PARTIE I : LA PECHE AU SENEGAL
16125
C'est le nombre d'espèces animales et
végétales menacées d'extinction selon la liste rouge
établie par l'Union internationale de la nature (IUCN).
Espèces animales : 40%
Plantes à fleurs et fougères : 34% Bryophytes :
42%
Lichens : 41%
« La biodiversité ne sera pas sauvée par les
seuls spécialistes de l'environnement, il suffit qu'elle devienne la
responsabilité de chacun d'entre nous et que nous ayons les moyens et
les ressources pour agir ».
A .STEINER, Directeur général de l'IUCN.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 11
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 12
Le Sénégal se trouve dans la partie Nord-ouest
de l'Afrique où il marque une pointe avancée du continent dans
l'océan atlantique.
Il est limité au Nord et au Nord-est par le fleuve
Sénégal qui constitue une frontière naturelle avec la
République Islamique de Mauritanie, au Sud-est par la rivière
Falémé qui sert de frontière naturelle avec la
République du Mali, au Sud, les frontières de la Guinée
Bissau et de la République de Guinée. La Gambie est une enclave
de 10 000 km2, s'avance à l'intérieur du territoire.
La superficie totale du Sénégal est de 196 722
km2.6
Chapitre 1 : Le secteur de la pêche au
Sénégal, une activité économique et ancestrale
1- Les méthodes traditionnelles de pêche
Bien avant l'introduction des filets modernes
synthétiques et des pirogues motorisées, la pêche
artisanale maritime sénégalaise était et demeure encore de
nos jours une activité traditionnelle, techniquement insuffisante, un
mode de production où les rapports de production s'expriment à
travers le langage de la parenté. Dans les unités de pêche,
le père travaille avec ses enfants ou neveux auxquels seront
destinés l'héritage. Généralement le métier
de pêcheur se transmet de père en fils mais avec les crises
enregistrées ces dernières années dans le monde rural,
plusieurs agriculteurs se sont reconvertis dans la profession7.
L'histoire de la pêche au Sénégal est
inséparable de la pêche piroguière qui utilisait la voile
ou la pagaie comme force motrice. Afin d'accroître la production de la
pêche artisanale qui pourrait fournir à la fois le marché
national et les entreprises européennes installées au
Sénégal pour le traitement du poisson, les pouvoirs publics ont
pris l'option de motoriser les pirogues. Cette motorisation est, en outre,
censée conduire naturellement l'adoption ultérieure
d'embarcations motorisées (de type européen) et faciliter
l'organisation des pêcheurs en
6 Voir carte Sénégal dans les annexes
7 Au Sénégal, le monde rural traverse
une crise depuis 1972 avec une période de sécheresse.
L'exploitation agricole familiale qui est la forme la plus répandue
n'arrive plus à faire vivre les agriculteurs. C'est pourquoi, certains
agriculteurs se sont reconvertis dans la profession de pêcheurs,
mareyeurs et transformatrices de poisson.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 13
coopératives contrôlables par l'administration et
les services techniques. Autre avantage, l'essor de la pêche artisanale
permet de vulgariser la technique motorisée à moindre coût
en faisant supporter l'essentiel du financement aux pêcheurs par des
prêts remboursables.
Ce programme de motorisation des pirogues a permis à
l'Etat du Sénégal et aux pêcheurs, l'acquisition de revenus
souvent plus importants que ceux obtenus par la pratique des activités
agricoles. En plus, traditionnellement, la pêche utilisait des techniques
locales dans le cadre d'une organisation domestique. Elle était
destinée essentiellement à l'alimentation familiale et, avec le
surplus des mises à terre disponible.
La diffusion de ces produits restait limitée aux zones
immédiatement contigües aux lieux de pêche au travers de
circuits d'échanges très courts et mal équipés en
moyen de transport et de conservation ; par là même, les
débouchés de cette production artisanale étaient
restreints aux seules perspectives régionales pour la satisfaction d'une
clientèle à faible pouvoir d'achat.
Très tôt cependant, même avant
l'indépendance du Sénégal survenue le 4 avril 1960, cette
activité a connu des débuts de modernisation avec la motorisation
des pirogues et, par là, l'amélioration des conditions
d'exploitation. « Le discours sur le développement des pêches
dans les pays sous-développés sont déterminés par
l'assimilation abusive entre richesse nationale et les exportations ; par la
croyance à une efficacité supérieure des formes
industrielles de pêche ; par sa réduction hâtive de la
pêche artisanale à ses seuls effets sociaux »8. En
effet, nous remarquons que la plus efficace des deux formes de pêche
n'est pas celle qui repose sur une technologie lourde. Sur le plan des
investissements les pêcheurs artisans travaillent avec plus de 70% des
fonds propres contre 4 à 5% pour la pêche industrielle laquelle
bénéficie des avantages substantiels du code des investissements,
du crédit maritime, de l'aide des banques et organismes financiers.
On voit ainsi que la pêche artisanale gagne 50 à
70% par franc investi contre 3 à 7% pour la pêche industrielle.
L'industrie emploie 2700 travailleurs et l'artisanat 27000. Sur le plan de
la
8 Jacques Weber et André Fontana, Aperçu
de la situation de la pêche maritime sénégalaise,
déc. 82, 34 pages
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 14
protection de la faune marine, l'artisanat prend le pas sur
l'industrie. Bref, on peut s'apercevoir que la pêche artisanale est plus
adaptée à l'économie sénégalaise mais aussi
à la création d'emplois ; ce qui demande une bonne étude
pour les nouvelles orientations.
Au Sénégal, la pêche maritime est
subdivisée en deux filières qui sont : la filière
artisanale et la filière industrielle.
1-1- La filière artisanale
Cette filière est pratiquée par des
pêcheurs artisans utilisant le plus souvent des embarcations en bois
construites par des charpentiers. Elle est occupée par plusieurs
communautés de pêcheurs s'adonnant à plusieurs techniques
de pêche dont les principales sont les suivantes :
? La pêche au filet dormant, où le filet est
maintenu tendu par le fond grâce à un poids lourd pour la
recherche d'espèces démersales9;
? La pêche au filet maillant, basé sur une nappe
de filet placée entre deux ralingues, l'une étant plombée,
l'autre flottante;
? La ligne simple qui est le type de pêche utilisant des
appâts et des hameçons reste la plus pratiquée au
Sénégal;
? La ligne glacière qui utilise la même technique
que la ligne simple mais regroupe les pirogues de marée avec des lignes,
elle nécessite l'utilisation de glace à cause du nombre de jours
restés en mer;
? La senne tournante qui nécessite l'utilisation de
deux grandes pirogues, l'une porteuse du filet de plusieurs mètres de
long contenant l'équipage et l'autre servant à stocker les
captures;
9 Espèces démersales vivent au dessus du
fond. Elles sont très mobiles mais très dépendantes du
fond d'où elles tirent leur nourriture.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 15
? La senne de plage est aussi un filet
généralement placé au large de la plage en cas de
période faste (bancs de Guiss10, de Tassergal11 ou
de Sardinelles par exemple), pas très loin et ne nécessite pas de
pirogue mais beaucoup de bras pour tirer le filet;
? Le casier, destiné à la capture de
crustacés ou de mollusques comme les poulpes et les seiches;
? La palangre, ensemble de hameçons d'une centaine
grandeur choisie, noués sur des cordes intermédiaires qui sont
fixés avec une certaine distance à une seule corde.
1-2- La filière industrielle
L'exercice de la pêche industrielle, dans les eaux
maritimes sous juridiction sénégalaise est subordonné
à la possession d'une licence de pêche en cours de
validité, délivrée par le ministre chargé de la
pêche maritime, après avis de la commission consultative
d'attribution des licences. Il existe quatre types de licences à
l'intérieur desquelles existent des options de pêche : licence de
pêche démersales côtières, licence de pêche
démersales profondes, licence de pêche pélagique
côtière, licence de pêche pélagique
hauturière.
On distingue au niveau de cette filière les
différents types de pêche suivants :
? La pêche sardinière dakaroise, de type
semi-industriel
? La pêche des thoniers (canneurs essentiellement)
lorsqu'ils effectuent leur approvisionnement en appât vivant.
En effet, ces deux filières contribuent de façon
importante au développement économique et social du
Sénégal. Elles jouent un rôle capital dans les domaines
vitaux tels que la sécurité alimentaire, la création
d'emplois et de richesses. Actuellement elles occupent directement ou
indirectement plus de 600 000 emplois dont 400 000 dans la pêche
traditionnelle. Avec une
10 Bancs de « Guiss » en français,
Bancs de Mulet jaune
11 Bancs de « Tassergal » en français
Bancs de poisson bleu
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 16
production qui atteint un chiffre d'affaire estimé
à 278 milliards par an, la pêche joue un rôle crucial pour
les populations et l'économie nationale12 au
Sénégal.
2- Importance culturelle et économique de la
pêche pour le Sénégal
Le Sénégal est situé dans l'une des zones
les plus poissonneuses de l'Afrique. La pêche y est une activité
ancienne et traditionnelle qui a une grande importance sur les plans culturel,
social et économique et joue un rôle primordial dans
l'alimentation humaine.
2-1- Culturelle
2-1-1- Croyances et mythes liés aux éléments
naturels
En empruntant la définition du mot croyance
donnée par Nelly Bidot- Bernard Morat, le mot « croyance » est
la forme substantivée du verbe croire13. Si l'on se
réfère à l'utilisation que l'on fait du mot croire, il est
amusant de constater que nous pouvons lui donner trois sens différents,
voire contradictoires: croire dans le sens d'avoir confiance, croire dans le
sens de tenir pour sûr et croire dans le sens de douter.
A partir de cette définition, je tenterai de comprendre
certaines croyances mystiques des pêcheurs dont les départs pour
les marées s'accompagnent de nombreux faits anecdotiques liés
à une préparation teintée de croyances
mystico-religieuses. Et ceci, depuis la nuit des temps. Dans leur immense
majorité, les pêcheurs n'échappent pas à cette
attitude.
De même avec leurs croyances, les pêcheurs ont
convenu ensemble dans certaines zones de pêche, quand la marée est
haute, ils ne vont pas pêcher car craignant pour leur
sécurité; ils se disent toujours qu'une marée haute est
due à la volonté divine ou à des forces surnaturelles.
12 Source: Monographie sur la pêche et la
forêt et la Stratégie de la croissance
Accélérée, grappe pêche et aquaculture, 2007.
13 Nelly Bidot- Bernard Morat, « Agir ou Subir
? Des clefs pour vivre le changement imposé », 1996, Inter
Editions, 184 pages.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 17
Durant les clairs de lune, les pêcheurs ne vont pas en
mer, car durant cette période, ils ne peuvent pas détecter les
bancs de poissons.
Un autre pêcheur Y ayant soixante dix années au
village pêcheur de Yoff, m'a confirmé les propos du premier
interviewé.
Il ajoute que si des accidents en mer se soldent parfois par
des pertes en vies humaines, c'est parce que la communauté de
pêcheurs ne fait pas régulièrement les offrandes qui les
protègent des calamités naturelles.
A Yoff, j'ai rencontré des messieurs dont Monsieur Z,
qui a fait pratiquement les mêmes appréciations que celles
recueillies à Thiaroye sur les marées hautes, l'agitation de la
mer provoquée par les vagues houleuses et les clairs de lune.
Il a abordé le sujet des offrandes qui sera davantage
commenté par Monsieur H qui est né en 1950, et qui est sans doute
le plus âgé de cette localité. Il m'a fait comprendre que
cette localité avait un « rap» qui s'appelle «Mam
N'diaré», qui exige aux villageois une cérémonie
appelée «Ndeup» (cérémonie rituelle), qui se
fait annuellement et qui est gérée par deux familles à
tour de rôle.
Cette cérémonie se fait autour d'un grand puits
qui se trouve à Thongore (village de pêcheurs à Yoff). Les
pêcheurs s'y regroupent, versent du lait et du sang aux « Khamb
», endroits où l'on trouve les génies. Ils préparent
des bouillies qu'ils partagent avec les habitants, et dont une grande partie
est versée dans la mer avec du lait. On notera également que
durant cette cérémonie, ils tuent des boeufs. Ils font ces
sacrifices pour que les reines de la mer les protègent des mauvais
esprits vivants dans la mer.
Cette cérémonie se déroule une seule fois
pendant l'année, et ce sont deux familles du village (Soumbari et de
Mame Guissance DIOUF) qui s'en occupent, avec l'aide financière et
matérielle des pêcheurs. Parmi les interdictions, il y a le
vendredi qui est un jour saint, et le lendemain de la «Thamkharite»,
jours durant lesquels les pêcheurs ne vont pas en mer. A part cette
cérémonie collective, il y a également des pêcheurs
qui vont chercher des prières et des gris-gris (amulettes) pour se
protéger de cette mer qui est si mystérieuse.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 18
J'ai rencontré un autre pêcheur nommé N,
âgé de 40 ans. Je lui ai posé plusieurs questions
liées aux relations entre l'homme et la mer. A la question : «
existe-t-il des mythes liés à la mer ? », il m'a dit qu'il
existe bien des mythes, car ils font des sacrifices. Selon lui, tout le monde
doit faire des sacrifices ici.
Selon le pêcheur XY rencontré, «les
activités de pêche se caractérisent par la croyance en une
force vitale cosmique, Dieu, qui énmane à la fois des esprits de
la nature, des ancêtres et des chefs de tribu». En continuant
toujours ses propos, il affirme qu'ils doivent toujours respecter les
traditions en les consolidant: y renoncer, c'est aller contre l'ordre
sacré et social établi par les ancêtres, signifie aussi
limiter la force vitale, voire la détruire.
Il m'a expliqué que si la ressource se raréfie,
c'est parce que certains d'entre eux ne respectent plus la tradition et croient
plutôt à la modernité. Dans certaines localités de
pêche, les professionnels ne respectent plus les différentes
formes de cultes que sont les prières, les sacrifices et les danses
sacrées.
Par conséquent, c'est avec ces croyances que la plupart
des pêcheurs résistent aux changements dans les pratiques et
méthodes de travail, annoncés plus haut car, ils
considérent que ces changements vont à l'encontre de leurs
intérets.
2-1-2- Compétences des pêcheurs
Ici, il s'agit de compétences des pêcheurs
sénégalais qu'on attribut le nom «de bretons de
l'Afrique». Depuis des temps immémoriaux, ils naviguent et
repérent des bancs de poisson sans instruments de navigation grâce
à leur intelligence et bravoure.
C'est dans cette optique que j'ai rencontré un
pêcheur X qui raconte lors de l'entretien :
« Les pêcheurs ne vont pas à la mer quand il
y a des vents forts, surtout pendant l'hivernage » et « Parfois, il y
a des eaux transparentes et des eaux non transparentes mais, en
général les eaux moins transparentes portent plus de poissons que
les eaux transparentes ».
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 19
On peut avoir comme explication à ces deux assertions
que de décembre à juillet, la pêche est la principale
occupation des pêcheurs. Mais, dés les premières pluies de
l'hivernage, les gros poissons migrateurs disparaissent et les pirogues sont au
repos. En plus, quand les vents forts (alizés) soufflent dans le nord du
pays, la navigation devient extrêmement dangereuse. Ces vents sont
sources de nombreux accidents en mer.
« Les pêcheurs ne pêchent pas seulement sur
leur côte, ils effectuent des déplacements vers d'autres
».
« Pendant la saison sèche, les poissons sont plus
nombreux contrairement à la saison des pluies. Il existe des zones dans
la mer auxquelles les pêcheurs donnent des noms pour se repérer
».
Pendant cette saison sèche correspondant à la
morte-saison agricole, et où la pêche est parfois fructueuse, les
pêcheurs se déplacent volontiers d'un point du littoral à
l'autre, à la poursuite des bancs les plus poissonneux.
Selon les résultats des entretiens ci-dessus sur les
croyances, il est apparu nécessaire de constater que la pêche
artisanale maritime sénégalaise reste encore sujette à
d'énormes croyances à certains génies capables de
répandre diverses espèces de poissons que les piroguiers viennent
pêcher sans effort exagéré. Ces croyances aux esprits
d'ancêtres tutélaires et bienfaiteurs auxquels l'on peut
s'accorder des faveurs sur simple demande collective, sont bien ancrées
dans l'esprit des populations qui possédent une longue tradition dans un
village de pêcheurs. En effet, les vieux pêcheurs ont une croyance
absolue aux génies ainsi qu'à leurs désservants:
Féticheurs, Djins et les Voyants qui déploient des forces
surnaturelles d'obtention du poisson.
Cette catégorie d'anciens pêcheurs reste encore
majoritaire par conséquent, les croyances aux génies demeurent
vivaces même si leurs activités sont quantitativement en
recrudescence. Ces pratiques mythico-religieuses sont suffisamment
enrancinées pour être en mesure de survivre auprès de la
population de jeunes pêcheurs surtout que les conditions
matérielles actuelles semblent guère favorables à la
démystification des pratiques mythico-religieuses.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 20
En effet, il faut ajouter que la croyance aux esprits en
général et à la sorcellerie en particulier hantent les
pêcheurs et leurs voisins à tel point qu'il n'est pas encore temps
de prétendre les enrayer par quel moyen que ce soit. Ces croyances
fonctionnent dans le milieu pêcheur comme des idéologies dans
cette société où les lois coutumières coexistent
avec les lois de la société moderne.
En plus, selon les réponses des pêcheurs, la
raréfaction du poisson peut-être expliquée par le fait que
les génies protecteurs sont en colère contre les
communautés de pêcheurs qui n'organisent pas
régulièrement de cérémonies aux génies de la
nature. Selon les pêcheurs, ses génies en colère retirent
les poissons pour répandre la famine qui leur obligera peut-être
à rendre à nouveau des cultes aux ancêtres.
Dans une autre dimension, la religion joue un rôle dans
la régulation de la société sénégalaise qui
reste très attachée à celle-ci. Les différentes
religions pratiquées au Sénégal sont l'Islam, le
Christianisme et l'Athéisme. Le cadre religieux est d'une grande
richesse qui correspond à la variété de la population. Les
religions au Sénégal participent d'un modèle unique, avec
une base commune caractérisée par le culte des ancêtres, la
croyance en la réincarnation, un aspect initiatique et, dans la
majorité des cas, la matriarcat, le totémisme et
l'impartialité de Dieu. Les religions au Sénégal incluent
la croyance aux forces, ensemble d'intermédiaires entre Dieu et l'homme,
animant l'univers sous la forme de génies, d'esprits souvent
nommés «djins» dans l'Islam, ou les ancêtres. Ils
incluent aussi le totémisme, expression de la communication
homme-animal, et l'ancestrisme, avec les ancêtres intercesseurs
auprès de Dieu. Mais avec le fétichisme, la manipulation
sacrée peut respecter la magie du verbe par rapport aux forces, mais
aussi la superstition et les attitudes magiques.
La société sénégalaise est un
mélange de tout, certains ont des croyances mythiques, d'autres ont des
rites qui leur sont propres, certains mélangent tout. Il y'a ceux qui
ont à la fois des croyances mythico-religieuses et la logique des
choses. Il esiste un autre groupe qui ne croit pas aux «djins», aux
fétiches et aux voyants, car selon eux tout provient de l'ordre divin et
que la religion musulmane leur interdit toutes pratiques féticheuses et
rituelles.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 21
2-2- Economique
Autrefois, l'économie sénégalaise s'est
reposée sur l'arachide et les phosphates. Mais suite, à des
années successives de sécheresse et la
détérioration des termes de l'échange due au choc
pétrolier, la pêche occupe désormais la première
place dans l'activité socio-économique.
Les résultats généraux de la pêche
maritime ont montré, que les captures totales débarquées
en 2012, s'élèvent à 447 961 tonnes pour une valeur
commerciale estimée à 152 milliards de francs CFA (soit environ
231 722 506 euros)14.
Graphique 1 : Débarquements par type de
pêche
![](Les-changements-comportementaux-des-acteurs-de-la-pche-maritime-senegalaise-pour-une-gestion-dur5.png)
Source : DPM
14 Source : DPM, Rapport 2012
Ce graphique montre que les captures de la pêche
maritime artisanale sont de loin plus importantes que celles de la pêche
industrielle. En 2012, la pêche artisanale représente plus de 91%
du volume total débarqué par la pêche maritime
sénégalaise. Par rapport en 2011, elle a augmenté de
d'environ de 9%. Globalement, les débarquements de la pêche
artisanale et industrielle confondues ont augmenté de 6% par rapport
à l'année 2011, passant ainsi de 420 879 tonnes à 447 961
tonnes. La région de Thiès réalise à elle seule
plus de la moitié des poissons débarqués au
Sénégal.
En 2012, on dénombrait au niveau de la filière
artisanale 58 116 pêcheurs et 10455 pirogues. Le volume total des
captures estimé à 405 974 tonnes contre 372 956 tonnes en 2011,
soit 89% de la production totale débarquée au
Sénégal en 2012.
En plus de son rôle d'approvisionnement du marché
national en produits frais, elle approvisionne aussi en produits frais les
ateliers et usines de transformation du Sénégal. Ces produits
transformés sont destinés à la consommation locale ou
à l'exportation.
En 2011, la pêche industrielle disposait d'une flotte
nationale et étrangère composée au total de 129 navires
dont les captures s'élèvent à 119 330 tonnes. Parmi ces
captures, 60 694 tonnes ont été débarqués au port
de Dakar. Elle dispose d'une flotte nationale et d'une flotte industrielle.
La flotte nationale est composée de 98 navires, dont 91
chalutiers, 1 sardinier et 6 thoniers. Ses débarquements sont
estimés à 48 456 tonnes. La flotte étrangère est
composée de 31 navires, dont 23 chalutiers pélagiques
opérant dans le cadre du protocole thonier signé avec les
armateurs français et espagnols.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 22
![](Les-changements-comportementaux-des-acteurs-de-la-pche-maritime-senegalaise-pour-une-gestion-dur6.png)
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 23
Source : DPM
La répartition des poissons débarqués par
la pêche artisanale par région, montre que de Thiès demeure
la plus grande région maritime du Sénégal. Cela s'explique
par la présence d'un plus grand nombre de pirogues et de pêcheurs
artisans, d'une zone de pêche très étendue, et par la
présence de grands centres de pêche comme Mbour, Kayar et Joal.
En 2011, la valeur commerciale au débarquement de la
pêche nationale industrielle est de 39,5 milliards de FCFA, dont 36,7
milliards de F CFA pour la pêche chalutière et 2,8 milliards de F
CFA pour la pêche thonière15.
Par ailleurs, l'évolution de la production de la
pêche industrielle sur la période 2005-2011 connait une tendance
à la baisse alors que la valeur des captures est en hausse. Cette hausse
s'explique par le fait que ces captures sont exportées sur le
marché européen, très rémunérateur.
Dans cette partie, il s'agira de faire l'état de la
commercialisation des produits de pêche mais aussi de montrer l'impact
socio-économique de la pêche au Sénégal.
15 Source : DPM, Rapport 2012
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 24
2-2-1- La commercialisation des produits de la pêche
La commercialisation des produits halieutiques vise les
marchés intérieurs et extérieurs. ? Le marché
intérieur
Le poisson est un produit traditionnellement
apprécié des populations sénégalaises. La
consommation de cette denrée alimentaire qui jadis s'est limitée
aux zones côtières se répand progressivement à
l'intérieur du pays avec la construction des voies de communication
facilitant ainsi la distribution rapide de cette denrée très
périssable.
Les produits frais sont commercialisés localement (dans
les marchés par les micro-mareyeurs le plus souvent) ou vers
l'intérieur du pays par des mareyeurs qui viennent s'approvisionner sur
place au niveau des centres de débarquement du poisson (plages).
Ces mareyeurs, pour la plupart, sont issus du milieu rural et
ont quitté leur lieu d'origine par suite de la sécheresse, pour
venir s'employer sur les plages. Sans accès aux crédits
bancaires, ils travaillent le plus souvent avec des matériels d'occasion
vétustes. Ces mareyeurs encourent des risques car le matériel de
transport dont ils disposent n'est pas idéal à la
commercialisation des poissons par manque de système d'isolation
adéquat, mais aussi par l'utilisation d'importantes quantités de
glace (15 kg de poisson pour 15 kg de glace). Dés fois, la moindre panne
entraîne la perte de toute la cargaison.
En 2011, 191 236 tonnes de poissons issus presque des
débarquements de la pêche artisanale ont été
commercialisés au Sénégal. Depuis quelques années
on constate une baisse importante des quantités de poissons vendus sur
le marché national, passant de 248 500 tonnes en 1997 à 191 236
tonnes en 201116.
16 Ministère de la pêche et des affaires
maritimes, Conseil interministériel sur la pêche, document
introductif, 2013, p.40
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 25
Cette baisse est liée à la part croissante des
exportations de poissons destinées notamment aux pays de la
sous-région. La création de marchés centraux au poisson
à Dakar et à Kaolack qui jouent un rôle important dans la
collecte et la distribution du poisson a favorisé l'essor du
mareyage.
Toutefois dans certaines zones, notamment la partie
méridionale du pays, le mareyage reste faiblement
développé à cause des problèmes d'enclavement et du
manque d'infrastructures (fabrique de glace, chambre de stockage, route et
piste de production,...).
L'activité est exercée par deux types d'acteurs
: les mareyeurs et les micro-mareyeurs. Elle subit actuellement d'importantes
mutations marquées par l'arrivée massive de ressortissants des
pays de la sous-région dans cette filière.
? Le marché extérieur17
L'exportation du poisson au Sénégal est une
activité pratiquée par des mareyeurs - exportateurs. Ces
mareyeurs sont des professionnels qui s'adonnent régulièrement
à la commercialisation des produits de la pêche et qui disposent
d'installations et de matériels de travail conformes à la
réglementation en vigueur.
Depuis de nombreuses années, les produits marins sont
commercialisés à l'extérieur du pays par des
commerçants qui viennent s'approvisionner sur place, notamment pour
l'exportation vers des pays africains et asiatiques. La demande
extérieure est croissante et s'oriente vers des produits qui ne sont pas
consommés au Sénégal (sali, poissons fumés). Cette
tendance d'évolution du marché est très prometteuse car la
transformation artisanale n'entre pas en concurrence avec la consommation en
frais et constitue un marché
17 Ministère de la pêche et des affaires
maritimes, Conseil interministériel sur la pêche, document
introductif, 2013, p.40
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 26
spécifique pour la pêche artisanale. Les produits
frais sont destinés le plus souvent vers les pays européens
contrairement aux poissons transformés artisanalement.
Depuis 2007, l'Afrique est devenue la première
destination des exportations des produits halieutiques en termes de volume,
supplantant l'Europe. Les exportations des produits halieutiques en 2011
s'élèvent à 110 867 tonnes pour une valeur commerciale
estimée à 143,2 milliards de FCFA. L'évolution à
moyen et long terme des exportations révèle une tendance
baissière en volume et en valeur.
Ainsi en 2011, la part respective de l'Afrique et de l'Union
européenne dans les exportations en volume est de 51 % et 32 %.
Toutefois, en termes de valeur, la part de l'Union européenne dans les
exportations reste prépondérante. La réorientation
géographique des exportations s'explique aussi par la raréfaction
croissante de groupes d'espèces habituellement exportés vers le
marché européen ( mérous, daurades, crevettes,
céphalopodes...), ce qui a entraîné un report des
exportations vers des espèces jusqu'ici destinées au
marché national (sardinelles, chinchards, ceintures,...). L'essentiel
des exportations est composé de produits congelés, suivis par les
produits frais.
En 2011, les proportions de congelés et de frais
représentent respectivement 89 % et 6 %. En outre, les produits
halieutiques sont exportés à 80 % en entier, sans aucune
transformation.
2-2-2- La transformation des produits halieutiques
La transformation artisanale des produits halieutiques est
dominée à 90 % par les femmes sénégalaises qui
travaillent dans ce domaine. Ces femmes ou transformatrices, très
dynamiques dans cette activité sont regroupées en Groupements
d'intérêts économiques. Le Groupements
d'intérêts économiques est une association qui se
définie comme une personne morale ayant pour but exclusif de mettre en
oeuvre pour une durée déterminée, tous les moyens propres
à faciliter ou à développer l'activité
économique de ses membres, à améliorer ou accroître
les résultats de cette activité. En effet, la transformation
artisanale absorbe à peu prés les 30 à 40 % des captures
et jusqu'à 75 % dans certaines régions et permet de mettre sur
les marchés divers produits. Aujourd'hui, on note, même qu'une
bonne partie des produits
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 27
transformés artisanalement (fumage, braisage,
séchage, salage, tambadiang18) sont exportés en grande
quantité vers les pays de la sous-région, notamment le Mali, le
Burkina-Faso, le Ghana et le Togo. Cependant, cette activité est en
train d'être reprise petit à petit par les étrangers,
notamment les ghanéens et les Burkinabés qui se chargent de
l'amélioration et de la commercialisation des produits
transformés vers leurs pays d'origines dont ils maîtrisent les
goûts et les préférences.
La transformation artisanale des produits halieutiques est
facilitée par l'existence d'une multitude de sites de
débarquements où sont implantées l'essentiel des
unités de transformation artisanale. Elle est aussi simplifiée
par l'existence de plusieurs espèces utilisées comme
matière première.
La transformation artisanale des produits halieutiques
contribue à la création d'emplois car elle utilise plus de
700019 transformatrices qui embauchent à peu prés 5
personnes chacune. Elle revêt un caractère culturel car mettant
sur le marché des produits qui participent aux habitudes culinaires des
sénégalais. Elle permet également aux populations locales
qui ne peuvent pas avoir du poisson frais du à leur éloignement
des zones côtières, de s'approprier en protéines animales,
car ces produits sont plus faciles à conserver. Mais ces
dernières années, avec la dégradation des ressources les
produits transformés par manque de matières premières,
deviennent rares et onéreux.
|