WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La rationalité comme fondement du bonheur

( Télécharger le fichier original )
par Pasteur MUGISHO
Philosophat Isidore Bakanja (Bukavu) R.D.Congo - Graduat en Philosophie et Sciences Humaines 2016
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

I.1. 1. La jouissance matérielle

Le bien comme désignant la fin de toute détermination morale est unanimement accepté par tout le monde. De même, l'opinion commune approuve que « vivre bien, agir bien est synonyme d'être heureux »7(*). Ce qui partage les opinions c'est la nature ou l'essence du souverain bien c'est-à-dire du bonheur. A ce sujet, le sage n'est pas d'accord avec le vulgaire : ce qui veut dire que l'idée du bien et celle du bonheur sont conçues selon les genres de vie que l'on mène dans la société.

Le premier genre est la vie de jouissance matérielle. Cette vie est conforme à l'utilitarisme de Jérémy Bentham car elle voit en tout acte le plaisir comme fin dernière car « l'humanité est gouvernée » d'après lui, « par la douleur et le plaisir »8(*). L'alternance heureuse ou malheureuse dépend de l'abondance des plaisirs ou des peines. Ce qui fait que pour Bentham et ceux qui sont à l'aise avec ses idées, la valeur morale d'un acte dépend de la quantité des plaisirs qu'il procure. C'est-à-dire qu'autant un acte produit plus de plaisirs autant il est moral.9(*) Est bien dans ce cas, l'objet qui satisfait l'homme entier, c'est-à-dire l'homme dans sa rationalité et dans sa sensibilité.

Une lecture sérieuse d'Aristote nous montre qu'il n'approuve pas que le plaisir soit la détermination du bien. N'est-ce pas pour cette raison qu'il appelle l'homme des plaisirs un vulgaire ? Et qualifie leur sentiment de servile ? En ses propres termes, il dit :

« le vulgaire et les hommes les plus grossiers l'ont placé [le bien] dans la volupté : aussi préfèrent-ils à tout la vie qui n'offre que des jouissances. On peut regarder comme tout à fait servile ce sentiment du vulgaire, qui donne la préférence à la vie purement animale ; et il ne peut guère mériter qu'on en fasse mention qu'à cause de cette foule d'hommes qui, élevés à la puissance et aux dignités, se montrent asservis aux mêmes passions que Sardanapale* »10(*).

Avant Aristote, Platon s'est insurgé contre la vie des plaisirs. Il en indexe clairement les limites. La plus grande limite étant celle de ne pas permettre à l'homme d'atteindre les plaisirs supérieurs, solides et purs11(*). Identique aux passions, selon l'expression de David Hume, les plaisirs immergent le passionné dans le monde du sensible. L'homme ainsi emporté ne parviendra plus à percevoir la différence entre la réalité et l'apparence, entre la vérité et l'illusion, entre la satisfaction de ses appétits et le sens de sa vie comme l'homme de la caverne dont parle Platon. « Ainsi la passion est le nom même de ce qu'il faut dépasser, comme elle est ce qui retient les hommes dans le monde sensible et les empêche de voir au-delà »12(*). Donc les passions étant une illusion, elles sont un obstacle à vaincre, un défi à relever, une chaîne qu'il faut briser. La raison pensante est la possibilité de dépasser les passions. Il faut que cette raison soit réellement contre les passions et qu'on soit au-delà d'elles, précise M. MEYER, car elles aveuglent celui qui s'y abandonne.13(*) Plaisirs et passions ne peuvent être réfléchis, par la personne même, que par prévention pour ne pas être aveuglé une fois immergé et, à la limite, par confession lorsqu'on a eu la grâce de s'en sortir. Pour Platon, celui qui peut encore sauver l'homme ainsi aveuglé est le philosophe. C'est le rôle du philosophe maintenant de descendre dans la caverne des passions, car il connaît et celui qui connaît doit agir, « pour éclairer et guider les hommes. Le philosophe, libéré de l'opinion, créatrice de tyrannie, est seul capable de diriger les hommes, de leur montrer le bien, de les détourner de ce qu'ils croient faussement être le bonheur et n'en est que l'apparence »14(*). Etant donné que la possibilité de se libérer soi-même, parmi tant des plaisirs, est mise en doute, l'action du philosophe devient plus qu'urgente.

Mais il faut savoir que la vie de plaisir, comme fin, est celle qui est blâmable. Les plaisirs comme moyen et besoin des fonctions vitales sont en quelques sorte nécessaires, nous dit Aristote. Un met délicieux, par exemple, est une nécessité vitale dans le domaine de l'alimentation. Et il est bon. Il se retire de l'ordre des biens suprêmes lorsqu'il est recherché par tous les moyens et est pris comme unique but de tout l'activité de l'homme. On comprend que les plaisirs du corps trouvent leur place juste dans l'accomplissement des fonctions naturelles vitales, pourtant existantes aussi chez les animaux. Ces plaisirs deviennent pires dans l'excès et dangereux lorsqu'ils privent à l'homme les plaisirs spécifiques à son humanité comme l'activité de la raison droite.

* 7 Aristote, Ethique à Nicomaque, op.cit., p.40.

* 8 Jeremy BENTHAM, Introduction aux principes de morale et de législation, J. Vrin, Paris, 2011, p.25.

* 9 Monique CANTO-SPERBER (dir.), Dictionnaire d'Ethique et de Philosophie morale, T1, Quadrige, Paris, 2004, p.205.

* 10 Jean-François Thuriot, Le bonheur avec Aristote. Ethique à Nicomaque livre I, II et X, Ed. Equateurs, Paris, 2011, pp. 18-19. *Sardanapale est un roi légendaire d'Assyrie qui incarnait, dans l'imaginaire grec, le style de vie fondé sur la passion et les plaisirs des sens. Note donnée par Alfredo GOMEZ-MULLER dans Ethique à Nicomaque. Trad. J. Barthélemy st Hilaire, LGF, Paris, 1999, p. 42.

* 11 Pour Platon « ceux qui n'ont point l'expérience de la sagesse et de la vertu, qui sont toujours dans les festins et les plaisirs semblables, sont portés, ce semble, dans la basse région, puis dans la moyenne, et errent de la sorte toute leur vie durant ; ils ne montent point plus haut ; jamais ils n'ont vu les hauteurs véritables, jamais ils n'y ont été portés, jamais ils n'ont été réellement remplis de l'être et n'ont goûté de plaisir solide et pur. A la façon des bêtes, les yeux tournés vers le bas, la tête penchée vers la terre et vers la table, ils paissent à l'engrais et s'accouplent ; et, pour avoir la plus grosse portion de ces jouissances, ils rient, se battent à coups de cornes et de sabots de fer, et s'entre-tuent dans la fureur de leur appétit insatiable, parce qu'ils n'ont point rempli de choses réelles la partie réelle et étanche d'eux-mêmes » cfr. La République, IX, 586 a.

* 12 David HUME, Réflexions sur les passions, trad. Michel MEYER, Librairie générale française, Paris, 1990, p.33.

* 13David HUME, op.cit., p.34. Sur la page suivante, M. MEYER montre que « la passion nous empêche de voir jusqu'à la passion elle-même, il s'avère impossible de la surmonter, puisqu'on en a même pas conscience. ... Elle [la passion] a ceci de particulier qu'elle se rend elle-même inconsciente en ce qu'elle est le lieu où la conscience, paradoxalement, s'absorbe dans les objets extérieurs et sensibles, pour s'oublier, en quelque sorte », ce qui veut dire que la passion anesthésie la conscience.

* 14 Pierre GUERIN, Platon ou l'action différée, Publications de l'Ecole Moderne Française, Paris, 1989, p.20.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius