Faculté des Sciences Economiques et Administratives
(FSEA)
« Etude de l'impact des transferts
privés de la diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre
1992 à Septembre 2007 »
Mémoire de sortie de Riphard
Serent
Pour l'obtention du grade de licence en Sciences
Economiques Sous la direction du professeur Michel
Thébeau
Novembre 2009
1
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
TABLE DES MATIERES
AVANT-PROPOS ET REMERCIEMENTS i
RESUMÉ ii
LISTE DES SIGLES UTILISÉS DANS LE TRAVAIL
iii
LISTE DES TABLEAUX ET GRAPHIQUES v
LISTE DES ANNEXES vi
TABLE DES MATIERES 1
INTRODUCTION GÉNÉRALE 3
JUSTIFICATION .3
PROBLÉMATIQUE .4
HYPOTHÈSE .5
OBJECTIFS DU TRAVAIL .5
DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE ..6
Chapitre I : Cadre conceptuel, revue de la
littérature théorique et
empirique 7
1.1 Cadre conceptuel 7
1.1.1 Taux de
change..................................................................
7 1.1.2 Transferts
privés.........................................................................9
1.1.3
Migration........................................................................
9
1.2 Revue de la littérature théorique 12
1.3 Revue de la littérature empirique 18
Chapitre II : Cadre d'une analyse descriptive, les
transferts et la balance des
paiements d'Haïti 22
2.1- Cadre d'une analyse descriptive ..22
2.1.1- Les transferts de fonds vers Haïti de 1992 à
2007 ..23
2.1.2- Procédures d'ajustement des transferts
privés et interventions de la BRH
sur le marché des changes 23
2.1.3- Le taux de change d'Octobre 1992 à Septembre 2007
..25
2.1.4- La variation des transferts et celle du taux de change de
1993 à 2007......27
2
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
2.1.5 -La part des transferts de devises dans le PIB nominal de
1993 à 2007.....28
2.2 -Les Transferts de devises et la Balance des
Paiements d'Haïti (BDP) 29
2.2.1- Les effets quantitatifs des transferts privés de la
diaspora 29
2.2.2- Les transferts privés et les exportations
d'Haïti de 1993 à 2007 30
2.2.3- Les transferts privés et l'aide externe de 2002
à 2007 32
Chapitre III : Modélisation de l'impact des
transferts privés sur le taux de
change pour la période d'Octobre 1992 à
Septembre 2007 ..34
3.1- Description de la base de données 34
3.1.1 Transferts privés (TRANS) et Taux de change
(TXCH) 34
3.1.2 Masse monétaire
(M2)............................................................... 35
3.1.3 Indice prix à la consommation (IPC) 35
3.2- Présentation et interprétation du
modèle 36
3.2.1 Méthodologie
...........................................................................
36
3.3- Spécification et Estimation du modèle ..38
3.4- Dynamique du modèle et Analyse des résultats
41
COCLUSION ET RECOMMANDATIONS 45
BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE .48
LIENS INTERNET CONSULTÉS 56
3
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
Introduction générale
Justification
La libéralisation brusque de l'économie
haïtienne en 1986 a laissé derrière elle certaines tares
dont la non réparation continue de faire de ce pays, le plus pauvre de
l'hémisphère occidental. Les politiques économiques des
différents gouvernements qui se sont succédé pendant plus
d'une vingtaine d'années, n'ont jamais pu satisfaire les attentes de
toute une population assoiffée d'une amélioration de ses
conditions socio-économiques. Malgré la multiplication
d'importantes aides internationales depuis plus de 15 ans, et en dépit
de la mise en application de plusieurs programmes1 de relance
économique, les indicateurs sociaux et
macroéconomiques2 continuent d'inquiéter plus d'un et
laissent entrevoir les raisons pour lesquelles bon nombre d'Haïtiens ont
manifesté le désir d'émigrer vers une terre
étrangère. Ce phénomène d'expatriation,
communément appelé « Migration haïtienne », a pris
une dimension considérable et a donné, en retour, naissance
à une nouvelle source importante de devises de l'économie
haïtienne, à savoir, « les transferts privés de la
diaspora » dont la manifestation à travers le pays nous
amène à concevoir et à réaliser une telle
étude. Nous savons qu'en vertu de la cotation du taux de
change3, il existe un lien étroit entre ce dernier et le
volume de devises4 qui circule dans l'économie. Il serait
donc opportun pour nous, d'étudier les apports surtout
économiques de ces afflux de devises qui rentrent continuellement dans
l'économie haïtienne, notamment le comportement du taux de change
face à elles.
Outre l'optique de doter le public de certaines informations
utiles relatives aux implications des transferts de la diaspora haïtienne
vers Haïti, ce travail de recherche a surtout une portée
académique. Il nous permet de mettre à la disposition de la
sphère estudiantine un document traitant l'évolution d'une
variable de plus en plus pertinente dans l'économie haïtienne, et
sur laquelle on ne retrouve pas d'études académiques proprement
dites.
1 En remontant à 2004, on a connu
successivement : le Cadre de Coopération Intérimaire (CCI), le
Programme d'Ajustement Structurel (PAS), le Programme à Impact Communal
(PIC), Facilité d' Ajustement Structurel Renforcés (FASR), Pays
Pauvres Très endettés (PPTE) et le Document de Stratégie
Nationale pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté
(DSNCRP).
2 Voir en annexe le tableau de synthèse de la
conjoncture socio-économique haïtienne.
3 Notre taux de change est coté à
l'incertain : une quantité de gourdes pour un dollar
américain.
4 En parlant de devises dans le contexte haïtien,
on se réfère au dollar américain.
4
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
Problématique
Le phénomène des transferts privés des
émigrés, tant des pays en développement, des pays à
faible revenu de la région des grands lacs d'Afrique Central, que ceux
de l'Amérique Latine et de la Caraïbe, commence à
intéresser de nombreux chercheurs et économistes à travers
le monde. Ces intérêts se manifestent notamment auprès de
ceux du groupe de la Banque Mondiale (BM), de l'Organisation Internationale de
la Migration (OIM) et de la Banque Interaméricaine de
Développement (BID), à travers la recherche des impacts du
phénomène de la migration internationale. Akotènou (2006)
a précisé d'un côté que, selon les estimations de la
Banque Mondiale, les transferts des travailleurs migrants ont
dépassé les 232 milliards de dollars américains en 2005.
Sur ce total, 167 milliards ont eu pour destination les pays en
développement, soit le double de l'aide au développement. D'un
autre coté, Tom et Wets (2006) ont mentionné que, selon la
même source et au cours de la même année, la diaspora
d'Amérique du sud et des caraïbes ont transféré 33
milliards de dollars vers leur région d'origine par des
mécanismes institutionnels.
Les estimations de la Banque de la République
d'Haïti (BRH) révèlent, de leur part, que d'Octobre 1992
à Septembre 2007, les transferts privés de la diaspora
haïtienne sont passés de 6.11 millions de dollars à 114.5
millions en la même période. En d'autres termes, de 1993 à
2007 les transferts de la diaspora sont passés de 64.2 millions de
dollars à près de 1.3 milliards, soit une progression de 84.01%
avec une croissance5 moyenne annuelle de 28%. Par ailleurs, les
dernières statistiques de la BID rapportent que ces transferts
privés devraient accuser un montant beaucoup plus élevé,
soit plus de 1.65 milliards6 de dollars en 2007. L'accroissement
fulgurant de ces transferts, représentant plus de 50%7 de
l'offre de devises dans l'économie haïtienne, nous amène
à nous demander, qu'en l'absence de ces derniers, n'aurait-on pas
enregistré une dépréciation beaucoup plus forte que les
71.44% du taux de change en Septembre 2007 ?
Depuis l'adoption par plusieurs économies, dans les
années 1970, du régime de taux de change flexible au
détriment du régime fixe, les fluctuations du taux de change ont
commencé à
5 Calcul des Auteurs
6 En 2006, les estimations de la BID ont
révélé que les transferts privés étaient de
l'ordre de 1.65 milliards de dollars.
7 Rapport annuel de la BRH, 2006
5
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
susciter divers questionnements et opinions au niveau des
analyses économiques. Ces questionnements et opinions s'inscrivaient,
non seulement dans le cadre de la recherche des impacts de ces fluctuations du
taux de change sur des variables économiques, mais aussi de leurs
déterminants quantitatifs ou qualitatifs. En effet, d'Octobre 1992
à Septembre 2007, le taux de change en Haïti est passé de
10.51 gourdes à 36.08 gourdes pour un dollar américain, soit une
dépréciation8 de 71.44% en 10 ans.
Cette pertinence des transferts nous interpelle et nous
instigue à rechercher son importance ou encore ses impacts dans
l'économie haïtienne, notamment sur le taux de change. Ainsi donc,
sachant que, dans la réalité, la rareté du dollar
américain sur le marché des changes influence le taux de change,
les transferts de devises de la diaspora, ont-ils un impact sur la variation du
taux de change ? D'une façon générale et comme question de
recherche, l'on se demanderait : quelles sont, en fait, les implications
économiques des transferts de devises de la diaspora sur le taux de
change en Haïti? Nous allons tenter d'apporter des éléments
de réponses provisoires à ces questions à travers la
formulation de notre hypothèse de recherche.
Hypothèse de recherche
H1 : Étant une rentrée de
devises sans contrepartie, le volume des transferts privés de la
diaspora se répercute sur le taux de change en Haïti.
Ce qui veut dire, lorsque le volume des transferts est
important dans l'économie, le prix du dollar diminue sur le
marché local des changes, d'où une certaine appréciation
de la gourde par rapport au dollar. Dans le cas contraire on pourrait obtenir
une dépréciation du taux de change.
Objectifs du travail
Dans le cadre de notre travail, nous nous donnons pour
objectif majeur la recherche, à travers des analyses
économétriques, d'un éventuel impact des transferts
privés de la diaspora sur le taux de change, pour la période
allant d'Octobre 1997 à Septembre 2007. De plus, nous n'allons pas
écarter la possibilité de faire ressortir les apports de ces
transferts de devises, en tant
8 La dépréciation de la gourde a
été calculée à partir du taux de croissance de la
valeur externe de la monnaie : (vt-vt-1)/vt-1=1/ taux de change courant.
6
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
que source de financement extérieur, au niveau de la
balance des paiements9 face aux exportations et à l'aide
internationale constituant deux autres sources de devises de l'économie
haïtienne.
Démarche méthodologique
Pour parvenir à réaliser cette étude,
beaucoup d'ouvrages, d'articles et des sites Internet ont été
consultés à dessein d'élaborer notre problématique
et d'alimenter les deux premiers chapitres de notre cadre théorique et
empirique. Pour construire notre modèle économétrique,
nous utiliserons des données recueillies auprès de certains
organismes officiels tels la Banque de la République d'Haïti (BRH)
et l'Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI).
Notre travail est divisé en trois chapitres. Dans le
premier chapitre, nous essaierons de bien cerner le sens des concepts
clés du travail à travers un cadre conceptuel, et ensuite, nous
passerons en revue les différentes approches théoriques et
empiriques relatives à notre travail. Le deuxième chapitre sera
axé sur un cadre d'analyse descriptive des transferts privés de
la diaspora et du taux de change dans l'économie haïtienne au cours
de la période d'étude, d'une part ; d'autre part, on essaiera
d'étudier, de façon analytique, le rôle, sinon les effets
positifs de ces transferts de devises au niveau de la Balance des Paiements
d'Haïti. Le dernier chapitre du travail concerne un cadre d'analyses
économétriques à partir du logiciel E-views 4.1, en vue de
détecter un éventuel impact des transferts de la diaspora sur le
taux de change en Haïti pour la période d'étude.
9 Un document statistique qui enregistre, pour une
période donnée, toutes les transactions du pays avec le reste du
monde.
7
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
Chapitre I : Cadre conceptuel, revue de la
littérature théorique et empirique
L'objectif de ce chapitre revêt un double aspect. Il
s'agit, dans un premier temps, de mettre l'accent sur les concepts clés
répondant à une meilleure compréhension de notre travail;
dans un second temps, nous établirons, de manière
sélective, une revue de littérature théorique et empirique
de travaux de recherche relatifs aux transferts privés et au taux de
change.
1.1- Cadre conceptuel
Dans le but de faciliter la compréhension de notre
travail de recherche, il nous importe de nous arrêter sur certaines
notions clés dont il nous faudra délimiter les aspects qui nous
intéressent; ces concepts clés sont : taux de change, transferts
privés, migration.
Taux de change
En général, les taux de change sont les
cotations sur le marché des cours des devises étrangères
en termes de monnaie nationale, ou, ce qui revient au même, l'inverse,
c'est-à-dire les cours en termes de monnaie étrangère de
la monnaie nationale. En tant que tels, ils sont les taux de change entre
monnaies qui sont utilisées dans la plupart des transactions qui passent
les frontières, qu'il s'agisse du commerce international, du tourisme,
des investissements internationaux ou des flux monétaires à court
terme entre pays.
? les différents types de taux de change
Le taux de change peut être coté soit à
l'incertain, soit au certain : à l'incertain, il représente le
nombre d'unités de monnaie nationale qu'il faut fournir pour avoir une
unité de monnaie étrangère; dans le cas d'Haïti par
exemple, au 30 septembre 2007 il fallait 43,04 gourdes pour 1 dollar
américain. Tandis qu'au certain, le taux de change, représente le
nombre d'unités de monnaie étrangère que l'on peut obtenir
avec une unité de monnaie nationale; par exemple, à un moment
donné il fallait 54 gourdes 10 pour 1 euro. A noter que la cotation
à
8
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
l'incertain est cohérente avec le fait que la hausse de
tout prix10 déprécie la valeur réelle de la
monnaie locale. En effet, la hausse du taux de change coté à
l'incertain correspond bien à une dépréciation de la
monnaie nationale (et à une appréciation des devises).
? Taux de change effectif et taux de change
bilatéral.
Comme chaque pays effectue des transactions et a des relations
d'investissement avec un certain nombre d'autres pays, aucun taux de change
unique ne peut mesurer correctement le pouvoir d'achat de la monnaie nationale
en termes généraux de devises étrangères. On a
ainsi développé le concept de taux de change effectif pour
obtenir une évaluation du cours moyen pondéré des devises
étrangères en termes de la monnaie nationale. Le taux de change
bilatéral est par définition, le taux de change relatif des
monnaies de deux pays.
? Taux de change au comptant et taux de change à
terme.
Le taux de change au comptant est celui que l'on utilise dans
les opérations de change au comptant11 ; c'est celui qui a
été pris en compte dans notre définition principale du
taux de change. Le taux de change à terme (T) est celui qui est
défini pour les opérations de change à terme entre deux
devises. Il est défini en fonction du taux au comptant (E) à
partir de la relation suivante : T=E*(1+r'/1+r), ou r et r' sont respectivement
les taux d'intérêt pour le terme convenu dans chacun des deux
pays.
? Taux de change nominal et taux de change
réel.
Par définition, le taux de change nominal mesure le
prix relatif de deux monnaies alors que le taux de change réel mesure le
prix relatif de deux paniers de biens, des produits nationaux par rapport aux
produits étrangers en monnaie nationale ; il correspond au rapport de
deux pouvoirs d'achat, en ce sens, il constitue un indicateur de la
compétitivité-prix12 du pays
? Les déterminants du taux de change
Les études empiriques traditionnelles sur les taux de
change décrivent l'évolution de ces derniers en fonction d'un
ensemble de variables macroéconomiques fondamentales telles que les
10 Celui de la devise étrangère
11 Les cotations sur le marché au comptant se
traduisent concrètement par deux prix : un cours acheteur et un cours
vendeur, la différence entre les deux représente la marge de la
banque.
12 Le taux de change réel mesure en
définitive le pouvoir d'achat externe de la monnaie, c'est-à-dire
son pouvoir d'achat sur les biens étrangers.
9
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
prix, l'offre de monnaie, les taux d'intérêt, les
écarts de productivité, la dette publique, les termes de
l'échange et les actifs étrangers nets, habituellement
exprimés en écarts entre les pays.
Transferts privés
Pour l'Organisation Internationale de la Migration (OIM), les
rapatriements de fonds désignent tous les transferts monétaires
effectués par les migrants vers leurs pays d'origine ; en d'autres
termes, les flux financiers associés à la migration. Dans la
plupart des cas, les envois de fonds sont des transferts monétaires
effectués à titre individuel par un travailleur migrant ou un
immigré au profit de proches dans son pays d'origine. Ces envois de
fonds sont communément appelés transferts privés. Dans le
cadre de notre travail nous avons donné différentes appellations
à cette variable : Transferts de devises, transferts de fonds ou
transferts tout court. Les travaux de recherche qui analysent ce
phénomène nous fournissent de précieuses données
descriptives cependant limitées en raison des contraintes sur les plans
géographique, socioculturel et temporel auxquelles ces derniers font
face.
? Les déterminants des transferts
privés
Selon l'OCDE, le niveau des flux de transferts
opérés par un émigré dépend à la fois
de ses possibilités, à savoir, son revenu et la partie qu'il
épargne de ce revenu et aussi sa motivation à rapatrier ses
économies dans son pays d'origine. Au fait, l'une des méthodes
d'étude des déterminants des flux de transferts consiste à
analyser les motifs qui animent les migrants au moment d'envoyer de l'argent ;
toutefois, les ouvrages qui traitent la question distinguent comme
déterminants des transferts privés : l'altruisme pur, le simple
intérêt personnel, les arrangements tacites avec la famille
restée dans le pays natal et les décisions de gestion de
portefeuille. D'un autre côté, comme le fait remarquer Stark
(1991), il n'existe pas de théorie générale des transferts
de fonds.
Migration
Selon l'OIM (Organisation International pour les Migrations),
les définitions de la «migration» et par extension du
«migrant» reposent sur des contextes politiques, sociaux,
10
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
économiques ou culturels distincts qui peuvent
varier13 énormément. Le phénomène
migratoire présente de réelles variations quant à sa
signification sociale et économique et on peut élaborer une
typologie de la migration en se fondant sur diverses distinctions. De ce fait,
la politique migratoire et la gestion des migrations seront influencées
par les distinctions retenues pour les définitions pratiques. Par
exemple, les choses peuvent se définir sous un angle géographique
(«migration»), ou sous un angle humain («migrants»). Vu
sous un angle géographique, «la migration» est le mouvement
d'une ou de plusieurs personnes d'un endroit vers un autre et le franchissement
de frontières administratives ou politiques dans l'intention de
s'installer, définitivement ou temporairement, dans un endroit
différent de leur lieu d'origine. On peut également
établir une distinction entre «le pays d'origine», à
savoir le point de départ, et «le pays de destination»,
à savoir le point d'arrivée. Par ailleurs, bien souvent la
migration ne se produit pas directement entre un point d'origine et un point de
destination, mais passe par un ou plusieurs «pays de transit».
Vu sous un angle humain, toute personne qui quitte son pays
dans l'intention de résider dans un autre, est appelée
«migrant» ou «émigré». Dans le nouveau pays,
cette personne sera considérée comme un «immigrant» ou
recevra une appellation analogue déterminée par la
législation, car chaque Etat établit ses propres lois en
matière d'immigration. Le terme «migrant» est plus
général que «émigrant » ou «immigrant»
car il ne précise pas la direction du mouvement.
? Bref survol de la migration haïtienne
Les premiers grands mouvements migratoires remontent au
début du 20ème siècle, particulièrement entre 1915
et 1934 avec l'occupation américaine. Les principales destinations se
résumaient essentiellement à Cuba et la République
Dominicaine dans les plantations de canne à sucre ; l'Amérique du
Sud dans la construction du canal de Panama ; et aussi la France.
Entre 1950 et 1960, on assiste à une émigration
croissante vers les Bahamas du fait que le tourisme pendant cette
période nécessité une main-d'oeuvre abondante et bon
marché (dans la construction de routes, d'hôtels et dans les
services) que Haïti est notamment prête à offrir. Le
13 jl n'est guère aisé de donner une
définition acceptée universellement; l'existence de
définitions variées se traduit par une variation des
critères statistiques, elle est une source de difficultés dans la
comparaison des données.
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
secteur agricole du sud des Etats-Unis attirent
également les Haïtiens vers la fin de cette période
(plantation et coupe de bois, culture de la tomate, etc.)
A partir des années 1960, on assiste à la
première grande vague de fuite de cerveaux ; en effet, l'Europe,
l'Afrique, l'Amérique du Nord et les Caraïbes constituent les
principales destinations. Cette vague d'émigration est attribuable aux
persécutions politiques et aux états de violence qui
caractérisent le régime des Duvalier dès 1957.
Vers le début des années 1970, les Haïtiens
commencent à quitter le pays directement des campagnes, et cela souvent
sur des embarcations de fortune. En effet, en 1972, les premiers boat people
arrivent à Miami. La Floride est de nos jours, un des Etats ou la
croissance démographique haïtienne en diaspora est la plus
importante14.
Dans les premiers mois qui suivent la fin de la dictature des
Duvalier en 1986, Haïti connait un solde migratoire positif, c'est-a-dire,
les Haïtiens de la diaspora retournent en masse au pays tandis que les
vols de départ n'ont pas beaucoup de succès. Mais, la succession
des gouvernements militaires sur fond de crise politique inversent rapidement
le mouvement. Cependant à la fin des années 1990, on retrouve le
même mouvement migratoire que celui des années 60 ou
l'émigration des cadres de l'administration publique et des
professionnels de la classe moyenne devient monnaie courante. C'est la
deuxième plus grande vague de fuite de cerveaux que subit le pays en
moins de 50 ans.
Pour mieux comprendre les différentes approches faites
des concepts clés du travail, on va essayer de les placer dans un
contexte de revues de littérature qui constituent la deuxième
partie essentielle de ce chapitre.
11
14 Pour la seule année 1980, plus de 12000
Haïtiens étaient arrives illégalement sur les cotes de la
Floride
12
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
1.2- Revue de la Littérature Théorique
On a développé au fil des ans, diverses
théories partielles de la détermination du taux de change, qui
peuvent, si on les combine, fournir une explication suffisante,
quoiqu'imparfaite, des nombreux facteurs qui influent sur des taux de change
déterminés par le marché ou, flottants. Parmi ces
théories, relevons seulement :
? La théorie de la parité de pouvoir d'achat, ou
théorie monétaire, se fondant sur l'observation d'après
laquelle le taux de change est le prix relatif des différentes monnaies,
se concentre sur le pouvoir d'achat relatif des différentes monnaies en
termes de biens et services. La théorie implique que les taux de change
évoluent de façon à compenser les taux d'inflation
relatifs dans les différents pays, compte tenu des modifications dans
les poids relatifs des biens entrant dans le commerce international et des
biens qui ne font pas l'objet de transactions internationales15. La
plupart des faits connus laissent penser que cette théorie n'est une
approximation correcte de la réalité qu'a long terme, sauf dans
les situations d'hyperinflation, parce que les biens qui font l'objet
d'échanges internationaux ne passent pas immédiatement d'un
marché à l'autre de façon à égaliser les
prix.
? La théorie de l'efficacité des marchés
postule que le taux de change à terme prédit sans
ambigüité le futur taux de change au comptant auquel on peut
s'attendre. Les mises à l'épreuve de cette théorie
laissent penser qu'elle peut être correcte en moyenne, mais que les taux
de change à terme ne prédisent pas très bien les
variations des taux de change, ce qui révèle la présence
d'un risque substantiel dans les spéculations fondées sur les
variations des taux de change.
? La théorie de la parité des taux
d'intérêt se concentre sur les mouvements des capitaux et sur
les facteurs qui déterminent le rapport entre le taux de change au
comptant et le taux de change à terme. Une comparaison entre le
rendement d'actifs à court terme détenus en une monnaie et le
rendement d'actifs détenus en une autre monnaie et couverts contre le
risque d'une variation du taux de change révèle que l'arbitrage
égalisera le taux d'intérêt national au
15 Cette précaution est nécessaire,
parce que la théorie repose sur l'égalité des prix des
biens entrant dans le commerce international, alors que les prix des biens qui
échappent au commerce international peuvent être très
variables d'un pays à l'autre.
13
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
taux d'intérêt étranger majoré de
la prime à terme sur la devise étrangère. La formule est
la suivante :
où et sont les taux d'intérêt à
court terme national et étranger, exprimés en pourcentage
par période, y est le cours à terme de
la devise étrangère livrable à la fin de la
période, x est le cours au comptant, et (y-x)/x est la
prime à terme sur la devise étrangère, en pourcentage par
période (Levich, 1979). Les faits montrent que cette théorie est
généralement correcte, sauf quand les contrôles des
capitaux, le risque de contrôles futurs sur les capitaux ou d'autres
types d'incertitudes du marché prennent de l'importance. Ces facteurs
ont souvent de l'importance dans les comparaisons entre les marchés
financiers nationaux de différents pays, mais ne jouent
généralement pas dans les comparaisons entre les taux
d'intérêt sur le marché des eurodevises.
? La théorie des taux de change fondée sur le
marché des actifs intègre en une théorie achevée
les diverses autres théories, théorie qu'on peut
appréhender en termes de flux dans la balance des paiements (Branson,
1979). Selon cette optique le taux de change est déterminé
à court terme par l'égalité de l'offre et de la demande
d'actifs libellés en différentes monnaies. Les demandes de ces
actifs dépendent des taux d'intérêt relatifs, des primes
à terme, et des anticipations relatives aux variations des taux de
change sur lesquelles insistent les théories de la parité des
taux d'intérêt et de l'efficacité des marchés. Les
modifications dans les quantités de ces actifs offertes aux
détenteurs de richesse privée des différents pays
dépendent des excédents et des déficits du compte courant
de la balance des paiements et de l'intervention de la banque centrale sur les
marchés des changes.
D'un autre côté, l'impact des transferts de fonds
sur les pays bénéficiaires est le thème de très
nombreux ouvrages d'économie. La plupart des analyses y relatives se
sont focalisées sur trois grands thèmes : une première
série d'ouvrages examine l'impact direct des transferts de fonds sur la
répartition du revenu, la réduction de la pauvreté et le
bien-être individuel ; une deuxième série se concentre sur
les effets des transferts sur l'économie en général, en
examinant les incidences sur l'emploi, la productivité et la croissance
; enfin, la troisième série d'ouvrages traite du rôle des
transferts d'argent dans le comblement des déficits de la balance
commerciale
14
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
et de la balance des opérations courantes. Pour les
besoins de notre travail de recherche, nous ne tiendrons compte que des deux
dernières catégories précitées, la première
ne traitant pas des conséquences pour l'économie
intérieure, mais de la justice sociale et de l'égalité.
a) Effets des transferts d'argent sur la croissance
Les transferts d'argent opérés par les
émigrés exercent incontestablement un certain nombre d'effets sur
le bien-être. Tout d'abord, ces transferts constituent une importante
source de revenu pour de nombreux ménages à revenu faible et
moyen, dans les pays en développement. Deuxièmement, ils
fournissent les devises fortes nécessaires pour importer des facteurs de
production rares, non disponibles sur le plan intérieur, mais aussi pour
effectuer des économies supplémentaires en vue du
développement économique (Ratha, 2003; Taylor, 1999; Quibria,
1997). Toutefois, bon nombre de chercheurs ont supposé que l'ampleur de
l'impact sur le développement des transferts d'argent dans les pays
bénéficiaires dépendait de la manière dont cet
argent était dépensé. C'est ainsi que de nombreux ouvrages
étudient l'utilisation de l'argent transféré pour la
consommation, le logement, l'achat de terrains, l'épargne et
l'investissement productif. Il n'y a pas de doute que le fait de consacrer cet
argent à l'investissement entrepreneurial influe directement et de
façon positive sur l'emploi et la croissance. Toutefois, d'autres
chercheurs ont démontré que même si l'argent
transféré est affecté à la consommation et à
l'achat immobilier, il peut avoir divers effets indirects sur la croissance
économique. Parmi ces effets figurent le déblocage d'autres
ressources pour l'investissement et la production d'effets multiplicateurs.
Selon des études économiques récentes,
les fonds transférés peuvent exercer un effet multiplicateur
considérable même quand ils ne sont pas investis. Un dollar
provenant d'un transfert qui est dépensé pour satisfaire des
besoins essentiels stimule le commerce de détail, ce qui dynamise la
demande de biens et de services, et celle-ci stimule à son tour la
production et l'emploi (Lowell et de la Garza, 2000).
La plupart des études théoriques portant sur les
effets multiplicateurs des transferts de fonds s'appuient sur des
modèles qui prennent en compte les effets à la fois des
migrations et des transferts sur le bien-être. Les chercheurs
considèrent les transferts d'argent comme un moyen possible de compenser
la baisse de production que connaissent les pays en développement du
fait
15
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
de la perte de débouchés commerciaux
résultant de l'émigration. Les résultats de la
modélisation montrent que si les migrants sont des travailleurs peu
qualifiés, le bien-être du pays de départ s'accroît
dès lors que les montants transférés sont
supérieurs à la perte de revenu intérieur. Si les
émigrants sont très qualifiés et/ou s'ils partent en
emportant des capitaux, les transferts n'augmentent le bien-être de ceux
qui restent au pays que si le rapport capital/main-d'oeuvre de
l'économie d'origine augmente ou demeure inchangé. Si ce rapport
décroît, les effets sur le bien-être sont
négligeables, voire négatifs (Quibria, 1997). Dans les pays
d'Europe centrale et orientale, par exemple, Straubhaar et Wolburg (1999) ont
constaté que les transferts ne compensaient pas la perte de
bien-être provoquée par l'émigration vers l'Allemagne des
travailleurs hautement qualifiés. Toutefois, quand l'économie
compte des capitaux étrangers, l'accumulation de capitaux
financée par les transferts améliore le bien-être
économique. Si l'argent des transferts est affecté à la
consommation, son impact sur le bien-être dépend de
l'intensité relative des facteurs de production des biens marchands et
non marchands (Djajic, 1998).
Toutefois, les transferts n'ont pas que des effets positifs
sur l'économie d'origine. S'ils produisent une demande supérieure
à la capacité de cette économie à y
répondre, et si la demande concerne des biens non marchands, ils peuvent
avoir un effet inflationniste. En Égypte, par exemple, le prix des
terrains agricoles a bondi de 600 % entre 1980 et 1986 à cause des
transferts (Adams, 1991). Les transferts peuvent
éventuellement avoir d'autres effets défavorables sur le
bien-être. Ils peuvent notamment encourager constamment
l'émigration des personnes d'âge actif et créer une
dépendance des bénéficiaires qui s'habituent à
disposer de l'argent. Or, tous ces facteurs risquent de perpétuer la
dépendance économique, ce qui compromet les perspectives de
développement (Buch et al., 2002).
b) Effets des transferts de fonds sur la balance des
paiements
L'impact des transferts d'argent sur la consommation
privée, l'épargne et l'investissement n'est que l'un des aspects
de leur contribution à la croissance et au développement des pays
d'origine des émigrés. Cet argent vient s'ajouter non seulement
au revenu intérieur des ménages mais aussi au volet «
recettes » de la balance des paiements.
16
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
Les transferts compensent les déficits chroniques de la
balance des paiements en réduisant la pénurie de devises. Ils
peuvent aider à atténuer la contrainte souvent vitale que font
peser les déficits de la balance des paiements sur le
développement économique des pays d'origine des migrants. Leur
impact sur cette balance est plus appréciable que celui des autres flux
monétaires (telles que l'aide financière, l'investissement direct
ou les prêts) parce que leur utilisation n'est pas liée à
des projets d'investissement particuliers exigeant un fort pourcentage
d'importations, qu'ils ne sont pas productifs d'intérêts et n'ont
pas à être remboursés. En outre, les transferts constituent
une source de devises beaucoup plus stable que les autres flux de capitaux
privés et, dans certains pays, présentent un caractère
contracyclique (Buch et al., 2002; Buch et Kuckulenz, 2004; Nayyar,
1994; Straubhaar, 1988).
Il y a lieu de mentionner, néanmoins, que l'un des
effets négatifs des transferts sur la balance des opérations
courantes est ce que l'on appelle «l'effet boomerang». C'est ce qui
se produit quand les transferts provoquent une augmentation des importations et
des déficits de la balance commerciale de leur pays de destination.
Toutefois, la plupart des chercheurs ne partagent pas l'opinion selon laquelle
ce sont les importations induites par les transferts qui créent ces
problèmes de balance commerciale. La propension à importer peut
aussi s'accroître par suite du développement de l'économie
en général, d'un changement structurel dans la production des
biens de consommation ou d'équipement, ou de la division internationale
du travail. La recherche empirique ne confirme pas non plus l'effet boomerang.
Les données montrent que dans les pays d'Europe du Sud, les importations
induites par les transferts entre 1960 et 1981 ont représenté des
minima de 1 % en Espagne et en Italie et des maxima de 4.9 % en Grèce et
de 6.2 % au Portugal (Glytsos, 1993; Straubhaar, 1988).
Les transferts de fonds peuvent engendrer un autre effet
négatif dans les cas où ils induisent une augmentation de la
demande supérieure à la capacité de production de
l'économie. Lorsque cette demande concerne des biens
échangeables, ils peuvent provoquer une appréciation du taux de
change réel. Or, un taux de change surévalué réduit
la compétitivité des entreprises du pays sur les marchés
étrangers (parce que les exportations deviennent chères) et sur
les marchés intérieurs (parce que les importations sont peu
coûteuses), et redirige les ressources du secteur des biens marchands
vers celui des biens non marchands, par un effet connu sous le nom de «
syndrome hollandais ». Ce phénomène peut à son tour
créer des pressions sur la balance
17
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
des paiements, ralentir l'accroissement des
opportunités d'emploi et, par conséquent, renforcer l'incitation
à émigrer. Des données empiriques provenant
d'Égypte, du Portugal et de Turquie confirment ces craintes quoique
l'effet demeure marginal dans la plupart des cas et des périodes
d'observation (McCormick et Wahba, 2000; Straubhaar, 1988).
18
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
1.3- Revue de la littérature empirique
De façon théorique, la littérature
disponible nous permet de distinguer au moins, trois principales approches de
modélisation des envois de fonds. Les travaux de recherche empiriques
concernant les impacts des transferts de fonds d'ordre personnel, en
l'occurrence, les transferts privés sur le taux de change sont, par
contre excessivement rares. Ceci constitue notre principale limitation dans la
réalisation de notre travail de recherche. De ce fait, notre
documentation sélective, pour cette partie de notre travail, est
principalement composée de deux catégories de travaux de
recherches empiriques : la première qui étudie l'inverse de
l'effet recherché dans le nôtre, à savoir, l'impact des
taux d'intérêt et/ou de change sur le volume des envois de fonds.
La seconde étudie l'impact des transferts de fonds sur le
développement financier.
a) Impact des taux d'intérêt et/ou de change
sur le volume des envois de fonds.
Du point de vue empirique, Richard H. Adams Jr (2008) est l'un
des rares du groupe de la Banque Mondiale à réaliser une
étude sur les déterminants des transferts internationaux. Dans
`'The Determinants of International Remittances in Developing
Countries'', il tente de déterminer les raisons pour lesquelles
différents pays -ayant des caractéristiques économiques de
base similaires16- reçoivent des niveaux de transferts
différents. Réalisée pour la période allant de 1995
à 2001, pour 76 pays en développement17, à
revenus faibles et moyens, cette étude poursuit l'objectif de combiner
les approches micro-économique et macroéconomique de la
détermination des transferts de fonds. En effet, elle ajoute deux
nouvelles variables ; sur le plan micro-économique, une variable
importante : le niveau de pauvreté du pays fournisseur de main-d'oeuvre
à l'étranger ; sur le plan macro-économique, elle reprend
les séries de données de Docquier et Marfouk (2005) et
ajoute des données concernant le niveau de compétence des
migrants et examine comment le type de travailleurs migrants
(éduqué ou non éduqué) affecte le niveau de
transferts reçus par le pays fournisseur de main-d'oeuvre a
l'étranger. Les autres variables prises en compte dans cette
étude sont le revenu selon l'approche macro-économique de Glytsos
(1997), les transferts privés, le taux d'intérêt
réel du pays d'origine.
16 En l'occurrence, les pays en
développement.
17 76 pays extraits des grandes régions en
développement du monde telles l'Amérique Latine et la
Caraïbe, l'Europe, l'Asie Centrale, l'Asie de l'Est et du Sud, l'Afrique
du Nord et Sub-saharienne
19
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
Selon les résultats économétriques, la
structure de compétence de la collectivité migrante (ou encore le
niveau de compétence des migrants) participe à la
détermination des transferts ; ceteris paribus, les pays
exportant une plus large part de migrants spécialisés
(éduqués) reçoivent des transferts privés moins
importants que ceux qui exportent des migrants non spécialisés
car ces derniers manifestent le désir de retourner ultérieurement
a leur pays d'origine. Les résultats montrent également que le
niveau de pauvreté d'un pays fournisseur de main-d'oeuvre à
l'étranger n'a pas d'impact positif sur la quantité de transferts
reçus et que les pays à moyens revenus reçoivent plus de
transferts privés que ceux à revenus faibles et
élevés.
Par ailleurs, Faini Riccardo (1994) pense que les envois de
fonds des travailleurs représentent une importante composante dans les
flux du commerce international des biens et services. Dans «Workers
remittances and the real exchange rate : A quantitative framework »,
l'auteur évalue avec quelle ampleur les envois de fonds des travailleurs
sont sensibles aux variables macro-économiques clés.
Particulièrement, il analyse l'impact des politiques des taux
d'intérêt et du taux de change sur les envois de fonds. Le
modèle log-linéaire qu'il utilise concerne 4 pays18,
pour la période allant de 1977 à 1989. Outre les envois de fonds
proprement dits, le stock de migrants, le revenu du migrant et celui de sa
famille (restée au pays d'origine), le taux de change réel,
l'auteur fait le choix d'inclure des variables tels les taux
d'intérêts nominaux national et étranger, la
dépréciation nominale attendue. Il en résulte que le taux
de change réel du pays hôte a en effet un impact positif sur la
quantité de fonds à envoyer, cependant, une
dépréciation de la monnaie engendrerait temporairement une baisse
des envois en termes de biens étrangers. D'autre part, les
résultats prouvent que les considérations d'ordre altruistes sont
d'une importance capitale et ne semblent pas décroitre avec le revenu du
bénéficiaire.
18Le Maroc, le Portugal, la Tunisie et la Turquie ; le
choix de ces pays est inscrite dans le cadre de la disponibilité des
données, en particulier celles concernant les migrants y
établis
20
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
a) l'impact des transferts de fonds sur le
développement financier
Sur le plan de l'étude de la relation entre les
transferts et le développement financier, nous constatons que le nombre
qui en a été consacré est limité19.
Comme le note Aggarwal et Al.(2006), au-delà des études
descriptives sur les efforts entreprises par les institutions
financières au profit des pourvoyeurs de transferts de fonds (Orozco et
Fedewa, 2005), curieusement, on a donné peu d'intérêt
à la question de savoir si les transferts peuvent promouvoir le
développement financier dans les pays destinataires des transferts des
migrants. Malgré cela, nous constatons cependant qu'il y a trois
études dans ce créneau de la littérature sur les
transferts de migrants.
? Nous soulevons en effet, à travers cette revue,
l'existence d'une étude intéressante faite par Paola Giuliano et
Marta Ruiz-Arranz, utilisant une série de données transversales
sur les transferts couvrant un grand échantillon de pays en
développement (100 pays pendant la période pendant la
période allant de 1975 à 2003). Dans cette étude, les
auteurs essayent d'éclaircir la nature de la relation existant entre les
transferts et le développement financier et à travers lui
l'impact qu'il peut y avoir sur la croissance. Ils ont démontré
aussi que vu la faiblesse de l'intermédiation financière et son
incapacité à financer l'économie dans les pays en voie de
développement (PED) à cause du manque des ressources et à
cause aussi du sous-développement des infrastructures bancaires et
financières, les transferts des migrants peuvent jouer un rôle de
substitution. Ils peuvent en effet remplacer le manque de développement
financier et promouvoir par là la croissance économique. Leur
investigation empirique montre que les transferts peuvent promouvoir la
croissance dans des pays moins développés financièrement.
Ils soutiennent que la croissance des transferts peut être
considérée comme une roue de secours à la contrainte de
liquidité engendrée par la faiblesse du développement
financier20.
19 Depuis King and Levine (1993) et Levine, Ross and Sara
Zervos (1998), la question du développement financier dans la promotion
de la croissance est cruciale. Une infrastructure bancaire et financière
développée, composée des banques, des
sociétés de financement, des institutions de microcrédit,
d'affacturage et des marchés de capitaux modernes et liquides, mise en
avaleur par une bonne gouvernance et un contrôle strict joue un
rôle important dans le financement de la croissance et dans la
réduction de la pauvreté.
20 Nous pouvons à cet égard dire, en prolongeant
l'idée de Paola Giuliano et Marta Ruiz-Arranz, que la floraison et
même l'essence et la pérennité des marchés
parallèles (change et finance informels) sont conditionnées par
les transferts. En allant plus loin, nous pouvons dire que l'existence de
marchés parallèles cause la croissance des transferts des
migrants dans les pays où les marchés financiers ne sont pas
très bien développés.
21
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
? Une seconde étude dans ce domaine a été
réalisée par Mundaca (2005) analysant l'effet des transferts sur
la croissance dans les pays de l'Amérique Centrale, le Mexique et la
République dominicaine utilisant les données de panel sur la
période allant de 1970 jusqu'à 2003. Elle constate que le
contrôle dans le cadre de développement financier renforce
l'impact positif des transferts sur la croissance et conclut que le
développement financier mène potentiellement à mieux
utiliser les transferts des migrants en augmentant ainsi la croissance.
? Une autre étude, dans la même optique, semble
intéressante. Il s'agit de l'étude d'Aggarwal,
Demirgüç-Kunt et Martinez Peria (2006)21 sur la question
de savoir si les transferts des migrants influent sur le développement
financier en abordant la question qui explore l'impact des transferts sur les
dépôts bancaires et sur le crédit octroyé au secteur
privé. En utilisant les données sur les flux de transferts des
migrants de 99 pays en voie de développement entre 1975 et 2003, les
auteurs aboutissent à la conclusion selon laquelle les transferts ont un
impact positif et significatif sur le développement financier des
PED.
21 Cette étude est considérée comme
étant la première dans la littérature sur l'impact des
transferts sur les dépôts et crédits bancaires
22
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
Chapitre II : Cadre d'une analyse descriptive, les
transferts et la balance des paiements d'Haïti
2.1- Cadre d'une analyse descriptive
La deuxième partie du travail s'articule autour de deux
grands points. Le premier, étant constitué d'un cadre d'une
analyse descriptive, vise à étudier d'une part le comportement
des transferts et du taux de change sur la période couverte - notamment,
comment se fait l'ajustement des transferts au niveau de la Banque de la
République d'Haïti (BRH), et, d'autre part, vise à mettre en
évidence les interventions de la BRH sur le marché des changes.
Au second point seront analysées les implications des transferts de
devises sur la balance des paiements et aussi leurs apports à cette
dernière vis-à-vis des exportations et de l'aide internationale
qui constituent également deux autres sources de devises.
2.1.1- Les transferts de fonds vers Haïti de 1992
à 2007
Haïti exporte une main d'oeuvre vers les terres
étrangères et reçoit en retour des transferts de fonds.
Ces transferts, de 1992 à 2007, ont augmenté de manière
substantielle et constituent une source importante de devises pour
l'économie haïtienne. Après une période de quasi
stationnarité de 1992 à 1995, les transferts privés de la
diaspora ont pris un élan considérable en passant de 70.4
millions de dollars en 1995 à près de 1.3 milliards en 2007, soit
une progression de 84.6% en 12 ans. Cet accroissement rapide des transferts est
dû notamment par la croissance du flux22 migratoire
haïtien au cours des 10 dernières années de notre
période d'étude. Représentant en moyenne 10%23
du revenus des ménages haïtiens en 2001 et 30%24 de nos
jours, l'étude de la BID révèle que ces transferts de
fonds proviennent, dans leur majorité, des Etats-Unis (71%), avec des
fonds supplémentaires provenant du Canada (14%), de la France (8), de la
République Dominicaine et des Bahamas (2% par pays), et le reste, plus
modeste, de la Martinique, du Guyana et d'Espagne (3%). Cadet (2005) affirme
que, jusqu'en 2003, des analystes pensent que près de 3/4 des transferts
privés ne sont pas captés par les statistiques. Cette
22 Selon la banque mondiale, plus de 1.5 millions
d'haïtiens vivent à l'étranger en 2001, d'autres sources
comme l'OIM et l'OCDE, font état de plus de 2 millions jusqu'en 2007.
23 Enquête Budget Consommation des
ménages (EBCM) (2001)
24 Gouvernement de la République d'Haïti
`'Rapport sue l'évaluation des besoins après désastres
(2008)»
23
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
idée, de nos jours, ne tient plus car la BRH met en
place un mécanisme visant à tenir compte des transferts de fonds
ne passant pas par les sociétés de transferts ou les banques.
Graphe 1 : Evolution des transferts privés
de la diaspora haïtienne de 1993 à 2007
1,400,000,000.00
1,200,000,000.00
1,000,000,000.00
400,000,000.00
800,000,000.00
600,000,000.00
200,000,000.00
0.00
199
3
199
4
199
5
199
6
199
7
200
199
8
Trans en millions de $ US
199
9
200
0
200
1
2
200
3
200
4
200
5
200
1,061,27
6
200
7
Source : Banque de la République d'Haïti
(BRH)
Trans en millions de $ US 64,2
71,670,4
184, 283,
332, 430,
578, 620,
675, 818,
931, 986,
2.1.2-Procédures d'ajustement des transferts
privés et interventions de la BRH sur le marché des changes
Ayant également pour mission de contrôler la
masse monétaire et pour rôle de stabiliser le cours du dollar par
rapport à la gourde sur le marché des changes, la Banque de la
République d'Haïti (BRH) se fait le devoir de prendre en compte
toutes les devises entrant dans l'économie haïtienne sous quelque
soit la forme25. Ainsi donc, à travers sa Direction des
Affaires Internationales (DAI), la BRH recueille régulièrement,
auprès des sociétés26 de transferts reconnues,
des données mensuelles relatives aux transferts privés de la
diaspora haïtienne vers Haïti. Cependant, l'existence des
mécanismes non institutionnels, par lesquels certains transferts de fond
de la diaspora arrivent en Haïti, empêche la BRH de se doter des
informations effectives sur le flux total des transferts privés entrant
dans l'économie pour une période donnée. En effet,
25 Investissement direct étranger (IDE), Dons,
prêts, revenus d'exportations, transferts privés etc.
26 UNITRANSFERT, CAM TRANSFERT, SOGEXPRESS, ACRA FINANCIAL, MONEY
GRAM, SOCATRANSFERT, BOBY EXPRESS, VIGO & CAPITAL.
24
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
pour tenir compte des transferts privés
effectués à travers les mécanismes informels, la BRH
dispose d'un processus d'ajustement qui considère que les transferts
privés passant par les voies informelles représentent 27% du flux
total des transferts de fond de la diaspora expédiés vers
Haïti. Ce qui veut dire que, les sociétés de transferts
reconnues recouvrent de leur côté 73% de ce flux total. A titre
d'exemple, disons que : si la somme des transferts privés recueillies
par les maisons de transferts accuse un montant de 100 millions de dollars pour
une période bien déterminée, après
ajustement27, cette somme passera à 136.98 millions de
dollars. Donc, les statistiques annuelles que publie la BRH sur les transferts
privés reçus constituent une approximation du flux total de ces
derniers pour une période bien déterminée en tenant compte
des deux mécanismes par lesquels passent ces transferts pour arriver
dans l'économie haïtienne.
? Interventions de la BRH sur le marché des
changes
La rentrée régulière, en volume
très importante des transferts privés de la diaspora, augmente
l'offre de devises dans l'économie et est susceptible de jouer sur le
cours du dollar par rapport à la gourde à très court
terme. De même lorsque l'offre de devises diminue dans l'économie
par un ralentissement des aides, ou des revenus d'exportations et surtout des
transferts privés, cette situation est sujette à provoquer une
certaine augmentation du prix du dollar sur le marché des changes. Ainsi
donc, la BRH surveille l'évolution du taux de change et, selon l'un des
deux cas, elle a pour rôle d'intervenir sur le marché des changes
pour acheter ou vendre des devises28 en vue de stabiliser le cours
du dollar par rapport à la gourde.
Tableau 1 : les interventions de la BRH sur le
marché des changes en $ US de 1996 à 2007
Types/
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
année
|
96-97
|
97-98
|
98-99
|
99-00
|
00-01
|
01-02
|
02-03
|
03-04
|
04-05
|
05-06
|
06-07
|
Vente
|
39000000
|
9900000
|
1341500
|
16750000
|
1550000
|
|
|
|
|
|
10475000
|
Achat
|
|
8536934.3
|
46115000
|
|
3250000
|
15650000
|
62505185
|
98766000
|
40725000
|
64750000
|
96800000
|
Source : BRH
27 Avec X le flux total des
transferts on a : 0.73X=100 000 000? X= 136
980 000
28 L'achat ou la vente de devises par la BRH se fait
en fonction de la situation de l'offre et de la demande.
25
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
La BRH commence ses opérations d'interventions sur le
marché des changes à partir de l'exercice 96-97, l'année
où elle a introduit la politique de l'émission des
bons29 en vue d'éponger de la liquidité bancaire sur
le marché monétaire. Pour cet exercice, la BRH a
réalisé sa plus grande opération de vente de toute la
période en vendant environ 39 millions de dollars ÉU sur le
marché des changes contre seulement 9.9 millions pour l'exercice suivant
où elle a acheté, par contre, près de 8.55 millions de
dollars ÉU. Cependant, pendant toutes les périodes30
de forte inflation, on a constaté que la BRH ne fait qu'acheter des
devises sur le marché local des changes.
2.1.3- Le taux de change d'Octobre 1992 à Septembre
2007
La tendance de la volatilité du taux de change
s'observe sur toute la période considérée. Mais pour mieux
appréhender la tendance croissance du taux de change d'octobre 1992
à septembre 2007, considérons deux sous-périodes dont l'un
s'étale sur une période d'environ sept ans où le taux de
change se déprécie de près de 61.2% en passant de 10.51
gourdes pour un dollar É.U. en Octobre 1992 à 16.94 gourdes en
septembre 1999. Notons que le mois d'Août 1994 correspond à une
hausse spontanée, portant le taux de change à un son niveau le
plus haut pour la sous-période, soit 21.49 gourdes pour un dollar US.
Cette situation peut être attribuée à des périodes
d'embargo qu'a connu le pays en 1994. La deuxième sous-période
allant d'Octobre 1999 à Septembre 2007 marque des hausses les plus
élevées du taux de change en Haïti. Après quelques
périodes de pics31 au cours du premier trimestre de
l'année 2000, la gourde allait entamer une nouvelle phase
qualifiée de dépréciation accrue ou
accélérée. En effet, de 22.52 gourdes pour un dollar
É.U. en décembre 2000, le taux est passé à 44.52 en
février 2003, soit une augmentation de 22 points de pourcentage. Notons
que de janvier 2003 à mars 2004, le taux a connu une relative
stabilisation pour ensuite connaître une période de contraction
jusqu'en novembre 2005.
Le graphique suivant nous permet d'apprécier
l'évolution du taux de change nominal pour la période
d'étude.
29 Un instrument utilisé par la BRH en vue de
contrôler la masse monétaire ou d'éponger de la
liquidité bancaire dans le cadre de sa politique monétaire.
30 2002, 2003, 2004, 2005, 2006
31 28.33 gourdes pour 1 dollar E.U en Septembre 2000,
22..52 gourdes pour 1 dollar en Décembre 2000.
26
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
Graphe 2 : Evolution du taux de change d'Octobre 1992
à Septembre 2007 (Données de fin de
période))
50 45 40 35
30 25 20 15 10
5 0
|
|
TXC
Source : Graphe réalisé à partir des
données de la BRH
Plusieurs causes peuvent être retenues pour tenter
d'expliquer ces différentes tendances observées jusqu'ici. D'une
part, il y a les troubles sociopolitiques qui se sont succédées
durant cette sous-période (contestation des élections du 21 mai
2000, départ d'Aristide) qui ont eu pour corollaire d'alimenter les
anticipations négatives des agents économiques, ce qui a un
impact non négligeable sur le change. D'autre part, on peut retenir la
hausse considérable de nos importations non suivie par les exportations,
ce qui a grandement détérioré le solde commercial du pays,
provoquant une pression quasi permanente de la demande de devises sur l'offre,
ce qui ne fait qu'alimenter la spéculation sur le marché de
changes. Après une reprise normale des activités
économiques avec le gouvernement de transition, le taux de change allait
connaître certaines baisses pour la période mai 2004-mai
200532 pour remonter ensuite à sa fourchette [3942 gourdes]
pendant les mois de préparations des élections de l'année
2006. Après encore une
j N a S
fé
D
m
ju N a S
fé j
32 36.95 gourdes pour 1 dollar en mai 2004 et 38.20 en
mai 2005.
O
O
27
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
seconde reprise avec l'élection du Président
Préval en 2006, la gourde s'apprécie
progressivement pour atteindre les 36.08 gourdes à la fin
de la période d'étude.
2.1.4- La variation des transferts privés et celle
du taux de change de 1992 à 2007
Les transferts privés, étant constitué
économie comme des entrées de devises sans contre partie, se
révèlent incontournables dans la détermination des
variations33 à la hausse ou à la baisse du taux de
change. En analysant le graphique ci-dessous, on a tendance à observer,
sur toute la période d'étude, une certaine corrélation
positive entre la variation des transferts et celle du taux de change.
Cependant, il est à remarquer que les variations des deux variables en
question sont loin d'être proportionnelles. Cela revient à dire
que lorsque les transferts varient fortement à la hausse, le taux de
change varie aussi à la hausse mais de façon moindre.
Graphe 3 : Evolution de la variation du taux de
change et des transferts privés de 1992 à 2007
Var TXC Var Trans
Source : Calcul des Auteurs
2.5
2
1.5
1
0.5
0
-0.5
1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
2005 2006 2007
33 Une variation à la hausse du taux de change
traduit une dépréciation de ce dernier. Tandis qu'une variation
à la baisse traduit le contraire.
28
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
Cette situation a été observée d'abord en
199634 où les transferts privés ont varié de
près de 190%, pour la première fois, en passant de 1.02 milliards
de gourdes en 1995 à 2.96 milliards en 1996. Tandis que, du coté
du taux de change, la variation n'est autre que de 10.6% pour cette même
période (195-1996) en passant de 14.5 gourdes à 16.05 gourdes
pour un dollars US. Ensuite, une autre situation pareille a été
observée pour la période 2002-2003 où les transferts ont
crû de 81% et le taux de change de 49%. Dans les périodes de
troubles politiques où l'activité économique s'est
ralentie, le taux de change a toujours tendance à se
déprécier considérablement et engendre des situations de
forte inflation dans l'économie. Parallèlement, au cours de ces
périodes, les émigrés haïtiens manifestent toujours
le désir d'expédier des fonds à leurs familles en
Haïti. Ces devises, arrivant dans l'économie, constituent dans une
large mesure un palliatif à la dépréciation du taux de
change et permettent à ce dernier d'avoir un écart de variation
ne dépassant pas les 36%.
2.1.5 - La part des transferts dans le FIB nominal de 1993
à 2007
Dans un pays comme Haïti et contrairement à
d'autres pays de l'Amérique Latine et de la Caraïbes (Mexique,
République Dominicaine, Costa-Rica), la part des transferts
privés dans le PIB est un indicateur pouvant expliquer, en termes de
volume, le niveau d'importance des transferts privés dans
l'économie haïtienne. Le graphique ci-dessous nous permet
d'observer en début de période une nette stabilité
jusqu'en 1995. A partir de l'année 1995, la part des transferts
privés dans le PIB est vue de plus en plus importante en passant de
2.51% en 1995 à 27.63% en 2003, soit le pourcentage le plus
élevé de toute la période. Cependant, depuis 2004, cette
part a commencé à diminuer en passant de 26.33% à
19.20%35. Cette diminution est la résultante de
l'augmentation du PIB nominal malgré la croissance rapide des transferts
privés pendant cette période. Donc, on a pu constater que la part
des transferts privés dans le PIB est d'autant plus importante que le
PIB se contracte d'une part et que les transferts croissent d'autre part.
34 L'année 1996 marque deux ans après le
retour à l'ordre constitutionnel où l'on a connu une grande vague
de la migration haïtienne.
35 Parce que le PIB nominal a pris de valeur à
cause de la hausse des prix (Rappelons que :PIBtot =
PRIXtot*QUANTITÉ)
29
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
Graphe 4 : Evolution, en pourcentage, de la part des
transferts dans le FIB nominal
30.00%
25.00%
20.00%
15.00%
10.00%
5.00%
0.00%
Source : Calculs Auteurs à partir des
données de la BRH et de l'IHSI.
2.2- Les Transferts de devises et la Balance des
Paiements d'Haïti (BDP)
%Transf dans le PIB nominal
2.2.1- Les effets quantitatifs des transferts
Durant pratiquement les cinq dernières années de
notre période d'étude, les performances36
enregistrées au niveau du solde des transactions courantes de la balance
des paiements sont la résultante surtout du rythme de croissance des
transferts privés de la diaspora situé au poste des transferts
courants. Le rapport(2006) de la Banque de la République d'Haïti
(BRIT) révèle que les flux des transferts courant ont crû
de 10% consécutivement à l'augmentation de 8.60% des transferts
privés et de 15% des transferts publics. Selon ce même rapport,
les remises des travailleurs haïtiens émigrés,
représentant 74% du total des transferts, se sont chiffrées
à 1,070 millions de dollars ÉU en 2006. Tandis que les dons, de
leur coté ont totalisé 380 millions, soit près d'un tiers
(1/3) des transferts privés. Ces deux catégories de transferts
représentent, d'après les analyses de la BRH, près de 70%
des entrées de devises au niveau du compte des transactions courantes de
la BDP. Ce qui nous permet de rejoindre l'idée
36 Voir en annexe la balance des paiements
d'Haïti de 2002 à 2007
30
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
évoquée à savoir que les transferts
représentent au moins 50% de ces 70% des rentrées de devises dans
l'économie haïtienne.
Mise à part des répercussions sur le PIB en
passant par la consommation et l'investissement, les envois de fonds des
travailleurs haïtiens émigrés ont des impacts directs sur la
balance des paiements (BDP) d'Haïti notamment au niveau du compte des
transactions courantes37. Tom et Wets (2006) ont fait ce constat
dans l'économie de quelques pays38 de la région des
Grands Lacs d'Afrique où ils ont révélé que,
contrairement aux investissements directs étrangers (IDE), les
transferts privés, envoyés par la diaspora de ces pays,
représentent un apport financier plus stable pour eux et apportent des
devises étrangères qui renforcent leur balance des paiements.
L'apport quantitatif des transferts de la diaspora au niveau
du solde des comptes courants de la balance des paiements constitue une
bouffée d'oxygène pour le solde globale de la balance des
paiements en permettant à ce dernier de ne pas être beaucoup plus
déficitaire qu'elle l'est depuis pratiquement les cinq dernières
années de la période couverte. La balance des paiements constitue
un instrument par lequel la BRH suit l'évolution de tous les capitaux
étrangers entrant dans l'économie, comme les transferts
privés de la diaspora. Au cours de la réunion de la politique
monétaire, la BRH peut être amenée à prendre des
décisions visant à augmenter ou diminuer l'offre de devises
dépendamment, non seulement de la situation de ces dernières dans
l'économie, mais aussi de ses objectifs de long terme ou de court terme.
Ainsi donc, la balance des paiements représente le canal par lequel les
transferts privés influent le taux de change indirectement
2.2.2-Les transferts privés et les exportations
d'Haïti de 1993 à 2007
De 1993 à 1999, les exportations d'Haïti
révélaient beaucoup plus importante que les transferts
privés de la diaspora. Cette situation était due à la
croissance lente des transferts privés à cette époque dont
le volume en moyenne39 s'articulait autour de 19 milliards de
gourdes contre
37 Le compte des transactions courantes regroupe :
le compte des biens et des services, le compte des revenus et les transferts
courants.
38 République Démocratique du Congo
(RDC), la République de Burundi et le Rwanda.
39 Moyenne calculée pour la période
à partir des données de la BRH et de l'IHSI.
31
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
30.5 milliards pour les exportations. Cependant, à
partir des années 2000, l'évolution rampante des exportations,
due au ralentissement de la production nationale et la montée fulgurante
de l'émigration haïtienne allaient renverser la situation. La
croissance des transferts, depuis lors, est en nette hausse par rapport aux
exportations. Passant de 11.4 milliards de gourdes en 2000 à 47.5
milliards en 2007, avec un taux de croissance moyenne de 24%, les transferts
privés sont devenus la principale régulière source de
devises de l'économie haïtienne face aux exportations qui accusent
de leur côté un montant de 9.8 milliards de gourdes en 2000 contre
27.3 milliards en 2007, avec un taux de croissance moyenne de 17%.
? Les transferts privés : source de financement du
déficit commercial
Avec un taux de couverture40 des importations par
les exportations de 33% en 2003 et 32% en 2007, le Programme des Nations Unies
pour le Développement (PNUD) (2005) a posé la question du
financement du déficit commercial. En effet, passant de 0.9 milliards de
dollars ÉU en 2003 à 1.5 milliards en 2007, la balance
commerciale41 ne cesse de se détériorer durant les
cinq dernières années de notre période d'étude. En
analysant les données de la balance des paiements, on comprend bien que
le financement se fait à partir des transferts courants qui regroupent
essentiellement les transferts privés de la diaspora (74%)42
et les dons officiels (26%) à titre d'assistance externe. Le rôle
prépondérant que les importations43 continuent de
jouer se traduit par la persistance du déficit commercial et des
transactions courants de la balance des paiements. La nécessité
de financer ce déficit renforce la dépendance de
l'économie haïtienne des transferts de devises de la diaspora et
à l'assistance externe.
40 Source: IHSI, tableau sur la situation de l'offre
et de la demande globale
41 La différence entre les exportations et les
importations
42 Rapport annuel BRH, 2006
43 Les importations de biens et de services ont
atteint, en volume, les deux milliards de dollars US en 2007
32
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
Graphe 5- Evolutions des Transferts privés et
celle des Exportations d'Octobre 1992 à Septembre 2007
(En millions de gourdes)
45,000,000,000.00
40,000,000,000.00
25,000,000,000.00
20,000,000,000.00
50,000,000,000.00
35,000,000,000.00
30,000,000,000.00
15,000,000,000.00
10,000,000,000.00
5,000,000,000.00
0.00
Trans Exports
2.2.3-Les transferts privés et l'aide externe de
2002 à 2007
Défini par les dons et les décaissements sur les
prêts contractés, l'aide externe constitue également une
autre source de devises de l'économie haïtienne au niveau de la
rubrique des transferts courants de la BDP. Durant les 5 dernières
années de notre période d'étude, le rythme de croissance
de l'aide externe au niveau du compte des transactions courantes fait qu'elle
est loin d'atteindre le niveau d'importance des transferts privés de la
diaspora. Passant de 158.5 millions de dollars en 2003 à 543 millions en
2007, l'aide externe représente, d'après les estimations de la
BRH, pratiquement 50% des transferts privés de la diaspora et 30% des
transferts courants. La question qui nous intéresse ici consiste
à montrer que, en ce qui a trait à l'économie
haïtienne, l'impact que pourraient avoir les devises
étrangères sur le taux de change constitue, dans une large
mesure, des transferts privés de la diaspora dont le flux se
révèle beaucoup plus importante que les autres sources de devises
à savoir les exportations et l'aide externe.
33
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
2003 2004 2005 2006 2007
Trans
Aide
1.4
1.2
1
0.8
0.6
0.4
0.2
0
Graphe 6- Evolution des Transferts privés et de
l'Aide externe de 2003 à 2007 (En millions de dollars US)
Pour pouvoir déceler un tel impact des transferts
privés sur le taux de change nous allons procéder à la
modélisation de cet impact des transferts sur le taux de change pour la
période allant d'Octobre 1992 à Septembre 2007. Les
résultats des différents tests et analyses à travers la
modélisation nous permettront de confirmer ou infirmer
l'hypothèse qui a été formulée
antérieurement.
34
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
Chapitre III : Modélisation de l'impact des
transferts privés sur le taux de change pour la période
d'Octobre 1992 à Septembre 2007
Nous avons, comme spécifié dans notre
démarche méthodologique, procédé dans un premier
temps à la définition des variables d'intérêt de
notre étude à travers un cadre conceptuel et traité de
façon exhaustive des documents académiques pour alimenter notre
littérature théorique et empirique. Dans un second temps, nous
avons présenté, à travers un cadre d'analyse descriptive,
la progression des dites variables dans l'économie haïtienne. Dans
le présent chapitre, il s'agit pour nous de modéliser l'impact
des transferts privés sur le taux de change. Le processus de cette
modélisation nous permettra, à travers une base de
données, de procéder à des analyses
économétriques visant à vérifier ou rejeter notre
hypothèse, à savoir, le volume de transferts privés de la
diaspora répercute positivement sur le taux de change en Haïti.
3.1- Description de la base de données :
Les variables que nous aurons à utiliser sont
les transferts privés, le taux de
change, la masse monétaire M2,
l'indice des prix à la consommation.
3.1.1-Les transferts privés et
le taux de change constituent les deux variables de poids de
notre étude et les séries que nous utilisons proviennent de la
base de données de la Banque de la République d'Haïti (BRH)
et de l'IHSI. Nous disposons du taux de change nominal (entre la gourde et le
dollar américain)44 de fin de période, coté
à l'incertain. Notons que dans le contexte haïtien, cette
statistique est calculée à partir des deux subdivisions du
marché des changes : le marché officiel (ou formel)45
et le marché parallèle (ou informel)46.
Précisons que la Banque Centrale, dans le calcul du taux de
référence, considère que la part du marché officiel
représente 60%, le reste est fourni par le marché informel.
44 Vu que les Etats-Unis représentent le
principal partenaire commercial d'Haïti.
45 Le marché official ou formel est
composé des banques commerciales et les données relatives
proviennent des transactions journalières des banques dans le
système avec les différents agents économiques.
46 Le marché informel est composé
majoritairement de cambistes et les données sont collectées
à partir de points stratégiques de cette subdivision du
marché.
35
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
Nous disposons de données mensuelles (de fin de
période) pour les transferts privés. Etant donné que ces
derniers sont injectés dans l'économie haïtienne de deux
façons différentes (par le biais de mécanismes
institutionnelles et de manière informelle), nous avons tenu compte des
statistiques ajustées de la Banque Centrale (BRIT).
3.1.2- La masse monétaire est
utilisée par le fait que du point de vue théorique, elle est
susceptible de fluctuer dès lors qu'il y a excédent ou
rareté de devises étrangères dans l'économie
haïtienne. Dans cette même optique, une croissance de la masse
monétaire devrait contribuer à une augmentation de la
volatilité du taux de change47. Nous avons, dans notre
travail, fait choix de M248 au lieu de M3 vu qu'il existe
déjà un effet de change dans cette dernière à cause
des dépôts en dollars qui la composent.
3.1.3- L'indice des prix à la consommation
a été pris en compte dans notre modèle dans
le souci de tenir compte des implications indirectes de la
variation des transferts privés sur le coût de la vie. La
série d'IPC que nous utiliserons dans notre travail se présente
sur une base mensuelle et est raccordée, entre autre, sur la base de
Novembre 1996. Elle a été collectée à partir de la
base de donnés de l'Institut Haïtien de Statistique et
d'Informatique (IHSI).
Dans le souci de rendre les séries homogènes,
nous les utiliserons en taux de croissance. Elles sont ainsi notées :
VTRANS : le taux de croissance mensuelle des transferts
privés
VTXCH : le taux de croissance mensuelle du taux de
change
VM2 : le taux de croissance mensuelle de la masse
monétaire
VIPC : le taux de croissance mensuelle de l'indice des prix
à la consommation
47 Une augmentation de la volatilité du taux de
change se traduit par une dépréciation de la gourde.
48 M2 est composé de la masse monétaire
M1 et de la Quasi-monnaie (dépôts d'épargne et
dépôts a terme et autres en gourdes
36
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
3.2- Présentation et interprétation du
modèle
3.2.1- Méthodologie
Dans le cadre de notre travail, l'approche
méthodologique la plus appropriée que nous avons retenue est le
Vecteur Autorégressif (VAR) standard. Le choix de ce modèle est
dû à la non existence des théories proprement dites qui
lient les deux variables d'intérêt de notre étude. Cette
approche va nous permettre d'étudier le niveau de transmission d'un choc
des transferts privés sur le taux de change. En plus, elle nous
permettra de faire des simulations entre les données et mesurer
l'ensemble des liaisons dynamiques au sein d'un groupe de variables. Il faut
noter qu'au niveau du processus VAR, toutes les variables sont
considérées potentiellement indépendantes. La
méthodologie d'application du modèle VAR se déroule en ces
étapes suivantes :
? Test de racine unité
L'utilisation du modèle VAR exige qu'avant toute
manipulation ou traitement économétrique, la notion de
stationnarité des variables doit être mise en évidence car
les paramètres du processus VAR standard ne peuvent être
estimés que sur des séries chronologiques stationnaires. La
notion de stationnarité est d'importance pourvu que l'utilisation des
séries temporelles permette de rechercher, à travers l'histoire
de la variable, des mécanismes pouvant aider à prévoir ses
valeurs futures. Un processus Yt est dit stationnaire si tous ses moments sont
invariants pour tout changement de l'origine du temps. En d'autre terme, une
série est dite stationnaire lorsqu'elle fluctue autour de sa moyenne
sans jamais trop s'en écarter. L'étude de la stationnarité
de notre série va nous permettre de voir si ses caractéristiques
stochastiques (espérance et variance) se trouvent modifiées dans
le temps. Pour appliquer la méthode de stationnarité, nous
utiliserons les tests de racine unitaire de Dickey Fuller Augmenté
(ADF).
Les tests de racine unitaire d'ADF nous permettront
d'étudier le caractère stationnaire ou non d'une chronique par la
détermination d'une tendance déterministe et/ou stochastique.
L'utilisation des tests de racine unitaire de Dickey Fuller Augmenté
sous-entend qu'a priori
37
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
nous supposons que les erreurs sont
autocorrélées. Les modèles de base mises en
évidence sont au nombre de trois et répondent à la
spécification suivante :
Avec i.i.d49 et la valeur de p
déterminée selon le critère d'Akaike
Les hypothèses que nous allons tester sont les suivantes
:
- Hypothèse nulle, Ho : ñ = 1 (la chronique est non
stationnaire) - Hypothèse alternative H1 : ñ < 1 (la
chronique est stationnaire)
Les tests de Racine Unitaire de Dicker Fuller Augmenté
sont réalisés sur les variables VTRANS, VTXCH, VM2 et VIPC. Les
résultats des tests respectifs montrent, en fait, que ces
dernières sont toutes stationnaires50 en niveau,
c'est-à-dire intégrées d'ordre 0,I(0), avec une marge
d'erreur de 5%.
Par conséquent, la réalisation d'un test de
cointégration n'est donc pas nécessaire. Il est tout à
fait possible de modéliser en utilisant le processus Vecteur
Autoregressif VAR. Les tests sont effectués au seuil de á
(0S á S0.05). Ho est rejetée si la
probabilité de décider entre Ho et H1 (p-v) est
inférieur à á. Les principaux résultats des tests
ADF sont présentés dans le tableau suivant :
49 Independant et identiquement distribué
50 Voir en annexe les résultats du test de
racine unité
38
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
Tableau 2 : Résultats des tests ADF
Variables
|
Retards
|
ADF calculé
|
P-V
|
Risques
|
Types de modèle
|
Décision
|
Ordre D'intégration
|
VTRANS
|
0
|
-17.36
|
0.00
|
5%
|
2
|
H1
|
0
|
VTXCH
|
0
|
-14.77
|
0.00
|
5%
|
2
|
H1
|
0
|
VM2
|
0
|
-16.41
|
0.00
|
5%
|
2
|
H1
|
0
|
VIPC
|
0
|
-18.55
|
0.00
|
5%
|
2
|
H1
|
0
|
Source : Les Auteurs
3.3- Spécification et estimation
économétrique du modèle
? Spécification du modèle
Le modèle que nous allons spécifier
répond à la spécification suivante :
? Estimation économétrique du
modèle
Selon les clauses du processus VAR, avant toute estimation
économétrique, il convient de rechercher un modèle VAR
optimal en déterminant le nombre P de retard du modèle. Le
critère utilisé pour déterminer le nombre de retard est
celui d'Akaike (AIC). Le logiciel Eviews 4.1 donne automatiquement les valeurs
calculées de ce critère et le nombre de retard P retenu, en
39
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
considérant un nombre de retard maximal égal
à douze (12), est celui qui minimise ce critère. Selon le
critère d'Akaike, le nombre de retard optimal est de un (1). Le tableau
3 présente les principaux résultats obtenus :
Tableau 3 : Valeur calculées par le critère
d'Akaike
Retards
|
LogL
|
LR
|
FPE
|
AIC
|
SC
|
HQ
|
0
|
897.8821
|
NA
|
2.64E-10
|
-10.70517
|
-10.63049*
|
-10.67486
|
1
|
927.1880
|
56.85694
|
2.25E-10*
|
-10.86453*
|
-10.49111
|
-10.71297*
|
2
|
939.8021
|
23.86874
|
2.34E-10
|
-10.82398
|
-10.15184
|
-10.55117
|
3
|
950.8251
|
20.32978
|
2.49E-10
|
-10.76437
|
-9.793500
|
-10.37032
|
4
|
956.0342
|
9.357589
|
2.83E-10
|
-10.63514
|
-9.365537
|
-10.11984
|
5
|
968.0987
|
21.09489
|
2.98E-10
|
-10.58801
|
-9.019676
|
-9.951457
|
6
|
977.5734
|
16.11266
|
3.23E-10
|
-10.50986
|
-8.642799
|
-9.752062
|
7
|
989.4405
|
19.61263
|
3.42E-10
|
-10.46036
|
-8.294573
|
-9.581317
|
8
|
997.2824
|
12.58467
|
3.79E-10
|
-10.36266
|
-7.898141
|
-9.362368
|
9
|
1009.982
|
19.77142
|
3.98E-10
|
-10.32313
|
-7.559883
|
-9.201591
|
10
|
1015.077
|
7.688649
|
4.58E-10
|
-10.19254
|
-7.130557
|
-8.949748
|
11
|
1029.365
|
20.87579
|
4.74E-10
|
-10.17204
|
-6.811323
|
-8.807996
|
12
|
1054.012
|
34.83127*
|
4.35E-10
|
-10.27560
|
-6.616157
|
-8.790312
|
L'astérisque (*) indique l'ordre P à retenir
selon le critère. Source : les Auteurs à partir d'Eviews
4.1
Ayant déterminé le nombre de retards (p) par le
critère d'Akaike, nous pouvons à présent estimer le
modèle VAR en retardant d'une période toutes les variables du
modèle. Les principaux résultats de l'estimation du VAR(1) sont
présentés à l'annexe XI.
? Test de causalité de Granger
Le test de causalité dans toute démarche
économétrique est d'importance car il indique à quel
niveau les valeurs courantes d'une variable peuvent être
expliquées par ses valeurs passées ou si l'ajout d'un certain
nombre de retards à une autre variable améliore l'estimation. On
dit dans ce sens qu'une variable X cause une variable Y au sens de Granger si X
aide à prédire Y ou encore si les coefficients des valeurs
retardées de X sont statistiquement significatifs dans l'explication de
Y. En analysant la colonne probabilité des principaux résultats
du test de causalité au sens de Granger, avec un nombre de retard
égal à un, lequel retenu dans l'estimation du VAR, on constate
qu'au seuil de 5%, les résultats ne nous donne pas la possibilité
de voir si
40
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
une estimation des transferts privés permet d'expliquer
le taux de change en Haïti. Cependant d'une part, les résultats ont
montré que le taux de change cause l'inflation c'est-à-dire
qu'une estimation du taux de change permet de prévoir l'inflation.
Rappelons que des études51 antérieures, sur l'impact
de la variation du taux de change sur l'inflation en estimant le coefficient
pass-trough, ont montré effectivement que la variation du taux de change
a un impact sur l'inflation.
D'autre part, selon les résultats, on a constaté
aussi que la variation de la masse monétaire est causée par la
variation du taux de change. On pourrait, en fait, dans le cadre de
l'économie haïtienne, attribuer des résultats aux
interventions même de la BRH sur le marché des changes par l'achat
ou la vente de devises susceptible d'agir sur la masse monétaire. Par
ailleurs, voulant trouver des résultats satisfaisants et réels,
on a essayé d'augmenter d'une part le nombre de retards jusqu'à
trois (3), mais les résultats52 ne sont pas
améliorés et se trouvent similaires par rapport au premier (quand
le nombre de retards est égal à 1). D'autre part, en
considérant les périodes 1996-2007 et 1997-2007, les
résultats53 sont de mêmes à savoir VM2 cause
VTRANS, le contraire, en fait, de ce qu'on aurait du trouver selon la
théorie économique.
Etant donné que les résultats du test de
causalité ne sont pas trop satisfaisants, on va procéder à
l'utilisation d'autres outils comme ceux des réponses pulsionnelles et
de la décomposition de la variance pour pouvoir bien cerner le sens de
l'impact de la variation des transferts sur le taux de change en Haïti.
51 Dario Lebelon: Mémoire de sortie (CTPEA),
`'Une estimation du coefficient du pass-trough du taux de change sur
l'inflation. (Octobre 1990-Septembre 2005).
52 Voir en annexe le résultat du test de
causalité de Granger avec 2 retards.
53 Voir en annexe le résultat du test de
causalité avec les périodes considérées.
41
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
Tableau 4 : Résultat des tests de causalité
de Granger Période: 1992:10 2007:09
Retards : 1
Hypothèse nulle:
|
Obs
|
F-Statistique
|
Probabilité
|
VM2 ne cause pas VIPC
|
178
|
0.17125
|
0.67951
|
VIPC ne cause pas VM2
|
|
0.12546
|
0.72361
|
VTRANS ne cause pas VIPC
|
178
|
2.56290
|
0.11120
|
VIPC ne cause pas VTRANS
|
|
0.00041
|
0.98378
|
VTXCH ne cause pas VIPC
|
178
|
4.78736
|
0.02999
|
VIPC ne cause pas VTXCH
|
|
0.02457
|
0.87562
|
VTRANS ne cause pas VM2
|
178
|
0.07127
|
0.78981
|
VM2 ne cause pas VTRANS
|
|
1.43214
|
0.23303
|
VTXCH ne cause pas VM2
|
178
|
4.07814
|
0.04497
|
VM2 ne cause pas VTXCH
|
|
0.32239
|
0.57090
|
VTXCH ne cause pas VTRANS
|
178
|
1.65850
|
0.19951
|
VTRANS ne cause pas VTXCH
|
|
3.36983
|
0.06810
|
Source : calcul des Auteurs à partir de Eviews
4.1
3.4- Dynamique du modèle et Analyse des
résultats
L'objet de cette partie, l'une des plus importantes du
modèle, est d'étudier la dynamique de la modélisation VAR
à travers les différents scénarios possibles. Cette
étude nous permettra, en fait, à travers les mécanismes de
réponses aux chocs ou réponses impulsionnelles et la
décomposition de la variance, de mesurer d'abord l'impact de la
variation des différents chocs sur chacune des variables et ensuite
l'apport de ces chocs à la variance de l'erreur de prévision.
? Réponses au choc
La réponse aux chocs représente l'effet d'un
choc, d'une innovation sur les valeurs courantes et futures des variables
endogènes. La réalisation des scénarios de réponse
aux chocs constitue l'une des principales préoccupations du processus
VAR dans les applications empiriques de notre modèle. Le marché
des changes en Haïti, mettant en évidence le dollar et la gourde,
est susceptible de connaître des variations relatives au comportement de
ces derniers à
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
une période bien déterminée. En effet, en
vertu de la théorie économique, un choc sur le volume de dollar
sur le marché se répercute instantanément sur le taux de
change et dès fois même sur l'inflation. Pour étudier la
structure des chocs sur les différentes variables, il s'avère
important de déterminer l'ordre dans lequel les différentes
variables sont enregistrées, car les ordres de placements
différents donnent des résultats différents. Par rapport
à certaines théories économiques et au contexte de notre
étude, nous imaginons que les transferts augmentent automatiquement la
masse monétaire, pendant que cette dernière est susceptible
d'agir sur le taux de change dont la variation se répercute sur
l'inflation. De ce fait, nous avons retenu l'ordre suivant :
VTRANS-VM2-VTXCH-VIPC.
Les graphiques ci-après retracent les fonctions de
réponse impulsionnelle. Les courbes en pointillé
représentent l'intervalle de confiance. Dans notre analyse nous
considérons que l'amplitude du choc est égale à une fois
l'écart-type et l'on s'intéresse aux effets du choc sur 18
périodes. Le graphique 5 indique qu'un choc de 1% sur la variation des
transferts a un impact très faible sur la variation du taux de change.
Tandis qu'au niveau du graphique 6 on peut remarquer qu'un choc sur le taux de
croissance du taux de change n'a pas d'impact sur la variation des transferts,
ce qui explique que les courbes relatives à la variation des transferts
partent de l'origine.
Graphe 5- Réponse du taux de change à 1
Graphique 6- Réponse des transferts à 1
choc de 1% sur les transferts privés. choc de 1%
du taux de change
.020 .015 .010 .005 .000 -.005 -.010 -.015 -.020
R e s p o n s e o f V T X C H t o C h o l e s k y O n e S .
D . V T R A N S I n n o v a t i o n
2 4 6 8 10 12 14 16 18
Response of VTRANS to Cholesky
42
One S.D. VTXCH Innovation
.08 .06 .04 .02
.00 -.02 -.04
|
|
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
43
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
Nous pouvons observer, entre autre, qu'un choc de 1% sur le
taux de croissance des transferts se répercute faiblement sur le taux de
change. L'impact du choc atteint son minimum après 2 mois (-0.8) et
devient positif après 3 mois (0.3%). L'impact du choc disparaît
totalement après 4 mois. C'est pourquoi l'analyse des fonctions de
réponses impulsionnelles ne nous permet pas de calculer aussi l'effet
d'un choc du taux de change sur l'inflation. Les résultats montrent que
la réponse du taux de change à un choc initial sur les transferts
n'est pas instantanée. Entre autre, après 7 mois, un choc de 1%
sur le taux de change n'a pas d'impact sur la variation des transferts.
L'impact atteint son maximum après 2 mois (0.3%).
? Décomposition de la
variance
Dans l'objectif de calculer la contribution de chacune des
innovations à la variance de l'erreur de prévision, nous avons
été amenés à compléter les fonctions de
réponses pulsionnelles par la décomposition de la variance de
l'erreur de prévision. Pour y parvenir, nous allons écrire la
variance de l'erreur de chacune des variables sur un horizon h où h
allant de 1 à 12 mois ou périodes, ensuite on rapporte chacune de
ces variances à la variance totale pour obtenir son poids relatif en
pourcentage.
Les principaux résultats relatifs à
l'étude de la décomposition de la variance montrent que la
variance de l'erreur de prévision du taux de croissance du taux de
change est due pour 93.7% à ses propres innovations, pour 6% à
celles de VTRANS, pour 0.3% à celles de VM2 et pour 0% à celles
du taux de croissance de l'Indice des Prix à la Consommation (IPC).
Tableau 5: Décomposition de la variance de
l'erreur du taux de croissance du taux de change
Période
|
S.E.
|
VTRANS
|
VM2
|
VIPC
|
VTXCH
|
1
|
0.038887
|
3.643841
|
0.001409
|
0.000000
|
96.35475
|
2
|
0.041380
|
5.751946
|
0.298667
|
0.005163
|
93.94423
|
3
|
0.041761
|
5.970596
|
0.299078
|
0.005350
|
93.72498
|
4
|
0.041819
|
5.986196
|
0.300157
|
0.005349
|
93.70830
|
5
|
0.041827
|
5.986949
|
0.300575
|
0.005350
|
93.70713
|
6
|
0.041828
|
5.986964
|
0.300640
|
0.005351
|
93.70704
|
7
|
0.041828
|
5.986964
|
0.300647
|
0.005351
|
93.70704
|
8
|
0.041828
|
5.986964
|
0.300647
|
0.005351
|
93.70704
|
9
|
0.041828
|
5.986964
|
0.300647
|
0.005351
|
93.70704
|
10
|
0.041828
|
5.986964
|
0.300647
|
0.005351
|
93.70704
|
44
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
11
|
0.041828
|
5.986964
|
0.300647
|
0.005351
|
93.70704
|
12
|
0.041828
|
5.986964
|
0.300647
|
0.005351
|
93.70704
|
Cholesky Ordering : VTRANS VM2 VTXCH VIPC
Source : Calcul des Auteurs à partir d'Eviews
4.1
Les différents résultats émanés de
l'analyse des fonctions de réponses pulsionnelles et la
décomposition de la variance montrent que l'impact de la variation des
transferts privés de la diaspora sur le taux de change n'est que de
très courte durée. Ces résultats sont bien
spécifiques et propres à l'économie haïtienne en
raison d'une présence très forte de la Banque Centrale
haïtienne, sur le marché des changes, qui contrôle
strictement sur le marché les rentrées des transferts de devises
de la diaspora.
Ces observations et ces constats nous amène à
accepter l'hypothèse qui a été formulée à
savoir : `'Etant une rentrée de devises, le volume des transferts
répercute sur le taux de change en Haïti». Cette faiblesse
observée au niveau de l'impact de la variation des transferts sur le
taux de change peut être attribuée aux politiques de la BRH dans
le cadre de son objectif et son rôle de stabiliser le cours de la gourde
par rapport au dollar. La BRH se montre de plus en plus très active sur
le marché des changes en achetant et vendant des devises
dépendamment du volume de dollar qui circule dans l'économie.
Les techniques utilisées et la période que nous
avons considérée pour modéliser le phénomène
possèdent, toutefois, certaines limites. Ce qui nous empêche de
mieux étudier l'impact de la variation des transferts privés sur
le taux de change en Haïti. La littérature verbale a souvent
sous-entendu que déjà que l'impact existe dans le cadre de
l'économie haïtienne. Il serait, en fait, intéressant
d'effectuer une pareille étude en élargissant la période
d'étude et en ajoutant d'autres variables susceptibles d'influencer le
taux de change.
Disposer, entre autre, de très bonnes informations et
de statistiques fiables auprès des institutions pourrait mieux nous
éclairer, dans une certaine mesure, sur le canal par lequel passe les
transferts pour agir sur le taux de change et nous permettrait d'aboutir en
quelque sorte à des meilleurs résultats concernant l'étude
de l'impact des transferts privés de la diaspora sur le taux de change
en Haïti.
45
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
Conclusion et recommandations
Dans le cadre de notre étude, il a été
question d'étudier l'impact des transferts privés de la diaspora
sur le taux de change en Haïti pour la période allant d'Octobre
1992 à Septembre 2007. Après avoir explicité les concepts
clés du travail à travers un cadre conceptuel, passé en
revue les différents travaux et études relatifs à notre
travail, on a étudié la tendance du taux de change et celle des
transferts privés de la diaspora pour la période
considérée sans oublier de situer les apports de ces derniers
dans le canal de la Balance des Paiements, et ensuite on a effectué une
analyse empirique relative à l'économie haïtienne à
travers une modélisation de l'impact des transferts privés sur le
taux de change en utilisant d'autres variables comme la masse monétaire
M2 et l'Indice des Prix à la Consommation (l'IPC), toutes les deux,
susceptibles d'avoir des impacts sur le taux de change d'après les
théoriques économiques.
En effet, le test de causalité de Granger ne nous a pas
permis, à travers nos analyses économétriques, de
déceler une éventuelle relation entre les transferts
privés et le taux de change. C'est pourquoi nous avons dû recourir
à d'autres outils plus pertinents comme les réponses
impulsionnelles et la décomposition de la variance de l'erreur du taux
de change. Ainsi, les premiers résultats ont montré que les
transferts privés agissent faiblement sur le taux de change. Cette
faiblesse est expliquée par la forte présence de la BRH sur le
marché des changes dans le cadre de son objectif de stabilisation du
dollar par rapport à la gourde. En fait, on a observé que
l'impact d'un choc de 1% sur la variation des transferts, répercutant
faiblement sur le taux de change, devient positif après deux mois et
disparaît totalement après 4 mois. Entre autre, l'étude
nous a permis de comprendre aussi que le taux de croissance du taux de change
dans l'économie haïtienne est causé fortement par ses
propres innovations, soit à un pourcentage de 93.7% et en second lieu
par les transferts privés de la diaspora (6%).
La présence inconditionnelle de la BRH sur le
marché des changes a sa grande part à jouer dans les interactions
des transferts privés et du taux de change en mettant des structures
viables en place pour contrôler la rentrée des devises
étrangères dans l'économie haïtienne.
46
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
Constituant la principale source de devises pour
l'économie haïtienne, une réduction substantielle des
transferts diminue l'offre de devises dans l'économie et peut jouer sur
la variation du taux de change à la hausse si la BRH n'intervient pas
rapidement pour stabiliser le cours de la gourde par rapport au dollar comme
elle l'avait fait en 2001 et en 2007 pour ne rester que dans notre
période d'étude.
De ce fait, pour pallier les interventions de la BRH sur le
marché des changes lui obligeant de vendre des devises lorsque le volume
de ces dernières n'accorde pas à la quantité de gourde qui
circule dans l'économie, nous sommes amenés à faire
quelques recommandations compte tenu du rapport de prix entre le dollar et la
gourde définissant le taux de change même en Haïti.
Les recommandations que nous voulons faire s'articulent autour
d'une vision beaucoup plus optimiste et réelle de la production
nationale qui constitue un élément essentiel dans le cadre d'une
revitalisation de l'économie haïtienne et d'une moindre
dépendance des transferts privés de la diaspora. En effet, la
force de toutes les grandes économies mondiales et celle des pays en
développement réside dans leur capacité de pouvoir offrir
quelques choses à l'extérieur pour rentrer des devises. Les
exportations d'Haïti n'excèdent même pas les 900 millions de
dollars alors que les transferts privés de la diaspora, qui ne
dépendent pas des politiques des autorités haïtiennes,
dépassent les 1.5 milliards de dollars. En ce sens, dans le cadre d'une
campagne véritable de diversification des sources de devises de
l'économie haïtienne, nous proposons :
- La création d'une commission
interministérielle devant statuer sérieusement sur la question de
la production nationale en mettant en oeuvre des plans d'actions
concrètes et claires réalisables dans des meilleurs délais
possibles.
- Une reconceptualisation du secteur touristique par rapport
aux nouveaux défis auxquels il fait face et les opportunités
énormes qu'il présente dans l'économie haïtienne et
une mise exécution rapide du plan directeur touristique du
ministère du tourisme.
47
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
- Une politique de promotion véritable des investissements
directs étrangers avec des avantages incitatifs bien définis.
- Une politique de Création des zones Économiques
Spéciales (ZES) comme la chine l'avait fait à son
démarrage en 1950 avec une politique fiscale favorisant
l'épanouissement de telles zones au profit des emplois massifs.
48
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
Bibliographie sélective
- ABDELKADER ELKHIDER, ABDELHAMID EL BOUHADI, EL MUSTAPHA
KCHIRID (2006), Les déterminants de transferts des résidents
marocains à l'étranger : étude empirique de 1970 à
2006, Faculté de Droit de Marrakech, Université Cadi Ayyad,
Marrakech.
- AMETH SALOUN NDIAYE (2008). Comment le
développement financier influence-t-il l'impact des transferts de fonds
sur la croissance économique au Sénégal : effet de
substituabilité ou de complémentarité ?
Université de Dakar, Département d'Economie
- AMUEDO-DORANTES Catalina (2004). Worker's Remittances
and the Real Exchange Rate: A Paradox of Gifts. San Diego State
University, World Development Vol. 32, No.8, pp.1407-1417.
- BAILLIU JEANNINE et MICHAEL R. KING (2005). Quels sont
les déterminants des taux de change. Département des
Relations Internationales, Département des Marchés Financiers.
Revue de la Banque du Canada.
- BRANSON W. H. (1979). Exchange rate dynamics and
monetary policy. Cité par Greenwald Douglas (1982)
- BUCH et al (2002). Worker Remittances and Capital Flows,
Kiel Working Paper no.1130, Kiel Institute for World Economics, Kiel.
- BUCH et KUCKULENZ (2004). Worker Remittances and Capital
Flows to Developing Countries, ZEW (Centre for European Economic Research)
Discussion Paper no.04-31, ZEW, Mannheim.
49
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
- CADET MAGALIE (Avril 2005). L'Etat Haïtien a-t-il
pris une bonne décision de laisser s'expatrier des travailleurs de 1961
à 2001, analyse avantages/coûts économiques pour
Haïti. Université de Montréal, Département des
Sciences Economiques, Faculté Arts et Sciences.
- DIRECTION GENERALE DU TRESOR ET DE LA POLITIQUE ECONOMIQUE
(Avril 2008). Appréciation réelle du taux de change dans les
pays émergents. Working Paper No 35.
- DJAJIC, S. (1998). Emigration and Welfare in an Economy
with Foreign Capital. Journal of Development Economics, no. 56,
pp433-445
- FAINI RICCARDO (1994). Workers remittances and the real
exchange rate: a quantitative framework. University of Brescia, IGIER and
CEPR, Faculty of Economics. Journal of Population Economics.
- GLYTSOS, N.P. (1993). Measuring the Income Effects of
Migrant Remittances: A Methodological Approach Applied to Greece. Economic
Development and Cultural Change, vol. 42 (1), pp. 131-168.
- GREENWALD DOUGLAS (1982). « Encyclopedia of Economics
», ed. 1982 by McGraw-Hill.
- JOHN P. MARTIN et JEAN-CHRISTOPHE DUMONT, impacts de
l'immigration sur les pays d'origine, transferts de fonds et fuite des
cerveaux, Masters Programme « Economie des Relations Internationales
» Sciences Po, Paris
- LEVICH RICHARD M. (1979). The International money market:
An assessment of
forecasting techniques and market efficiency.
Cité par Greenwald Douglas (1982)
50
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
- LOWELL, B.I. et R.O. de la GARZA (2000). The Developmental
Role of Remittances in US Latino Communities and in Latin American Countries, A
final Project Report, Inter-Americanc Dialogue
- M. BEN ABDALLAH, I. DRINE, R. MEDDEB (2001). Interaction
entre IDE, régime de change, capital humain et croissance dans les pays
émergents. Ouverture Economique et Développement, GDR,
Economica, Paris.
- McCORMICK, B. et J. WAHBA (2004). Return International
Migration and Geographical Inequality. The case of Egypt, Research Paper
no. 2004/7, World Institute for Development Economics Research (WIDER), United
Nations University.
- NAYYAR, D. (1994). Migration, Remittances and Capital
Flows : The Indian Experience, Oxford University Press, Delhi.
- OCDE (2006). Perspectives des Migrations
Internationales/ Les transferts de fonds internationaux des
émigrés et leur rôle dans le développement.
Partie III, p. 149 à 174.
- OCDE (2005). Objectifs Developpement - Migrations,
Transferts de fonds et Developpement
- OROZCO MANUEL (2002). Globalization and Migration: The
Impact Of Family Remittances in Latin American. Center for Latin American
Studies at the University of Miami and Blackwell Publishing. Vol.44, No.2, pp.
41-66.
- QUIBRIA, M.G. (2003). International Migration, Remittances
and Income Distribution in Source Country: A Synthesis. Bulletin of
Economic Research, vol. 49 (1), pp 29-46
- RATHA D. (2003). Workers remittances: an important and
stable source of external
development finance. Global Developing Finance 2003,
World Bank, pp. 157-175.
51
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
- RICHARD H. ADAMS JR (2008). The Determinants of
International Remittances in Developing Countries. World Bank, Washington,
DC, USA. World Development Vol. 37, No. 1, pp.93-103.
- RICHARD H. ADAMS JR (1991). The Effects of International
Remittances on Poverty, Inequality and Development in Rural Egypt,
Research Report no. 96, International Food Policy Research Institute.
- STRAUBHAAR, T. et M. WOLBURG (1999). Brain Drain and
Brain Gain in Europe. An Evaluation of the East-European Migration to Germany.
Jahrvucher fur Nationalokonomie und Statistik, vol. 218 (5+6), pp.
574-604
- TAYLOR, J.E. (1999). The New Economics of Labor
Migration and the Role of Remittances. International Migration, vol. 37
(1), pp. 63-86.
- Vers une Gestion Globale de la Migration de Main-d'oeuvre en
Haïti, Résultats récapitulatifs du Rapport «
Propositions pour une politique de Gestion de la migration de main-d'oeuvre en
Haïti »- Produit par le Gouvernement Haïtien et
l'Organisation International pour les Migrations
52
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
[Novembre 2009]
-Sites Internet consultés
www.oimhaiti.org
www.danielmartin.eu/Cours/Gini.htm
http://www.eclac.cl/publicaciones/xml/8/32598/LCG2356B_2.pdf
http://www.panosparis.org/fr/migra_present_rapport.php
http://fiordiliji.sourceoecd.org/pdf/fact2007_fre/12-04-03.pdf
: Migration, population active et
transferts de fonds
http://www.oecd.org/dataoecd/61/47/38840516.pdf
: Les transferts de fonds internationaux des émigrés et leur
rôle dans le développement1
http://idbgroup.org/news/detail.cfm?language=French&id=3637
: Banque Interaméricaine de Développement
www.worldbank.org/prospects/migrationandremittances
: Banque Mondiale
http://siteresources.worldbank.org/EXTANNREP2K8/Resources/5164353-1222371156065/French.pdf
: Rapport annuel 2008 de la Banque mondiale
www.gem.sciences-po.fr/content/.../migrations_lecture7.pdf:
Migration Internationale, Commerce et Développement.
|