§2. Tendance vers l'incrimination individuelle de
l'agression
Le Traité de Versailles prévoyait des
dispositions envisageant les poursuites contre Guillaume II (a), ex-Empereur
allemand. Plus tard, l'issue de la deuxième Guerre Mondiale sera
l'occasion de renforcer les acquis au moment de juger les grands criminels de
guerre Nazis par le Tribunal militaire international de Nuremberg (b).
a. Tentative de poursuite contre Guillaume II
L'établissement du nouvel ordre international issu de
la première guerre mondiale a fait que le droit à la guerre, en
tant que prérogative souveraine de l'Etat, soit remis en
cause40.
Le Traité de Versailles du 28 juin 191941
fixait à son article 231, le principe de la responsabilité de
l'Allemagne et de ses alliés pour avoir poursuivi une guerre d'agression
et prévoyait, à son article 227, la mise en accusation devant un
Tribunal international de Guillaume II, ex-Empereur allemand. Il était
accusé, d'une part, d'avoir déclenché une guerre injuste,
violant ainsi les traités établissant la neutralité de la
Belgique et du Luxembourg, d'autre part, de violations du droit de la guerre
issu de la coutume internationale et des conventions de la Haye.
L'article 227 de ce Traité disposait : « les
Puissances alliées et associées mettent en accusation publique
Guillaume II de Hohenzollern, ex-empereur d'Allemagne, pour offense
suprême contre la morale internationale et l'autorité
sacrée des traités. Un Tribunal spécial sera
constitué pour juger l'accusé en lui assurant les garanties
essentielles du droit de la défense. Il sera composé de cinq
juges, nommés par les cinq Puissances suivantes : les États-Unis
d'Amérique, la Grande Bretagne, la France, l'Italie et le Japon. Le
Tribunal jugera sur motifs inspirés des principes les plus
élevés de la politique entre les nations avec le souci d'assurer
le respect des obligations solennelles et des engagements internationaux ainsi
que la
39 B. BROMS, Op. cit., p. 332.
40M. DUMEE, Le crime d'agression, in H.
ASCENSIO, E. DECAUX et A. PELLET, droit international pénal,
Paris, Ed. A. PEDONE, 2000, p. 254.
41Traité de Paix de Versailles. Dans E. DAVID
et alii, Op.cit., pp. 366-373.
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morale internationale. Il lui appartiendra de
déterminer la peine qu'il estimera devoir être appliquée...
».
Néanmoins, les dispositions du Traité de
Versailles qui signalaient l'agression commise par l'Allemagne et qui rendaient
Guillaume II responsable, ne précisaient pas en quoi l'agression a
consisté, ni quels sont les actes constitutifs de cette agression qui
avaient permis de conclure à l'existence de l'infraction et à la
culpabilité et la responsabilité de Guillaume II. Ainsi,
qualifierait-on, la constatation de l'agression dans le traité de
Versailles d'un acte discrétionnaire d'un pouvoir politique, celui des
Alliés.
En réalité, le procès n'eut jamais lieu,
car le gouvernement des Pays-Bas, où s'était
réfugié entre temps Guillaume II, avait manifesté sa
détermination à ne pas l'extrader et, de fait, les Etats
vainqueurs n'avaient pas réclamé son extradition de
manière particulièrement pressante42. Ce qui a fait
que l'article 227 soit resté lettre morte43 mais, avec le
mérite d'être considéré comme le point de
départ de la mise en accusation d'un dirigeant ou responsable politique
pour une agression commise vis à vis d'autres États.
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