2
UNIVERSITÉ FÉLIX
HOUPHOU·T-BOIGNY
(ABIDJAN-COCODY)
UFR : SCIENCES DE L'HOMME ET DE LA
SOCIÉTÉ DÉPARTEMENT DE PHILOSOPHIE Parcours B :
Philosophie politique et morale Année académique
2015/2016
LA MORALITÉ, FONDEMENT DE
L'HUMANITÉ
DANS FONDEMENTS DE LA MÉTAPHYSIQUE DES MOEURS
D'EMMANUEL KANT
Mémoire de Master
PRÉSENTÉ PAR :
DIRECTEUR :
KONÉ Kriminatcha
M. KOUASSI Kpa Yao Raoul
Licencié en Philosophie
Maître de Conférences
PARCOURS B : PHILOSOPHIE POLITIQUE ET
MORALE
LA MORALITÉ, FONDEMENT DE
L'HUMANITÉ
DANS FONDEMENTS DE LA MÉTAPHYSIQUE DES MOEURS
D'EMMANUEL KANT
|
Mémoire de Master
4
SOMMAIRE
INTRODUCTION GÉNÉRALE..... 5
PREMIÈRE PARTIE : LE CONCEPT DE MORALITÉ
.. ....16
CHAPITRE I : L'UNIVERSALITÉ DE LA MORALITÉ
18 CHAPITRE II : DES ACTIONS DE BONNE VOLONTÉ
À LA VOLONTÉ BONNE 32 DEUXIÈME
PARTIE : LA MORALITÉ ET LE FONDEMENT
DE L'HUMANITÉ 43 CHAPITRE I : LA
MORALITÉ DANS LA NATURE
DE L'HOMME 45 CHAPITRE II : LA MORALITÉ ENTRE
LIBERTÉ
ET CONTRAINTE. 55 TROISIÈME PARTIE : LA
MORALITÉ ET SON RAPPORT
À L'ÉDUCATION DANS LA SOCIÉTÉ
69
CHAPITRE I : LA CONSISTANCE DE L'ÉDUCATION
71
CHAPITRE II : LA FIN DE L'ÉDUCATION
ET LA MORALITÉ DANS LA SOCIÉTÉ
83
CONCLUSION GÉNÉRALE 94
BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE 99
TABLE DES MATIÈRES 104
INTRODUCTION GÉNÉRALE
5
6
La philosophie politique et morale est un vaste
domaine de connaissance de la Philosophie. Ce domaine de recherches comporte
des disciplines diverses et variées, à savoir la Science
politique, l'Éthique, la Philosophie des droits de l'Homme, les
Théories de la justice, etc. Dans ce grand domaine de connaissance, sont
abordés des problèmes liés à l'existence humaine.
Chaque domaine de connaissance renferme une multitude de réflexions
d'auteurs concernant les problèmes qui minent la vie des hommes. Dans
cette vision du monde, l'inaction serait considérée comme une
faiblesse pour l'homme, d'autant plus que sa nature constitutive lui donne les
moyens pour modeler son existence.
De cette manière, l'homme se doit de prendre en
charge son existence avec rationalité. En effet, cette exigence impose
qu'il soit soumis aux valeurs pouvant s'inscrire dans l'ordre du salut de
l'humanité. C'est ainsi que le siècle des
Lumières fut marqué par le triomphe de
la raison. À cette époque, une métamorphose suggère
l'idée que seul le tribunal de la raison peut guider les hommes vers le
progrès. Dans cette mouvance, Emmanuel Kant écrit dans une
intention pédagogique1, les Fondements de la
métaphysique des moeurs, pour éveiller les
consciences, à cultiver les valeurs humaines, pour le plus grand bien de
l'humanité. Ainsi, convaincu de la puissance rationnelle et
intellectuelle de l'home, Emmanuel Kant préconise le traitement de
l'homme comme fin en soi :
L'homme et en général tout être
humain existe comme fin en soi, et non pas simplement comme moyen dont telle ou
telle volonté puisse user à son gré ; dans toutes ses
actions, aussi bien dans celles qui le concernent lui-même que celles qui
concernent d'autres êtres raisonnables, il doit toujours être
considéré en même temps comme fin en
soi2.
Cette vision pleine d'humanisme et d'altruisme,
traduit le cri de coeur qu'Emmanuel Kant émet pour la cause de
l'espèce humaine. En effet, il nous exhorte à traiter l'homme
avec beaucoup de respect et de considération. Sa philosophie morale,
militant par excellence contre l'ignorance, le fanatisme, et les
1 Ralph Walker,
Kant, Paris, coll. « Folio Essais », 2002, p.
6.
2 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs,
trad. de l'allemand par Victor Delbos, Paris, Delagrave, 1984, p.
148.
7
formes d'autorités injustes, privilégie
le respect de la personne humaine. Au lieu de considérer l'homme comme
un moyen, il enseigne à y voir plutôt en lui une fin en soi. Elle
tiendrait lieu de dignité humaine, valeur intrinsèque qui, en
l'homme, incite au respect. De plus, il avance que les hommes doivent
s'émanciper par une véritable libération du potentiel
intellectuel et rationnel, en privilégiant l'homme en toutes
choses.
Dans cet élan de considération, le
concept de moralité prend toute son importance dans l'esprit du
philosophe. Il s'inscrit dans le contexte socio politique du siècle des
Lumières qui consacre le renouveau de l'éducation, ayant pour
objectif de changer les façons de penser et s'efforcer de faire sauter
partout les barrières que la raison n'avait point posées. Mieux,
il faut traiter l'humanité avec respect et dignité. D'où
nous formulons notre sujet comme suit : « La moralité, fondement de
l'humanité dans Fondements de la métaphysique des
moeurs d'Emmanuel Kant ».
1- Le thème
Le thème principal qui ressort de ce sujet est
la moralité. Il s'agit ici, de comprendre que la moralité, en
tant que propriété des êtres raisonnables constitue le
fondement de l'humanité. Elle a partie liée avec le réel,
car elle se propose de penser les conduites et pratiques humaines, loin d'en
faire le procès. D'un côté, ce thème en raison de sa
connexion avec l'humanité, est toujours d'actualité. Nous l'avons
choisi pour penser la mesure dans laquelle l'humanité peut triompher. De
fait, il est compréhensible que le thème de la moralité
occupe une place importante dans la compréhension de
l'homme.
Cette importance se justifie par tout le sens loyal et
principiel qu'Emmanuel Kant lui reconnaît. Dans les
Fondements de la métaphysique des moeurs, la
moralité sert d'une part de loi assortie de respect parce qu'elle fait
partie des « concepts moraux qui ont leur siège et leur origine
complètement a priori dans la
8
raison »3, de tous les êtres
raisonnables sans exception aucune. D'autre part, elle crée « la
nécessité inconditionnée, véritablement objective,
par suite d'une nécessité universellement valable
»4, dans un rapport au fondement de l'humanité. Ainsi,
la moralité doit porter l'humanité. Par conséquent, ce
sujet nous invite à la compréhension de la moralité qui
est le thème de notre Travail d'Études et de
Recherche.
La recherche de compréhension de la
moralité nous amène à nous interroger de la manière
suivante : Qu'est-ce que la moralité ? La moralité a une
étymologie latine : moralitas. Elle est
relative aux moeurs, et désigne la conformité des conduites
humaines à l'idéal moral5. En effet, parler de
moralité, c'est s'interroger sur la portée ou la valeur des
actions humaines. Or, on ne saurait point concevoir des relations humaines
aussi dignes soient-elles sans le témoignage d'une bonne somme de
respect mutuel. Elle est la marque distinctive d'un hommage rendu à
l'humanité. La moralité prônée par Emmanuel Kant
dans les Fondements de la métaphysique des moeurs,
a pour but de nous inciter à rechercher par tous les moyens
le bien dans la vie. Pour tout dire, la moralité doit orienter et porter
l'existence humaine.
En ce sens, l'actualisation de la pensée morale
d'Emmanuel Kant, dans le contexte actuel de notre civilisation postmoderne, est
opportune pour une incitation à la culture du bien. En cultivant la
moralité, c'est la paix qui est promue ainsi que le triomphe de
l'humanité. Ainsi, nous pensons qu'Emmanuel Kant est un repère
dans un monde sujet à toutes sortes de maux indignant la personne
humaine. Nous le considérons à juste titre comme un maître
de la conduite humaine. Si la valeur morale réside dans la façon
de se tenir dans les rapports sociaux, alors quel pourrait être le cadre
théorique de ce Travail d'Études et de Recherche ?
3 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., p. 120.
4 Emmanuel Kant, Fondements
de la métaphysique des moeurs, Op. cit., 128.
5 Jacqueline
Russ, Dictionnaire de Philosophie, Paris, Bordas,
2003, p. 283.
9
2- Le cadre théorique
Le Travail d'Études et de Recherche qui a pour
sujet « La moralité, fondement de l'humanité dans
Fondements de la métaphysique des moeurs
d'Emmanuel Kant », s'inscrit dans le vaste champ de la
philosophie politique et morale, en l'occurrence la philosophie de
l'éducation. La philosophie de l'éducation est une science dont
la tâche est de penser tout ce qui est en rapport avec
l'éducation. De ce fait, il existe un lien entre le sujet et la
philosophie de l'éducation. Ce lien pourrait s'expliquer d'abord par le
caractère pratique de l'éducation, puis la sagesse ou
l'intelligence qui l'accompagne. La philosophie étant, certes,
considérée comme l'oeuvre de la culture grecque a finalement
investi de nombreux domaines au point qu'elle intègre leurs
formulations.
Ainsi parler de philosophie de l'éducation,
c'est évoquer la science qui se propose de penser les conduites
humaines. En effet, l'éducation, dans l'Europe du XVIIIe
siècle, a favorisé une pensée morale dominée par
les principaux courants, à savoir le Piétisme, le Rationalisme
moral. Le XVIIIe siècle a également consacré,
non seulement la critique de l'éducation, mais en plus la
décadence des moeurs ou des dérives sociales. Dans cet esprit,
les dérives sociales dans le domaine religieux avec des pratiques
conformes à la lettre, et non à l'esprit moral de la religion, et
la corruption qu'a entrainé le respect aveugle et formel de
l'autorité extérieure, ont été
considérées comme le résultat d'un manque
d'éducation. Dès lors, qu'implique le choix de la philosophie de
l'éducation ?
La philosophie de l'éducation est
évoquée dans la mesure où notre sujet prend en compte les
dimensions morale et éducative. D'abord, la philosophie, se
définissant comme l'amour de la sagesse s'est progressivement
constituée comme un art de vivre. Elle suppose une culture de la raison
pour une existence intelligente et intelligible. Or l'éducation
revêt une dimension pratique et éthique. D'un tel point de vue, la
philosophie de l'éducation se présente comme une
10
science des moeurs6. Puis en
intégrant la sagesse philosophique à la pratique
éducative, la moralité mise en question trouve sa consistance
d'autant plus qu'on ne saurait prétendre ou parvenir à des fins
morales, éthiques et humaines sans amour ni sagesse.
C'est ainsi qu'Emmanuel Kant dans les
Fondements de la métaphysique des moeurs se
propose de nous instruire sur les structures essentielles de le la vie morale
dont la moralité. Dans ce même ordre d'idées, la
philosophie de l'éducation, pour ainsi dire, associe la morale qui a
pour fondement la connaissance du bien et du mal. De même, cette
discipline est relative aux conduites humaines, qui commandent la culture des
valeurs humaines. C'est en ce sens que Mai Lequan parlant de la dimension
morale et éthique de l'éducation promue par Schultz et Knutzen
écrit ceci : « Pour ces auteurs, il faut purifier la conscience
morale et religieuse en expurgeant tout élément empirique et en
la fondant sur la raison »7.
Par la raison, la nécessité de
l'éducation est inclinée. Il en est de même pour le sens de
la culture des valeurs chez l'homme qui inclut la vertu comme courage telle que
nous l'enseigne l'éthique des maîtres du Piétisme, que sont
Schultz, Knutzen, Francke et Gehr. Ainsi l'éducation, dans ces
conditions consacre la modification des traits de caractères. Elle rend
l'homme redevable à son « espèce, à la
société des hommes sociables et des citoyens, à
l'État »8. Suivant cette logique, la philosophie de
l'éducation constitue, d'une certaine manière une lutte contre
les maux pouvant porter atteinte à l'humanité et à son
affirmation dans le monde. Par conséquent, elle se rapporte aux
éléments innés et aux traits généraux
physiobiologiques de la constitution de l'homme. C'est à juste titre
qu'Émile Maximilien Littré soutenant la finalité
éthique de l'éducation affirme que :
6 Jean-Jacques Burlamaqui,
Éléments de droit naturel, Paris, PUF,
1983, p. 86.
7 Mai Lequan, La
philosophie morale de Kant, Paris, coll. « Folio Essais
», 2001, p. 52.
8 Jean-Jacques Rousseau,
Émile ou De l'éducation, Paris, coll.
« Folio Essais », 2005, p. 98.
11
L'éducation (...), est relative à la
fois au coeur et à l'esprit et s'étend des connaissances que l'on
fait acquérir et des directives morales que l'on donne aux
sentiments9.
La reconnaissance de la finalité éthique
de la philosophie de l'éducation s'inscrit dans une vision selon
laquelle l'éducation a pour mission de permettre à chaque
individu le sens de la culture des valeurs humaines. En ce sens, la vertu est
une disposition qui se renforce, en nous humanisant et en nous
responsabilisant. Dans cette optique précise, Mai Lequan nous montre que
l'homme digne et moralement exemplaire lutte contre le mal sous toutes ses
formes. En ce sens, elle avançait ceci :
L'homme moralement vaillant doit combattre ce qui
s'oppose au développement du germe du bien en lui et faire de
l'inclination naturelle contraire à la loi morale son
ennemi10.
C'est dire que les hommes, en tant qu'êtres
raisonnables doivent sans cesse résister à l'influence des
mauvais principes, de sorte que la vie est une lutte
permanente. En effet, la recherche du bien moral prend en compte la vertu, et
elle caractérise cette dernière. Encore faut-il ajouter que, de
toutes les espèces vivantes que l'on peut concevoir dans la nature,
l'homme est le seul être capable de moralité. De fait, elle
constitue la preuve que l'homme est le but final de la création.
À ce titre, l'affirmation de l'humanité se pense sous des lois
morales et non d'après des lois morales11.
C'est la raison pour laquelle, le contenu fondamental
de la philosophie de l'éducation est de contrarier, en luttant
inlassablement contre les maux, par des conduites dignes et humaines. Ainsi,
l'homme doit, par l'effort sans fin témoigner de la moralité dans
toutes ses actions, en laquelle réside toute sa valeur. Car selon
Emmanuel Kant, c'est la valeur de l'homme « qui réside dans ce
qu'il fait, dans la manière de le faire et dans les principes selon
lesquels il agit »12. En conséquence, la bonne conduite
participe à la formation d'une société
parfaitement
9 Émile Maximilien
Littré, Dictionnaire de langue française,
Paris, Gallimard, 1958, p. 53.
10 Mai Lequan,
La philosophie morale de Kant, Op. cit., p.
53.
11 Mai Lequan,
La philosophie morale de Kant, Op. cit., p. 227.
12 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., p. 160.
12
harmonieuse où chaque être humain
participe au règne des
fins13. Comme le soutient
bien Emmanuel Kant, la moralité ne saurait s'adresser à des
êtres dépourvus de raison14.
C'est ainsi que nous avons choisi la philosophie de
l'éducation, dans le but de penser avec lui certaines conduites sociales
qui questionnent l'avenir moral et éthique de l'humanité. En ce
sens, il montre que la moralité conditionne le triomphe de
l'humanité. Elle est, pour lui, une capacité qui incarne notre
dignité d'homme :
La moralité est la condition qui seule fait
qu'un être raisonnable est une fin en soi ; car il n'est possible que par
elle d'être un membre législateur du règne des fins. La
moralité, ainsi que l'humanité, en tant que capable de
moralité, c'est donc là ce qui seul a de la
dignité15.
Selon Emmanuel Kant le triomphe de l'humanité
réside dans la moralité qui consacre le traitement des
êtres raisonnables comme fin en soi. De cette
manière, la philosophie de l'éducation comme cadre
théorique paraît convenable pour l'étude sur le sujet :
« La moralité, fondement de l'humanité dans
Fondements de la métaphysique des moeurs
d'Emmanuel Kant ». Liée aux actions humaines, la
moralité est la voie qui doit être promue selon Emmanuel Kant afin
d'inciter à une existence intelligente et aisée entre les hommes.
C'est la disposition humaine qui, en toute liberté, témoigne de
l'humanité en chaque être raisonnable. Elle doit motiver et porter
sans cesse l'humanité qui est : « La façon de penser
l'unification du bien-être avec la vertu, dans le commerce avec autrui
»16. Dès lors, comment se présente la
problématique de ce sujet d'Études et de Recherche ?
13 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., p. 168.
14 Ibidem.
15 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., p. 160.
16 Emmanuel Kant,
Anthropologie du point de vue pragmatique, trad. de
l'allemand par Michel Foucault, Paris, Vrin, 2002, p. 209.
13
3- La problématique
Le problème de la moralité dans la
philosophie d'Emmanuel Kant semble porter une double dimension,
c'est-à-dire à la fois morale et humaine. Il n'est pas arbitraire
et contingent mais opportun en raison de son caractère universel pour
tous les êtres raisonnables. La moralité se présente comme
la voie conduisant au triomphe de l'humanité. À ce titre, elle
doit être au fondement de toutes nos actions pour des relations
interpersonnelles intelligentes et intelligibles. De ce point de vue, la
moralité, est la conduite humaine éprise de liberté,
d'égalité, de justice et de paix.
De ce fait, il convient d'en présenter le
concept afin d'y dissiper toute confusion. Pour y parvenir, il importe de se
poser les questions suivantes :
Quelle analyse ressort-il du concept de
moralité ? Si la moralité incombe aux hommes dans quelles mesures
l'humanité peut-elle triompher ? La moralité a-t-elle rapport
à l'éducation dans la société ? Telles sont les
questions qui organisent ce Travail d'Études et de Recherche. Cependant,
quels sont les objectifs poursuivis ?
4- Les objectifs envisagés
Les différentes interrogations
susmentionnées revêtent des objectifs que nous voudrions atteindre
par cette étude sur le concept de moralité. Ils se
déclinent en trois points essentiels tenus par un objectif
général : promouvoir la culture des valeurs sociales chez les
hommes pour des relations dignes et humaines. Quant aux objectifs secondaires,
ils consistent à comprendre la moralité pour de bonnes conduites
sociales. Démontrer qu'elle incombe aux hommes et qu'elle doit porter
l'existence humaine pour un monde moralement meilleur. De plus, il s'agit de
justifier la moralité et son rapport à l'éducation dans la
société pour des échanges interpersonnels fraternels,
paisibles et harmonieux. Montrer que la fin de l'éducation est la
moralité en vertu de sa finalité éthique.
14
Dès lors, quelle méthodologie
conviendrait-il pour parvenir à ces objectifs poursuivis ?
5- La méthododologie utilisée
Pour parvenir aux objectifs susmentionnés, nous
choisissons la méthode analytique. En effet, la méthode
analytique aurait pris naissance dans la période socratique, par le
canal des débats sur les phénomènes sociaux. Elle consacre
aussi la philosophie morale. La méthode analytique consiste à
« démontrer l'exactitude des composants d'un aspect afin d'en
saisir les spécificités et de favoriser une compréhension
approfondie de l'ensemble »17. De fait, la méthode
analytique permet la clarté et la précision, dans le discernement
et le raisonnement sur les choses. C'est à juste titre que Frank Robert
écrit ceci : « Je souligne que la méthode analytique ainsi
comprise convient à toutes sortes d'objets d'analyses (...), d'un
processus, d'un raisonnement, d'un concept ou de quoi que ce soit
»18.
En conséquence, nous pouvons noter avec Frank
Robert que la méthode analytique sert à élucider la nature
des objets d'études quels qu'ils soient. De cette manière, nous
pouvons citer l'Idéalisme, le Rationalisme, et le Criticisme comme des
courants de pensée au sein desquels les figures de proue ont recours
dans leurs écrits à la méthode analytique. Nous avons
Platon, ensuite René Descartes, et enfin Emmanuel Kant. En somme, la
méthode analytique nous permettra d'analyser à fond tous les
aspects pertinents liés à la compréhension du concept de
moralité. Mais pour cela, nous choisissons un plan
général. Comment se présente-t-il ?
17 Jacqueline
Russ, Dictionnaire de Philosophie, Op. cit., p.
18.
18 Robert Frank,
Philosophie analytique, Caen, PUC, 1977- 1998,
No 31-32, p. 16.
15
6- Le plan général
Notre réflexion porte sur les structures
essentielles de la vie morale dans la philosophie morale d'Emmanuel Kant, en
l'occurrence la moralité. Elle se propose de penser les mesures dans
lesquelles l'humanité peut triompher mais en plus, de manière
constante. Dans ce cas, c'est le traitement digne de l'humanité qui est
mise en question. De fait, les problèmes soulevés dirigeront
notre démarche en trois parties : La Première Partie est une
analyse du concept de moralité. Elle comporte deux chapitres, à
savoir : l'universalité de la moralité, des actions de bonne
volonté à la volonté bonne.
La Deuxième Partie permet de comprendre la
moralité et le fondement de l'humanité. Le Premier Chapitre
consacre la moralité dans la nature de l'homme, le second la
moralité entre liberté et contrainte. Quant à la
Troisième Partie, elle concerne la moralité et son rapport
à l'éducation dans la société. D'abord, le Premier
Chapitre s'intitule la consistance de l'éducation, ensuite le second, la
fin de l'éducation et la moralité dans la
société.
PREMIÈRE PARTIE :
LE CONCEPT DE MORALITÉ
16
17
Dans les Fondements de la
métaphysique des moeurs, Emmanuel Kant présente le
concept de moralité comme un bien universel19. Il s'adresse
à chaque être raisonnable et sert par conséquent de loi
dont la conscience sommeille en tous. Agir sans cette conscience, c'est agir
sans valeur morale. Nonobstant, il n'est pas rare d'observer que dans les
conduites humaines, la moralité semble perdre son universalité
dans la mesure où les hommes la réduisent à leurs
intérêts personnels et égoïstes. C'est dans cette
perspective qu'Emmanuel Kant soutient que la moralité est la condition
qui fait que l'homme est une fin en soi et en
même temps membre législateur du règne des
fins. Il incite alors l'homme à bien agir. Ce qui lui vaut
de placer la moralité au fondement de toutes ses actions pour le
triomphe de l'humanité.
En admettant l'existence humaine comme
l'accomplissement du libre arbitre, les hommes se
doivent d'être objectifs. Ce qui implique que
leurs actions peuvent et doivent se soustraire des mobiles sensibles
pratiquement constitués par l'hétéronomie. La
volonté étant emportée par les désirs, les
impulsions, les actions dont il témoigne ne portent aucune marque
distinctive d'universalité de la moralité. Or les exemples sont
censés porter la marque de maximes universalisables. C'est pourquoi,
même dans l'imitation des choses, de la nature ou du monde, les hommes se
doivent de privilégier la dimension morale et éthique qui les
associe au règne des fins. Il en va de
même pour l'habitude. N'est-ce pas cette façon de se conduire qui
confère et justifie raisonnablement l'idée d'universalité
de la moralité ? Si l'homme est doué de raison ne doit-il pas
avoir une volonté plus ferme et déterminante pour des actions
morales ?
19 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., pp. 138-141.
18
CHAPITRE I : L'UNIVERSALITÉ DE LA
MORALITÉ
En supposant l'universalité de la
moralité, c'est comprendre qu'elle constitue un principe d'action digne
de respect, susceptible d'échapper à toute contradiction, et
pouvant être appliquée partout, et en toutes circonstances. En
effet, l'universalité de la moralité s'explique aussi par le fait
qu'elle ne consiste pas à décrire seulement les croyances
communes au sujet des moeurs, mais qu'elle s'étend à tous les
êtres raisonnables en général et surtout à tous les
hommes en particulier.
De fait, nous avons la moralité qui suppose
l'accomplissement du devoir. Elle revêt d'une
certaine manière la spécificité qui confère
à l'homme toute sa dignité et sa grandeur d'esprit. Par la
raison, l'homme jouit d'une connaissance morale portée par un
pur respect de la loi pratique. De cette
manière, il est capable de comprendre, par celle-ci que la valeur morale
de ses actions ne réside pas dans les effets que l'on voit. Bien au
contraire, elle réside dans les principes intérieurs
selon lesquels elles sont accomplies. Comme l'affirme Emmanuel
Kant : « Et cependant, c'est dans cette volonté seule que le
souverain bien, le bien inconditionné, peut se rencontrer
»20.
Le fait de considérer la moralité et
l'expression de la loi morale, constitue une
manière de comprendre le caractère impératif de la
moralité dans les conduites sociales. De fait, il importe pour les
hommes de reconnaître l'importance de la moralité de toutes les
actions, qui doit être le simple traitement des êtres raisonnables
comme fin en soi21.
Ce qui signifie que les conduites humaines doivent être
absolument bienveillantes. Elles doivent témoigner de l'humanité
en nous partout et en toutes circonstances. Dès lors, que comprendre
humainement de la moralité et l'accomplissement du devoir ?
20 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., p. 101.
21 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., p. 150.
19
1- La moralité et l'accomplissement du
devoir
De toutes les espèces vivantes dans la nature,
l'homme est le seul être vivant admis au stade d'humain. Ainsi, parler de
la moralité et l'accomplissement du devoir, c'est reconnaître
à l'homme la perspicacité des « lois de l'exercice de ses
facultés »22. Par là, on peut entendre la bonne
volonté qui lui permet de se laisser guider par la moralité
assortie d'une « forme de vie », à teneur impérative.
C'est dans ce type de vie que son existence s'illustre mieux et revêt
tout son sens. Selon Jürgen Habermas par exemple « les sujets jugeant
moralement ne peuvent normalement agir (...) que s'ils ont été
formés, dans des contextes de vie éthique, à être
des sujets moralement capables d'action »23.
De plus, la compréhension de la moralité
et l'accomplissement du devoir signifierait que la raison pure pratique de
l'homme en donne la possibilité. La capacité de
représentation et d'action repose sur la liberté. Elle voudrait
que la moralité soit au fondement des actions, desquelles l'on peut
juger extérieurement de l'état actuel de moralité. Or les
actions ne découlent que de la raison en nous. C'est ce qu'il y a de
plus élevé pour élaborer la matière de l'intuition
sensible et la ramener à l'unité la plus complète de la
pensée. Cette dernière compréhension pousse Emmanuel Kant
à noter ceci :
Il est tout à fait raisonnable de prescrire la
moralité sous le nom de devoir ; car tous les hommes ne consentent pas
volontiers à obéir à ses préceptes, lorsqu'ils sont
en opposition avec leurs penchants, et, quand aux moyens de pratiquer cette loi
; ils n'ont pas besoin d'être appris, puisque chacun sous ce rapport,
peut ce qu'il veut24.
Selon cette affirmation, l'homme en tant qu'être
doué de raison, doit constamment accomplir son devoir puisqu'il implique
la liberté. Il concerne aussi bien la moralité des actions,
devant être capable de témoigner de l'accomplissement du devoir.
Dès lors, qu'impliquerait l'accomplissement du
22 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., 190.
23 Jürgen Habermas,
De l'éthique de la discussion, trad. de
l'allemand par Mark Hunyadi, Paris, GF-Flammarion, 1991, p. 37.
24 Emmanuel Kant,
Critique de la raison pratique, trad. de l'allemand
par Jean-Pierre Fussler, Paris, GF-Flammarion, 2003, p. 186.
25 Emmanuel Kant,
Doctrine de la vertu, trad. de l'allemand par Jules
Barni, Paris, Garnier Flammarion, 1994, p. 144.
20
devoir ? La raison, en tant que faculté propre
à chaque être humain quel qu'il soit ; ou du moins en vertu de sa
qualité d'être humain, nous démarque des animaux. La
reconnaissance de l'accomplissement du devoir d'un point de vue kantien,
impliquerait que l'homme doit cultiver sa propre perfection. Elle
équivaut au devoir de développer ses aptitudes intellectuelles et
morales, principalement, mais aussi physiques, sans lesquelles
l'accomplissement du devoir serait hypothétique. Pour cela, Emmanuel
Kant affirme que :
La perfection d'un autre homme en tant que personne
consiste, précisément en ceci qu'il est lui-même de se
proposer sa fin en vertu de son propre concept du devoir et il ya contradiction
à exiger que je doive faire vis-à-vis de quelqu'un (à me
l'imposer comme devoir) quelque chose que nul autre que nul autre que
lui-même ne peut faire25.
La perfection de l'homme implique qu'il reconnaisse
là où l'accomplissement du devoir s'impose. Ce qui signifie qu'il
doit pouvoir user de sa bonne volonté, en se demandant si l'on peut
vouloir que son semblable accomplisse des actions subordonnées à
l'injustice. Mieux, l'accomplissent du devoir exige que le sujet moral admet
des conduites capables de s'imposer à tous les êtres humains.
Autrement, il y a contradiction à exiger des autres d'accomplir des
actions portées par la subjectivité au détriment de
l'objectivité. La conscience de l'accomplissement du devoir est
libre.
De même, il est possible de noter que dans les
sociétés modernes, les peuples oeuvrent pour la sauvegarde de
leurs droits fondamentaux. Ce sont entre autres la liberté, la justice
et l'égalité. Il en va de même pour la survie des
sociétés, conditionnée par le respect du devoir. Dans
cette optique, toutes les bonnes conduites des citoyens à
l'échelle de la société sont ordonnées
rationnellement par le pur accomplissement du devoir. C'est ainsi que la
tendance à promouvoir l'humanité doit revêtir toute sa
sacralité. La conscience de la moralité dont les hommes sont
capables, implique l'accomplissement du devoir,
21
pouvant permettre « la facilité dans les
contacts, qui est une vertu »26. Elle nécessite «
Devoir et obligation (...) qui conviennent pour exprimer notre rapport à
la loi morale »27.
Par là, indiquer que la moralité est en
rapport avec l'accomplissement du devoir, c'est reconnaître qu'elle est
essentiellement humaine, et se nomme, par conséquent loi. Elle ne
signifie pas au sens large du terme un ensemble de règles
établies, mais qu'elle doit diriger nos actions en montrant les raisons
d'agir : « C'est pourquoi, il faut qu'elle soit le fondement des valeurs
»28. Elle doit, par conséquent, diriger les conduites
humaines dans tous les domaines de l'existence humaine.
Dans le domaine politique, les actions
découlant de la gestion du pouvoir politique incarner l'accomplissement
devoir. Ce dernier doit faire l'objet d'examen moral par les gouvernés
afin de décrypter et de dégager rationnellement la
moralité qui en découle. Cet accomplissement n'étant pas
nécessairement le résultat d'actions citoyennes
concertées, se révèle souvent comme l'expression ou non
d'un idéal préalablement passé à la lumière
de la raison. Puisqu' « il est toujours du
pouvoir de chacun d'obéir aux ordres catégoriques de la
moralité »29. Il s'ensuit que la moralité en
rapport à l'accomplissement du devoir au plan politique doit s'inscrire
dans l'intérêt des peuples. L'accomplissement du devoir prend
toute son importance.
De cette représentation, la moralité
conduisant à l'accomplissement du devoir, il apparaît aussi
compréhensible que la moralité, loin d'être un devoir qui
s'impose à l'homme de l'extérieur ou d'une divinité, se
présente à lui comme une raison suffisante d'agir. L'homme se
soumet à un commandement en lequel il aperçoit une raison d'agir.
Emmanuel Kant nous formule bien cette affirmation en ces termes : « Le
devoir est la nécessité d'accomplir une action par respect pour
la
26 Emmanuel Kant,
Anthropologie du point de vue pragmatique, Op. cit.,
p. 209.
27 Emmanuel Kant,
Critique de la raison pratique, Op. cit., p.
263.
28 Ralph Walker,
Kant, Op. cit., p. 25.
29 Emmanuel Kant,
Critique de la raison pratique, Op. cit., p.
186.
22
loi »30. En conséquence, la
moralité conduit à l'accomplissement du devoir dans la mesure
où c'est un principe universel valable pour tous les êtres
raisonnables.
Selon Johann Goethe la liberté du devoir en
lui-même, c'est d'« aimer ce qu'on s'ordonne à soi-même
»31. Dans ce cas, il s'agit de comprendre que la raison est
importante pour l'homme. Elle n'a pas pour objet d'ignorer que tout être
humain peut choisir d'être mauvais face à son devoir, mais de
l'exercer pour être en conformité avec l'humanité. Ce qui
justifierait le fait que nous sommes soumis à la discipline de la
raison. Elle doit, par conséquent, porter et diriger nos actions sans
cesse. Pour cette raison, l'accomplissement d'actions dignes de respect et de
considération de l'universalité de la moralité
paraît nécessaire. C'est cette nécessité morale qui
doit être considérée comme un devoir sur lequel se fonde
l'universalité.
En effet, la moralité résidant
uniquement dans une volonté indépendante de toute matière
de la loi, exprime l'autonomie. Cette dernière est la condition formelle
de toues les maximes. Dans cette logique précise, la raison pure
pratique, caractérisée par la liberté donne la
possibilité à l'individu d'agir moralement ou non32.
C'est avec la plénitude et l'unité de la raison que l'homme
décide d'accomplir toute action. Cette conception rationaliste implique
que le pouvoir d'exécution de la raison humaine demeure très
considérable. Ainsi, Hannah Arendt pense que l'homme possède
toujours, par le biais de la raison la possibilité d'agir comme il
l'entend. Rien en réalité n'influence l'accomplissement du
devoir.
C'est ainsi qu'il est possible de comprendre que
lorsque l'homme se trouve souvent dans une situation embarrassante, il peut
laisser entendre ceci : « Je vais y penser », « Donnez-moi le
temps d'y réfléchir ». Cette réflexion se
révèle d'une importance capitale pour lui car la moralité
portée par le devoir qui l'ordonne
30 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., p. 100.
31 Rudolf Steiner,
Goethe et sa conception du monde, trad. de l'allemand
par André Tanner, Genève, Éditions Anthroposophiques
Romandes, 1985, p. 82.
32 Hannah Arendt,
Considérations Morales, trad. de l'anglais par
Marc Ducassou, Paris, Rivages, 1996, p.
34.
23
prime. La représentation de la moralité
et l'accomplissement postule une compréhension selon laquelle, il est du
devoir de tout être raisonnable de se conduire avec dignité. Tout
cela s'effectue indépendamment de toute influence extérieure.
C'est pourquoi l'agent soucieux de moralité doit se donner le soin de
murir ses actions avant de les exécuter. Elles
passent l'examen de la raison par respect pour la loi morale. Puisque la raison
est « la faculté cognitive, elle permet de savoir ce qui est bien
et ce qui est mal ; la vérité et l'erreur sont
considérées en premier comme des conditions de l'être
humain »33.
Tout être humain est capable d'entretenir le
pire et le meilleur. Ainsi, la conscience de l'accomplissement du devoir est
librement suscitée en chaque individu car elle répond à
une exigence morale ou à une absolue
nécessité34. La
moralité et l'accomplissement du devoir signifierait que l'homme trouve
toujours en lui-même de bonnes raisons d'honorer l'humanité. C'est
ainsi que dans la conscience de sa
dignité35, il doit
agir en faveur de ce qui l'édifie. C'est là
précisément qu'on peut comprendre l'homme dans son élan de
solidarité, d'assistance et même d'égal respect dont il
témoigne à l'endroit d'autrui. Il porte haut des valeurs dont la
validité est ordonnée à la lumière des attentes
humaines.
De plus, l'homme est un être doué de
raison. Par cette faculté en tant que « pouvoir des principes
(Principien) »36, il trouve, pour ainsi dire une raison
d'accomplir telle action et une autre de s'abstenir de telle autre. C'est ainsi
qu'il peut être compris comme étant le seul être capable
d'agir sous des lois morales dont il en est l'auteur37. Il est
remarquable que la moralité qui préside aux maximes de ses
actions ait acquis sa qualité morale que par le fait que chacun pourrait
y consentir comme à des maximes valides pour tous. Autrement
exprimé,
33 Herbert Marcuse,
L'homme unidimensionnel, trad. de l'anglais par
Monique Wittig, Paris, LES ÉDITIONS DE MINUIT, 1968, p. 149.
34 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., p. 116.
35 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., p. 120.
36 Emmanuel Kant,
Critique de la raison pure, trad. de l'allemand par
André Tremesaygues, et Bernard Pacaud, Paris, PUF, 1986, p.
255.
37 Rudolf Steiner,
Goethe et sa conception du monde, Op. cit., p.
82.
24
l'accord des actions avec les principes de la
moralité, suscite l'adhésion car l'accomplissement
du devoir est parfait.
La reconnaissance de la moralité en rapport
avec l'accomplissement du devoir nécessite une précision entre la
moralité et la légalité. À ce niveau, Emmanuel Kant
nous fait une distinction importante. Pour lui, la volonté morale doit
se déterminer. Il s'en suit que le « devoir doit être une
nécessité pratique inconditionnée de l'action (...), et
c'est seulement à ce titre qu'il est aussi une loi pour toute
volonté humaine »38. Ce qui revient à dire que la
moralité est un dépassement de la légalité puisque,
loin de s'opposer à elle, elle englobe quelque chose de plus. Cela
n'entache en rien la complémentarité de la légalité
et de la moralité car « l'acte moral accompli par devoir doit aussi
a fortiori être légal, conforme à la loi du devoir
»39. S'ils s'originent à la même source qu'est
le respect d'une loi de la raison pratique et qu'ils
ont en commun l'idée d'une obligation impérieuse qu'est
le devoir, ils restent fondamentalement distincts
quant à la motivation40 de cette obligation.
En définitive, la moralité et
l'accomplissement du devoir suggèrent une compréhension selon
laquelle tout être raisonnable est censé découvrir en
lui-même la raison qui doit créer la nécessité
morale. Le devoir en lequel réside la bonne volonté est
exigé pour le bien de l'humanité. Cette dernière doit
être élevée et honorée dans l'accomplissement du
devoir. La conscience de la moralité dont l'homme est capable doit
accompagner son existence pour des actions moralement acceptables. Le rapport
entre la moralité et l'accomplissement du devoir impliquerait aussi la
conformité à la légalité.
De cette complémentarité, s'affirmerait dignement
l'universalité de la moralité. Mais, n'est-ce pas cette
liberté qui traduit la loi morale en chaque être humain
?
38 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., p. 144.
39 Mai Lequan,
La philosophie morale de Kant, Op. cit., pp.
150-151.
40 Simonne Goyard-Fabre,
Responsabilité morale et responsabilité juridique
selon Kant, Paris, in Archives de Philosophie du Droit, 1975, p.
8.
25
2- La moralité et l'expression de la loi
morale
La moralité comme nous l'avons vu
précédemment trouve son origine dans la raison de l'être
humain. En effet, en postulant cette dernière en rapport avec la loi
morale, c'est tenter de comprendre comment se justifie l'influence de celle-ci
dans la conduite humaine. La raison, qui seule peut fournir des règles
refermant quelque nécessité, donne aussi la possibilité de
comprendre le respect que l'homme à tendance à exprimer par
humanité. Cette tendance, à observer de près se rattache
immédiatement à l'intelligence humaine. Elle constitue
l'expression de la loi morale en chaque être raisonnable. Dans la
compréhension de l'universalité de la moralité, la raison
pure pratique selon Emmanuel Kant permet à l'autorité la loi
:
Le respect pour la loi n'est pas un mobile pour la
moralité, mais il est la moralité même,
considérée subjectivement comme mobile, en ce sens que la raison
pure pratique en enlevant à l'amour de soi toute prétention
contraire donne de l'autorité à la loi, qui dès lors a
seule de l'influence.41
L'admission du rapport de la moralité et
l'expression de la loi morale apparaît compréhensible. Il est
tenable dans la mesure où la moralité représente la loi
elle-même. C'est elle également qui rend décisive la
raison, qui permet à l'homme d'assumer ses responsabilités. Elle
confirme davantage la lucidité de la conduite dans les rapports sociaux.
Cette possibilité pourrait s'expliquer par le fait qu'elle montre
rationnellement comment l'homme parvient à se décider en tant que
tel. La moralité renvoie à l'expression de la loi morale par
laquelle s'exprime indépendamment la volonté humaine. Elle exclut
toute dépendance extérieure et suppose que le «
caractère essentiel de la valeur morale des actions c'est que la loi
morale détermine immédiatement la volonté
»42.
De plus, il importe de noter que le siège de la
loi morale se trouve dans la raison pure pratique. Elle constitue «
seulement un énoncé sur quelque chose qui
41 Emmanuel Kant,
Critique de la raison pratique, Op. cit., p.
249.
42 Emmanuel
Kant, Critique de la raison pratique, Op. cit., p.
245.
26
doit [Soll] arriver dans le domaine de la raison et
par cette dernière »43. Par conséquent, Friedrich
Schleiermacher reconnaissait ce point précis, selon lequel la loi morale
n'est rien d'autre qu'un fait [factum] de la raison.
Pour lui, l'homme doit réaliser ce fait dans le champ de la raison et
par elle. En plus, Emmanuel Kant soutenait bien auparavant que « la raison
pure est pratique par elle seule, et donne (à l'homme) une loi
universelle, que nous appelons la loi morale »44. En
conséquence, la loi morale est à comprendre comme une
représentation de la raison45 en vertu de laquelle l'homme
édifie l'humanité dans son élan de perfection.
La raison qui ordonne les conduites sociales, convainc
intérieurement la personne morale de ce qui serait convenable de faire.
Ainsi les hommes ont tendance à se soumettre volontiers à ce qui
est excellent et honorable. On comprend, dès lors que même si,
d'un côté, les intérêts tendent à influencer
les comportements, il importe d'y oeuvrer pour la sainteté de
l'humanité. :
La loi morale est, pour cette raison, un
impératif qui ordonne catégoriquement,
parce que la loi est inconditionnée ; le rapport d'une telle
volonté à la loi est la dépendance
désignée par le terme d'obligation qui signifie une
contrainte, imposée toutefois par la raison et
sa loi objective, à une action qui est appelée
devoir 46.
Dans cette considération, la loi morale
constitue remarquablement un fait humain. Dès lors, la moralité
considérée comme l'expression de la loi morale qui porte la
personne humaine au grand profit de l'humanité est, en
réalité, la source d'obligation morale dont elle ne peut se
départir humainement. Aussi parce que la constitution biologique de
l'homme lui donne le privilège de la raison qui lui impose de bien agir.
Elle est la faculté dirigeante et régulatrice de l'action. C'est
pourquoi, toute conduite humaine doit être portée par un souci de
traitement de l'humanité comme fin en soi :
43 Friedrich Schleiermacher,
Conférences sur l'éthique, la politique et
l'esthétique, trad. de l'allemand par Jean-Marc
Tétaz, Paris, LABOR ET FIDES, 2011, pp. 251-252.
44 Emmanuel Kant,
Critique de la raison pratique, Op. cit., p.
128.
45 Friedrich Schleiermacher,
Conférences sur l'éthique, la politique et
l'esthétique, Op. cit., p. 151.
46 Emmanuel Kant,
Critique de la raison pratique, Op. cit., p.
129.
27
Agis de telle sorte que tu traites l'humanité
aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en
même temps comme une fin, et jamais simplement comme un
moyen47.
Ainsi, le devoir qu'Emmanuel Kant préconise est
d'oeuvrer à la fois pour la sauvegarde et le respect de l'espèce
humaine. La personnalité doit se confondre avec la loi morale, et c'est
la loi morale qu'il faut respecter chez soi et chez les semblables. La
recevabilité des comportements humains est tributaire de la
moralité qui y préside. La moralité, en tant que source
des valeurs doit être au fondement de toutes nos actions. Le traitement
que nous réservons aux êtres raisonnables doit être
compatible avec la rationalité de la moralité. Aussi parce que la
« loi morale est par elle-même un mobile, au jugement de la raison ;
et la prendre pour maxime, c'est être bon moralement »48.
Suivant ce principe, la rationalité du monde semble se mesurer au
degré de bienveillance dans les rapports interhumains.
Cette intelligibilité doit se
caractériser par des dispositions parfaitement humaines qui, cependant,
méprisent tout ce qui va contre la dignité humaine. La
malveillance serait de ce fait ce qui est moralement
répréhensible. En effet, l'homme doit avoir le souci de la
moralité de ses actions. Il doit se donner les moyens pour qu'elles
tiennent du point de vue anthropologique puisqu'il ne s'agit pas de se
représenter les lois morales, mais aussi vouloir leur effectuation dans
le monde sensible49. Pour ce faire, il doit établir par la
raison toute la nécessité de fonder la moralité sur des
principes rationnels et inébranlables50.
La raison en rapport avec la loi morale pour tous les
êtres raisonnables, créent la nécessité
morale. Elle constitue une contrainte, c'est-à-dire une
obligation morale. Toute action fondée en raison, implique qu'elle soit
représentée comme un devoir. Ce dernier traduirait, par
conséquent, notre
47 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., p. 150.
48 Emmanuel Kant,
Religion dans les limites de la simple raison, trad.
de l'allemand par André Tremesaygues, Paris, PUF, 1946, p.
27.
49 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., p. 121.
50 Ibidem.
28
capacité à agir comme la divinité
en adoptant par là même une nature inaltérable. C'est
justement de cette manière que la loi morale traduit toute sa
pureté ou sainteté
indépendamment de toute influence extérieure. C'est
en ce sens qu'Emmanuel Kant ajoute que :
La loi morale est en effet, pour la volonté
d'un être absolument parfait, une loi de la
sainteté, mais elle est, pour la
volonté de tout être raisonnable fini une loi du devoir, de la
contrainte morale et de la détermination de ses actions par le
respect pour la loi et par la
vénération pour son devoir51.
L'expression de la loi morale, comporte un principe
objectif dans la volonté de tout être humain. Pour cette raison,
les dispositions morales nécessitent des impératifs capables de
servir de modèles pour notre conduite ainsi que celle de nos semblables.
Elles sont indépendantes. Elles sont caractérisées par une
loi de la sainteté et
déterminées par le devoir. En plus, cette tendance vers le bien
moral apparaît honorable pour l'humanité. L'homme exprime par elle
ce qui l'élève au dessus des autres espèces vivantes de la
nature : l'humanité. Cette tendance se donne à voir par des
comportements reflexes qui découlent de
l'intériorité de l'homme. Toute chose dans la nature agit
d'après des lois, mais l'homme n'est que le seul être raisonnable
capable d'agir « d'après la représentation des lois,
c'est-à-dire d'après les principes, en d'autres termes, qui ait
une volonté »52.
Tout principe moral établi avec soin doit
être susceptible de créer une influence positive sur le coeur
humain. Cette influence intérieure devrait être
considérée comme l'expression de la loi morale en tout être
humain. En ce sens, l'intégration des principes moraux dans la gestion
des affaires publiques peut être d'une importance capitale. Elle permet
de comprendre que les hommes, malgré leurs différences naturelles
ont en partage le sens de la loi morale. L'universalité de la
moralité considérée chez les êtres humains exclut
toute représentation divine ou extérieure. Elle impose, par
conséquent la bonne conduite. Que représente donc l'expression de
loi morale chez Emmanuel Kant ? En utilisant cette notion
51 Emmanuel Kant,
Critique de la raison pratique, Op. cit., p.
193.
52 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., p. 122.
29
de loi morale, Emmanuel Kant
voudrait réaffirmer davantage le caractère
impératif de la moralité dans les conduites
humaines. Ensuite il montre à quel point elle exige de l'homme la ferme
volonté, la conscience morale en toutes circonstances.
Si la moralité est admise dans un rapport
à l'expression de la loi morale, du moins comme une
représentation de l'homme, elle ne saurait revêtir le
manteau de la contrainte. Pour la simple raison que « le
respect pour la loi morale est l'unique et en même temps l'indubitable
ressort moral. Ce sentiment ne peut être porté à aucun
objet, si ce n'est pour cette raison seulement »53. En
conséquence, une telle affirmation pourrait se justifier dans la mesure
où le contenu des représentations est suscité par la
raison. Cette faculté en son usage pur vient confirmer
l'universalité de la moralité. Elle offre la possibilité
de comprendre que :
Les Idées ne permettent pas un usage
constitutif pour la connaissance, mais peuvent cependant, à titre
d'Idées régulatrices, ouvrir un horizon pour s'orienter dans la
pensée54.
L'immense intérêt que procure la raison,
comporte la production des Idées. Sans permettre nécessairement
l'usage constitutif de la raison, elles peuvent en outre offrir un chemin pour
la pensée. Dans cette logique, la moralité formulée en loi
morale revêt tout son sens d'autant plus que l'usage pur de cette raison
nous produit les concepts devant diriger notre esprit, notre façon
d'être et de nous conduire en société. La moralité
conduisant à l'expression de la loi morale, pourrait traduire la
volonté d'inciter les individus à ordonner leurs conduites
à la lumière de ces « Idées régulatrices
». On peut noter que le caractère impératif de la
moralité qui se dresse sous forme de loi morale constitue une
manière de donner plus de légitimité et de portée
humaine à cette disposition digne de l'intelligence humaine.
53 Emmanuel Kant,
Critique de la raison pratique, Op. cit., pp.
188-189.
54 Jean-Marie Vaysse,
Le vocabulaire de Kant, Paris, Ellipses
Éditions Marketing, 1998, p. 45.
30
La représentation de toute idée pourrait
s'inscrire dans un élan de recherche de la perfection propre à
l'espèce humaine. Pour cette raison, le développement des
dispositions naturelles devient comme des défis, dans la mesure
où il est un être sociable. Cette sociabilité s'exprimant
différemment, complique davantage l'uniformité. D'où la
nécessité de se conduire seulement d'après des principes
identiques, pouvant devenir pour une autre nature, source d'harmonie sociale.
Dans cette recherche de perfection, abondent les idées,
considérées comme des formulations de la raison. La
définition de l'idée est, par conséquent, la recherche
d'un accomplissement dans l'expérience. En ce sens, Emmanuel Kant
écrit que « L'idée n'est rien d'autre que le concept d'une
perfection, qui ne s'est pas encore rencontré dans l'expérience
»55.
En outre, pour Johann Fichte, « le principe de la
moralité est l'idée nécessaire de l'intelligence, (...).
Le contenu de cette idée est que l'être libre doit [Solle] ; car
Devoir est qu'il doit placer sa liberté sous une loi
»56. Dans cette affirmation, la moralité se
révèle comme l'expression de l'intelligence humaine. En effet,
dans cet élan d'expression humaine, la considération de la
moralité comme loi morale signifierait que les êtres raisonnables
doivent discipliner leurs libertés et leurs conduites sociales par les
moyens humains possibles. La qualité d'être humain impose que
chaque homme agisse avec la conscience de la moralité qui est
nécessaire pour l'accomplissement du bien dans le monde. Dans la mesure
où la vie humaine ne saurait être menée sans
intelligence.
En somme, il convient de retenir que la liberté
caractérise de façon fondamentale la loi morale chez les
êtres raisonnables. Dans cette logique précise, la
responsabilité des hommes s'impose partout et implique la culture de la
raison dans le traitement de l'humanité. Il importe que la
moralité considérée en rapport avec l'expression de la loi
morale soit reconnue comme l'expression de
55 Emmanuel Kant,
Réflexions sur l'éducation, Op. cit., p
12.
56 Johann Fichte,
Système de la doctrine des moeurs d'après les
principes de la Doctrine de la science, trad. de l'allemand par
Paul Naulin, Paris, PUF, 1986, p. 175.
31
l'intelligence humaine57. De fait, on
pourrait également noter que seules de telles conduites dignes des
êtres humains contiennent l'affirmation de l'humanité qui
caractérise le genre humain. Cependant, la bonne volonté
suggère-t-elle immédiatement la moralité ?
57 Emmanuel Kant,
Critique de la raison pratique, Op. cit., p.
129.
32
CHAPITRE II : DES ACTIONS DE BONNE VOLONTÉ
À LA VOLONTÉ BONNE
La notion de bonne volonté dans sa
résonnance chez les hommes est presque la même. Pour le sens
commun, est de bonne volonté une personne qui répond promptement
à une sollicitation, ou encore qui accomplit volontiers des actions.
À ce stade, l'homme ne fait que témoigner de sa bonne
volonté, honorant ainsi l'humanité. Mais cette bonne
volonté n'apparaît pas toujours conséquente,
c'est-à-dire suivie d'effets. C'est pourquoi Emmanuel Kant fait la
distinction entre la bonne volonté et la volonté
bonne.
En ce sens, les actions de bonne volonté
désignent des actions accomplies par devoir. Ces actions n'étant
pas constamment fermes ou déterminantes, elles doivent selon Emmanuel
Kant articuler le vouloir et le pouvoir
(faire) pour se hisser au stade d'actions de volonté bonne
par le biais de la constance et de l'effort sans fin. Dans cette perspective,
nous verrons d'abord, en quoi consiste l'apport des exemples dans la promotion
de la moralité, qui exige aussi de nous l'effort de perspicacité,
de lucidité et de rigueur pour le plus grand bien du monde. Puis nous
analyserons l'imitation et l'habitude pour en dégager la
moralité.
Dans ce même ordre d'idées, nous
essayerons de comprendre le rôle déterminant de la volonté
sous la gouvernance de la raison dans l'accomplissement des différentes
actions. Nous tenterons de faire ressortir la connaissance selon laquelle ce
que nous donnons à nos semblables de voir est, en réalité,
l'aboutissement d'une « volonté de puissance », en tant que
signe du vivant qu'est aussi l'homme, dans la manifestation de son
humanité58. Dès lors, en quoi consiste la
moralité des exemples ? Qu'en est-il de cette dernière dans
l'imitation et l'habitude ?
58 Friedrich Nietzsche,
Ainsi parlait Zarathoustra, trad. de l'allemand par
Géneviève Bianquis, Paris, GF-Flammarion, 1969, p.
73.
33
1- Les exemples dans la promotion de la
moralité
Il serait tout de même aisé pour chaque
être humain sur terre de se réclamer d'une bonne volonté si
le principe était qu'il suffisait de professer cette foi. En effet,
l'homme étant fréquemment maintenu au seuil de l'ignorance, est
sujet à toutes sortes de manipulation et de confusion. Dans ces
conditions, sa fragilité est liée à la facilité
avec laquelle il cède à certaines croyances. Par là, la
dimension affective est sujette au devenir.
La quête et la conservation du pouvoir politique
auxquelles se livrent les leaders politiques a pour finalité de
témoigner des exemples d'actions de bonne volonté, fragmentaires
et dispersés s'inscrivant selon eux dans l'intérêt des
peuples. Or, cette approche purement politique des choses requiert, selon
Emmanuel Kant une nécessaire méfiance. Ces actions de bonne
volonté doivent avoir pour objet le devoir qui contient la bonne
volonté. Par conséquent, de tels exemples d'actions ne peuvent
prétendre à fonder la moralité par la
répétition permanente de ceux-ci. Autant dire que les exemples
d'action dans ce domaine sont assortis d'intérêts inavoués
:
On ne pourrait non plus rendre un plus mauvais service
à la moralité que de vouloir la faire dériver d'exemples.
Car tout exemple qui m'en est proposé doit lui-même être
jugé auparavant selon les principes de la moralité pour qu'on
sache qu'il est bien digne de servir d'exemple originel, c'est-à-dire de
modèle ; mais il ne peut nullement fournir en tout premier lieu le
concept de moralité59.
Dans ce contexte, cela signifie que les exemples
d'actions de bonne volonté à ce niveau, ne fondent pas pour
autant la moralité en elle-même. Il faut noter que le fait que
certains hommes pensent tirer la moralité de l'expérience
s'illusionne en ayant recours à certains exemples d'actions. En effet,
le domaine religieux témoigne d'exemples de Saints. Dans l'Église
catholique, par exemple, les croyants sont appelés à s'inspirer
d'eux pour le raffermissement de leur foi. Mais quelle est la conception
kantienne de tels exemples ? Dans ce domaine,
59 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., p. 115.
60 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., pp. 115-116.
61 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., p. 89.
34
Emmanuel Kant nous édifie, en mettant en avant
la capacité de raisonnement et de distinction de l'homme :
Même le Saint de l'Évangile doit
être d'abord comparé à notre idéal de perfection
moral avant qu'on le reconnaisse pour tel : aussi dit-il de lui-même :
pourquoi m'appelez-vous bon moi (que vous voyez) ? Nul n'est bon (le type de du
bien) que Dieu seul que vous ne voyez pas60.
La moralité devant être comprise de la
conception kantienne de tels exemples d'hommes bons est rationnelle. Ainsi,
Emmanuel Kant soutient que même si telle est l'obligation morale de
l'homme, cela n'exclut pas pour autant sa raison qui lui prescrit, par ailleurs
des impératifs catégoriques. Par conséquent, les exemples
d'hommes bons, quels qu'ils soient ne doivent prétendre aucunement
à fonder le principe suprême de la moralité. Seulement, ils
doivent être considérés comme la preuve tangible que la
vertu est réalisable. Pour cela, l'homme doit s'élever à
la volonté bonne, caractérisée par la fin en soi
:
Ce qui fait que la bonne volonté est telle, ce
ne sont pas ses oeuvres ou ses succès, ce n'est pas son aptitude
à atteindre tel ou tel but proposé, c'est seulement le vouloir ;
c'est-à-dire que c'est en soi qu'elle est
bonne61.
En outre, les actions de bonne volonté sont
souverainement estimables, quoi qu'elles ne soient pas le Souverain Bien,
c'est-à-dire le bien complet, union de bonheur et de vertu. Dans ce
même ordre d'idées, Emmanuel Kant reconnaît une vertu
limitée des exemples dans la promotion de la moralité. Il indique
en effet que les éducateurs sont tenus d'en faire un bon usage, par des
choix d'exemples d'actions réfléchis pour la formation du
jugement moral des individus. La moralité de ce fait, doit porter les
représentations des êtres raisonnables. C'est ainsi que les
exemples doivent être choisis :
Car la représentation du devoir et en
général de la loi morale, quand elle est pure et qu'elle n'est
mélangé d'aucune addition étrangère de stimulants
sensibles, a sur le coeur humain par les voies de la seule raison ( qui
s'aperçoit alors qu'elle peut-être pratique par
35
elle-même) une influence beaucoup plus puissante
que celle de tous les autres mobiles que l'on peut évoquer du champ de
l'expérience62.
La pureté de la moralité exige une
certaine rigueur dans le choix des exemples pris dans le cadre de la formation
du jugement moral de l'individu. Il nous donne de comprendre que les exemples
d'actions de bonne volonté de façon générale, ne
doivent servir qu'à titre illustratif. Ce qui implique qu'ils doivent
constituer les raisons d'agir des hommes. Ils doivent témoigner
rationnellement de la possibilité de réalisation de la vertu dans
la vie sociale. L'apport des exemples d'actions de bonne volonté est
ainsi admis.
Pour donner plus de consistance et de
légitimité à la notion d'exemple
dans le champ de la bonne conduite, Emmanuel Kant nous
établit explicitement une distinction importante à propos de
cette dernière :
Le mot allemand Beispiel (exemple)
que l'on emploie communément comme l'équivalent du
mot (Exempel) n'a cependant pas la même
signification. Prendre un exemple de quelque chose (ein exempel
nehmen) et introduire un exemple (ein Beispiel
enfhüren) pour expliquer une expression sont deux
idées tout à fait différentes. L'exemple
(Exempel) est un cas particulier d'une règle
pratique pour autant que cette règle représente une action comme
praticable ou impossible. Au contraire l'exemple (Beispiel
n'est que le particulier (concretum)
représenté comme compris sous l'universel
d'après des concepts et ce n'est que l'exposition théorique d'un
concept63.
L'exemple peut être compris suivant deux
régimes. Selon le premier régime, il s'agit du recours qui sert
la fin de la méthodologie, par lequel on soumet progressivement la
faculté de juger de l'homme à des Exemples
de la légalité. Quant au second régime, il
concerne des exemples de la moralité. De cette
manière, nous avons des représentations belles
de ce qui est conforme à la loi
morale, puis des représentations sublimes
de ce qui est fait par pur devoir.
De plus, l'exemple permet l'établissement d'une
règle générale à travers un cas particulier de
cette règle. Il représente l'action comme praticable ou
impraticable. Mais ici, ce qu'il est possible de comprendre d'un point de
vue
62 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., p. 119.
63 Emmanuel Kant,
Doctrine de la vertu, Op. cit., pp.
157-158.
36
kantien à propos des exemples ou d'actions de
bonne volonté, emprunts de moralité, c'est qu'ils ne
représentent pas l'établissement d'une règle mais
l'invention d'un modèle pouvant constituer un véritable motif
pour l'accomplissement du devoir. C'est probablement d'une telle manière
que nous pouvons comprendre pourquoi le choix des exemples ou d'actions de
bonne volonté requiert beaucoup de lucidité et
d'intelligibilité en vertu de leur fonction pédagogique pour la
société. La volonté bonne y est
consacrée.
Le recours à des exemples ou des actions de
bonne volonté, voudrait que la conscience morale préside à
ceux-ci, de sorte qu'ils puissent porter en eux les traces de l'effort. Ainsi
à la lumière de la raison, se règlent et se construisent
les comportements liés à la vie publique. Dans la mesure
où ce que nous accomplissons dans le domaine de l'agir, est susceptible
de s'arracher une portée sociale. Dans la tradition grecque antique, les
hommes qui s'illustrent mieux de par leur courage, leur ténacité,
s'étaient vu adresser des éloges ou des cantiques qui les
élevaient comme des modèles pour toute la Cité. Cette
reconnaissance, importait pour les Grecs, d'autant plus qu'ils (ces
héros) incarnaient des idéaux dignes de la Cité
entière.
Les Grecs pouvaient trouver en ces hommes de
l'intérêt en raison de : « la moralité [Sittlichkeit]
et la certitude morale qui n'ont jamais cessé d'être
recommandées (...) de sorte que celui qui les possède ne peut
jamais se trouver désemparé, ou seulement inquiet
»64. D'un tel point de vue, il est possible de comprendre
à quel point l'exemple en lui-même revêt une dimension
pédagogique et instructive du point de vue sociétal. Les
conduites en société exigent de nous des comportements
décents et désirables ; en lesquels résident le
développement harmonieux et la conscience morale d'une appartenance
partagée à une société digne.
Au demeurant, les exemples dans la promotion de la
moralité dans tous les domaines de la vie, selon Emmanuel Kant, ne
peuvent être considérés que comme
64 Friedrich Schleiermacher,
Conférences sur l'éthique, la politique et
l'esthétique, Op.cit., pp. 218-219.
37
des preuves devant inciter les hommes à agir
inlassablement dans l'intérêt de
l'humanité. En conséquence, la fonction
assignée aux exemples est essentiellement pédagogique et
provisoire. Leurs emplois exigent la conscience morale puisqu'il importe que
les actions de bonne volonté constituent une volonté bonne. Cette
dernière est caractérisée par le courage, la
fermeté et l'effort sans fin. En ce sens, les exemples doivent comporter
ces
vertus, puisqu'ils servent de preuves tangibles dans
la quête du Bien Suprême. À la lumière de ce qui
précède, en quoi consiste la moralité dans l'imitation et
l'habitude d'un point de vue kantien ?
2- La moralité dans l'imitation et
l'habitude
La recherche de la vertu est une quête pour
l'homme, et implique un effort sans fin. En effet, dans le cadre de la
moralité dans l'imitation et de l'habitude, l'exemple de sainteté
du Christ peut nous aider à comprendre mieux l'imitation et l'habitude.
Mais avant, il importe de faire une clarification étymologique. Selon
l'étymologie, par imitation, nous pouvons
entendre le mot : imitio, d'origine latine ; qui
désigne proprement, imitation, copie65. Dès lors, par
imitation, nous comprenons le fait d'imiter, de copier quelque chose, en
réponse à un besoin pour nous.
En ce sens, la raison entendue aussi come
faculté directrice et régulatrice de l'esprit humain, est
censée, pour ainsi dire, fournir à tout être humain la
représentation du bien en soi. Toute idée relative au bien trouve
sa source dans la raison. Elle est, à ce titre, la même qui nous
fournis la représentation des exemples de l'expérience,
témoignant ainsi de sa suffisance pour nous guider dans la quête
de la vertu :
On a donc nul besoin d'un exemple tiré de
l'expérience pour faire de l'idée d'un homme moralement
agréable à Dieu un modèle pour nous ; car elle se trouve
déjà en cette qualité dans notre raison [...]. Selon la
loi en effet, tout homme devrait équitablement fournir en
65 Jacqueline
Russ, Dictionnaire de Philosophie, Op. cit., p.
136.
38
lui-même un exemple de cette Idée dont
l'archétype réside toujours dans la raison ; car aucun exemple de
l'expérience extérieure ne lui est adéquat du moment que
celle-ci ne saurait révéler le fond intérieur de
l'intention66.
Par conséquent, la moralité de
l'imitation des exemples d'hommes bons selon Emmanuel Kant est, certes utile,
mais nous devons nous abstenir d'admirer en outre les actes vertueux seulement
compatibles avec les devoirs de l'homme et qui n'ont rien de particulier. La
moralité réside dans l'effort à tirer le meilleur profit
possible de ce qui est humainement faisable.
Pour ce qui est du mot habitude,
il a une étymologie latine : habitudo.
Il renvoie à la manière d'être, état ou
comportement permanent acquis par la répétition et tendant
à s'effectuer automatiquement67. En conséquence, David
Hume, en recensant les matériaux de l'esprit souligne le rôle de
l'habitude, en montrant que la nécessité existe seulement dans
l'esprit et nullement dans les objets. À la question comment nous
acquérons la connaissance, de la cause et de l'effet, l'auteur
répond ceci : « C'est l'habitude, principe vital essentiel qui,
guide nos opérations spirituelles »68. C'est donc dire
que la relation de cause à effet se fonde sur l'habitude et la
répétition de l'expérience.
En revanche, Emmanuel Kant nous fait comprendre que
l'habitude revêt de la moralité quand elle sert à cultiver
nos dispositions primitives au bien en général. En cela
réside la moralité de l'habitude. La vertu est une aptitude
à la fois naturelle et habituelle (acquise). Par l'habitude, l'homme
l'acquiert progressivement, en améliorant davantage la
perspicacité et le jugement moral dans la quête de la vertu. En ce
sens, il soutenait que :
Il n'est précisément nécessaire
d'être un ennemi de la vertu, il suffit d'être un observateur de
sang-froid qui ne prend pas immédiatement pour le bien même le vif
désir de voir le bien se réalisé, pour qu'à
certains moments (surtout si l'on avance en âge et si l'on a
le
66 Emmanuel Kant,
Critique de la raison pratique, Op. cit., p.
166.
67 Jacqueline
Russ, Dictionnaire de Philosophie, Op. cit., p.
121.
68 David Hume,
Enquête sur l'entendement humain,
trad. de l'anglais par Michel Malherbe,
Paris, PUF, 2012, p. 42.
39
jugement d'une part mûri par
l'expérience, d'autre par aiguisé pour l'observation) on doute
que quelque véritable vertu se rencontre réellement dans le
monde69.
Ici, Emmanuel Kant souligne la rareté des actes
vertueux. Ce n'est qu'à l'âge avancé que l'on
réalise cette évidence selon laquelle la vertu demeure quelque
chose de très rare, puisqu'il est possible de parvenir d'une part,
à la maturité du jugement et d'autre part à son
aiguisement sans atteinte pourtant la vertu. Ce qui revient à dire que
les acquis de l'expérience selon le point de vue kantien ne contribuent
qu'à renforcer progressivement la conduite humaine, en affermissant les
maximes. Dans ce sens, la conduite morale de l'homme résiderait dans la
sagesse acquise au fil du temps.
En plus, Emmanuel Kant soutient, cependant que le
mépris d'autrui à l'endroit de l'habitude est dû à
l'instinct qui l'anime, dans la mesure où il tend à chosifier
l'individu. Toutefois, cette aversion qui semble bien légitime est
contrariée et dépassé souvent par d'indéniables
avantages et profits de certaines habitudes adoptées volontiers. Il le
dit fort bien en ces termes :
Pourtant, certaines habitudes peuvent être
contractées et mises en place intentionnellement, quand la nature refuse
son aide à la libre volonté ; par exemple, l'âge venant, on
peut s'habituer à l'heure des repas, à leur qualité et
quantité de même pour le sommeil ; ainsi, on se mécanise
graduellement ; mais ceci ne vaut qu'à titre d'exception et en cas de
nécessité. En règle générale, toute habitude
est condamnable70.
On peut comprendre que l'homme est libre d'adopter
certaines habitudes en toute liberté. Dans ce sens en effet, toute
conduite que l'on contracte par habitude à l'âge avancé est
compréhensible. Dans la mesure où elle apparaît profitable
puisqu'elle répond à des besoins circonstanciels. Cependant, le
sujet moral soucieux de bonne conduite ne doit pas admettre l'habitude comme un
principe d'action, autrement toute action serait dépourvue de la valeur
morale. En conséquence, la moralité de l'habitude est qu'elle ne
saurait tenir comme règle en tout temps.
69 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., p. 113.
70 Emmanuel Kant,
Anthropologie du point de vue pragmatique, Op. cit.,
pp. 51-52.
40
En accordant une attention particulière
à tout ce que nous posons comme action, cela reviendrait à faire
honneur d'une certaine manière à la vision humaniste qui se veut
sobre et
sévère. L'éloquence dans les
deux aspects se poserait comme un effet de perspective en vertu de la puissance
suscitant de la représentation71. La moralité dans les
deux cas exige des êtres raisonnables des comportements s'inscrivant dans
l'objectivité tout en gardant leur liberté. Cette dernière
réside dans la capacité à exercer le sentiment moral qui
contient d'une certaine manière la moralité d'autant plus que
sans lui, l'homme serait quasiment inexistant sur le plan moral. Dans la mesure
où Emmanuel Kant fait remarquer que :
Il n'y a pas d'hommes qui soient dépourvu de
tout sentiment moral, car si quelqu'un était complètement
privé de toute réceptivité, à cette sensation, il
serait mort sur le plan moral (...), l'humanité (pour ainsi dire selon
les lois chimiques) se dissoudrait dans la simple animalité et se
fondrait immédiatement dans la masse des autres êtres
naturels72.
En conséquence, nous pouvons comprendre que
tout être humain, en possession de ses facultés sensorielles et
mentales, est censé être animé d'un sentiment moral. En
d'autres termes, le sentiment moral est l'expression de l'humanité. Son
existence est le signe le plus manifeste de l'humanité, puisque sans
sentiment moral, il n'en existerait pas en réalité. Pour que
l'humanité en chaque être humain puisse triompher et correspondre
aux attentes humaines, tout être raisonnable se doit de
privilégier ce qui l'humanise. Le bon sens est ce qui se doit
d'être partagé pour que l'homme s'apprécie
mieux.
De plus, l'être raisonnable se doit de traiter
son semblable avec beaucoup de respect et de considération puisque tout
être humain existe comme fin en soi. Si
l'être raisonnable est ainsi conçu, alors cette qualité
impose que chaque être digne de ce nom se doit de considérer son
semblable comme ce qui est infiniment au-dessus de tout prix : « Ce qui a
un prix peut être aussi remplacé par quelque chose d'autre,
à titre d'équivalent ; au contraire ce qui est supérieur
à tout prix, et
71 Michèle
Cohen-Halimi, Kant la rationalité pratique,
Paris, PUF, 2003, p. 117.
72 Emmanuel Kant,
Doctrine de la vertu, Op. cit., p. 244.
41
par suite n'admet pas d'équivalent, c'est ce
qui a une dignité »73. L'être humain selon
Emmanuel Kant existe comme fin en soi. Mieux les
personnes comme il l'avance ont une valeur absolue,
et non relative74. Au nom de cette dernière, son traitement
exige de nous de la perspicacité.
Le sens humain de l'habitude et de l'imitation, est
celui de la dignité humaine,
considérée comme la pierre de touche par laquelle il est possible
d'évaluer l'action humaine sous toutes ses formes. Pour que la
moralité des actions puisse s'accommoder avec les attentes des hommes,
il importe de connaître la fonction qui est assignée à
l'exemple en général. L'importance se justifierait par le souci
de bien se conduire dans les rapports avec les autres.
Cette fonction permet de comprendre que la
moralité dans l'imitation réside principalement, dans le fait de
favoriser la culture des dispositions primitives au bien. Cela impliquerait que
la qualité d'être humain suppose que, pour favoriser un
développement digne et conséquent de conduites sociales dans les
relations humaines, il importe que la rationalité et la logique soient
de mise. Dans la mesure où elles confirmeraient la lucidité et la
pertinence d'une raison, répondant à un besoin
humaniste.
En somme, la moralité de l'habitude consiste
à comprendre qu'elle ne peut tenir en règle
générale. Car la dignité de l'homme prime dans le choix
des exemples. Elle suggère que le traitement de l'humanité, exige
qu'on domine les sens par une capacité d'élévation
à ce qui nous porte au point de vue universel : la Raison. Il en est de
même pour toutes les conduites sociales. Dès lors, si tout
être humain se définit avec une certaine dignité d'homme,
cela n'implique-t-il pas à placer la moralité au fondement de
toutes les actions humaines pour le triomphe de l'humanité ?
73 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., p. 160.
74 Cette idée de
l'être humain comme fin en soi est manifeste dès
l'Antiquité grecque, dans la conception de la
liberté comme l'opposé de la servitude : « Nous appelons
libre celui qui est à lui-même sa fin et n'existe pas pour un
autre ». (Aristote Métaphysique 2,
982b 25-26).
42
DEUXIÈME PARTIE :
LA MORALITÉ ET LE FONDEMENT DE
L'HUMANITÉ
43
La réalisation de l'homme dans la vie en
société nécessite l'usage de ses facultés qui lui
confèrent hautement une certaine particularité sous laquelle il
se pense partout dans le monde. Cependant, les réalités de
l'existence se posent devant lui comme des obstacles interminables qu'il doit
franchir pour prétendre à une vie digne de son espèce. De
la sorte, la création des conditions devient des défis
énormes à relever en vue de son affirmation, et de même en
toutes circonstances dans le monde.
Il se pose comme être raisonnable qui, par sa
capacité à se représenter les lois morales, se
définit avec une certaine autonomie caractérisant sa
volonté. Cette définition l'élève ainsi comme un
être vivant qui, au lieu de subir les difficultés qui jalonnent
son existence, cherche sans relâche à créer les conditions
d'une vie digne de son être. Dès lors, la responsabilité
qui l'incombe est de répondre de tous ses actes, en les assumant pour sa
liberté, et même l'épanouissement social de tous. À
l'être humain, est reconnue la faculté de la moralité, non
pas en terme de contrainte, mais sous la forme d'une possibilité humaine
dans laquelle l'humanité en chaque être humain peut
raisonnablement s'affirmer.
Tous les actes qu'il pose laissent entrevoir des
emprunts dont les germes semblent être enracinés dans sa nature.
Ils sont tels qu'on ne pourrait en trouver ailleurs, chez d'autres
espèces vivantes en dehors de lui. Mais, si la moralité fait
partie de la nature de l'homme, alors comment justifierait-on sa
causalité ? La responsabilité de l'homme n'est-elle pas
d'accomplir son devoir dans le monde ?
44
CHAPITRE I : LA MORALITÉ DANS LA NATURE DE
L'HOMME
Parler de la moralité dans la nature de
l'homme, c'est concevoir chez celui-ci la dimension morale liée à
son être en général et à tous les êtres
raisonnables en particulier. En ce sens, la moralité, apparaît
comme un élément déterminant qui comporte sa
multidimensionnalité dont la compréhension fondamentale repose
sur l'autonomie de la volonté. Le concept fondamental dans
l'accomplissement de la bonne volonté est l'autonomie. Elle se
révèle comme ce qui porte au fond ce dernier.
La possibilité semble être objectivement
donnée pour une meilleure saisie de la quintessence des séries
d'actions. La moralité dans la nature de l'homme, impliquerait que la
compréhension de celui-ci exige la maîtrise des
éléments définissant son être. L'autonomie de la
volonté, à cet effet, constitue sous la gouverne de la raison le
principe humanisant, et rendant digne la personne humaine puisqu'il lui
confère un certain pouvoir d'agir, indépendamment de toute
influence extérieure.
Par l'autonomie de la volonté, à la
limite de l'édifiant, importe-t-il aux êtres humains de se
respecter et de se considérer mutuellement, en vertu de cette
dernière. On peut comprendre qu'aucune contrainte extérieure,
quelle que soit sa nature, ne peut dompter ce pouvoir spécifique
à tous, et faisant de l'homme un être digne de respect et de
considération. Dès lors, que comprendre davantage de l'autonomie
de la volonté humaine ?
1- L'autonomie de la volonté humaine
La compréhension de l'être raisonnable,
selon Emmanuel Kant passe par la connaissance de la causalité de sa
volonté qu'est l'autonomie. Mais qu'est-ce que l'autonomie ? Le mot
autonomie a une racine grecque : autonomos, qui se
régie par ses propres lois, indépendant, autonome. C'est le
caractère de ce qui se donne
45
à soi-même sa loi, de ce qui obéit
à sa propre loi75. À cette définition, est
intrinsèquement liée l'idée de liberté.
Ainsi, parler d'autonomie de la volonté
humaine, c'est concevoir l'homme en possession de tout son être, de son
unité, de son pouvoir d'agir indépendamment de toute contingence
extérieure. Dans cette acception que l'homme se fait de lui-même,
est enracinée sa conscience de la moralité :
Comme être raisonnable, faisant partie par
conséquent du monde intelligible, l'homme peut concevoir la
causalité de sa volonté propre sous l'idée de
liberté ; car l'indépendance à l'égard des cause
déterminantes du monde sensible (telle que la raison doit toujours se
l'attribuer), c'est la liberté. Or à l'idée de
liberté est indubitablement lié le concept de
l'autonomie, à celui-ci le principe universel
de la moralité, qui idéalement sert de fondement à toutes
les actions des êtres raisonnables, de la
même façon que la loi de la nature à tous les
phénomènes76.
Emmanuel Kant montre que l'homme, en
réalité, bien qu'étant dans le monde comme lieu de sa
réalisation effective, a une volonté déterminée
fondamentalement par l'autonomie, qui constitue le fondement de toutes ses
actions. Il est possible de noter qu'à ce niveau, se manifeste davantage
l'humanité. L'accomplissement du bien dans le monde se pose comme une
nécessité. Ce qui permet de comprendre que dans la
compréhension de l'autonomie de la volonté, la toute puissance de
l'homme qu'est la volonté se
révèle comme une propriété dont les êtres
raisonnables seuls en sont capables.
Tout être humain est digne d'un libre arbitre
qui impose de le traiter avec beaucoup plus d'égards. L'autonomie de la
volonté, qui est celle de l'homme fait ainsi l'objet d'un profond
respect, en vertu de toute sa puissance, capable de prendre des
décisions, de donner des orientations à la vie humaine ; et
même de promouvoir ce qu'il y a d'humainement recevable : le Bien
suprême. Toute la dignité de l'humanité est ainsi
consacrée et réside indéniablement dans l'autonomie de la
volonté humaine. En d'autres termes, la préférence que
nous
75 Jacqueline
Russ, Dictionnaire de Philosophie, Op. cit., p.
29.
76 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., pp. 191-192.
46
avons pour telle chose et l'aversion pour telle autre
ne saurait être l'expression d'une volonté extérieure
à soi. Mais, elle est le signe manifeste et réel de la
volonté humaine entièrement autonome.
De plus, l'autonomie, étant comprise comme ce
qui caractérise la volonté humaine, elle est logiquement
favorable à l'accomplissement du devoir. C'est ainsi que les
capacités à se transporter dans le monde intelligible et à
reconnaître l'autonomie, entrainent conséquemment la
moralité. Mieux, elle est l'expression de la capacité de l'homme
à accomplir des actions.
À présent nous voyons bien que lorsque
nous nous concevons comme libres, nous nous transportons dans le monde
intelligible et que nous reconnaissons l'autonomie de la volonté avec sa
conséquence, la moralité ; mais si nous nous concevons comme
soumis au devoir, nous nous considérons comme faisant partie du monde
sensible et en même temps du monde intelligible77.
En se concevant libre, vis-à-vis de tout objet
de l'expérience, l'homme s'offre, par conséquent le pouvoir de
soumission ou d'autorité. En cela, parler d'autonomie de la
volonté, c'est reconnaître à l'homme toute sa
dignité. Ainsi, nous pouvons noter que toute action, quelle qu'elle soit
; accomplit malgré ou bon gré est toujours le résultat
d'une certaine autonomie indéniable de la volonté humaine, qui
parvient à sa réalisation sous l'égide de la raison. Il
est nécessaire de comprendre l'homme sous l'autonomie de la
volonté car la compréhension même de son être
l'exige. Par ailleurs, son admission comme telle n'est pas audacieuse encore
moins curieuse.
Elle est nécessaire puisqu'il n'est pas
question de l'admettre par complaisance mais de se fixer pour le comprendre en
profondeur. La question qui se pose est celle de savoir ce qui
caractérise la volonté humaine. L'autonomie de la volonté
humaine est indéniable. Elle permet de comprendre que l'homme
possède une autonomie intérieure indépendamment de toute
influence. Elle s'exerce en vertu de sa puissance comme cause
efficiente par laquelle il se conçoit. Par elle, la
possibilité est donnée de saisir la quintessence des
actions
77 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., p. 192.
47
humaines, qui nous reste méconnues et
inexplicables sans elle. De plus, elle est enracinée dans « le
monde intelligible, qui contient le fondement du monde sensible, et par suite
les lois »78.
Elle s'expliquerait par son évidence qui
s'impose d'elle-même. Dans ce sens, elle est assortie d'une
nécessité qui s'impose aux hommes, de conformer les maximes de
leurs actions aux lois du monde intelligible. De cette manière, tout ce
qui est possible de voir comme actions accomplies par l'homme dans tous les
domaines de la vie, n'est qu'émanation du monde intelligible. Mieux,
« L'autonomie de la volonté est l'unique principe de toutes les
lois morales et de tous les devoirs qui y sont conformes »79.
Tout est conclu dans le monde intelligible avant d'être donné
à la vue dans le monde sensible. Cette effectivité se traduit en
actions aux formes diverses et variées.
Dans cet ordre d'idées, ce qu'il est possible de
souligner est la conviction
qui habite originellement en chacun de nous et qui est
certainement le présupposé moral fondamental. C'est en vertu
d'elle que sont pensées toutes les séries d'actions ;
c'est-à-dire celles qui sont conformes au devoir et celles qui sont
accomplies par devoir. La volonté du bien et du mal est suscitée.
En effet, la valeur de la volonté moralement bonne qui est la seule
chose qui soit absolument bonne et sans restriction, constitue le bon sens
partagé.
Elle repose sur un principe objectif, universel et
nécessaire et non sur des principes subjectifs, particuliers et
contingents. Si l'homme a une valeur absolue et non relativement à
quelque autre fin, son action doit être régie par
l'impératif catégorique moral, qui
prescrit à la volonté d'être bonne
absolument80.
C'est ainsi que l'on peut comprendre que la
volonté incite la personne morale raisonnable en général
et l'homme en particulier à mériter davantage le respect en tant
que des fins en soi. Dans cette perspective, Emmanuel
Kant ne nie pas le fait que l'homme puisse se servir dans certaines
circonstances, aussi de
78 Ibidem.
79 Emmanuel Kant,
Critique de la raison pratique, Op. cit., p.
179.
80 Mai Lequan,
La philosophie morale de Kant, Op. cit., p.
157.
48
moyens dans le but de réaliser ses fins
pragmatiques de prudence [geschicklichkeit], mais ne doit réduire
l'humanité en sa seule personne. L'homme, pour ainsi dire, peut
être compris dans sa capacité à exprimer son accord ou
désaccord dans les échanges interhumains. En ce sens, Jürgen
Habermas, nous parle d'éthique de la discussion. Il écrit
à cet effet ceci :
Dans l'éthique de la discussion, c'est la
procédure de l'argumentation morale qui prend la place de
l'impératif catégorique. Elle établit le principe « D
» selon lequel peuvent prétendre à la validité les
normes qui pourraient trouver l'accord de tous les concernés en tant
qu'ils participent à une discussion pratique81.
Dans le cas de la manifestation de l'autonomie de la
volonté dans les échanges humains, l'homme, est capable de
ramener l'impératif catégorique au rang d'un principe
d'universalisation. Celui-ci dans les discussions pratiques assume le
rôle de règle d'argumentation morale. Ainsi, l'homme, autonome, se
convainc de l'exigence de la validité d'une chose. C'est par
conséquent de l'autonomie de la volonté de tous que l'on parvient
au consensus. Dans la discussion, on comprend de façon essentielle
l'autonomie complète qui ne se réalise que sous le sceau de la
volonté humaine. Elle est le principe d'actions du genre humain. Car
cette faculté, en s'exerçant, apparaît comme la
confirmation de tout ce qui est librement consentit en matière de
moralité82. En ce sens, le jugement moral exprime bien une
obligation.
L'autonomie de la volonté humaine se
présente comme la condition sous laquelle l'homme doit être
pensé en tant qu'être humain. Cette conscience d'autonomie qu'il a
de lui-même a pour conséquence la moralité. Elle est
l'expression de la soumission de la nature sensible à la nature
intelligible. Mieux, en se considérant comme membre législateur
du règne des fins, l'être raisonnable s'offre le pouvoir de
soumettre le monde extérieur pour une existence digne et
81Jürgen Habermas,
De l'éthique de la discussion, trad.
l'allemand par Mark Hunyadi, Paris, GF-Flammarion,
1991, p. 17.
82 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., p. 181.
49
humaine. Sous cet angle, la responsabilité de
l'homme se pose-t-elle avec acuité dans le monde sensible ?
2- La responsabilité de l'homme
Qu'est-ce que la responsabilité ? Par
responsabilité, l'on peut entendre tout ce qui incombe à l'homme
de faire pour l'affirmation digne de son être dans tous les domaines de
la vie. En effet, la responsabilité vient du latin
respondere, qui signifie être digne de,
égal à, à la hauteur de : le fait de répondre
totalement de ses actes, de les assumer et de s'en reconnaître
l'auteur83. Parler de responsabilité implique
nécessairement une certaine imputation de l'homme. L'évocation de
toutes ces capacités dans les domaines de la vie fait appel à la
pleine conscience de l'homme. Se donner les moyens intellectuels, physiques et
moraux possibles, en agissant toujours pour la sauvegarde de sa dignité
d'homme, fait partie de la responsabilité de l'homme.
La dignité étant intrinsèquement
reconnue qu'aux hommes, impose d'assumer tous leurs devoirs, leurs engagements,
en vertu de leurs facultés : la raison, la maturité, la
liberté. L'imputation de la responsabilité à l'homme
réside aussi dans le fait qu'elle consacre toute l'humanité et la
particularité de ce dernier qui, à la différence des
autres espèces vivantes de la nature, possède la faculté
du bien et du mal, et donc de pensée : « L'homme n'est qu'un
roseau, le plus faible de la nature ; mais c'est un roseau pensant
»84. On peut comprendre qu'on ne saurait parler
véritablement de responsabilité que par rapport à cet
être raisonnable et libre. Il est en effet le seul être vivant,
capable d'esprit critique, de discernement et donc de raison qui l'installe au
monde et lui recommande d'y prendre position.
La responsabilité de l'homme que nous
évoquons ici, revêt une dimension absolument rationnelle et
critique. Là où la responsabilité de l'homme
est
83 Jacqueline
Russ, Dictionnaire de Philosophie, Op. cit., p.
250.
84 Blaise Pascal,
Pensées, Paris, Gallimard, 1954, pp.
1156-1657.
50
évoquée, cela suggère que sa
raison est interpellée. Et critique, dans la mesure où l'homme se
doit de cultiver une conduite enracinée dans la source morale qu'est la
dignité humaine85. Pour cette raison, le fait d'accomplir le
devoir, est plus que nécessaire pour l'édification de
l'humanité. Dans cette logique précise, l'étude de l'homme
peut être comprise comme l'expression de la volonté de l'homme de
se comprendre lui-même, voire la conduite convenable dans ses rapports
avec ses semblables.
Les conduites rationnelles et bienveillantes se
réaliseraient avec l'exacte connaissance de soi, de ses forces
physiques, intellectuelles et morales effectives. Selon Emmanuel Kant la vraie
connaissance morale de soi doit refuser de « prendre pour des preuves d'un
bon coeur de simples voeux qui peuvent bien être effectifs avec un vif
désir mais qui en ce qui touche l'action, sont vides et le demeurent
»86.
Il y a ici responsabilité de l'homme, dans la
mesure où en tant qu'intelligence, il se doit d'articuler le
vouloir et le pouvoir pour
l'accomplissement d'actions dignes de son être. Ce qui permet de penser
qu'il ne suffit pas d'émettre des voeux ou de posséder uniquement
de bonnes intentions qui, du reste, se bousculent dans la pensée, mais
plutôt de se donner les moyens possibles de les réaliser pour le
plus grand bien du monde. De fait, la responsabilité de l'homme est
liée à l'action réglée sur des conduites moralement
acceptables.
La responsabilité est une imputation de l'homme
puisqu'elle n'est conçue et admise comme telle que par rapport à
ce dernier. Cette responsabilité implique de manière
générale, que l'homme doit répondre de ses actes à
tous les niveaux, dans ce cas, elle correspond au devoir chez Emmanuel Kant.
Pour lui, le devoir désigne la nécessité d'accomplir une
action avec inclination pour la loi, par laquelle
l'homme a « conscience d'une bonne volonté qui de son propre
aveu
85 Jürgen Habermas,
La constitution de l'Europe, trad. de l'allemand par
Christian Bouchindhomme, Paris, Gallimard, 2012, p. 137.
86 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., p. 101.
51
constitue la loi pour la volonté mauvaise qu'il
a en tant que membre du monde sensible »87.
Parler de responsabilité de l'homme, c'est
aussi parler de ce qu'il accomplit décidemment tout en s'assumant. Dans
cet élan de responsabilité, il suit qu'il est toujours
nécessaire de reconnaître dans nos conduites sociales l'importance
du devoir qui les fonde. Il serait de ce fait ce qui élève
l'homme au dessus de lui-même. La raison exige qu'il préserve la
personnalité et l'espèce humaine toute entière en
répondant de ses actes. En plus, la reconnaissance d'une libre
soumission de la nature humaine à la perfection, voudrait que, quand il
s'agit de responsabilité, l'homme ne se borne pas à y voir
seulement ses intérêts, mais doit songer au bien de
tous.
Dans cet ordre d'idées, il est possible
d'observer cette vision rationaliste de la responsabilité de l'homme
chez Jonas Hans. Pour lui, la responsabilité des modernes dans la
civilisation technologique est de s'assumer devant les défis de cette
époque. Jonas Hans, à cet effet, affirme que :
C'est un problème central de l'éthique
de la responsabilité pour l'avenir que nous recherchons. Pour l'instant
il faut simplement dire que dans la zone où nous avons
pénétré avec la technique et dans laquelle nous devons
désormais évoluer, la circonspection et non l'excès doit
être le mot d'ordre88.
Jonas Hans lie la responsabilité au devoir. Il
fait correspondre la responsabilité au devoir qui consiste à
circonscrire le progrès technique pour le plus grand bien du monde. En
effet, cette responsabilité implique le devoir dans la mesure où
il serait inconcevable de parler de responsabilité sans qu'on y trouve
une nécessité d'agir, surtout quand cela engage notre existence.
Cette conception trouve tout son sens dans une perspective sartrienne. De fait,
l'homme étant défini par la liberté, la
responsabilité qui incombe est de s'assumer comme tel.
87 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., p. 195.
88 Jonas
Hans, Principe responsabilité. Une éthique pour la
civilisation technologique, Paris, Garnier Flammarion, 1990, p.
343.
52
De fait, l'homme est tenu de réaliser son
existence indépendamment de toute aide divine. L'homme doit modeler
l'histoire. De fait, à la question pourquoi parler de
responsabilité de l'homme, Jean Paul Sartre soutient que cette
dernière ne relève pas d'une volonté divine, elle lui
incombe plutôt, et son épanouissement existentiel en dépend
:
Parce que nous rappelons à l'homme qu'il n'y a
pas d'autre législateur que lui-même et que c'est dans le
délaissement qu'il décidera de lui-même ; et parce que nous
montrons que ça n'est pas en se tournant vers lui, mais toujours en
cherchant hors de lui un but qui est telle libération, telle
réalisation particulière, que l'homme se réalisera
précisément comme humain89.
La responsabilité de l'homme apparaît
indispensable dans la mesure où la liberté en dépend. Il
s'agit de répondre de tous ses actes qui se résument en devoirs.
La responsabilité se fonde sur l'engagement à accomplir
pleinement ses devoirs. Elle suppose que l'être humain doit s'assumer. De
même, les éléments de la responsabilité ne peuvent
être que des actions accomplies par devoir qui s'emboîtent de
partout, s'enchaînent et se complètent. C'est pourquoi, il
s'avère que tout ce qui relève de la responsabilité de
l'homme trouve sa justification dans l'accomplissement du devoir. Le
caractère subversif de la vérité s'impose
impérativement à la
pensée.
Elle suppose que les relations interpersonnelles
soient absolument édifiantes et dignes de celui-ci. C'est justement
ainsi que la bonne conduite recouvre toute sa signification : le Bien
suprême. Il ne peut être contemplé que dans l'ensemble du
genre humain. Le genre humain est le seul capable du Bien
suprême90. Il est l'ensemble des contributions
spécifiques de chaque membre du genre humain. Il renvoie à la
totalité, l'individualisation du concept de devoir permettant de
comprendre la contribution individuelle de chacun, justement dans sa
spécificité comme le produit d'une action régie par la loi
morale.
89Jean Paul Sartre,
L'existentialisme est un humanisme, Paris, Nagel,
1946, p. 94.
90 Friedrich Schleiermacher,
Conférences sur l'éthique, la politique et
l'esthétique, Op. cit., p. 242.
53
La qualité d'être raisonnable impose
à tout être humain de prendre en charge son existence. En effet,
la responsabilité de l'homme, de ce point de vue renvoie à la
moralité. C'est une prise de conscience réelle de ce que nous
représentons, c'est-à-dire une valeur
absolue. L'homme est doté de capacités physiques,
morales et intellectuelles, aux moyens desquels il peut assurer son existence.
La réalisation du bien moral dans le domaine de l'agir suppose la
responsabilité de l'homme, responsable de tout devant tous. Ce qui
implique que l'homme doit renoncer à la quiétude et agir pour une
affirmation digne de tous. La responsabilité de l'homme doit, par
conséquent, dépasser l'intériorité passive que peut
constituer la conviction subjective afin de réaliser la
moralité91 dans les conduites humaines.
Si l'homme est défini par la liberté, sa
responsabilité se pose en conséquence. En assumant cette
dernière, il construit son existence car il la prend en charge en toutes
situations. De plus, elle met en exergue la capacité de l'homme à
apprécier la valeur de la liberté. Elle englobe les conditions
d'une existence digne des hommes. La responsabilité de l'homme
assumée vient donner à la moralité toute sa consistance
car elle suppose l'accomplissement des devoirs indépendamment de toute
influence extérieure. Mais la moralité telle que
déjà comprise revêt-elle un caractère contraignant
pour l'homme ?
91 Mai Lequan,
La philosophie morale de Kant, Op. cit., p.
347.
54
CHAPITRE II : LA MORALITÉ ENTRE LIBERTÉ ET
CONTRAINTE Dans la philosophie morale d'Emmanuel Kant, les concepts de
moralité, d'autonomie et de liberté semblent contenir une
certaine convertibilité. Selon cette convertibilité, on ne
saurait parler de moralité indépendamment de l'autonomie et de la
liberté92. Toutefois que l'on évoque la
moralité, cela sous-entend nécessairement l'autonomie ou la
liberté de l'homme. Avec la mise en lumière de l'idée
d'autonomie, la forme de la liberté paraît trouver dans la
moralité, la notion de volontés législatrices
universelles, un contenu adéquat. Car, c'est seulement ainsi qu'il se
définit.
Souvent cette conception kantienne de la
moralité est mal interprétée. Cela pourrait se justifier
par certains préjugés, qui vont jusqu'à la taxer de
rigorisme93 relativement,
à certaines formules d'Emmanuel Kant jugées presqu'excessives.
Ces dernières taxées de contrainte en matière de
moralité, se voient refuser la liberté. Pourtant, il écrit
ceci : « Je comprends par là, à vrai dire, non pas quelque
chose comme un simple voeu, mais l'appel à tous les moyens dont nous
pouvons disposer »94 La réalisation de la
moralité chez l'homme nécessite des efforts, et n'admet point que
la bonne volonté se contente de la pureté intérieure de sa
maxime.
Pour Emmanuel Kant, bien qu'exigeant l'accomplissement
du devoir, la moralité se fonde sur l'autonomie de la volonté et
implique le traitement de l'humanité comme fin en soi.
Pour lui, ce que l'on fait sans joie et seulement comme une
corvée, n'a aucune valeur morale interne. En dehors du
vouloir librement exprimé, aucune valeur
morale n'est concevable. De ce fait, que doit-on comprendre des acceptions de
la moralité ? La moralité et son rapport à la contrainte
n'est-il pas une faculté nécessaire de l'être raisonnable
?
92 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., p. 192.
93 On connait
l'épigramme de Schiller : « Scrupule de conscience : Je sers
volontiers mes amis ; mais, hélas je le fais avec inclination, et ainsi
je me sens souvent tourmenté de la pensée, que je ne suis pas
vertueux ... » Mais Schiller lui-même a nuancé sa critique du
« rigorisme » kantien, au point d'être presque, finalement,
d'accord avec Emmanuel Kant.
94 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., p. 86.
55
1- Les acceptions de la moralité
Les acceptions de la moralité comportent la
connaissance selon laquelle les hommes s'en font différentes
représentations. En effet, cette réalité liée aux
actions humaines est appréhendée de diverses manières
quand il s'agit de la pratique. À travers les différentes
conduites humaines, il est possible de souligner que le jugement que l'on porte
sur la plupart des actions varie manifestement d'un individu à un autre
selon les intérêts en vue ou les enjeux qui le muent. Dans la
mesure où les conduites humaines semblent traduire l'acception de la
moralité des uns et des autres.
Très souvent, on qualifie facilement d'acte
digne de moralité ce qui va dans le sens de nos intérêts,
quoiqu'inconsciemment, cela ne puisse tenir à l'universel. C'est
pourquoi, nous avons des acceptions de la moralité qui diffèrent,
et qui fondent en raison les comportements ou les jugements des êtres
raisonnables. Ces conduites humaines permettent également d'entrevoir
les principes sur lesquels se fonde le concept de moralité dans leurs
entendements. Cette remarque peut se faire par les comportements des hommes,
qui traduisent leurs différentes acceptions de la
moralité.
C'est la compréhension des principes sur
lesquels reposent ces acceptions qui en établit la rationalité.
Toute acception de la moralité nécessite une clarification de ses
assises pour l'humanité. Il s'agit de savoir son fondement. Pour cela,
l'on pourrait se demander de la manière suivante : Quels sont les
principes sur lesquels doivent se fonder la moralité ? À cette
préoccupation, Emmanuel Kant écrit ceci : « Des principes
empiriques sont toujours impropres à servir de fondement à des
lois morales »95. À travers cette affirmation, se
dégage l'idée selon laquelle toutes les acceptions fondant la
moralité sur des principes empiriques, ne
visent que le bonheur. Les principes du bonheur personnel,
précisément, sont les plus condamnables. Ils le sont, non pas en
raison de leur
95 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., p. 172.
56
fausseté, mais ils supposent en dessous de la
moralité, des mobiles sensibles qui le ruinent et en dénient la
grandeur.
Pour cette raison, l'acception digne de
moralité repose sur des principes rationnels,
et donc de l'autonomie de la volonté. Ainsi,
Emmanuel Kant rompt avec l'acception des Stoïciens ou Épicuriens
qui préconisent une acception de la moralité, comprise comme le
principe du bonheur personnel, le prolongement et l'accomplissement de la
tendance à la vie bonne. Elle est fondée sur
l'hétéronomie. Elle comporte les
principes illégitimes de la moralité96. En plus, elle
est décrite comme ce qui nous attache aux plaisirs naturels et nous
inscrits dans l'ordre rationnel et juste du grand Tout. En rupture avec un tel
point de vue, Emmanuel Kant soutient que la moralité doit porter
dignement et humainement l'existence. En réalité, elle doit
servir de fondement à toutes les actions des êtres
raisonnables97. Il importe, par
conséquent, de rompre avec l'inaction, la négligence et le
contentement moral. C'est d'ailleurs de cette manière que l'homme se
rend digne d'être heureux, et même de produire des maximes
universalisables.
En rompant avec l'acception stoïcienne de la
moralité, reposant sur le naturalisme, et donc sur des principes de
l'hétéronomie orientés vers le bonheur personnel, Emmanuel
Kant, accorde une signification particulière au concept de perfection
récurrent dans sa philosophie morale. C'est pourquoi, l'orientation
qu'il donne à celui-ci, n'est nullement celle d'un idéal, mais
d'un accomplissement. Ce dernier est lié dans
une certaine mesure, à la liberté. Il soutient que la perfection
de l'homme est le plein accomplissement de son être. De fait,
les principes empiriques fondant la moralité,
consacrent une vie naturelle. Alors que les principes rationnels
voudraient que l'être raisonnable agisse sous le sceau d'une
acception de la moralité qui ordonne et porte son existence à la
juste connaissance de sa place dans la
Création98.
96 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., p. 170.
97 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., p. 192.
98 Alexis Philonenko,
La théorie kantienne de l'histoire, Paris,
Vrin, 1986, p. 56.
57
La bonne volonté de l'être raisonnable
est légitime. Puisqu'en tant que capable de perfection, elle est
censée se déterminer par la raison et se conformer
immédiatement aux principes rationnels devant
fonder la moralité. Ils excluent, par conséquent, la
sensibilité sujette à la contrainte. C'est pourquoi, Emmanuel
Kant affirme ceci : « Quand il s'agit de valeur morale, l'essentiel n'est
point dans les actions que l'on voit, mais dans les principes intérieurs
des actions, que l'on ne voit pas»99. La moralité, pour
ainsi dire, ne se juge pas à partir des principes
empiriques qui ont pour objet essentiel le bonheur personnel, mais
doit se focaliser sur l'autonomie, qui comporte les principes
rationnels de la bonne volonté, obéissant ainsi
à des impératifs catégoriques pour tous.
De plus, l'acception légitime de la
moralité semble désintéressée, puisque
fondée en raison, elle convainc le sujet moral du bien en soi et la
satisfaction liée à son accomplissement. En ce sens, la bonne
volonté traduit le bien humainement. C'est en ce sens qu'Emmanuel Kant
estime que :
Il se peut que cette volonté ne soit pas
l'unique bien, le bien tout entier mais elle est néanmoins
nécessairement le bien suprême, condition dont dépend tout
autre bien, même toute aspiration au bonheur100.
La raison consciente de sa vocation à fonder
une bonne volonté, ne peut qu'éprouver de la satisfaction dans
l'accomplissement de cette fin. De la sorte, la bonne volonté doit
présider à toute acception de la moralité, en vertu du
principe du vouloir. Emmanuel Kant pense que l'homme
ne doit se laisser guider par ses inclinations naturelles, mais plutôt
les dépasser, en agissant à leur encontre, surtout les mauvais.
La promptitude bienveillante doit s'affranchir de tout contentement moral, et
s'exercer en vertu de la raison propre à tout être humain. Ainsi,
la raison peut être comprise comme le principe directeur qui donne sens
à la vie.
De cette manière, la culture du respect se
pose, pour ainsi dire, comme la condition de possibilité des relations
humaines : « Le respect est, sans doute
99 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., p. 112.
100 Emmanuel Kant, Fondements de la
métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 93.
58
aucun, la première chose, car, sans lui, aucun
amour véritable ne peut exister, même si on peut tenir quelqu'un
en haute estime sans pour autant l'aimer »101.
Le respect se présente comme le vecteur
fondamental des relations interpersonnelles car sans lui, il serait difficile
de concevoir l'existence de toute société. Il fait
apparaître la soumission de la volonté à la loi, et, plus
profondément, réalise une harmonie entre la raison et la
sensibilité : par lui s'effectue une imprégnation de la
sensibilité par la raison. Dans le même ordre d'idées, il
est possible d'affirmer que le respect est ce qui favorise entre les hommes la
communication. La considération mutuelle et l'estime régnant
pardessus tout, apparaissent comme le fruit du respect. Cette
intelligibilité des hommes pourrait tenir au fait que chaque être
humain, dans son for intérieur reconnait tout l'humanisme qui
l'accompagne. Cette idée est d'autant plus justifiée que Martin
Heidegger écrit ceci : « L'humanisme consiste en ceci :
réfléchir et veiller à ce que l'homme soit humain et
non-inhumain, « barbare », c'est-à-dire hors de son essence
»102.
Cette haute reconnaissance de l'humanisme dont l'homme
est capable de témoigner en tant qu'être humain, partout dans le
monde qui rend si digne l'espèce humaine. En outre, si l'humanisme est
spécifique aux hommes, le respect est quant à lui la condition
d'effectivité puisqu'il concerne chacun dans sa capacité à
connaître et reconnaître autrui, et même dans ses relations
avec les autres. Parler de moralité dans ce contexte, c'est parler de
respect des autres, de courtoisie, mais aussi et surtout de la dignité
humaine. Puisque pour Leibniz, par exemple, la moralité est la dimension
supérieure, car finale, d'une théologie immanente selon le
modèle aristotélo-thomiste de la vertu naturelle.
Davantage, il s'en suit que l'aspiration au bien
quoique déterminée d'un point de vue leibnizien, renvoie la
moralité à la nature, le devoir à l'intérêt.
Tout
101 Emmanuel Kant, Théorie et
pratique D'un prétendu droit de mentir par humanité La fin de
toute choses, trad. de l'allemand par François Proust,
Paris, GF- Flammarion, 1986, p. 120.
102 Martin Heidegger, Lettre sur
l'humanisme, trad. de l'allemand par Roger Munier, Paris, Aubier
Montaigne, 1983, p. 45.
59
être humain devrait pour ainsi dire trouver la
nécessité d'agir dans l'intérêt de tous. C'est en
grande partie une dimension de l'homme qui leur conférerait leur valeur,
dans un monde où les transgressions morales et la manipulation sont
fréquentes dans les rapports entre les hommes puisque :
En effet, nos affections naturelles font notre
contentement : et plus on est dans le naturel,
plus on est porté à trouver le plaisir
dans le bien d'autrui, ce qui est le fondement de la bienveillance universelle,
de la charité, de la justice103.
Pour cela, il est possible de comprendre que
l'acception légitime de la moralité est celle qui
considère essentiellement l'homme à une dimension
supérieure. C'est pourquoi tout être humain souhaite être
traité avec beaucoup d'égards. La dimension supérieure est
ce qui le maintient par-delà toute chose. Il appartient à la race
supérieure et doit le demeurer. En conséquence, il est possible
de retenir que l'homme, en raison de ses intérêts fait reposer la
moralité sur des principes qui lui sont propres. Ce qui donne lieu
à des acceptions de la moralité.
La conscience morale de l'homme pour une acception de
la moralité digne de celui-ci n'est pas à exclure dans la mesure
où la raison est censée lui suggérer la distinction du
bien et du mal. Même si l'on évoque différentes acceptions
de la moralité, la raison humaine est susceptible de comprendre ce qui
est moralement acceptable en termes de conduites sociales. Une telle
affirmation pourrait se justifier dans la mesure où une constance
demeure: l'identité universelle de la
raison104. À ce titre, aucun
être humain, en dépit de son vif désir de se
réaliser, n'est censé ignorer ce qu'il y a de meilleur pour
l'humanité, et surtout quant il s'agit d'agir moralement.
C'est justement pour cette raison que l'homme doit
pouvoir témoigner de l'humanité spécifique à son
espèce. En effet, la substance normative inhérente à
l'égale dignité propre à tout être humain qu'est la
dignité, voudrait que l'homme comme tel, combatte tout ce qui est
susceptible de l'enliser, ou de porter atteinte à son être. Ses
actions et ses conduites doivent se fonder sur la raison qui
prescrit
103 René Sève, Leibniz et
l'école moderne du droit naturel, Paris, PUF, 1989, p.
129.
104 Friedrich Schleiermacher,
Conférences sur l'éthique, la politique et
l'esthétique, Op.cit., p. 255.
60
des impératifs catégoriques. C'est pour
cela même que l'homme doit pouvoir user du sceptre de la raison comme
arme pour la restauration permanente de sa
dignité d'homme.
L'homme est censé fonder son acception de la
moralité sur des principes rationnels. La raison humaine doit se poser
en termes de respect qui « dérive de la loi. Et son objet est aussi
la loi, car ce que nous respectons dans nos semblables n'est pas l'individu,
mais la personne, c'est-à-dire le sujet moral lui-même
»105. Les êtres raisonnables doivent fonder la
moralité sur des principes rationnels106, reposant sur
l'autonomie de la volonté, qui s'oppose aux principes empiriques
constitués par l'hétéronomie. Elle est défavorable
à la moralité et essentiellement portée par la recherche
du bonheur personnel. Cependant, en la fondant sur des principes rationnels,
c'est viser un traitement digne et humain de l'humanité selon la
pensée kantienne. Des lors, si la moralité ne consiste
qu'à édifier l'être humain, qu'impliquerait son rapport la
contrainte ?
2- La moralité et son rapport à la
contrainte
La moralité se présente comme le
contraire des attitudes malveillantes et intéressées. En effet,
concevoir la moralité et son rapport à la contrainte,
impliquerait l'idée selon laquelle tout être digne de ce nom, est
capable d'une absolue nécessité. L'homme en vertu de la raison,
est le seul capable d'une obligation morale. À ce titre, il est
censé agir avec inclination, tout en édifiant l'humanité
spécifique à l'espèce humaine. Quand il agit moralement,
la satisfaction est ce qu'il éprouve. Puisqu'il pense s'être
acquitté de son devoir dans la mesure du possible. Cette
possibilité s'inscrirait dans l'obligation morale qui se rattache
à cette idée de contrainte.
Dans ces conditions, la moralité, loin
d'astreindre l'épanouissement de l'homme, concourt à favoriser,
l'édification des êtres raisonnables. Elle renforce
105 Cette définition est donnée par
Ferdinand Alquié dans la Préface de la Critique de
la raison pratique, (Paris, PUF, 1963), pp. 22-23.
106 Emmanuel Kant, Fondements de la
métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 168.
61
les liens de fraternité, d'amitié et de
solidarité. En se considérant défini par la
liberté, l'être raisonnable doit pouvoir trouver de
l'intérêt à bien se conduire. La contrainte de ce fait ne
signifierait pas une obligation extérieure. Mais elle s'expliquerait par
la restauration de la dignité humaine, qui exige le respect. Demeurant
intérieure, Emmanuel Kant la justifie :
La conscience d'une libre soumission de la
volonté à la loi, mais accompagnée pourtant d'une
contrainte inévitable exercée sur tous nos penchants par notre
propre raison est donc le respect pour la loi. La loi, qui exige et inspire
aussi ce respect, n'est autre, comme on le voit, que la loi morale (car seule
celle-ci) a le privilège d'exclure tous les penchants de l'influence
immédiates qu'elle exerce sur la volonté107
.
La possibilité par laquelle l'homme peut
comprendre la moralité et son rapport à la contrainte, est la
conscience d'une libre soumission de la volonté à la loi.
L'accomplissement de la moralité qui se formule en respect de
manière extérieure, est le fait de la contrainte
intérieure à laquelle aucun être raisonnable
n'échappe. Loin de paraître comme une influence extérieure,
la contrainte exercée est dû à notre propre raison. Elle
constitue le principe qui ordonne immédiatement la volonté.
Ainsi, toute conduite indignant la personne humaine, constitue une simple
volonté malveillante et irrationnelle, par laquelle un individu ignore
volontiers la moralité.
De même, les conduites sociales objectivement
pratiques suivant cette représentation de la moralité et son
rapport à la contrainte, considèrent le devoir. Pour cette
raison, la contrainte prendrait la forme de devoir. Puisque l'exclusion des
mauvais penchants est rendue possible par l'accomplissement de cette
contrainte. Par conséquent, la représentation que l'être
raisonnable peut faire, doit être comprise comme « la contrainte
pratique, c'est-à-dire d'actions auxquelles nous devons nous
déterminer, quelle que peine que cela nous coûte
»108. En prenant de la peine à l'accomplissent de cette
contrainte intérieure, l'homme ne
107 Emmanuel Kant, Critique de la raison
pratique, Op. cit., p. 259.
108 Emmanuel Kant, Critique de la raison
pratique, Op. cit., 259.
62
fait qu'honoré l'humanité dans sa
perfection. Il témoigne de la raison qui structure les rapports
humains.
Si l'être raisonnable ne s'humanise davantage
que par l'accomplissement de son devoir, alors comment le reconnaitre et
s'assurer de l'avoir accompli ?
Emmanuel Kant répond à cette question de
la manière suivante : « En d'autres termes la connaissance de ce
qui est devoir s'offre d'elle-même (...) surtout s'il s'agit d'un
avantage qui s'étende à toute l'existence »109.
La reconnaissance du devoir, réside dans son accomplissement,
susceptible de tenir à l'universel. Le devoir de manière
conséquente, constituerait la source par excellence de la
moralité dans la mesure où la loi morale qui l'incite en nous
conduit à la reconnaissance de cet accomplissement qu'est la culture du
bien. L'être raisonnable, doit avoir des conduites portées par
l'impératif catégorique : « Agis uniquement d'après
la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu'elle devienne une
loi universelle »110.
La conduite de l'homme doit s'inscrire dans
l'objectivité. Il importe de souligner que cette adresse de la
moralité sous forme de contrainte exige que l'homme agisse certes, mais
qu'il soit conséquent avec lui-même. Cela rendrait les
échanges interpersonnels dignes comme le pense Emmanuel Kant. Dans ce
même ordre d'idées, il est possible de comprendre que, même
si la vie pour les êtres raisonnables consiste à vivre, il est
nécessaire de bien agir car, en cela, se trouve la source de maximes
universalisables111.
Cependant, comment s'explique la réalisation de
maximes universelles chez l'être raisonnable ? La réalisation de
maximes universalisables, selon Emmanuel Kant passe par le sentiment. Ce
dernier apparaît sous la forme d'un intérêt moral dont sont
capables tous les êtres humains. Ce qui renverrait à l'idée
que le développement constant de ce sentiment de l'intérêt
moral est légitime. Elle aiguise et confère du sens au devoir
à accomplir :
109 Emmanuel Kant, Critique de la raison
pratique, Op. cit., p. 185.
110 Emmanuel Kant, Fondements de la
métaphysique des moeurs, Op. cit., pp. 139-140.
111 Ibidem., p. 142
63
L'intérêt moral est un sentiment
indépendant des sens, et qui a uniquement sa source dans la pure
pratique. Sur le concept d'un intérêt se fonde à son tour
celui d'une maxime. Une maxime n'est donc moralement bonne, que quand elle
repose sur l'intérêt que l'on prend à la pratique de la
loi.112
L'intérêt moral trouve lui-même sa
source dans la raison pure pratique. Il permet en particulier de comprendre le
fondement de la maxime universelle. La pratique de la moralité
résulte d'une transformation de la contrainte en intérêt
moral et, qui à son tour s'accomplit en devoir. D'où pouvons-nous
noter le rapport de la moralité à la contrainte. La conduite de
l'homme serait de trouver toujours de l'intérêt moral à
édifier l'humanité. Leur désir de reconnaissance et leur
affirmation devraient les mener à la liberté, la justice,
lesquelles permettraient la restauration de la dignité.
L'accomplissement du devoir demande la volonté
bonne. Elle consiste à affermir la conscience du devoir qui se veut
contraignant. En ce sens, Ralph Walker fait cette précision : « Une
personne peut accomplir un acte qui est un devoir sans que cette action ait la
moindre « valeur morale » parce que le motif n'est pas le devoir
»113. Tout cela est essentiel dans la compréhension de
la moralité dans son rapport à la contrainte. Le devoir,
découlant de ce rapport raisonnable doit être emprunt d'humanisme
et de bienveillance. Ce qui signifierait que la reconnaissance de cette
contrainte morale relève de la compétence humaine. Elle vient
marquer l'idée selon laquelle il n'y a que les êtres raisonnables
qui aient la faculté d'agir d'après la représentation des
lois, c'est-à-dire d'après les principes, et par
conséquent qui aient une volonté.
On peut noter ainsi que, toute action en
déphasage avec les principes de la moralité, doit conduire
à la peine pour le sujet moral. Doit se produire, dès lors «
un inconfort »114 encore plus si cette dernière est
publique. C'est une ombre qui devrait nous suivre. Par ailleurs, une telle
affirmation pourrait se justifier dans la
112 Emmanuel Kant, Critique de la raison
pratique, Op. cit., p. 257.
113 Ralph Walker, Kant, Op.
cit., p. 49.
114 Julien Corriveau, Le jugement de la
conscience morale dans la philosophie pratique d'Emmanuel Kant,
Mémoire de maîtrise en Philosophie, Montréal,
Université de Montréal, 2011, p. 12.
64
mesure où il y va de « la moralité
des êtres raisonnables, qui seule comprend la mesure d'après
laquelle uniquement ils peuvent espérer, par la main d'un sage Auteur du
monde avoir part au bonheur »115. Le bonheur des êtres
raisonnables réside dans la compréhension de la moralité,
qui conditionne, par conséquent leur part. Car cette part au bonheur
prend en compte leur moralité qui doit porter la marque distinctive de
la contrainte : l'intérêt moral. On ne pourrait penser la
moralité indépendamment de la liberté et de la contrainte
qui sont du pouvoir de chaque être
raisonnable116.
Le rapport de la moralité à la
contrainte implique que l'homme est libre d'agir comme il l'entend : libre de
s'asseoir, de se tenir debout, de marcher, de courir, de ralentir etc. Mais la
conscience de ce rapport suggère que l'individu agisse bien. C'est ainsi
qu'il se rend digne d'actions morales, de conduites sociales susceptibles
d'honorer l'humanité. L'être raisonnable ne ferait que se
distinguer des autres êtres vivants de la nature. Puisque la
représentation des lois d'après laquelle il agit, constitue toute
sa dignité d'homme. De ce fait, on parle de paix du coeur
lorsqu'il n'y a pas de faillite au devoir. La conscience est
commandée par le devoir sous l'égide de la raison.
De même, le fait de bien agir,
légitimerait la satisfaction chez le sujet moral. Elle se fonde sur le
principe que, ce qui nous humanise est honoré : la moralité. Si
la tranquillité consiste surtout à être en paix avec
soi-même, et avec les autres, il en est de même pour
l'intérêt moral que l'on prend à l'accomplissement de la
loi117. Son effet sublime intervient lorsque l'homme, de par ses
conduites morales agit dans le plus grand intérêt du monde. En
respectant la dignité de son semblable, il l'humanise. C'est pourquoi,
dans cette projection humaniste, la qualité d'être humain voudrait
constamment qu'il « suivre la voie
115 Emmanuel Kant, Critique de la raison
pratique, Op. cit., p. 257.
116 Ibidem.
117 Emmanuel Kant, Critique de la raison
pratique, Op. cit., p. 259.
65
que la raison lui indique comme la meilleure quoique
ses appétits l'inclinent d'un autre côté
»118.
En considérant le rapport de la moralité
à la contrainte dans l'entendement humain, les rapports
extérieurs entre les hommes se révéleraient davantage
dignes des hommes. Dans leur ensemble, les conduites sociales seraient sous la
forme d'un mélange harmonieux. En effet, ce qui est exigé, c'est
le sentiment moral, qui est proprement
l'intérêt moral, et qui doit nous inciter à la culture du
bien. Le souci de l'intelligibilité et de convenance des actions
paraît tout à fait compréhensible puisque ; en tant que
dépositaire de la conscience
morale119, l'homme se doit d'oeuvrer
pour l'édification de l'être humain. L'être raisonnable se
trouve soumis à une nature humaine qui impose d'agir avec la conscience
de respect pour l'homme en tout temps120.
Tout individu pourrait, en lui-même trouver
l'expression de la détermination de la volonté qui le fonde, et
l'affirmation d'une conscience. Le sentiment moral est l'élément
déterminant, capable de nous guider « dans la communauté des
individus, puisqu'une conscience se développant d'emblée de
façon isolée ne nous est pas donnée et ne saurait non plus
être pour nous un objet d'intuition »121. En
conséquence, la contrainte morale exige qu'il témoigne de
conduites l'associant dignement à la vie communautaire. La
reconnaissance de la moralité en rapport avec la contrainte,
signifierait que les bonnes raisons de bien agir 122, se trouvent en
l'homme lui-même. C'est ainsi qu'il apparaît comme le seul
être digne de la conscience morale.
La possession de cette faculté nous persuade
que la personne humaine est sacrée. À ce titre, la conscience
morale juge la moralité du traitement particulier que nous
réservons à l'être humain, possédant
indéniablement une valeur absolue.
118 John Locke, Quelques pensées sur
l'éducation, trad. de l'anglais par Gabiel Compayré,
Paris, Vrin, 1966, p. 34.
119 Jürgen Habermas, Morale et
communication, trad. de l'allemand par Christian
Bouchindhomme, Paris, GF-Flammarion,
1999, p. 131.
120 Emmanuel Kant, Doctrine du droit,
trad. de l'allemand par Alexis Philonenko,
Paris, Vrin, 2011, p. 185.
121 Friedrich Schleiermacher,
Conférences sur l'éthique, la politique et
l'esthétique, Op.cit., p. 257.
122 Emmanuel Kant, Fondements de la
métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 101.
66
De par nos conduites quotidiennes, il importe que nous
témoignions de maximes universalisables. Cette importance pourrait se
justifier dans la mesure où la culture de la raison suppose des
conduites dignes et moralement convenables. La conscience morale,
détermine également notre qualité morale. Le
développement de cette dernière fonde la légitimité
de la moralité dans son rapport à la contrainte. Il explique le
fait réflexif et motivationnel de la conscience dans l'accomplissement
du bien.
De plus, l'existence de la raison comme faculté
gouvernant, légitime une tension vers l'universalité par des
maximes d'actions caractérisées par la recherche du plus grand
bien du monde. La moralité suggère que tout être
raisonnable doit se conduire avec la conscience que l'accomplissement du devoir
est une contrainte. Elle recommande nécessairement un
intérêt moral que tout homme est censé découvrir, en
vertu de la qualité d'être humain. Cette digne
représentation de la moralité constitue le fondement de
l'humanité puisque dans la pensée d'Emmanuel Kant, elle est la
mesure dans laquelle l'humanité peut triompher. De même, parce que
l'évolution de l'humanité semble tenir au
règne des fins profitables. En somme, cette
compréhension de la moralité est essentiellement portée
par la transformation des valeurs en vertus.
Quant à l'analyse de la moralité et le
fondement de l'humanité, elle montre que l'homme, être doué
de raison et de liberté, doit témoigner de la moralité
dans toutes ses actions. En se souciant de la moralité de nos actes,
nous prenons part à l'intérêt moral. Il constitue le
sentiment moral qui atteste notre humanité. La moralité se
présente sous la forme d'une conscience morale qui habite en chacun de
nous123. En vertu de la raison, tout homme doit accomplir son devoir
en lequel réside le triomphe digne de l'humanité. Cette
capacité doit se traduire par des actions de bonne volonté
caractérisées par l'effort et la persévérance dans
l'accomplissement du bien moral.
123 Julien Corriveau, Le jugement de la
conscience morale dans la philosophie pratique d'Emmanuel Kant,
Op. cit., p. 8.
67
La moralité dans la nature de l'homme
suggérerait la compréhension selon laquelle l'homme comporte une
dimension morale inhérente à sa nature. Il se
révèle comme un être dont la volonté est
caractérisée par l'autonomie. Elle se présente sous la
forme d'une condition objective sous laquelle il doit être pensé
en tant qu'être raisonnable. Elle est, par conséquent, favorable
à la moralité. Par là, nous avons pu noter que la
liberté, l'autonomie définissent l'homme et sa
responsabilité s'impose dans le monde. Elle réside dans les
accomplissements de ses actes. De fait, il construit l'humanité et
témoigne de la moralité, puisqu'elle ordonne l'accomplissement du
devoir.
En outre, le développement sur la
moralité entre liberté et contrainte nous révèle
que différentes acceptions de la moralité sont faites. Mais
l'homme est censé fonder la moralité sur des principes
rationnels, capables d'élever et d'honorer l'humanité en
même temps. C'est une compréhension qui enseigne à traiter
l'humanité avec beaucoup de respect et de considération. Par
contre, fondée sur des principes empiriques, l'hétéronomie
s'oppose à la moralité. L'hétéronomie signifierait
l'ensemble des principes portés par la quête du bonheur personnel,
source d'indignation pour l'homme.
Dès lors, si le triomphe de l'humanité
réside dans la moralité, qui doit être au fondement de
toutes nos actions, Emmanuel Kant ne nous dit pas comment l'humanité
peut triompher constamment. Par quel moyen en rapport avec la moralité,
l'humanité peut-elle triompher dans la société
?
68
TROISIÈME PARTIE :
LA MORALITÉ ET SON RAPPORT À
L'ÉDUCATION DANS LA SOCIÉTÉ
69
L'éducation a une racine latine :
educatio ; qui désigne l'instruction, la
formation de l'esprit. C'est aussi le processus par lequel une ou plusieurs
fonctions se développent progressivement, et graduellement, par
l'exercice. Elles se perfectionnent ainsi124. L'éducation se
présente, par conséquent comme une science par laquelle l'homme
est produit comme humain. Avec ses formes diverses et variées, assorties
de méthodes relatives, l'éducation se caractérise par une
constante dont la fonction d'humanisation et de moralisation dans la
société est justifiée.
En effet, l'éducation dans sa pratique se
présente comme un ensemble de dispositions destiné à
forger les capacités physiques, intellectuelles, morales et spirituelles
de l'homme pour une existence intelligente et intelligible. De plus, en tant
que science de l'homme, elle comporte les conditions d'évolution ou
d'émergence des sociétés humaines, ainsi que les
progrès au sens plein du terme. Si tels sont les intérêts
divers de l'éducation, son caractère scientifique semble
être affirmé. Dans la mesure où chaque domaine requiert des
dispositions méthodiques, rigoureuses, graduelles ou progressives,
consacrant l'amélioration des conduites humaines en
société. Pour tout dire, l'éducation est indispensable
pour l'affirmation digne de l'humanité.
En considérant l'éducation sous cet
angle, il est donné de comprendre que les conduites sociales dignes des
êtres humains y tirent leurs sources. Elles offrent la possibilité
d'acquérir les idées rattachées à la consistance de
la moralité. D'où la possibilité de considérer
l'existence d'un rapport entre elles. Car, bien que vue sous plusieurs
formes125, l'éducation paraît comporter les conditions
de réalisation effective et digne de l'espèce humaine. Ainsi, la
moralité semble trouver sa justification dans son rapport à
l'éducation en vertu de la finalité éthique et humaine
qu'elle poursuit.
124 Jacqueline Russ, Dictionnaire de
Philosophie, Op. cit., p. 82.
125 Lopez Emmanuel Oscar Koffi, La
problématique de l'éducation dans la philosophie de Hannah
Arendt, . Thèse de Doctorat d'État en Philosophie,
Université Félix Houphouët-Boigny- Abidjan, 2014, p.
69.
70
CHAPITRE I : LA CONSISTANCE DE L'ÉDUCATION
L'homme est tel qu'on ne pourrait concevoir absolument
toutes valeurs sociales que par rapport à ce dernier. En effet, la
capacité manifeste à admettre unanimement telle pratique et
à rejeter telle autre dans l'intérêt de la
société, est liée à sa nature éprise de
perfection et de liberté. Cette tendance naturelle se pose alors comme
ce qui, en lui-même pousse sans cesse à recouvrir
l'humanité. C'est pourquoi, l'éducation, dans une certaine mesure
est considérée comme une réalité qui conditionne
cette humanité. Par elle, l'homme développe naturellement le
besoin de s'humaniser pour être davantage épanoui. Elle semble
être la source d'enchantement de l'humanité.
L'expression de ce besoin de s'humaniser va se
traduire concrètement par l'observation de bonnes conduites
inculquées par l'éducation. On note que l'éducation de
cette manière pousse l'homme vers sa plénitude dans la mesure
où elle privilégie la culture des valeurs. C'est donc dire que
l'éducation, dans sa consistance est capable de favoriser des hommes
véritablement dignes et humains. Par conséquent,
l'éducation regroupe de nombreux profits pour l'espèce humaine :
recouvrement de l'humanité, la généresence des hommes et
le respect des normes sociales. Ces acquis corroborent, pourrait-on dire, la
consistance de l'éducation. Ils le sont puisque l'humanité en est
honorée. De fait, l'éducation est-elle en rapport avec la
construction de l'humanité ?
1- L'éducation et la construction de
l'humanité
De tous les secteurs liés à
l'émergence des peuples, celui de l'éducation occupe une place de
choix dans leur vie. En effet, la reconnaissance de cette place serait due
à la consistance indéniable que lui attribuent les
sociétés humaines. Cette force de l'éducation est
largement répandue au cours de l'histoire. Comme preuve, toute
société humaine ne peut parvenir à un niveau de
développement considérable que par l'éducation. Elle
s'étend à tous les secteurs d'activités. Il suit, de ce
point de vue, qu'elle est édifiante.
71
Si l'éducation se pose comme une science des
êtres raisonnables, alors n'est-ce pas la preuve qu'elle participe
à la construction de l'humanité ? La culture de toutes les
valeurs humainement concevables est subordonnée à la transmission
des valeurs de l'éducation. L'admission de l»éducation dans
sa vocation se présente comme la science par laquelle l'homme parvient
à la réalisation de l'humanité. En ce sens, Jean-Jacques
Rousseau reconnaît le continuum que constitue l'éducation puisque
pour lui :
Nous naissons faibles, nous avons besoin de forces ;
nous naissons dépourvus de tout, nous avons besoin d'assistance ; nous
naissons stupides, nous avons besoin de jugement. Tout ce que nous n'avons pas
à notre naissance et dont nous avons besoin étant grands nous est
donné par l'éducation126.
L'éducation montre toute son
indispensabilité dans la construction et la réalisation de
l'espèce humaine. Elle apparaît comme ce par quoi l'homme est, et
ce qu'il devient. La construction de l'humanité apparaît
évidente par le biais de
l'éducation, révélant son
efficacité par le développement des
facultés intellectuelles, physiques et morales chez les êtres
raisonnables au cours de l'existence. Elle constitue une capacité et un
besoin de l'homme en société.
Le fait de parler de valeurs humaines comme la
moralité, relativement aux conduites humaines, ne pourrait s'arroger de
la consistance que dans le domaine de l'éducation. Même si
l'actualité de nos sociétés modernes affiche par endroit
autant de négativités, il apparaît néanmoins
préjudiciable de nier à la base toute éducation. En ce
sens, l'on ne peut parler de construction que par rapport à la science
de l'homme. Elle contribue à la construction de l'humanité. Dans
le contexte sociétal, l'éducation se présente comme le
processus dans lequel l'humanité se forme. Dans la mesure où la
poursuite des valeurs de toutes sortes y est contenue.
De cette manière, la fonction de
l'éducation, est d'abord et avant tout celle de développer, peu
à peu, toutes les qualités naturelles de l'humanité en
l'homme.
126Jean-Jacques Rousseau,
Émile ou De l'éducation, Op. cit., p.
83.
72
Le rapport de la moralité avec
l'éducation pourrait s'expliquer par le fait qu'aucun progrès
quel qu'il soit ne peut se réaliser sans éducation. Ce qui
signifie que la voie la mieux indiquée pour construire toutes les
valeurs humaines, est celle de l'éducation. Elle se pose comme le
substratum de tout développement humain remarquable des peuples. Des
puissances de ce monde comme l'Europe et les États-Unis n'ont pu se
hisser à ce piédestal que par la reconnaissance de
l'éducation, à laquelle pouvoir a été
accordé.
Son pouvoir s'est avéré d'autant plus
efficace et profitable que les dirigeants en sont arrivés à
restaurer l'autorité des corps enseignants. Elle a été
admise comme gage de réussite sociale : « Ce faisant on ne tente
rien d'autre qu'une restauration : on n'établira une fois de plus
l'autorité dans l'enseignement »127. L'éducation
conditionne la conception et la culture de toutes les valeurs désirables
: morale, physique et intellectuelle. De plus, concevoir l'éducation,
c'est aussi envisager son rapport à la construction de l'humanité
pour les êtres raisonnables. Cela reviendrait à signifier que la
reconnaissance de l'homme comme être doué de raison et de
liberté semble fonder davantage toutes ses représentations. Les
valeurs humaines à cultiver, par exemple, expliquent les conditions de
triomphe de l'humanité.
Davantage, la reconnaissance de ce rapport implique
que par l'éducation, l'homme a la capacité de s'élever
à la moralité, et partant à toutes les valeurs humaines
concevables. Par le fait de la raison, la nécessité du bien est
forgée. Pour preuve, la distinction des choses de la nature est
redevable à la raison dont le développement rationnel et
conséquent est assuré par l'éducation, qui aiguise nos
facultés sensorielles :
Sitôt que nous avons, pour ainsi dire, la
conscience de nos sensations, nous sommes disposés à rechercher
ou à fuir les objets qui les produisent, d'abord selon qu'elles nous
sont agréables ou déplaisantes, puis selon la convenance ou
disconvenance que nous
127 Hannah Arendt, La crise de la
culture, trad. de l'anglais par Patrick-Levry, Paris, Gallimard,
1972, p. 236.
73
trouvons entre nous et ces objets, et enfin selon les
jugements que nous en portons sur l'idée du bonheur ou de la perfection
que la raison nous donne128.
Il faut dire dans ce cas avec Jean-Jacques Rousseau
que le mérite de la raison dans l'éducation est remarquable. Elle
constitue une faculté qui, au moyen de l'éducation, consolide en
l'homme la distinction du bien et du mal. La raison participe au progrès
de la civilisation et de l'humanité. L'homme doit la cultiver sans cesse
en toute chose pour parer aux transgressions morales. En plus, elle permet
d'amoindrir les dérives sociales. La capacité des hommes à
surmonter les différences, existant dans les moeurs et leurs talents,
est fondamentalement redevable à leur éducation qu'à autre
chose. Elle forme leurs esprits de sorte que les notions de fraternité,
d'altruisme, de coopération, de vivre-ensemble finissent par
intégrées leurs moeurs.
Elle développe la raison et enseigne comment il
faut vivre en bonne intelligence avec les semblables. Ce qui signifie que c'est
un processus qui nécessite l'usage de la raison. En effet, Ernest
Cassirer souligne que c'est :
« L'art qui doit devenir raisonné, s'il
doit développer la nature humaine de telle sorte que celle-ci atteigne
sa destination »129 . Pour lui, l'éducation, doit
comporter une dimension rationnelle. Elle l'exige, non pas en raison de
l'incapacité de l'homme, mais pour que la nature humaine parvienne
à son accomplissement. Effectivement, la faculté
régulatrice qu'est la raison, est très importante dans
l'éducation. Ici, le développement de la raison semble être
la condition de l'éducation, dans la mesure où l'accès
à l'humanité en dépend socialement.
Quant à lui, Emmanuel Kant, dans cet
élan de formulation assigne quatre objectifs à l'éducation
: la discipline, la culture, la civilisation et la moralisation130.
Elles forment l'humanité dans toutes ses phases diverses et
128Jean-Jacques Rousseau,
Émile ou De l'éducation, Op. cit., p.
84.
129 Ernest Cassirer, Rousseau, Kant, Goethe,
trad. de l'allemand par Jean Lacoste, Berlin, Tours, 1991, p.
79.
130 Emanuel Kant, Réflexions sur
l'éducation, trad. de l'allemand par Alexis Philonenko,
Paris, Vrin, 1996, pp. 5256.
131 John Locke, Quelques pensées sur
l'éducation, trad. de l'anglais par Gabiel Compayré,
Paris, Vrin, 1966, p. 34.
132 Emmanuel Kant, Réflexions sur
l'éducation, Op. cit., p. 6.
74
variées, et poussent avec docilité les
hommes à se soumettre aux prescriptions de la raison. Cependant, en quoi
consiste la construction de l'humanité ?
Parler de construction de l'humanité, renvoie
dans une certaine mesure à l'ensemble des acquis de l'éducation.
En effet, cette construction de l'humanité pourrait s'expliquer par les
résultats satisfaisants que procure l'application des rudiments de
l'éducation aux hommes. Grâce à l'éducation l'home
acquiert la capacité de s'ennoblir. Cette faculté chez l'homme,
repose essentiellement sur l'adoucissement des moeurs, que seule procure
l'éducation. Dès lors, comment justifierait-on les manquements
dans les conduites humaines ? D'après, John Locke, il est important de
comprendre que selon l'expérience quotidienne, les mauvaises conduites
sociales ne sont pas à attribuer à autre chose, mais à
l'éducation. Ainsi, il écrit ceci : « l'éloge ou le
blâme » d'un comportement humain est toujours imputable à
l'éducation. C'est la faute de leur éducation
»131.
Dans ce sens, aucune satisfaction ne pourrait
être obtenue en termes de moralité que par une éducation
axée sur la formation du caractère par les éducateurs.
Pour cette raison, il faut du courage et une certaine disposition d'esprit, qui
sont un devoir moral à la charge des pédagogues dans la
société toute entière. C'est de cette manière que
l'on peut comprendre le caractère constructif de l'humanité par
l'éducation. En outre, selon Emmanuel Kant :
L'homme ne peut devenir homme que par
l'éducation. Il n'est que ce qu'elle le fait. Il est à remarquer
qu'il ne peut recevoir cette éducation que d'autres hommes, qui l'aient
également reçue. Aussi le manque de discipline et d'instruction
chez quelques hommes, en fait de très mauvais maîtres pour leurs
élèves132.
En considérant que le devenir de l'homme
réside dans l'éducation, c'est montrer que sans elle, il est
impossible de concevoir la discipline et la culture chez celui-ci. Comme
l'explique Emmanuel Kant, la discipline empêche que l'homme soit
détourné de sa destination, qui est celle de l'humanité.
Celle-ci ne peut être sauvegardée que par des hommes qui,
eux-mêmes, en ont subi la
75
rigueur. Par la discipline, il est possible de
soumettre l'homme aux lois de l'humanité. Quant à la culture,
elle comporte la partie positive de l'éducation. C'est exactement ce qui
est remarquable dans les rapports interpersonnels quand une éducation a
été faite avec soin. La bonne volonté est ainsi manifeste
et humaine.
Si l'on admet que l'éducation a rapport
à la construction de l'humanité, c'est qu'elle sert à
former les esprits humains à la discipline, à les habituer
à se plier devant de la raison. Elle doit combattre l'ignorance sous
toutes ses formes133. Dans ce même ordre d'idées, il
est certain, en effet, que l'appartenance de l'éducation à
l'espèce humaine est justifiée au point qu'il semble difficile
d'en tirer autant de profits chez d'autres êtres vivants en dehors des
hommes. L'éducation est considérée comme vectrice de
principes conduisant à la vertu. Le rôle que peut accomplir en
cela, l'éducation, est compréhensible du fait qu'elle permet de
fonder en raison tout ce qui, humainement, est admissible. L'homme doit
développer ses simples dispositions naturelles au bien, qui apparaissent
sans la moindre marque distinctive de la moralité.
C'est ainsi qu'il en va également pour la
transformation des valeurs en vertus. Ce processus légitime implique le
devoir de cultiver l'ensemble de toutes les bonnes conduites,
c'est-à-dire des conduites au sens désirable et recommandable.
Car c'est seulement par la transformation des valeurs humaines en vertus que
peut naître quoi que ce soit qui, dans les manifestations de
l'humanité, appartienne au concept du Bien
suprême134.
En définitive, l'éducation constitue un
ensemble de dispositions pratiques qui consacrent les développements
physique, intellectuel et moral des êtres raisonnables. Elle se
présente comme le processus légitime par lequel l'homme parvient
à son accomplissement. Elle participe au progrès de
l'humanité et favorise des relations intelligentes et humaines. Elle
contient, à ce titre,
133 John Locke, Quelques pensées sur
l'éducation, Op. cit., 38.
134 Friedrich Schleiermacher,
Conférences sur l'éthique, la politique et
l'esthétique, Op.cit., p. 231.
76
l'humanité dans toute sa grandeur, et ce, dans
un rapport à sa construction. Elle semble témoigner, par
conséquent, de la construction de l'humanité par laquelle le
monde prospère. S'il est vrai que l'éducation contribue à
la construction de l'humanité, consacre-t-elle le respect des valeurs
sociales ?
2- Le respect des valeurs sociales
Le respect désigne l'attitude par laquelle l'on
reconnaît en son semblable la fin en soi. En effet, il serait
presqu'imaginable de concevoir des sociétés humaines sans
considération et respect. Une chose est de tisser volontiers des
amitiés, de concevoir des rapports sociaux, mais faudrait-il encore que
le respect y soit. Le respect se pose comme le facteur déterminant des
relations humaines, élevant avec dignité l'être humain
à l'ensemble des caractères qui l'associe à
l'humanité135.
De cette manière, il renvoie, de même
à une manière de se conduire par laquelle on témoigne du
bon sens. Il apparaît comme une conduite adéquate qui favorise une
meilleure compréhension de l'espèce humaine. Par le respect,
l'homme manifeste davantage l'humanité. Le respect, d'un point de vue
sociétal, est ce qui rend possible les relations interpersonnelles.
Aussi il accompagne l'existence et la considération des valeurs sociales
établies pour le bon fonctionnement de la société. Par
respect, les êtres humains fondent en raison la nécessité
de se soumettre et d'honorer les valeurs sociales. La chaîne des valeurs
est également perpétuée, mais sous le sceau du respect. Il
est consolidé dans les moeurs par
l'éducation136.
Le non-respect des valeurs sociales
révèle toute leur importance dans la mesure où les hommes
tombent, sans elles dans les pratiques indécentes et
démesurées. De fait, on ne saurait nier le rôle constructif
de l'éducation qui est de favoriser aux individus les mêmes
chances d'épanouissement sociétal. Par elle,
135 Lopez Emmanuel Oscar Koffi, La
problématique de l'éducation dans la philosophie de Hannah
Arendt, Op. cit., p. 66.
136 Friedrich Schleiermacher,
Conférences sur l'éthique, la politique et
l'esthétique, Op.cit., p. 344.
77
les individus tendent à trouver la juste mesure
des choses. En bref, ils adoptent des conduites humaines
conséquentes137. Comment l'éducation conduit-elle au
respect des valeurs sociales ? Dans son exercice, l'activité
éducative est considérée par Emmanuel Kant comme une
affaire générationnelle. C'est le labeur de toutes les
générations :
L'éducation est un art dont la pratique a
besoin d'être perfectionnée par plusieurs
générations. Chaque génération, munie des
connaissances des précédentes est toujours plus en mesure
d'arriver à une éducation qui développe dans une juste
proportion et conformément à leur but toutes nos dispositions
naturelles, et qui conduit ainsi toute l'espèce humaine à sa
destination138.
Dans cette démarche artistique de
l'éducation chez les différentes générations, on
assiste à une transmission du respect des normes sociales. Le respect
devient la ligne directrice à partir de laquelle se commande l'agir des
hommes. Chaque génération porte, la responsabilité de
faire en sorte que les dispositions naturelles de l'homme coïncident avec
la culture des valeurs humaines et morales. Elles reposent sur des principes
objectifs dans l'intérêt de l'humanité. Cette approche
kantienne de l'éducation se saisit de l'humanité dans son essence
et de sa force d'un point de vue universel. Elle implique la mise en commun des
efforts de tous les hommes pour réaliser la perfection du genre
humain.
Dès lors, parler de respect des valeurs
sociales dans la société, cela suppose que l'on ait reçu
efficacement une éducation portée en grande partie par le
respect. Dans le contexte sociétal, les hommes ayant subi la rigueur de
la discipline s'illustrent par de bonnes conduites qui attestent leur
compétence dans l'exercice de la profession. L'excellence, plus qu'un
acquis est le résultat d'une sérieuse éducation
intellectuelle : « Ainsi les jeunes gens élevés avec soin
apprennent tous »139. De ce point de vue, les conduites
sociales dignes de respect et de considération portent en
elles-mêmes, les marques d'une éducation bien
137 Odilon M'bonné Dadji,
Traité de pédagogie, Abidjan, CERAP,
2007, p. 34.
138 Emmanuel Kant, Réflexions sur
l'éducation, Op. cit., p. 8. 139Jean-Jacques
Rousseau, Émile ou De l'éducation, Op.
cit., p. 215.
78
reçue. Elles confirment la maturité des
auteurs puisqu'elles relèvent de la perspicacité et de
l'intelligence humaine. En somme, il est possible de retenir que la mise
à profit de l'éducation est ce qui permet le respect des valeurs
humaines et de cultiver des conduites sociales dignes.
En outre, la mise à profit de
l'éducation génère des hommes, des citoyens tous
respectueux des lois en vigueur, des libertés individuelles et
collectives car reconnaissent-ils qu'elles sont l'expression de
l'humanité. Cette reconnaissance est la preuve que les valeurs sociales
sont suffisamment promues dans l'éducation. Elle repose sur les normes
sociales : la liberté, l'égalité, la justice et la paix.
Que représentent ces notions dans la vie des hommes ? Toute
société humaine se construit nécessairement autour de
valeurs. De nos jours, nous assistons à une fréquence de notions
au sein des États modernes. De cette façon, elles traduisent des
formulations de la raison commune aux êtres humains, en même temps
qu'elles ordonnent leur vie.
En plus, la présence de ces notions est
d'autant plus justifiée qu'elles apparaissent comme les piliers de ces
États. Elles le sont dans la mesure où toute entreprise humaine
en déphasage avec qu'elles est sujette à des sanctions ou
condamnations. Dès lors, on comprend que leur promotion dans
l'éducation confirmerait une fois de plus leur nécessité
permanente dans la survie des sociétés. Le caractère
humain de ces valeurs, est qu'elles élèvent dignement
l'humanité vers sa plénitude. Elles permettent de chercher et de
faire des progrès vers le perfectionnement de l'humanité. Par
l'éducation, l'homme parvient à s'améliorer
socialement140.
Dans la réalité humaine, les valeurs
sociales constituent des idéaux principaux auxquels tient l'organisation
des États. Ils sont articlés dans ce qu'on pourrait appeler les
Droits de l'Homme. Ils ont en substance ces significations : l'universalisme,
l'individualisme et l'abstraction141. Dans le premier cas, il
s'agit
140 Emmanuel Kant, Critique de la raison
pratique, Op. cit., p. 291.
141 Jean-Jacques Israël, Droit des
libertés fondamentales, Paris, Cedex, Librairie
Générale de Droit et de Jurisprudence, 1998, p. 89.
142 John Stuart Mill,
Considérations sur le gouvernement
représentatif, trad. de l'anglais par Patrick Savidan,
Paris, Gallimard, 2009, p. 250.
79
de la liberté liée à la
définition de toute personne humaine. Ainsi, nul n'a le droit de priver
un homme de ce droit. Le deuxième cas, c'est l'individu qui est
privilégié comme la suprême valeur, en tant que
détenteur et responsable devant la législation. Dans le
troisième cas, ces idéaux apparaissent comme des principes. En ce
sens, ils revêtent un caractère divin en raison de leur
perfectibilité. Que peut-on savoir de plus ?
Par ailleurs, on pourrait comprendre que ces
idéaux principaux renfermant les Droits de l'Homme sont susceptibles de
participer à l'évolution et à l'élévation
des sociétés humaines au Bien Suprême. L'expérience
quotidienne montre que le respect des Droits de l'Homme contribue à la
stabilité des États. Les pays auxquels est reconnu le
qualificatif de « Pays développés » veillent au strict
respect des Droits de l'Homme car les considèrent-ils comme les
principes fondamentaux qui accompagnent leurs
développements142. Cet attachement aux Droits de l'Homme
s'expliquerait aussi par le fait qu'ils ont une signification profonde dans la
vie des hommes. Ils englobent les conditions dues à chaque individu en
vertu de sa qualité d'être humain. Ce qui signifie bien que
l'éducation en donne la possibilité.
De plus, aucune organisation sociale de peuples aussi
crédible que durable n'est envisageable sans une prise en compte
réelle des valeurs des Droits de l'Homme : la
liberté, l'égalité, la justice, la sécurité,
la dignité humaine. Il est tout aussi vrai que parler de respect des
valeurs sociales, c'est reconnaître en soi que
la vie en société les exige. Cette tendance vient, pour ainsi
dire, trouver sa justification dans les valeurs sociales. Elles portent la
marque de lois universelles. Elles relèvent du pouvoir de tout
être humain.
Dans ce cas, ces valeurs humaines, portées par
l'altérité ont partie liée avec l'histoire. Cela peut
être compris dans la mesure où l'existence humaine offre toujours,
de par les expériences du passé, la possibilité d'en tirer
les meilleurs
80
profits. Et le respect se construit ostensiblement
dans une tension vers l'accomplissement social et même moral. En ce sens,
Jürgen Habermas remarque que :
La façon dont les Droits de l'homme se sont
imposés par étapes successives dans les États
constitutionnels modernes offre un exemple qui permet de le démontrer.
Une fois que des normes fondamentales, comme le droit à la
liberté d'expression ou le droit à la participation à des
élections générales, libres et sécrètes,
sont perçues et reconnues en principe143.
Le contenu des normes sociales lui-même, porte
rétrospectivement à la conscience des concernés, et cela
signifierait que, à travers l'éducation, ces normes sociales ne
pourront que s'arracher davantage de teneur et de sens. Par là, les
individus ont tendance à incarner de par leurs conduites sociales ces
normes fondées en raison qui deviennent la « raison d'être
». En d'autres mots, ces « idées existantes » ordonnent
la vie des hommes.
Devant le caractère humaniste du respect, il
importe de préciser qu'il joue un rôle principal dans
l'appropriation de ces normes sociales ou des valeurs humaines. La culture du
respect permise par l'éducation semble les conditionner dans leur
observation. En privilégiant le respect des valeurs qui exprime la
rationalité et qui désigne un ordre essentiellement humain,
l'éducation élève à la pensée qu'elle forge.
En conséquence, elle construit l'homme, en qui se développe la
poursuite des fins. Dans ce sens, Emmanuel Kant reconnaît le souci de
bonnes conduites des enfants, qui habite les parents dans la première
jeunesse. À cet effet, il observe que :
Les parents cherchent principalement à faire
apprendre à leurs enfants une foule de choses diverses,
ils poursuivent à l'habilité
dans l'emploi des moyens en vue de toutes sortes de fins à
volonté (...), cette préoccupation est
si grande qu'ils négligent communément de leur former et de leur
rectifier le jugement sur la valeur des choses qu'ils pourraient avoir à
se proposer pour fins144.
143Jürgen Habermas,
De l'éthique de la discussion, Op. cit., p.
43.
144 Emmanuel Kant, Fondements de la
métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 126.
81
En se préoccupant essentiellement de
l'habileté de leurs enfants, les parents s'évertuent à
leur enseigner une multitude de chose. L'emploi des moyens porte la marque
distinctive d'une volonté de voir les enfants se proposer des fins
immédiates. L'importance de cette préoccupation pousse les
parents à négliger de perfectionner le jugement moral. Pourtant,
selon Emmanuel Kant, les parents en se déterminant à
éduquer leurs enfants, doivent tenir compte de la dimension morale afin
que se développe de façon digne et conséquente la
poursuite des fins humanistes portées vers l'avenir.
De ce devoir si grand des parents, résulte
aussi nécessairement le droit de prendre en main « Handhabung
» et de former « Bildung » l'enfant aussi longtemps que
possible, jusqu'à ce qu'il soit capable d'un usage personnel de son
corps, ainsi que de son entendement. Cette éducation prend en compte les
points de vue pragmatique et moral145. Le premier point de vue
concerne la conservation du corps et sa formation, ainsi que de son
entendement. Le second en effet, renvoie à une obligation de
reconnaissance des enfants à l'endroit de leurs parents après
l'éducation achevée.
En définitive, l'existence humaine se construit
fondamentalement autour de valeurs ou de normes dont le respect conditionne et
ordonne le triomphe constant de l'humanité. Elles ont une signification
profonde dans la vie des hommes au point qu'aucune société ne
peut s'en passer au risque de disparition. Le respect de ces valeurs sociales
est redevable à l'éducation, puisque par elle, l'exigence de ces
valeurs est développée dans les manières d'agir.
Cependant, la fin de l'éducation est-elle la moralité dans la
société ?
145 Emmanuel Kant, Doctrine du droit,
Op. cit., p. 224.
82
CHAPITRE II : LA FIN DE L'ÉDUCATION ET LA
MORALITÉ DANS LA SOCIÉTÉ
La fin de l'éducation peut s'expliquer de
différentes manières. En effet, la fin dont il s'agit ici, n'est
pas la fin au sens de trivialité, mais la fin aux plans
économique, culturel, politique mais surtout social. L'importance de
l'éducation dans la perspective sociétale, et telle
qu'articlée dans la Déclaration universelle des Droits de l'Homme
du 10 Décembre 1948, ne semble pas avoir pour objet d'établir de
simples textes. Mais de montrer comment les êtres raisonnables peuvent
s'auto-conserver et s'humaniser davantage pour le plus grand bien de
l'humanité.
En plus, la fin de l'éducation est
compréhensible dans la mesure où elle tend à porter les
êtres humains vers l'éthique. En cela, l'éducation semble
tirer les hommes vers une certaine noblesse : la sociabilité effective.
À cet effet, elle pourrait être considérée comme le
plein accomplissement de l'homme au sens sociétal du terme. Elle
élève à la moralité dans la société
et donne la possibilité de mieux comprendre l'intelligence humaine.
Cette affirmation pourrait se justifier, puisqu'elle consacre leur
intégrité à tous les niveaux de la société.
Tous les comportements liés à la vie publique sont
réglés par l'éducation, socle où toutes les
conduites sociales peuvent s'expliquer. Dès lors, si la fin de
l'éducation est ainsi comprise, alors qu'en est-il de son
actualité ?
1- L'actualité de l'éducation : les
défis de moralité
L'actualité de l'éducation
présente de nombreux défis de moralité à relever.
En effet, en dépit de sa reconnaissance comme outil de
sociabilité des hommes, l'éducation souffre de nombreux maux.
Cette souffrance contraste avec de nombreux efforts qui sont consentis, en vue
d'accompagner la sociabilité effective et le développement
durable des peuples. Les pouvoirs publics, les institutions nationales et
internationales, les organisations non gouvernementales
83
oeuvrent sans cesse pour le renforcement des
systèmes éducatifs. Cette préférence atteste la
place prépondérante qu'occupe celle-ci.
Nonobstant, les efforts consentis ne suppriment pas
pour autant les défis de moralité. La société toute
entière en subit les répercutions. Quels sont les défis de
moralité à relever ? La question des défis de
moralité que doit relever l'éducation se pose lorsqu'on est
confronté à ces maux : l'indignation, l'écart de langage,
l'effronterie, l'insoumission, la délinquance, le vagabondage, le non
respect des aînés, etc. Les défis de moralité
liés à l'éducation riment avec sa négligence
à certains égards. De plus, il y a défis de
moralité quand intervient la désintégration de
l'autorité parentale. Par ailleurs, les défis de moralité
s'actualisent à chaque fois qu'une personne est vexée ou subit
l'indignation d'autrui dans les rapports interhumains.
En outre, les défis de moralité de
l'éducation perdurent pour des raisons diverses et variées. En
raison de l'abondance des maux, les défis de moralité de
l'éducation sont énormes puisque les hommes en souffrent au
quotidien. Leur suppression n'a-t-elle pas pour objectif de relever les
défis de moralité dans les rapports extérieurs entre les
hommes ? Donner des hommes sociables à la société et des
citoyens à l'État, telle est la mission assignée à
l'éducation dans une certaine perspective rousseauiste. Pour parvenir
à ces fins éthiques, il faudrait que l'autorité parentale
s'instaure depuis la cellule familiale pour dompter les maux, jugés
nuisibles à la vie en société. De fait, la
sociabilité effective représenterait l'ensemble des aptitudes
bienveillantes procurées et renforcées par l'éducation
rendant l'homme sociable146.
De cette manière, les maux qui minent la
société se manifesteront de moins en moins. Les plaintes
croissantes des défis de moralité liés à
l'éducation sont dues au fait que les parents n'assument plus leurs
responsabilités au sein de la cellule familiale. De nombreuses raisons
sont avancées pour justifier le nombre croissant des défis de
moralité. L'insociabilité de l'homme dénoncée en
société à
146 Jacqueline Russ, Dictionnaire de
Philosophie, Op. cit., p. 269.
84
travers ses conduites sociales semble trouver
réparation dans l'éducation, puisque c'est par elle qu'il
recouvre sa sociabilité effective. En somme, la négligence de
l'éducation à divers niveaux, notamment familial, occasionne le
foisonnement des maux. C'est ainsi qu'elle présente des défis de
moralité à relever par l'éducation.
Pour parvenir à une société digne
des êtres humains, l'éducation doit être
considérée comme un effort sans fin. Son rapport à la
moralité implique une prise de responsabilités
caractérisée par des dispositions pratiques et constantes
à faire face aux maux dont souffre la société. La
contenance de ces maux réside donc dans une implication effective de
tous les acteurs de cette activité, de la cellule familiale, en passant
par les pouvoirs publics jusqu'aux organisations non gouvernementales. Quant
aux institutions internationales en l'occurrence l'UNESCO et l'UNICEF, elles
s'arrachent avec pertinence le rôle d'accompagnatrices. Elles le sont
ainsi, parce qu'elles militent en faveur de l'éducation des hommes pour
combler les défis de moralité en intervenant dans de nombreux
domaines d'activités en rapport avec ceux-ci.
L'Éducation aux Droits de l'Homme et à
la Citoyenneté, la Culture de la Paix, sont des axes majeurs sur
lesquels s'étendent leurs appuis à l'éducation. Que
peut-on savoir des appuis de ces institutions internationales à
l'éducation ? Des appuis importants sont dédiés à
la lutte contre l'analphabétisme et la déscolarisation. Ils
consistent à instruire, à former toutes les couches sociales sans
discrimination aucune. Ils se révèlent bénéfiques
d'autant plus qu'ils permettent l'accroissement économique des pays et
leur développement durable. De fait, l'éducation aiguise le sens
du bien-être social des peuples. Ces appuis apparaissent profitables
à l'humanité puisque les valeurs promues par l'éducation
ont un caractère digne et humain.
De plus, ce qui paraît remarquable, c'est que
l'éducation doit être capable de donner la possibilité
à chaque être humain d'être épanoui. Avec le soutien
des institutions internationales, le caractère sociable de
l'éducation s'affiche à l'unanimité dans le monde.
L'éducation deviendrait une arme puissante
entre les
85
mains des peuples. L'éradication des
défis de moralité viserait ainsi la
sociabilité effective. Elle réside dans
la capacité à contenir les dérives, les transgressions
morales, la dépravation avancée des moeurs et l'indignation de
l'être humain. De nos jours, la population juvénile est presque
livrée à elle-même : les comportements apparaissent
inattendus et indésirables.
Les conduites humaines tendent à être
à l'opposé des attentes sociales. Des parents
démissionnaires, débordés, sont les principaux
responsables de l'éducation de base. Parler de défis
de moralité, reviendrait à accorder une place de
choix à l'éducation. De plus, elle charge les parents à
accomplir leurs devoirs à tous les niveaux : familial, sanitaire,
scolaire etc. Tous ces aspects entre autres ne contribuent-ils pas à
légitimer le rapport entre l'éducation et la moralité dans
la société ? Il est possible de penser qu'il existe un rapport
entre la moralité et l'éducation puisqu'elle semble être la
seule capable d'épurer les comportements humains. Elle permet de
contrarier les maux pour un monde meilleur. Ce rapport est tenable en vertu de
l'édification de l'humanité qu'elle est susceptible d'envelopper
sous toutes ses formes.
L'éducation confirme son rapport avec la
moralité car elle a une mission considérablement noble : celle de
la sociabilité effective. Cette
dernière, signifierait alors, pour nous que, certes l'homme est
naturellement sociable. Mais cela ne suffit pas pour autant à l'admettre
comme tel. Autrement dit, cet avantage naturel d'appartenir à la race
humaine ne lui confère pas entièrement ce statut d'être
sociable. Dans la mesure où il reste encore courbé à la
naissance. Ses dispositions naturelles présentent un ignorant,
déposé là, comme une offrande
à la nature : « La Providence a voulu que l'homme
fût obligé de tirer le bien en lui-même
»147. Dès lors, à quel moment peut-on
réellement parler de sociabilité effective ? La
sociabilité effective en question n'intervient qu'à partir du
moment où l'éducation est mise en avant.
147 Emmanuel Kant, Réflexions sur
l'éducation, Op. cit., p. 8.
86
Par elle, l'homme doit développer ses
dispositions au bien. Elles consistent à se rendre meilleur, en se
cultivant et en développant la moralité, par les redressements
progressifs des désirs naturels, les passions et les impulsions. Tous
les composants de sa courbure naturelle le rendant insociable doivent
être, non seulement domptés, mais aussi contrariés dans le
bon sens, c'est-à-dire digne de l'espèce humaine. Dans cet ordre
d'idées, l'éducation devrait être la pierre de touche de
tous les comportements sociaux, celle qui police, édifie, dirige sans
cesse l'homme vers la finalité éthique. Il conviendrait de
souligner le mérite de l'éducation dans la société
surtout en que, pour les hommes, elle compenserait bien leurs insuffisances.
Elle comporte les conditions d'élévation de
l'humanité.
Puisque l'on peut comprendre que l'homme, en tant que
tel, a droit à la connaissance et à l'acceptation de la place qui
lui revient de droit dans l'ordre des êtres créés. Car
à la question relative à la place de l'homme dans l'ordre de la
Création, la réponse kantienne est remarquable puisqu'il soutient
que :
S'il y a quelque science dont l'homme ait besoin,
c'est bien de celle qui lui enseigne à occuper convenablement la place
qui lui a été indiqué dans la Création et de
laquelle il puisse apprendre ce qu'il doit être pour être un
homme148.
En méditant cette pensée, nous pouvons
dire qu'Emmanuel Kant vient confirmer la fonction assignée à
l'éducation. Pour lui, de toutes les sciences auxquelles l'homme
s'intéresse, celle qui consacre son éducation demeure la plus
importante. C'est bien pourquoi selon le philosophe de Königsberg, cette
science, dans son essence ne peut avoir que pour fonction
d'enseigner à l'homme aussi sa place dans la
lignée des êtres créés. De même, il s'agit de
ce qui importe pour lui de faire pour être homme. Il s'en suit que
l'homme ne peut reconnaître et s'approprier sa place parmi les autres
créatures que par l'éducation qui construit son être,
puisqu'il contient le secret149 de la perfection.
148 Emmanuel Kant, Remarques touchant les
observations sur le sentiment du beau et du sublime, trad. de
l'allemand par Brigitte Geonget, Paris, Vrin, 1994, p. 128.
149 Emmanuel Kant, Réflexions sur
l'éducation, Op. cit., p. 57.
87
Dans cette logique précise, les défis de
moralité qui incombent à tous les hommes est de développer
d'abord leurs dispositions au bien. Il s'agit de cultiver les bonnes conduites,
capables d'élever à la dignité humaine. Cette entreprise
de nature humaine demande à chaque individu de considérer la
moralité comme faisant partie de nos possibilités dans la
réalisation du bien. Contenir les mauvais principes par tous les moyens
possibles est l'un des défis que doit relever l'homme : « Se rendre
soi-même meilleur, se cultiver soi-même, et, si l'on est mauvais
développer en soi la moralité, voilà le devoir de l'homme
»150.
En somme, l'actualité de l'éducation est
marquée par des défis de moralité qui contraste avec les
efforts d'humanisation des hommes. Ces dévouements semblent tendre vers
une certaine noblesse : la sociabilité effective. Elle
comporte
l'idée selon laquelle la science de l'homme
qu'est l'éducation joue essentiellement un rôle d'humanisation
et de socialisation. Sa poursuite et sa réalisation résident, par
conséquent dans l'éducation des peuples. En dépit des
défis de moralité à relever, l'importance de
l'éducation semble demeurer dans son rapport à la moralité
dans la société. Cela se justifie par les efforts des hommes
à contrarier les maux nuisibles à la vie humaine, en les
élevant progressivement à des valeurs humaines. Dans ce cas,
l'éducation contribue-t-elle à l'édification de la
moralité ?
2- L'édification de la moralité par
l'éducation
Il est nécessaire de reconnaître à
l'éducation son apport immense quant à la culture des valeurs
sociales. En effet, le triomphe de l'humanité mise en question n'est pas
forcement d'ordre spéculatif encore moins théorique. Il est
d'ordre éducatif puisqu'il ne s'agit pas de critiquer les conduites
sociales mais de connaître le moyen docile, le plus sûr pour les
cultiver épurées. La question qui se pose alors est celle de
l'outil adéquat susceptible de façonner la nature humaine dans
l'intérêt de l'humanité. De fait, tout ce que l'on
désire ou attend d'autrui en
150 Emmanuel Kant, Réflexions sur
l'éducation, Op. cit. p. 18.
88
termes de conduites morales est englobé dans
l'éducation. C'est à travers elle que la Raison conçoit
tous les biens.
Cette réalité est liée à
la nature de l'homme lui-même. Sa nature est telle qu'il est censé
acquérir tout et même ce qui le dépasse. L'acquisition de
la vertu, d'un « sens des valeurs »151 peut dès
lors se décrire comme une naissance continuelle à soi, rendue
possible par l'éducation. Car comme nous pouvons le comprendre dans le
flux de la vie, accuser une personne moralement, cela suppose un manque de
reconnaissance. Cette tendance naturelle semble être une manifestation
propre à l'espèce humaine :
Ce désir peut être si puissant que, dans
leur âpre quête de reconnaissance (...) Tant que nous ne
l'admettrons pas, les idéaux et le comportement de peuples entiers (...)
nous demeureront incompréhensibles152.
On peut convenir avec Isaiah Berlin que ce
désir de reconnaissance est ce qui porte les peuples. Il ne pourrait
trouver toute sa consistance que dans l'éducation et même sa
promotion. Elle permet en tout être humain le respect de
l'humanité au sein des rapports humains. C'est en prenant en compte
cette reconnaissance que nous pouvons prétendre à une
véritable édification de cette dernière. S'élever
à la moralité semble subordonner à l'éducation. Par
cette exigence de nous-mêmes à l'égard de nos semblables,
l'on peut pressentir qu'en causant injustement du tort à autrui, c'est
immédiatement à l'humanité que celui-ci est
fait153. De cette manière, elle dispose à comprendre
ce qui excelle, c'est-à-dire la dignité humaine. Les défis
de moralité reposent sur la reconnaissance de cette dignité
humaine.
Les rudiments de l'éducation de base
donnés au sein de la cellule familiale sont susceptibles de contribuer
à des conduites sociales morales. Plus précisément, elle
conduit à la vertu. Le respect des parents, le droit
d'aînesse,
151 Robert Spaemann, Notions fondamentales
de morale, trad. de l'anglais par Stéphane Robillard,
Paris, Flammarion, 1999, pp. 90-92.
152 Isaiah Berlin, Éloge de la
liberté, trad. de l'anglais par Jacqueline Carnaud et
Jacqueline Lahana, (Paris, Calmann-Levy, « coll. Agora », 1990), pp.
202-209.
153 Thomas de Koninck et Gilbert Larochelle,
La nouvelle ignorance et le problème de la
culture, Paris, PUF, 2000, p. 105.
89
l'esprit de serviabilité, la tolérance,
le respect de la loi et de l'autorité sont tous contenues dans
l'éducation. Elle développe l'intérêt qui s'attache
à ces idées de la moralité. On ne pourrait que
reconnaître la cellule familiale que comme le lieu par excellence de
vulgarisation des libertés fondamentales154. D'un autre point
de vue, la famille a une large part de responsabilité dans la culture
des valeurs. Méthodiquement, la culture des bons principes demeure
profitable. Dans ce sens, John Locke écrit ceci :
Lorsque vous aurait établi votre
autorité, en faisant comprendre à votre fils qu'il dépend
de vous et que vous être son maître (...) dans son esprit ce
sentiment de vrai respect qu'il faudra avoir soin d'entretenir dans la suite,
et de conserver dans ses deux éléments l'amour et la crainte,
deux grands principes par lesquels vous aurez toujours prise sur lui, de
façon à diriger son esprit dans le chemin de la vertu et de
l'honneur155.
Ainsi, le mérite des principes dans
l'éducation implique d'abord la mise en place de l'autorité
parentale. Selon John Locke, l'éducation, au fond commence dans le cadre
de vie qu'est la famille. Pour lui, lorsque cette dernière est de mise
dans la cellule familiale, l'on peut parvenir à disposer l'enfant
à deux principes : l'amour et la crainte. La conservation et l'entretien
de ces principes ont pour avantage la prise sur l'enfant. Ensuite, cette
maîtrise permet de forger son esprit pour l'excellence.
L'éducation est considérée comme
l'art et l'instrument de renforcement des dispositions morales et humaines.
Elle répond aux exigences liées aux rapports extérieurs
entre les hommes. En outre, l'éducation participe au renforcement des
capacités sentimentales de l'homme. Elle lui permet de se surpasser.
Elle joue un rôle important dans la stimulation de la mémoire ou
de la réflexion. L'éducation pousse naturellement l'homme
à l'humilité. En cela, elle construit son édification. Ces
dispositions ne sont rendues possibles que par une éducation
154 Kadi Dago, L'éducation aux
valeurs des Droits de l'Homme, in African Education Developpement
Issue, no 2, 2010, p. 7.
155 John Locke, Quelques pensées sur
l'éducation, Op. cit., p. 102.
90
constante ne souffrant d'aucune contradiction, puisque
devenue pour « l'homme aussi bien élevé chose aussi
naturelle que l'acte de respirer »156.
De cette manière, l'édification de la
moralité par l'éducation résiderait en des principes
moraux susceptibles d'accompagner les manières d'agir. Les principes
moraux jugés utiles et profitables aux hommes en société
en sont les seuls admis. En plus, toutes les valeurs s'inscrivant dans
l'intérêt supérieur des peuples tendent à
régler désormais les rapports entre les hommes. Ce sont entre
autre la liberté, l'égalité, la justice, la
tolérance, la cohésion sociale, la paix. Elles disposent les
hommes à distinguer le bien du mal et à rechercher sans cesse ce
qui peut les unir. L'adoption de toutes ces valeurs comme normes de conduites,
cadre pratiquement d'une certaine manière avec les principes de la
moralité, puisque « l'espèce humaine semble aussi peu aller
à sa destinée sensible (...) mais auquel la raison met pour
condition d'en être digne par la moralité
»157.
En effet, le respect de ces valeurs contenues par
l'éducation est susceptible d'édifier la moralité parce
qu'aucune valeur n'est humainement concevable sans
éducation158. Elle distingue l'homme de l'animal, parce
qu'elle offre à l'humain la maîtrise de ses instincts et par
delà l'usage de la Raison. On autorise tel principe et on interdit tel
autre. Cela s'observe dans l'organisation même de la
société humaine. L'admission de la séparation des
pouvoirs159 implique l'observation de principaux moraux et humains
dans l'intérêt des peuples160. Elle leur garantie
éventuellement, la liberté politique. Selon Montesquieu, en
adoptant le principe de la séparation des pouvoirs, cela permet de jeter
les bases du libéralisme, cette doctrine politique protégeant la
liberté des citoyens par la limitation des pouvoirs de
l'État.
156 John Locke, Quelques pensées sur
l'éducation, Op. cit., p. 54.
157 Emmanuel Kant, Anthropologie du point de
vue pragmatique, Op. cit. cit., 121.
158 Emmanuel Kant, Anthropologie du point de
vue pragmatique, Op. cit. cit., p. 12.
159 Pour Montesquieu, c'est l'équilibre des
pouvoirs, assuré par la séparation des puissances
législatrice, exécutrice et judiciaire ; la liberté est
garantie par cet équilibre.
160 Charles-Louis Montesquieu, De l'esprit
des lois, Paris, Garnier Flammarion, 1980, p. 140.
91
À la question comment atténuer
efficacement les maux, Emmanuel Kant pense que la sagesse
seule des hommes peut en donner la possibilité. Pour lui,
le plus sûr moyen de parer à l'indignation, ce comportement contre
lequel réagit la conscience morale, il faut le savoir rationnel. C'est
d'ailleurs ce qu'il soutient en ces termes : « le moyen le plus sûr
et le plus facilement efficace d'adoucir les maux, c'est une pensée
qu'on peut bien demander d'un un homme raisonnable (...) n'est pas la fortune
mais la sagesse »161. Dans le cadre de l'édification de
la moralité, la sagesse dont parle Emmanuel Kant, même s'il ne
l'avoue, est liée à l'éducation qui, seule peut renforcer
davantage la capacité d'action et de rehausser l'homme à cette
connaissance exacte et approfondie des biens du monde.
En plus, l'édification de l'humanité
résiderait en ce que chaque citoyen y trouverait dans
l'établissement des lois l'expression d'une volonté politique
à assurer à chacun sa liberté. L'édification de
l'espèce humaine revêt parfaitement sa consistance dans la mesure
où sa signification humaine est promue à travers le respect des
lois. Car comme le souligne Emmanuel Kant :
L'éducation du genre humain pris dans la
totalité de son espèce, c'est-à-dire collectivement
(universorum) non celle de tous les individus (singulorum) ou la multitude ne
donne pas un système mais seulement un agrégat colligé, la
tendance persévérante à une constitution civile
fondée par principe de la liberté et de contrainte légale
tout à la fois162.
Dans ce cas, Emmanuel consolide davantage le point de
vue selon lequel l'éducation du genre humain répond
fondamentalement à un souci d'édification de l'espèce
humaine. Puisque l'éducation des hommes au sens large du terme ne
concerne pas quelques individus. C'est une mise en oeuvre des moyens propres
pouvant permettre le développement sous toutes les formes des hommes
vivants en société. Cela implique de même que le rôle
primordial que jouerait l'éducation serait donc d'inculquer aux citoyens
le respect de la législation. Cette dernière est
161 Emmanuel Kant, Anthropologie du point de
vue pragmatique, Op. cit., pp. 71-72.
162 Emmanuel Kant, Anthropologie du point de
vue pragmatique, Op. cit., p. 122.
92
redevable à la raison humaine. Finalement
l'édification de la moralité par l'éducation passerait,
par la formation de l'esprit libre, qui tient simultanément intelligence
et volonté, car toute la puissance du vouloir se manifeste dans la
formation de l'intelligence163.
En somme, l'éducation conduit à
l'édification de la moralité. Elle permet à l'homme de
témoigner de conduites, socialement admissibles. Elle avantage l'homme
en renforçant la promptitude et la nécessité des valeurs
qui ordonnent l'existence humaine. Elle se traduit par l'exigence de la
reconnaissance de la dignité humaine d'autrui. Aussi, elle dispose les
hommes à la culture des valeurs susceptibles de porter dignement
l'humanité dans la manifestation de ses formes diverses et
variées. Elle forge, par conséquent la nature humaine à
l'avantage des rapports humains. En outre, elle inculque des principes moraux
pour le plus grand bien de l'humanité. L'instruction et la discipline
sont de ce point de vue les supports vitaux, les moyens de réalisation,
qui portent l'humanité vers les hauteurs du
perfectionnement.
163ALAIN.-
Propos sur l'éducation, Paris, PUF, 2012, p.
52.
CONCLUSION GÉNÉRALE
93
94
La réflexion sur le concept de moralité
a montré que cette valeur humaine revêt une certaine
universalité. À ce titre, elle se traduit en divers termes car la
raison humaine semble en donner la possibilité. De la moralité et
l'accomplissement du devoir, il est possible de comprendre que tout être
humain possède la conscience du devoir de façon naturelle. Ce
dernier vient donner plus de consistance à l'universalité de la
moralité, et constitue pour l'homme la nécessité d'agir en
raison de la loi en lui. Cette disposition d'esprit s'explique alors par des
actions de bonne volonté, non rompues effectivement à cette fin.
De ce fait, la raison intervenant, apparaît comme la faculté qui,
au commande de la bonne volonté, pose la moralité en rapport avec
l'expression de la loi morale en chacun de nous. En tant
qu'élément déterminant de la raison, la loi morale se
présente comme la source par excellence des valeurs
humaines.
C'est justement la bonne volonté dont sont
capables les êtres raisonnables, qui donne plus de
légitimité au concept de moralité. La bonne
volonté, pour ainsi dire, aiguise le devoir de l'être raisonnable,
qui réside dans l'accomplissement d'actions par respect pour le plus
grand bien du monde. En ce sens, la bonne volonté doit être
portée vers des vertus comme le courage et l'effort sans fin dans les
rapports extérieurs entre les hommes. Mieux elle doit devenir une
volonté bonne et le demeurer dans l'intérêt de
l'humanité.
Pour cela, les êtres raisonnables doivent
cultiver des conduites perspicaces, de lucidité et de rigueur dans
l'emploi des exemples, et ce, dans le souci de la moralité. De plus, ils
doivent être considérés par les êtres humains comme
de véritables mobiles164 pour la transformation des valeurs
en vertus. En conséquence, les exemples doivent revêtir une
fonction pédagogique et provisoire dans la société. Ainsi,
à travers des conduites dignes des hommes, on pourra assister à
des sociétés humaines où règne des relations
intelligentes et intelligibles orientées vers la culture des
vertus.
164 Emmanuel Kant, Critique de la raison
pratique, Op. cit., p. 374.
95
Dans cet élan de bienfaisance, la
moralité des actions pousserait davantage les hommes à promouvoir
la dignité humaine, principe fondamental conférant à tout
être humain une valeur absolue. Dès lors, la raison inciterait
chaque individu à témoigner de la moralité, en tant que
condition humanisant dans l'imitation et l'habitude. La connaissance selon
laquelle la moralité de l'imitation réside, principalement, dans
la culture des dispositions primitives au bien, bénéficierait
d'une attention particulière dans les sociétés humaines au
sein desquelles foisonnent les maux. De même, celle de l'habitude
indiquant qu'elle consacre, certes, le renforcement du jugement moral de
l'homme, mais ne saurait tenir en règle générale quand il
s'agit de la pratique, permettrait aux êtres raisonnables d'être
forgés moralement dans tous les domaines en rapport avec
ceux-ci.
En outre, la définition de l'homme par la
dignité d'homme suscite, à cet effet, la nécessité
de la moralité et le triomphe de l'humanité. Ainsi, l'homme se
révèle comme un être vivant dont la nature comporte la
dimension morale. Il se présente avec une volonté
caractérisée par l'autonomie. Elle est le principe suprême
de la moralité, et repose sur des principes rationnels. La
responsabilité de l'homme se pose avec légitimité dans le
monde. Cette dernière suggère que s'il est défini par la
liberté, de même qu'avec une volonté entièrement
autonome, il doit accomplir son devoir dans l'intérêt de
l'humanité. La responsabilité de l'homme implique qu'il doit
répondre de tous ses actes en tout temps et partout pour le triomphe de
l'humanité.
En tant que dépositaire de la raison, la
moralité liée à la nature de l'homme doit être
comprise comme le signe de la liberté propre à tout être
humain. En ce sens, l'homme doit fonder la moralité sur des principes
rationnels. Car l'affirmation de la dignité d'homme en dépend
moralement. De plus, l'être raisonnable doit comprendre que la
moralité lui incombe. Elle doit, par conséquent, porter les
actions pour un monde meilleur.
Dans ce sens, Emmanuel Kant nous donne de comprendre
que, si la moralité incombe aux hommes, le triomphe de l'humanité
réside dans la
96
promotion de cette dernière à travers
nos conduites et actions sociales. Ce qui impliquerait, en effet, que les
pratiques injustes, les nouvelles formes de terrorisme, les transgressions
morales de tout ordre, entrainant nos sociétés dans les
sphères de violence doivent être compensées par la «
la moralité, qui constitue le bien suprême, comme première
condition du souverain bien »165. Doué de raison et de
liberté, l'homme est le seul être vivant capable de
moralité. En ce sens, le triomphe de l'humanité repose sur la
moralité dans tous les domaines d'activités en rapport avec
l'homme : agir avec la conscience du triomphe de l'humanité.
Dès lors, si tel est le défi qui se
présente aux hommes, alors la moralité apparaît en rapport
avec l'éducation dans la société, comme le moyen par
lequel il est possible de façonner166 et de diriger les
hommes pour le triomphe permanent de l'humanité. C'est ainsi que nous
avons tenté de montrer la moralité et son rapport à
l'éducation dans la société. En abordant la consistance de
l'éducation, nous avons pu comprendre qu'elle est la science de l'homme
qui permet la construction de l'humanité. On assiste à
l'instruction et à la formation des êtres humains aux valeurs
humaines et morales. La possibilité est donnée de forger les
comportements humains dans le bon sens. En ce sens, l'éducation
constitue la science dont l'actualité comporte de nombreux défis
de moralité à relever, en raison du foisonnement des maux qui
minent les rapports extérieurs entre les hommes. Ce fait permet de
comprendre, par conséquent que la négligence des hommes à
certains niveaux de la vie en société en est la
conséquence.
Toutefois, la pratique de l'éducation atteste
qu'elle porte les hommes vers une certaine noblesse : la sociabilité
effective. Elle comporte la compréhension selon laquelle
l'éducation a une finalité éthique qui consacre
l'intégration entière des êtres raisonnables à tous
les niveaux des sociétés humaines.
165 Emmanuel Kant, Critique de la raison
pratique, Op. cit., p. 324.
166 Jean-Jacques Rousseau, Émile ou
De l'éducation, Op. cit., pp. 145-147.
97
Dans cette logique précise, elle confirme
davantage son rapport à la moralité. Toutes les conduites
moralement recevables sont consacrées par cette sociabilité
effective. De ce point de vue, l'éducation est, pour notre part comme la
science capable d'élever les êtres raisonnables à la
moralité, et toutes les valeurs humaines tant légitimes pour
l'espèce humaine. La fin de l'éducation, pour cela, consacre la
moralité dans la société à travers ses
différentes fonctions. Ce qui impliquerait un rapport entre elles.
Aussi, comme le témoigne l'organisation de la société
humaine, la séparation des pouvoirs en général, et le
respect des valeurs en particulier, la suppression des défis de
moralité est l'objectif visé pour un fonctionnement harmonieux et
raisonnable de la société.
De manière conséquente, il est
soutenable que l'éducation est la science, par excellence, de la culture
des valeurs humaines. Elle a pour vocation d'instruire, de discipliner les
esprits humains et de favoriser des relations dignes et humaines. À
l'éducation, semblent subordonner toutes les valeurs dressées en
principes par les hommes pour la stabilité des sociétés.
Elle paraît vraiment être le moyen catalyseur du véritable
triomphe de l'humanité dans la société. Pour cette raison,
il serait légitime d'entrevoir un creuset moral de l'exercice politique
sous toutes ses formes. Dans cette perspective, notre champ de recherche qui
s'étend à ce domaine s'ouvre sur l'univers politique où la
dignité humaine semble être prise entre bonheur et pouvoir
politique.
BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE
98
99
1- Les ouvrages de l'auteur
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Trad. de l'allemand par Michel Foucault, Paris, Vrin, 2002.
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beau et du sublime, Trad. de l'allemand par Brigitte Geonget,
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3- Les articles des revues scientifiques et
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2011.
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des Droits de l'Homme, In African Education Developpement Issue,
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KOFFI, Lopez Emmanuel Oscar, La
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102
LITTRÉ, Émile Maximilien,
Dictionnaire de langue française, Paris,
Gallimard, 1958.
RUSS, Jacqueline, Dictionnaire de
Philosophie, Paris, Bordas, 2003.
103
TABLE DES MATIÈRES
SOMMAIRE 4
INTRODUCTION GÉNÉRALE... 5
PREMIÈRE PARTIE : LE CONCEPT DE MORALITÉ
... 16
CHAPITRE I : L'UNIVERSALITÉ DE LA MORALITÉ
18
1- La moralité et l'accomplissement du devoir
19
2- La moralité et l'expression de la loi
morale... 25 CHAPITRE II : DES ACTIONS DE BONNE VOLONTÉ
À LA VOLONTÉ BONNE 32
1- Les exemples dans la promotion de la
moralité... 33
2- La moralité dans l'imitation et l'habitude
37 DEUXIÈME PARTIE : LA MORALITÉ ET LE FONDEMENT
DE L'HUMANITÉ 42 CHAPITRE I : LA
MORALITÉ DANS LA NATURE
DE L'HOMME 44
1- L'autonomie de la volonté humaine
...44
2- La responsabilité de l'homme 49 CHAPITRE
II : LA MORALITÉ ENTRE LIBERTÉ
ET CONTRAINTE 54
1- Les acceptions de la moralité 55
2- La moralité et son rapport à la
contrainte 60 TROISIÈME PARTIE : LA MORALITÉ ET SON
RAPPORT
À L'ÉDUCATION DANS LA SOCIÉTÉ
. 68
CHAPITRE I : LA CONSISTANCE DE L'ÉDUCATION
70
1- L'éducation et la construction de
l'humanité . 70
2- Le respect des valeurs sociales 76 CHAPITRE II :
LA FIN DE L'ÉDUCATION
ET LA MORALITÉ DANS LA SOCIÉTÉ
82
1- L'actualité de l'éducation : les
défis de moralité 82
104
2- L'édification de la moralité par
l'éducation 89
CONCLUSION GÉNÉRALE 93
BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE 98
TABLE DES MATIÈRES . 103
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