L'innovation, la création végétale et la propriété industrielle : quelles évolutions possibles( Télécharger le fichier original )par Adam Borie Beclour Université d'Auvergne - Master 2 Carrières internationales 2016 |
Chapitre 2 Le brevet et la création végétalePour comprendre le rôle du brevet, il convient d'observer les critères traditionnels d'octroi du brevet , puis de voir que celui-ci peut être un stimulant de l'innovation végétale. Tout comme il peut ralentir la recherche. Traditionnellement, il existe trois conditions de brevetabilité d'une invention, la Nouveauté, l'activité inventive et l'application industrielle. Il convient d'observer, dans le cadre biotechnologique leur application aux inventions biotechnologiques.
La nouveauté concernant les produits de la nature est critiquable dans la mesure où depuis l'ère de la sédentarisation, les hommes pratiquent la sélection massale en choisissant les individus d'une population les mieux adaptés à l'homme (production résistance aux adventices etc...). En droit des brevets une invention est réputée nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique58(*). Cette définition apparaît suffisamment restrictive a priori pour que les végétaux et les plantes ne tombent pas dans le brevetable car on imagine mal comment une des fonctions phénotypique ou génotypique du végétal observable puisse être autre chose qu'une découverte dans la mesure ou ces fonctions pré existent dans la nature. En effet l'inventeur ou l'obtenteur ne crée rien par lui-même en créant une nouvelle variété puisqu'il ne fait qu'accompagner une sélection variétale et accompagner ainsi la nature en rendant son évolution utile à l'homme. Si certains procédés peuvent évidemment être nouveaux comme la sélection assistée par marqueur moléculaire. Le caractère génotypique ou phénotypique présent au sein d'une variété nouvellement créée ne peut quant à lui provenir que d'une variété plus ancienne. Ce caractère phénotypique ou génotypique était donc déjà présent dans la nature, c'est donc une découverte. Pour autant la variété nouvellement crée est quant à elle, nouvelle car elle combine différents caractères et cette combinaison est donc une nouveauté fruit d'un long travail qu'il faut récompenser. C'est l'une des raisons pour laquelle le COV a été créé pour récompenser l'inventeur d'une nouvelle variété sans pour autant qu'il puisse s'approprier et obtenir un monopole d'exploitation sur des choses qui ont toujours existé dans la nature. Pourtant, cette préexistence n'affecte la nouveauté que si l'élément en cause est revendiqué dans son état naturel. Pour être nouveau l'élément doit être isolé (micro-organisme ? ADN) de son milieu naturel. En outre les procédés d'obtention sont brevetables, et lorsqu'un brevet est obtenu sur un procédé, en Europe notamment il couvre également le produit obtenu59(*) par ce procédé. Bien que le produit obtenu doive lui aussi satisfaire les conditions d'attribution du brevet (nouveauté, activité inventive) il demeure qu'en matière de création végétale le brevetage d'un produit de procédé entraine un blocage certain de l'innovation puisque les produits obtenus ne pourront être utilisés même à travers d'autres procédés en vue de créer de nouvelles variétés.
L'invention ne doit pas paraitre évidente à l'homme du métier d'une compétence moyenne dans le secteur de l'invention. L'exemple de l'INPI est la création d'un crayon gomme (dans le cas ou le crayon gomme n'existerait pas déjà) qui n'est pas le résultat d'une activité inventive dans la mesure ou l'homme du métier (le fabricant de crayon) aurait pu par lui-même juxtaposer un crayon et une gomme tout deux accessibles aux fabricants. L'OEB utilise une approche problème solution, c'est-à-dire que l'invention doit être une solution technique à un problème technique.
L'invention est susceptible d'être brevetée s'il est possible de l'utiliser pour tout type d'industrie. L'agriculture en tant qu'industrie du vivant est concernée par cette application cela signifie que l'invention ne doit pas uniquement être destinée à satisfaire la curiosité d'une seule ou d'un groupe restreint de personne. Ainsi l'inventeur doit prouver que son invention peut être applicable au sein d'un domaine industriel. Par ailleurs la description n'est pas un critère d'octroi des brevets mais elle est l'une des conditions formelle de l'octroi d'un brevet. Elle se fait par écrit avec la possibilité d'utiliser des dessins. Elle s'articule autour des revendications qui vont déterminer l'étendue de la protection accordée. Elle montre ainsi l'état de la technique antérieur et l'apport de l'invention par rapport à celle-ci. Il faut également exposer l'invention de manière à montrer le problème à résoudre et la solution. Elle doit aussi indiquer un moyen de réalisation et son application industrielle. Pour les biotechnologies, les séquences d'acides aminés et de nucléotides le demandeur doit utiliser un logiciel gratuit mis à disposition par l'OEB60(*) afin de les revendiquer. Un être vivant ne pouvant être décrit de manière complète il faut pour le demandeur compléter la description par un dépôt dans une institution habilité qui doit garantir la viabilité et l'absence de contamination des matières et êtres vivants déposés. * 58 L'article L. 611-11, alinéa 2 du CPI définit l'état de la technique comme « tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen » * 59 Art 64(2) Convention sur le brevet européen : « Si l'objet du brevet européen porte sur un procédé, les droits conférés par ce brevet s'étendent aux produits obtenus directement par ce procédé. » http://www.epo.org/law-practice/legal-texts/html/epc/2013/f/ar64.html * 60 Ce logiciel est disponible à l'adresse suivante : http://www.epo.org/applying/european/Guide-for-applicants/html/f/ga_c_ii_6.html |
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