 2012.
Disponible :
http://www.01net.com/actualites/vos-donnees-personnelles-valent-315-milliards-d-euros-579867.html
(consulté le 19 août 2015)
53
cette somme. En cas de non protection de ses données,
le dommage causé est estimé à cette même somme par
l'utilisateur. De même, pour un utilisateur qui estime l'utilisation de
ses données à une somme d'argent : il estime ainsi
l'utilité qu'une entreprise peut avoir de ses données
personnelles, et donc la valeur de ses données personnelles.
Ces deux questions diffèrent également selon le
récepteur de la somme estimée. D'un côté, c'est
l'utilisateur qui paye une entreprise pour que ses données soient
protégées. L'utilisateur paye un service à une entreprise,
et la somme d'argent payée correspond à l'utilité d'un tel
service. De l'autre côté, c'est l'entreprise qui paye
l'utilisateur, d'une somme d'argent qu'elle juge correspondre à
l'utilité de ces données pour son bon fonctionnement.
La valeur monétaire accordée aux données
personnelles relève, pour ces questions, de l'utilité qui leur
est accordée.
Concernant les utilisateurs de Google Inc. interrogés,
seuls 20.2% des sondés seraient prêts à payer une somme
d'argent pour accéder à des services similaires à ceux de
Google Inc. qui protègent leurs données. 8.6% des
étudiants seraient prêts à payer, contre seulement 12.5%
des professionnels de la communication et du marketing. À noter que
28.6% des sondés sans activité seraient prêts à
payer, malgré leur faible pouvoir d'achat. Il semble que le pouvoir
d'achat n'est pas une des premières motivations pour payer un service
sur Internet, et que ce sont les sondés qui sont le plus farouchement
opposés à l'utilisation de leurs données qui sont le plus
à même de payer.
À noter que 30% des répondants à cette
question seraient prêts à payer entre 5 et 10 euros par mois, soit
« un prix équivalent à un abonnement de
téléphonie mobile ». 10% seraient prêts à payer
une somme entre 10 et 20 euros par mois. Seuls 2 répondants sont
prêts à payer 20 euros par mois. Deux sondés ont soumis des
conditions. S'ils seraient prêts à payer, cette somme doit «
dépendre du niveau de confidentialité qui est proposé
». Ainsi, le niveau de protection des données personnelles
peut être malléable, et le prix dépend ce niveau, induisant
que si les données personnelles sont bien protégées (pas
de collecte, traitement, exploitation), la somme est plus
élevée.
J'ai posé la question de la valeur des données
personnelles aux sondés qui n'utilisaient pas les services de Google
Inc. Sur 6 répondants, un seul sondé serait prêt à
recevoir une somme
54
d'argent de la part de Google Inc. pour que ses données
personnelles soient utilisées : il a estimé la valeur de ses
données personnelles à 10 euros par mois.
Hui85 explique que les individus sont prêts
à céder leurs données personnelles contre de petites
compensations financières. Or, selon mon sondage, cela ne concerne
qu'une minorité d'individus (1 sur 6) qui serait prête à
recevoir une somme d'argent de la part d'une entreprise. Il est
intéressant de noter que ni la catégorie socioprofessionnelle, ni
l'âge ne sont des critères pouvant influer sur cette
décision : le sondé prêt à recevoir de l'argent
ayant le même profil que d'autres ayant indiqué refuser.
Cependant, cette idée d'une somme reversée par
l'entreprise à l'utilisateur pour l'exploitation de ses données
personnelles est particulièrement intéressante. Selon Jaron
Lannier86, si Google Inc. collecte des informations sur les
individus et que cela lui permet d'en tirer des bénéfices et
d'augmenter sa richesse, l'entreprise devrait payer une somme à
l'utilisateur pour cet usage de données. En tant que producteur de
richesse, il aurait droit comme tout salarié d'une entreprise
d'être rémunéré pour son travail. Ainsi,
l'utilisateur serait alors considéré comme un producteur.
- Le consommateur producteur
En effet, l'utilisateur des services de Google Inc. peut
également être considéré comme le producteur de ses
services. Le terme réfère à « une personne qui
engendre des biens, par opposition à celui qui s'en sert, qui consomme.
»87
Le web repose sur un modèle participatif de
création de contenus et d'informations : à l'usage, un simple
consommateur se mue en véritable générateur de contenus,
notamment les contenus qui sont classés et indexés par Google.
Ainsi, avec son moteur de recherche et ses autres services, Google Inc.
bénéficie de la créativité et de l'énergie
de nombreux acteurs et
85 Cité par ROCHELANDET Fabrice, Economie
des données personnelles de la vie privée, Ed. La
Découverte, coll. Repères, Paris, 2010, p.78
86 LANIER Jaron, Who owns the future ?, Penguin Books,
2014
87 Trésor de la Langue Française
Informatisé
55
« capte une partie de la valeur crée par son
intermédiaire. »88 En effet, selon l'OCDE89,
les revenus publicitaires feraient partie du champ du web collaboratif,
participatif. L'utilisateur de Google se sert du moteur de recherche pour avoir
accès à des contenus créés par d'autres
utilisateurs de Google et non par l'entreprise. C'est l'utilisation de Google
qui crée de la valeur monétaire, et Google Inc. profite avant
tout de la production de ses utilisateurs pour créer cette valeur,
grâce à la publicité en ligne. En effet, la masse de
contenus regroupés permet de maximiser le nombre d'internautes et
d'acquérir une position sans équivalent dans la publicité
sur le web, et l'utilisateur collabore à alimenter les bases de
données commerciales utiles à la fabrication d'une offre qui le
ciblera. Les individus sont donc à la fois producteurs et
récepteurs de leurs propres informations.
L'utilisation des données personnelles des utilisateurs
de Google Inc. fait également partie de la stratégie de
l'entreprise pour rester le point d'accès d'une partie de
l'économie numérique. Google Inc. se sert de ces données
notamment pour imaginer de nouveaux services qui vont améliorer
l'expérience utilisateur, ce qui bénéfice également
aux utilisateurs. Les utilisateurs acceptent « la logique de
répartition de la valeur créée par leurs données
personnelles. »90 En effet, 62.3% des sondés pensent que
l'entreprise Google Inc. s'enrichit grâce à l'exploitation des
données personnelles des utilisateurs. A noter que 51.3% d'entre eux
sont d'accord avec l'affirmation suivante : « Google Inc. propose des
services gratuits car vous lui fournissez des informations personnelles ».
Ainsi, l'augmentation du chiffre d'affaires est partiellement
décolérée de la gratuité du service, qui permet
d'atteindre une base utilisateur suffisamment grande pour pouvoir
monétiser ses services et en tirer des bénéfices. De plus,
dans la mesure où Google Inc. enregistre toutes les navigations des
internautes, leurs choix, leurs hésitations et leurs conversations, on
peut considérer que le consommateur collabore à alimenter les
bases de données commerciales utiles à la fabrication d'une offre
qui le ciblera plus tard. L'utilisateur des services de Google Inc.
réalise un travail d'amateur qui trouve sa place dans
88 CHIGNARD Sinon & BENYAYER Louis-David,
Datanomics, Les nouveaux business models des données, Editions
FYP, Collection « Entreprendre - Développement professionnel
», 2015, p. 86
89 BOUQUILLON Philippe & MATTHEWS Jacob T., Le
web collaboratif, mutations des industries de la culture et de la
communication, Ed. Presse Universitaire de Grenoble, coll. « La
communication en + », 2010.
90 CHIGNARD Sinon & BENYAYER Louis-David,
Datanomics, Les nouveaux business models des données, Editions
FYP, Collection « Entreprendre - Développement professionnel
», 2015. p.39
56
le système économique sous une forme marchande
euphémisée ; il est simultanément consommateur et
producteur91.
De plus, dans sa collecte de données, Google Inc.
récupère également des données qui ne servent pas
à identifier les utilisateurs de ses services, mais à les
améliorer. En effet, l'auto-correction ou l'auto-implémentation
proposées par le moteur de recherche lorsqu'un utilisateur effectue une
requête seraient impossible sans l'exploitation des requêtes
effectuées par les utilisateurs. En effet, pour Google Inc., ce sont les
utilisateurs qui alimentent l'algorithme qui calcule le résultat de la
requête. L'algorithme de Google PageRank fonctionnant sur le principe de
la popularité et de la pertinence, les sites qui apparaissent comme
résultats de requête sont ceux qui ont été «
choisis » par les consommateurs en le fréquentant et en renvoyant
sur ces derniers par des hyperliens. Ainsi, les résultats de
requêtes sont une production de l'algorithme de Google aussi bien que de
l'usage d'Internet que font les utilisateurs. On peut alors parler de
coproduction. Ainsi, 78% des sondés pensent que l'exploitation de leurs
données personnelles par Google Inc. permet à l'entreprise
d'améliorer ses services.
Enfin, il est intéressant de noter que 62.5% des
sondés sont d'accord avec l'affirmation suivante « Le service est
gratuit, je suis le produit », soit le même taux de personnes qui
pensent que Google Inc. tire sa richesse des données personnelles des
internautes. Ce résultat cohérent permet de montrer que la
majorité des utilisateurs sont conscients de la relation
économique qui se joue entre leurs données personnelles et le
modèle économique de Google Inc., et comprennent leur rôle
économique dans ce modèle.
On peut donc considérer l'utilisateur des services de
Google Inc. à la fois comme le produit de l'entreprise, car ses
données personnelles sont monétisées et acquièrent
de la valeur à l'échange avec les annonceurs, et à la fois
comme producteur de la richesse de l'entreprise, puisqu'il permet
d'améliorer ses services, et de produire les contenus nécessaires
à sa rentabilité. Dans ce dernier cas, on peut envisager «
la réversibilité des rôles de producteur et
91 DUJARIER Marie-Anne, Le travail du consommateur
: de McDo à Ebay, comment nous coproduisons ce que nous achetons,
Ed. La Découverte, Collection Poche/Essais, 2014.
57
de consommateur »92, Google Inc. devenant le
consommateur des données personnelles des producteurs de données,
soit les consommateurs de ses différents services.
Cependant, il est intéressant de noter que le travail
de production effectué par l'utilisateur de Google Inc. n'est pas
volontaire. « Travailler, c'est y mettre du sien » : si l'utilisateur
s'implique totalement, en fournissant des informations personnelles que
lui-même, ce qui trouble la délimitation des frontières
érigées entre vie privée et vie publique93, la
sphère publique devenant de plus en plus publique et marchande, il n'a
pas conscience d'effectuer un travail et de participer au bon fonctionnement de
l'entreprise. Si les sondés sont conscients d'améliorer les
services de Google Inc. et de participer aux bénéfices de
l'entreprise, il faut se demander si, sans le questionnaire auquel je les ai
soumis, ils auraient eu conscience de cette réalité.
Ainsi, l'on peut conclure que l'utilisateur est conscient de
l'usage de ses données personnelles au sein du système
économique de Google Inc. Une écrasante majorité de
sondés utilise les services de Google Inc. et sait que ses
données personnelles sont exploitées pour améliorer les
services de Google Inc. et participer à l'augmentation de
bénéfices de l'entreprise. Ainsi, les utilisateurs sont
conscients de leur rôle prédominant et nécessaire au
fonctionnement des services qu'ils utilisent : ils comprennent, grâce aux
questions posées, être à la fois le produit et le
producteur de la richesse de Google Inc. Cependant, il est intéressant
de noter que si ses utilisateurs sont conscients et sont dérangés
par cette utilisation qui est faite de leurs données et de leur
identité, très peu envisagent des stratégies de repli. Peu
de sondés sont prêts à mettre en place une relation
marchande standard, basée sur un échange de services contre
argent pour éviter que leurs données personnelles soient
utilisées, et très peu sont prêts à changer de
service. Les coûts de migration, et les coûts associés
à la sécurité de leurs données sont alors trop
élevés pour que les utilisateurs puissent faire ce choix. Ainsi,
l'on peut dire que le système économique de Google Inc. est
gagnant, puisque sa gratuité permet d'attirer et de retenir ses
utilisateurs, pour devenir le leader du marché du moteur de recherche et
du service en ligne. Cependant, cette position de monopole doit être
interrogée, car si les individus continuent d'utiliser les services de
Google Inc., ils sont dérangés par la relation
d'échange
92 DUJARIER Marie-Anne, Le travail du
consommateur : de McDo à Ebay, comment nous coproduisons ce que nous
achetons, Ed. La Découverte, Collection Poche/Essais,
2014.
93 idem
58
qui se joue avec l'entreprise, qui doit alors mettre en place
des stratégies pour rassurer l'utilisateur, et le convaincre que le
bénéfice qu'il retire de l'utilisation de ses services est
supérieure au dommage causé par l'exploitation de ses
données personnelles.
59
III. Google Inc., une entreprise de droit divin partit
à la conquête de la confiance des internautes
La donnée au coeur d'un système
économique comme celui de Google Inc. est source d'inquiétudes
pour beaucoup d'utilisateurs. En 2013, l'affaire des écoutes de la NSA a
été révélée au public : l'institution
gouvernementale américaine surveille les internautes, notamment
grâce à des portes d'entrée cachées dans des
logiciels comme Google Inc. Depuis, les données personnelles et les
enjeux politiques et économiques qu'elles soulèvent sont connus
de tous, et les utilisateurs sont dérangés par la collecte et
l'utilisation qui en est faite de leurs données personnelles.
Ainsi, les institutions gouvernementales et les entreprises
privées comme Google Inc. ont du mettre en place des stratégies
pour rassurer les internautes, et restaurer un lien de confiance avec eux.
Google Inc. a notamment mis en ligne de nombreux discours, qui font partie de
la stratégie de communication corporate de l'entreprise, qui
vise à promouvoir l'image de l'entreprise auprès de ses
utilisateurs et de tierces parties comme les investisseurs. Ces discours,
disponibles sur les pages web éditées et dédiées
à l'entreprise de Google Inc. ont donc pour mission de rassurer
l'utilisateur et d'exposer les objectifs de l'entreprise.
Les discours de Google Inc. réfèrent à
« l'ensemble des expressions sous toutes ses formes, significatives d'une
idéologie, d'une croyance ou des représentations sociales
à une époque donnée et concernant un domaine ou un sujet
donné È.94 Ces discours ont pour mission de
convaincre, d'impliquer les acteurs membres d'un projet ainsi que les
collaborateurs et les utilisateurs.
J'émets l'hypothèse que les discours de Google
Inc. tendent à euphémiser les relations d'échange
économique qui lient les utilisateurs à l'entreprise, soit leur
rôle de produit et de producteur de richesse de l'entreprise, tout en
légitimant son mode de fonctionnement grâce à
l'élaboration d'une idéologie.
94 Dictionnaire encyclopédique des sciences de
l'information et de la communication
60
J'ai donc choisi d'étudier trois discours de Google
Inc. : les 10 principes fondamentaux de Google Inc.95, ses
conditions d'utilisation96, ainsi qu'un texte relatif à la
sécurité et à la confidentialité des données
des utilisateurs97. Ces trois textes sont trois discours qui ont
pour mission de convaincre et d'impliquer toutes les parties prenantes des
services de l'entreprise, de légitimer les actions et les
décisions prises par Google Inc., et d'asseoir l'idéologie
babélienne et foucaldienne de Google Inc.
À noter que ces textes sont de natures
différentes, même s'ils se présentent tous sous forme de
liste. La liste est une forme caractéristique de l'écriture, qui
permet de classifier et d'organiser le monde98. La liste
paraît être l'une des formes d'écriture et de
présentation de l'information privilégiée par la
société Google Inc. : elle est utilisée pour mettre en
forme les résultats des requêtes de son moteur de recherche, selon
un classement basé sur la pertinence des résultats. En effet,
face à la surcharge informationnelle, Google doit réinjecter de
l'ordre, et le modèle canonique de l'ordre est celui de la
liste99. Ici, la forme de liste choisie n'est pas ordonnée
sur une logique numérique, chronologique ou basée sur un
critère de pertinence, mais selon un ordre choisi par les
éditeurs de cette page. La liste des résultats est largement
adoptée par les utilisateurs de Google, et la confiance en ce dispositif
s'accroît avec l'usage100. Ainsi, la forme de liste est
également utilisée pour mettre en ordre les discours
argumentatifs d'entreprise.
Ces différentes listes sont donc toutes de natures
différentes, et ont différents objectifs.
En premier lieu, les conditions d'utilisations de Google Inc.
sont un texte juridique, une forme de contrat entre l'entreprise et
l'utilisateur qui renseigne les utilisateurs sur les modalités
d'utilisation des différents services de l'entreprise. Elles ont pour
rôle de déterminer la responsabilité des différents
acteurs et tierces parties qui interagissent au sein des différents
services de Google Inc.
95 Annexe 2, p.110
96 Annexe 3, p. 115
97 Annexe 4, p. 122
98 GOODY Jack, La Raison Graphique, La
domestication de la pensée sauvage, Editions de Minuit, 1979.
99 ERTSCHEID O., GALEEZOT G & BOUTIN E., «
PageRank : entre sérendipité et logiques marchandes », dans
L'entonnoir : Google sous la loupe des sciences de l'information et de la
communication, C&F Editions, Paris, 2009, p.117
100 idem, p.133
61
Les 10 principes fondamentaux de Google Inc. sont un discours
idéologique, composé de dix maximes, soit des préceptes
qui tendent vers une valeur de vérité générale. La
maxime, qui fait partie des discours argumentatifs, se distingue par sa forme
concise, qui impose un jugement sur le monde.
Enfin, les règles relatives à la
sécurité et à la confidentialité se
présentent comme une Foire aux Questions (FAQ), soit une forme de texte
relative aux usages d'Internet. Elle est composée d'une liste de
questions posées de manière récurrente sur un sujet
donné, accompagnées des réponses correspondantes, afin
d'éviter que ces mêmes questions soient toujours posées. Il
est intéressant de noter que la forme de la FAQ s'est
développée sur des forums, où le mode conversationnel est
particulièrement important. Or, les différents services de Google
Inc. ne sont pas basés sur la conversation entre l'utilisateur et
l'entreprise, pourtant l'entreprise a fait ce choix de discours, en se posant
elle-même des questions, et en y donnant les réponses.
De plus, les trois discours, malgré leur
différence de nature (juridique ou communicationnel) sont écrits
à la première personne du pluriel, qui peut désigner les
fondateurs ou l'ensemble des collaborateurs de l'entreprise. Elle s'adresse
directement aux utilisateurs, mentionnés grâce à la
deuxième personne du pluriel. Les « Googleurs » ou
employés de Google Inc. s'adressent de manière unanime à
tous les utilisateurs de Google. Cette technique de narration est
utilisée de manière récurrente dans la communication et la
publicité des entreprises : elle permet d'incarner l'entreprise et ses
produits face à un public différencié en plusieurs
utilisateurs.
Ainsi, l'étude de ces trois discours permettra de
mettre en lumière la mission principale de Google Inc. et ses enjeux qui
sont la mise en forme du monde humain et la mise en forme de l'utilisateur.
Cette mission, qui positionne Google Inc. comme une entité divine,
capable de produire de l'information découpée et
éditée selon la philosophie de l'entreprise est justifiée
par la seconde mission de l'entreprise : rendre service à l'utilisateur,
en lui proposant des services innovants et utiles, pour que ce dernier lui
fasse entièrement confiance...
62
1. La mise en forme du monde
Google Inc. est une entreprise qui possède une mission
: organiser toute l'information du monde. Cette mission est un but, une
tâche considérée comme un devoir à laquelle
l'entreprise s'est assignée, et qui est un élément central
de l'organisation de l'entreprise. Il convient alors de détailler cette
mission, et de comprendre comment elle s'incarne dans le fonctionnement de
l'entreprise, et son modèle économique.
- Google Inc. et sa philosophie
Google Inc. possède une page de présentation
« À propos de Google », qui contribue à façonner
chez le lecteur une image de ce qu'est Google Inc., image
façonnée par l'entreprise elle-même. Cette page est
séparée en plusieurs catégories. «
Présentation », « Qui nous sommes », « Produits et
services », et « Notre philosophie ».
Ainsi, Google Inc. en tant qu'entreprise, a
développé une philosophie, soit « la conception
générale de la vie et du monde qu'une personne manifeste dans ses
idées et dans sa conduite »101. La société
Google Inc. se considère comme une personne physique morale qui a
construit sa propre conception du monde. Il est intéressant de noter que
l'entreprise porte alors des valeurs fortes, condition impérative pour
« motiver » ses utilisateurs et obtenir leur engagement dans
l'activité de l'entreprise102. En effet, les utilisateurs
doivent adhérer aux finalités de l'organisation et ses valeurs,
pour utiliser les services de l'entreprise et également accepter le troc
de données qui s'opère. À noter que sur la page anglaise
de présentation, cette catégorie s'intitule « What we
believe »103.
Cette catégorie a pour sous-titre « 10 principes
fondamentaux ». La philosophie de la société de Google Inc.
est édictée sous la forme d'une liste de dix points.
L'en-tête de cette page précise que « Nous
avons rédigé cette liste quelques années après la
création de Google. Nous la mettons régulièrement à
jour, afin qu'elle soit toujours d'actualité ». Il est
intéressant de noter que cette liste de « principes fondamentaux
» n'est,
101 Trésor de la Langue Française
Informatisé
102 DUJARIER Marie-Anne, Le travail du consommateur : de McDo
à Ebay, comment nous coproduisons ce que nous achetons, Ed. La
Découverte, Collection Poche/Essais, 2014.
103 «About Google, Company, What we believe»,
https://www.google.com/intl/en/about/company/philosophy/
(Consulté le 25 juillet 2015)
63
paradoxalement, pas figée : ce qui sert de base et de
fondement à la philosophie de Google Inc. n'est pas immuable et est
susceptible de changer au fil des années et suivant l'évolution
de l'entreprise.
À noter qu'en anglais, cette catégorie a pour
titre « Ten things we know to be true » (Dix choses que nous
savons être vraies). Les formules « Dix principes fondamentaux
» et « Dix choses que nous savons être vraies » sont
différentes, mais assurent la même chose : cette liste de dix
arguments ne peut être discutée et réfutée par qui
que ce soit. Google Inc. fait appel à des notions de principe et de
vérité, et ces deux termes soulignent
l'irréfutabilité de ce qui va être annoncé par la
suite. Google Inc. semble détenir une vérité sur le monde,
qu'il est impossible de contester. Ainsi, les principes de l'entreprise peuvent
être considérés comme des maximes, qui émettent un
jugement sur le monde.
- De Babel à Xanadu : l'organisation de toute
l'information du monde
Figure 1. Page de présentation de Google Inc.
Le deuxième principe de Google Inc. concerne le moteur
de recherche Google. « Notre coeur de métier est la recherche sur
Internet ». Google Inc. explique la raison de son existence et son
positionnement en tant qu'entreprise, reprenant les éléments de
son slogan principal : « La mission de Google : organiser les informations
à l'échelle mondiale pour les rendre accessibles à tous
». Google Inc. inclue tous ses différentes services et produits
(Gmail,
64
Google Maps) qui ne relèvent pas de la mise en forme de
l'information, et de la recherche d'informations, comme une seule et unique
mission, qui est la mise en forme et la mise à disposition de toutes les
informations pour tous. Il est intéressant de noter que par cet effet de
discours, l'entreprise justifie son produit innovant dans une idéologie
légitimante pour le pérenniser et lui assurer une reconnaissance
sociale104.
« Nous souhaitons poursuivre cet effort en appliquant la
puissance de notre technologie de recherche à d'autres terrains afin de
permettre aux utilisateurs d'accéder à la masse toujours
croissance d'informations disponibles dans le monde ».
Google Inc. met en avant la puissance de son algorithme de
recherche qu'il a créé, et veut l'appliquer à tous les
domaines. Le volume de données disponible ne cesse de croître, et
est un sujet majeur pour les organisations privées et publiques, pour
les citoyens, et relayé par la presse au niveau mondial, Google Inc. se
place comme le premier et le seul intermédiaire pour les internautes
pour classer et trier ces informations qui sont de plus en plus nombreuses et
les rendre accessibles à tous.
Le huitième principe repose sur la même
idée, qui est développée tout au long des principes, soit
l'organisation de l'information du monde entier. Ainsi Google Inc.
énonce que : « Notre mission consiste à faciliter
l'accès aux informations dans le monde entier, et dans toutes les
langues. » Google Inc. se place au centre du monde, en tant que
détenteur et indexeur de toutes les informations du monde, et tant
qu'entité accessible à tout le monde. Google Inc. se
considère alors comme la Bibliothèque de Babel, imaginée
par Jorge Luis Borges dans sa nouvelle éponyme, qui contient tous les
livres du monde, dans toutes les langues du monde. Cette bibliothèque
qu'est Google Inc. renferme toutes les informations du monde qui sont à
disposition de tout le monde et fait également référence
à l'univers.
Ainsi, dans ces maximes, Google Inc. expose sa vision
missionnaire, qui est la découverte par la sérendipité de
la « paillette » d'information dans la « mine » de savoir
que constitue l'univers. Google Inc. reprend alors le mythe du Xanadu,
développé par le poète anglais Coleridge. « Le mythe
du Xanadu représente l'idéal de l'accessibilité totale et
instantanée de
104 DUMAS P. & DUVERNEY D., « Le googling, un
branchement sur l'imaginaire de l'internet », dans L'entonnoir :
Google sous la loupe des sciences de l'information et de la communication,
C&F Editions, Paris, 2009, p.161
65
tous les produits de l'esprit humain qui hante les utopies
techniciennes. » 105 Google Inc. a pour ambition de donner
l'accessibilité à l'humanité entière au savoir du
monde entier, grâce à sa seule technique.
Face au défi de l'accroissement des informations
disponibles, Google Inc. doit donc sans cesse améliorer sa technologie
pour organiser « la masse d'informations [qui] continue de croître
».
« Après avoir indexé plus de pages HTML sur
Internet que n'importe quel autre service de recherche [É] nos
chercheurs continuent d'explorer de nouvelles possibilités d'offrir
toutes les informations disponibles dans le monde aux utilisateurs à la
recherche d'une réponse à leurs questions. »
Dans ce paragraphe, Google Inc. laisse entendre qu'elle est la
seule société au monde à pouvoir effectuer ce travail de
classement des informations. Ainsi, Google Inc. se place en
entité libératrice de l'aliénation
humaine, en étant le seul détenteur d'une technologie capable de
donner le savoir à tous. Cette position d'entreprise sans concurrence et
unique dans ses propositions et son efficacité est donc à
interroger.
- Google Inc. : centre de l'univers ou monopole social
?
Par son modèle d'affaire basé sur la
gratuité et la collecte des données personnelles de ses
utilisateurs, Google Inc. a pu réussir à devenir le leader sur le
marché du moteur de recherche en ligne, avec plus de 90% de part de
marché dans la recherche sur Internet.
« La stratégie du géant consiste à
agréger des données provenant d'une multitude de sources à
et à faire dépendre l'efficacité du système de son
ubiquité : pour en tirer le meilleur parti, nous devrions laisser les
services remplir les moindre recoins de notre quotidien. L'immensité du
réservoir de données ainsi constitué protège le
géant de toute concurrence.»106
105 Regis Debray dans les Cahiers de médiologie,
cité par DUMAS P. & DUVERNEY D., « Le googling, un branchement
sur l'imaginaire de l'internet », dans L'entonnoir : Google sous la
loupe des sciences de l'information et de la communication, C&F
Editions, Paris, 2009, p.161
106 MOROZOV E., Pour tout résoudre, cliquez ici,
cité par CHIGNARD S. & BENYAYER L.-D, Datanomics, Les
nouveaux business models des données, FYP Editions, Collection
« Entreprendre - Développement professionnel », 2015, p. 84
66
En effet, la gratuité, induite par la collecte et
l'utilisation des données personnelles des utilisateurs des services de
Google Inc., élimine la texture de discrimination par le prix du
marché. Au lieu d'un éventail de produits à
différents prix, Google Inc., par son modèle gratuit rafle tout,
au détriment des services similaires payants ou coûteux en termes
de coût de recherche, de transaction, etc. De plus, son efficacité
et sa rapidité font baisser les coûts d'opportunités pour
ses utilisateurs. Si les autres moteurs de recherche, comme Yahoo et Bing sont
gratuits, Google Inc. possède alors une position de monopole sur le
marché du moteur de recherche, résultant de circonstances
économiques particulières, ici, le gratuit et les
stratégies de diversification de services, qui permettent d'avoir
l'exclusivité de l'exploitation d'un service. En effet, son algorithme
breveté PageRank, associé à ses différents
services, place l'entreprise en situation de monopole, les coûts de
migration étant trop élevés pour que les utilisateurs
fassent le choix de ne plus utiliser les services de Google Inc., souvent
installés par défaut. De plus, en associant ses services web
à son système d'exploitation développé pour mobile,
Android, Google Inc. capte une part encore plus large d'utilisateurs. En
proposant un système gratuit pour tous, il est adopté de
manière générale et unanime, et les consommateurs de
mobile sont alors obligés d'utiliser les services de Google Inc.
À noter que cette position est récriée par les diverses
autorités de marché, et les différentes institutions
exécutives et législatives.107
Cette situation de leader de marché est
également intéressante à relever au niveau social, car
Google est devenu un nom commun, avec notamment les pratiques de
googling. Ainsi, quand une marque devient un substantif, le bien est
devenu une nécessité pour la masse des citoyens
consommateurs108.
Google Inc. constitue alors un fait social. Emile Durkheim
décrit les faits sociaux comme « toute manière de faire,
fixée ou non, susceptible d'exercer sur l'individu une contrainte
extérieure ; ou bien encore, qui est générale dans
l'étendue d'une société d'ordre tout en ayant une
existence propre, indépendante de ses manifestations individuelles
»109. Plusieurs individus ont la même action, et
utilisent les services de Google Inc., dont les services
107 « Abus de position dominante : La Commission adresse une
communication des griefs à Google au sujet du service de comparaison de
prix et ouvre une procédure formelle d'examen distincte concernant
Android », Bruxelles, le 15 avril 2015.
http://europa.eu/rapid/press-release
IP-15-4780 fr.htm (consulté le 17 août 2015)
108 Cité par DUMAS P. & DUVERNEY D., « Le
googling, un branchement sur l'imaginaire de l'internet », dans
L'entonnoir : Google sous la loupe des sciences de l'information et de la
communication, C&F Editions, Paris, 2009.
109 Idem, p 153.
67
constituent alors un fait social. Google Inc. est devenu
incontournable et général dans la société, et
possède une existence propre en dehors de ses manifestations
individuelles, c'est-à-dire, l'entreprise a une genèse
extérieure à la société, n'étant pas une
création de manifestations individuelles. Google Inc. est devenu un fait
social à part entière, grâce à sa facilité
d'utilisation et sa gratuité notamment.
Il est alors intéressant de noter que Google Inc.
connaît sa situation de leader du marché, et la reconnaît
comme étant un avantage, pour poursuivre son développement. Dans
son dixième principe, la société affirme : « Google
ne considère pas le fait d'être numéro un comme une fin en
soi, mais plutôt comme un point de départ ». L'ambition de
l'entreprise ne s'arrête pas là : l'entreprise souhaite indexer
« toutes les informations disponibles dans le monde », et le
résultat auquel est elle arrivée aujourd'hui (soit plus de 30
millions de pages web indexées en 2013110) n'est pas
satisfaisant pour Google Inc., qui souhaite poursuivre sa mission, en proposant
toujours plus d'outils pour favoriser la recherche d'information.
« Même si vous ne savez pas exactement ce que vous
recherchez, c'est notre rôle de trouver une réponse sur le Web, et
pas le vôtre. [É] Ce refus constant de l'ordre établi est
en fin de compte notre véritable force. »
Ainsi, Google Inc. se place comme l'entité qui pose les
questions et donne les réponses avant même que ses utilisateurs
n'y ait pensé, et laisse ici entendre ses recherches dans le domaine de
l'intelligence artificielle. Aujourd'hui, les offres de Google sont «
banales », et pourtant elles ont révolutionné le Web
à un moment (comme le stockage illimité des mails pour son
service de Gmail, Google Inc. étant la première entreprise
à proposer ce service) et Google Inc. a pour ambition de continuer
à proposer des services et des produits disruptifs, qui changent «
l'ordre établi ».
Google Inc. se positionne alors comme une figure divine :
omniscient, car capable d'anticiper l'expression du désir de ses
utilisateurs et imposant sa loi et sa vision du monde sur ses utilisateurs, en
choisissant la forme des informations (liste, Google Maps). Google Inc. fait
alors preuve d'hybris, de démesure. Cette notion grecque fait
référence à un sentiment inspiré par l'orgueil, qui
désigne le fait de vouloir plus que ce qui est attribué. Ainsi,
Google Inc. fait
110 « Nearly 500 millions searches a day for thing Google
has never heard of », Business Insider, 13 mai 2013
http://www.businessinsider.com/500m-things-google-has-never-heard-of-2013-5?IR=T
(consulté le 25 juillet 2015)
68
la faute de se prendre pour Dieu, en voulant organiser toute
l'information du monde et en affichant de manière claire ses
ambitions.
Ainsi, Axelle Lemaire, secrétaire d'Etat chargée
du numérique, dans un article des Echos111 résume
l'ambition de Google Inc. et son obsession de l'indexation du monde avec ces
mots : « Ce qui fait la force de cette entreprise, outre la
rapidité de son cycle d'innovation, c'est sa stratégie
horizontale de développement. Aucune entreprise n'a cette ambition
économique. C'est un acteur dont on a parfois l'impression qu'il veut
résumer Internet et dont le projet philosophique semble dépasser
le seul aspect commercial. »
Par sa position monopolistique, Google Inc., en tant que
dispositif sociotechnique, impose un découpage du monde plutôt
qu'il ne propose. Google Inc. est à la fois l'univers en tant que centre
de l'information mondiale et l'ordinateur de cette information. Il convient
alors de se demander comment Google Inc. met également en information
l'utilisateur et comment il le justifie.
2. La mise en forme de l'utilisateur
Si Google Inc. organise toutes les informations du monde,
l'entreprise organise également toutes les informations concernant ses
utilisateurs. En collectant et en utilisant leurs données personnelles,
Google Inc. enrichit sa bibliothèque de savoir, et impose
également sa vision sur les données personnelles de ses
utilisateurs.
- De la collecte et l'exploitation de la
donnée
Dans les Réponses relatives à la
confidentialité et la Sécurité et ses conditions
d'utilisations, Google Inc. explicite les tenants et aboutissants de la
collecte et l'utilisation des données personnelles des utilisateurs qui
sont réalisées par l'entreprise. Il est intéressant de
noter que les questions concernant les données personnelles des
utilisateurs sont reprises dans les conditions d'utilisation de Googles Inc.,
de manière plus concises.
111 Enjeux Les Echos, « L'affaire Google », Mars
2015
69
« En utilisant nos Services, vous acceptez que Google
puisse utiliser ces données conformément à ces
Règles de confidentialité de Google. »
Ainsi, utilisant les services de l'entreprise, les
utilisateurs acceptent la collecte des données qui est décrite
par Google Inc. dans ces deux discours.
En premier lieu, l'entreprise définit les
données qu'elle collecte et transforme. Les données
collectées concernent les informations que l'utilisateur communique
à Google Inc. en se créant un compte Google (nom, adresse e-mail,
numéro de téléphone, carte de paiement), les informations
que l'utilisateur crée en utilisant les services de Google (les
vidéos regardées, les sites Web visités, les annonces et
contenus de Google consultés, etc.), ainsi que les données
relatives à l'appareil utilisé (modèle, version du
système d'exploitation, identifiants uniques de l'appareil, informations
relatives au réseau mobile).
Google Inc. collecte également les données
concernant « la façon dont vous avez utilisé le service
concerné, telles que vos requêtes de recherche », l'adresse
IP, « des cookies permettant d'identifier votre navigateur ou votre compte
Google de façon unique », ainsi que des données de
localisation.
Google Inc. considère que les « informations
qu'[il] recueille lorsque [l'utilisateur] est connecté à Google
peuvent être associées à [son] compte Google. », et
les traitent « comme des données personnelles ». Les
informations personnelles fournies par l'utilisateur en utilisant un service
peuvent être « recoupées avec celles issues d'autres services
Google ».
Ensuite, Google Inc. explique les processus de collecte et de
transformation de ces données. L'entreprise se donne le droit de
contrôler tous les contenus qui sont stockés et qui transitent
à travers ses différents services, car la seule utilisation de
ces services autorise Google Inc. à utiliser, produire, modifier,
communiquer, publier, etc. ces différents contenus pour exploiter,
promouvoir ou améliorer les dits services. Ainsi, Google Inc. utilise
tous les contenus des utilisateurs pour améliorer ses services, et ainsi
rendre ses services meilleurs pour attirer encore plus d'utilisateurs.
« Lorsque vous importez, soumettez, stockez, envoyez ou
recevez des contenus à ou à travers de nos Services, vous
accordez à Google (et à toute personne travaillant avec Google)
une
70
licence, dans le monde entier, d'utilisation,
d'hébergement, de stockage, de reproduction, de modification, de
création d'oeuvres dérivées (des traductions, des
adaptations ou d'autres modifications destinées à
améliorer le fonctionnement de vos contenus par le biais de nos
Services), de communication, de publication, de représentation publique,
d'affichage public ou de distribution publique desdits contenus. Les droits que
vous accordez dans le cadre de cette licence sont limités à
l'exploitation, la promotion ou à l'amélioration de nos Services,
ou au développement de nouveaux Services. Cette autorisation demeure
pour toute la durée légale de protection de votre contenu,
même si vous cessez d'utiliser nos Services. »
Ainsi, l'entreprise s'approprie ses contenus pour enrichir sa
bibliothèque d'informations et se donne le droit de les utiliser pour
améliorer ses différents services. L'entreprise se laisse
également le droit de vérifier la conformité des contenus
des utilisateurs qu'elle analyse de manière systématique pour
proposer des « fonctionnalités pertinentes sur les produits ».
Les utilisateurs ne peuvent en aucun se soustraire à cette analyse
automatique, sans quitter les services de Google Inc.
« Nos systèmes automatisés analysent vos
contenus (y compris les e-mails) afin de vous proposer des
fonctionnalités pertinentes sur les produits, telles que des
résultats de recherche personnalisés, des publicités sur
mesure et la détection des spams et des logiciels malveillants. Cette
analyse a lieu lors de l'envoi, de la réception et du stockage des
contenus. »
Cependant, si un service est amené à être
interrompu par Google Inc., l'entreprise se doit de prévenir ses
utilisateurs qui restent prioritaires des contenus et des « données
» qu'ils ont pu stocker.
Ainsi, Google Inc. a modelé ses conditions
d'utilisations pour extraire de l'utilisation de ses services tout ce qui est
bénéfique pour l'entreprise, et de son fonctionnement. « En
nous transmettant des informations, vous nous permettez d'améliorer nos
services » Google Inc. exprime ainsi le fait que ses services étant
centrés sur l'utilisateur (user-centric), ils ne peuvent
fonctionner sans être utilisés par les internautes. De plus, le
discours laisse également entendre que l'utilisation de ses services par
des internautes permet à tous les autres utilisateurs de
bénéficier d'un service de qualité,
sécurisé, et personnalisé.
« Les données que nous collectons nous permettent
de fournir, gérer, protéger et améliorer nos
services, d'en développer de nouveaux, et de protéger
aussi bien nos utilisateurs que nous-
71
mêmes. Ces données nous permettent
également de vous proposer des contenus adaptés, tels que des
annonces et des résultats de recherche plus pertinents. »
De plus, Google Inc. utilise les données pour proposer
de la publicité et des services gratuits. L'entreprise met en avant le
fait que les données sont utilisées pour « présenter
de la publicité pertinente et utile » et « ainsi offrir des
services gratuits pour tous », dans ses 10 principes fondamentaux. La
publicité est d'abord mise en avant comme première raison
d'utilisation des données. Ce n'est que dans un second temps, que la
gratuité des services est avancée. La gratuité des
services est présentée comme une conséquence logique de
l'utilisation des données et de la mise en place de la publicité,
et non comme un premier objectif.
« Grâce à la publicité, tout le monde
peut bénéficier de services gratuits tels que la recherche
Google, Gmail et Google Maps »
Ainsi, Google Inc. explicite la collecte et le traitement des
données personnelles qui sont réalisées dans ses discours.
L'entreprise explique également quels sont les objectifs de cette
collecte. Il est intéressant de noter qu'à aucun moment la
donnée personnelle n'est considérée comme une monnaie
d'échange. L'entreprise exprime seulement sa nécessité de
collecter et d'exploiter les données personnelles de ses utilisateurs
pour « améliorer » ses services et en « créer de
nouveaux », ce qui par un effet de métonymie place l'utilisateur en
tant que producteur dans le système économique de Google Inc.
En revanche, il convient de comprendre comment le
phénomène de l'utilisateur produit est évoqué par
Google Inc.
- De la donnée à l'information
En effet, les termes utilisés par Google Inc. dans les
Réponses relatives à la Confidentialité et à la
sécurité et les conditions d'utilisation, sont
intéressants à relever. Les termes de « données
» et d' « informations » sont tour à tour
employés, pour désigner les données personnelles des
utilisateurs.
Google Inc. n'utilise pas le terme « données
personnelles », mais « informations personnelles ». Dans
l'écosystème de Google Inc., tout est information, soit une
donnée mise en forme par un intermédiaire. En effet, le terme
« information » réfère d'abord à l'action de
donner forme. Les données personnelles en tant que
données à l'état brut, qui doivent être
croisées pour donner sens, sont des informations pour Google Inc. ;
c'est l'entreprise qui donne forme et sens aux données, et c'est
l'entreprise qui choisit quelle est la forme que ces données vont
prendre.
Dans le discours, quand Google Inc. parle de «
données », l'adjectif « personnelles » n'est jamais
accolé, et les données ne sont jamais exprimées sous le
régime de la possession, avec des adjectifs déterminatifs du type
« vos ». Google Inc. considère les données d'une
manière générale, et non associées à une
personne physique et morale, comme l'utilisateur de ses services. Ainsi, Google
Inc. met en forme des données, et l'information qui en résulte
devient rattachée à un utilisateur. Ainsi, l'utilisateur est le
produit d'une mise en forme dirigée par Google Inc. : il devient
information, monnayable et avec une valeur pour les annonceurs.
On peut considérer une forme d'asymétrie
informationnelle, dans la mesure où Google Inc. a connaissance
d'informations qu'il génère grâce aux données de ses
utilisateurs, ces derniers n'en ayant aucune connaissance, d'être mis en
forme par l'entreprise, à moins d'avoir lu avec attention les
différents discours de Google Inc.
Après ces discours explicitant les méthodes de
collecte et de traitement des données personnelles des utilisateurs, qui
relèvent à la fois du mythe de la bibliothèque de Babel,
en tant que méthode d'organisation de toute l'information du monde, et
du système de pensée foucaldien, en tant que mise en forme de
l'utilisateur, il convient de se demander comment l'entreprise justifie cette
position. Pour être ordinateur du monde, Google Inc. doit pouvoir imposer
ses valeurs, et créer une relation de confiance avec ses
utilisateurs.
72
3. Google Inc., une entreprise qui vous veut du
bien
73
« L'ambivalence de ces technologies, c'est que tout en
effrayant par leur potentialité, elles permettent un niveau de confort
et de services qui sont à la fois source de sécurité et
de
tranquillité »112
En effet, pour que son modèle économique biface
fonctionne, Google Inc. doit imposer son mode de fonctionnement, notamment en
ce qui concerne l'utilisation des données personnelles de ses
utilisateurs. Or, comme évoqué dans la deuxième partie de
mon argumentaire, plus de la moitié des utilisateurs des services de
l'entreprise sont dérangés par cette pratique.
Ainsi, le sixième point des principes de Google Inc.
concerne le modèle d'affaires de l'entreprise et est intitulé
« Il est possible de gagner de l'argent sans vendre son âme au
diable ». En anglais, « vendre son âme au diable » est
exprimé par les termes « doing evil » et fait
directement référence au slogan de Google Inc. « Don't
be evil ». Google Inc. explique ici sa charte de déontologie
des affaires, et explique que « Google est une entreprise » et que la
société gagne de l'argent. En effet, Google Inc. proposant des
services entièrement gratuits pour les utilisateurs, il doit rappeler
son statut d'entreprise, et le fait qu'il gagne de l'argent, ce qui pourrait ne
pas être admis par tous, dans la mesure où il ne propose pas de
services payants à ses utilisateurs. L'énoncé du principe
peut être interprété comme une manière pour Google
Inc. de se dédouaner, comme si le fait de gagner de l'argent
était forcément relié à une activité
malveillante envers les consommateurs.
Ainsi, l'entreprise doit expliquer les bénéfices
qu'elle fait, alors que son modèle économique est basé sur
la gratuité, et donc écarter tout soupçon de vente directe
des données personnelles à des tierces parties. Dans ses
Réponses relatives à la confidentialité et à la
sécurité, Google Inc. consacre tout un paragraphe destiné
à rassurer les utilisateurs sur l'exploitation de leurs données
et affirme : « Sachez que nous ne vendons pas vos informations
personnelles ». Il est intéressant de relever l'emploi de
l'impératif : l'emploi de ce mode de conjugaison permet de donner un
ordre aux utilisateurs, et d'insister sur l'affirmation que fait Google Inc. De
même, il est intéressant de commenter la dernière phrase
« Et que vous contrôlez le type d'informations que nous collectons
et utilisons ». En commençant le segment par la conjonction de
coordination, un effet d'emphase est ajouté à la phrase, et par
la position finale
112 KESSOUS E., « La traçabilité
généralisée : un nouveau paradigme de la consommation
instrumenté par les objets communicants ? », Consommation et
sociétés, 2006
74
de cette phrase dans ce paragraphe, Google Inc. veut insister
sur le fait que les utilisateurs ont tout le pouvoir sur leurs informations, et
non l'entreprise.
Ainsi, Google Inc., l'entreprise qui ne vend pas son
âme, ni ses utilisateurs au diable a donc mis en place des
stratégies de discours pour rassurer les utilisateurs sur les pratiques
de collecte et d'exploitation des données personnelles afin d'instaurer
une relation de confiance.
- Google Inc. au service de l'internaute
Afin de rassurer les utilisateurs sur la finalité de
ses pratiques concernant leurs données personnelles, Google Inc. se
place comme étant au service de l'internaute, avec des services utiles
et respectueux de l'individu.
Le premier principe de la philosophie de Google Inc. concerne
l'utilisateur : Google Inc. veut proposer « la meilleure expérience
utilisateur » et des services centrés sur l'utilisateur.
« Lorsque nous concevons un nouveau navigateur Internet,
c'est votre confort que nous cherchons à satisfaire et
non un quelconque objectif interne, ni les exigences de résultats de la
société »
Google Inc. laisse sous-entendre que la création et
l'amélioration de produits et services ne se font uniquement que pour
les utilisateurs, et leur confort et satisfaction. Google Inc. nie que si les
utilisateurs sont satisfaits des services, ils continuent de les utiliser ce
qui améliore la rentabilité de l'entreprise.
Le troisième principe concerne la rapidité de
ses services. Déjà énoncé dans le premier principe
(« Les pages se chargent instantanément »), la vitesse
d'exécution de ses services est une priorité pour la
société :
« Google est probablement la seule société
au monde dont l'objectif avoué est de faire en sorte que ses visiteurs
quittent son site aussi rapidement que possible. »
Google Inc. met en avant sa position disruptive par rapport
à toutes les autres sociétés du monde : cette phrase
laisse entendre que son fonctionnement est unique, que Google Inc. est unique.
De plus, Google Inc. annonce qu'il ne veut surtout pas retenir ses
utilisateurs, et
75
n'être qu'un site « de passage ». Cet argument
est cependant à nuancer : Google Inc. a développé de
nombreux services autres que son moteur de recherche et développe des
offres dans le « cloud computing »113. En effet,
la tendance est aujourd'hui à un basculement massif vers une offre tout
en ligne, et mobile qui permet à Google Inc. de garder ses utilisateurs
grâce à ses différents services et son système
d'exploitation mobile, Android. Google Inc. a crée un
écosystème complet qui permet aux utilisateurs de ne jamais
quitter les services de Google Inc.
Le quatrième principe s'intitule « La
démocratie sur le web existe encore ». Dans ce paragraphe, Google
Inc. fait référence au fonctionnement de son algorithme, qui est
basé sur le nombre de rétro-liens édités par les
internautes.
« Sa technologie [NDLR : la technologie du moteur de
recherche Google] fait confiance aux millions d'internautes qui ajoutent
des liens sur leur site Web pour déterminer la valeur du contenu
d'autres sites ».
Ainsi, l'algorithme du moteur de recherche de Google PageRank
considère qu'un lien est un vote, qui indique la popularité et la
pertinence d'un site Internet. L'algorithme se base sur le nombre de liens qui
pointent vers un site, pour déterminer « les site `élus'
comme les meilleures sources d'information via d'autres pages Web. Chaque
nouveau site constitue un nouveau point d'information et un nouveau vote
à comptabiliser ». Google Inc. expose le fonctionnement de son
moteur de recherche et l'entreprise semble se désolidariser
complètement de son algorithme et des résultats de
requêtes. C'est la technologie du moteur de recherche qui fait confiance
aux internautes, c'est l'algorithme qui élie les sites. La technologie
semble avoir été crée ex nihilo, sans
intervention de l'homme, et c'est elle qui décide de tout, et organise
l'information. Ainsi, la démocratie de Google Inc. est un système
où les internautes votent pour des sites, et ces votes sont pris en
compte par une technologie objective et juste, qui fait fi de la
subjectivité et des jugements humains. Cette idée renvoie
à la conception de Simondon114 : la technologie de Google
Inc. est pensée et présentée comme
113 « Le cloud comuting est un modèle pour
permettre un accès omniprésent, pratique et à la demande,
à un réseau de ressources informatiques configurés
(réseaux, serveurs, stockage, applications et services) qui peuvent
être rapidement approvisionné et livré avec un effort de
gestion minimum. ». The NIST definition of cloud computing, September
2011,
http://csrc.nist.gov/publications/nistpubs/800-145/SP800-145.pdf
On peut parler d'informatique en nuage pour tous les services qui
étaient habituellement réalisé sur le disque dur d'un
ordinateur, et qui sont désormais réalisé en ligne, comme
Google Docs, Gmail, etc.
114 SIMONDON Gilbert, Sur la technique, PUF, 2014.
étant « un objet technique ne contenant aucune
réalité humaine ». Or, toute technologie est construite et
évolue avec et grâce à l'humain, qui pense la technologie.
« C'est de l'humain cristallisé ». Il est intéressant
de noter que Google présente sa technologie comme étant autonome
de l'humain, alors même que cette technologie « fait confiance
» aux internautes, pour savoir ce qu'il est juste de faire.
Il convient alors d'interroger la notion de confiance entre
l'entreprise et ses utilisateurs et quelle est la valeur symbolique que lui
accorde Google Inc.
- La confiance : le Saint Graal de Google
Ainsi, Google Inc. explique avoir confiance dans les choix des
internautes pour constituer son algorithme de recherche et de classement de
résultats. Google Inc. assure également que ses «
utilisateurs font confiance à l'objectivité de Google et rien
pourrait justifier la remise en cause de cette confiance », dans sa
philosophie. Ainsi, alors que Google Inc. affirme les liens de confiance qui
existe entre l'entreprise et l'utilisateur comme étant une
vérité générale, il convient de les interroger.
La confiance réfère à « la croyance
en la valeur morale d'une autre entité, qui fait que l'on est incapable
d'imaginer de sa part une tromperie ou d'une trahison. »115. Elle est
l'élément principal de la coopération entre l'entreprise
et ses utilisateurs, afin que ces derniers acceptent de collaborer au niveau
économique, en autorisant la collecte et l'exploitation de leurs
données. Ainsi, la confiance des utilisateurs dans les services de
Google Inc. est une des conditions principales relatives à son existence
et à sa rentabilité, et l'entreprise nécessite cette
confiance pour faire fonctionner ses services.
Si l'entreprise affirme dans ses conditions d'utilisation
« Lorsque vous utilisez nos services, vous nous faîtes confiance
pour le traitement de vos données. », cette confiance doit pouvoir
être justifiée par l'entreprise. Google Inc. a donc mis en ligne
toute une catégorie concernant la confidentialité et la
sécurité des informations personnelles de ses utilisateurs,
intitulé Réponses relatives à la confidentialité et
à la sécurité, déjà évoquées
plus haut.
76
115 Trésor de la Langue Française
Informatisé
77
Figure 2. Règles de confidentialité et de
sécurité
Le haut de la page présente une image, avec trois
boucliers, qui symbolisent la protection contre des attaques. Au centre de ces
boucliers, des curseurs qui font référence aux paramètres
de sécurité et de confidentialité que l'utilisateur peut
modifier, un cadenas qui fait référence à la
sécurité des données. Au centre, le plus gros bouclier a
en son centre la représentation d'une personne, et ce logo est
utilisé pour représenter le compte Google des utilisateurs. Ces
logos ont un sens admis par tous et sont des symboles, dont la
représentation est fondée sur une convention que les utilisateurs
de services de Google Inc. connaissent. À noter la couleur bleue des
pictogrammes, couleur utilisée dans le domaine de la
sécurité informatique, car représentant le calme et la
sérénité.
Dès que l'utilisateur arrive sur cette page web, les
logos permettent de lui signaler que Google Inc. met tout en oeuvre pour les
protéger d'une utilisation frauduleuse de leurs données
personnelles, et qu'ils sont protégés.
De plus, dans le discours, Google Inc. insiste sur le fait que
les données collectées permettent de protéger
l'utilisateur d'intrusions malveillantes, d'oubli de mots de passes et
d'utilisation frauduleuse.
« Nous pouvons également analyser les tendances
pour vous protéger des logiciels malveillants, du hameçonnage et
d'autres activités suspectes [É] Vous êtes
protégé par l'une des infrastructures les plus avancées au
monde en matière de sécurité lorsque vous utilisez nos
services ».
78
Ainsi, selon Google Inc., la confiance est de mise car
l'entreprise met en place des stratégies de protection des
données personnelles de ses utilisateurs. Google Inc., par ses
différents discours sur la sécurité et la
confidentialité des données de ses utilisateurs, fabrique donc
des espaces potentiels de confiance, en créant et maintenant une
illusion bienveillante, dans lesquels le réel ne semble pas
intervenir116. Cependant, ces notions de sécurité et
de confidentialité sont à questionner, puisque Daniel Kaplan,
délégué général de la Fing explique que
« dans l'industrie numérique, quand on parle de confiance, on parle
essentiellement de sécurité. Or, la confiance, dans la vie, c'est
justement l'inverse : c'est quand on ne prend pas de mesures de
sécurité... justement parce que quelque chose d'autre les
remplace : une relation de confiance. »117
Ainsi, la sécurité est un substitut à la
confiance, et les contrats qui lient Google Inc. et ses utilisateurs,
s'opposent à cette notion de confiance. En effet, si la confiance
désigne le fait de prendre un risque en s'en remettant à un
autre, la sécurité a pour fonction d'annuler ce risque et donc de
rendre la confiance non nécessaire118. À noter qu'il
n'existe qu'un seul contrat qui établit les règles de
modalités entre les utilisateurs et l'entreprise, qui sont les
conditions d'utilisation des services de Google Inc., qui sont acceptées
de manière implicite par les utilisateurs.
« L'utilisation de nos Services implique votre
acceptation des présentes Conditions d'Utilisation. »
Google Inc. suppose que dès qu'un internaute utilise
ses produits et services, il accepte les conditions d'utilisation
énoncées par l'entreprise. La régulation de cette collecte
de données passe par un principe d'opt-out (l'autorisation de
l'utilisation est obtenue par défaut, l'individu doit intervenir a
posteriori pour demander la suppression de ses données). De plus,
ces conditions d'utilisation sont d'ordre général et certains
services peuvent bénéficier de « conditions additionnelles
ou particulières ». Ainsi, les conditions d'utilisation qui
116 BELIN Emmanuel, « De la bienveillance positive »
(Extrait de sa thèse de sociologie, choisi et présenté par
Philippe Charlier et Hugues Peeters), Hermès 25, 1999. Disponible :
http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/14992/HERMES
1999 25 245.pdf?sequence=1&isAllowed=y (Consulté le 17
août 2015)
117 « Le Big Data fait-il l'inverse de ce qu'il promet ?
»,
InternetActu.net, le 18
décembre 2013 Disponible :
http://www.internetactu.net/2013/12/18/le-big-data-fait-il-linverse-de-ce-quil-promet/
(Consulté le 17 août 2015)
118 « L'autre confiance »,
InternetActu.net, le 10 mars 2011.
Disponible :
http://www.internetactu.net/2011/03/10/lautre-confiance/
(Consulté le 17 août 2015)
79
concernent tous les services de Google Inc. ne sont pas
centralisées sur une seule page web et l'utilisateur doit les chercher.
Ainsi, cette absence d'acceptation du seul contrat qui définit les
modalités d'utilisation des services de Google Inc. démontre que
l'entreprise veut inciter une relation de confiance de la part des
utilisateurs, par omission. En effet, selon Eric Brousseau, la confiance sert
à diminuer les coûts de transaction associés à la
négociation, l'établissement et la vérification de
contrats : plus il y a de confiance, moins on a besoin de formaliser. Or, moins
il y a besoin de formaliser une relation économique par des contrats,
plus la confiance s'installe facilement.119 Par son absence, les
Conditions d'Utilisation permettent de mettre en confiance l'utilisateur des
services de Google Inc.
Ainsi, Google Inc., grâce à différents
discours, cherche à rassurer de manière continue l'utilisateur
quant à l'utilisation de ses données personnelles, afin
d'acquérir sa confiance, élément principal de son
entreprise.
Ainsi, l'on peut conclure en affirmant que les discours de
Google Inc. présentent une idéologie basée sur des mythes
littéraires associées à l'infini et au savoir, comme la
bibliothèque de Babel et le Xanadu. Cette idéologie permet de
légitimer le fonctionnement de Google Inc., et l'utilisation des
données personnelles des internautes utilisateurs de ses
différents services, tout en euphémisant les relations
d'échanges économiques qui lient les utilisateurs à
l'entreprise. En effet, si Google Inc. a pour obligation légale de
mentionner la collecte et l'utilisation des données qui sont
réalisées, les différents discours euphémisent la
place de l'utilisateur comme produit et producteur au sein de l'entreprise. La
mission de Google Inc. qui est d'organiser toute l'information du monde,
interprétée comme une action bénéfique par les
individus, permet de ne pas mentionner le rôle de l'utilisateur et sa
mise en information également opérée par l'entreprise. De
plus, cette mission d'ordre humanitaire et presque religieuse permet
également de montrer Google Inc. comme une entreprise humaniste et
soucieuse du bien-être de l'internaute avant tout, alors les discours qui
mettent en forme cette mission ont également pour but de rechercher la
confiance de l'utilisateur, condition sine qua non au bon
fonctionnement de l'entreprise. Si la donnée est abondance, la confiance
est
119 « Faire confiance »,
InternetActu.net, Le 05 mai 2010.
Disponible :
http://www.internetactu.net/2010/05/05/faire-confiance/
(consulté le 17 août 2015)
80
un bien rare, qui possède à la fois une valeur
symbolique et monétaire au coeur de l'écosystème de Google
Inc.
81
Conclusion
Le Web a comme fondement la gratuité associée
à la publicité comme business model. Cependant, ce modèle
d'affaires implique une relation d'échange particulière entre
l'entreprise qui propose des services gratuits et l'internaute qui choisit
d'utiliser ses services.
J'ai donc choisi de comprendre quelle était la place de
l'internaute au sein d'un système économique complexe comme celui
de Google Inc. et quels étaient les enjeux économiques et sociaux
qu'un modèle financier basé sur la gratuité impliquait.
En effet, je me suis d'abord posé la question de savoir
comment un service entièrement gratuit pour l'utilisateur pouvait gagner
de l'argent. Avec l'intuition que les données personnelles
étaient une forme de monnaie d'échange, je me suis penchée
sur la place de l'utilisateur, producteur de ces données, au sein de
l'écosystème de Google Inc., entreprise emblématique de la
gratuité sur Internet et ait également pu comprendre qu'une
relation basée sur le don se formait entre l'entreprise et
l'utilisateur.
De plus, à partir de l'affirmation « le service
est gratuit, je suis le produit », je me suis penchée sur cette
notion d'utilisateur produit, pour découvrir par la suite que
l'utilisateur n'était pas seulement une marchandise
échangée entre Google Inc. et les annonceurs, mais
également le producteur indirect de la richesse de Google Inc. En
améliorant les services de l'entreprise, cette dernière attirait
plus d'utilisateurs, qui permettait ensuite de l'enchérir.
Enfin, afin de comprendre quelle était la position de
Google Inc. par rapport à ces relations d'échanges avec
l'utilisateur, j'ai étudié les discours d'accompagnement de
Google Inc. L'on peut remarquer un véritable effet de double discours,
notamment en comparant les Conditions d'Utilisation de l'entreprise, et les
discours concernant la sécurité et la confidentialité : le
texte légal est plus riche en informations et les pratiques
décrites m'ont paru effrayantes et peu éthiques, alors que le
discours sur la protection des utilisateurs a pour but de les rassurer pour
qu'ils aient confiance en l'entreprise. Ainsi, le discours de communication
enjolive et euphémise la réalité des pratiques de Google
Inc.
Ainsi, j'ai pu montrer que l'utilisation d'un service gratuit
impliquait l'internaute dans une relation avec l'entreprise Google Inc. de
manière économique, sociale et communicationnelle.
82
Premièrement, Google Inc. propose des services gratuits
dans une logique marchande, aucun échange d'argent ne s'opère
entre l'internaute et l'entreprise. Cependant, la donnée personnelle
acquiert de la valeur dans le modèle économique de Google Inc.,
basé sur la publicité ciblée, et l'on peut dire que cette
donnée devient une monnaie d'échange. Une logique de don passif
s'opère entre l'utilisateur et l'entreprise, l'utilisateur devenant
alors le produit de Google Inc., revendu aux annonceurs.
Par la suite, j'ai pu montrer que les utilisateurs de Google
Inc. étaient conscients de cet échange, et de leur place de
produit dans le système de Google Inc. Grâce à l'analyse
des réponses à un questionnaire Ð élaboré
grâce aux services gratuits de Google Inc. !-, j'ai pu montrer que les
utilisateurs étaient dérangés par l'usage de leurs
données personnelles par l'entreprise. De plus, les utilisateurs sont
également conscients de participer à l'enrichissement de
l'entreprise, et à l'amélioration de ses services, condition pour
recruter toujours plus d'utilisateurs pour l'entreprise. L'utilisateur est donc
à la fois produit et producteur de la richesse de Google Inc. Il est
intéressant de noter que malgré cette conscience accrue des
utilisateurs et le fait qu'ils n'approuvent pas ces pratiques, aucune
stratégie de repli n'est envisagée, et aucun moyen de changement
(payer ou se faire payer) n'est réellement envisagée
Enfin, j'ai choisi de disséquer la stratégie de
communication corporate de Google Inc., en analysant trois discours
produits par l'entreprise, afin de montrer l'idéologie humaniste de
Google Inc., qui sert à rassurer et à tisser une relation de
confiance avec ses utilisateurs. En effet, l'entreprise met en place une
idéologie basée sur la mise en forme du monde pour le bien de
tous, et au service de l'internaute, sans mentionner la mise en forme de
l'individu qui s'opère également par ces mêmes
procédés. De plus, Google Inc. se positionne comme une entreprise
qui veut du bien à l'humanité, et qui cherche à se lier de
confiance comme une personne physique avec les internautes.
Ainsi, l'utilisateur, en tant que produit de données et
producteur de données, se place alors au coeur de
l'écosystème bâti par Google Inc., basé sur la
gratuité publicitaire. Ce rôle le place au coeur de relations
d'échanges complexes, d'ordre économique, social et
communicationnel, qui ont pour seul but d'augmenter le nombre d'utilisateurs
des services de Google Inc. pour accroître le chiffre d'affaires de
l'entreprise.
83
En ce qui me concerne, cette notion de gratuité que
j'ai pu analysée durant ce mémoire m'a fait perdre confiance en
l'entreprise Google Inc. Cependant, je continue d'utiliser ses
différents services car les coûts de recherche et de migration
vers un service différent sont trop élevés.
Je pourrais donc conclure en effectuant plusieurs
recommandations, à l'égard de Google Inc. et de ses utilisateurs,
concernant l'utilisation et l'exploitation des données personnelles de
ses utilisateurs.
Les utilisateurs de Google Inc. attendent de l'entreprise
qu'elle leur fournisse des services de qualité et gratuits. Mais ils
attendent également du respect, de la connaissance et du savoir pour les
aider à conduire leur vie, comme peut le faire un service de Google Inc.
Ainsi, pour pallier au manque de confiance dont Google Inc. est à la
recherche constante, l'entreprise pourrait partager les informations qu'elle
détient sur ses utilisateurs, et les décisions induites par cette
information. La symétrie d'information entre l'utilisateur et
l'entreprise serait la clé d'une confiance durable.
En ce qui concerne les utilisateurs qui ont un avis
négatif sur la collecte de leurs données personnelles par
l'entreprise, mais qui continuent d'utiliser les différents services
qu'elles proposent, les solutions alternatives doivent leur être
proposées, afin qu'ils puissent choisir entre différents
services. Si la plupart trouvent que les services équivalents, qui sont
respectueux de leurs données personnelles (comme les moteurs de
recherche DuckDuckGo ou Ecosia), ne sont pas aussi efficaces, une
troisième proposition alternative pourrait leur être
proposée : le navigateur Tor (The Onion Router), qui permet
d'anonymiser le comportement et la connexion des internautes grâce
à un protocole technique différent.
En effet, je recommanderais avant tout, la formation des
individus aux procédés techniques de collecte et de traitement
exécutés par des entreprises comme Google Inc., ainsi que la mise
en visibilité des alternatives au « conglomérat
numérique » qu'est Alphabet, afin de laisser le choix, en toute
connaissance de cause aux internautes.
84
Ici, l'enjeu devient « d'outiller les individus en
informations, en moyens d'analyse et de compétences, pour en faire usage
à leurs propres fins »120, ou simplement savoir ce
qu'une entreprise surveille et collecte, afin de redonner un pouvoir
d'information et de liberté à l'individu.
120 KAPLAN E. & FRANCOU R. « Les règles de la
confiance sur Internet », le Monde.fr, le 18 mars 2011. Disponible :
http://www.lemonde.fr/technologies/article/2011/03/18/les-regles-de-la-confiance-sur-internet
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85
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gratuit, Ed. Pearson, coll. Economie/nouvelles technologies, 2009.
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CHIGNARD Simon & BENYAYER Louis-David, Datanomics, Les
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« Entreprendre - Développement professionnel », 2015.
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(Consulté le 12 juin 2015)
90
« L'affaire Google », Enjeux Les Echos, n°318,
Mars 2015
91
Table des annexes
Annexe 1 : Questionnaire
Annexe 2 : Les dix principes fondamentaux de
Google Inc.
Annexe 3 : Conditions d'Utilisation de Google
Inc.
Annexe 4 : Réponses relatives à la
confidentialité et à la sécurité
2,50%
1,90%
6,25%
4,40%
Âge
8,10%
60,00%
15-20 ans 20-30 ans 30-40 ans 40-50 ans 50-60 ans Plus de
60 ans
92
Annexe 1 : Questionnaire
Disponible à cette adresse :
https://docs.google.com/forms/d/10D__MbPYVKRXtSLTzFQccP8aFi-FsR8j4Ch1vJAyx90/viewform?usp=send
form
1. Votre âge : Liste
déroulante (Question obligatoire)
15-20 ans
20-30 ans
30-40 ans
40-50 ans
50-60 ans
+ 60 ans
Cette question me permet de comprendre si l'utilisation de
Google et la compréhension de son business model sont spécifiques
à une certaine tranche d'âge.
5,60%
3,10%
5,00%
5,00%
4,40%
36,30%
6,30%
Situation professionnelle
18,10%
17,50%
Etudiant en communication/ marketing
Etudiant dans une autre filière
Lycéen
Fonctionnaire
Professionnel de la communication/marketing
Retraité
Salarié
Sans activité
93
2. Votre situation professionnelle : Choix unique
(Question obligatoire)
Etudiant en communication/marketing
Etudiant dans une autre filière
Lycéen
Fonctionnaire
Professionnel de la communication/marketing numérique
Salarié
Retraité
Sans activité
Autre
J'ai choisi de différencier les sondés
exerçant dans le domaine de la communication et du marketing, pour
comprendre si ces catégories professionnelles ont des réponses
spécifiques par rapport à l'utilisation de leurs données
personnelles par Google, et à la gratuité des services de
l'entreprise. Je suppose que les professionnels et étudiants en
communication sont plus sensibles à ces sujets, et répondent
« Oui » aux questions 9a., 11a., et 12a.
Google est gratuit pour les utilisateurs
25,60%
74,40%
OUI NON
94
3. Pensez-vous que Google et ses
différents services (moteurs de recherche,
messagerie, stockage en ligne, etc.) sont gratuits pour les
utilisateurs ? Choix unique (Question obligatoire)
Oui Non
Placé en premier dans le questionnaire, cette question
permet de savoir comment les internautes comprennent le sens du terme «
gratuit », sans être influencés par les autres questions.
95
4. Utilisez-vous les services de Google ?
Choix unique (Question obligatoire) Oui
Non
Selon la réponse à cette question, deux
questionnaires différents sont proposés aux sondés.
95% des sondés utilisent Google
3,80%
96,20%
Oui NON
5a. Possédez-vous un compte Google ? Un compte Google vous
permet
d'accéder à des produits Google, tels que Gmail,
Google +, Youtube et bien d'autres avec un nom d'utilisateur et un mot de passe
unique. Choix unique (Question obligatoire)
Oui
Non
A cette question, je suppose que les utilisateurs de Google ne
sont pas tous avertis que l'inscription à Youtube, ou à un compte
de messagerie électronique suppose la création automatique d'un
compte Google.
La définition du compte Google est celle donnée par
Google Inc. sur son Centre d'aide121.
.
121 « Centre d'aide Comptes Google »,
https://support.google.com/accounts/answer/27441?hl=fr
(consulté le 1er juillet 2015)
Taux de sondés possédant un
compte
Google
7,10%
92,90%
Oui Non
96
97
6a. Quels services de Google Inc. utilisez-vous ? Choix
multiples (Question
obligatoire)
Le moteur de recherche Google
Gmail (service de messagerie électronique)
Google Drive (Google Docs, Google Forms, Google Photos etc.)
Google + (réseau social
Youtube (plateforme de vidéos)
Google Maps
Autre
Cette question vise à savoir comment les sondés
utilisent les différents services de Google Inc. Malgré les 51
services que la firme propose, je n'ai choisi d'en citer que 6 : j'ai
basé mon étude de cas que sur les principaux services de Google
Inc. soit le moteur de recherche et Gmail, des services qui se servent des
données des utilisateurs et de la publicité ciblée pour
faire du profit économique.
Quels sont les services de Google utilisés
par ses utilisateurs ?
14,30%
56,50%
68,80%
1,30% 1,30%
78%
95,50%
Le moteur de recherche
Gmail
Google Drive
Google +
Youtube
Google Calendar
Blogpost
98
7a. Vous utilisez le moteur de recherche Google parce que :
Choix multiples
(Question obligatoire)
Il est installé par défaut sur votre navigateur
Vous trouvez que les résultats des autres moteurs de
recherche ne sont pas
aussi pertinents
Tout le monde l'utilise, c'est standardisé
Il est facile d'utilisation
Autre
Ma recherche étant centrée sur le moteur de
recherche Google, j'ai choisi de cibler cette question sur ce service de Google
Inc. Les sondés peuvent cocher plusieurs réponses.
Cette question vise à comprendre la motivation des
sondés quant à l'utilisation du Google.
Raisons des utilisations du moteur de recherche de
Google
Il est facile d'utilisation
Tout le monde l'utilise, c'est standardisé
Les résultats des autres moteurs de recherche ne sont pas
aussi pertinents
Il est installé par défaut sur le navigateur
L'habitude
3,2%0
30,50%
72,10%
58,40%
32,00%
3 sondés citent le design et l'esthétisme du moteur
du recherche.
2 sondés citent l'interopérabilité ?
2 sondés citent l'efficacité et la rapidité
du moteur de recherche.
1 sondé dit utiliser le moteur de recherche de Google
notamment car il ne connaît pas d'autres
alternatives
1 sondé cite la personnalisation des requêtes.
99
8a. Avez-vous lu les conditions d'utilisation de Google Inc.
avant d'utiliser les
services que l'entreprise propose ? Choix unique
(Question obligatoire)
Oui Non
Cette question vise à savoir si les utilisateurs des
services de Google Inc. sont des utilisateurs conscients des règles
d'utilisation des services de l'entreprise.
Les utilisateurs sont conscients des conditions
d'utilisation de leurs données
personnelles
10,40%
OUI NON
89,60%
9a. Est-ce que la collecte et le traitement de vos
données personnelles par une organisation privée (type Google
Inc, Amazon, etc.) à des fins commerciales est quelque chose qui vous
dérange ? Choix unique (Question obligatoire)
Oui
Non
Dans cette question, j'ai choisi
délibérément de mentionner des organisations
privées, pour faire la part entre organisation publique (gouvernement,
agence d'état, etc.) et organisation privée, pour les
sondés. J'ai également choisi de mentionner Google Inc et Amazon
comme exemples d'organisation privée, pour induire le fait que Google
Inc. collecte, exploite et stocke les données personnelles de ses
utilisateurs à des fins commerciales. En fonction de
100
cette réponse, et des réponses aux prochaines
questions peut permettre de définir un profil d'utilisateur de services
gratuits, type Google.
Les utilisations se sentent concernés
et dérangés par l'utilisation de leurs
données personnelles par une organisation privée
10a. Si oui, pourquoi utilisez-vous les services de Google ?
Choix multiples (Question non obligatoire)
C'est le prix à payer pour un service gratuit
Les autres services similaires, qui préservent les
données personnelles des utilisateurs, ne sont pas aussi pertinents et
efficaces
Vous souhaitez avoir accès à des services
personnalisés et adaptés à vos besoins
Autre :
Cette question n'est pas obligatoire, car seuls les
sondés qui ont répondu « Oui » à la question 9a.
sont susceptibles de répondre à cette question.
Cette question vise à comprendre le comportement des
utilisateurs des services de Google Inc., qui conscients et
dérangés par la collecte et l'exploitation de leurs
données personnelles par Google Inc., utilisent quand même ces
services.
Raisons d'utilisation de Google alors que
les utilisateurs sont dérangés par la collecte
de données qui est faîte.
9% 5,40%
14,40%
53,20%
34,20%
C'est le prix à payer pour un service gratuit
Les autres services ne sont pas aussi performants
Je souhaite avoir accès à des services
personnalisés
Aucun service similaire à celui de Google ne peut
protéger mes données
Par habitude et facilité
101
4 104 personnes ont répondu « Oui » à la
question
9a. et 111 personnes ont répondu
à cette question.
10,8% de résultats « Autres
»
2. 2 citent l'obligation d'utiliser les services de Google
pour le travail « Quand tout le monde utilise Google Calendar, je n'ai pas
le choix »
3. 3 sondés disent « ne pas avoir vraiment le
choix », se sentent « pris aux piège » par leurs
habitudes d'utilisation.
4. 1 sondé ne connaît pas d'alternatives aux
services de Google et au moteur de recherche.
5. 3 sondés utilisent Google « par flemme » et
pensent que « de toute façon, il a mes données personnelles
»
6. 2 sondés ne savent pas, et ne se sont pas posé
la question.
102
11a. Êtes-vous d'accord avec l'affirmation suivante :
« Google Inc. propose des
services gratuits car vous lui fournissez vos données
personnelles » ? Choix
unique (Question obligatoire)
Oui
Non
Aucun avis
Cette question vise à estimer la compréhension
du modèle d'affaire de Google Inc. par ses utilisateurs, et de savoir
s'ils sont des utilisateurs conscients ou non par rapport à
l'utilisation de leurs données personnelles qui est faîte par
Google Inc.
Les utilisateurs considèrent que les
services de Google sont gratuits car ils lui fournissent des
données personnelles
OUI
NON
Aucun Avis
24,60%
47,40%
28%
Je suppose que les sondés qui ont répondu «
Oui » à la question 9a. vont répondre « Oui »
à cette question.
12a. Seriez-vous prêt à payer une somme d'argent
pour accéder à des services
équivalents à ceux que propose Google Inc. pour
que vos données personnelles ne soient pas utilisées à des
fins commerciales ? Choix unique (Question obligatoire)
Oui
Non
Cette question permet de comprendre si les utilisateurs
accordent de la valeur à leurs données personnelles et aux
services de Google Inc., qui sont par défaut gratuits.
Je suppose qu'une part des sondés professionnels de la
communication/marketing numérique vont répondre « Oui »
à cette question. Je suppose que les étudiants, lycéens et
les sondés sans activités vont répondre « Non »,
en raison de leur faible pouvoir d'achat.
Les utilisateurs ne veulent pas payer pour un
service similaire, protecteur de leur
données
20,20%
79,80%
OUI NON
13a. Si oui, combien seriez-vous prêt à payer
mensuellement ? Champ libre (Question non obligatoire)
31 personnes ont répondu « Oui » à la
question 11a., tandis que seules 20 ont répondu à cette
question.
103
31 personnes ont répondu « Oui »
7.
104
30% des sondés disent vouloir payer entre 5 et 10 euros
par mois, soit « un prix équivalent à un abonnement de
téléphonie mobile ».
8. 25% seraient prêt à payer 5 euros par mois.
9. 20% seraient prêt à payer 2 euros par mois.
10. 10% seraient prêt à payer une somme entre 10 et
20 euros.
Si les utilisateurs ont répondu « Non »
à la question 4 :
5b. Quel moteur de recherche utilisez-vous ? Choix
unique (Question
obligatoire)
Yahoo
Bing
DuckDuckGo
Autre :
Ma recherche portant principalement sur le moteur de
recherche Google, cette question vise à savoir quelles sont les
alternatives utilisée par les sondés qui n'utilisent pas
Google.
11. 2 sondés utilisent BING.
12. 4 ont déclaré utiliser le moteur de recherche
de Google.
6b. Pourquoi n'utilisez-vous par les services de Google Inc.
? Choix multiples
(Question obligatoire)
Vous ne les trouvez pas efficaces et pertinents
Vous ne voulez pas que Google Inc. ait accès à vos
données personnelles
Je n'en ai jamais eu besoin
Autre :
Cette question vise à comprendre quelles sont les
raisons des sondés pour ne pas utiliser les services de Google Inc. et
notamment son moteur de recherche, alors que son utilisation en France
dépasse les 94% de part de marché.
13. 3 sondés répondent « Je n'en ai jamais eu
besoin »
14. 3 répondent « Je ne veux pas que Google ait
accès à mes données personnelles ».
105
7b. Est-ce que la collecte et le traitement de vos données
personnelles par une
organisation privée (type Google Inc., Amazon, etc.)
à des fins commerciales
est quelque chose qui vous dérange ? Choix unique
(Question obligatoire)
Oui Non
Cette question est la même que la question 9a.
posée aux sondés ayant répondu qu'ils utilisaient les
services de Google Inc. Elle permet de déterminer la sensibilité
des internautes à l'utilisation commerciale de leurs données
personnelles.
Je suppose que les sondés qui ont répondu «
Non » à la question 4 vont répondre « Oui »
à cette question.
15. 4 sondés ont répondu « Oui »
16. 2 ont répondu « Non »
8b. Êtes-vous d'accord avec l'affirmation suivante :
« Google Inc. propose des services gratuits car vous lui fournissez vos
données personnelles » ? Choix unique (Question
obligatoire)
Oui
Non
Aucun avis
Cette question est la même que la question 11a.
posée aux sondés ayant répondu qu'ils utilisaient les
services de Google Inc., pour comprendre si les internautes sont conscients ou
non de l'utilisation des données personnelles qui est faîte par
Google Inc.
Je suppose que les sondés qui ont répondu
« Non » à la question 4 vont répondre « Oui »
à cette question.
17. 4 ont répondu « Oui »
18. 1 a répondu « Non »
19. 1 a répondu « Aucun avis »
106
9b. Seriez-vous prêt à accepter une somme d'argent
de la part de Google Inc.
pour que l'entreprise puisse collecter, exploiter et stocker
vos données personnelles ? Choix unique (Question
obligatoire)
Oui Non
Cette question est une variante de la question 12a.
posée aux sondés ayant répondu « Oui » à
la question 4. Elle permet de comprendre si les utilisateurs accordent de la
valeur à leurs données personnelles
Je suppose qu'une part des sondés professionnels de la
communication/marketing numérique vont répondre « Oui »
à cette question.
20. 1 sondé a répondu « Oui »
21. 5 ont répondu « Non »
10b. Si oui, quelle somme seriez-vous prêt à
percevoir de la part de Google Inc. pour la collecte et l'exploitation de vos
données personnelles ?
22. 10 euros par mois.
Après ces deux séries de questions
différentes selon les réponses à la question 4, les
sondés arrivent sur une nouvelle page de questionnaire, qui leur est
commune.
107
5. Êtes-vous d'accord avec l'affirmation
suivante : « En utilisant les services de
Google Inc. et en lui fournissant vos données
personnelles, vous participez à l'augmentation de son chiffre
d'affaires. » ? Choix unique (Question obligatoire)
Oui Non
Aucun avis
Les sondés pensent que Google Inc. tirent ses
bénéfices de l'exploitation des données personnelles
des utilisateurs
OUI NON
Aucun avis
16,30%
62,50%
21,30%
Cette question permet de savoir si les sondés sont
conscients d'être créateur et producteur de richesse pour Google
Inc.
108
6. Êtes-vous d'accord avec l'affirmation
suivante : « En utilisant les services de
Google Inc. et en lui fournissant vos données
personnelles, vous participez à l'amélioration technique de ses
services (pertinence du moteur de recherche, publicité ciblée,
etc.) » ? Choix unique (Question obligatoire)
Oui
Non
Aucun avis
Les sondés pensent que leurs
données améliorent les services de Google
OUI NON
Aucun avis
7,50%
14,40%
78,10%
Cette question permet de savoir si les sondés sont
conscients d'être co-producteurs du service de Google : s'ils n'utilisent
pas Google, ses services ne seraient pas aussi performants qu'ils le sont
aujourd'hui, et la part de marché de Google Inc. serait moins
importante.
109
7. Êtes-vous d'accord avec l'affirmation
suivante : « Le service est gratuit, je suis
le produit » ? Choix unique (Question
obligatoire)
Oui Non
Aucun avis
Les sondés sont d'accord avec
l'affirmation "Le service est gratuit, je suis le produit".
OUI
NON
Aucun Avis
21,30%
16,60%
62,50%
Cette question me permet de savoir si les sondés
connaissent cette expression, et s'ils se sentent les produits de Google
Inc.
110
Annexe 2 : Les 10 principes fondamentaux de Google
Inc. Disponible :
https://www.google.fr/intl/fr/about/company/philosophy/
Nous avons rédigé cette liste quelques
années après la création de Google. Nous la mettons
régulièrement à jour afin qu'elle soit toujours
d'actualité, et espérons que vous la trouverez pertinente.
1. Recherchez l'intérêt de l'utilisateur ; le reste
suivra.
Depuis sa création, la société Google
s'efforce d'offrir aux internautes la meilleure expérience utilisateur
possible. Lorsque nous concevons un nouveau navigateur Internet ou lorsque nous
apportons un plus à l'aspect de notre page d'accueil, c'est
votre confort que nous cherchons à satisfaire, et non
un quelconque objectif interne, ni les exigences de résultats de la
société. L'interface est simple et claire, et les pages se
chargent instantanément. L'intégration dans les résultats
de recherche n'est pas monnayable, et la publicité doit non seulement
être clairement annoncée, mais doit aussi être en rapport
avec le contenu. Et lorsque nous créons des outils et applications, nous
visons un fonctionnement impeccable, pour éviter une quelconque remise
en cause.
2. Mieux vaut faire une seule chose et la faire bien
Notre coeur de métier est la recherche sur Internet.
Grâce à une équipe de recherche et développement
entièrement dédiée à la résolution des
problèmes de recherche, nous continuons à nous consacrer à
notre métier premier et au perfectionnement des techniques que nous
avons mises au point. En persévérant, nous réussissons
à résoudre des problèmes complexes, et nous continuons
d'améliorer notre service simple et rapide de recherche d'informations
destiné à des millions d'internautes. Nos efforts nous ont
déjà permis d'intégrer notre savoir-faire dans de nouveaux
produits, notamment Gmail et Google Maps. Et nous souhaitons poursuivre cet
effort en appliquant la puissance de notre technologie de recherche à
des terrains encore inexplorés afin de permettre aux utilisateurs
d'accéder à la masse toujours croissante d'informations
disponibles dans le monde.
3. Toujours plus vite
Vous avez besoin de réponses et vous les voulez
maintenant. Nous ne pouvons qu'acquiescer. Google est probablement la seule
société au monde dont l'objectif avoué est de faire en
sorte que ses visiteurs quittent son site aussi vite que possible. En
éliminant le moindre bit de
111
donnée superflu de nos pages et en optimisant le
traitement des résultats, nous avons battu nos propres records de
vitesse à de multiples reprises, jusqu'à réduire à
une fraction de seconde le temps de réponse moyen pour obtenir un
résultat de recherche. La rapidité est au coeur de chacun de nos
produits, qu'il s'agisse d'applications mobiles ou du navigateur Google Chrome,
dont la rapidité est adaptée au Web moderne. Google ne cesse de
rendre son système encore plus rapide.
4. La démocratie sur le Web fonctionne
La recherche Google fonctionne, car sa technologie fait
confiance aux millions d'internautes qui ajoutent des liens sur leur site Web
pour déterminer la valeur du contenu d'autres sites. Nous
évaluons l'importance de chaque page Web à partir de plus de 200
critères et de diverses techniques, dont notre algorithme breveté
PageRank qui détermine les sites "élus" comme les meilleures
sources d'information via d'autres pages du Web. Cette technique se
perfectionne à mesure que le Web se développe, car chaque nouveau
site constitue un nouveau point d'information et un nouveau vote à
comptabiliser. Dans la même veine, nous participons activement au
développement de logiciels Open Source, pour lesquels l'innovation
résulte de l'effort collectif d'un grand nombre de programmeurs.
5. Vous n'êtes pas toujours au bureau lorsque vous vous
posez une question
Le monde est de plus en plus mobile, et les internautes
veulent avoir instantanément accès à l'information,
indépendamment de leur situation géographique. Nous créons
des technologies et proposons de nouvelles solutions pour services mobiles qui
permettent aux utilisateurs du monde entier de réaliser toutes sortes de
tâches sur leur téléphone : e-mail, agenda, vidéos,
sans parler des nombreuses manières d'accéder à la
recherche Google sur un téléphone. En outre, nous espérons
offrir encore plus d'innovation aux utilisateurs mobiles du monde entier avec
Android, une plate-forme mobile Open Source gratuite. Android reflète
l'ouverture qui a modelé Internet dans l'univers mobile. Cette
plate-forme profite à la fois aux consommateurs, qui disposent d'un
choix plus étendu et de nouvelles expériences mobiles innovantes,
et aux opérateurs, fabricants et développeurs auxquels elle offre
des opportunités de revenus.
6. Il est possible de gagner de l'argent sans vendre son
âme au diable
Google est une entreprise. Les revenus
générés par la société proviennent de la
technologie de recherche qu'elle offre à d'autres
sociétés, et de la vente de publicités diffusées
sur Google et sur d'autres sites du Web. Des centaines de milliers d'annonceurs
à travers le monde utilisent
112
AdWords pour promouvoir leurs produits, et des centaines de
milliers d'éditeurs profitent de notre programme AdSense pour diffuser
des annonces en rapport avec le contenu de leur site. Pour nous assurer de
répondre aux besoins de tous nos utilisateurs (qu'ils soient ou non
annonceurs), nous avons défini un ensemble de principes relatifs
à nos programmes et à nos pratiques publicitaires :
- Google n'autorise la diffusion d'annonces sur ses pages de
résultats que si ces annonces sont en lien direct avec les
résultats obtenus. Google croit fermement que les annonces peuvent
fournir des informations utiles si, et seulement si, elles ont un rapport avec
l'objet des recherches qui sont effectuées. Il est donc possible que
certaines recherches ne déclenchent aucune diffusion d'annonces.
- Nous pensons que la publicité peut être
efficace sans être envahissante. Google n'accepte pas les
publicités sous forme de fenêtres pop-up, qui gênent la
lisibilité des pages consultées. Nous avons constaté que
les annonces textuelles ciblées permettaient d'obtenir un taux de clics
supérieur aux annonces diffusées de façon
aléatoire. Tout annonceur, quelle que soit son envergure, peut tirer
parti de ce moyen de communication permettant de cibler une audience de
manière très précise.
- Sur Google, pour ne pas compromettre
l'intégrité des résultats de recherche, les
publicités sont toujours clairement identifiées comme "liens
commerciaux". Nous ne manipulons jamais les classements pour favoriser nos
partenaires dans les résultats que nous fournissons, et personne ne peut
payer pour obtenir un meilleur classement PageRank. Nos utilisateurs font
confiance à l'objectivité de Google et rien ne pourrait justifier
la remise en cause de cette confiance.
7. La masse d'informations continue de croître
Après avoir indexé plus de pages HTML sur
Internet que n'importe quel autre service de recherche, nos ingénieurs
se sont tournés vers les informations qui ne sont pas directement
accessibles. Dans certains cas, il s'agissait simplement d'intégrer de
nouvelles bases de données en ajoutant, par exemple, des
fonctionnalités de consultation de numéros de
téléphone ou d'adresses, et un annuaire professionnel. Dans
d'autres, il a fallu faire preuve d'un peu plus de créativité en
ajoutant, par exemple, la possibilité de rechercher parmi des archives
d'actualité, des brevets, des publications académiques, des
milliards d'images et des millions de livres. Et nos chercheurs continuent
d'explorer de nouvelles possibilités d'offrir toutes les informations
disponibles dans le monde aux utilisateurs à la recherche d'une
réponse à leurs questions.
8. 113
Le besoin d'informations ne connaît aucune
frontière
Notre société a été fondée
en Californie, mais notre mission consiste à faciliter l'accès
aux informations dans le monde entier et dans toutes les langues. C'est
pourquoi nous avons des bureaux dans plus de 60 pays, nous gérons plus
de 180 domaines Internet, et nos résultats de recherche sont transmis,
dans plus de 50 % des cas, à des personnes vivant hors des
États-Unis. L'interface de recherche Google est disponible dans plus de
130 langues, et les internautes ont la possibilité de restreindre les
résultats de recherche à leur propre langue. Google s'efforce de
mettre à disposition tous ses produits et applications dans le plus
grand nombre possible de langues et de formats accessibles. Grâce
à nos outils de traduction, les internautes peuvent découvrir des
contenus rédigés à l'autre bout du monde dans des langues
qu'ils ne parlent pas. Ces outils et l'aide de traducteurs
bénévoles ont permis d'améliorer considérablement
la diversité et la qualité des services que nous sommes en mesure
de proposer, même auprès des utilisateurs des régions les
plus reculées de la planète.
9. On peut être sérieux sans porter de cravate
Nos fondateurs ont bâti Google autour d'une idée
simple : le travail doit représenter un défi, et le défi
doit être amusant. Pour stimuler la créativité, nous
pensons culture d'entreprise. Mais cette culture ne se résume pas aux
lampes magma et aux balles rebondissantes. Nous mettons l'accent sur les
réalisations d'équipe et sur la fierté de
l'accomplissement individuel qui contribue à notre réussite
générale. Nous misons beaucoup sur nos employés, des
personnes énergiques et passionnées, aux parcours divers et ayant
une approche créative du travail, du jeu et de la vie. Chez Google,
l'ambiance est certes détendue, mais chaque nouvelle idée qui
émerge dans la file d'attente de la cafétéria, lors d'une
réunion d'équipe ou dans la salle de sport est
évaluée, testée et mise en pratique à une allure
phénoménale. Et ces idées peuvent devenir la plate-forme
de lancement de nouveaux projets destinés aux utilisateurs du monde
entier.
10. Il faut toujours aller de l'avant
Google ne considère pas le fait d'être le
numéro un comme une fin en soi, mais plutôt comme un point de
départ. Nous nous fixons des objectifs que nous pensons inatteignables,
dans le but de nous dépasser. Par l'innovation et la
persévérance, nous partons de quelque chose qui fonctionne bien
pour y apporter des améliorations parfois inattendues. Par exemple,
lorsque
114
l'un de nos ingénieurs s'est demandé comment se
comportaient les recherches en cas de fautes de frappe, il a créé
un vérificateur orthographique intuitif et plus efficace.
Même si vous ne savez pas exactement ce que vous
recherchez, c'est notre rôle de trouver une réponse sur le Web, et
pas le vôtre. Nous nous efforçons d'anticiper les besoins
naissants des internautes, à l'échelle internationale, afin d'y
répondre par des produits et des services qui s'imposent rapidement
comme les standards du marché. Lors de son lancement, Gmail offrait plus
d'espace de stockage que n'importe quel autre service de messagerie.
Aujourd'hui, ce type d'offre semble banal, puisque le stockage de la messagerie
répond à de nouveaux standards. C'est ce type d'accomplissement
que nous voulons réaliser, et nous recherchons en permanence de
nouvelles opportunités de changer les choses. Ce refus constant de
l'ordre établi est en fin de compte notre véritable force.
115
Annexe 3 : Conditions d'utilisation de Google
https://www.google.com/intl/fr/policies/terms/
Date de la dernière modification : 14 avril 2014
Bienvenue sur Google !
Merci d'avoir choisi nos produits et services (les «
Services »). Les Services sont fournis par la société Google
Inc. (ci-après « Google »), sise au 1600 Amphitheatre Parkway,
Mountain View, CA 94043, États-Unis.
L'utilisation de nos Services implique votre acceptation des
présentes Conditions d'Utilisation. Nous vous invitons à les lire
attentivement.
Nos Services sont très variés : il se peut donc
que des conditions additionnelles ou particulières à certains
Services (p. ex. des conditions de limite d'âge) s'appliquent. Ces
conditions additionnelles seront mises à votre disposition avec les
Services concernés. Si vous choisissez d'utiliser ces Services, vous
acceptez que ces conditions additionnelles fassent alors également
partie de votre engagement contractuel avec nous.
Utilisation de nos Services
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que vous utilisez.
N'utilisez pas nos Services de façon impropre. Ne
tentez pas, par exemple, de produire des interférences avec nos Services
ou d'y accéder en utilisant une méthode autre que l'interface et
les instructions que nous mettons à votre disposition. Vous ne devez
utiliser nos Services que dans le respect des lois en vigueur, y compris les
lois et réglementations applicables concernant le contrôle des
exportations et ré-exportations. Nous pouvons suspendre ou cesser la
fourniture de nos Services si vous ne respectez pas les conditions ou
règlements applicables, ou si nous examinons une suspicion d'utilisation
impropre.
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droit de propriété intellectuelle sur nos Services ni sur les
contenus auxquels vous accédez. Vous ne devez utiliser aucun contenu
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confèrent pas le droit d'utiliser une quelconque marque ou un quelconque
logo présent dans nos Services. Vous n'êtes pas autorisé
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116
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Google. Ces contenus relèvent de l'entière responsabilité
de l'entité qui les a rendus disponibles. Nous pouvons être
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signifie pas nécessairement que nous vérifions les contenus.
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d'auteur
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expliquent comment nous traitons vos données à caractère
personnel et protégeons votre vie privée lors de votre
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117
utilisant nos Services, vous acceptez que Google puisse
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présumée aux droits d'auteur et désactivons les comptes
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loi américaine dénommée « Digital Millennium
Copyright Act ».
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propriété intellectuelle en ligne. Si vous pensez qu'un
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trouverez également des informations sur les règles
appliquées par Google concernant la réponse à de telles
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Vos contenus et nos Services
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des contenus à ou à travers de nos Services, vous accordez
à Google (et à toute personne travaillant avec Google) une
licence, dans le monde entier, d'utilisation, d'hébergement, de
stockage, de reproduction, de modification, de création d'oeuvres
dérivées (des traductions, des adaptations ou d'autres
modifications destinées à améliorer le fonctionnement de
vos contenus par le biais de nos Services), de communication, de publication,
de représentation publique, d'affichage public ou de distribution
publique desdits contenus. Les droits que vous accordez dans le cadre de cette
licence sont limités à l'exploitation, la promotion ou à
l'amélioration de nos Services, ou au développement de nouveaux
Services. Cette autorisation demeure pour toute la durée légale
de protection de votre contenu, même si vous cessez d'utiliser nos
Services (par exemple, pour une fiche d'entreprise que vous avez ajoutée
à Google Maps). Certains Services vous proposent le moyen
d'accéder aux contenus que vous avez soumis à ce Service et de
les supprimer. Certains Services prévoient par ailleurs des conditions
ou des paramètres restreignant la portée de notre droit
d'utilisation des contenus que vous avez soumis aux Services en question.
Assurez-vous que vous disposez de tous les droits vous permettant de nous
accorder cette licence concernant les contenus que vous soumettez à nos
Services.
118
Nos systèmes automatisés analysent vos contenus
(y compris les e-mails) afin de vous proposer des fonctionnalités
pertinentes sur les produits, telles que des résultats de recherche
personnalisés, des publicités sur mesure et la détection
des spams et des logiciels malveillants. Cette analyse a lieu lors de l'envoi,
de la réception et du stockage des contenus.
Si vous disposez d'un compte Google, nous pouvons faire
apparaître le nom et la photo de votre profil, et toute activité
que vous exercez sur Google ou sur des applications tierces connectées
à votre compte Google (telles que les +1 que vous attribuez, les avis
que vous rédigez ou les commentaires que vous postez) au sein de nos
Services, y compris dans le cadre de la diffusion d'annonces ou dans d'autres
contextes commerciaux. Nous nous conformerons aux paramètres de partage
ou de visibilité que vous définissez dans votre compte Google.
Par exemple, vous pouvez définir vos paramètres pour que votre
nom et votre photo n'apparaissent pas dans une annonce.
Vous trouverez des informations additionnelles sur la
manière dont Google utilise et stocke les contenus dans les
Règles de confidentialité ou éventuellement dans les
conditions d'utilisation additionnelles associées à des Services
particuliers. Lorsque vous nous soumettez des réactions ou des
suggestions relatives à nos Services, nous sommes en droit de les
utiliser sans solliciter votre autorisation.
À propos des logiciels utilisés par ou
présents dans nos Services
Si un Service nécessite ou inclut l'utilisation d'un
logiciel téléchargeable, les mises à jour de ce logiciel
(nouvelles versions ou fonctionnalités) peuvent s'effectuer
automatiquement sur votre appareil. Certains Services vous permettent de
modifier vos paramètres de mise à jour automatique.
Google vous concède, à titre gratuit, une
licence personnelle, non-cessible, non-exclusive et pour le monde entier,
d'utilisation du logiciel qui vous est fourni par Google dans le cadre des
Services. Cette licence est exclusivement destinée à vous
permettre d'utiliser et de bénéficier des Services fournis par
Google, dans le respect des présentes Conditions d'Utilisation. Vous
n'êtes pas autorisé à copier, modifier, distribuer, vendre
ou louer une partie ou la totalité de nos Services ou des logiciels qui
en font partie. De même, vous n'êtes pas autorisé à
décompiler ou tenter d'extraire le code source de ces logiciels, hormis
dans les cas où le droit de décompilation est autorisé par
la loi et dans les limites édictées par cette loi, ou que vous
avez obtenu notre autorisation préalable écrite.
119
L'utilisation de logiciels Open Source est importante pour
nous. Certains des logiciels utilisés par nos Services peuvent
être proposés sous une licence Open Source que nous mettrons
à votre disposition. La licence Open Source peut contenir des
dispositions qui ont expressément priorité sur certaines de ces
conditions.
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Google n'a de cesse de modifier et d'améliorer ses
Services. Nous sommes donc susceptibles d'ajouter ou de supprimer des
fonctionnalités ou des fonctions, et il peut également arriver
que nous suspendions ou interrompions complètement un Service.
Vous pouvez cesser d'utiliser nos Services à tout
moment. Nous espérons cependant que vous continuerez de les utiliser.
Google est en droit de cesser de vous fournir tout ou partie des Services, ou
d'ajouter ou de créer de nouvelles limites à l'utilisation des
Services et ce, à tout moment.
Pour nous, vous restez propriétaire des données
que vous nous confiez et nous pensons qu'il est important que vous puissiez y
accéder. Si nous devons interrompre un Service, dans la mesure du
possible, nous vous en avertissons dans un délai raisonnable et vous
donnons la possibilité de récupérer des informations de ce
Service.
Garanties et clauses de non-responsabilité
Notre offre de Services est soumise à une obligation de
moyens, dans les limites de ce qui est commercialement raisonnable. Nous
espérons que vous trouverez plaisir à les utiliser. Nos Services
font cependant l'objet d'une limitation de garantie.
SAUF TEL QU'EXPRESSÉMENT PRÉVU PAR LES
PRÉSENTES CONDITIONS D'UTILISATION OU DES CONDITIONS D'UTILISATION
ADDITIONNELLES, NI GOOGLE, NI SES FOURNISSEURS OU DISTRIBUTEURS, NE FONT AUCUNE
PROMESSE SPÉCIFIQUE CONCERNANT LES SERVICES. PAR EXEMPLE, NOUS NE NOUS
ENGAGEONS AUCUNEMENT CONCERNANT LE CONTENU DES SERVICES, LES
FONCTIONNALITÉS SPÉCIFIQUES DISPONIBLES PAR LE BIAIS DES
SERVICES, LEUR FIABILITÉ, LEUR DISPONIBILITÉ OU LEUR
ADÉQUATION À RÉPONDRE À VOS BESOINS. NOUS
FOURNISSONS NOS SERVICES « EN L'ÉTAT ».
CERTAINES JURIDICTIONS N'AUTORISENT PAS L'EXCLUSION DE
CERTAINES GARANTIES, TELLES QUE LA GARANTIE IMPLICITE DE QUALITÉ
MARCHANDE,
120
D'ADÉQUATION À RÉPONDRE À UN USAGE
PARTICULIER ET DE CONFORMITÉ. DANS LES LIMITES PERMISES PAR LA LOI, NOUS
EXCLUONS TOUTE GARANTIE.
Responsabilité pour nos Services
DANS LES LIMITES PERMISES PAR LA LOI, GOOGLE, SES FOURNISSEURS
ET DISTRIBUTEURS, DÉCLINENT TOUTE RESPONSABILITÉ POUR LES PERTES
DE BÉNÉFICES, DE REVENUS OU DE DONNÉES, OU LES DOMMAGES ET
INTÉRÊTS INDIRECTS, SPÉCIAUX, CONSÉCUTIFS,
EXEMPLAIRES OU PUNITIFS.
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TOTALE DE GOOGLE, DE SES FOURNISSEURS ET DISTRIBUTEURS, POUR TOUTE
RÉCLAMATION DANS LE CADRE DES PRÉSENTES CONDITIONS D'UTILISATION,
Y COMPRIS POUR TOUTE GARANTIE IMPLICITE, EST LIMITÉE AU MONTANT QUE VOUS
NOUS AVEZ PAYÉ POUR UTILISER LES SERVICES (OU, SI TEL EST NOTRE CHOIX,
POUR QUE NOUS VOUS FOURNISSIONS À NOUVEAU CES SERVICES).
EN AUCUN CAS, GOOGLE, SES FOURNISSEURS ET DISTRIBUTEURS NE
SERONT TENUS RESPONSABLES POUR TOUTE PERTE OU DOMMAGE QUI N'AURAIT PAS
ÉTÉ RAISONNABLEMENT PRÉVISIBLE.
Utilisation de nos Services par une entreprise
Si vous utilisez nos Services pour le compte d'une entreprise,
cette dernière doit accepter les présentes Conditions
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Google, ses sociétés affiliées, ses agents et ses
salariés et les garantir contre toute réclamation, poursuite ou
action en justice résultant de ou liée à son utilisation
des Services ou faisant suite à une violation des présentes
Conditions d'Utilisation, y compris toute responsabilité et charge
financière résultant de réclamations, de pertes ou de
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prononcés, et des frais de justice et d'avocat afférents.
À propos de ces Conditions d'Utilisation
Nous sommes susceptibles de modifier ces Conditions
d'Utilisation ou toute autre condition d'utilisation complémentaire
s'appliquant à un Service, par exemple, pour refléter des
modifications de la loi ou de nos Services. Nous vous recommandons de consulter
régulièrement les Conditions d'Utilisation. Les modifications
apportées à ces Conditions
121
d'Utilisation seront signalées sur cette page. Nous
publierons un avis de modification des conditions d'utilisation additionnelles
dans le Service concerné. Les modifications ne s'appliqueront pas de
façon rétroactive et entreront en vigueur au moins quatorze (14)
jours après leur publication. Toutefois, les modifications
spécifiques à une nouvelle fonctionnalité d'un Service ou
les modifications apportées pour des raisons juridiques s'appliqueront
immédiatement. Si vous n'acceptez pas les modifications apportées
aux Conditions d'Utilisation d'un Service donné, vous devez cesser toute
utilisation de ce Service.
En cas de conflit entre ces Conditions d'Utilisation et des
conditions d'utilisation additionnelles, ce sont ces dernières qui
prévalent.
Ces Conditions d'Utilisation régissent votre relation
avec Google. Elles ne créent pas de droit pour des tiers
bénéficiaires.
Si vous ne respectez pas ces Conditions d'Utilisation et que
nous ne prenons pas immédiatement de mesure à ce sujet, cela ne
signifie pas que nous renonçons à nos droits (par exemple,
à prendre une mesure ultérieurement).
S'il s'avère qu'une condition particulière n'est
pas applicable, cela sera sans incidence sur les autres conditions de ces
Conditions d'Utilisation.
Les éventuels litiges liés aux présentes
Conditions d'Utilisation ou aux Services seront régis par les lois de
l'État de Californie, États-Unis, à l'exclusion des
règles de conflit de lois de cet État. Toute réclamation
liée aux présentes Conditions d'Utilisation ou aux Services
relèvera exclusivement de la juridiction des tribunaux
fédéraux ou des tribunaux d'État du comté de Santa
Clara, Californie, États-Unis. Google et vous-même acceptez par
les présentes de vous soumettre à la compétence de ces
tribunaux.
Pour toute information sur la procédure à suivre
pour contacter Google, veuillez consulter la page de prise de
contact.
122
Annexe 4 : Réponses relatives à la
confidentialité et à la sécurité
Disponible :
https://privacy.google.com/intl/fr_ALL/index.html
Nous gardons vos informations personnelles privées
et sécurisées. Vous seul en avez le contrôle.
Lorsque vous utilisez nos services, vous nous confiez vos
informations. Pour commencer, voyons ce que nous faisons avec vos
données :
Les données nous permettent de fournir des services
tels que le moteur de recherche Google, Gmail et Maps.
Elles nous permettent aussi d'afficher des publicités
pertinentes, grâce auxquelles nous pouvons proposer nos services
gratuitement à tous.
Sachez que nous ne vendons pas vos informations personnelles.
Et que vous contrôlez le type d'informations que nous
collectons et utilisons.
Enfin, personne n'est plus mobilisé que nous pour
assurer votre sécurité en ligne et celle de vos
données.
Quelles sont les données collectées par
Google ?
Les principaux types de données que nous collectons
sont basés sur ce que vous faites en utilisant nos services, comme le
compte avec lequel vous vous connectez ou les contenus que vous
créez.
Lorsque vous utilisez nos services, par exemple lorsque vous
effectuez une recherche sur Google, planifiez un itinéraire sur Google
Maps, ou regardez une vidéo sur YouTube, nous collectons des
informations en fonction de vos activités. C'est ce qui nous permet de
vous offrir de meilleurs services. Lorsque vous créez un compte Google,
nous retenons les informations principales de votre compte, comme votre nom,
votre e-mail et votre mot de passe. Nous conservons et protégeons les
contenus que vous créez avec nos services, de sorte que vous puissiez
toujours accéder à vos e-mails, photos, vidéos et
documents lorsque vous en avez besoin.
123
Nous mettons également à votre disposition des
outils pour contrôler le type de données que nous collectons et
utilisons.
Que fait Google avec les données collectées
?
En premier lieu, nous utilisons les données pour vous
offrir des services plus rapides, plus intelligents et plus utiles. Elles nous
permettent, par exemple, de vous offrir de meilleurs résultats de
recherche et des informations sur les conditions de circulation en temps
réel. Nous pouvons également analyser les tendances pour vous
protéger des logiciels malveillants, du hameçonnage et d'autres
activités suspectes. Par exemple, nous vous avertissons lorsque vous
essayez de consulter des sites Web dangereux. Enfin, nous utilisons les
données pour vous présenter de la publicité pertinente et
utile, et ainsi offrir des services gratuits pour tous.
Mes informations personnelles sont-elles vendues par
Google ?
Non, nous ne vendons pas vos informations
personnelles.
Nous utilisons certaines informations, telles que les
recherches que vous avez effectuées et votre position
géographique, pour améliorer la pertinence et l'utilité
des annonces que nous vous présentons. Grâce à la
publicité, tout le monde peut bénéficier de services
gratuits tels que la recherche Google, Gmail et Google Maps. Nous ne partageons
pas ces informations avec les annonceurs d'une manière pouvant vous
identifier personnellement, sauf si vous nous en donnez l'autorisation.
Grâce aux Paramètres des annonces, vous pouvez contrôler les
annonces qui s'affichent en fonction de vos centres d'intérêt et
de vos recherches.
Quels outils puis-je utiliser pour contrôler mon
expérience ?
Nous mettons à votre disposition des outils simples
d'utilisation pour vous permettre de contrôler votre
expérience.
Mon compte regroupe les outils pour gérer vos
informations et vos paramètres de confidentialité. Grâce
aux différents paramètres dans Commandes relatives à
l'activité, vous pouvez gérer le type de données que nous
recueillons, y compris pour la recherche Google, YouTube, ainsi que
l'historique de vos positions. Avec notre outil Paramètres des annonces,
vous pouvez contrôler les annonces par centres d'intérêt et
celles en lien avec les recherches que vous avez effectuées.
124
Comment mes informations sont-elles
protégées par Google ?
Si vos informations ne sont pas sécurisées,
elles ne sont pas privées. C'est pourquoi vous êtes
protégé par l'une des infrastructures les plus avancées au
monde en matière de sécurité lorsque vous utilisez nos
services.
La technologie Navigation sécurisée de Google,
qui protège plus d'un milliard de personnes, vous avertit lorsque vous
essayez de consulter un site susceptible de contenir un logiciel malveillant ou
de pratiquer l'hameçonnage. Le chiffrement garantit une meilleure
sécurité de vos informations lorsqu'elles sont transmises de
votre appareil à Google. La sécurité
intégrée à Gmail vous protège contre le spam,
l'hameçonnage et les logiciels malveillants mieux que tout autre service
de messagerie.
Que puis-je faire pour naviguer sereinement ?
Tous nos produits bénéficient d'un niveau de
sécurité avancé. Voici trois mesures simples mais
essentielles pour préserver la sécurité de vos
informations.
Vérifiez régulièrement vos
paramètres de sécurité pour vous assurer que votre compte
Google est toujours sécurisé. Cela ne prend que quelques minutes.
Créez un mot de passe sécurisé et ne l'utilisez que pour
votre compte Google. Ajoutez un numéro de téléphone mobile
à votre compte, pour que nous puissions confirmer votre identité
si vous êtes bloqué ou si nous soupçonnons que quelqu'un
d'autre essaie de se connecter à votre compte.
125
Résumé
« All information should be free »
clamaient les hackers dans leur éthique en 1984. Mais l'information sur
le web est-elle réellement gratuite pour les internautes ? Ne dit-on pas
« There is no such thing as free lunch » ?
Google Inc. (ou Alphabet), entreprise créée en
1998, propose des services gratuits pour les internautes, en passant par le
moteur de recherche Google, le service de messagerie électronique Gmail,
le stockage de fichiers en ligne... Tous ces services sont entièrement
gratuits pour l'utilisateur qui ne paye pas une somme d'argent à
l'entreprise en échange de l'utilisation de ces services. En revanche,
en utilisant ces services, l'internaute laisse derrière lui des traces,
des données personnelles qui permettent de l'identifier pour lui
proposer une information sur-mesure et de la publicité
ultra-ciblée, afin de le pousser à l'acte d'achat. Cet
échange de données contre services permet à Google Inc. de
se rémunérer et de gagner de l'argent tout en proposant des
services gratuits. Une logique de don et de contre-don s'opère entre ces
deux agents économiques, qui place l'utilisateur au sein d'un
écosystème de surveillance : chacun de ses gestes sont
surveillés pour lui proposer une information calibrée.
Ainsi, l'utilisateur des services est le produit de la
richesse de Google Inc., en devenant une monnaie d'échange entre
l'entreprise et les annonceurs. S'il se sait conscient de son rôle au
sein de cet écosystème, et s'il n'approuve pas cette place de
sujet passif qu'il occupe, l'utilisateur est également conscient de
participer à l'amélioration technique des services qui lui sont
proposés, par leur simple utilisation. Ainsi, l'internaute occupe une
place ambiguë dans l'écosystème de Google Inc. en
étant à la fois produit et producteur de la richesse de
l'entreprise. Pourtant cette place lui apparaît comme étant une
position néfaste ; son rôle de consommateur est transformé
pour devenir garant de la richesse d'une entreprise en échange de sa vie
privée.
Une crise de confiance est alors susceptible
d'apparaître entre l'utilisateur et Google Inc. qui a mis en place des
discours idéologiques et philosophiques pour rassurer l'utilisateur, et
conserver ce lien de confiance, sans lequel sa rentabilité n'est plus
assurée. Google Inc., centre de l'univers et bibliothèque de
savoir a pour ambition de mettre en forme le monde et ses habitants : à
quel prix ?
Mots-clés
126
Internet Gratuité Google Inc. Moteur de
recherche Données Traces Valeur Prix Web Gmail Publicité Attention Surveillance Economie Don Produit Producteur Utilisateur Google
127
|