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Evaluation coà»t efficacité du projet de prévention du VIH/SIDA en Afrique Centrale

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par Noel Magellan Nino NSONG NTOCK
Institut Sous-régional Multisectiorel de Technologie, de Planification et d'Evaluation des projets - Master  2015
  

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DÉDICACES

À :

Tous ceux qui me sont chers de près ou de loin

REMERCIEMENTS

De nombreuses personnes ont contribué à la réalisation de ce document. Je tiens ici à exprimer ma reconnaissance :

v Au Pr François Colin NKOA, mon professeur correspondant pour les critiques et suggestions formulées à l'endroit de ce document et qui ont participé à l'améliorer ; recevez ici l'expression de ma profonde gratitude ;

v Au Dr Constant Roger AYENEGONE, le Secrétaire Général de l'OCEAC qui a daigné m'accueillir dans la structure dont il assure la direction ;

v Au Dr Brahim Issa SIDI, le Chef du Département des Études et de Planification en charge du Projet de Prévention du VIH/SIDA en Afrique Centrale, en outre mon encadreur technique pour la réalisation de cette étude. Je tiens particulièrement à le remercier pour son soutien indéfectible et l'intérêt particulier qu'il a manifesté pour mes travaux. Il a su peser de son poids pour m'aider à obtenir les entretiens de choix avec des acteurs clés du PPSAC ;

v Au Dr MOTTO pour ses conseils, et surtout les nombreux documents qu'il a mis à ma disposition  sans lesquels le présent document n'aurait pas vu le jour ;

v A tout le personnel de l'OCEAC pour avoir su créer une ambiance propice à la rédaction de ce document;

v A tout le corps administratif et professoral de l'ISTA ; plus particulièrement au Dr Jean Guy Bruno BOTATA, le Directeur des Etudes pour les efforts qu'il consent à parfaire la formation des stagiaires de l'ISTA ;

v Au Dr ONONGUENE, et au Dr SOPPO, du LANACOME pour l'accueil dans cette structure et pour avoir participé à m'édifier amplement sur le contrôle de qualité des préservatifs ;

v A Mr SALI de l'Association Camerounaise pour le Marketing Social pour m'avoir richement édifié sur le processus de mise en oeuvre du projet sur le terrain et les méthodologies d'imputation des effets utilisées par « Population Services International » ;

v Aux responsables du CNLS je nomme particulièrement Dr BONONO léonard et Mr Raoul TOUKAM, pour les données qu'ils ont mis à ma disposition.

TABLE DES MATIERES

DÉDICACES i

REMERCIEMENTS ii

LISTE DES ABRÉVIATIONS v

LISTE DES GRAPHIQUES viii

LISTE DES TABLEAUX ix

AVANT-PROPOS x

RÉSUMÉ xi

INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

1. CONTEXTE ET JUSTIFICATION 1

2. PROBLÉMATIQUE DE L'ÉTUDE 4

3. OBJECTIFS DE L'ÉTUDE 5

4. HYPOTHESES DE L'ÉTUDE 5

CHAPITRE I : 7

BESOINS DE FINANCEMENT ET ENJEUX DE LA LUTTE CONTRE LE VIH/SIDA  AU CAMEROUN 7

I. LE FINANCEMENT INTERNATIONAL DE LA LUTTE CONTRE LE VIH/SIDA 8

I.1. Evolution de la coopération internationale dans la lutte contre le SIDA 9

I.2 Un acteur majeur du financement de la lutte : le fonds mondial de lutte contre le SIDA, la Tuberculose et le Paludisme 12

I.3 Financement international de la lutte contre le VIH/SIDA au Cameroun 13

II. LES PRINCIPAUX ENJEUX DE LA LUTTE CONTRE LE VIH/SIDA AU CAMEROUN 14

II.1 L'enjeu relatif à la faible couverture en traitements antirétroviraux 15

II.2 L'enjeu de l'efficacité des programmes de lutte contre le VIH/SIDA 19

II.3 L'enjeu relatif au déficit de financement dans la lutte contre le VIH 21

CHAPITRE II : 23

CADRE INSTITUTIONNEL, OBJECTIFS ET ACTEURS DU PPSAC 23

I.1 CADRE INSTITUTIONNEL ET PRÉSENTATION GENERALE DU PPSAC 24

I.1 Brève présentation de la CEMAC 24

I.2 Présentation de l'OCEAC 26

I.3 Présentation générale du projet de prévention du vih/sida en Afrique centrale 29

II OBJECTIFS, STRATÉGIE, ACTIVITTÉS MAITRESSES ET ACTEURS DU PPSAC 31

II.1 Objectifs du PPSAC 31

II.2 Activités maîtresses du PPSAC 34

II.3 Stratégie de mise en oeuvre du PPSAC 36

II.4 Les acteurs du projet de prévention du vih/sida en Afrique centrale 37

CHAPITRE III : 43

PRÉSENTATION DES CONCEPTS, JUSTIFICATION DE LA MÉTHODE D'EVALUATION ET ÉLÉMENTS DE MÉTHODOLOGIE 43

I. PRÉSENTATION DES CONCEPTS CLÉS DE L'ÉTUDE 44

I.1 La notion d'efficacité en économie 44

I.2. Présentation de la notion d'évaluation 45

I.3 Présentation de la notion d'évaluation économique 49

II. JUSTIFICATION DE LA MÉTHODE D'EVALUATION ET ELEMENTS DE MÉTHODOLOGIE 59

II.1 Justification de la méthode d'évaluation 59

II.2. Présentation des sources de données 64

II.3. Analyse et traitement des coûts du projet 66

CHAPITRE IV : 75

MESURE ET APPRÉCIATION DES EFFETS DU PPSAC AU CAMEROUN 75

I. ANALYSE DE L'EFFICACITE DANS LA MISE EN OEUVRE DU PPSAC AU CAMEROUN 75

I.1 Efficacité relativement à l'objectif spécifique du PPSAC 75

I.2 Efficacité relativement à l'objectif global du projet 80

I.3 Analyse comparative de l'efficacité entre les deux premières phases du PPSAC au Cameroun 82

I.4. Analyse conjointe des couts et des résultats du PPSAC au Cameroun 83

I.5. Des éléments d'explication des résultats observés dans l'analyse précédente 92

II. MONÉTISATION DES BÉNÉFICES ET INTERPRÉTATIONS 96

II.1. Paramètres utilisés pour l'estimation et hypothèses sous-jacentes 97

II.2. Estimation du coût (sur la durée de vie) d'une infection à VIH 101

II.3. Valeur monétaire du bénéfice procuré par le PPSAC au Cameroun et interprétation 103

LIMITES ET RECOMMANDATIONS 108

1. LIMITES DE L'ÉTUDE 108

1.1. Absence de référence externe pour comparer l'efficacité du PPSAC 108

1.2. Le choix des coûts dans le calcul de certains rapports coût-efficacité 109

1.3. Le calcul de l'âge moyen de survenu d'une infection dans l'estimation du « coût à vie » d'une infection à VIH 109

2. RECOMMANDATIONS DE L'ÉTUDE 110

2.1 Concernant la mise en oeuvre d'études similaires dans les autres pays de la CEMAC 110

2.2 Sur la consommation des ressources du projet 110

2.3 Sur la stagnation des ventes des préservatifs masculins 111

2.4 Sur l'utilisation des rapports coût-efficacité 112

2.5 Sur la relation entre les coûts du personnel et les résultats du PPSAC au Cameroun 112

2.6 Sur l'utilisation du bénéfice monétaire du PPSAC 112

CONCLUSION GÉNÉRALE 114

ANNEXES I

A. PRÉSENTATION DE LA MÉTHODOLOGIE D'ESTIMATION DU « NOMBRE D'INFECTIONS EVITÉES » DU MODELE DU PRÉSERVATIF DE PSI I

B. TABLEAUX III

RÉFÉRENCES VIII

A. BIBLIOGRAPHIE VIII

B. WEBOGRAPHIE X

LISTE DES ABRÉVIATIONS

 
 

ACAMS

Association Centrafricaine pour le Marketing Social

ACB

Analyse Coût Bénéfice

ACE

Analyse Coût Efficacité

ACMS

Association Camerounaise pour le Marketing Social

ACU

Analyse Coût Utilité

ADS

Agence de Développement Sanitaire

AMS

Associations de Marketing Social

ARV

Anti rétro viraux

BIRD

Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement

CAD

Comité d'Aide au Développement

CAP

Connaissances Attitudes et Prévention

CCC

Communication pour le Changement de Comportement

CEEAC

Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale

CEMAC

Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale

CIESPAC

Centre Inter-états d'Enseignement Supérieur en Santé Publique d'Afrique Centrale

CMCTH

Consommation Moyenne de Condom par Tête d'Habitant

CNLS

Comité National de Lutte le Sida

DALY

Disability Adjusted Life Year

EDS

Enquête de Démographie et de Santé

FNUAP

Fonds des Nations Unies pour la Population

GAR

Gestion Axée sur les Résultats

GCRS

Groupe Consultatif Régional de Suivi

HPPN

Harmonisation des Politiques Pharmaceutiques Nationales

IOV

Indicateurs Objectivement Vérifiables

IRY

Institut de Recherche de Yaoundé

ITS

Institut Tropical Suisse

KfW

Kreditanstalt für Wiederaufbau

MASACOT

Marketing Social des Préservatifs au Tchad

OCCGEAC

Organisation de Coordination et de Coopération pour la lutte contre les Grandes Endémies en Afrique Centrale

OCDE

Organisation de Coopération et de Développement Economique

OCEAC

Organisation de Coordination pour la lutte contre les Endémies en Afrique Centrale

OEV

Orphelins et Enfants vivant avec le VIH/SIDA

OMD

Objectifs du Millénaire pour le Développement

OMS

Organisation Mondiale de la Santé

ONUSIDA

Programme Commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA

PDV

Point de Vente

PER

Programme Economique Régional

PEPFAR

President Emergency Program for Aids Relief

PMLS

Programme Multisectoriel de Lutte contre le SIDA

PNLP

Programme National de Lutte contre le Paludisme

PPLS

Projet Population et Lutte contre le SIDA

PPSAC

Projet de Prévention du VIH/SIDA en Afrique Centrale

PSI

Population Services International

PTF

Partenaire Technique et Financier

PVVIH

Personnes Vivant avec le VIH/SIDA

QALY

Quality Adjusted Life Year

RCIP

Réunion de Concertation Inter-Pays

RGPH

Recensement Général de la Population et de l'Habitat

SSS

Stratégie Sectorielle de la Santé

UAFC

Universal Access to Female Condom

UDE

Union Douanière Equatoriale

UDEAC

Union Douanière et Economique d'Afrique Centrale

UEAC

Union Economique de l'Afrique Centrale

USAID

US Agency for International Development

LISTE DES GRAPHIQUES

Figure 1: Evolution de la couverture en ARV au Cameroun 3

Figure 2: Evolution des indicateurs de projet (OP) qualitatifs entre 2006 et 2012 76

Figure 3: Evolution des indicateurs de projet (IOP 3 & IOP 4) quantitatifs entre 2006 et 2012 77

Figure 4: Niveau d'atteinte des objectifs du projet 80

Figure 5: Evolution des infections évitées grâce à l'action du PPSAC 81

Figure 6: Carte de performance des Phases I et II du projet relativement à certains indicateurs de projet 82

Figure 7: Rapport coût-efficacité relativement à certains indicateurs de projet 84

Figure 8: Carte coût (nominal) résultat du PPSAC pour les Phases I & II 86

Figure 9: Carte coût (réel), résultat du PPSAC au Cameroun pour les Phases I & II 87

Figure 10: Evolution du coût (en F CFA) par infection évitée du PPSAC de 2006 à 2012 88

Figure 11: Histogramme simple et cumulé de la distribution du coût à vie d'une infection 103

Figure 12: Rapport coût bénéfice du PPSAC au Cameroun pour les phases I et II 105

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1: Les cinq principaux donateurs de l'aide à la lutte contre le VIH/SIDA 3

Tableau 2: Ajustement des coûts (en milliers de FCFA) d'investissement du PPSAC au Cameroun 69

Tableau 3: Coefficients d'harmonisation des coûts (en milliers de F CFA) 71

Tableau 4: Coûts déflatés du projet pour les phases I et II (en milliers de F CFA) 72

Tableau 5: résultats du test de corrélation entre le résultat (nombre d'infections évitées) et différentes catégories de coût 90

Tableau 6: résultats du test de Mann Whitney sur la différence du ratio coût par infection évitée 91

Tableau 7: Estimation de l'âge moyen de contraction d'une infection à VIH 99

Tableau 8: Distribution de probabilité des différents paramètres utilisés 101

Tableau 9: Troncature du tableau de simulation des données 102

Tableau 10: Estimation du bénéfice (en termes monétaire) du PPSAC au Cameroun 104

Tableau 11: implication monétaire de la contre performance de la phase II 106

Tableau 12: contribution du PPSAC à l'allègement des dépenses 107

Tableau 13: Prévalence (%) du VIH/SIDA au Cameroun par région et selon le genre III

Tableau 14: Taux d'inflation au Cameroun entre 2006 et 2013 III

Tableau 15: Liste des indicateurs du projet IV

Tableau 16: Espérance de vie à la naissance au Cameroun entre 2006 et 2012 V

Tableau 17: Cadre logique du PPSAC V

Tableau 18: Présentation détaillée des coûts annuels bruts (en milliers de F CFA) du PPSAC au Cameroun Phases I & II VI

Tableau 19: Résultats du test de Wilcoxon sur la comparaison de performance entre les deux phases VII

AVANT-PROPOS

L'Institut Sous-régional multisectoriel de Technologie appliquée, de planification, et d'évaluation des projets (ISTA) intègre des stages dans la formation des Analystes Evaluateurs de Projets parvenus en dernière année de leur cycle de formation. Ce travail d'initiation à la recherche est développé autour d'une préoccupation professionnelle faisant l'objet d'un stage d'une durée variant entre quatre et six mois au sein de l'institution à l'origine de la préoccupation. L'objectif visé par cet exercice est la mise en pratique des techniques d'analyse et d'évaluation des projets. Ceci se fait selon une démarche scientifique de recherche face à une préoccupation professionnelle dont la problématique suscite un intérêt certain et exige une mise en oeuvre des techniques de planification, d'analyse et d'évaluation des projets développées pendant la formation.

C'est dans cette logique que nous avons effectué un stage d'une durée de six mois à l'Organisation de Coordination pour la lutte contre les Endémies en Afrique Centrale (OCEAC), sur le thème : « Evaluation coût-efficacité du Projet de Prévention du VIH/SIDA en Afrique Centrale : Cas du Cameroun ». Les critiques et remarques portées à l'approche méthodologique et divers autres aspects du travail seront les bienvenus dans la mesure où elles permettront d'en améliorer la qualité.

RÉSUMÉ

L'Afrique Subsaharienne de manière générale et la sous-région de l'Afrique Centrale et Occidentale en particulier continuent tristement de se caractériser aujourd'hui par des taux de prise en charge des personnes vivant avec le VIH anormalement bas, malgré les multiples engagements pris par la communauté internationale pour venir à bout de cette pandémie. Avec le second taux de prévalence le plus élevé de la sous-région, le Cameroun n'échappe pas à cette réalité qui en outre, fait croître l'exigence de résultat vis-à-vis des projets visant la prévention des nouvelles infections à travers le changement de comportement à l'instar du PPSAC.

Se basant sur les données des enquêtes CAP 2006 et 2012, des rapports de suivi trimestriel et de divers autres documents, la présente étude s'est attelée à mener une évaluation de type coût-efficacité du PPSAC au Cameroun pendant ses deux premières phases. Plus spécifiquement, nous cherchions à calculer des ratios coût-efficacité pertinents du projet, analyser leur évolution et détecter d'éventuels écarts significatifs entre les deux phases. Par ailleurs, l'étude a aussi essayé de proposer une valeur monétaire du bénéfice procuré par le projet en termes de dépenses de prise en charge (d'infections) économisées.

Nos analyses et calculs nous permettent d'estimer à près de 12 000 F CFA, le coût pour amener un individu à adopter un comportement à moindre risque, et à près de 24 000 F CFA le coût par connaissance correcte sur la prévention du VIH acquise. Par ailleurs, on estime à près de 372 000 F CFA, le coût par infection à VIH évitée pendant la phase I et à 767 000 F CFA, ce même coût pendant la phase II du projet ; notons que cette différence est significative. En outre, pour 1 F CFA investi dans le PPSAC pendant les deux premières phases, on économise 6,75 F CFA en termes de dépenses de prise en charge d'infections qui seraient contractées si le projet n'avait pas été mis en oeuvre. On observe en outre que la phase II du projet a été significativement moins performante que la première et ce malgré le doublement des ressources pendant cette seconde phase.

Les ratios coût-efficacité précédents pourraient s'avérer utile dans les phases de planification de projets similaires. Ils permettraient plus concrètement de simuler le résultat attendu du projet et fourniraient une base à la prise de décision. Les résultats de la présente étude constituent une raison pertinente pour instruire des études similaires dans les autres pays couverts par le projet.

INTRODUCTION GÉNÉRALE

1. CONTEXTE ET JUSTIFICATION

Au début du millénaire, la communauté mondiale a franchi un pas historique en reconnaissant, dans la déclaration du millénaire des Nations Unies, l'importance de mener une riposte efficace au VIH/SIDA en l'intégrant au programme de développement. Les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) définis à cette occasion couvraient de nombreuses cibles relatives à la santé. L'objectif six en particulier visait une mobilisation en vue d'enrayer et d'inverser l'épidémie de sida. Comme l'ont implicitement reconnu les Etats membres ayant adhéré à la déclaration du millénaire, la persistance des maladies transmissibles entrave les efforts de réduction de la pauvreté, de prévention de la faim et de préservation du potentiel humain dans les régions du monde les plus limitées en ressources.

A la suite de la déclaration du millénaire, d'autres engagements de la communauté internationale en faveur de la lutte contre le SIDA seront enregistrés. C'est le cas de la déclaration de politique sur le VIH/sida adoptée en 2006 où les Etats membres ont élargi ces engagements et pris notamment celui d'assurer l'accès de tous ceux qui ont besoin, aux services de prévention et de traitement.

Ces initiatives se sont accompagnées d'une extension rapide des services de lutte contre l'infection et des ressources consacrées à la lutte du SIDA qui sont passées de 1,6 milliards de dollars US en 2001 à près de 16 milliards de dollars US en 2010 (Rapport mondial ONUSIDA 2012) notamment grâce au fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme et d'autres sources bilatérales. Les résultats ont été remarquables. Le nombre de nouveaux cas d'infections  a reculé de façon globale au cours de la décennie. Le nombre de décès liés au VIH/sida a lui aussi baissé de 19 %1(*) entre 2004 et 2010.

Les progrès réalisés au cours de la décennie ont été néanmoins fragiles et inégalement repartis. L'incidence du VIH/SIDA a cru dans certaines régions du globe et les nouveaux cas sont restés assez nombreux ; près de 2,6 millions pour la seule année 20092(*).

L'Afrique Subsaharienne continue à supporter une part disproportionnée du fardeau que représente le VIH à l'échelle mondiale. A la mi-2010, 68 % de toutes les 34 millions de personnes vivant avec le VIH résidaient en Afrique Subsaharienne ; une région qui ne comptait à l'époque que 12 % de la population mondiale (selon le rapport ONUSIDA 2013). En outre, près de 90 % des enfants de moins de 15 ans contractant l'infection cette année y vivaient.

Si les ressources financières consacrées à la riposte de l'infection ont considérablement évolué, elles sont toutefois restées insuffisantes et nettement en dessous des cibles de la déclaration de politique de 2001 des nations unies sur le VIH et le SIDA. A côté de cette insuffisance en ressources, s'ajoute une spécialisation accrue des financements. En effet, les ressources nationales couvrent la majorité des dépenses liées au traitement et à la prise en charge, tandis que les fonds internationaux (qui représentent la majeure partie des financements) subventionnent la plupart des efforts visant la prévention. L'Afrique Subsaharienne qui supporte le plus grand fardeau de l'épidémie présente aussi des besoins plus élevés en ressources et, la structuration des financements constatée la rend fortement dépendante de l'aide internationale pour organiser sa riposte contre le VIH/SIDA. La dépendance à l'égard des donateurs mine également la pérennité de la riposte des pays africains.

Les préoccupations relatives à une dépendance accrue à l'aide au développement ne sont pas récentes. La dynamique entourant la question de l'efficacité de cette aide trouve son origine dans les travaux du Comité d'Aide au Développement (CAD) de 1996. Mais l'étape majeure de ce processus est sans doute la déclaration de paris sur l'efficacité de l'aide. L'un des cinq principes fondateurs de cette déclaration était la gestion axée sur les résultats. En effet, les programmes et projets sont conçus pour améliorer les indicateurs de résultats et, savoir si les changements espérés se sont produits est une question de politique publique importante.

Dans un contexte caractérisé par une spécialisation accrue des financements où les ressources nationales financent le traitement et la prise en charge des personnes vivant avec le VIH et où, l'aide internationale qui constitue la plus grande part de ces ressources, subventionne la plupart des efforts de prévention, la nécessité d'une gestion efficace de cette aide se pose avec acuité. Dans une telle configuration, une gestion inefficace de l'aide en matière de prévention accroit le fardeau que devront supporter les ressources nationales en termes de prise en charge de nouveaux cas d'infections.

La situation de l'Afrique Subsaharienne semble coller à cette réalité. Selon les données du rapport ONUSIDA 2010, la région totalisait 90 % des besoins mondiaux en antirétroviraux avec une couverture ne dépassant pas les 20 %. Cette insuffisance de ressources justifiant que les fonds nationaux sont très limités pour couvrir la prise en charge totale.

Si, de manière générale la prise en charge est nettement insuffisante en Afrique Subsaharienne, l'Afrique Centrale et de l'Ouest est la sous région du contient la moins couverte avec une couverture s'établissant à seulement 9 % en 2010. La situation n'est guère reluisante aujourd'hui. A l'occasion de la conférence francophone sur le VIH à Montpelier le 28 avril 2014, Médecins Sans Frontières (MSF) présentait l'Afrique Centrale comme le « laissé pour compte »3(*) dans la lutte contre l'épidémie en comparaison à l'Afrique australe qui présente pourtant des taux de prévalence plus élevés. Selon ce rapport, près de trois personnes contaminées sur quatre n'ont pas accès au traitement. Avec seulement 6 % de la population mondiale, la sous région recensait près de 18 % des personnes vivant avec le VIH/SIDA selon les données dudit rapport.

Avec le second taux de prévalence le plus élevé dans la sous-région, (4,3 % en 2011 selon les estimations de l'Enquête de Démographie et de Santé) le Cameroun est l'un des pays les plus touchés par la maladie. On y estime à 1414(*), le nombre de nouvelles infections par jour qui se contractent à 90 % par voie sexuelle. Un peu plus du tiers seulement (soit 36 %5(*)) des personnes vivant avec le VIH avaient accès au traitement en 2010. Cette même année, les fonds requis pour lutter contre la maladie étaient estimés à 21 milliards de francs CFA dont seulement 16 % devraient être des fonds publics. Plus de la moitié de ces besoins devaient couvrir le traitement antirétroviral.

En ce qui concerne la réponse au VIH/SIDA, la prévention des nouvelles infections apparait généralement comme le moyen le plus efficace d'endiguer la maladie. Cette prévention réduirait le nombre de personnes ayant besoin de traitement et par voie de conséquence les ressources requises pour offrir ledit traitement. Dans un contexte où la transmission se fait majoritairement par voie sexuelle, des actions de prévention clés devraient inclure la communication pour le changement de comportement en vue de la promotion des comportements sexuels responsables.

La coopération entre le gouvernement allemand et la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) a permis la mise en place du Projet de Prévention du VIH/SIDA en Afrique Centrale (PPSAC) qui est une approche régionale de réponse face aux IST, VIH et SIDA. Depuis 2006, le PPSAC est exécuté dans le cadre de la coopération entre la KfW (Banque Allemande de Développement) et l'Organisation de Coordination pour la lutte contre les Endémies en Afrique Centrale (OCEAC). Ce projet vise trois principaux résultats que sont : (1) l'accroissement de la disponibilité continue des préservatifs à un prix abordable, (2) l'amélioration des connaissances, attitudes et pratiques en prévention des IST, VIH et SIDA, (3) la réduction des comportements tendant à la stigmatisation envers les personnes vivant avec le VIH/SIDA.

Le PPSAC est actuellement à sa troisième phase. La phase I, d'une durée de trois ans (2006 à 2008) a couvert trois pays de la CEMAC que sont le Cameroun, la République Centrafricaine (RCA), et le Tchad. La seconde phase, d'une d'urée de 4 ans (2009 à 2012) à connu l'entrée de la république du Congo. Ces deux premières phases présentaient des budgets respectifs de 10 millions d'euros et 23 millions d'euros. Au niveau opérationnel, le PPSAC est mis en oeuvre par les associations de marketing social.

Selon le rapport d'activités 2013 de l'Association Camerounaise de Marketing Social, les activités du PPSAC ont représenté plus de 85 % de l'ensemble des dépenses consacrées à la prévention des IST et du VIH/SIDA sur la période 2007 à 2012.

2. PROBLÉMATIQUE DE L'ÉTUDE

Dans un pays où plus de la moitié des personnes vivant avec le VIH/SIDA n'ont pas accès au traitement et où plus de 90 % des infections se contractent essentiellement par voie sexuelle, l'efficacité des actions de prévention contre le VIH/SIDA notamment celles visant de meilleures pratiques sexuelles se pose avec acuité ; surtout lorsqu'un budget considérable y est consacré comme c'est le cas du PPSAC. Une action de prévention efficace a pour effet de réduire de manière substantielle, le nombre potentiel de personnes qui auront à l'avenir besoin de traitement et par voie de conséquence le budget qui devra y être consacré. Face à cette situation on se pose la question suivante : A quel point les actions de prévention réalisées dans le cadre du PPSAC sont-elles efficaces ?

3. OBJECTIFS DE L'ÉTUDE

L'objectif général poursuivi par notre étude est d'effectuer une évaluation de type coût efficacité des actions de prévention menées dans le cadre du PPSAC au Cameroun pendant les deux premières phases de mise en oeuvre c'est-à-dire de 2006 à 2012.

De manière spécifique, il est question pour nous :

v D'analyser la performance du PPSAC en terme du niveau d'atteinte des objectifs du projet ;

v De déterminer les ratios cout-efficacité pertinents du projet et de mener des analyses comparatives entre les deux phases du projet concernées par notre étude ;

v De donner une valeur monétaire du bénéfice (en termes du nombre d'infections évitées) procuré par le PPSAC. Pour cela il nous faudra mesurer le coût d'une infection. Cette valeur monétaire des bénéfices permettra d'estimer les sommes que le projet a permis d'économiser grâce à ses activités de prévention. Cette valeur à son tour permettra de renseigner sur le montant économisé pour chaque franc investi dans les activités de prévention du PPSAC.

4. HYPOTHESES DE L'ÉTUDE

Dans le cadre de l'étude que nous menons, nous postulons deux principales hypothèses. En ce qui concerne l'analyse comparative de la performance du projet pendant les deux phases, nous postulons que la phase II du projet a été plus performante que la phase I. En effet, on s'attend à ce que l'expérience et l'effet d'apprentissage amènent à une performance plus élevée pendant la seconde phase du projet.

Pour ce qui est du bénéfice monétaire du projet, on s'attend de prime à bord à ce que 1 F CFA investi dans le projet pendant ces deux phases se traduise par une économie de l'ordre de 3 F CFA. Le choix de cette valeur se fonde sur la littérature6(*) concernant des études similaires réalisées dans le domaine de la lutte contre le paludisme.

CHAPITRE I :

BESOINS DE FINANCEMENT ET ENJEUX DE LA LUTTE CONTRE LE VIH/SIDA  AU CAMEROUN

Entre 2000 et 2010, plus de trois quart7(*) des dépenses consacrées à la lutte contre le VIH/SIDA en Afrique Subsaharienne provenaient de sources extérieures. A l'instar des autres pays de cette sous région, la lutte contre la pandémie au Cameroun est fortement tributaire de l'aide au développement. La première section de ce chapitre portera sur le financement international de la lutte contre le VIH/SIDA. Après avoir présenté l'évolution de la coopération internationale dans la lutte contre la maladie, nous parlerons brièvement du fonds mondial de lutte contre le SIDA, la Tuberculose et le Paludisme qui est aujourd'hui l'un des plus grands sinon le plus grand donateur de l'aide en faveur de la lutte contre la maladie. La section se terminera par des développements sur le financement international du VIH/SIDA au Cameroun.

De part son impact socioéconomique négatif sur les populations affectées, le VIH/SIDA constitue aujourd'hui un problème majeur de santé publique. Les enjeux de la lutte contre cette pandémie sont ainsi nombreux, aussi bien à l'échelle mondiale que dans chacun des pays pris individuellement. En relation avec le thème abordé dans le document, trois principaux enjeux ont capté notre attention à l'échelle du Cameroun. Ce sont principalement l'enjeu relatif à la faible couverture en antirétroviraux qui a pour implication une exigence de performance plus accrue en ce qui concerne la mise en oeuvre des programmes visant la prévention des nouvelles infections, l'enjeu relatif à la mise en oeuvre efficace des programmes de lutte contre la maladie en général que le contexte actuel de raréfaction des financements exacerbe ; et enfin l'enjeu relatif au déficit de financement qu'il faut résorber notamment en donnant la preuve que les programmes mis en oeuvre sont efficace.

I. LE FINANCEMENT INTERNATIONAL DE LA LUTTE CONTRE LE VIH/SIDA

La quasi-totalité des publications sur l'épidémie de VIH/SIDA est unanime sur le fait que, l'Afrique Subsaharienne en particulier et les pays en voie de développement en général supportent aujourd'hui une part disproportionnée du fardeau que représente la maladie. Ces pays lourdement affectés par l'épidémie sont aussi ceux qui disposent le moins de ressources pour faire face à l'avancée de la maladie. La communauté internationale a ainsi compris qu'une solidarité à travers une coopération internationale efficace était nécessaire pour venir à bout de la maladie.

Dans les développements qui suivent, nous expliciterons comment la coopération internationale a évolué dans le cadre de la lutte contre le VIH/SIDA. On distinguera une première phase qui court de 1986 à 1991 caractérisée par la dichotomie entre les approches bilatérales et multilatérales, d'une seconde phase (à partir de 1995) caractérisée par une multiplication d'initiatives qui toutefois manquaient de coordination.

Après ces développements sur la coopération internationale dans la lutte contre le VIH/SIDA, nous parlerons un peu du fonds mondial de lutte contre le SIDA, la Tuberculose et le Paludisme qui est aujourd'hui l'un des principaux donateurs dans la lutte contre le VIH avec plus de 280 programmes de lutte contre le SIDA financés dans le monde en 2009, dont près de la moitié dans les pays en voie de développement.

Nous terminerons cette section par un exposé sur le financement du VIH/SIDA au Cameroun en particulier. On remarquera aisément que la réalité du pays est celle de la majorité des pays d'Afrique Subsaharienne à savoir une multiplication d'initiatives qui peinent à prouver leur efficacité ; l'aide internationale apparaissant généralement comme une manne à partager qu'un financement qui rencontre une demande clairement exprimée.

I.1. Evolution de la coopération internationale dans la lutte contre le SIDA

L'évolution de la coopération internationale dans la lutte contre le VIH est caractérisée par deux phases, une première entre 1986 et 1991 qui a la particularité de présenter une dichotomie entre une approche bilatérale de financement d'une part et une approche de financement multilatérale d'autre part ; une seconde phase courant depuis 1995 qui connait une floraison d'initiatives avec l'entrée d'ONG privées et de fondations dans la liste des acteurs du financement de la maladie.

I.1.1. La première phase de la coopération (1986-1991) et les deux principales approches de financement

Avant 1986, aucun des pays développés ne mettait à disposition des ressources pour la lutte contre le VIH/SIDA dans les pays du Sud. L'éveil de conscience de la communauté internationale prend son essor à travers le plan global de lutte contre la pandémie du SIDA de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). A travers ce plan, l'OMS a poussé les nations développées à mettre à disposition des ressources pour la lutte contre la maladie dans les pays du Sud. Deux alternatives se présentaient alors à celles-ci ; elles pouvaient octroyer directement les ressources aux nations potentiellement bénéficiaires, c'était l'approche bilatérale. L'autre alternative de financement en l'occurrence l'approche multilatérale consistait à faire passer les ressources octroyées par le pays donateur à travers une agence ; cette agence pouvant être du système des nations unies ou une agence spécialement créée à l'occasion à l'instar du fonds mondial.

De l'exploitation des données sur l'aide octroyée pour la lutte contre le SIDA au cours de la période 1986 à 1991, il ressort que les principaux bailleurs étaient les pays membres de l'Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE). Les Etats-Unis à eux seuls assuraient près de la moitié de l'aide octroyée par les cinq plus grands donateurs dans la lutte contre le VIH à cette époque avec un financement estimé à près de 2408(*) millions de dollars US. Ceux-ci étaient suivis de la Suède avec un financement s'établissant à près de 100 millions de dollars US.

Tableau 1: Les cinq principaux donateurs de l'aide à la lutte contre le VIH/SIDA

Pays

Montant en millions de dollars US

Part (%) dans le financement total

Etats-Unis

237,3

46,89

Suède

97,50

19,27

Canada

70,50

13,93

Royaume-Uni

59,34

11,73

Norvège

41,45

8,19

Total

506,09

100,00

Source : Nkoa F. C. et al. (2010)

Il convient de souligner aussi que, lors de cette première phase, l'essentiel du financement se faisait selon l'approche multilatérale. Toutefois une analyse plus rapprochée a mis en exergue la réalité selon laquelle les bailleurs les plus importants utilisaient moins l'approche multilatérale que l'approche bilatérale. A titre d'exemple les Etats-Unis avaient une part d'aide bilatérale estimée9(*) à plus 60 % du total ; un pourcentage similaire pour le Canada (64,7 %). Les financements des français et allemands étaient quasi-exclusivement bilatéraux avec des proportions respectives de 88,1 % et 75,5 % dans l'aide totale qu'ils octroyaient. Ceci est, du moins en partie dû au fait que ces grands donateurs de l'époque étaient pour la plupart, des pays très industrialisés disposant chacun de leur propre agence d'aide au développement. De ce fait ils ne trouvaient plus la nécessité de faire transiter leurs ressources par l'OMS ou une tierce agence spécialisée du système des nations unies comme cela était le cas des donateurs modestes.

I.1.2. La multiplication des initiatives à partir de 1995

A partir de la seconde moitié de la décennie 90, malgré une faible contribution dans la mortalité des populations des pays à bas revenus, la communauté internationale a connu une mobilisation sans précédente pour la lutte contre le VIH/SIDA. La motivation de cette mobilisation accrue était de permettre un meilleur accès aux traitements du VIH/SIDA dans les pays du sud ; le niveau de l'époque étant perçu comme très inéquitable. Comme partenaire historique de l'ONUSIDA, la première institution financière à intervenir dans le champ de la lutte contre la pandémie fut la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD) ou Banque Mondiale. L'action de la Banque a connu un changement majeur avec la création en 2000 du Programme Multi pays de lutte contre le VIH/SIDA pour l'Afrique plus connu sous l'acronyme anglais MAP (Multi Country AIDS Program). Ce programme était au départ envisagé comme un engagement de 15 ans dans la lutte contre le VIH/SIDA et devant être mis en oeuvre en trois principales phases quinquennales. Dans nombre de pays africains cependant, cette initiative n'a pas pu être menée jusqu'à terme.

Une autre initiative pour la lutte contre le VIH/SIDA est celle de la création du fonds mondial. La création de cette structure se fait avec l'appui de l'ONU qui marque par la même occasion sa préférence pour une approche multilatérale de financement. Cependant les développements précédents ont mis exergue le fait que les plus grands donateurs de l'aide pour la lutte contre le sida privilégiaient l'approche bilatérale. C'est donc sans grande surprise que la communauté internationale assiste, en 2003, en réaction à la création du fonds mondial deux ans plus tôt, à la mise sur pied du PEPFAR (Président Emergency Plan For Aids and Relief) par les Etats Unis qui figurent entre autres parmi les plus grands donateurs du fonds mondial (une contribution à hauteur de 3010(*) % du financement total en 2008).

En 2006, un nouvel acteur fait son apparition dans le cadre du financement de la lutte contre le VIH/SIDA c'est l'UNITAID. C'est une organisation internationale d'achat de médicaments dont le but est de centraliser lesdits achats afin d'obtenir les meilleurs prix possibles ; en particulier à destination des pays en voie de développement. L'organisation est financée par une taxe sur les billets d'avion initiée par les présidents Français et Brésilien lors de l'assemblée générale de l'ONU en 2006. Les Etats ayant participé à la création de l'UNITAID sont principalement la France, le Brésil, le Chili, la Norvège et le Royaume-Uni. L'approche du financement d'aide à la santé mise en oeuvre avec UNITAID présente la particularité de ne pas être sujette aux décisions budgétaires des pays donateurs en ce sens qu'elle est directement prélevée par une taxe.

De nombreuses autres institutions feront leur entrée par la suite dans le cadre de la lutte contre le VIH/SIDA c'est le cas par exemple des Organisations Non Gouvernementales et autres fondations privées. Entre la fin des années 90 et 2008, le montant des déboursements en faveur de la lutte contre le SIDA est passé de moins d'un milliard de dollars à près de 13 milliards. Ces déboursements ont tiré l'Aide Publique au Développement dans le secteur de la santé vers la hausse. La multiplication des initiatives en faveur de la santé souffre toutefois d'un déficit de coordination et ne s'appuie pas toujours sur une demande locale clairement identifiée.

I.2 Un acteur majeur du financement de la lutte : le fonds mondial de lutte contre le SIDA, la Tuberculose et le Paludisme

Le fonds mondial est aujourd'hui le principal donateur de l'aide en faveur de la lutte contre le VIH/SIDA. En 2009, les fonds qu'elle a engagés ont permis de soutenir près de 286 programmes de lutte contre le SIDA dont près de 140 se trouvant dans les pays en voie de développement. Bien qu'elle cible aussi la tuberculose et le paludisme dans ses interventions, le fonds mondial consacre généralement près de 60 % de ses ressources à la lutte contre le SIDA. Il semble de ce fait approprié de s'appesantir davantage sur son fonctionnement ; c est l'objet des développements ci-dessous.

Le fonds mondial est une institution financière internationale qui promeut la création de partenariats entre les gouvernements, la société civile, le secteur privé et les communautés affectées en vue d'atteindre plus efficacement les besoins des populations touchées. En effet la gouvernance de l'institution présente l'originalité de faire peser d'une même voix au sein de son administration les différents acteurs susmentionnés. Il convient de mettre l'emphase de prime à bord sur le fait que le fonds mondial est un instrument de financement pas un exécutant. La structure ne met pas en oeuvre directement les programmes, elle se contente de financer, lorsque cela est justifié des programmes élaborés par les pays récipiendaires conformément à leurs priorités en matière de santé.

Pour la plupart des pays d'Afrique Subsaharienne, le fonds mondial est le principal financeur de la lutte contre le SIDA, mais aussi de la tuberculose et du paludisme. En 2009, on estimait à près de 9 milliards de dollars11(*), le montant des fonds engagés par l'institution financière pour la lutte contre le sida sans le monde. Plus de la moitié de ces fonds étaient destinés à des programmes dans les pays d'Afrique Subsaharienne.

Entre 2002 et 2007, le fonds mondial a fonctionné essentiellement à l'aide d'un système de rounds, l'institution lançait périodiquement des appels à proposition et chaque appel constituait un round de financement. Depuis le premier round en 2002, il y a eu généralement un round de financement par an. Cependant en 2007, il a été mis en place un nouveau circuit de financement. Contrairement au système des rounds, les candidatures se faisaient généralement sur invitation en fonction des performances antérieures dans la mise en oeuvre des programmes.

I.3 Financement international de la lutte contre le VIH/SIDA au Cameroun

A l'instar de plusieurs pays d'Afrique Subsaharienne, le financement de la lutte contre le SIDA au Cameroun repose en majeure partie sur l'aide internationale. Vers la fin de la décennie 80, la part du budget total de l'Etat consacrée à la lutte contre le SIDA était estimée à seulement 0,4 % (Nkoa F. C. et al.). Entre le milieu de la décennie 80 et l'année 2000, six principaux bailleurs se sont illustrés dans le financement de la lutte contre le SIDA au Cameroun. En première place figure les Etats-Unis (à travers leur agence de développement l'USAID) avec plus de 11 millions de dollars d'engagement, suivi de la France avec un peu plus de 3 millions de dollars. Y figurent aussi, le Communauté des Etats Européens, le Programme des Nations Unies pour le Développement, l'Organisation Mondiale de la Santé et le Japon. Les engagements de ces six bailleurs s'élevaient à près de 18 millions de dollars US. Les acteurs multilatéraux sont aussi présent sur la scène nationale à cette époque ce sont principalement; le FNUAP et l'UNICEF.

Le pays a en outre bénéficié du financement du fonds mondial, du programme multi pays de la Banque Mondiale (ce programme ne couvrira que la période 2000 à 2005) et du PEPFAR.

Il convient de souligner toutefois que la mobilisation du financement au Cameroun s'appuie sur des plans stratégiques élaborés par sa structure technique chargée de la coordination de la lutte contre le SIDA à savoir le Comité National de Lutte contre le Sida (CNLS). Le plan actuellement mis en oeuvre est le plan stratégique national (PSN) 2014-2017 issu de la révision du plan stratégique 2011-2015. Avant ceux-ci, deux autres plans ont été élaborés depuis la création du CNLS. Ce sont successivement les premiers (1988-1992) et seconds (1993-1995) plans à moyen terme qui ont permis de mobiliser près de 20 millions d'euros presque totalement (à près de 90 %) par voie bilatérale. A la suite des deux précédents plans, l'on note le premier plan stratégique de 2000 à 2005 qui a permis de mobiliser près de 180 millions de dollars qui provenaient à près de 80 % de sources multilatérales. A côté du plan stratégique 2014-2017 et du plan stratégique 2011-2015, on peut citer pour terminer le plan stratégique national 2006-2010.

II. LES PRINCIPAUX ENJEUX DE LA LUTTE CONTRE LE VIH/SIDA AU CAMEROUN

Le VIH/SIDA constitue un problème majeur d'ordre sanitaire, social et scientifique de rang mondial. Lutter contre la maladie implique de mobiliser de multiples leviers notamment empêcher de nouvelles contaminations, mettre sous traitement les personnes malades, lutter contre la stigmatisation et la discrimination des PVVIH pour ne citer que ceux-là. Les enjeux de la lutte contre cette pandémie sont ainsi nombreux aussi bien à l'échelle mondiale que dans chaque pays pris individuellement.

Au niveau du Cameroun, sans toutefois prétendre à l'exhaustivité, nous retiendrons trois enjeux majeurs dans la lutte contre le VIH/SIDA en relation avec l'étude que menons. Nous commencerons par l'enjeu relatif à la faible couverture en traitement antirétroviraux, performance que le pays partage avec nombre d'autres Etats de la sous-région Afrique Centrale et Occidentale.

L'intérêt d'évoquer cet enjeu est lié au fait qu'une faible couverture en traitement pour les personnes malades soulève avec acuité la question de l'efficacité des programmes visant la prévention des nouvelles infections comme c'est le cas du PPSAC qui fait l'objet de notre étude.

Le second enjeu dont il sera question ici est celui de l'efficacité des programmes de lutte contre la pandémie. En effet, le Plan Stratégique National 2014-2017 a été rédigé dans un contexte marqué des injonctions fortes de l'ONUSIDA concernant la gestion axée sur les résultats des programmes de lutte contre la pandémie. Par ailleurs, avec l'approche de financement basé sur la performance que le fons mondial a adopté depuis peu, l'enjeu de la mise en oeuvre efficace des programmes se pose davantage avec acuité.

Nous terminerons par le problème du déficit de financement auquel il faut faire face aujourd'hui dans un contexte international et qui se caractérise de plus en plus par la frilosité des principaux bailleurs de fonds pour ce qui est d'investir dans la lutte. Ce problème de déficit de financement de la lutte contre le VIH fait davantage peser sur les programmes déjà financés, des exigences d'efficacité. Il semble clair à l'esprit qu'à l'avenir, les programmes qui bénéficieront des ressources seront ceux ayant fait la preuve de leur efficacité par le passé ; le financement basé sur la performance du fonds mondial en est un élément d'explication.

II.1 L'enjeu relatif à la faible couverture en traitements antirétroviraux

La couverture en traitement du VIH est assez faible au Cameroun. Le pays partage cette triste performance avec la majorité des pays de la sous-région Afrique Centrale et Occidentale. Les taux de couverture sont dans cette sous-région généralement inférieurs à 40 % ; nettement en deçà du seuil inférieur de 60 % qu'on observe dans la plupart des pays d'Afrique Australe. Cette faible couverture fait peser davantage de pression sur les programmes visant la prévention des nouvelles infections.

Après avoir présenté le contexte général de la prise en charge des PVVIH dans la sous-région, nous évoquerons le cas spécifique du Cameroun. Nous terminerons ces développements en présentant l'impact de cette faible couverture sur les exigences d'efficacité attendues des programmes de prévention des nouvelles infections.

II.1.1 Contexte général de la prise en charge des PVVIH en Afrique Centrale et Occidentale

A l'échelle mondiale, les années 2000 à 2014 ont été marquées par l'intensification de l'accès au traitement antirétroviral et une diminution de 35 % des décès liés au SIDA depuis 2005 (Gap report ONUSIDA, 2014). Un nombre record de près de 16 millions de malades (Fiche d'information ONUSIDA, 2015) ont été mises sur traitement dont les trois quart vivant en Afrique Subsaharienne, où les besoins sont les plus criants. Le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA) s'est, à la suite de cette performance remarquable, fixé des objectifs mondiaux à atteindre connu sous le nom de « cibles 90-90-90 » d'ici 2020. Celles-ci visent à ce que 90 % des PVVIH connaissent leur statut VIH, 90 % de toutes les personnes séropositives au VIH reçoivent un traitement et 90 % des personnes sous traitement atteignent la suppression virale.

Cependant, en Afrique Subsaharienne, le financement international dirigé vers la lutte contre le VIH/SIDA en général et la couverture en traitements antirétroviraux en particulier a eu tendance à se concentrer sur les pays les plus durement touchés par l'épidémie (pays qualifiés de névralgiques), c'est-à-dire ceux où la prévalence de la maladie est relativement élevée comme c'est le cas dans la région australe du continent. La plupart des pays appartenant à la région de l'Afrique Occidentale et Centrale semble avoir été négligée. Cette tendance est de plus en plus prononcée dans le cadre de la réalisation des « cibles 90-90-90 », surtout lorsque les principaux bailleurs comme le PEPFAR et le fonds mondial choisissent de se concentrer sur ces points névralgiques qui bénéficieront de l'ensemble des interventions accélérées. Les pays qui contribuent moins aux indicateurs globaux semblent avoir disparu progressivement des priorités internationales.

La focalisation excessive des financements dans les zones dites prioritaires alourdit le fardeau de la maladie dans les zones délaissées. En 2009, un rapport de Médecins Sans Frontières12(*) faisait état de ce qu'aujourd'hui l'Afrique Occidentale et Centrale est « le laissé pour compte » dans la lutte contre la maladie. C'est la région du monde aujourd'hui la moins couverte par le traitement; en effet près de trois PVVIH sur quatre qui y vivent n'ont pas accès au traitement et 9 enfants malades sur 10 qui y résident eux aussi sont dans la même situation (selon ledit rapport). Ne représentant que 6 % de la population mondiale, elle compte près de 18 % des personnes vivant avec la maladie. La région enregistre en outre plus de 20 % des nouvelles infections à VIH, près d'un tiers des décès liés à la maladie. Par ailleurs, près de la moitié des enfants infectés au monde y résident13(*).

II.1.2 Situation de la couverture en ARV au Cameroun

Avec une prévalence du VIH estimée à près 4,3 % en 201114(*) chez les adultes (15 à 49 ans), le Cameroun fait parti des pays de la sous-région les plus durement touchés par l'épidémie. Le pays connait une épidémie généralisée caractérisée par de fortes disparités en fonction du genre, et des régions (cf. Annexe B, tableau 13 : prévalence du VIH/SIDA au Cameroun par régions et selon le genre).

En réponse à l'ampleur de l'épidémie à laquelle le pays faisait face, le gouvernement s'est lancé au début de la décennie dans un vaste programme visant la facilitation de l'accès du traitement aux personnes infectées. Ledit programme avait pour colonne vertébrale la décentralisation de la prise en charge, ce qui a conduit à la création de plus d'une vingtaine de centres de traitement agréés entre 2001 et 2003. La décentralisation s'est poursuivie avec la création des unités de prise en charge (UPEC) au sein de certains hôpitaux dans les différentes régions du pays.

Figure 1: Evolution de la couverture en ARV au Cameroun

Source : Rapport CNLS 2014

Les résultats de la dite décentralisation n'ont pas tardé à se produire. Le taux de couverture en antirétroviraux est passé d'un peu plus de 20 % chez les personnes éligibles au traitement en 2005 à près de 70 % en 2009 (le taux de couverture le plus élevée de la région Afrique Centrale et Occidentale cette année) soit une multiplication par au moins trois du taux de couverture du traitement. Cependant, les résultats sont restés de courte durée et la tendance a commencé à s'inverser à partir de 2010. Entre cette année et 2014, le taux de couverture a quasi-continuellement baissé. En 2014, ce taux s'établissait à un peu plus de 25 %. A titre de comparaison, cinq pays d'Afrique Australe (la Zambie, la Namibie, le Botswana, le Malawi, le Zimbabwe) avaient un taux de couverture supérieur à 60 % à la même période. Cet écart est davantage exacerbé lorsqu'on sait que la prévalence de la maladie est particulièrement élevée dans cette zone (à la même période, huit15(*) pays d'Afrique Australe toujours, avaient un taux de prévalence supérieur à 15%).

II.1.3 Implications pour les programmes de prévention des nouvelles infections du VIH/SIDA

La lutte contre la pandémie de VIH couvre plusieurs actions complémentaires qui vont de la prévention des nouvelles infections à travers notamment des programmes visant le changement de comportement à la mise sous traitement des personnes infectées. Des défaillances dans la mise en oeuvre de certaines de ces actions ne sont pas sans avoir d'implications sur l'augmentation de l'exigence dans la mise en oeuvre des actions complémentaires.

En effet, en ce qui concerne la lutte contre le VIH/SIDA, la littérature scientifique y relative fait état de ce qu'une détection précoce de la maladie et la mise sous traitement immédiate constituent des moyens efficaces pour prévenir de nouvelles infections. En effet, détectée tôt, la charge virale n'est pas encore élevée et, si le sujet est immédiatement mis sous traitement, il est capable de parvenir à une charge virale nulle. Une personne infectée ayant une charge virale nulle présente des risques infimes de transmettre la maladie surtout par contact sexuel.

Les faits observés corroborent les allégations précédentes. En effet, un nombre croissant de pays dans diverses régions du monde ont enregistré des avancées notables suite à la mise en place des reformes dans le cadre des programmes visant la mise sous traitement des PVVIH. En Ethiopie par exemple, suite aux financements importants octroyés aux programmes de dépistage et de prise en charge des PVVIH, le taux de couverture du traitement a atteint 56 % en 2011 ce qui a permis de faire chuter le taux d'incidence de près de 90 % entre 2011 et 2012 (rapport ONUSIDA sur le traitement de l'épidémie en 2015). Par ailleurs, dans de nombreux autres pays d'Afrique Australe où la couverture du traitement a dépassé 60 %, l'incidence a nettement diminué. C'est le cas par exemple du Botswana où le taux d'incidence a diminué de 70 %16(*).

Face à l'ampleur de l'influence de la forte couverture antirétrovirale sur la diminution du taux d'incidence du VIH, des inquiétudes peuvent légitimement être soulevées sur l'aptitude des pays à faible couverture à maitriser l'avancée de la maladie. Les pays d'Afrique Centrale et Occidentale qui enregistrent dans l'ensemble une faible couverture antirétrovirale sont-ils à même de juguler l'avancée de la maladie sans que d'autres efforts supplémentaires soient déployés ? L'évidence des faits ne milite pas en faveur d'une réponse affirmative.

Dans un pays comme le Cameroun où près de 90 % des nouvelles infections se contractent par voie sexuelle, une faible couverture antirétrovirale va logiquement de pair avec une augmentation des nouveaux cas de contaminations si les comportements sexuels ne changent pas. Ainsi dans ce contexte, inverser la tendance des nouvelles infections semble aller de pair avec l'intensification des actions visant le changement de comportement et la protection systématique lors des rapports sexuels. La faible couverture antirétrovirale impose donc davantage d'efficacité aux programmes de communication pour le changement de comportement et ceux de promotion d'une utilisation systématique du préservatif lors des rapports sexuels à risque.

II.2 L'enjeu de l'efficacité des programmes de lutte contre le VIH/SIDA

Une faible couverture en antirétroviraux pose avec acuité le problème de la prévention de la maladie à travers des programmes visant le changement de comportement en général et en particulier ceux qui promeuvent l'utilisation systématique des préservatifs lors des rapports sexuels à haut risque comme c'est le cas du PPSAC qui fera l'objet de plus amples développements les prochains chapitres. Dans un contexte où la quasi-totalité des nouvelles infections se contractent par voie sexuelle, freiner l'avancée de l'épidémie avec une couverture en antirétroviraux en moyenne inférieure à 50% nécessite que les programmes de prévention visant le changement de comportement soient conduits de manière efficace.

La problématique de l'efficacité n'est pas propre aux programmes de lutte contre le SIDA. En effet, dans un environnement caractérisé par des tensions croissantes sur les équilibres budgétaires des pays donateurs d'une part, et par la menace permanente de crises économiques et financières, la question de l'efficacité de l'aide au développement se pose avec insistance. Les contribuables des pays donateurs sont soucieux de savoir à quoi leurs impôts ont réellement servi. Cette préoccupation concernant d'efficacité de l'aide a connu un tournant décisif avec la déclaration de paris de 2003, dont l'un des cinq principes fondateurs est la gestion axée sur les résultats. En effet, les programmes et projets sont conçus pour améliorer les indicateurs de résultats et, savoir si les changements espérés se sont produits est une question de politique publique importante.

Mais, lorsqu'on interroge l'efficacité de l'aide au développement de manière globale, la question concernant l'utilisation judicieuse des financements alloués à la lutte contre le VIH/SIDA ne peut pas être exclue. En effet, les publications du Comité d'Aide au Développement mettent en évidence l'augmentation soutenue du volume global de l'aide au développement pendant la décennie 2000. Cependant une part conséquente de cette aide est consacrée à la santé elle-même constituée en majorité des financements en faveur de la lutte contre le VIH/SIDA.

Le Cameroun est, à l'instar des autres pays d'Afrique Subsaharienne (où la maladie sévit le plus), préoccupé par le souci d'efficacité des moyens mis en place pour la lutte contre le VIH/SIDA. Son Plan Stratégique National 2014-2017 a été élaboré dans un contexte international marqué, d'une part par des injonctions strictes de l'ONUSIDA relativement à la Gestion Axée sur les Résultats des programmes de lutte contre l'épidémie et d'autre part par la poursuite du principe du « financement basé sur la performance » du fonds mondial par ailleurs le principal pourvoyeur d'aide pour la lutte contre l'épidémie de VIH/SIDA. Par voie de conséquence, l'une des cinq cibles du plan stratégique national a été dédiée à l'amélioration de la coordination et de la gestion des ressources allouées à la lutte contre la maladie.

Si l'on attend de manière générale que les programmes de lutte contre l'épidémie de VIH soient conduits de manière efficace sur le territoire national, la faible couverture en antirétroviraux qu'on y enregistre fait croitre cette exigence sur les programmes de prévention visant le changement de comportement à l'instar du Projet de Prévention du VIH/SIDA en Afrique Centrale. Comme nous l'avons signalé plus tôt, faire baisser l'incidence de la maladie dans un contexte de forte charge virale exige de mettre l'accent sur le changement des comportements sexuels à risque.

II.3 L'enjeu relatif au déficit de financement dans la lutte contre le VIH

A la suite des différents engagements pris par la communauté internationale visant la lutte contre le VIH/SIDA, notamment les déclarations de politique des nations unies de 2001 et 2006, les ressources consacrées à la lutte contre l'épidémie sont passées de 1,6 milliards de dollars US en 2001 à près de 16 milliards de dollars US en 2010. Cependant, ces ressources sont restées largement en deçà des cibles fixées par lesdites déclarations. Dans un de ses rapports publié en 2009, Médecins Sans Frontières mettait en évidence les signes précurseurs d'un désengagement dans la lutte contre l'épidémie. Selon ce rapport, les deux plus grands donateurs internationaux pour la lutte contre la maladie (en l'occurrence le fonds mondial de lutte le vih/sida, la tuberculose et le paludisme et le PEPFAR le plan d'urgence américain pour la lutte contre le sida) commençaient à réduire leurs contributions.

Récemment encore, lors d'une réunion de haut niveau de l'assemblée générale des nations unies sur le thème « Financer la fin du sida : la fenêtre d'opportunité », les participants ont fait valoir qu'un investissement plus important dans la riposte au sida devrait être anticipé au cours des prochaines années pour parvenir à l'éradication de l'épidémie, soulignant en passant que la baisse de financement qui s'observe actuellement pourrait compromettre les récents progrès obtenus dans nombre de pays en développement.

Au fur et à mesure que l'épidémie avance au Cameroun, les fonds nécessaires pour couvrir la réponse nationale augmentent également. En 2008, le gouvernement camerounais a alloué 3,3 milliards de FCFA17(*) soit 16 % des dépenses totales pour la lutte contre le VIH. Les Organisations Non Gouvernementales et autres organisations internationales (bilatérales et multilatérales) ont fourni les autres 84 % restants. Les 21,3 milliards de F CFA de cette année ne représentaient qu'un peu plus de la moitié des fonds requis.

En 2010, les fonds requis pour le traitement, les soins et le soutien liés au VIH s'élevaient à environ 55 milliards de F CFA18(*) dont près de la moitié, soit 26,3 milliards de F CFA, seulement pour les traitements antirétroviraux. Le coût annuel des TAR en 2015 était lui estimé à près de 35 milliards de F CFA selon des projections faites en 2013 (dans le cadre de l'étude du CNLS à laquelle nous avons précédemment fait référence) alors que la couverture effectivement observée cette année n'atteignait pas les 30 %. Selon le CNLS toujours, pour atteindre une couverture en TAR de près de 70 % en 2020, il faudrait allouer près de 64 milliards de F CFA ; ce qui d'avance n'est pas acquis, surtout dans le contexte actuel caractérisé par une certaine frilosité des bailleurs de fonds.

Le Cameroun est l'un des pays de la région centrale et occidentale de l'Afrique les plus touchés par l'épidémie de vih/sida et, les moyens mis en oeuvre pour venir à bout de cette maladie sont nettement inférieurs aux besoins manifestés par le pays. Par voie de conséquence, on y enregistre une faible couverture en traitements antirétroviraux. Ce contexte fait croître l'exigence d'efficacité sur les projets et programmes visant la prévention des nouvelles infections à l'instar du PPSAC, projet sur lequel porte la présente étude. Le chapitre qui suit présente le contexte, les objectifs et les acteurs de ce projet ; il contribuera entre autres à enrichir notre connaissance sur la stratégie employée par le projet en vue de diminuer considérablement le taux de nouvelles infections chez les adultes.

CHAPITRE II :

CADRE INSTITUTIONNEL, OBJECTIFS ET ACTEURS DU PPSAC

Le présent chapitre s'attèle à présenter le cadre institutionnel, les objectifs et les principaux acteurs du Projet de Prévention du VIH/SIDA en Afrique Centrale. La présentation du cadre institutionnel débutera par des développements succincts sur la Communauté Économique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC). Il sera question de présenter l'historique de l'organisation ainsi que les objectifs majeurs qu'elle poursuit. Nous ferons mention par la suite des organes de fonctionnement de la communauté ainsi que ses principales institutions. Les développements sur la CEMAC se termineront par une brève présentation du Programme Economique Régional (PER) qui est le document phare présentant la vision 2025 de la Communauté. Nous poursuivrons l'exposé sur le cadre institutionnel par la présentation de l'Organisation de Coordination pour la lutte contre les Endémies en Afrique Centrale (OCEAC) qui est le maître d'ouvrage du PPSAC. On s'attèlera ici à présenter le fonctionnement de cette institution, ses missions, ses unités opérationnelles ainsi que ses principaux programmes parmi lesquels figure le PPSAC. La première section se terminera par la présentation générale du projet. On parlera du cadre global du projet qui est celui de la coopération entre le gouvernement allemand et les Etats membres de la CEMAC.

La deuxième section s'étalera sur les objectifs du PPSAC, sa stratégie, ses principales activités maitresses ainsi que ses acteurs. Dans l'exposé sur les acteurs du Projet de Prévention du VIH/SIDA en Afrique Centrale, nous distinguerons les acteurs du processus de gestion des acteurs du processus de coordination. On présentera aussi les Associations de Marketing Social qui sont les structures responsables de la mise en oeuvre du projet, et l'organisation internationale Population Services International qui est le réseau mondial fédérant toutes les associations de marketing social des pays en voie de développement.

I.1 CADRE INSTITUTIONNEL ET PRÉSENTATION GENERALE DU PPSAC

Le Projet de Prévention du VIH/SIDA en Afrique Centrale constitue une approche régionale de réponse face au VIH/SIDA. Il est le fruit de la coopération entre le gouvernement allemand à travers sa banque de développement la KfW et la CEMAC. La maitrise d'ouvrage de ce projet a été confiée à l'OCEAC qui est l'institution spécialisée de la CEMAC responsable des problèmes de santé publique. Ainsi, dans la présentation du cadre institutionnel du PPSAC, nous commencerons par une brève présentation de la CEMAC.

I.1 Brève présentation de la CEMAC

La Communauté Économique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) regroupe six pays d'Afrique Centrale que sont le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée Équatoriale, la République de Centrafrique et le Tchad. Elle a été créée en 1994 sur les vestiges de l'UDEAC, l'Union Douanière et Economique d'Afrique Centrale19(*) elle-même précédée de l'UDE20(*) l'Union Douanière Equatoriale. Sa principale mission est de développer un espace intégré et d'y promouvoir un développement harmonieux.

La CEMAC couvre une superficie d'environ 3 millions de km2 et sa population est estimée à près de 51 millions21(*) d'habitants. Le taux de croissance démographique moyen de la sous région s'établit à 2,9 % tandis que la croissance économique est de l'ordre de 2,8 %. Le taux d'inflation pour sa part se situe à 2,3 %.

La CEMAC poursuit les objectifs de :

v Mettre en place un dispositif de surveillance multilatéral des politiques économiques des États membres ;

v Assurer une gestion stable de la monnaie commune ;

v Sécuriser l'environnement des activités économiques et des affaires en général ;

v Harmoniser les règlementations des politiques sectorielles dans les domaines essentiels prescrits par les textes organiques (agriculture, élevage, pêche, industrie, commerce, transport et télécommunications, énergie, environnement, recherche, enseignement et formation professionnelle) ;

v Créer un marché commun basé sur la libre circulation des personnes, des biens, des capitaux, et des services.

Les institutions de la CEMAC sont au nombre cinq. D'une part on a deux unions que sont l'Union Économique de l'Afrique Centrale (UEAC) et l'Union Monétaire de l'Afrique Centrale (UMAC). A côté de ces deux unions, l'on enregistre des institutions à vocation de contrôle que sont la cour de justice communautaire, le parlement communautaire et la cour des comptes.

Il convient de ne pas confondre les institutions de la CEMAC présentées ci-dessus et les institutions spécialisées de la CEMAC. En effet, la communauté comporte dix-neuf (19) institutions spécialisées parmi lesquelles l'Institut Sous-régional Multisectoriel de Technologie Appliquée (ISTA) de Libreville au Gabon et l'Ecole Inter-états des Douanes (EIED) de Bangui en RCA pour ne citer que ceux-là.

Le fonctionnement de la CEMAC est assuré par plusieurs organes que sont :

v La Conférence des Chefs d'États : c'est l'organe suprême qui détermine les grandes orientations de la communauté et de ses institutions ;

v Le Conseil des Ministres de l'UEAC : il est constitué de trois (03) ministres par État parmi lesquels le ministre de l'économie et le ministre des finances. Ce conseil assure la direction de l'UEAC ;

v Le Comité Ministériel de l'UMAC ;

v La Commission de la CEMAC : elle est considérée comme la locomotive de l'organisation. Elle a remplacé le Secrétariat Exécutif à la suite du processus de réforme des institutions que la CEMAC a entamé en 2007.

Les activités de la CEMAC s'articulent aujourd'hui autour du PER qui vise à faire de celle-ci un espace économique intégré émergent où règnent la sécurité, la solidarité et la bonne gouvernance au service du développement humain.

En effet, PER constitue la vision 2025 de la CEMAC. Il présente un agenda d'émergence couvrant la période allant 2010 à 2025 et divisé en trois phases quinquennales. La première phase (2010-2015) a consisté en la construction des fondements institutionnels de l'émergence ; la seconde phase (2016-2020) vise l'ancrage des piliers de la diversification économique de la communauté. La dernière phase (2021-2025) a pour but de consolider les phases précédentes. Au terme de sa réalisation, le PER devrait conduire à la création d'un espace économique émergent au niveau de la CEMAC.

D'un point de vue opérationnel, le PER se décline en cinq (05) axes, douze (12) objectifs stratégiques, vingt-et-neuf (29) programmes et quatre-vingt-six (86) projets. L'objectif stratégique numéro dix (10) de l'axe quatre (04) relatif au marché commun, porte sur le renforcement des systèmes de santé. Cet objectif stratégique comporte un seul programme à savoir le « Programme Régional de Lutte contre les Grandes Endémies ». La mise en oeuvre de ce programme a été confiée à l'OCEAC.

I.2 Présentation de l'OCEAC

La présentation de l'OCEAC consistera en la présentation de son fonctionnement, ses principales missions et ses unités opérationnelles.

I.2.1 Historique et fonctionnement de l'organisation

L'Organisation de Coordination pour la lutte contre les Endémies en Afrique Centrale (OCEAC) a été créée en 1963 à Yaoundé, à l'initiative des ministres de la santé de cinq22(*) des six Etats de l'actuelle CEMAC. Jusqu'en 1965, cette institution portait le nom d'Organisation de Coordination et de Coopération pour la lutte contre les Grandes Endémies en Afrique Centrale (OCCGEAC). A la base, sa politique était orientée vers la lutte contre la tuberculose, la trypanosomiase, la lèpre, la rougeole.

La conférence des chefs d'Etat de la CEMAC est l'organe suprême de l'OCEAC à qui mandat a été donné pour assurer la coordination des politiques et des actions de santé dans la sous-région. Le conseil des ministres de l'UEAC est l'organe de décision de l'OCEAC. Son organe délibérant est le conseil d'administration composé des Secrétaires ou Directeurs généraux des ministères de la santé publique des six Etats membres. L'organe exécutif de l'OCEAC est représenté par le secrétariat exécutif. Le secrétariat exécutif comporte trois départements que sont :

v Le département administratif ;

v Le département des programmes et de la recherche ;

v Le département des Etudes et de la Planification.

I.2.2 Principales missions de l'organisation

Les missions attribuées à l'OCEAC ont évolué à travers le temps. Dans la période allant de 1965 à 1983, il lui était assigné les missions ci-dessous :

v Etablir et coordonner tout programme d'action tendant au contrôle et à l'éradication d'une endémie sévissant dans la sous-région ;

v Poursuivre des études et des recherches pour mener à bien la lutte contre ces endémies ;

v Susciter complémentairement pour y parvenir, l'intérêt ou l'appui des grandes organisations nationales et internationales.

En 1983, à la suite de la révision de ses statuts, les missions de l'OCEAC ont été reformulées ainsi qu'il suit :

v Constituer un pôle scientifique régional pour développer la santé publique dans les Etats membres de la sous-région ;

v Participer à la formation des personnels de santé publique dans les Etats ;

v Fournir une expertise en santé publique aux Etats membres ;

v Susciter complémentairement pour y parvenir, l'intérêt ou l'appui des ONG et des organismes de coopération bilatérale ou multilatérale.

I.2.3 Les unités opérationnelles de l'OCEAC

En vue d'atteindre ses objectifs, l'OCEAC a opté de spécialiser son travail auprès de ses trois unités opérationnelles que sont :

ü Le CIESPAC (Centre Inter-états d'Enseignement supérieur en Santé Publique d'Afrique Centrale) : basée à Brazzaville, c'est l'unité de l'OCEAC à laquelle est dévolue la mission de la formation en santé publique du personnel des Etats membres de la CEMAC ;

ü L'IRY (l'Institut de Recherche de Yaoundé) : il assure la recherche fondamentale en épidémiologie sur des maladies jugées prioritaires pour la sous-région. Il abrite en son sein trois laboratoires que sont :

v Le laboratoire de recherche sur le paludisme;

v Le laboratoire de recherche sur la trypanosomiase humaine africaine;

v Le laboratoire de santé publique.

ü L'ADS (l'Agence de Développement Sanitaire) : cette unité appuie les Etats de la sous-région dans la définition des grandes orientations des politiques de santé pour une meilleure prise en charge des personnes affectées. L'ADS exécute aussi des programmes et projets de santé publique pour le compte de certains bailleurs de fonds.

I.2.4 Les programmes de l'OCEAC

Afin de coordonner efficacement les actions de lutte des systèmes de santé de ses Etats membres, des programmes sous-régionaux ont été mis sur pied au sein de l'OCEAC. On peut citer  à ce titre :

ü Le Programme d'Harmonisation des Politiques Pharmaceutiques Nationales en Afrique Centrale (HPPN) : il vise à accorder les différentes pratiques et textes réglementaires qui régissent la pharmacie dans les Etas de la sous-région. Notons que l'action du programme HPPN s'étend sur toute la Communauté Économique des Etats de l'Afrique Centrale (CEEAC) et non uniquement à la CEMAC.

ü Le Programme sous-régional de lutte contre la Trypanosomiase Humaine Africaine : crée en 2006, ce programme a couvert initialement les six Etats de la CEMAC avant de s'étendre en Angola et en République Démocratique du Congo à la demande de la CEEAC.

ü Le Programme sous-régional de lutte contre le VIH/SIDA : ce programme comporte plusieurs projets que sont :

v Le Projet « Réseau de Surveillance et de Suivi de la Résistance du VIH/SIDA aux Antirétroviraux en Afrique Centrale » ;

v Le Projet de lutte contre la propagation du VIH/SIDA le long de la côte atlantique (PCA) ;

v Le Projet sur d'Education Préventive sur le VIH/SIDA (PEP) en partenariat avec l'UNESCO ;

v Le Projet de Prévention du VIH/SIDA en Afrique Centrale (PPSAC).

I.3 Présentation générale du projet de prévention du vih/sida en Afrique centrale

En vue d'une meilleure coordination des systèmes de santé de ses Etats membres, plusieurs programmes sous régionaux ont été mis sur pied au sein de l'OCEAC parmi lesquels le Programme Sous-régional de lutte contre le VIH/SIDA. Celui-ci comporte plusieurs projets au nombre desquels le Projet de Prévention du VIH/SIDA en Afrique Centrale. L'objet des développements ci-dessous est de présenter ledit projet. Il sera question notamment de présenter le cadre général du projet qui est celui de la coopération entre le gouvernement allemand et les Etats de la sous-région.

Cette coopération, entre le gouvernement allemand et les Etats de la sous-région en matière de lutte contre le VIH/SIDA se scinde en deux phases ; d'une part la phase régionale de la coopération qui s'est concrétisée en 2006 par la mise sur pied du PPSAC et d'autre part la phase bilatérale de la coopération (entre 2000 et 2005) au cours de laquelle un appui direct était accordé aux Associations de Marketing Social (AMS) de certains Etats de la sous-région.

I.3.1 Phase régionale de la coopération : le PPSAC

Le Projet de prévention du VIH/SIDA en Afrique Centrale est le fruit de la coopération entre le gouvernement allemand à travers la KfW et la CEMAC. Il constitue une approche régionale de réponse face au VIH et SIDA. Il est exécuté depuis 2006 et est actuellement à sa troisième phase. La première phase, d'une durée de trois ans (de 2006 à 2008) a couvert trois pays de la sous-région notamment le Cameroun, la RCA et le Tchad. La seconde phase, (2009 à 2012)23(*) a connu l'entrée de la République du Congo. Le projet est actuellement à sa troisième phase dénommée aussi phase III-IV dont la mise en oeuvre couvre la période de juillet 2013 à juin 2016. Il est prévu une dernière phase qui débutera en Juillet 2016 et qui couvrira en sus des précédents Etats, le Gabon.

I.3.2 Phase bilatérale de la coopération 

Il convient de souligner toutefois que la coopération entre le Gouvernement Allemand et les Etats de la CEMAC en matière de prévention du VIH/SIDA ne débute pas avec le PPSAC. En effet, entre 2000 et 2005, la Banque de Développement Allemande finançait déjà la lutte contre le VIH/SIDA au Cameroun, en République Centrafricaine et au Tchad dans le cadre d'accords bilatéraux passés directement avec les AMS de ces pays respectifs.

De manière spécifique, l'appui de la KfW à l'Association Camerounaise pour le Marketing Social (ACMS) a démarré en 2001 et s'est inscrit dans la perspective de contribuer à la réalisation de la Stratégie Sectorielle de la Santé (SSS) au Cameroun ainsi qu'à l'atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) en matière de réduction de la pauvreté et d'inversion de la prévalence du VIH/SIDA.

De même, de 2000 à 2005, grâce à l'appui financier de la KfW, l'Association Centrafricaine pour le Marketing Social (ACAMS) a pu mener plusieurs activités en faveur des groupes cibles notamment les travailleuses du sexe, les jeunes, les militaires et les migrants.

Pour sa part, la coopération bilatérale entre le Tchad et la KfW date elle d'avant 2000. En effet, de 1995 à 2000, à travers le PPLS (Projet Population et Lutte contre le SIDA), la KfW a apporté son appui financier à la réalisation d'une composante Marketing Social des Préservatifs au Tchad (MASACOT).

L'une des limites de cette approche était liée à la faible capacité technique des AMS, celles-ci ne couvrant pas un espace géographique suffisant.

Le PPSAC est le fruit de la coopération entre la CEMAC et le gouvernement allemand. Il vise à apporter une réponse collective (au niveau de la sous-région Afrique Centrale) à l'épidémie de VIH/SIDA. Ayant présenté le cadre institutionnel du projet, il convient maintenant d'en définir le contenu exact ; c'est l'objet de la section suivante. Concrètement il sera question de présenter les objectifs, la stratégie, les acteurs du projet ainsi que ses activités maitresses.

II OBJECTIFS, STRATÉGIE, ACTIVITTÉS MAITRESSES ET ACTEURS DU PPSAC

Des éléments clés définissent un projet. En bonne place, figure l'objectif que le projet poursuit. En effet, la stratégie et les activités mises en oeuvre sont subordonnées à l'objectif que l'on poursuit.

II.1 Objectifs du PPSAC

L'objectif global24(*) du Projet de Prévention du VIH/SIDA en Afrique Centrale s'intègre à ceux retenus dans les plans stratégiques de lutte contre le SIDA des pays membres de la CEMAC et apporte une contribution à leur mise en oeuvre. Il est intitulé comme suit : « La propagation du VIH/SIDA et les méfaits de la stigmatisation et de la discrimination envers les PVVIH sont réduits ». Deux indicateurs sont retenus pour la mesure de la contribution du projet à l'atteinte de cet objectif global. Ce sont :

v IOG1: Taux de nouvelles infections à VIH chez les adultes de 15 à 49 ans ;

v IOG2 : Taux des nouvelles infections auprès des femmes enceintes.

L'objectif spécifique du projet est libellé ainsi qu'il suit : « Une disponibilité accrue des condoms et autres contraceptifs, et un changement positif des comportements des groupes cibles sont réalisés ». Six indicateurs sont retenus pour apprécier l'atteinte de l'objectif du projet. Ce sont principalement :

v IOP1 : La part des jeunes de 15 à 24 ans qui déclarent avoir adopté un comportement à moindre risque ;

v IOP2 : Part des adultes dans la population générale disposant des connaissances correctes sur les possibilités de prévenir le VIH/SIDA ;

v IOP3 : Le nombre de préservatifs masculins vendus par les Associations de Marketing Social (AMS) ;

v IOP4 : La consommation moyenne de condoms masculins par tête d'habitant rapportée à la population générale (CMCTH2) ;

v IOP5 : Le pourcentage des adultes (15-49 ans) qui déclarent que les condoms sont toujours disponibles dans les points d'achats lorsqu'ils en ont besoin ;

v IOP6 : La part des personnes dans la population générale qui acceptent les personnes vivant avec le VIH.

Pour atteindre cet objectif du projet, trois résultats principaux doivent être réalisés. Ce sont :

v R1 : Les préservatifs et certains contraceptifs sont rendus disponibles, accessibles en quantité et en qualité, ce de façon continue ;

v R2 : Les connaissances, attitudes et pratiques en prévention des IST, VIH/SIDA et en Planification Familiale sont améliorées ;

v R3 : Les comportements tendant à la stigmatisation et à la marginalisation envers les PVVIH sont réduits.

Une série d'Indicateurs Objectivement Vérifiables (IOV) ont été retenus pour apprécier dans quelle mesure l'effort du projet peut permettre la matérialisation sur le terrain des résultats planifiés.

Le résultat R1 relatif à la disponibilité des préservatifs et contraceptifs s'apprécie à l'aide de six indicateurs que sont :

v IR1.1 : Le nombre de points de vente (PDV) opérationnels disponibles pour 1000 habitants ;

v IR1.2 : Le pourcentage des enquêtés jeunes (15-24 ans) qui déclarent que le point d'approvisionnement du condom est assez proche de leurs lieux d'utilisation (10 minutes pour la zone urbaine et 1 heure pour la zone rurale) ;

v IR1.3 : Le pourcentage des enquêtés jeunes qui pensent que le prix du condom des Associations de Marketing Social est abordable ;

v IR1.4 : Le pourcentage des jeunes qui ont choisi le condom des AMS et qui sont satisfait de sa qualité ;

v IR1.5 : Le nombre des préservatifs féminins vendus par les AMS ;

v IR1.6 : Le nombre d'utilisatrices des services de la Planification Familiale.

Le second résultat, relatif à l'amélioration des connaissances, des attitudes et des pratiques en matière de prévention du VIH/SIDA est lui aussi appréhendé par six indicateurs que sont :

v IR2.1 : Le pourcentage de la population générale ayant une connaissance complète, parfaite et totale des trois modes de prévention du VIH/SIDA ;

v IR2.2 : Le pourcentage des enquêtés ayant systématiquement utilisé le condom au cours des rapports sexuels à risque durant les trois derniers mois précédant la date de leur interrogation ;

v IR2.3 : Le pourcentage des personnes atteintes par une Infection Sexuellement Transmissible (IST) qui déclarent avoir reçu un traitement, des conseils et un condom dans une structure de prise en charge des IST ;

v IR2.4 : Le pourcentage des jeunes ayant un eu un rapport sexuel avant l'âge de 15 ans ;

v IR2.5 : Le nombre moyen de partenaires sexuels par groupe cible pendant les trois derniers mois précédent leur enquête ;

v IR2.6 : Le pourcentage des femmes en âge de procréer qui connaissent au moins trois méthodes contraceptives ;

v IR2.7 : Le pourcentage des femmes en âge de procréer ayant utilisé une méthode contraceptive lors des douze mois précédent leur enquête;

v IR2.8 : Le pourcentage des hommes ayant accepté la planification familiale.

Cinq indicateurs ont été retenus pour apprécier le résultat relatif à la marginalisation et à la stigmatisation des PVVIH. Ce sont :

v IR3.1 : Le nombre de personnes ayant adhéré aux associations de PVVIH ;

v IR3.2: Le nombre de personnes candidates au Conseil et Dépistage Volontaire est en augmentation ;

v IR3.3: Le pourcentage des adultes qui ont fait un test de VIH et retiré le résultat;

v IR3.4: Le pourcentage des chefs d'entreprise déclarant disposés à accepter des employés séropositifs ;

v IR3.5: Le nombre d'associations de PVVIH en partenariat avec les AMS qui mènent des activités de lutte contre la stigmatisation et la discrimination

II.2 Activités maîtresses du PPSAC

En vue d'atteindre les objectifs du projet, plusieurs activités maîtresses ont été identifiées.

Relativement au premier résultat sur la disponibilité continue des préservatifs et certains contraceptifs, il a été retenu six activités maîtresses que sont :

v L'acquisition de manière régulière de préservatifs de qualité ;

v Le développement et la promotion des stratégies de distribution et d'accès universel aux préservatifs ;

v La mise en oeuvre de stratégies à base communautaire pour améliorer l'accessibilité aux préservatifs ;

v Le renforcement des capacités des AMS ;

v La mise en place des systèmes de suivi et d'évaluation de l'utilisation des préservatifs ;

v L'acquisition et la promotion des autres moyens de contraception.

En ce qui concerne le second résultat relativement à l'amélioration des connaissances, attitudes et pratiques en prévention des IST, VIH/SIDA et en Planification Familiale, les activités maîtresses retenues à cet effet sont :

v La réalisation des études CAP (Connaissances, Attitudes et Prévention) de base, à mi- parcours et en fin de projet dans les pays concernés par le PPSAC ;

v Le développement des supports de communication adaptés au contexte socioculturel des populations cibles ;

v L'appui aux jeunes dans l'apport d'une contribution de réponse au VIH/SIDA.

v La planification et la réalisation de plaidoyers ciblant des acteurs stratégiques que sont les leaders religieux et politiques ;

v Le soutien des interventions en faveur des groupes cibles à travers une contractualisation avec les structures compétentes ;

v Le renforcement des partenariats avec les secteurs publics et privés, la société civile et les partenaires de l'aide au développement ;

v La réalisation des campagnes de sensibilisation et de dépistage des IST et du VIH/SIDA avec l'intégration de la Planification Familiale en direction des groupes cibles.

Les activités maitresses retenues dans l'atteinte de l'objectif relatif à la réduction des comportements tendant à la stigmatisation et à la marginalisation envers les PVVIH sont principalement :

v La contribution à la mise en place des associations de PVVIH et l'accompagnement de ces PVVIH à la vie associative ;

v Le renforcement des capacités techniques et institutionnelles des réseaux et associations de PVVIH en vue de les transformer en véritable acteurs ;

v La contribution à la prise en charge communautaire des PVVIH ;

v Plaidoyer auprès des leaders d'opinions en vue de l'adoption et l'application des textes de loi portant protection des droits des PVVIH ;

v Appui à la création et au fonctionnement des dispositifs nationaux de suivi et d'application des textes concernant les PVVIH ;

v Contribution au respect des politiques non discriminatoires envers les PVVIH dans les entreprises à travers le renforcement de la Communication pour le Changement de Comportement auprès des chefs d'entreprises ;

v La promotion de l'utilisation de l'index stigma.25(*)

II.3 Stratégie de mise en oeuvre du PPSAC

Comme nous l'avons dit plus haut, l'approche actuelle dite de la régionalisation a été précédée par une phase bilatérale au cours de laquelle la KfW apportait un appui direct aux Associations de Marketing Social de trois pays de la CEMAC (Cameroun, Tchad, RCA). Le processus de régionalisation a apporté plusieurs innovations majeures qui caractérisent la stratégie actuelle du PPSAC.

II.3.1 La régionalisation de l'approvisionnement : les commandes groupées de préservatifs

Le premier des trois résultats poursuivis par le PPSAC est la disponibilité en quantité, qualité et ce de façon continue des préservatifs et certains contraceptifs. En vue d'atteindre ce résultat, le PPSAC a opté pour une régionalisation de l'approvisionnement à travers des commandes groupées de préservatifs et autres matériels techniques utilisés pendant la mise en oeuvre du projet. L'objectif ici est de réaliser des économies d'échelle et d'obtenir des coûts unitaires de revient plus bas.

II.3.2 Les activités synergiques transfrontalières

Les activités synergiques transfrontalières font partie du paquet de stratégies mises en place par le projet pour assurer une meilleure accessibilité des services aux populations. En effet, l'un des griefs adressé à l'approche bilatérale de coopération en matière de VIH/SIDA entre la KfW et certains Etats de la sous région était la faible couverture géographique des activités des AMS du fait de leurs capacités techniques limitées. L'approche régionale actuelle vise à mettre fin aux « querelles de territorialité » auxquelles il n'était pas rare d'assister. Désormais, les AMS peuvent desservir les zones qui leur sont le plus proche sans tenir compte des frontières nationales.

II.3.3 L'introduction d'une marque régionale de préservatif

En relation avec la stratégie de régionalisation des approvisionnements notamment par les commandes groupées, le Projet de Prévention du VIH/SIDA en Afrique Centrale a mis au point une marque régionale de préservatif. L'objectif poursuivi par la marque régionale est de rendre disponible le préservatif et permettre d'atteindre de meilleures ventes surtout dans la mise en oeuvre d'une stratégie transfrontalière.

II.3.4 Le Forum Régional des Jeunes (FREJES)

Les développements précédents nous ont permis de constater que les jeunes (15-24 ans) constituent la cible prioritaire du PPSAC. A cet effet, il a été institué un Forum Régional des Jeunes qui est une plateforme et une base de réflexion au niveau régional. Ce forum aide à améliorer les activités que ces jeunes mènent eux mêmes afin de mieux se protéger contre les IST et le VIH/SIDA.

II.4 Les acteurs du projet de prévention du vih/sida en Afrique centrale

Les acteurs du PPSAC se regroupent en quatre catégories que sont les acteurs du processus de gestion, les acteurs du processus de coordination, les Associations de Marketing Social et l'organisation « Population Services International ».

II.4.1 Les acteurs du processus de gestion du PPSAC

Le processus de gestion du PPSAC comprend 4 principaux acteurs que sont, le bureau de coordination régional, l'Organisation de Coordination de la lutte contre les Endémies en Afrique Centrale, l'Institut Tropical Suisse et la KfW, la banque allemande de développement.

a. Le Bureau de Coordination Régionale

Le Bureau de Coordination Régionale du PPSAC est installé dans les locaux de l'OCEAC. Il assure la coordination du PPSAC et est constitué du coordonnateur, médecin de santé publique, appuyé par un chef comptable, d'un chef comptable adjoint, d'une secrétaire et d'un chauffeur.

b. L'OCEAC

L'Organisation de Coordination pour la lutte contre les Endémies en Afrique Centrale est l'autorité technique régionale de la CEMAC chargée des problèmes de santé. Compte tenue de cette mission, la structure a été identifiée comme bénéficiaire de l'aide du gouvernement allemand en matière de lutte contre le VIH/SIDA. L'OCEAC est de ce fait le maître d'ouvrage du PPSAC. La structure fournit entre autres une série de facilités dans la mise en oeuvre du projet. A ce titre, elle :

v Abrite le bureau de coordination du projet et met à disposition une salle de conférence et des magasins de stockage de petit matériel ;

v Appuie les facilités douanières et d'exonération de taxes accordées pour l'acquisition des préservatifs et autres matériels liés au projet ;

v Fait bénéficier au personnel expatrié, sa couverture diplomatique ;

v Accorde des facilités contractuelles pour les acquisitions avec les AMS et autres agences d'assistance technique qui appuient le projet.

c. L'Institut Tropical Suisse (ITS)

L'Institut Tropical Suisse est le consultant régional qui appuie la mise en oeuvre du projet en fournissant une assistance technique. Il est responsable des résultats devant la KfW et l'OCEAC. Conformément aux exigences du client du projet (l'OCEAC en l'occurrence), l'Institut Tropicale Suisse a mis en place un bureau régional avec à sa tête un expert expatrié longue durée. Les activités d'appui de ce bureau régional sont complétées par des consultants de courte durée.

d. La Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW)

Le gouvernement allemand, dans sa politique d'appui aux pays de la CEMAC a chargé la KfW de mettre à disposition des fonds nécessaires pour la mise en oeuvre du PPSAC. La banque de développement allemande suit de près l'utilisation qui est faite de ces fonds. A ce titre, elle doit endosser toutes les dépenses du projet qui vont au-delà de 50 000 €, c'est-à-dire donner une non objection pour ces dépenses. La KfW accompagne l'exécution du PPSAC en participant régulièrement aux réunions du Groupe Consultatif Régional de Suivi (un autre acteur du PPSAC auquel nous ferons référence plus tard) du projet et en facilitant autant que possible les procédures inhérentes à son fonctionnement.

II.4.2 Les acteurs du processus de Coordination du PPSAC

Le processus de coordination du PPSAC comprend deux principaux acteurs. Le premier, le Groupe Consultatif Régional de Suivi, donne les orientations stratégiques du projet. Le second la RCIP, analyse les aspects techniques et opérationnels de la mise en oeuvre du projet.

a. Le Groupe Consultatif Régional de Suivi (GCRS)

Le Groupe Consultatif Régional de Suivi réunit les partenaires stratégiques qui ont le pouvoir de décision sur la réponse à l'épidémie du VIH/SIDA tant au niveau des pays que sur la sphère régionale. C'est le lieu des orientations stratégiques pour le PPSAC. Le Projet profite en outre de cette instance régionale pour disséminer les résultats des activités de sa mise en oeuvre ; ce qui permet de lui assurer une certaine visibilité. Le GCRS est d'autre part le creuset pour approfondir les réflexions sur les aspects transfrontaliers de l'épidémie an Afrique Centrale ainsi que toutes les décisions à visée stratégique pour la sous région. Les membres statuaires du GCRS sont :

v Les Comités Nationaux de Lutte contre le Sida (CNLS) ;

v Les Ministères de la Santé ;

v Les Associations de Marketing Social ;

v Les Partenaires du système des Nations Unies (ONUSIDA, FNUAP et OMS) ;

v Les agences bilatérales de coopération et d'autres agences multilatérales.

Le Groupe Consultatif Régional de Suivi se réunit une fois par an de manière alternée dans chacun des pays couverts par les activités du PPSAC et ce sous la présidence de l'ONUSIDA. Ces réunions portent aussi bien sur le bilan de l'année écoulée que sur les projections des grandes actions à venir.

b. Les Réunions de Concertation Inter-Pays (RCIP)

Les Réunions de Concertation Inter-Pays représentent une instance de coordination du PPSAC qui réunit trois (03) fois par an, les principaux acteurs opérationnels impliqués dans la lute contre le VIH/SIDA dans les différents pays concernés par le projet. L'objectif de ces réunions est d'analyser les aspects techniques et opérationnels des activités du PPSAC. Les réunions se tiennent de manière tournante dans les différents pays et regroupent non seulement les représentants des CNLS et des AMS mais aussi tous les autres partenaires techniques et programmatiques. Elles permettent surtout d'assurer un suivi des progrès dans la mise en oeuvre des différents volets du projet, d'identifier les goulots d'étranglement et les solutions nécessaires pour formuler les recommandations.

II.4.3 Les Associations de Marketing Social : Maitres d'oeuvre du PPSAC

En tant qu'autorité technique régionale de la CEMAC chargée des problèmes de santé, l'OCEAC est le maître d'ouvrage du PPSAC. Mais, la maîtrise d'oeuvre de ce projet est confiée aux Associations du Marketing Social des différents pays de la sous-région couverts par le projet.

En ce qui concerne la mise en oeuvre du PPSAC, les AMS l'exécute conformément à un contrat cadre qu'elles ont signé avec l'OCEAC. Ce contrat fait des AMS, les fers de lance de la mise en oeuvre des activités du PPSAC. En effet, l'élaboration du plan stratégique, des plans annuels d'action et l'exécution du projet sont entièrement de la responsabilité de celles-ci avec obligation de résultat. A ce titre, tous les documents nécessaires à la mise en oeuvre du projet sont disponibles au niveau des AMS. Parmi ces documents l'on a les rapports trimestriels de progrès que nous avons été amenés à exploiter pour les besoins de notre étude.

II.4.4 Le réseau « Population Services International »

Population Services International est une organisation médicale mondiale de premier plan installée dans plus de 70 pays en développement à travers le monde et qui a vu le jour dans les années soixante dix. Avec son siège à Washington aux Etats unis, cette ONG est reconnue au plan mondial comme leader dans le marketing social ; c'est-à-dire l'utilisation des ressources du secteur privé pour encourager l'adoption des comportements sains au sein des populations pauvres et vulnérables.

PSI attache une importance particulière à la mesurabilité de l'effet sanitaire. Cet effet sanitaire, qui constitue la boussole de toutes les interventions de PSI à travers le monde est généralement appréhendé par des indicateurs tels que :

v Le nombre de vies sauvées,

v Le nombre de grossesses non désirées évitées ;

v Le nombre d'infections à VIH évitées.

La plupart des Associations de Marketing Social sont membre du réseau PSI. Celles-ci adoptent de ce fait les pratiques de marketing social préconisées par cette institution. Ainsi PSI est un acteur indirect du PPSAC en sens qu'il impose des pratiques de fonctionnement aux AMS en général et celles de la sous région en particulier qui elles sont directement responsable de la mise en oeuvre du PPSAC.

La plupart des interrogations qui pouvaient être soulevées au sujet du PPSAC ont en partie trouvé réponse dans les développements ci-dessus. Il y a été présenté le cadre général du projet, ses objectifs, sa stratégie de mise en oeuvre et les principaux acteurs du projet. L'étude menée ici vise l'évaluation de l'efficacité du projet relativement à ses coûts. Ayant déjà une bonne connaissance du projet, une meilleure compréhension des concepts et de la méthodologie employée nous semblent nécessaire pour bien conduire nos analyses.

CHAPITRE III :

PRÉSENTATION DES CONCEPTS, JUSTIFICATION DE LA MÉTHODE D'EVALUATION ET ÉLÉMENTS DE MÉTHODOLOGIE

L'utilisation de l'évaluation coût-efficacité comme technique d'évaluation économique est largement répandue dans le domaine de la santé publique. Une compréhension approfondie de la technique (l'évaluation coût-efficacité) est entre autres subordonnée à une bonne connaissance des notions et concepts qui la fondent.  La présentation des concepts clés débutera par des développements sur la notion d'efficacité en économie. L'évaluation coût efficacité est un type particulier d'évaluation économique. A la suite de la présentation de ces concepts clés, nous nous étendrons sur la notion d'évaluation avant de terminer par celle d'évaluation économique.

Le choix d'une technique d'évaluation économique dans l'analyse d'un projet particulier peut être soutenu par divers éléments de la littérature. A la suite de la présentation des concepts clés, on s'emploiera à fournir certains éléments qui justifient la méthode d'évaluation employée. On identifiera quatre éléments plaidant en faveur de l'emploi d'une évaluation coût efficacité à savoir les exigences apportées par la gestion axée sur les résultats, la prédominance des études coût efficacité dans le secteur de la santé, la priorité des études d'efficacité dans les évaluations à mi-parcours et enfin les recommandations d'une étude menée au sein du projet. La seconde partie de cette section portera sur les éléments de la méthodologie ; il sera notamment question de la présentation des sources de données utilisées et des traitements relatifs aux coûts du projet.

I. PRÉSENTATION DES CONCEPTS CLÉS DE L'ÉTUDE

Avant de conduire une évaluation de type coût efficacité, il semble pertinent de comprendre à quoi renvoie le concept d'efficacité en économie. Mais l'évaluation coût efficacité appartient elle-même à la famille des évaluations économiques ; une meilleure compréhension de ce type d'évaluation ne semble pas superflue si l'on veut davantage cerner la notion d'évaluation coût efficacité.

I.1 La notion d'efficacité en économie

L'économie peut se définir26(*) comme l'étude de la façon dont les personnes d'une collectivité donnée, emploient des ressources productives rares pour lesquelles des utilisations alternatives sont possibles, pour produire différents biens, les distribuer dans les différents groupes de la société et les consommer.

Le but poursuivi par les économistes est donc de trouver des moyens pour allouer efficacement les ressources rares. Il existe en l'occurrence plusieurs types d'efficacité en économie. Ce sont notamment :

v L'efficacité technique : une entité économique est dite techniquement efficace si, pour produire un extrant donné, elle utilise le nombre le plus réduit d'intrants ou inversement si, à partir d'un nombre donné d'intrants, elle produit le maximum d'extrants. Si l'on se ramène aux projets, on dira qu'un projet est techniquement efficace si, à partir d'une quantité de ressources donnée, l'on obtient le plus grand résultat immédiat possible ou inversement pour produire un extrant ou résultat donné, l'on utilise la plus petite quantité de ressources qui soit.

v L'efficacité économique : elle fait référence à une situation d'une collectivité où les ressources sont allouées de manière optimale et de façon à servir chaque individu tout en minimisant les gaspillages. Ainsi, une collectivité économiquement efficace est celle dans laquelle il n'est pas possible d'améliorer le bien être d'un individu sans dégrader celui d'un autre individu.

v L'efficacité allocative : elle désigne la capacité d'une entité à allouer les ressources entre plusieurs activités possibles de façon à maximiser globalement le bénéfice. D'un point de vue théorique, l'efficacité allocative est la situation d'une économie où la production représente les préférences des consommateurs. Dans ce cas, chaque bien et service est produit jusqu'à ce que l'utilité marginale soit égale au coût marginal de production. L'efficacité allocative est l'outil fondamental utilisé en économie du bien être. Par définition, un projet est un ensemble d'activités. Dans le cadre spécifique d'un projet, la notion d'efficacité allocative pourrait donc faire allusion à la situation où les ressources sont allouées de manière optimale entre les différentes activités de façon à maximiser le résultat final immédiat.

En vue d'allouer efficacement les ressources rares, des outils d'analyse sont requis. Des outils qui mettraient en relation les coûts et les bénéfices de la mise en oeuvre d'une intervention plutôt qu'une autre. L'évaluation économique est l'un de ces outils d'analyse. En effet, elle permet de mettre en perspective les coûts et les bénéfices de l'implémentation de plusieurs alternatives de mise en oeuvre d'une d'intervention donnée, fournissant de ce fait une base à la prise de décision. Mais avant de s'étendre sur la notion d'évaluation économique il convient de baliser le terrain et de chercher à davantage comprendre ce qu'est une évaluation de manière générale. Les développements suivants s'attèlent à fournir plus amples explications sur la notion d'évaluation.

I.2. Présentation de la notion d'évaluation

La présentation de la notion d'évaluation suppose de définir l'évaluation, de fournir ses principes fondamentaux, les concepts clés qui entourent cette notion, les types d'évaluation ainsi que les critères d'une évaluation.

I.2.1 Définition de l'évaluation

A la question de savoir ce qu'est une évaluation, plusieurs définitions ont été proposées. Celles qui reviennent le plus sont présentées ci-dessous :

v L'évaluation d'une intervention (une action, un projet ou un programme) consiste en la formation d'un jugement sur sa valeur ;

v Evaluer une intervention c'est rechercher si l'ensemble des moyens mis en oeuvre permettent de produire les effets attendus de cette intervention et de ce fait atteindre les objectifs qui lui sont fixés ;

v Une évaluation s'appréhende aussi comme un examen critique et distancié des objectifs et de la façon dont ils sont réalisés.

v Par évaluation, on entend aussi l'application systématique des méthodes en sciences sociales pour apprécier la conception, la mise en oeuvre et l'utilité d'une intervention donnée.

De ces différentes définitions proposées, certains aspects méritent d'être soulignés :

v L'évaluation peut s'appliquer à diverses formes d'interventions ; il peut s'agir d'un programme, d'une politique, ou d'un projet ;

v L'évaluation n'est pas uniquement une technique ; c'est aussi une démarche qui s'inscrit dans un contexte institutionnel avec une visée opérationnelle et pratique ;

v L'évaluation d'une intervention consiste avant tout à son questionnement.

I.2.2 Les principes fondamentaux d'une évaluation

L'évaluation repose sur deux principes fondamentaux que sont l'« accountability » et le « learning ».

L'« accountability » fait référence à l'imputabilité, la « redevabilité » et au souci de rendre compte. En effet, lorsqu'une intervention est mise en place dans une communauté donnée, les bénéficiaires ont le droit de demander des comptes aux responsables de sa mise en oeuvre. Ainsi, conformément au principe d'« accountability », la crédibilité d'une évaluation dépend en partie de l'indépendance avec laquelle elle est menée.

Le « learning » pour sa part fait référence à l'apprentissage et au renforcement des capacités. Ce principe part de l'idée selon laquelle, une évaluation, pour être utile, doit être bâtie à partir des intérêts et des enjeux des différents protagonistes de l'action publique. L'évaluation permettrait ainsi aux différentes parties prenantes de s'approprier les résultats de l'intervention.

I.2.3 Les concepts clés d'une évaluation

L'évaluation peut s'appliquer à diverses formes d'interventions partant d'une politique à un projet. Elle porte un jugement sur l'atteinte des objectifs de ces différentes interventions. Aussi, les concepts clés de l'évaluation font référence aux éléments de la chaine des résultats. On peut ainsi citer :

v Le résultat : c'est le changement qui résulte directement de l'action.

v L'effet : il s'appréhende comme l'incidence directe ou indirecte de l'action. En effet, d'autres dynamiques ou contraintes en provenance de l'environnement de l'intervention peuvent agir sur l'effet. Avec une marge d'incertitude, les effets peuvent tout de même être anticipés dès la conception d'une intervention.

v L'impact : c'est la situation finale à la suite d'une action. Une multitude de facteurs indépendants de l'intervention peut altérer le passage de l'effet à l'impact. L'impact s'apprécie à très long terme ; longtemps (5 ans ou plus) après la fin d'un projet.

I.2.4 Les types d'évaluation

Selon la programmation dans le temps, on distingue cinq types d'évaluation. Ce sont principalement :

v L'évaluation ex ante : elle intervient en aval de la mise en oeuvre du projet, au moment de la conception de celui-ci. Sa fonction est notamment de vérifier l'adéquation des objectifs par rapport aux besoins, enjeux et problèmes à résoudre. Cette évaluation fournit des éléments de soutien à la planification du projet.

v L'évaluation à mi-parcours ou intermédiaire : elle permet de réorienter l'action. Elle peut aussi être mise en oeuvre pour vérifier, au milieu du cycle du projet, si les besoins sont toujours présents, si la gestion du programme se déroule comme prévu ou nécessite une amélioration et pour analyser éventuellement les premiers effets du projet ;

v L'évaluation finale : cette évaluation intervient en fin de projet, elle permet d'observer les conséquentes à court terme du projet ;

v L'évaluation ex-post : elle intervient après l'arrêt du projet et se situe nettement après la clôture des activités. Elle s'intéresse aux effets à moyen ou long terme (impacts) ;

v L'évaluation in itinéraire ou évaluation chemin faisant : elle est effectuée tout au long du déroulement d'une intervention.

I.2.5 Les critères de l'évaluation

Le but poursuivi par une évaluation est entre autres l'analyse des effets d'une intervention et la formation d'un jugement sur celui-ci. Ce jugement se fonde sur plusieurs critères. De manière générale on distingue six principaux critères d'une évaluation. Ces critères sont la pertinence, l'efficacité, l'efficience, l'impact, la cohérence et la viabilité.

La pertinence est la mesure selon laquelle les objectifs de l'action menée correspondent aux attentes des bénéficiaires et aux besoins de la communauté. Elle jauge la valeur ajoutée de l'action menée. La pertinence cherche à savoir si la mise en oeuvre d'une intervention est motivée et si cette motivation correspond aux problèmes exprimés par les bénéficiaires.

L'efficacité décrit la réalisation des objectifs. C'est la comparaison entre les objectifs que les concepteurs se sont préalablement fixés et les résultats atteints d'où l'importance de définir clairement ses objectifs lors de la phase de conception. L'analyse de l'efficacité s'attèle à mesurer les écarts et à en justifier les causes.

L'efficience concerne l'utilisation rationnelle des ressources mises à disposition et vise à analyser si les objectifs ont été atteints à moindre coût. Le critère d'efficience mesure la relation entre les différentes activités, les ressources disponibles et les résultats prévus. Cette mesure peut être aussi bien quantitative que qualitative et porter aussi bien sur les questions de temps que de budget. L'efficience pose le problème de la solution économique la plus avantageuse ; l'intérêt étant de voir si des résultats similaires seraient obtenus par d'autres moyens à moindre coût ou pendant des délais plus courts.

L'impact mesure les retombées d'une action à moyen et à long terme. C'est l'appréciation de tous les effets d'une intervention dans l'environnement. Ces effets peuvent être aussi bien positifs que négatifs, prévus qu'imprévus, abordés aussi bien sur le plan économique, social, politique ou écologique. Le critère d'impact dans une évaluation mesure donc tous les changements significatifs et durables dans la vie et l'environnement des personnes et des groupes ayant un lien direct ou indirect avec l'intervention menée.

La cohérence analyse pour sa part la conception du projet. Ce critère mesure la logique du projet et l'intégralité de sa programmation. Ici, on s'intéressa généralement à la planification des tâches et à la manière dont celles-ci sont ordonnancées. Le critère de cohérence amène les évaluateurs à l'étude des aspects logiques de la programmation des activités d'une intervention donnée.

Le sixième critère, la durabilité encore appelé viabilité ou pérennité vise à savoir si les effets d'une intervention perdureront après son arrêt. Ici, on analyse les chances pour que les effets positifs d'une intervention se poursuivent lorsque celle-ci sera achevée.

I.3 Présentation de la notion d'évaluation économique

L'évaluation coût efficacité qui fait l'objet de cette étude, fait partie de l'ensemble constitué par les évaluations économiques. Une meilleure compréhension du concept d'évaluation coût efficacité est subordonnée, du moins en partie à celle de la notion d'évaluation économique. En effet, en temps qu'élément de cet ensemble, l'évaluation coût efficacité hérite de certains éléments méthodologiques qui lui sont propres. Les développements suivants ont donc pour but de nous permettre de mieux appréhender la notion d'évaluation économique.

I.3.1 Présentation générale de l'évaluation économique

Les programmes et autres interventions de l'autorité publique peuvent être considérés comme des processus de production qui transforment les intrants ou ressources en changements ou effets sur les bénéficiaires de ces interventions. Les décideurs et responsables de l'affectation des ressources et de la mise en oeuvre des diverses interventions ont besoin de comprendre les liens existant entre les ressources utilisées et les résultats produits.

L'évaluation économique fait partie des outils analytiques dont disposent les décideurs. En effet, dans une évaluation économique, des techniques sont appliquées pour identifier, mesurer, apprécier et comparer les coûts et les conséquences induits par une intervention et des interventions de remplacement. Ainsi, l'évaluation économique fournit des critères permettant de faire des choix entre plusieurs stratégies d'intervention dans un domaine donné. Elle s'efforce donc de définir les façons efficaces d'employer les ressources limitées. Elle permet aux décideurs d'identifier si un niveau quelconque de résultats vaut l'importance des ressources consacrées pour les produire.

L'importance d'une telle technique n'est plus à démontrer dans un contexte marqué par la rareté des ressources. Cependant, sa mise en oeuvre se fait parfois maladroitement du fait de la méconnaissance des principes fondamentaux sur lesquels elle se fonde.

I.3.2 Les principes fondamentaux d'une évaluation économique

L'évaluation économique se fonde généralement sur deux principes fondamentaux. D'une part elle analyse aussi bien les coûts d'une intervention donnée que ses bénéfices ou résultats produits. D'autre part, toute évaluation économique comporte un point de vue ou perspective.

a. La prise en compte conjointe des coûts et des bénéfices

L'un des deux principes fondamentaux de toute évaluation économique est la prise en compte aussi bien des coûts que des bénéfices émanant d'une allocation donnée de ressources. Les considérations relatives à l'analyse de chacune de ces deux composantes doivent ainsi être présentées en vue d'une mise en application correcte de l'évaluation économique.

a.1 L'analyse des coûts dans la conduite d'une évaluation économique

De manière générale, les coûts représentent la valeur des ressources utilisées pour produire un bien ou un service. Le succès d'une évaluation économique est étroitement lié à la prise en compte exhaustive des coûts de l'intervention pour laquelle cette évaluation est menée. Le coût d'une intervention est souvent entendu comme le « coût de production » de cette intervention.

En effet, les interventions sont généralement considérées comme des processus de production qui transforment des ressources ou inputs en extrants. Dans l'évaluation économique d'une intervention, l'analyse des coûts fera donc référence à l'analyse des coûts de production. Ce coût renverra d'une part aux ressources consommées dans la production de cette intervention (coûts directs de l'intervention) mais aussi aux ressources non consommées mais rendues indisponibles du fait de la production de l'intervention considérée (coûts indirects de l'intervention). Du fait de la complexité de leur calcul, les coûts indirects d'une intervention sont souvent omis.

Les coûts des ressources s'obtiennent de plusieurs façons, une mesure communément utilisée est le prix de marché de ces ressources. Le prix de marché est une mesure commode du coût car son obtention est relativement facile. Cependant elle intervient comme substitut à une méthode plus préconisée dans la conduite des évaluations économiques qui est celle du coût d'opportunité ou coût économique.

En effet, la valeur des unités engagées dans un projet ou intervention quelconque doit être le coût d'opportunité de ces unités, c'est à dire les gains les plus élevés auxquels on renonce du fait de la mobilisation de ces unités dans l'intervention considérée. Mais, compte tenu de la difficulté inhérente à l'estimation de ces valeurs, l'approche du prix de marché est généralement utilisée.

Dans la conduite d'une évaluation économique, une considération pratique, en sus des aspects de coût d'opportunité des ressources utilisées est celle du traitement des différentes catégories de coûts recensés dans le cadre de la mise en oeuvre d'une intervention quelconque. Le coût d'une intervention apparaitra donc comme la somme des coûts en capital, des coûts récurrents et des frais généraux utilisés dans le cadre de cette intervention. Les coûts en capital font référence aux coûts des immeubles ou de la terre utilisée pour mettre en oeuvre cette intervention. Les coûts récurrents pour leur part se réfèrent aux dépenses salariales du personnel employé dans les activités de l'intervention. Les frais généraux sont les coûts des installations ou des services qui sont généralement partagées pour la mise en oeuvre de plusieurs interventions.

a.2 L'analyse des bénéfices dans la conduite d'une évaluation économique

Le premier principe fondamental de l'évaluation économique impose la prise en compte conjointe des bénéfices et des coûts pour prétende à l'exhaustivité dans l'analyse. Des considérations relatives à l'analyse des effets doivent être évoquées à la suite de celles relatives aux coûts.

Les bénéfices ou conséquences, représentent les résultats d'une action donnée. Trois types de bénéfices peuvent identifiés ; ce sont les bénéfices directs, les bénéfices indirects et les bénéfices induits ou retombées.

Dans le domaine de la santé publique (domaine du projet PPSAC sur lequel porte notre étude), les bénéfices directs d'un projet de prévention d'une affection donnée peuvent s'appréhender comme l'ensemble des dépenses économisées grâce à la prévention de cette affection ou à son traitement. Dans ce cas, les bénéfices indirects représentent les avantages médicaux associés aux gains de productivité obtenus grâce au traitement ou la prévention de la pathologie. Les bénéfices intangibles pour leur part comprendront la valeur des résultats psychologiques par exemple l'atténuation de la douleur et de la souffrance qui font suite à une intervention donnée.

b. Le point de vue à considérer dans l'évaluation économique

Avant le début de toute évaluation économique, des considérations relatives à la perspective ou point de vue doivent être clarifiées en ce sens qu'elles peuvent avoir des implications sur la nature des coûts et des bénéfices à prendre en compte dans ladite évaluation.

De part leurs fondements en économie du bien être, les évaluations économiques adoptent généralement le point de vue sociétal. A cet effet, une évaluation économique devrait analyser les coûts et les effets d'une intervention donnée sur le bien être de la société entière et non uniquement sur les bénéficiaires directs de cette intervention.

Par ailleurs, la préoccupation centrale en économie étant celle de l'utilisation efficace des ressources rares dans une collectivité donnée, une perspective étriquée ne permettrait pas de prendre en considération des utilisations alternatives des ressources disponibles. La prise en compte d'une perspective large (point de vue de la société) se trouve de ce fait amplement justifiée.

D'autre part, l'utilisation du concept de coût d'opportunité, mode de valorisation des coûts lors de la conduite des évaluations économiques reflète cette préoccupation de prendre en compte le bien être social dans son ensemble. En effet, puisque les ressources de la collectivité entière sont limitées, décider d'allouer celles-ci à une intervention donnée équivaut à sacrifier des opportunités d'utilisation de ces ressources pour des activités alternatives.

Dans certaines situations pratiques cependant, l'adoption d'un point de vue de la société peut apparaitre totalement inappropriée. En effet, dans la pratique, le choix d'un point de vue est fortement corrélé au contexte dans lequel l'évaluation économique est menée. Les personnes ou institutions qui parrainent l'évaluation peuvent exiger que ladite évaluation fasse l'écho de leur propre point de vue.

Dans le secteur de la santé, quatre (04) points de vue standards sont généralement identifiés. Du plus étroit au plus large, l'on note :

v Le point de vue du patient ou client ; 

v Le point de vue du prestataire : il désigne toutes les catégories de personnes et d'institutions qui fournissent des services liés à la santé ;

v Le point de vue du payeur : le terme payeur désigne la personne, l'entité ou l'institution responsable en dernier ressort du coût financier d'un programme (de santé) donné. Elle peut toutefois être élargie à l'ensemble des structures qui assurent le financement des projets relevant d'un domaine précis. La présente étude adopte un point de vue similaire à savoir celui de l'ensemble des structures qui financent la lutte contre une affection donnée en l'occurrence l'épidémie de VIH/SIDA ;

v Le point de vue du système de soins de santé.

I.3.3 Les types d'évaluations économiques

Il existe de nombreux types d'évaluations économiques. Certaines se focalisent sur les coûts, d'autres sur les résultats. Certaines évaluations économiques comparent plusieurs interventions tandis que d'autres n'analysent qu'une seule intervention. Mais de façon générale, on classe les évaluations économiques en deux grandes catégories que sont les évaluations économiques partielles et les évaluations économiques complètes.

a. Les évaluations économiques partielles

Lorsqu'une évaluation économique compare plusieurs interventions possibles mais ne s'intéresse qu'aux coûts ou aux résultats de ces interventions ou alors lorsqu'elle compare à la fois les coûts et les résultats d'une unique intervention, cette évaluation est qualifiée d'évaluation économique partielle. Les études d'efficacité potentielle ou réelle sont des évaluations qui visent uniquement les résultats d'une intervention. De même les analyses de minimisation des coûts sont des évaluations qui ne portent que sur les coûts des programmes. Ces deux catégories d'évaluations peuvent être qualifiées d'évaluations économiques partielles.

La définition ci-dessus semble en contraction avec les développements faits plus haut lorsque nous présentions les principes fondamentaux d'une évaluation économique. En effet, nous avons dit que l'un des principes fondamentaux de l'évaluation économique est la prise en compte conjointe à la fois des coûts et bénéfices d'une ou plusieurs interventions. Le qualificatif de « partiel », adjoint à ce type d'évaluation est là justement pour témoigner de cette non prise en compte totale des deux principes. Elles peuvent toutefois être considérées comme des évaluations économiques. En effet, elles s'appliquent lorsque des interventions présentent soit des coûts similaires (auquel cas on compare uniquement les effets) ou lorsque ces interventions présentent des effets similaires auquel cas l'accent sera mis sur les coûts uniquement.

b. Les évaluations économiques complètes

Par évaluation économique complète, on entend une analyse où l'on tient compte à la fois des coûts et des résultats d'une intervention donnée, et que l'on compare à d'autres alternatives possibles. De façon générale, on distingue trois types d'évaluations économiques complètes que sont, l'analyse coût efficacité, l'analyse coût utilité et l'analyse coût bénéfice.

b.1 L'Analyse Coût Efficacité

L'analyse coût efficacité (ACE) est une forme d'évaluation économique complète qui considère à la fois les coûts et les résultats et qui analyse plus d'une intervention afin de pouvoir établir des comparaisons. Elle permet d'évaluer l'efficience d'une intervention en rapportant les dépenses engagées aux résultats obtenus. Elle permet de juger si l'intervention la moins chère en termes de coût est aussi la plus avantageuse en termes de résultats.

L'ACE se concentre généralement sur l'effet principal souhaité et l'ensemble des moyens mis en oeuvre pour obtenir cet effet. De ce fait, elle convient mieux aux programmes ou interventions ayant un objectif principal clairement défini. Dans certains cas de figure, lorsque le contexte s'y prête, l'efficacité d'une intervention peut être évaluée en termes d'indicateurs de résultats intermédiaires.

Dans le domaine de la santé, la conduite d'une analyse coût efficacité peut se faire à partir de deux types d'unité de résultat, les unités naturelles et les unités génériques. Les unités naturelles sont spécifiques à une pathologie donnée. Les unités génériques permettent de comparer plusieurs interventions qui partagent le même moyen de mesure même s'ils ont lieu dans des domaines de la santé très différents. Comme exemple d'unité générique on peut citer le « nombre de vies sauvées », les « années de vies sauvées ».

L'Analyse Coût Efficacité peut être conduite de manière ex-post ( analyse coût efficacité rétrospective) pour analyser la performance d'un programme ou ex-ante pour comparer l'efficacité de différentes options possibles de mise en oeuvre d'une intervention donnée. L'étude que nous menons est de type ex-post. En effet, nous analysons les effets d'un projet déjà mis en oeuvre et ce fait, tentons d'apprécier la performance de sa mise en oeuvre pendant les deux premières phases.

Dans la conduite d'une ACE, l'on est amené à calculer des rapports coût efficacité. Ce sont les rapports du coût au résultat. Lorsque l'on compare plusieurs interventions, chacune d'entre elles aura un rapport donné par la formule suivante :

Afin de mieux éclairer la prise de décision, un autre indicateur est souvent calculé dans la conduite d'une analyse coût efficacité prospective ; c'est le rapport coût efficacité incrémentiel. Il permet de comparer l'efficacité relative des interventions prises deux à deux. Il s'obtient par le rapport entre la différence des coûts de deux interventions et la différence de résultat entre ces deux interventions.

Certaines évaluations économiques partielles, qui ne portent que sur une seule intervention peuvent s'intéresser à l'analyse du rapport coût efficacité. Pour une intervention mise en oeuvre depuis un bout de temps, une analyse rétrospective peut s'intéresser à savoir comment le rapport coût efficacité évolue dans le temps. Dans ce cas de figure, l'on peut être amené à calculer un rapport coût efficacité temporel. Sa formule se présente comme suit :

Ce rapport fournit une base pour le calcul de l'élasticité du résultat par rapport au coût de l'intervention. Cette élasticité sera le rapport entre la variation relative de l'indicateur de résultat considéré sur la variation relative du coût pour deux périodes données.

b.2 L'Analyse Coût Utilité

L'Analyse Coût Efficacité (ACU) évalue le résultat d'une intervention en termes d'unités quantitatives comme par exemple le nombre de vies sauvées ou les années de vies sauvées. Dans certaines situations, une unité quantitative ne dit pas assez sur une intervention. L'analyse coût utilité est une forme d'évaluation économique complète permettant de comparer plus d'une intervention en évaluant leurs résultats à la fois sur les plans quantitatifs et qualitatifs.

Dans le secteur de la santé, pour prendre en compte la qualité de vie (en faisant référence à l'indicateur « nombre d'années de vies sauvées »), on utilise généralement un indicateur connu sous le nom de QALY (Quality Adjusted Life Years). Pour calculer le nombre de QALY qu'un individu est susceptible de gagner à la suite d'une intervention, il est important de déterminer la valeur qu'il attribue à une diminution de sa qualité de vie. Ceci se fait en posant à cet individu, une série de questions sur sa perception de sa qualité de vie vraisemblable dans un état de santé donné. Ces questions permettent de déterminer l'utilité que la personne accorde à un état de santé donné. Cette utilité varie de 0 (faisant référence à la mort) à 1 (traduisant la parfaite santé). Une fois obtenue une estimation de l'utilité qu'un individu accorde à un état de santé donné, une estimation de l'indicateur QALY est donnée par la formule suivante :

Une fois qu'est obtenu le nombre de QALY gagnées avec une intervention donnée, l'analyse coût utilité permettra d'obtenir le coût par QALY gagné.

L'indicateur QALY est un exemple particulier d'unité composite de mesure utilisé en analyse coût utilité. Il existe cependant une autre unité composite de mesure communément utilisée dans les analyses coûts utilité : c'est le DALY (Disability Adjusted Life Years ). Le DALY mesure le poids du handicap associée à une pathologie donnée. Il s'interprète dans le sens inverse des QALY

b.3 L'Analyse Coût Bénéfice ou Analyse Coût Avantage

L'ACE et l'ACU sont généralement utilisées pour identifier le moyen le plus efficient pour déterminer les ressources que paieront les différentes interventions dans un budget établi. L'Analyse Coût Bénéfice (ACB) permet d'aller plus loin et envisager d'un point de vue de la société, les interventions qui valent la peine d'être mise en oeuvre. En effet, l'Analyse Coût Bénéfice permet de déterminer si l'intervention par elle-même présente un bénéfice pour la société, en mesurant les coûts et les résultats dans les mêmes termes (monétaires) et en jugeant les bénéfices de l'intervention en comparaison à son coût. Le but de l'ACB est de déterminer si les bénéfices d'une intervention sont supérieurs à ses coûts.

La prise de décision lors de la conduite d'une Analyse Coût Bénéfice se fonde sur le rapport coût bénéfice ou sur la valeur actuelle nette.

Le rapport coût bénéfice s'obtient en divisant la valeur actuelle des coûts par la valeur actuelle des bénéfices tous deux exprimés en termes monétaires. Si ce rapport est inferieur à 1 alors les bénéfices sont supérieurs aux coûts et de ce fait l'intervention est justifiée. La formule explicite du rapport coût-bénéfice est donnée par :

La valeur actuelle nette se calcule en soustrayant la valeur actuelle nette des bénéfices par la valeur actuelle des coûts. Si le résultat est supérieur à 0 alors les bénéfices sont supérieurs aux coûts et l'intervention est justifiée. La formule explicite de la valeur actuelle nette est donnée par :

Dans la conduite d'une Analyse Coût Bénéfice, les coûts et les bénéfices de l'intervention doivent être mesurés en termes monétaires. L'une des difficultés de cette technique est de mettre une valeur monétaire sur les résultats d'une intervention surtout dans le secteur de la santé. En effet, les résultats d'interventions dans le secteur de la santé ne se prêtent pas aisément à des évaluations en termes monétaires. Ainsi, il est difficile de mettre une valeur financière sur une vie humaine sauvée ou une vie sans douleur ni handicap.

Compte tenu de l'exigence de monétisation imposée par l'Analyse Coût Bénéfice, plusieurs techniques ont été développées pour estimer la valeur monétaire d'un résultat en matière de santé. Les trois techniques les plus utilisées sont :

v L'approche du capital humain : pour évaluer les bénéfices d'une intervention dans le secteur de la santé, l'approche du capital humain calcule la valeur actuelle des revenus qui seraient perdus en cas d'occurrence d'une pathologie donnée et de ce fait pourraient être épargnés grâce à l'intervention considérée. Ainsi pour le projet qui fait l'objet de notre étude, l'approche du capital humain préconiserait de calculer la valeur actuelle des revenus qui seraient perdus si un individu contractait l'infection à VIH.

v L'approche des préférences exprimées : cette approche se base sur les métiers à risque pour approcher la valeur monétaire que les personnes attribuent à leur santé et à leur vie. Ici, l'on examine quel niveau de salaire va pousser un individu à accepter un emploi qui comporte un risque de blessure ou de mort et calculer à quel prix total il évalue sa santé ou sa mort.

v L'approche par l'évaluation continue : cette technique est aussi connue sous le nom de « motivation à payer » ou «  motivation à accepter ». Ici, il est demandé à des personnes de s'imaginer dans une certaine situation de santé et de dire combien ils seraient prêts à payer pour des soins de santé ou combien ils voudraient être payés en compensation des soins auxquels ils n'auraient pas droit. La « motivation à payer » ou « consentement à payer » est une mesure monétaire de la variation de bien être d'un individu qui serait nécessaire pour qu'il accepte le changement associé à une intervention donnée.

II. JUSTIFICATION DE LA MÉTHODE D'EVALUATION ET ELEMENTS DE MÉTHODOLOGIE

Nous voulons effectuer une évaluation de type coût efficacité sur une action de prévention en l'occurrence le projet de prévention du VIH/Sida en Afrique centrale. Plusieurs éléments peuvent motiver une telle analyse ; la justification de la méthode d'évaluation qui est la première partie de cette section nous fournira certains de ces éléments. Par éléments de méthodologie, nous présenterons les différentes sources de données utilisées dans cette analyse avant de chuter sur l'analyse et le traitement des coûts du projet. Comme nous l'avons indiqué plus tôt dans l'étude, les évaluations de type coût-efficacité se penchent aussi bien sur les effets d'une intervention que sur ses coûts. Nous terminerons donc cette section par des développements sur les coûts du projet, l'évaluation des effets faisant l'objet du chapitre suivant

II.1 Justification de la méthode d'évaluation

De manière générale, les motivations derrière la mise en oeuvre d'une évaluation de type coût efficacité sont diverses et variées. Dans le cadre de la présente étude, quatre éléments de justification peuvent être mis en évidence.

Le premier fait référence aux exigences de la gestion axée sur les résultats. En effet, la déclaration de paris de 2003 a apporté des exigences relatives à l'utilisation de l'Aide Publique au Développement. L'un des cinq principes fondateurs de cette déclaration fait référence à la gestion axée sur les résultats. Elle implique donc que la quête d'efficacité soit omniprésente dans la conduite des programmes financés sur fonds d'aide.

L'étude menée ici porte sur la prévention du VIH/SIDA ; un projet relevant du domaine de la santé publique. Les évaluations de type coût efficacité sont fréquemment utilisées dans le domaine de la santé. Ceci constitue le second élément de justification du choix de ce type évaluation.

Selon la programmation dans le temps, une évaluation menée alors que le projet continue de s'exécuter est une évaluation à mi-parcours. L'analyse de l'efficacité, l'un des six critères d'évaluation précédemment présentés revêt une importance particulière dans la conduite des évaluations à mi-parcours.

Le dernier élément qui justifie le choix de l'évaluation coût efficacité est relatif à une recommandation de l'équipe d'évaluation de la phase II. En effet, dans leur rapport, les auteurs avaient souligné l'intérêt de mener une étude sur la performance des Associations de Marketing Social. L'étude coût efficacité que nous menons au Cameroun, fournira des éléments de performance sur la mise en oeuvre du projet par l'ACMS (l'Association Camerounaise pour le Marketing Social).

II.1.1 Les exigences de la Gestion Axée sur les Résultats

D'après le Comité d'Aide au Développement27(*), l'Aide Publique au Développement (APD) est aujourd'hui considérée comme l'une des principales solutions pour promouvoir le développement économique et lutter contre la pauvreté dans les pays du sud. Ainsi, depuis le début des années 2000, les flux d'APD ont massivement augmenté. Cependant, la question sur l'efficacité de cette aide ne fait pas l'unanimité au sein de la communauté internationale.

En effet, la littérature sur l'efficacité de l'aide demeure extrêmement riche et variée et comporte aujourd'hui à peu près autant d'articles exposant une relation positive entre l'aide et la croissance que d'articles soutenant l'absence totale de relation. Cette hétérogénéité souligne bien le manque de consensus qui divise les pays et les institutions en charge d'allouer cette aide.

La volonté de trouver une issue à ce débat justifie la multiplication des études menées à l'échelle microéconomique en vue d'analyser l'effet de l'APD sur le développement. Ces études microéconomiques analysent généralement l'efficacité des programmes financés grâce à l'aide internationale sur leurs bénéficiaires.

Dans un contexte marqué par des reformes sur les modalités d'acheminent et de gestion de l'aide au développement que la déclaration de paris a apporté, la question de l'efficacité des programmes financés par les donateurs internationaux se pose avec acuité en ce sens qu'elle permet d'évaluer les avancées observées dans ladite déclaration. La présente étude, qui a pour objectif d'évaluer l'efficacité du Projet de Prévention du VIH/SIDA en Afrique Centrale s'inscrit dans cette perspective. En effet, ledit projet est financé sur fonds d'aide du gouvernement allemand à la CEMAC.

II.1.2 La prédominance des évaluations coûts efficacité dans le secteur de la santé

Les évaluations de type coût efficacité font partie des méthodes d'évaluation des effets largement utilisées dans le secteur de la santé. Ces évaluations trouvent leur fondement dans les analyses médico-économiques portant sur la comparaison entre différentes interventions médicales et sanitaires. En effet, une intervention a des effets sur la santé tels que l'amélioration de la survie de la qualité de vie mais aussi un coût. La comparaison entre diverses interventions se fait donc en rapportant le coût total au résultat total.

D'autre part, la santé est réputée être une composante essentielle du développement humain et, l'utilisation des ressources qui y sont consacrées fait par conséquent l'objet d'une attention particulière ; surtout dans un contexte où ces ressources sont rendues insuffisantes du fait d'une mauvaise conjoncture économique. Ainsi, l'insuffisance des ressources allouées à la santé pose avec acuité la question de leur utilisation efficace et, les évaluations de type coût efficacité constituent des outils d'aide à la décision de premier choix dans l'allocation desdites ressources dans ce domaine.

Par ailleurs, la situation du financement de la lutte contre le VIH/SIDA épouse le contexte général du financement la santé. En effet, si les ressources consacrées à la riposte de cet épidémie ont considérablement évolué, elles sont restées toutefois insuffisantes et nettement en dessous des cibles de la déclaration de politique de 2001 sur le VIH/SIDA. Dans ce contexte spécifique, l'évaluation de l'efficacité d'une action visant la prévention de nouveaux cas d'infections se trouve amplement justifiée.

II.1.3 L'importance des études d'efficacité dans les évaluations à mi-parcours

Lors de la présentation de la notion d'évaluation, nous avons identifié, selon la programmation dans temps plusieurs types d'évaluation généralement mis en oeuvre dans la pratique. L'évaluation ex-ante qui intervient en amont avant la mise en oeuvre du projet, l'évaluation intermédiaire ou à mi-parcours qui permet de réorienter l'action entreprise et analyser les premiers effets de l'intervention, l'évaluation finale survenant en fin de programme et qui permet d'apprécier les résultats à court terme. L'évaluation ex-post qui est mise en oeuvre après la clôture du programme constitue le dernier type d'évaluation généralement mise en oeuvre.

Si l'importance de chacune de ces évaluations n'est plus à démontrer, l'évaluation à mi-parcours revêt un caractère particulier dans la vie d'un projet. C'est la seule évaluation qui est mise en oeuvre alors que le projet s'exécute toujours. L'évaluation finale qui, comme son nom l'indique intervient à la fin du projet, a une dimension pédagogique. L'évaluation ex-ante pour sa part apparait comme un soutien à la planification du projet et l'évaluation ex-post vise la mesure de l'impact du projet. Vu qu'elle intervient avant l'achèvement du projet, l'évaluation à mi-parcours a de l'espace pour, éventuellement redresser les actions enclenchées et les remettre sur la trajectoire des résultats attendus. Le redressement de ces actions doit s'appuyer sur le niveau d'atteinte des objectifs fixés ce qui nécessite d'appréhender l'efficacité du projet à mi-parcours.

Ainsi, au nombre des six critères que compte une évaluation, « l'efficacité » revêt une importance particulière dans les évaluations à mi-parcours. En effet, on s'attend très peu à ce qu'une évaluation à mi-parcours questionne principalement la pertinence d'une intervention ; c'est-à-dire l'adéquation entre les objectifs et les attentes des bénéficiaires. Une évaluation à mi-parcours ne saurait non plus se focaliser principalement sur l'impact ou la durabilité du projet ; sa période de mise en oeuvre ne permettant pas d'apprécier ses effets à moyens et long termes. De ce fait, une évaluation à mi-parcours se focalisera principalement sur les critères d'efficacité et d'efficience du projet. Ainsi, même si des préoccupations relatives à la pertinence du projet sont soulevées, c'est le plus souvent via le questionnement de l'efficacité. En effet un niveau de performance anormalement bas relevé pour un indicateur donné peut être source d'interrogations allant dans le sens de la qualité des indicateurs utilisés ou encore leur pertinence.

Exécuté depuis 2006, le Projet de Prévention du VIH/SIDA est actuellement à sa 3ème phase. La première phase s'est achevée en 2008, et a couvert trois pays parmi lesquels le Cameroun. La seconde phase quant `à elle a duré quatre ans et s'est achevée en 2012. La phase III-IV du projet vient juste de s'achever et il est prévu une phase V probablement la dernière. Une évaluation se focalisant uniquement sur les deux premières phases du projet peut être perçue comme évaluation à mi-parcours et de ce fait, les considérations relatives à l'efficacité et l'efficience se posent avec insistance.

II.1.4 L'évaluation des performances des Associations de Marketing Social par des études coût efficacité : une recommandation de l'évaluation de la phase II.

Le rapport d'évaluation de la phase II du PPSAC a souligné l'intérêt de mener une étude sur la performance des Associations de Marketing Social. En effet, les auteurs Dr Andreas Lenel et Luise Lehman tout en appréciant le mécanisme de suivi évaluation du PPSAC basé sur les rapports trimestriels des AMS et des études à l'échelle régionale, décrient qu'un mécanisme de mesure de la performance des AMS ne soit pas mis en place. Ils proposent à cet effet d'appréhender la performance des AMS à partir des études de type coût efficacité. Une telle étude pour les auteurs permettrait de mener une analyse comparative entre les AMS des pays couverts par le PPSAC et ainsi de différencier les problèmes systémiques de ceux qui relèvent uniquement d'un pays donné.

L'étude que nous menons ici entre en droite ligne avec les recommandations de l'évaluation à mi-parcours à la phase II du PPSAC. En menant une évaluation coût efficacité du PPSAC au Cameroun, nous analysons par la même occasion la performance de l'Association Camerounaise pour le Marketing Social. Si une telle étude est menée dans les autres pays de la CEMAC couverts par le PPSAC, l'exploitation des différents rapports permettra d'avoir une vue globale sur la performance des AMS, et aussi de mettre en évidence des problèmes d'ordre systémique.

II.2. Présentation des sources de données

La présente étude a exploité les données des deux enquêtes CAP (Connaissance, Attitudes et Prévention) menées en 2006, date de début du projet et en 2012 après l'achèvement de la phase II. Nous avons aussi exploité les données issues des rapports trimestriels de progrès du PPSAC au Cameroun qui sont des documents de suivi de la mise en oeuvre du projet. Après avoir présenté brièvement la méthodologie de collecte des données des enquêtes CAP et les différents thèmes qui y sont abordés, nous nous pencherons sur les rapports trimestriels de progrès du PPSAC et dirons en quoi ils nous ont été utile.

II.2.1. Les Enquêtes CAP 2006 et 2012

Les enquêtes CAP du PPSAC sont des études quantitatives sur les connaissances, les attitudes, et les pratiques des populations dans les pays cibles que sont le Cameroun, la RCA, le Congo, et le Tchad. L'objectif général de l'enquête CAP 2006 était de déterminer le niveau de base des indicateurs de résultat du PPSAC. Celui de l'enquête CAP 2012 consistait à fournir le niveau atteint par ces mêmes indicateurs après la deuxième phase du projet.

Pour ce qui est du Cameroun qui fait l'objet de notre étude, la cible était la population sexuellement active c'est-à-dire les individus âgés de 15 ans à 49 ans, et deux groupes à risques particuliers qu'étaient les camionneurs et les partenaires sexuels réguliers de ceux-ci.

L'échantillon de l'enquête CAP 2006 était constitué 2359 adultes de 15 à 49 ans, 512 camionneurs et 470 partenaires sexuels régulières des camionneurs. Celle de 2012 a couvert un échantillon de 2554 adultes, 528 camionneurs et 540 partenaires sexuels des camionneurs.

Pour ce qui est de la méthodologie d'échantillonnage, le prélèvement s'est fait par strate selon un sondage aléatoire à trois degrés. Les unités primaires provenaient de la base de sondage du 3ème Recensement General de la Population et de l'Habitat (RGPH) sur la liste des Zones de Dénombrement (ZD). Le premier degré consistait au tirage des ZD selon une probabilité proportionnelle à leur démographie. Pour chaque ZD tirée, le second degré de tirage consistait pour sa part au tirage des ménages. Ce tirage était à probabilité égale. Au 3ème degré, il fallait tirer un répondant dans le ménage. Bien évidemment la méthodologie présentée ici ne concerne que la population adulte et non pas celle des camionneurs et leurs partenaires régulières.

Les thèmes abordés dans les enquêtes CAP sont divers et variés. Il s'agit notamment de l'exposition aux activités des Associations de Marketing Social et leurs partenaires, la connaissance du SIDA des méthodes de prévention et des attitudes à l'égard des personnes infectées, les habitudes en matière de consommation de drogue, les comportements sexuels. Font également parti de ces thèmes l'accessibilité et l'utilisation des condoms et les infections sexuellement transmissibles.

II.2.2. Rapports trimestriels de progrès du PPSAC au Cameroun

En plus des deux enquêtes CAP, nous avons utilisé pour les besoins de nos analyses les rapports trimestriels de progrès du PPSAC. Ces rapports présentent les activités réalisées par l'ACMS dans la réalisation des objectifs du projet. Il s'agit plus précisément des statistiques sur la vente des préservatifs, la consommation moyenne de condom par tête d'habitant (CMCTH). Quant `à la communication pour le changement de comportement, ces rapports présentent les résultats des activités de sensibilisation et de communication sur l'ensemble du territoire national.

Dans chaque rapport, une annexe présente l'évolution des indicateurs de résultats depuis la première année de mise en oeuvre jusqu'à la période courante. Elle nous a été utile pour déduire l'évolution de l'indicateur de consommation moyenne de condom par tête d'habitant pour la période 2006 à 2012.

Ces rapports fournissent en outre le nombre d'infections évitées grâce à l'action du PPSAC. Cette estimation est faite par les experts de PSI à partir des données qui leur sont fournies par l'AMS du pays considéré en l'occurrence le Cameroun ici.

II.3. Analyse et traitement des coûts du projet

Dans cette section, nous procédons à l'analyse et au traitement des coûts du PPSAC. Nous commencerons par l'analyse de la structure générale des coûts du projet. Le travail ici consistera à présenter les éléments qui constituent le coût global du projet et comment ceux-ci ont évolué au cours de la période de mise en oeuvre des deux phases.

Par suite, nous nous pencherons sur les dépenses d'investissement. Ces dépenses présentent un caractère particulier, en effet elles permettent d'acquérir des biens qui sont consommés sur plus d'année. Il convient donc d'imputer la part annuelle correspondant à ces dépenses.

Nous terminerons par l'harmonisation des coûts relativement au niveau d'inflation et au taux de change. En effet, l'inflation et le taux de change varient généralement d'une année à l'autre. Ces variations ne sont pas sans avoir des conséquences sur le pouvoir d'achat. La procédure d'harmonisation permet de ce fait d'éliminer ces distorsions produites par ces deux taux.

II.3.1. Analyse de la structure générale des coûts du PPSAC au Cameroun

Dans la conduite d'une évaluation coût efficacité, l'analyse des coûts compte tout aussi que l'analyse des effets. En effet, dans les développements précédents, nous avons signalé que les évaluations économiques tiennent compte à la fois des coûts et des résultats. Les analyses coûts efficacité, comme catégorie particulière des évaluations économiques n'échappent pas à cette règle.

Nous commencerons donc par l'analyse des coûts du PPSAC au Cameroun. Le tableau ci-dessous fournit la présentation détaillée des dépenses liées au projet.

L'exploitation des éléments de ce tableau nous permettra de dresser un panorama général de la structure des coûts du projet. D'entrée de jeu, soulignons que les dépenses liées au PPSAC se scindent en trois principales catégories que sont le paiement des consultants, les dépenses d'investissement et d'équipement et enfin les dépenses de fonctionnement. Pour ce qui est de l'origine de ces dépenses, on recense d'une part les dépenses d'origine étrangère et les dépenses locales.

Les dépenses d'investissement et d'équipement constituent le poste le plus volumineux avec une proportion estimée à 61,4 % lors de la première phase du projet et 77,24 % lors de la seconde phase. La part des dépenses d'investissement et d'équipement dans les dépenses totales du projet diminue avec le temps, et ce pour chaque phase. Lors de la dernière année de la phase I, c'est à dire en 2008, celles-ci ne représentaient que 16 % du total des dépenses contre 74 % et 64 % les deux années précédentes. Les dépenses d'investissement et d'équipement de la dernière année de mise en oeuvre de la phase II s'établissaient à 45 % contre 72 %, 81 % et 83 % les années précédentes. Il apparait donc que, de manière générale, les dépenses d'investissement diminuent drastiquement la dernière année de mise en oeuvre pour une phase donnée.

Deux postes constituent l'essentiel des dépenses d'investissement et d'équipement ; ce sont principalement les achats internationaux généraux et, les achats locaux et frais de promotion. Les achats internationaux généraux sont constitués d'achats de préservatifs masculins et féminins, d'achats de véhicules et autres. Le poste des achats internationaux généraux a constitué près 90 % des dépenses d'investissement lors de chacune des deux phases projet. Les achats locaux et frais de promotion pour leur part n'ont constitué dans l'ensemble, qu'un peu plus de 10 % des dépenses d'investissement et d'équipement du projet ; à l'exception de la première année de la phase II c'est à dire en 2009 où celles-ci représentaient plus de 33 % de ces dépenses d'investissement.

A côté des dépenses d'investissement, les dépenses de fonctionnement constituent le second poste le plus élevé des coûts annuels du PPSAC. Ils représentaient 23 % des coûts du projet lors de la phase I et un peu plus de la moitié en phase II c'est-à-dire 13 %. Au cours des trois années de la première phase du projet, les dépenses de fonctionnement n'ont cessé d'augmenter. Partant de 13 % en 2006, celles-ci ont atteint 23 % en 2007 pour enfin s'établir à 51 % en 2008. Pour ce qui est de la phase II du projet, les dépenses de fonctionnement étaient sur l'ensemble supérieur à 350 millions de F CFA à l'exception de la première année où celle-ci s'établissait à 110 millions de F CFA.

Les dépenses relatives au paiement des consultants représentaient 6,34 % (262 millions de F CFA) des dépenses du projet lors de la phase I et 3,5 % (328 millions) de ces dépenses lors de la phase II. Lors de la seconde phase du projet, les dépenses liées au paiement des consultants internationaux de longue et ceux de courte durée n'ont cessé de diminuer. Partant de 103 millions de FCFA en 2009, elles s'établissaient à seulement 61 millions de FCFA en 2012. L'année 2007 a constaté la plus forte somme consacrée au paiement des consultants avec un montant de 120 millions de FCFA qui y étaient alloués.

Le poste dépenses imprévues permet de prendre en compte les activités non budgétisées qui surviennent lors de la mise en oeuvre du projet. Une somme fixe y est consacrée par phase du projet.

En définitive, en ce qui concerne l'analyse de la structure des coûts du PPSAC, certains faits saillants méritent d'être évoqués. Les dépenses d'investissement et d'équipement diminuent drastiquement la dernière année de mise en oeuvre du projet pour une phase donnée ce qui se justifie. En effet aucun d'investissement n'est nécessaire lorsqu'une phase est sur le point de s'achever. Les dépenses de fonctionnement pour leur part sont relativement stables sur la durée du projet.

II.3.2. Annualisation des dépenses d'investissement du projet

A l'inverse des biens issus des coûts récurrents qui sont consommés ou remplacés dans un délai d'un an au maximum, les biens issus des coûts d'investissement eux sont consommés sur plusieurs années. Ils sont répartis sur leur durée de vie utile. Etant donné qu'ils sont acquis en une année donnée pour être utilisé sur plus d'un an, leur comptabiliser uniquement à l'année d'achat est susceptible d'induire un biais dans l'analyse menée.

Dans le cadre d'évaluations économiques prospectives, l'annualisation de ces coûts se base sur la valeur du bien d'investissement considéré, sa durée de vie utile ainsi que sa valeur résiduelle et enfin le coefficient d'annualisation. Ce coefficient d'annualisation est obtenu sur les tableaux d'annualisation et varie selon le taux d'intérêt réel qui a cours dans la région donnée.

Notre étude s'inscrit dans le cadre d'une analyse rétrospective. La démarche adoptée sera différente. Conformément aux données du tableau précédent, nous ne procèderons qu'à l'annualisation du poste « achat de véhicule ». En effet les autres rubriques du poste « dépense d'investissement et équipement » notamment les achats internationaux généraux, les achats de préservatifs et autres achats sont déjà ventilés par an.

Ainsi, nous dévons déterminer le montant annuel attribué au poste véhicule. Nous utiliserons les principes comptables liés à l'amortissement pour affecter un montant annuel. La durée de vie utile pour l'amortissement d'un véhicule est généralement de 4 à 5 ans. Dans le cas d'espèce nous utiliserons la période courue jusqu'a l'achat d'un autre véhicule.

Le premier achat de véhicule est survenu en 2006. Le montant de cet achat était de 57 millions de F CFA. En postulant un amortissement linéaire, le montant du coût annuel alloué à ce poste est de 14,3 millions de FCFA. En effet on considère que ce véhicule est utilisé jusqu'à l'achat du prochain véhicule en 2010. Sa période utile est donc de 4 ans et l'amortissement annuel s'établit ainsi à 14,3 millions de F CFA. Le second achat de véhicule est survenu en 2010 ; celui-ci valait 25 millions de F CFA. Le dernier achat de véhicule l'a été l'année suivante pour un montant de 34 millions de F CFA. Nous admettons que ces deux véhicules sont respectivement amortis pendant trois ans et deux ans. Ainsi, le coût annuel de l'investissement « achat d'un véhicule » revient à 8,3 millions de F CFA pour le premier véhicule et 17 millions pour le second. Ce lissage des dépenses d'investissement induit des changements qui sont retracés dans le tableau ci-dessous.

Tableau 2: Ajustement des coûts (en milliers de FCFA) d'investissement du PPSAC au Cameroun

Année

Coût annuel brut

Coût annuel après annualisation

2006

1 753 483

1 710 476

2007

1 807 515

1 821 850

2008

574 999

589 335

Total Phase I

4 135 997

4 121 661

2009

711 382

725 717

2010

3 531 719

3 515 051

2011

4 086 817

4 078 149

2012

1 051 377

1 076 712

Total Phase II

9 381 294

9 395 629

Source : Auteur

Dans l'ensemble, l'annualisation des coûts d'investissement a engendré une baisse de 2,5 % des coûts du projet pour l'année 2006, une hausse de 0,8 % la seconde année et une autre baisse de 2,5 % la dernière année de la phase I du projet. Le coût global de la seconde phase du projet a connu une augmentation de 0,15 % suite au traitement des dépenses d'investissement. La plus grande variation de cette phase est obtenue à la dernière année de mise en oeuvre du projet c'est-à-dire en 2012 avec une hausse de 2,5 %. Notons toutefois que, dans l'ensemble le lissage des dépenses d'investissement a entrainé peu de variations dans la structure des coûts du projet.

II.3.3. Harmonisation des coûts relativement au niveau d'inflation et du taux de change

Dans la conduite d'une évaluation coût efficacité, le traitement des coûts peut dans certains cas conduire à l'harmonisation relativement au niveau d'inflation et de change28(*). La nécessité d'effectuer de tels traitements et la procédure employée dans le cadre du PPSAC font l'objet des développements ci-dessous.

a. La nécessité de prendre en compte l'évolution du taux d'inflation et du taux de change

Dans la présente étude, nous voulons mener une évaluation coût efficacité d'une action de prévention en l'occurrence le Projet de Prévention du VIH/SIDA en Afrique Centrale. Les évaluations de type coût efficacité sont généralement mise en oeuvre pour comparer plusieurs alternatives différentes de mise oeuvre d'un même programme ou une intervention. Dans le cadre de cette étude, nous utilisons une évaluation coût efficacité de type rétrospective pour apprécier entre autres la performance dans la mise en oeuvre d'un projet de prévention du sida. Nous serons appelés à comparer les différentes années de mise en oeuvre du projet entre elles pour voir laquelle était la plus coût efficace.

Le résultat final sera apprécié par le nombre d'infections évitées grâce aux activités du projet. L'évaluation coût efficacité, comme toutes les évaluations économiques confronte les coûts du projet à ses résultats. Les coûts du projet sont généralement exprimés en unités monétaires locale ou étrangère ; ce sont les valeurs nominales. Pour corriger les déformations artificielles induites par des variations du niveau des prix ou du taux de change, il convient d'appliquer une correction à la valeur nominale pour obtenir une valeur réelle qui harmonise les différents coûts. En effet, si l'on alloue un million au cours d'une année « n » à un projet et le même montant l'année suivante. Si le taux d'inflation a doublé d'une année à l'autre, alors en termes réels, la situation précédente est identique à celle où l'on aurait attribué un million l'année « n » puis cinq cent milles l'année suivante. Ainsi, on ne devrait pas s'attendre à obtenir les mêmes résultats d'une année à l'autre. L'exemple précédent illustre le biais que peut induire l'omission de prendre en compte le niveau d'inflation pour corriger les dépenses nominales d'origine locale et les fluctuations du taux de change pour les dépenses nominales d'origine étrangère.

b. La procédure d'harmonisation des coûts sur les deux premières phases du projet

Nous commençons la procédure d'harmonisation des coûts du projet par le choix d'une année de référence. Nous prendrons l'année du début du projet c'est-à-dire 2006 comme l'année de base. Nous corrigerons ainsi les déformations induites par le taux d'inflation et le taux de change en prenant pour référence leur valeur au début du projet. Lors de l'analyse des coûts du projet, nous avons précisé que les biens et les services utilisés pour mettre en oeuvre le projet peuvent être accessible localement ou à l'international. Nous utiliserons à ce titre deux déflateurs ; l'un pour les biens acquis sur le marché local et l'autre pour les biens acquis à l'étranger.

Le déflateur des prix des biens locaux est obtenu à l'aide du taux d'inflation. La procédure de construction de cet indicateur est la suivante ; d'abord l'on détermine le taux d'accroissement des prix qui est donné par la formule où t est le taux d'inflation exprimé en valeur nominale (c'est-à-dire pas en pourcentage). Etant donné que 2006 est l'année de base, on lui attribuera la valeur 1. Le taux d'accroissement pour une année donnée est obtenu comme le produit des taux d'accroissement des années précédentes en commençant à l'année de base. Pour l'année 2008 on aura par exemple . Le déflateur du prix des biens acquis localement n'est autre que l'inverse du taux d'accroissement calculé précédemment.

Tableau 3: Coefficients d'harmonisation des coûts (en milliers de F CFA)

selon l'origine de la dépense

Année

Déflateur du prix des biens locaux

Déflateur du prix des biens étrangers

2006

1,000

1,000

2007

0,989

0,953

2008

0,939

1,008

2009

0,912

1,013

2010

0,895

0,955

2011

0,870

1,010

2012

0,845

1,007

Source : Auteur

La deuxième colonne du tableau ci-dessus donne les valeurs du déflateur du prix des biens locaux pour les années. Celle-ci est de 0,989 en 2007 et 0,939 en 2008. Cette valeur s'interprète comme suit : 1000 F CFA en 2007 ont le pouvoir d'achat de 989 F CFA en 2006. De la même manière ces mêmes 1000 FCFA en 2008 ont le pouvoir d'achat 939 F CFA en 2006. Si l'on était amené à acheter tous biens sur le territoire national, avec un million de F CFA en 2007, on pourrait acheter les mêmes biens qu'avec 939 000 FCFA en 2006.

Le déflateur des prix des biens achetés à l'étranger s'obtient lui en utilisant le taux de change et le taux de d'inflation. Nous utilisons le taux de change de l'inde et de la Suisse qui sont les deux principaux pays vers lesquels les achats internationaux du projet sont menés. Le paiement du consultant international de longue durée qu'est l'Institut Tropical Suisse se fait en francs suisse. Les autres achats tels que les véhicules et d'autres biens d'équipement s'y font aussi. Les achats de préservatifs (masculins ou féminins) pour leur part se font généralement en Inde.

Tableau 4: Coûts déflatés du projet pour les phases I et II (en milliers de F CFA)

Année

Coûts internationaux corrigés

Coûts nationaux corrigés

Total coûts corrigés

(coûts réels)

Total coûts bruts

2006

1 213 847

539 636

1 710 476

1 753 483

2007

969 122

781 584

1 750 706

1 807 515

2008

54 254

489 538

543 792

574 999

Total Phase I

2 254 023

1 806 160

4 060 183

4 135 997

2009

200 592

468 111

668 703

711 382

2010

2 402 367

910 229

3 312 596

3 531 719

2011

3 134 244

854 190

3 988 434

4 086 817

2012

193 450

726 247

919 697

1 051 377

Total Phase II

5 950 830

2 932 510

8 883 340

9 381 294

Source : Auteur

Pour chacun des deux pays précédents, nous utiliserons une cotation du taux de change à l'incertain. La devise étrangère sera ici l'euro. En effet la structure qui finance le projet la KfW est dans la zone euro. Avec une cotation à l'incertain, lorsque la monnaie nationale s'apprécie, le taux de change diminue et inversement lorsqu'elle se déprécie, le taux de change augmente. Une dépréciation de la monnaie nationale est équivalente à une augmentation du pouvoir d'achat de la devise étrangère à proportion égale. Donc si la roupie indienne se déprécie par exemple 10 % d'une année à l'autre, cela équivaut à une hausse du pouvoir d'achat de l'euro de 10 % sur la période considérée. En prenant toujours ici comme année de base l'année 2006, l'accroissement du taux de change d'une année donnée par rapport à sa valeur en 2006 est donné comme le rapport entre le taux de change de l'année considérée et sa même valeur en 2006. Explicitement cela se traduit par la formule suivante

A l'effet du taux de change, il faut corriger l'effet de l'inflation dans le pays considéré. En effet Si la monnaie se déprécie de 10 % mais qu'à l'opposé les prix eux augmentent de 5 %, le gain définitif du pouvoir d'achat de la devise étrangère sera uniquement de 5 % (soit 10 % moins 5 %). En calculant un déflateur local et en le multipliant par la grandeur calculée précédemment, on obtient le déflateur du prix des biens acquis à l'étranger.

Les coûts (nationaux et internationaux) corrigés sont eux obtenus en multipliant le déflateur correspondant par le coût équivalent. La somme des « coûts nationaux » corrigés et des « coûts internationaux » corrigés donne les coûts annuels totaux corrigés des effets de l'inflation et du taux de change. Le tableau précédent nous fournit les valeurs obtenues après calcul. Une fois de plus l'équivalence pour l'année 2006 émane du fait que nous l'avons pris comme année de référence. Dans l'ensemble il apparait que la correction a induit une baisse. L'équivalent réel des coûts mis en oeuvre est en général plus faible que leur valeur nominale pour les sept années considérées. La plus grande variation apparait en 2012 avec une baisse de 13 %. Les coûts réels des phases I et II ont baissé de 2 % et 5 % respectivement par rapport ces coûts nominaux respectifs.

Une interprétation simple de ces valeurs est la suivante ; en considérant l'année 2007, le coût nominal du projet était de 1,8 milliards et son coût réel était de 1,75 milliards. Cela veut dire que bien que l'on disposait de 1,8 milliards en 2007 l'on ne pouvait acquérir des biens qu'à hauteur de 1,75 milliards sur la base des prix de 2006. Autrement les 1,8 milliard de l'année 2007 équivalent à 1,75 milliards en 2006. Ainsi bien que en termes nominaux le coût du projet en 2006 ( 1 753 483 000 F CFA) soit inferieur à celui de 2007 ( 1 807 515 000 F CFA) en termes réels c'est-à-dire par la capacité du pouvoir d'achat les dépenses consenties en 2006 apparaissent plus élevées que celles consenties en 2007.

Le traitement effectué ici sur les coûts en vue de les uniformiser se justifie donc en ce sens qu'il permet de passer des valeurs nominale aux réelles ; et ainsi nettoyer les distorsions induites par la variation des prix et du taux de change d'une année à l'autre. En l'absence d'une telle analyse on serait par exemple tenté d'affirmer que les coûts du projet étaient plus élevés en 2007 qu'en 2006. Une fois ce lissage des coûts du projet opéré, nous procédons à l'évaluation des résultats du projet c'est-à-dire à la mesure de l'efficacité de celui-ci. C'est l'objet des développements ci-dessous.

L'évaluation coût efficacité a été présentée comme un type particulier d'évaluation économique (largement utilisé dans le domaine de la santé) qui analyse aussi bien les coûts et les effets d'une ou plusieurs interventions afin de se prononcer sur leur faisabilité (dans le cadre des analyses prospectives) ou sur leurs performances relatives (analyses rétrospectives). En sus de la présentation des concepts clé, les traitements des coûts du projet on été effectués. Conformément à la définition donnée sur l'évaluation coût efficacité, on s'attend logiquement à présent l'évaluation des effets du projet ; c'est l'objet du chapitre suivant.

CHAPITRE IV :

MESURE ET APPRÉCIATION DES EFFETS DU PPSAC AU CAMEROUN

L'effet s'apprécie comme l'incidence directe ou indirecte d'une action donnée. Nous avons présenté dans le chapitre deux de cette étude les principales activités maitresses du PPSAC. L'analyse de l'efficacité dans la mise en oeuvre du projet permettra d'évaluer l'effet de celui-ci sur les bénéficiaires ; c'est l'objet de la première section du présent chapitre. Un des objectifs spécifiques poursuivi par l'étude était de fournir une valeur monétaire du bénéfice procuré par le projet. La section deux de ce chapitre s'y attèlera.

I. ANALYSE DE L'EFFICACITE DANS LA MISE EN OEUVRE DU PPSAC AU CAMEROUN

Une analyse d'efficacité cherche en général à évaluer les résultats d'une intervention par rapport aux objectifs que l'on s'est fixés. On la désigne souvent sous le nom « d'évaluation des résultats ». Dans le cadre de l'étude que nous menons, nous procèderons d'abord à une analyse d'efficacité relativement à l'objectif de projet29(*)(OP) avant de poursuivre par celle relative l'objectif global (OG). Nous terminerons la section par une analyse comparative de l'efficacité entre les phases I et II du projet. Cela nous permettra de savoir laquelle des deux phases a été plus performante et si la différence de performance est significative.

I.1 Efficacité relativement à l'objectif spécifique du PPSAC

L'objectif spécifique du PPSAC est d'accroitre la disponibilité des préservatifs et d'induire un changement positif des comportements de certains groupes cibles. Six indicateurs permettent d'apprécier l'atteinte de cet objectif; ce sont principalement :

v IOP1 : La part des adultes de 15 à 49 ans qui déclarent avoir adopté un comportement à moindre risque ;

v IOP2 : Part des adultes dans la population générale disposant des connaissances correctes sur les possibilités de prévenir le VIH/SIDA ;

v IOP3 : Le nombre de préservatifs masculins vendus par les AMS ;

v IOP4 : La consommation moyenne de condoms masculins par tête d'habitant rapportée à la population générale (CMCTH2) ;

v IOP5 : Le pourcentage des adultes qui déclarent que les condoms sont toujours disponibles dans les points d'achats lorsqu'ils en ont besoin ;

v IOP6 : La part des personnes dans la population générale qui acceptent les personnes vivant avec le VIH et les OEV.

Le graphique suivant présente l'évolution de ces indicateurs entre 2006 et 2012. Il y apparait que les indicateurs IOP 5 relatif à la disponibilité des préservatifs et IOP 6 relatif à la tolérance envers les PVVIH ont enregistré une baisse sur la période considérée. Si celle de IOP 5 est moindre, la baisse enregistrée par l'indicateur de projet numéro six est relativement conséquente (de 12 % à 8 %). Les activités mises en oeuvre dans le cadre du PPSAC au Cameroun n'ont pas permis de rendre les populations plus tolérantes envers les PVVIH.

Figure 2: Evolution de certains indicateurs de projet entre 2006 et 2012

Source : Auteur

La proportion d'adultes qui déclarent avoir adopté un comportement à moindre risque est passée de 62,7 % en 2006 à près de 74 % en 2012. En termes réels cela représente plus d'un million de personnes qui ont adopté un comportement à moindre risque grâce aux activités du projet. Pour ce qui est de la part des adultes dans la population générale disposant des connaissances correctes sur la transmission du VIH/SIDA, celle-ci est passée de 35,6 % en 2006 à 41,3 % en 2012 ; cela correspond à plus 500 000 personnes touchées par le projet.

La consommation moyenne de condom par tête d'habitant est obtenue comme rapport entre le nombre de préservatifs vendus et la population adulte considérée. Ainsi, les variations de la CMCTH résultent majoritairement des variations dans les ventes de préservatifs. Par voie de conséquence nous axerons nos analyses uniquement sur les ventes de préservatifs.

La principale remarque qui se dégage du graphique suivant (Evolution des indicateurs de projet IOP 3 & IOP 4 quantitatifs entre 2006 et 2012) est celle d'une meilleure performance des ventes de préservatifs lors de la phase I du projet. En effet, les ventes de préservatif lors des trois premières années (de 2006 à 2008) s'établissent en moyenne autour de 26 millions de préservatifs par an.

Cette valeur est de l'ordre de 20 millions pour la seconde phase du projet. Dans l'ensemble, lors des sept années de mise en oeuvre du projet, 158 millions de préservatifs ont été vendus. Ce qui fait une moyenne de 22,6 millions de préservatifs vendus par an.

Figure 3: Evolution des indicateurs de projet (IOP 3& IOP 4) entre 2006 et 2012

Source : Auteur

 

Pour intéressant que les propos précédents puissent être, ils ne traitent pas la totalité du problème soulevé par la problématique d'étude de l'efficacité. Ils nous permettent d'apprécier l'évolution des indicateurs entre l'année de référence et l'année 2012 ; ce qui en soit est déjà louable. En effet, dans une telle configuration, une baisse de l'indicateur relativement à l'année de base doit être source d'interrogations. Mais qu'en est-il d'une hausse de l'indicateur comme c'est le cas pour IOP1 qui représente la part des adultes dans la population générale qui déclarent avoir adopté un comportement à moindre risque ? Le graphique précédent nous a, en effet permis d'apprécier son évolution significative, passant de 62,7 % en 2006 à près de 74 % en 2012.

Si l'efficacité décrit la réalisation des objectifs, c'est-à-dire la comparaison entre les objectifs fixés au départ et les résultats atteints en vue de mesurer l'écart et de les analyser, à côté de l'analyse de l'évolution des indicateurs, il faut adjoindre l'atteinte des objectifs relativement aux cibles préalablement établies.

C'est à cette analyse qu'est dédié le graphique ci-dessous. Il permet d'apprécier à quel degré l'objectif fixé au départ a été atteint ; c'est une mesure de l'effort consenti dans l'atteinte de l'objectif. C'est le rapport entre l'effort30(*) réel dans l'atteinte d'un objectif donné et l'effort ciblé lors de la planification du projet. Des valeurs négatives veulent simplement dire que la valeur de l'indicateur en 2012 est inférieure à la valeur de référence observée en 2006. A cet effet, on n'est donc pas surpris que les indicateurs IOP 5 et IOP 6 faisant référence respectivement à la perception de la disponibilité des préservatifs et à l'acceptation des PVVIH présentent un niveau d'atteinte négatif.

L'objectif relatif à l'adoption des comportements à moindre risque a plus qu'été atteint (113 % de niveau de réalisation). Une telle valeur peut signifier que les moyens mis en oeuvre ont permis d'atteindre un tel résultat. Il peut aussi signifier que la cible fixée pour IOP 1 était relativement basse. A cet effet, davantage de questions doivent être soulevées dans le sens du niveau adéquat de la cible pour cet indicateur dans les phases futures. D'autre part, le fait qu'IOP 1 soit plus qu'atteint peut être dû à un biais de construction. En effet, la formulation explicite de cet indicateur est la suivante : « La part des adultes de 15 à 49 ans qui déclarent avoir adopté un comportement à moindre risque » ; par comportement à risque on entend le fait d'avoir des relations sexuelles avec des professionnels du sexe, des rapports sexuels non protégés ou encore le fait d'avoir plusieurs partenaires sexuels. Cet indicateur touche un aspect tabou de la vie privée des individus et est purement déclaratif. Les personnes interviewées pourraient donc, pour renvoyer une bonne image, déformer les faits et de ce fait déclarer avoir adopté un comportement à moindre risque. Ainsi, avant d'émettre un quelconque jugement sur la performance du projet relativement à l'atteinte de cet objectif, il convient de s'assurer que les deux hypothèses majeures précédentes (cible trop basse et biais dans les réponses) soient écartées.

L'indicateur IOP 2, relatif à la connaissance des méthodes de prévention du VIH a été atteint à 90,31 %. Plusieurs initiatives sont mises en oeuvre pour améliorer la communication autour de la prévention du VIH. Cette communication se faisant souvent par le biais des médias. Il est de ce fait difficile d'isoler l'effet d'un projet par rapport à un autre. Ainsi, bien que cet objectif soit considérablement atteint, rien ne permet d'affirmer que c'est uniquement grâce aux efforts du PPSAC ou d'un autre projet oeuvrant dans le même domaine.

L'indicateur de projet n°3 fait référence au nombre de préservatifs masculins vendus par les AMS ; c'est l'indicateur phare du PPSAC. Il a été atteint à seulement 60 %. La cible poursuivie lors de la phase I du projet relativement à cet indicateur était de parvenir à vendre 90 millions de préservatifs. Seulement 78,9 millions de préservatifs ont été vendus lors de cette phase. L'objectif n'a été atteint qu'à 88 % lors de cette phase. Pour ce qui est de la phase II du projet, la cible pour l'IOP 3 était de parvenir à une vente 175 millions de préservatifs. Seulement 79 millions ont été vendus soit un taux de réalisation de 45 %. Si un jugement sur la performance globale du projet peut être émis, l'on doit se baser sur l'indicateur de projet n° 3. En effet, les activités de communication pour le changement de comportement sont intentées en vue d'entrainer l'adoption des comportements sexuels non risqués à l'instar desquels l'utilisation systématique du préservatif lors des rapports sexuels à risque. Une mauvaise performance relativement à cet indicateur peut traduire non seulement une faiblesse des outils marketing utilisés, mais aussi un échec dans l'objectif relatif au changement de comportement. En effet, en marketing social, l'achat d'un préservatif est un indicateur de changement comportemental.

Figure 4: Niveau d'atteinte des objectifs du projet

Source : Auteur

I.2 Efficacité relativement à l'objectif global du projet

L'objectif global du projet est la réduction de la propagation du VIH/SIDA. Le principal indicateur utilisé pour l'atteinte de cet objectif est le taux de nouvelles infections observées dans la population générale. En toute rigueur, dans la conduite d'une analyse coût efficacité, seuls le ou les objectifs de projet devraient être pris en compte. En effet, l'objectif global du projet permet d'apprécier son impact; et en général plusieurs projets concourent à la réalisation de cet objectif global. Cependant dans le cadre des projets et programmes de santé ; plus particulièrement dans le cadre des projets de prévention du VIH/SIDA, l'un des indicateurs généralement utilisés dans la conduite des analyses coûts efficacité est le nombre d'infections que l'action a permis d'éviter.

Par ailleurs, les associations de marketing social membres du réseau PSI reportent annuellement le nombre d'infections que leurs programmes ont permis d'éviter. Disposant de cette valeur, nous l'utiliserons donc dans le cadre de l'analyse de l'efficacité du projet.

Figure 5: Evolution des infections évitées grâce à l'action du PPSAC

Source : Auteur

Le graphique ci-dessus présente comment le nombre d'infections évitées grâce à l'action du PPSAC, a évolué pendant les sept années de mise en oeuvre du projet. Dans l'ensemble les activités du PPSAC ont permis d'éviter 22 443 infections soit 10 883 pendant la phase I et 11 560 pendant la phase II du projet. La valeur la plus élevée est enregistrée en 2011 avec près de 4200 infections à VIH évitées. Hors mis cette année, dans l'ensemble le nombre d'infections évitées par an lors de la phase II du projet est inférieur au nombre d'infections évitées par an pendant la première phase. Le nombre moyen d'infections évitées par an lors de la phase une du projet était de 3628 contre 2890 la phase II ; soit une baisse de près de 20 %.

Lors de la mise en oeuvre d'un projet, l'effet d'apprentissage peut conduire à être plus performant. En effet, lorsque les activités mises en oeuvre d'une période à une autre ne varient pas beaucoup, l'expérience acquise lors des premières années peut conduire à une mise en oeuvre plus efficace les années suivantes même si les moyens n'ont pas évolué. Le fait que le résultat final du projet ait baissé pendant la phase II relativement à la phase I du projet doit conduire à des interrogations surtout si les moyens ont doublé comme c'est le cas ici. Un questionnement particulier doit être soulevé sur le résultat de l'année 2011 ; en effet, celle-ci se présente comme une valeur aberrante au cours de la phase II. Des questions sur le « reporting » des données peuvent être ainsi soulevées. Le résultat de 2011 suscite davantage d'interrogations en ce sens que le projet a connu une rupture en approvisionnement entre novembre 2010 et février 2011.

I.3 Analyse comparative de l'efficacité entre les deux premières phases du PPSAC au Cameroun

Nous étudions ici l'efficacité comparée entre les Phases I et II du projet. Plus haut, nous avons déjà présenté la performance globale du projet relativement aux six indicateurs de projet. Ici nous voulons savoir si la mise en oeuvre du projet a été plus performante lors de la phase I que la phase II ou inversement. Pour y parvenir, il faut comparer le niveau d'atteinte des objectifs relativement aux cibles fixées pour chaque phase du projet. L'étude doit en toute rigueur se focaliser uniquement sur les six indicateurs spécifiques du projet. Cependant, pour renforcer la crédibilité des résultats obtenus, nous y avons adjoint certains indicateurs de résultat.

I.3.1 Analyse de la carte de performance comparée des phases I et II du PPSAC au Cameroun

Le graphique suivant présente la carte de performance comparée entre les deux premières phases du projet. En divisant la figure (à partir de la diagonale ascendante) en deux triangles, des points situés sur le triangle supérieur sont ceux où la mise en oeuvre du projet a été plus efficace lors de la phase II que de la phase I (les points bleus sur la figure) et inversement, les points situés sur le triangle inférieur sont ceux où la mise en oeuvre du projet a été plus performante pendant la phase I que la phase II (les points en rouge sur notre graphique). Pour huit des douze indicateurs choisis, la phase I a été plus performante que la phase II.

Figure 6: Carte de performance des Phases I et II du projet relativement à certains

Objectifs de projet et de résultat

Source : Auteur

Ce résultat est en cohérence avec les constatations précédentes sur le nombre d'infections évitées. En effet, on a aisément constaté que le résultat final du projet était plus faible lors de la phase II. En ce qui concerne les indicateurs IR1.3 (relatif à l'accessibilité en zone urbaine des préservatifs) et IR3.3 (relatif au retrait des résultats du test de dépistage) la performance de la phase II est plus élevée que celle de la phase I.

I.3.1 Evaluation de la significativité de la dominance de la phase I sur la phase II

Pour se prononcer sur la significativité de la dominance de la phase I du projet, nous utilisons ici le test des rangs signés de Wilcoxon. C'est un test non paramétrique utilisé sur des échantillons appariés. Par échantillon apparié, on entend échantillon où chaque observation est mesurée dans deux états différents. Dans le cas d'espèce, l'observation représente la valeur de l'indicateur choisi et les deux états sont la « phase I » et la « phase II » du projet. On utilise le test de Wilcoxon pour établir si un traitement est meilleur qu'un autre ; ici nous voulons savoir si la phase I a été dans l'ensemble plus performante que la phase II du projet. L'hypothèse principale du test est l'absence de différence entre les deux traitements observés. Notre test nous fournit une significativité de 3,8 %. Ainsi, au seuil de 5 % on rejette l'hypothèse principale selon laquelle les performances des deux phases sont égales. En effet, l'interprétation de la p-value est la suivante : on a 3,8 % de chances de rejeter l'hypothèse principale alors qu'elle est vraie (confère tableau 19 annexe). Comme cette valeur est inferieure au seuil d'erreur préalablement établi à savoir 5 %, on conclut au rejet de l'hypothèse principale. Ainsi la phase II31(*) est significativement moins performante que la phase I du projet.

I.4. Analyse conjointe des couts et des résultats du PPSAC au Cameroun

Dans les développements ci-dessous, nous commençons par l'analyse du rapport coût efficacité relativement à l'objectif spécifique du projet. Nous terminerons par une étude de la liaison entre les moyens mis en oeuvre et les résultats obtenus. Pour ce faire nous utiliserons un instrument d'analyse privilégié à cette circonstance à savoir la carte coût résultat.

I.4.1 Analyse du rapport coût efficacité relativement à l'objectif spécifique du projet

Dans nos précédents propos, nous avons présenté les six indicateurs de l'objectif spécifique du projet qui est d'accroitre la disponibilité des préservatifs et d'induire un changement positif des comportements de certains groupes cibles. Deux de ces indicateurs permettent d'apprécier le changement de comportement. Le premier est la part des adultes qui déclarent avoir adopté un comportement à moindre risque et le second est la part des adultes disposant des connaissances correctes sur la prévention du VIH/SIDA.

Figure 7: rapport coût efficacité relativement à certains indicateurs de projet

Source : Auteur

Les valeurs de ces indicateurs relatifs au changement de comportement sont obtenues à l'aide des deux enquêtes CAP. Il est de ce fait impossible pour nous d'apprécier l'évolution annuelle de ces indicateurs. Afin de déterminer le rapport coût efficacité de chacun de ces indicateurs, nous avons fait la différence entre leurs valeurs en 2012 et en 2006. Nous avons ensuite divisé le coût cumulé de la mise en oeuvre des activités du projet (sur la période 2006 à 2012) par le différentiel précédemment obtenu. Le résultat recherché n'est autre que l'inverse du ratio précédent.

Le graphique précédent présente les valeurs obtenues à cet effet. Il apparait qu'il coûte un peu plus de 12 000 F CFA pour amener un individu à adopter un comportement à moindre risque et plus du double pour lui faire acquérir une connaissance correcte sur le VIH/SIDA. Le PPSAC tel qu'il est mis en oeuvre au Cameroun nécessite deux fois plus d'argent pour faire acquérir des connaissances exactes sur la transmission du VIH que pour lui faire adopter un comportement à moindre risque.

La conclusion précédente doit être relativisée. En effet, ce n'est pas l'ensemble des ressources du projet qui sont allouées à la réalisation de chacun des objectifs précédents. Pour être davantage rigoureux, il aurait fallu ici utiliser les coûts relatifs à la mise en oeuvre des activités se rapportant spécifiquement à l'atteinte de chacun des objectifs précédents. Cependant, une telle ventilation n'a pas pu être mise à notre disposition malgré la bonne volonté des encadreurs.

I.4.2 Analyse de la relation coût efficacité relativement à l'objectif global du projet

Dans la première partie des développements suivants, nous nous attèlerons à présenter ce qu'on entend par la carte coût résultat et son mode d'interprétation. Suivra ensuite l'analyse de la liaison entre les moyens mis en oeuvre et les résultats obtenus.

a. Présentation et interprétation de la carte coût résultat

a.1. Présentation de la notion de carte coût résultat et mode d'interprétation

La carte coût résultat est une représentation graphique permettant d'apprécier conjointement les coûts et les résultats de plusieurs alternatives de mise en oeuvre d'un même programme ou alors, d'apprécier les coûts et les résultats de la mise en oeuvre d'un même programme dans des contextes différents. C'est une représentation en forme de nuage de points où l'on enregistre en abscisse, les coûts observés ( pour ce qui est des analyses rétrospectives) ou les coûts prévus ou planifiés (en ce qui concerne les analyses prospectives).

Figure 8: Carte coût (nominal), résultat du PPSAC pour les Phases I & II

Source : Auteur

En ordonnée, l'on enregistre les résultats de l'intervention considérée. Dans le cadre des analyses coûts efficacité menées dans le domaine de la santé, les résultats sont généralement exprimés en unités physiques naturelles ; ce qui n'est pas le cas des analyses coûts bénéfices où le résultat lui est exprimé en termes monétaires. L'indicateur de résultat final utilisé dans le projet PPSAC est le nombre d'infections à VIH évitées grâce aux activités menées par les AMS. C'est aussi l'indicateur généralement utilisé pour la plupart des projets de prévention du VIH/SIDA.

Soit deux points A et B situés sur le graphique ci-dessus. Pour l'interpréter, on procède comme suit. Si le point B est situé au même niveau horizontal que A mais à gauche de celui-ci, alors cela veut dire que pendant la période B, l'on a consommé moins de ressources pour produire un résultat identique que celui de la période A. Inversement, si B est situé à droite de A mais sur la même horizontale, cela traduira une utilisation supplémentaire de ressources pendant la période B.

De manière équivalente, pour deux points A et B situés sur la même verticale, si B est en dessous de A cela veut dire qu'à ressources consommées égales, le projet a produit davantage de résultats pendant la période A que B ; et inversement pour un point B situé au dessus de A sur la même verticale. Des quatre configurations précédentes, on peut généraliser à toute situation graphique qui se présente.

a.2. Interprétation de la carte coût résultat du PPSAC pour les phases I et II

Le graphique suivant permet d'apprécier l'évolution conjointe des coûts et des résultats du PPSAC au Cameroun entre 2006 et 2012. De prime à bord, nous pouvons constater que dans l'ensemble, les résultats de la mise en oeuvre du projet pendant la phase I (les points rouges sur le graphique) sont supérieurs à ceux-ci pendant la phase II du projet (les points en bleu). Il apparait aussi qu'en 2007, la mise en oeuvre du PPSAC a été plus performante qu'en 2006. Une situation similaire s'observe entre 2010 et 2011. L'observation du graphique permet en outre de faire un constat marquant. Les fins de phase enregistrent des coûts plus bas et sont en général aussi moins efficace que les années précédentes. Cela peut se justifier par les positions particulières des années 2008 et 2012 (nettement à gauche par rapport aux autres années).

Figure 9: Carte coût (réel), résultat du PPSAC au Cameroun pour les Phases I & II

 
 

Source : Auteur

Le graphique permet aussi de voir que l'année 2010 semble être la moins coût efficace. En effet, l'on y a utilisé près de 3,5 milliards de F CFA pour éviter 2268 infections à VIH moins qu'en 2009 où l'on a évité 2500 infections à VIH avec près de sept fois moins de ressources.

Le graphique à droite présente une situation agrégée pour les deux phases du projet. Il apparait que près de 4 milliards de F CFA ont permis d'éviter un peu moins 10 900 nouvelles infections pendant les trois premières années. De l'autre côté près de 9 milliards de F CFA ont permis d'éviter seulement un peu plus de 11 500 nouvelles infections. Ceci donne une élasticité du résultat par rapport au coût de 0,052. Autrement dit lorsque l'on double les ressources du projet c'est-à-dire lorsque les coûts varient de 100 %, le résultat en termes d'infections évitées lui n'évolue que de 5,2 %.

b. Etude de la relation entre le coût du PPSAC et son efficacité
b.1. Analyse de l'évolution du rapport coût efficacité du PPSAC.

Nous avons dit plus haut dans le document que les évaluations économiques en général et les analyses de type coût efficacité en particulier sont des outils d'aide à la prise de décision. Menées prospectivement, elles permettent de comparer une intervention donnée à d'autres alternatives possibles. Lorsque les évaluations de type coût efficacité sont menées rétrospectivement, l'objectif latent est celui de mesure de la performance dans la mise en oeuvre d'une d'intervention donnée. Dans l'une ou l'autre des situations, l'outil d'analyse principal est le ratio coût efficacité.

Le graphique ci-dessous présente le ratio coût efficacité du PPSAC au Cameroun entre 2006 et 2012. Il y apparait que cette quantité varie d'une période à l'autre. En début de phase, les valeurs du ratio coût efficacité sont relativement élevées. Celles-ci baissent considérablement au fur et à mesure que le projet s'exécute. On peut en outre constater que ces valeurs sont plus élevées lors de la phase II. A titre d'exemple, le ratio coût par infection évitée de l'année 2010 qui est de l'ordre de 1,5 million par infection à VIH évitée est pratiquement trois fois supérieur à celui obtenu en 2006.

Figure 10: Evolution du coût (en F CFA) par infection évitée du PPSAC de 2006 à 2012

Source : Auteur

En temps que ratio, la variabilité du rapport coût efficacité peut avoir deux sources. Lorsque le dénominateur (résultat) double par exemple, à coût inchangé, le ratio est divisé de moitié ; et inversement, si le numérateur (coût) double, à résultat inchangé, le ratio double lui aussi. Pour une période donnée, un ratio coût efficacité stable (relativement constant) laisse présager que les résultats de l'intervention sont sensibles aux moyens mis en oeuvre. En effet, compte tenu des explications précédentes, si le ratio est constant, cela veut dire que le numérateur et le dénominateur évoluent dans le même sens et dans des proportions similaires.

Les données du graphique précédent ne militent pas en faveur d'une stabilité du ratio coût efficacité. La valeur de ce ratio est nettement plus élevée pendant la phase II que la phase I. Les développements précédents relativement à l'analyse des coûts ont permis de remarquer que les coûts du PPSAC ont pratiquement doublé entre la phase I et II. Par ailleurs le résultat (en termes du nombre d'infections évitées) a relativement baissé à la phase II. L'effet combiné de ces deux variations justifie que le ratio coût efficacité soit plus élevé lors de la phase II. Le fait que le ratio ait nettement augmenté à la seconde phase du PPSAC au Cameroun traduit une gestion inefficiente. Les moyens ont augmenté mais les résultats eux ont baissé.

b.2. Etude de la liaison entre les coûts et le résultat du PPSAC au Cameroun

Notre préoccupation ici est l'étude d'une éventuelle liaison entre des catégories spécifiques de coût du projet et son résultat en termes d'infections à VIH évitées. Nous voulons savoir si des variations des résultats peuvent s'expliquer par des variations des coûts et si oui dans quelle proportion. Pour y parvenir, nous utiliserons le test du coefficient de corrélation de Spearman.

Le test de corrélation de Spearman permet de valider l'existence d'un lien entre deux variables. C'est un test non paramétrique et il constitue une alternative au test de corrélation de Pearson plus répandu. Dans sa mise en oeuvre on n'utilise pas les valeurs des observations mais leur rang. Ceci justifie que le coefficient de corrélation de Pearson soit aussi appelé coefficient de corrélation des rangs. L'interprétation de ce test est identique à celui de Pearson. Une valeur positive et proche de un traduit une forte liaison positive entre les deux variables. Cette liaison est significative si la significativité du test est inférieure à la valeur seuil qu'on a préalablement établie.

Le coefficient de corrélation donne la part des variations d'une variable donnée expliquée par les variations d'une autre. Par exemple, un coefficient de corrélation significatif de 0,9 entre deux variables A et B voudrait dire que 90 % des variations de A peuvent s'expliquer par des variations de B et inversement. Il convient lors de l'interprétation du coefficient de corrélation de ne pas le confondre avec un élément de causalité.

Nous avons présenté le test susmentionné comme un test non paramétrique. A la différence des tests paramétriques, les tests non paramétriques ne sont pas basés sur une loi de probabilité particulière. Ils sont recommandés lorsqu'on travaille avec des échantillons de faible taille ce qui est le cas ici (sept observations ; de 2006 à 2012). Notre analyse étant purement descriptive, nous ne nous attarderons pas trop sur le coefficient de significativité.

Tableau 5: résultats du test de corrélation entre le résultat (nombre d'infections évitées) et différentes catégories de coût

Coefficient de corrélation avec la variable "Coût réel"

0,036

Significativité du coefficient (P-value)

0,28

Conclusion du test (seuil 10 %)

Nettement non significative au seuil de 10 %

Coefficient de corrélation avec la variable "Coût de fonctionnement"

0,491

Significativité du coefficient (P-value)

0,039

Conclusion du test (seuil 10 %)

La corrélation est significative au seuil 10 %

Coefficient de corrélation avec la variable "Coût du personnel"

0,736

Significativité du coefficient (P-value)

0,0106

Conclusion du test (seuil 10 %)

La corrélation n'est pas significative au seuil de 10 %

Source : Auteur à l'aide des sorties du Progiciel SPSS

Le tableau ci-dessus présente les résultats du test de corrélation entre le résultat du projet et les moyens mis en oeuvre. La corrélation entre le coût total du projet et le résultat en termes d'infections évitées est faible et non significative. Ainsi, seulement 4 % des variations du « nombre d'infections évitées » s'expliquent par des variations du coût total du projet. Près de la moitié (soit 49,1 %) des variations du « nombre d'infections évitées » s'expliquent par des variations des dépenses de fonctionnement. Par ailleurs 73,6 % des variations du résultat final s'expliquent part des variations des dépenses du personnel. Ainsi, le résultat du projet est plus sensible aux variations du coût de fonctionnement et des dépenses de personnel que des coûts totaux du projet.

b.3. Analyse comparative du ratio coût par infection évitée entre les phases I et II du PPSAC au Cameroun

Le ratio coût efficacité diffère-t-il significativement entre les deux phases du projet ? C'est à cette question que nous voulons répondre dans cette section. Pour y parvenir nous utiliserons le test de Mann Whitney.

Le test non paramétrique de Mann-Whitney est utilisé pour comparer des échantillons de petite taille. Il permet d'estimer si deux échantillons suivent la même loi de probabilité ce qui revient souvent à se demander si ceux-ci proviennent de la même population. La taille minimale pour utiliser ce test est de 8 observations soit 4 par échantillon. Comme la plupart des tests non paramétrique, le test de Mann-Whitney utilise les rangs c'est-à-dire l'ordre d'apparition des observations des deux échantillons lorsqu'ils sont réunis et triés.

Tableau 6: résultats du test de Mann Whitney sur la différence du ratio coût par infection évitée

Sorties du test

Valeurs

Conclusion

Espérance du U de Mann Whitney

6

 

Variance du U de Mann Whitney

8

 

P-value du test unilatéral à gauche

0,11

On ne rejette pas l'hypothèse principale

P-value du test unilatéral à droite

0,03

On rejette l'hypothèse principale

P-value du test bilatéral

0,01

On rejette l'hypothèse principale

Valeur du seuil de signification (alpha)

0,05

 

Source : Auteur à l'aide des sorties du progiciel SPSS

Le tableau ci-dessus fournit les résultats des trois tests de Mann-Whitney réalisés. Le test unilatéral à gauche teste l'hypothèse selon laquelle le ratio coût par infection évitée de la phase I du projet est supérieur à celui de la phase II. Le test unilatéral à droite teste l'hypothèse selon laquelle le ratio coût par infection évitée pendant la phase II est supérieur à celui de la phase I. Enfin, le test bilatéral teste l'hypothèse selon laquelle les ratios des deux phases diffèrent significativement. Au vu de l'évidence apportée par les données à notre disposition, il apparait que pour le test unilatéral à droite et le test bilatéral, il existe une forte présomption contre l'hypothèse nulle selon laquelle le ratio coût efficacité ne diffère pas selon les phases. Ceci permet de conclure que le ratio coût efficacité du PPSAC est significativement32(*) plus élevé en phase I qu'en phase II.

I.5. Des éléments d'explication des résultats observés dans l'analyse précédente

Dans les lignes qui suivent, nous essayons de fournir certains éléments justifiant les constats précédents relatifs à la contre-performance observée dans la mise en oeuvre du projet. On fera allusion entre autres aux implications d'un choix inapproprié des indicateurs, une rupture en approvisionnement lors de la phase II du projet et aussi du processus de centralisation des projets de l'ACMS qui induit des distorsions dans la mise en oeuvre.

I.5.1. Quelques éléments de justification de la contre-performance enregistrée dans la lutte contre la stigmatisation et la discrimination des PVVIH

Dans la section relative à l'analyse de l'efficacité du PPSAC, il est apparu que, l'indicateur de projet ayant enregistré la contre-performance la plus élevée est l'indicateur IOP 6 faisant référence au pourcentage des personnes qui acceptent les PVVIH et OEV. Cet indicateur a en effet enregistré une baisse de 35 % ce qui veut simplement dire que la valeur de l'indicateur à la fin de la phase II en 2012 était de 35 % inferieure à sa valeur de référence en 2006. Plusieurs éléments peuvent être avancés pour expliquer cette situation ; parmi eux, le choix des indicateurs de résultat inapproprié, la concentration excessive sur des activités sans lien direct avec la planification de base et enfin le manque d'expérience des AMS en ce qui concerne le domaine de l'action systématique contre les méfaits de la stigmatisation et la discrimination des PVVIH.

Le choix d'indicateurs inappropriés pour mesurer la performance du résultat 3 du PPSAC apparait comme l'une des raisons justifiant la mauvaise performance qu'on y a observée. Le troisième résultat (R.3) a été défini comme « Les comportements tendant à la stigmatisation et à la marginalisation envers les PVVIH sont réduits». Au niveau de l'objectif de projet, un indicateur correspondant à ce résultat a été défini (IOP 6 : « Augmentation de la part des personnes au sein de la population générale qui acceptent les PVVIH/OEV »). Le rapport entre le résultat 3 à atteindre et les indicateurs y relatifs n'est pas toujours établi. Considérons à titre d'exemple l'indicateur IR3.2 (le nombre de personnes candidate au conseil de dépistage volontaire) ; l'intérêt ou le fait de se faire dépister n'indique pas forcement un changement de comportement positif en faveur des PVVIH. Moyennant certaines hypothèses, cela peut même cacher au contraire une attitude négative vis-à-vis des PVVIH. En effet, la communication autour du dépistage peut masquer l'envie inavoué de recenser l'ensemble des PVVIH en vue de mieux les discriminer. Outre l'indicateur IR3.2, l'indicateur relatif à l'adhésion aux associations de PVVIH (IR3.1) n'a qu'un lien très indirect avec des changements positifs dans le sens de la stigmatisation. En effet, beaucoup d'autres facteurs pourraient influencer l'adhésion à une association des PVVIH comme l'intérêt de recevoir un soutien nutritionnel.

La concentration excessive sur des activités sans lien direct avec la planification de base est l'autre raison qui pourrait être avancée pour justifier la contre contre-performance de l'indicateur IOP 6. En effet, les interventions de l'ACMS dans le cadre du PPSAC prévoient de contribuer à la mise en place des associations de PVVIH et de les accompagner à la vie associative, à la prévention des réinfections et à la vie positive. Ceci englobe une contribution du PPSAC à la prise en charge communautaire et nutritionnelle des PVVIH qui constitue une des huit activités maitresses du résultat 3. On constate cependant que la distribution de la Spiruline a pris des proportions très importantes. Pendant la phase deux du projet, des réflexions ont été menées en vue d'en faire une source de revenue pour les PVVIH ; et ce malgré l'absence d'évidence scientifique en faveur de son efficacité. La proportion prise par cette activité (distribution de la spiruline) est d'autant plus fâcheuse qu'elle manque de lien direct avec les objectifs du PPSAC.

Les activités de l'ACMS en particulier et des AMS en général sont traditionnellement centrées sur la prévention du VIH/SIDA (à travers la communication pour le changement de comportement et la vente des préservatifs), la lutte contre le paludisme et la santé de la reproduction. Le domaine de l'action systématique contre les méfaits de la stigmatisation et la discrimination est un champ d'action relativement nouveau pour l'ACMS. Ajouté à cette absence d'expérience des AMS, l'étroitesse des moyens alloués aux activités relatives à ce résultat dans le cadre du PPSAC ; en effet un peu moins 10 % des ressources du projet ont été allouées aux activités relatives au résultat 3 lors de la phase II du projet.

I.5.2. Une rupture d'approvisionnement en préservatifs qui a sapé les efforts de la phase II.

Une rupture en approvisionnement des pays en préservatifs a été observée dans l'ensemble de la sous-région couverte par le Projet PPSAC. Dans le cas du Cameroun, cette rupture s'est étalée entre novembre 2010 et février 2011, soit une période de quatre mois. Ceci a influencé l'atteinte des objectifs du projet. Le fonctionnement et les activités des AMS ont été énormément perturbés en termes de missions prévues. Cette rupture a en outre porté préjudice à l'image de l'ACMS ce qui a eu une répercussion sur ses autres activités menées notamment dans la lutte contre le paludisme et la planification familiale.

Parmi les causes de cet incident, l'on recense  le retard dans la livraison de certaines commandes par les fournisseurs, les difficultés liées au transport maritime (naufrage d'un bateau transportant une commande exceptionnelle) et même aérien des préservatifs. Toujours au nombre des causes de la rupture d'approvisionnement on recense une rupture de contrat pour cause de surenchère par le fournisseur IDA.

Trois indicateurs de projets (IOP3 ; IOP4 ; IOP5) ont été particulièrement affectés par la disponibilité des préservatifs. Ce sont respectivement le nombre de préservatifs masculins vendus par les AMS, la consommation moyenne de condom par tête d'habitant, et la proportion des jeunes qui estiment que les condoms sont disponibles quand ils en ont besoin. En effet, l'évolution positive de ces indicateurs est largement tributaire de la disponibilité des préservatifs. Une rupture comme celle qui a été observée justifie ; du moins en partie l'absence de performance relative à ces indicateurs.

La rupture qu'a connue le PPSAC en préservatifs masculins a modifié les habitudes d'achat chez les grossistes et semi-grossistes qui s'approvisionnaient traditionnellement auprès de l'ACMS. Les parts de marché que ces nouveaux produits ont gagné a eu des répercussions sur les habitudes de consommation des populations avec tous les risques que cela comporte (en effet, la plupart des préservatifs de substitution observé sur le marché pendant la période de rupture n'était ni testé ni homologué).

En plus d'être de qualité douteuse, ces préservatifs étaient plus coûteux que ceux vendus par l'ACMS ce qui a compromis leur accessibilité financière. La répercussion de ce coût prohibitif a été entre autres l'adoption de comportement à risque. En effet, une étude33(*) menée par la coordination du PPSAC a révélé que certains individus utilisaient alternativement des sachets en plastique comme moyen de protection. Dans certains cas extrêmes, la cherté des nouveaux préservatifs sur le marché a justifié leur non utilisation.

I.5 .3. La centralisation des projets qui induit des déformations et des ajustements dans la mise en oeuvre

L'ACMS a été présenté comme le maître d'oeuvre du PPSAC au Cameroun. C'est cette structure qui est chargée d'implémenter le projet sur le terrain. A cet effet, un contrat de services a été signé entre l'OCEAC le maitre d'ouvrage du projet et ladite structure. Mais, l'ACMS n'a pas à sa charge uniquement la mise oeuvre du PPSAC. Tout comme l'OCEAC, beaucoup d'autres institutions et Partenaires Techniques et Financiers (PTF) ont paraphé des accords avec elle. C'est le cas par exemple du Fonds mondial (Round 9) qui lui confié la mise en oeuvre de la lutte contre le paludisme aux côtés du Programme National de Lutte contre le Paludisme (PNLP).

Dans le domaine de la lutte contre le VIH/SIDA, deux autres projets sont mis en oeuvre par l'ACMS. Il s'agit notamment du projet d'Accès Universel au Préservatif Féminin (UAFC) qui a pour but de réduire le nombre de nouvelles infections à VIH, le nombre de grossesses non désirées et d'élargir l'offre en matière de contraceptif au Cameroun ; sa cible principale étant les femmes de 15 à 49 ans. L'autre projet visant la lutte contre le VIH/SIDA est le projet CAS-Cameroun (CAS étant mis pour Coup d'Arrêt SIDA) ; celui-ci vise la prévention du VIH/SIDA auprès des hommes en tenue. Toutefois, des dires des responsables de l'ACMS, le budget du PPSAC représente en général plus de 80 % de l'enveloppe consacrée à la lutte contre le VIH/SIDA.

Disposant d'un vaste portefeuille de projets à mettre en oeuvre, l'ACMS est souvent tentée de procéder à des ajustements dans la mise en oeuvre en vue d'optimiser ses déplacements sur le terrain. La quête de cette optimisation se fait souvent au détriment de l'exécution normale de certains projets. Par exemple, si l'on considère le résultat 2 du PPSAC qui vise la promotion des comportements à moindre risque, trois des huit indicateurs utilisés pour appréhender ce résultat font référence à la santé sexuelle de reproduction. C'est le cas par exemple de IR2.6 (le pourcentage des femmes en âge de procréer qui connaissent au moins trois méthodes contraceptives), IR2.7 (le pourcentage des femmes en âge de procréer ayant utilisé une méthode contraceptive au cours d'une période donnée) et enfin IR2.8 (le pourcentage d'hommes ayant accepté la pratique de la planification familiale). Le souci avec le PPSAC c'est qu'il ne permet pas d'approvisionner en contraceptifs autres que les préservatifs masculins. Ainsi, le PPSAC mesure des activités qu'il ne réalise pas.

Sur le terrain, un projet (Pro Fam) financé par l'USAID est lui chargée de promouvoir l'utilisation des différents contraceptifs auprès des adultes en âge de procréer. Les résultats atteints par ce projet sont généralement imputés au PPSAC. Par ailleurs des ajustements de planning sont souvent observés entre les activités du PPSAC et celles du projet Pro Fam.

II. MONÉTISATION DES BÉNÉFICES ET INTERPRÉTATIONS

Dans l'introduction de notre étude, nous avons identifié au nombre des objectifs spécifiques, le besoin de donner une valeur monétaire au bénéfice procuré par le projet que nous étudions en l'occurrence le PPSAC. Le bénéfice pour nous fait référence au nombre d'infections à VIH que l'action de prévention menée dans le cadre du projet a permis d'éviter. Nous avons entre autres souligné l'intérêt de cette mesure par le fait qu'elle fournit une estimation des sommes que le projet a permis d'économiser grâce à ses activités de prévention. Une valeur qui revêt une importance capitale dans le contexte général marqué par l'insuffisance des ressources allouées à la lutte contre la maladie. Plus encore, le contexte de l'épidémie au Cameroun marqué par une faible couverture en traitement antirétroviraux confère à cette valeur davantage d'importance.

II.1. Paramètres utilisés pour l'estimation et hypothèses sous-jacentes

Trois paramètres ont été retenus ici ; il s'agit du coût annuel de prise en charge de l'infection, la durée de vie moyenne de la personne infectée et enfin et le taux d'actualisation

II.1.1 Coût annuel de la prise en charge d'une infection à VIH (CA)

La prise en charge globale d'une infection à VIH constitue un coût avec plusieurs composantes. La première qui semble la plus triviale et la plus connue de tous est la prise en charge médicale. Celle-ci comporte l'offre du traitement antirétroviral, le traitement des infections opportunistes et des coinfections que sont la tuberculose, et les hépatites virales ; pour ne citer que ceux-là. A côté de ces coûts, il faut ajouter ceux liés à la prestation de service du personnel de santé notamment pour ce qui est de l'aide à l'observance du traitement.

En sus de la prise en charge médicale, l'on a la prise en charge psychologique et sociale. Elle vise l'amélioration de la qualité de vie des PVVIH et est basée principalement sur l'écoute et le conseil. C'est le fait principal des travailleurs sociaux, des psychologues et des associations communautaires. La prise en charge psychosociale comporte entre autres, l'éducation thérapeutique, les conseils nutritionnels, et le soutien à la réinsertion professionnelle.

Ainsi, imputer une valeur à la prise en charge globale de l'infection à VIH revient à sommer les coûts de ses différentes composantes ce qui n'est pas toujours chose facile. En effet, les valeurs peuvent varier d'un projet à un autre et d'une localité à une autre. Par ailleurs lesdites valeurs peuvent évoluer dans le temps. Pour les besoins de notre étude, nous sommes toutefois obligés de proposer une valeur à la prise en charge globale de l'infection à VIH.

Dans le premier chapitre de ce document, nous avons présenté le Fonds mondial comme le principal pourvoyeur d'aide dans la lutte contre le VIH/SIDA. Une estimation (qui nous semble fiable) de la valeur monétaire de la prise en charge globale d'une infection à VIH dans un pays donné serait donné par le rapport entre les ressources engagées par le fonds mondial dans ce pays spécifique, divisé par le nombre de personnes couvertes et ce pour un intervalle de temps donné (par exemple l'année). Une telle donnée n'a pas pu être mise à notre disposition. A la place, nous avons utilisé une estimation donnée dans un rapport de l'International Civil Society Support (« Coût de l'Inaction », 2013). Dans ce rapport, sur la base d'études antérieures menées dans ce domaine34(*), les auteurs estiment à 515 dollars US le coût annuel agrégé de prise en charge globale d'une infection à VIH. Avec un taux de change moyen pour l'année 2013 de 1 dollar valant 483,8 FCFA on estime ce coût annuel à près de 249 200 FCFA. Ainsi nous estimons à 249 200 F CFA le coût annuel d'infection à VIH selon la perspective des financeurs notamment le fonds mondial. Reste maintenant à donner une certaine projection de cette dépense.

Le coût précédemment calculé est le coût uniquement pour une année en l'occurrence l'année 2013 puisque c'est la date à laquelle le rapport a été rédigé. Le coût sur la durée de vie de la personne infectée est obtenu comme le total des différents coûts annuels. Mais quelle valeur imputer aux années autres que 2013. Dans le cadre de notre étude, nous formulons l'hypothèse suivante.

L'hypothèse précédente est un peu limitative. En effet, le coût de la prise en charge de l'infection est sujet à des variations dans le temps. Celui-ci peut évoluer avec le niveau d'inflation qui se répercutera sur la rémunération du personnel engagé dans les projets concernés. Modéliser les différentes dynamiques auxquelles ce coût peut être sujet est une tâche fastidieuse et dont l'intérêt déborde largement le cadre de ce document ; c'est ce qui justifie l'hypothèse que nous avons formulé plus haut.

II.1.2 Durée de vie moyenne d'une personne infectée

Après avoir estimé le coût annuel moyen de la prise en charge d'une infection à VIH et postulé sa constance dans le temps, nous devons maintenant fournir une estimation de la période de temps pendant laquelle ce coût sera encouru. Ceci est donné par la durée de vie moyenne d'une personne infectée. Cette durée de vie moyenne est obtenue comme la différence entre l'âge moyen de décès d'une personne infectée et l'âge moyen auquel il contracte la maladie.

Pour obtenir l'âge moyen de contraction d'une nouvelle infection à VIH pour la période 2006 à 2012, on doit en toute rigueur se baser sur la distribution par âge des nouvelles infections pour ladite période et calculer pour chacune des sept années, l'âge moyen des nouvelles infections. Ne disposant pas de telles données, nous nous baserons sur les données de la distribution de la prévalence de la maladie selon l'Enquête Démographique et de Santé 2011.

Le tableau ci-dessous présente la prévalence absolue de l'infection à VIH par groupe d'âge. Elle fournit une base pour le calcul de l'âge moyen de contraction d'une nouvelle infection. Les calculs effectués nous permettent d'obtenir la valeur de 28 ans comme l'âge moyen de contraction d'une nouvelle infection. Pour être plus réaliste nous ajouterons un délai d'un an et demi pour la détection et la mise sous traitement. L'âge effectif moyen de début de traitement sera établi à 30 ans.

Tableau 7: Estimation de l'âge moyen de contraction d'une infection à VIH

Groupe d'âge

Centre de la classe

Nombre de personnes infectées dans la classe d'âge

15-19

17,5

3198

20-24

22,5

2672

25-29

27,5

2295

30-34

32,5

1710

35-39

37,5

1493

40-44

42,5

1158

45-49

47,5

976

Age moyen de contraction de la maladie

28,61

Source : EDS 2011

Ayant estimé l'âge moyen de contraction de la maladie (majoré d'un délai pour le diagnostic et la mise sous traitement), nous avons à présent besoin d'estimer l'âge moyen de décès d'une personne infectée pour parvenir à calculer la durée de vie moyenne d'une personne infectée.

Notre étude s'inscrit dans un contexte de détection rapide de l'infection et de mise sous traitement immédiate. Dans un tel contexte, la littérature fait état de ce que l'espérance de vie d'une PVVIH est presque normale. En effet, mis sous traitement très tôt, une personne atteinte par le VIH peut vivre aussi longtemps que cela est possible. Pour l'étude que nous menons ici, l'âge moyen décès d'une personne infectée est donc assimilable à l'âge moyen de décès de tout autre individu et est fourni par l'espérance de vie à la naissance du pays considéré. Ceci nous conduit donc à formuler la seconde hypothèse suivante pour notre estimation.

En utilisant les données de la Banque Mondiale35(*), on obtient une valeur de 53,37 ans comme espérance de vie moyenne sur la période 2006 à 2012. Par voie de conséquence, la durée de vie moyenne d'une personne infectée est donc égale à 25 ans.

II.1.3 Détermination du taux d'actualisation

En estimant la valeur monétaire du bénéfice procuré par le PPSAC, nous devrons calculer la valeur présente d'une suite de dépenses encourues pour prendre en charge une infection sur la durée de vie du porteur de la maladie. Ce calcul nécessite que l'on utilise un taux d'actualisation. Selon le domaine, la période considérée et le pays, ce taux d'actualisation peut varier. Dans le secteur de la santé, le taux d'actualisation généralement utilisé dans les analyses coût efficacité est de 3,6 %36(*). D'autre part, sur la période considérée, le taux d'intérêt du marché bancaire s'établissait en moyenne à 4,4 %37(*) au Cameroun sur la période considérée. Par conséquent, nous considérons que le taux d'actualisation variera dans cette plage.

II.1.4 Prise en compte de l'incertitude dans l'analyse

Dans les développements précédents, nous avons fourni les valeurs des paramètres qui nous servirons à modéliser la valeur monétaire du bénéfice final du PPSAC. Pour obtenir les valeurs de nos paramètres nous avons recouru à des choix (motivés) entre plusieurs valeurs possibles. Utiliser uniquement une valeur revient à étriquer la réalité. En effet, l'occurrence des valeurs non choisies est tout aussi possible. Par exemple en ce qui concerne la durée de vie d'une personne vivant avec le VIH (mise sur traitement à temps), nous avons postulé que celle-ci est de 25 ans. Cependant, cette valeur est susceptible de varier d'un groupe de la population à un autre (entre les hommes et les femmes par exemple). Une analyse d'incertitude permet donc de prendre en compte une plus large gamme de valeurs pour mieux refléter la réalité. L'analyse d'incertitude procède par plusieurs étapes.

Il faut d'abord expliciter une densité de probabilité pour chaque paramètre considéré dorénavant comme incertain. Plusieurs lois existent cependant, dans le cadre de notre étude, nous n'avons eu aucune information sur la distribution de probabilité de l'un ou l'autre des paramètres. Dans ce cas, la littérature38(*) recommande d'utiliser une loi de distribution uniforme variant de plus ou moins 10 % autour de la valeur centrale. Le tableau ci-dessous présente la distribution de probabilité que nous avons postulée pour chacun des trois paramètres et les plages minimum et maximum correspondantes.

Tableau 8: Distribution de probabilité des différents paramètres utilisés

 
 

Distribution

Plage

 
 

Minimum

Maximum

Paramètre

Coût annuel de prise en charge d'une infection à VIH (F CFA)

uniforme

224 280

274 120

Durée de vie moyenne d'une personne infectée (années)

uniforme

22

28

Taux d'actualisation (%)

uniforme

3,6

4,4

Source : Auteur

II.2. Estimation du coût (sur la durée de vie) d'une infection à VIH

Nous commençons par la présentation de la formule de calcul s'en suivra par la suite le calcul de la distribution du « coût à vie » d'une infection à VIH proprement dite.

II.2.1 La formule générale de calcul

Nous nous trouvons ici dans une situation où il faut estimer le « coût à vie »39(*) d'une infection à VIH. Nous avons fait l'hypothèse de constance des dépenses de prise en charge globale de l'infection. Ainsi, déterminer la valeur actuelle du « coût à vie » de l'infection revient à déterminer la valeur actuelle d'une suite d'annuités constantes (les annuités ici sont représentées par les dépenses annuelles globales de prise en charge de l'infection) sur une période (ici la durée de vie moyenne de la personne infectée). La formule de la valeur actuelle d'une suite d'annuités constantes « a », sur une période « n » est donnée par la formule ci-dessous.

II.2.2 Calcul de la distribution du « coût à vie » d'une infection et interprétation

L'analyse s'effectue dans un environnement incertain où les différents paramètres peuvent uniformément varier dans les plages spécifiées dans un tableau plus haut. Dans ce contexte le résultat (coût à vie d'une infection à VIH) apparait comme une variable aléatoire suivant une distribution donnée.

Concrètement, le calcul s'effectue à l'aide d'un échantillon de 1000 observations générées aléatoirement selon la loi suivie par chaque paramètre (en l'occurrence la loi uniforme ici). Le tableau ci-dessous est une troncature aux dix premières observations du résultat des simulations faites. Il y a apparait par exemple que la première simulation a donné un coût annuel global de prise en charge de 243 781 F CFA, légèrement inférieur à la valeur moyenne qui elle est de 249 200 F CFA. Cette simulation a en outre fourni une durée de vie moyenne de la personne infectée de 26,22 ans (légèrement supérieur à la valeur moyenne de 25 ans) et un taux d'actualisation de 3,78 %. Ce premier scénario permet d'estimer à 4 012 377 F CFA le coût à vie d'une personne infectée par le VIH.

Tableau 9: Troncature du tableau de simulation des données

N° observation

Coût annuel moyen de prise en charge d'une infection à VIH (F CFA)

Durée de vie moyenne d'une personne infectée (années)

Taux d'actualisation

Coût à vie d'une infection à VIH

( F CFA)

1

243 781

26,22

0,0378

4 012 377

2

262 682

26,11

0,0392

4 246 552

3

243 214

25,51

0,0435

3 705 340

4

249 862

22,24

0,0412

3 594 628

5

230 276

25,87

0,0402

3 663 391

6

229 331

22,51

0,0390

3 395 294

7

263 185

22,07

0,0390

3 848 700

8

238 707

27,91

0,0386

4 034 980

9

243 336

26,96

0,0379

4 063 110

10

272 496

24,61

0,0419

4 134 848

Source : auteur

Pour les 1 000 observations correspondant chacune à un scénario plausible de la réalité, nous avons obtenu une valeur du « coût à vie » d'une infection à VIH. Les histogrammes (simple et cumulé) de la distribution de probabilité du coût à vie d'une infection à VIH sont donnés dans le graphique suivant.

Figure 11: Histogramme simple et cumulé de la distribution du « coût à vie » d'une infection

 
 

Source : Auteur

Il y apparait par exemple que, l'on a 31,1 % de chances d'obtenir un coût à vie d'une infection à VIH inférieur ou égal à 3 720 000 F CFA. Ou d'autre part que l'on a 90 % de chances que ce coût soit inférieur à 4 260 000 F CFA. Par ailleurs, les calculs effectués sur notre échantillon permettent d'établir la valeur moyenne du coût à vie d'une infection à 3 873 287 F CFA compte tenu des 1000 scenarii. D'autre part, on a 95 % de chances que cette valeur soit comprise entre 3 855 302 F CFA et 3 891 272 F CFA.

II.3. Valeur monétaire du bénéfice procuré par le PPSAC au Cameroun et interprétation

II.3.1 Interprétation générale de la valeur monétaire du bénéfice procuré par le PPSAC

La principale difficulté était d'obtenir le coût à vie d'une infection à VIH. Une fois fait, la valeur monétaire du bénéfice procuré par le PPSAC au Cameroun n'est autre que le coût à vie d'une infection multiplié par le nombre d'infections évitées. C'est ainsi qu'on estime par exemple à près de 13 milliards de F CFA, le bénéfice procuré par le PPSAC au Cameroun en 2006 et à 42 milliards de F CFA ce bénéfice pour l'ensemble de la phase II. Le tableau ci-dessous nous permet d'apprécier l'ensemble des valeurs pour les sept années correspondant aux phases I et II.

Tableau 10: Estimation du bénéfice (en termes monétaire) du PPSAC au Cameroun

Phase

Année

Coût annuel (milliers de F CFA)

Bénéfice (en F CFA) du projet

Moyenne

Minimum

Maximum

Phase I

2006

1 753 483

13 083 963 486

13 023 210 156

13 144 716 816

Phase I

2007

1 750 706

14 548 065 972

14 480 514 312

14 615 617 632

Phase I

2008

543 792

14 520 952 963

14 453 527 198

14 588 378 728

Total Phase I

 

4 060 183

42 152 982 421

41 957 251 666

42 348 713 176

Phase II

2009

668 703

9 923 361 294

9 877 283 724

9 969 438 864

Phase II

2010

3 312 596

8 784 614 916

8 743 824 936

8 825 404 896

Phase II

2011

3 988 434

16 229 072 530

16 153 715 380

16 304 429 680

Phase II

2012

919 697

9 838 148 980

9 792 467 080

9 883 830 880

Total Phase II

 

8 883 340

44 775 197 720

44 567 291 120

44 983 104 320

Source : Auteur

L'interprétation de ces valeurs est simple. En ce qui concerne l'année 2010, on peut dire que les activités mises en oeuvre par le PPSAC ont permis d'économiser 8 784 614 916 F CFA en termes de dépenses de prise en charge globale d'infections qui seraient apparues si le projet n'était pas mis en oeuvre. Par ailleurs on peut dire qu'on a 95 % de chances que cette valeur ait été comprise entre 8 743 824 936 F CFA et 8 825 404 896 F CFA. Pour les deux premières phases qui faisaient l'objet de notre analyse, on estime à 86 928 180 141 F CFA le bénéfice du projet en termes de sommes économisées grâce aux infections évitées.

II.3.2 Interprétation du rapport bénéfice par coût investi

La présentation du bénéfice monétaire du PPSAC permet de quantifier l'utilité du projet pour la communauté, plus particulièrement pour les bailleurs engagés dans le financement des projets de prise en charge de PVVIH. Cependant, pour davantage mettre l'accent sur la performance du projet, nous devons rapporter ce bénéfice monétaire au coût du projet. Le graphique suivant présente à cet effet l'évolution du ratio bénéfice par coût investi pendant les deux premières phases.

Il y apparait par exemple qu'investir un franc dans le PPSAC pendant la première phase permettait d'économiser 10,83 F CFA en termes de dépenses de prise en charge d'infections qui seraient apparues en l'absence du projet. Pour l'ensemble des phases I et II, le rapport s'établit à 6,72 F CFA autrement dit, à chaque franc CFA que l'on a investi pendant ces deux phases, on a économisé en moyenne 7 F CFA en termes de dépenses futures de prise en charge d'infections.

Figure 12: Rapport coût bénéfice du PPSAC au Cameroun pour les phases I et II

Source : Auteur

Le graphique permet aussi d'apprécier que, le bénéfice procuré par le PPSAC pendant la phase I ( 10,38 F CFA pour 1 F CFA investi dans le projet ) est plus élevé que celui procuré pendant la phase II (6,72 F CFA pour 1 F CFA investi dans le projet). Ce résultat n'a rien de surprenant, il épouse simplement les constats faits lors de l'analyse de l'efficacité du PPSAC. Il nous est apparu dans cette section que la phase I était plus performante que la phase II. Or la valeur monétaire du bénéfice s'obtient comme le produit de la valeur à vie d'une infection par le nombre d'infections évitées (indicateur d'efficacité que nous avons utilisé).

II.3.3 Implication de la faible performance de la phase II

L'analyse comparative de l'efficacité entre les phases I et II du PPSAC a mis en évidence une nette contre-performance de la phase II du projet relativement aux ressources qui y ont été consacrées. Possédant la valeur monétaire du bénéfice procuré par le projet, nous nous essayons ici à quantifier les implications de cette contre-performance. Le tableau suivant fournit les éléments d'une telle analyse. Il confronte le bénéfice consécutif au résultat attendu avec la valeur de ce même bénéfice pour le résultat réellement observé. Par résultat attendu, on entend le résultat que l'on observerait si le rapport coût efficacité restait constant entre les deux phases. Cela suppose une relation linéaire entre les coûts et les résultats. Dans ce cas, la phase II aurait permis d'éviter un peu moins de 24 000 nouvelles infections à VIH ce qui correspond à près de 100 milliards de F CFA de ressources qui seraient économisées dans la prise en charge des infections. Cependant, dans les faits, la phase II du projet n'a permis que d'éviter près de 11 000 nouvelles infections à VIH correspondant à un bénéfice de près de 45 milliards de F CFA.

Tableau 11: implication monétaire de la contre performance de la phase II

Type de résultat (en termes d'infections évitées)

Valeur

Bénéfice monétaire (en F CFA) correspondant

Résultat attendu de la phase II conformément au résultat de la phase I

23 811

97 964 001 921

Résultat observé pendant la phase II

10 883

44 775 197 720

Ecart absolu du bénéfice

- 53 188 804 201,43

Ecart relatif du bénéfice

- 118,79

Source : auteur

La contre-performance de la phase II du projet se traduit par une diminution de plus de 53 milliards du bénéfice attendu du projet en valeur absolu et près de 119 % en valeur relative. Il est aisé de constater que les effets négatifs de la contre-performance de cette phase surpassent les effets positifs réellement observés.

II.3.4 Appréciation du soutien du PPSAC à l'allègement du besoin de financement de la prise en charge des PVVIH : Cas de l'année 2010

Dans le premier chapitre de ce document relatif aux besoins de financements et enjeux de la lutte contre l'épidémie au Cameroun, les analyses nous ont permis de constater que le pays fait face, à un déficit de financement en ce qui concerne la prise en charge des PVVIH ce qui se traduit par une faible couverture en traitement. Ici, nous essayons de quantifier contribution du PPSAC dans l'allègement des besoins en financement pour la prise en charge des PVVIH.

Selon le rapport 2013 du CNLS sur l'estimation des ressources et des dépenses dans la lutte contre le SIDA au Cameroun, on évaluait à près de 55 milliards de F CFA, les fonds requis pour le traitement, les soins et le soutien liés au VIH en 2010. Par ailleurs, conformément à la méthodologie adoptée plus haut, nous estimons à près de 3,3 milliards de F CFA, le montant du bénéfice procuré par le PPSAC en termes de dépenses économisées pour la prise en charge de potentielles nouvelles infections. Cette valeur s'obtient simplement comme le produit du nombre cumulé d'infections évitées grâce au PPSAC entre 2006 et 2009 (soit 13 445 infections), par le coût annuel moyen d'une infection à VIH en l'occurrence 243 200 F CFA.

Tableau 12: contribution du PPSAC à l'allègement des dépenses

de prise en charge des PVVIH en 2010

Fonds requis pour la prise en charge des PVVIH (milliards de F CFA)

55

Bénéfice cumulé du PPSAC en termes de dépenses évitées (milliards de F CFA)

3,3

Fonds potentiellement requis en l'absence du PPSAC (milliards de F CFA)

58,3

Contribution potentielle du PPSAC (%) à l'allègement des dépenses de prise en charge des PVVIH

5,50%

Source : Auteur

Par conséquent, toutes choses égales par ailleurs, les fonds qui seraient requis pour la prise en charge des PVVIH en l'absence du soutien du PPSAC s'élèveraient à environ 58,3 milliards de F CFA. De ce fait, le PPSAC a contribué à alléger de près de 5,5 % les dépenses requises pour la prise en charge des personnes vivant avec le VIH cette année là.

LIMITES ET RECOMMANDATIONS

1. LIMITES DE L'ÉTUDE

La présente étude relative à l'évaluation coût efficacité du PPSAC au Cameroun a pu être menée à terme et nous a fourni des éléments de performance sur le projet ce qui correspondait effectivement aux objectifs que nous nous sommes fixés au début. Cependant, bien que nous ayons atteint nos objectifs, on ne peut pas prétendre que l'étude que nous avons menée soit exempte de tout défaut. La probité intellectuelle nous oblige donc à présenter certains manquements de l'étude ; des manquements qui pourraient alimenter des recherches similaires dans l'avenir.

1.1. Absence de référence externe pour comparer l'efficacité du PPSAC

Lors de la définition des concepts clé de l'étude, nous avons présenté les évaluations cout-efficacité comme des types particuliers d'évaluations économiques complètes. Nous avons dit que celles-ci (les évaluations économiques complètes) sont généralement utilisées comme des outils d'aide à la décision permettant d'affecter les ressources à un usage plus judicieux. C'est en fait l'usage général des évaluations économiques lorsqu'elles sont menées prospectivement. Nous avons par ailleurs spécifié que, menées rétrospectivement, (comme c'est le cas dans cette étude) les évaluations coût-efficacité permettent d'appréhender la performance dans la mise en oeuvre d'une intervention. Nous avons pu en effet apprécier la performance dans la mise en oeuvre du PPSAC pendant les phases I et II et, lorsque cela était nécessaire, nous avons fourni des éléments d'explication de la contre-performance observée. Cependant, l'absence d'une référence externe pour comparer l'efficacité du PPSAC nous met dans l'incapacité d'isoler l'effet des éléments que nous avons présenté comme des sources de la contre-performance du manque d'expertise des responsables du projet.

En effet, pour être exhaustif, il aurait fallu pour nous comparer le rapport coût efficacité du PPSAC au Cameroun à celui de projets similaires menés dans le même le contexte. Nous pensons particulièrement aux autres pays de la CEMAC couverts par le PPSAC à l'instar du Tchad et de la RCA, ou tout autre projet visant la prévention du VIH/SIDA et mis en oeuvre par l'ACMS. De telles données auraient permis d'apprécier à quel point le rapport coût efficacité du PPSAC au Cameroun s'écarte (ou se rapproche) des autres ; et serait une source d'information très riche pour ce qui concerne la manière dont le projet est piloté.

1.2. Le choix des coûts dans le calcul de certains rapports coût-efficacité

Dans le chapitre quatre, nous avons calculé le rapport cout-efficacité du PPSAC au Cameroun, relativement aux indicateurs de l'objectif spécifique du projet. Concrètement, nous avons calculé le coût par comportement à moindre risque adopté et le coût par connaissance correcte sur la prévention du VIH acquise. Ces valeurs étaient respectivement de 12 267 F CFA et 24 103 F CFA. Pour plus d'exactitude dans le calcul de ces valeurs, il aurait fallu utiliser le coût des ressources spécifiques allouées à la mise en oeuvre des activités se rapportant à ces objectifs. A la place, nous avons utilisé l'ensemble des ressources du projet ; ce qui en soit induit un biais. Toutefois, sans trop vouloir nous justifier, il convient de signaler que pareille méthodologie est employée par l'ONUSIDA pour simuler l'impact des programmes de prévention du VIH/SIDA. L'argument majeur avancé pour un tel choix est l'absence de preuves scientifiques établissant une relation de cause à effet entre une action menée et un résultat bien défini. Par exemple des activités menées dans le sens de l'amélioration de la connaissance de la maladie peuvent entrainer l'adoption d'un comportement à moindre risque.

1.3. Le calcul de l'âge moyen de survenu d'une infection dans l'estimation du « coût à vie » d'une infection à VIH

Dans l'estimation du coût à vie d'une infection à VIH, nous avons été amenés à calculer la durée de vie moyenne d'une personne infectée. Celle-ci n'était autre que la différence entre l'âge moyen de décès d'une personne infectée et l'âge moyen de contraction de la maladie. La méthodologie utilisée pour estimer l'âge moyen de contraction de la maladie souffre d'une certaine faiblesse. En effet, pour y parvenir, nous avons utilisé la distribution de la prévalence du VIH/SIDA par classe d'âge selon les données de l'EDS 2011. Pour davantage de rigueur, il aurait fallu utiliser plutôt la distribution de l'incidence de la maladie selon les classes d'âge et ce pour chacune des années 2006 à 2012. Comme nous l'avons signifié dans le document, une telle distribution n'a pas pu être mise à notre disposition. Nous nous sommes ainsi contentés de la prévalence comme approximation de l'incidence.

2. RECOMMANDATIONS DE L'ÉTUDE

Une étude comme celle que ne venons de mener appelle forcement à des recommandations. Des recommandations allant dans le sens de la conduite d'études spécifiques ou de l'utilisation des résultats que nous avons obtenus.

2.1 Concernant la mise en oeuvre d'études similaires dans les autres pays de la CEMAC

Nous avons mené une évaluation coût efficacité du PPSAC au Cameroun ce qui nous a permis d'apprécier la performance dans la mise en oeuvre du projet pour les phases I et II. Cependant notre étude n'a porté que sur l'un des pays couverts par le projet. Pour dresser un panorama complet de la performance des différentes AMS impliquées dans le projet, il convient de conduire une étude similaire pour les autres pays de la CEMAC couverts par le projet à l'instar de la RCA, du Tchad ou du Congo. Les résultats d'une telle étude permettraient de mettre la relation la performance de l'ACMS avec celle d'autres AMS et par la même occasion de mettre la lumière sur les problèmes d'ordre systémique.

2.2 Sur la consommation des ressources du projet

L'analyse des coûts du projet a mis en évidence le fait que certaines catégories de dépenses baissent drastiquement la dernière année de mise en oeuvre du projet ; et ce pour les deux phases. Sous réserve d'une structure similaire à la phase III, cela serait révélateur d'un management axé sur la consommation des ressources ; ce qui justifierait en partie la stagnation des résultats. Si une étude approfondie dans la manière dont les ressources du PPSAC sont consommées parvient à une conclusion allant dans le sens des développements précédents, nous suggérons que des incitations soient mises en place en vue de favoriser la consommation efficace des ressources. Ces incitations pourraient incorporer des primes de performance pour les AMS ayant atteint leurs objectifs tout en réalisant des économies budgétaires.

2.3 Sur la stagnation des ventes des préservatifs masculins

Pour chacune des phases I et II du PPSAC au Cameroun, des objectifs concernant le nombre de préservatifs masculins devant être vendus ont été fixés. La cible poursuivie lors de la phase I du projet était de parvenir à un niveau de vente de 90 millions de préservatifs, 78,9 millions de préservatifs seulement ont été vendus (l'objectif ayant été atteint à 88 %). De même, pour la phase II, l'objectif était de parvenir à vendre 175 millions de préservatifs, seulement 79 millions ont été vendus (un niveau de réalisation de 45 %). L'exploitation d'une partie des statistiques de vente de la phase III ne semble pas militer en faveur d'une embellie de la situation.

Le « nombre de préservatifs masculins vendus par les AMS » est l'indicateur phare du PPSAC aussi, les résultats observés doivent faire l'objet d'une analyse particulière. Cette analyse est d'autant justifiée que les ressources du projet ont pratiquement doublé pendant la phase II du projet. L'étude qui devra être menée en vue d'expliquer la stagnation des ventes devra chercher à mettre en évidence les déterminants de la demande en préservatifs de ceux de l'offre en préservatifs. On cherchera à travers cette étude à savoir si le « marché »40(*) des préservatifs masculins est saturé ou si ce sont les moyens mis en oeuvre par les AMS qui n'évoluent pas et de ce fait ne permettent pas de capter d'autres clients.

2.4 Sur l'utilisation des rapports coût-efficacité

L'étude menée ici nous a permis de parvenir à la conclusion selon laquelle cela coûte un peu plus de 12 000 F CFA pour amener un individu à adopter un comportement à moindre risque et 24 000 F CFA pour qu'il ait une connaissance correcte sur la prévention du VIH. Les données précédentes peuvent être utilisées lors de la planification de projets similaires dans un contexte proche de celui du Cameroun. En effet, très souvent, les concepteurs de projet manquent de référence pour projeter leurs résultats en fonction des ressources qui devront être investies dans le projet. Une valeur comme la précédente autorise une telle projection. Ainsi, un bailleur investissant par exemple 500 millions de F CFA dans la prévention du VIH/SIDA projette à 41 667 le nombre de personnes que le projet amènera à adopter un comportement à moindre risque ; si celui-ci est réalisé dans un contexte similaire à celui du Cameroun.

2.5 Sur la relation entre les coûts du personnel et les résultats du PPSAC au Cameroun

En étudiant la relation entre les coûts et les résultats du PPSAC au Cameroun, le test de corrélation de Spearman nous a amené à la conclusion selon laquelle des coûts du personnel du projet et les résultats en termes de nombre d'infections évitées partagent près de 74 % de variations communes. Le nombre d'observations utilisées (sept observations) et le type de test utilisé (un test non paramétrique) limitent un peu notre conviction en ce résultat. Cependant si un lien fort entre ces deux variables persiste toujours après que l'on ait adjoint les résultats de la phase III, on pourrait utiliser ces coûts de personnel comme variable d'incitation.

2.6 Sur l'utilisation du bénéfice monétaire du PPSAC

La section deux du chapitre quatre était consacrée à l'évaluation du bénéfice monétaire du PPSAC tel qu'il est mis en oeuvre au Cameroun. Il est apparu que pendant les deux premières phases de mise en oeuvre du projet, celui-ci a procuré un bénéfice de près de 87 milliards de F CFA (en termes de dépenses économisées pour la prise en charge d'infections qui seraient survenues en l'absence du projet) pour près de 13 milliards investis. Cette valeur peut s'utiliser comme une valeur de l'utilité du projet. Si par exemple une décision doit être prise dans le sens de l'allocation d'une subvention entre deux projets visant la prévention de nouvelles infections, on peut se baser sur la valeur susmentionnée pour procéder à des arbitrages, l'allocation étant octroyée au projet qui présentant le bénéfice le plus élevé.

CONCLUSION GÉNÉRALE

La présente étude s'est attelée à effectuer une évaluation coût efficacité des phases I et II du Projet de Prévention du VIH/SIDA en Afrique Centrale. De manière spécifique, il était question d'analyser le niveau d'atteinte des objectifs du PPSAC pendant les deux phases, de fournir une valeur du rapport coût efficacité du projet et de l'interpréter, de mener une analyse comparative entre les deux phases pour voir laquelle était la plus coût efficace, de détecter une éventuelle corrélation entre l'efficacité du projet pendant ces deux phases et des catégories spécifiques de coût. Par ailleurs, l'étude a aussi essayé de proposer une valeur monétaire au bénéfice procuré par le projet en termes de dépenses de prise en charge d'infections qui seraient survenues si le projet n'était pas mis sur pied.

Nous avons formulé deux principales hypothèses. La première stipule que la phase II du projet est plus performante que la première phase. En effet on s'attend à ce que l'effet d'apprentissage et l'expérience amènent à une mise en oeuvre plus efficace pendant la phase II. La seconde hypothèse stipule quant à elle que le bénéfice monétaire procuré par le projet pendant ces phases est pratiquement trois fois égal au coût du projet pendant la même période.

De manière générale, il est apparu que la phase II du projet a été moins performante que la phase I, ce qui infirme ainsi l'hypothèse formulée. Par ailleurs, les données mises à notre disposition permettent d'estimer à plus de 12 000 F CFA le coût pour amener un individu à adopter un comportement à moindre risque et à près de 24 000 F CFA le coût par connaissance correcte sur la prévention du VIH acquise. D'autre part, ces données établissent à 372 000 F CFA le coût par infection évitée pendant la phase I du projet et à 767 000 F CFA ce même coût pendant la phase II du projet. Il apparait en outre que le résultat du projet (en termes d'infection à VIH évitées) partage près de 75 % de variations communes avec les coûts du personnel. Par ailleurs, il est apparu que, pour 1 F CFA investi dans le projet, cela a permis d'économiser 7 F CFA en termes de dépenses potentielles de prise en charge des infections. En se basant sur un panel de 12 indicateurs, le test de Wilcoxon a permis de conclure que la phase II du projet est significativement moins performante que la phase I. Par ailleurs, le test de Mann Whitney lui nous permet de conclure que le ratio coût efficacité du PPSAC est significativement plus élevé pendant la II que la phase I.

Dans notre étude, nous n'avons pas utilisé une référence externe (autre projet) pour comparer le rapport coût efficacité du PPSAC ; c'est la première limite de notre analyse. Des recherches supplémentaires pourraient être faites dans ce sens. En effet cette référence externe permettrait d'apprécier le comportement du projet par rapport à d'autres projets similaires et nous aiderait à savoir en quel sens le PPSAC s'écarte de la norme. Pour le calcul de certains rapports coût efficacité, nous n'avons pas suffisamment circonscrit les coûts à utiliser. Les rapports coût efficacité seraient probablement plus faibles si nous avions suffisamment circonscrit certains coûts.

ANNEXES

A. PRÉSENTATION DE LA MÉTHODOLOGIE D'ESTIMATION DU « NOMBRE D'INFECTIONS EVITÉES » DU MODELE DU PRÉSERVATIF DE PSI

Comme nous l'avons souligné dans les développements précédents, PSI est une organisation internationale oeuvrant dans le secteur de la santé (dans les pays en développement) qui utilise les techniques de marketing social en vue de promouvoir l'utilisation du préservatif dans la population sexuellement active. Pour y parvenir, elle utilise aussi bien les canaux traditionnels (les pharmacies ; les cliniques) que des lieux spécifiques (hôtels, night club) où d'éventuelles rencontres peuvent avoir lieu. Le modèle du préservatif de PSI fournit une estimation acceptable du nombre d'infections à VIH évitées grâce à ces activités de promotion de l'utilisation du préservatif.

Le point de départ dans l'estimation de ces infections évitées est la détermination du risque individuel d'infection par voie sexuelle au cours d'une année donnée. Divers facteurs contribuent à ce risque et tous ceux-ci doivent être pris en compte dans différents scénarii pour déterminer le risque cumulé d'infection par voie sexuelle. Le type de partenaire sexuel (englobant les partenaires réguliers, les partenaires occasionnels, et les professionnels du sexe) est l'un de ces facteurs. Un autre facteur de risque est le nombre de partenaires sexuel que l'on a eu au cours d'une année donnée. Pour obtenir cette valeur, PSI utilise des projections sur la base des données des Enquêtes Démographiques et de Santé (EDS) réalisées au niveau national dans les pays en développement où elle intervient. Ce paramètre (nombre de partenaires sexuels au cours de l'année considérée) est subdivisé en cinq modalités à savoir, « seulement un partenaire », « deux partenaires », « trois à quatre partenaires », « cinq à neuf partenaires », et enfin « plus de dix partenaires ». Un facteur de risque additionnel que le modèle prend en considération est l'activité sexuelle moyenne (pris en compte par le nombre de contacts sexuel) par partenaire. L'infectivité et le statut sérologique des différents partenaires sont aussi pris en compte. Nous présenté l'infectivité comme la probabilité de contracter la maladie au cours d'un rapport sexuel unique. Nous avons dit qu'elle varie avec fonction du type de rapport sexuel mais aussi selon que le partenaire est atteint par une infection sexuellement transmissible ou non.

Pour déterminer le risque pour une personne non infectée de contracter l'infection à vih par vois sexuelle au cours d'une année donnée, le modèle du préservatif de PSI utilise les équations de probabilité de Bernoulli. Selon ces équations, la probabilité qu'un séronégatif contracte la maladie au cours d'un rapport sexuel est donnée par :

Ici, représente la prévalence de l'infection dans la population adulte. Ainsi, une personne non infectée a « p » chances d'avoir un rapport sexuel avec une personne infectée. La variable représente le nombre de partenaires sexuels. La variable elle représente la probabilité de contracter l'infection au cours d'une année donné par suite de rapports avec un partenaire infecté. Elle est donnée par l'équation.

Dans cette équation, est le nombre de contacts avec le partenaire considéré (nombre moyen de contact par partenaire) et est l'infectivité. La substitution de par sa valeur dans la première équation donne :

Dans le scénario de base auquel nous avons fait allusion plus (celui dans lequel les Associations de Marketing Social n'interviennent pas pour promouvoir l'utilisation du préservatif), l'équation précédente utilise la valeur brute de l'infectivité c'est-à-dire celle qui est donnée dans la littérature. Dans le scénario avec intervention d'une AMS, la valeur de l'infectivité est réduite de 95 % (cette valeur représente l'efficacité du préservatif dans la protection contre les infections).

Pour tenir compte de la variabilité du risque d'infection en fonction du type du partenaire, le modèle propose la formule générale ci-dessous :

Sur la base de la formule ci-dessus, la différence de valeur obtenue entre le scénario de base et le scénario où PSI intervient donne une estimation de la variation du risque d'infection (par préservatif utilisé) observée après intervention de PSI. Le nombre d'infections évitées grâce à l'action de PSI au cours d'une donnée est obtenu en définitive en multipliant la valeur précédente par le nombre de préservatifs vendus par l'association de marketing social au cours de ladite année.

B. TABLEAUX

Tableau 13: Prévalence (%) du VIH/SIDA au Cameroun par région et selon le genre

Région

Hommes

Femmes

Extrême-Nord

0,8

1,5

Ouest

2,9

2,8

Nord

1,5

3,2

Littoral

2,7

5,1

Douala

2,6

6,4

Centre

5,3

6,9

Adamaoua

2,3

7,1

Nord-Ouest

5

7,2

Sud-Ouest

3,3

7,9

Est

3,7

8,8

Yaoundé

3,6

8,9

Sud

3,8

10,8

Cameroun

2,9

5,6

Source : Rapport EDS 2011

Tableau 14: Taux d'inflation au Cameroun entre 2006 et 2013

Année

Taux d'inflation (%)

2006

2,4

2007

1,1

2008

5,3

2009

3

2010

1,9

2011

2,9

2012

2,9

2013

2,6

Source : indexmundi

 

Tableau 15: Liste des indicateurs du projet

IOP 1

Part (%) des personnes qui déclarent avoir adopté un comportement à moindres risques (chez les jeunes de 15 à 24 ans)

IOP 2

Part (%) des personnes disposant des connaissances correctes sur les possibilités de prévenir le VIH-SIDA (chez la population générale)

IOP 3

Le nombre (millions) de préservatifs masculins vendus par les AMS est en augmentation

IOP 4

La consommation moyenne de condom masculin par habitant par an (CMCTH) est en augmentation

IOP 5

Augmentation du % des enquêtés (jeunes de 15 à 24 ans) qui déclarent, quand ils en ont besoin, que les condoms sont toujours disponibles dans leurs points d'achat

IOP 6

Augmentation de la part (%) des personnes au sein de la population générale qui acceptent le PVVIH/OEV

IR1.1

Couverture géographique (disponibilité dans l'espace, évolution du nombre de points de vente (PDV) par population)
Augmentation du nombre de points de vente (PDV) opérationnels par 1000 habitants

IR1.2

Couverture géographique (disponibilité dans l'espace, évolution du nombre de points de vente (PDV) par zones)
Augmentation du nombre de points de vente (PDV) opérationnels par village

IR1.3

Accessibilité (temps mis pour avoir le condom) en zone urbaine
Augmentation du % des enquêtés, jeunes 15 à 24 ans qui déclarent que le point d'approvisionnement du condom est assez proche de leurs lieux d'utilisation en zone urbaine (10 minutes de marche)

IR1.5

Evolution (%) des personnes qui déclarent trouver le prix du condom abordable
Augmentation du % des enquêtés (15 à 24 ans) qui pensent que le prix par condom des AMS est abordable)

IR2.2H

Pourcentage des personnes ayant utilisé un condom lors du dernier rapport sexuel à risque ( Hommes)
Augmentation du % des enquêtés jeunes de 15 à 24 ans ayant systématiquement utilisé le condom au cours des rapports sexuels à risque durant les 3 derniers mois avant l'enquête

IR2.2F

Pourcentage des personnes ayant utilisé un condom lors du dernier rapport sexuel à risque ( Femmes)
Augmentation du % des enquêtés jeunes de 15 à 24 ans ayant systématiquement utilisé le condom au cours des rapports sexuels à risque durant les 3 derniers mois avant l'enquête

IR2.3

Pourcentage de personnes ayant reçu des conseils lors des consultations des IST
Augmentation du % des malades IST (jeunes de 15 à 24 ans) qui déclarent avoir reçu un traitement, des conseils et un condom dans une structure de prise en charge des IST lors de leur dernier épisode

IR2.4

% des jeunes 15-24 ans qui ont eu le rapport sexuel avant l'âge exact de 18 ans (15 ans pour la phase II)

IR2.6

"% des enquêtés (jeunes de 15 à 24 ans) qui déclarent avoir eu des rapports sexuels avec plus d'un partenaire au cours des 3 derniers mois."

IR3.1

Augmentation du nombre de personnes ayant adhéré aux associations PVVIH

IR3.2

Le nombre de personnes candidates au CDV est en augmentation (Augmentation du nombre de candidats reçus pour le CDV dans les centres de santé)

IR3.3

% des enquêtés 15-49 ans qui ont fait un test de VIH et ont reçu le résultat dans les 12 derniers mois avant l'enquête

Source : Document de Planification du PPSAC

Tableau 16: Espérance de vie à la naissance au Cameroun entre 2006 et 2012

Année

Espérance de vie à la naissance

2006

52,21

2007

52,54

2008

52,92

2009

53,33

2010

53,76

2011

54,21

2012

54,66

Moyenne

53,37

Source : World Development Indicators ( WDI)

Tableau 17: Cadre logique du PPSAC

Projet de Prévention du VIH/SIDA en Afrique Centrale

Logique d'intervention

Indicateurs Objectivement Vérifiables

Hypothèses importantes/ Risques

Objectif Global

La propagation du VIH/SIDA et les méfaits de la stigmatisation sont réduits

Réduction du taux de nouvelles infections auprès des jeunes des jeunes

Les rapports sexuels sont la principale cause de transmission du VIH du VIH/SIDA

Réduction du taux de nouvelles infections auprès des femmes enceintes

Pas de modification majeure des politiques sectorielles nationales et régionales

Objectif du Projet

Une disponibilité accrue des condoms et autres contraceptifs et un changement positif de comportement des groupes cibles

Part des jeunes 15-24 ans qui déclarent avoir adopté un comportement à moindre risque

Les groupes à risque utilisent les préservatifs

Part des jeunes sur la population générale disposant des connaissances correctes sur les possibilités de prévenir le VIH/SIDA

Les contractants du promoteur du projet respectent leurs engagements

Nombre des préservatifs masculins vendus par les AMS

Les contraceptifs offerts dans le cadre du projet n'éliminent pas les autres produits du marché

Consommation moyenne de condoms par tête d'habitant rapportée à la population générale (CMCTH)

Pourcentage des jeunes déclarants le préservatif disponible en temps voulu.

Les préservatifs sont utilisés correctement

Part de population acceptant les PVVIH

Résultats

Les préservatifs et certains contraceptifs sont rendus disponibles, accessibles en quantité/qualité et ce façon continue

Nombre de points de vente (PDV) opérationnels disponibles pour 1000 habitants par zone de projet

Les textes réglementant le contrôle des préservatifs dans le territoire sont respectés

Pourcentage des jeunes de 15 à 24 ans qui déclarent que le point d'approvisionnement du condom est assez proche du lieu d'utilisation

Les CNLS et les ministères assument leur rôle de leader

Pourcentage des enquêtés qui pensent que le prix du condom des AMS est accessible et qui sont satisfait de sa qualité

Les marchés ne sont pas inondés de préservatifs de qualité douteuse

Nombre de préservatifs féminins vendus par les AMS

Garantie sur l'implication d'autres partenaires

Nombre d'utilisatrices des services de planification familiale

Stratégie acceptable avec tous les partenaires trouvés

Les connaissances, attitudes et pratique en prévention des IST/VIH/SIDA et en planification familiale sont améliorées

Pourcentage de la population générale ayant une connaissance complète des trois modes de prévention

L'offre des services en matière d'IST, VIH et PF est disponible dans les formations sanitaires

Pourcentage des jeunes ayant utilisé le condom de facon systematique lors des rapports sexuels durant les trois mois précédent l'enquête

Pourcentage des malades d'IST déclarant avoir reçu un traitement et des conseils

Pourcentage des jeunes ayant eu rapport sexuel avant l'âge de 15 ans

Circulation des personnes et des biens garanties

Nombre moyen des partenaires sexuels par groupe cible

Pourcentage des femmes en âge de procréer qui connaissent au moins trois méthodes contraceptives

Les ressources allouées sont disponibles à temps

Pourcentage des femmes en âge de procréer ayant utilisé une méthode contraceptive lors des 12 derniers mois

% des hommes qui acceptent la planification familiale

Les comportements tendant à la stigmatisation et à la marginalisation sont réduits

Nombre de personnes ayant adhéré aux associations

 

Nombre de personnes candidates aux CDV est en augmentation

 

Pourcentage des 15-49 ayant fait le test et ont reçu le résultat dans les 12 mois

 

Pourcentage des chefs d'entreprise disposés à accepter des employés séropositifs

 

Nombre des associations des PVVIH en partenariat avec les AMS

 

Source : Document de planification du PPSAC

Tableau 18: Présentation détaillée des coûts annuels bruts (en milliers de F CFA) du PPSAC au Cameroun Phases I & II

Codes

Postes

2006

2007

2008

Total Phase I

2009

2010

2011

2012

Total Phase II

1

Paiement Consultants

64 896

120 024

77 236

262 157

103 734

85 272

77 297

61 738

328 042

1.1

Consultant International longue durée

52 417

104 548

65 335

222 300

66 427

68 806

57 841

52 268

245 342

1.2

Consultant courte durée

12 479

15 476

11 901

39 857

37 307

16 467

19 456

9 470

82 700

2

Dépenses d'Investissement/Equipement

1 290 909

1 157 919

90 530

2 539 358

511 855

2 849 529

3 410 677

470 696

7 246 005

2.1

Achats internationaux généraux

587 883

463 560

1 423

1 052 866

130 602

1 284 703

1 593 704

140 214

3 149 223

2.1.1

Achat de Préservatifs Masculins

530 541

463 560

1 423

995 524

15 095

1 136 993

1 444 494

25 006

2 621 588

2.1.2

Achats Préservatifs Féminins

-

-

-

-

300

7 500

-

-

7 800

2.1.3

Achat Véhicule

57 342

-

-

57 342

-

25 002

34 002

-

59 004

2.1.4

Autres Achats

-

-

-

-

115 208

115 208

115 208

115 208

460 830

2.2

Achats locaux et frais de Promotion

158 150

216 463

73 349

447 961

236 315

298 874

239 687

172 683

947 560

3

Dépenses de Fonctionnement et autres

223 471

412 707

290 369

926 547

110 128

370 433

374 691

328 795

1 184 047

3.1

Fonctionnement local

97 113

188 666

164 598

450 377

6 950

40 975

107 357

29 702

184 985

3.2

Personnel local

93 016

208 152

102 005

403 173

78 658

219 887

230 882

242 426

771 853

3.3

Etudes et Recherches

9 184

-

9 840

19 024

4 000

60 004

3 386

20 002

87 391

3.4

Formations/Suivi/Evaluation

24 159

15 889

13 925

53 972

20 520

49 567

33 067

36 665

139 819

4

Dépenses Imprévues

131 200

131 200

131 200

393 600

-

207 733

207 733

207 733

623 200

 

Dépenses totales

1 753 483

1 807 515

574 999

4 135 997

711 382

3 531 719

4 086 817

1 051 377

9 381 294

Source : Auteur (à partir des données des rapports de progrès du projet)

Tableau 19: Résultats du test de Wilcoxon sur la comparaison de performance entre les deux phases

Sorties du test

Valeurs

Conclusion

Espérance

8

 

Variance

11

 

P-value du test

0,038

On rejette l'hypothèse principale

Valeur du seuil de signification (alpha)

0,05

 

Source : Auteur à l'aide des sorties du progiciel SPSS

RÉFÉRENCES

BIBLIOGRAPHIE

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* 1 Rapport mondial 2013 ONUSIDA

* 2 Toujours selon le rapport mondial 2013 de l'ONUSIDA

* 3 Il convient toutefois de souligner que cette expression de laissé pour compte avait déjà été utilisée dans un précédent rapport de MSF en 2009

* 4 Rapport CNLS 2010

* 5 Toujours selon le rapport CNLS 2010

* 6 Herbert, D. (2013)

* 7  Sida et crise de la dépendance dans les pays d'Afrique (Note thématique ONUSIDA, 2012)

* 8 Nkoa F. C. et al. (2010)

* 9 Nkoa F. C. et al. (2010)

* 10 Site du fonds mondial

* 11 Site du fonds mondial

* 12 MSF (2009) « Punishing Success? Early Signs of a Retreat from Commitment to HIV/AIDS Care and Treatment ».

* 13 Rapport ONUSIDA 2010

* 14 Selon les données de l'Enquête de Démographie et de Santé 2011

* 15 Ce sont : le Botswana, le Lesotho, le Mozambique, la Namibie, l'Afrique du Sud, le Swaziland, la Zambie et Zimbabwe

* 16 Rapport ONUSIDA sur le traitement en 2015

* 17 Rapport CNLS 2010

* 18 Rapport CNLS 2013sur l'estimation des ressources et des dépenses dans la lutte contre le SIDA au Cameroun.

* 19 Ayant existé de décembre 1964 à mars 1994

* 20 Juin 1959-décembre 1964

* 21 Commission de la CEMAC 2015

* 22 Exception faite de la Guinée Equatoriale

* 23 Cette phase s'est dans les faits prolongée jusqu'en juin 2013 dû à une rupture en approvisionnement

* 24 Ou aussi l'objectif principal, ou objectif général

* 25 Index qui mesure la stigmatisation et la discrimination dont sont victimes les personnes vivant avec le VIH/SIDA

* 26 Paul, A., Samuelson (2010)

* 27 CAD OCDE (2008)

* 28 Surtout lorsque des achats doivent être effectués à l'étranger

* 29 Objectif spécifique

* 30 Le terme effort ici doit s'entendre comme la différence de la valeur de l'indicateur entre l'année 2012 et l'année de référence 2006

* 31 Nous avons effectué un test unilatéral à gauche en postulant comme hypothèse alternative que la performance de la phase II est moins élevée que celle de la phase I

* 32 Il convient ici de nuancer le propos. En effet il est requis de disposer d'au moins 8 observations pour mener le test. Les analyses précédentes ont été conduites à l'aide de 7 observations soit une de moins que requis.

* 33 Simin Schahbazi (2011)

* 34 Stover et al. (2013) intitulé How can we get to zero? The role of new technologies and strategic investment approaches for an effective response to AIDS.

* 35 Base de données WDI (World Development Indicators)

* 36 MEUNIER (2009)

* 37 Site de la BEAC

* 38 MEUNIER (2009)

* 39 L'expression coût à vie ici fait référence au coût sur la durée de vie totale de la personne infectée ; il est la traduction de « lifetime cost » en anglais c est pour que nous la mettons entre guillemets

* 40 On fait référence ici à l'ensemble des demandeurs potentiels de préservatifs masculins






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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams