Directrice de recherche :
Maya COLLOMBON,
Maître de conférences Sciences Po de Lyon
Présenté par :
Monsieur Gorgui Aly BA
STRASBOURG 2015
LES CHANGEMENTS COMPORTEMENTAUX DES ACTEURS
DELA
PECHE MARITIME SENEGALAISE POUR UNE GESTION
DURABLE DE LA
FILIERE
Mémoire présenté en vue de l?obtention
du
Diplôme des Hautes Etudes des Pratiques
Sociales
D.H.E.P.S.
LES CHANGEMENTS COMPORTEMENTAUX DES ACTEURS
DELA
PECHE MARITIME SENEGALAISE POUR UNE GESTION
DURABLE DE LA
FILIERE
Mémoire présenté en vue de l?obtention
du
Diplôme des Hautes Etudes des Pratiques
Sociales
D.H.E.P.S.
Directrice de recherche :
Maya COLLOMBON,
Maître de conférences Sciences Po de Lyon
|
Présenté par :
Monsieur Gorgui Aly BA
|
|
|
STRASBOURG 2015
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière
Les opinions exprimées dans ce mémoire sont
celles de l?auteur et ne sauraient en aucun cas engager le Collège
Coopératif Provence Alpes Méditerranée, ni la directrice
du mémoire.
REMERCIEMENTS
Je remercie vivement Maya COLLOMBON maître de
conférences Sciences Po de Lyon, pour avoir assuré la direction
de ce travail, et pour m'avoir apporté la rigueur scientifique
nécessaire à son bon déroulement.
Je remercie Messieurs Jean Pierre LENZI, Directeur du
Collège Coopératif Provence Alpes Méditerranée et
Philippe NECTOUX, Responsable de la formation, pour m'avoir accepté dans
la formation, malgré mes difficultés financières.
Je remercie Monsieur Babacar Banda DIOP, Chef Service
régional des pêches et de la surveillance de Dakar, pour ses
conseils et soutien moral.
J'adresse mes plus sincères remerciements à tous
mes collègues de la formation DHEPS-DEIS, pour leur collaboration et
l'Habitat Alternatif Social.
Je veux aussi remercier Madame Anne SYBILLE D'HANES, pour sa
générosité et son soutien inlassable à mon
endroit.
Aussi, j'adresse mes remerciements à tous ceux qui ont
participé à l'élaboration de ce mémoire, pour leur
engagement et leur dévouement.
Enfin, je dédicace ce travail à ma mère,
mon épouse, mes enfants, mes frères et soeurs qui m'ont toujours
encouragé et soutenu dans les difficultés.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière
SOMMAIRE Pages
Remerciements
Sommaire
Liste des sigles et abréviations
Introduction 1
Partie I : La pêche au Sénégal
11
Chapitre I : Le secteur de la pêche au
Sénégal, une activité économique et ancestrale
12
Chapitre II : Une activité professionnelle soumise
à la diminution des ressources halieutiques 31
Chapitre III : L'apport de la sociologie de la traduction
43
Partie II : L'Etat et la pêche 53
Chapitre I : Une organisation étatique
spécifique et une administration sous contraintes 54
Chapitre II : Les tentatives de changement et la confrontation
avec les pêcheurs 60
Chapitre III : La corruption dans la pêche et les
pratiques frauduleuses 66
Partie III : Vers un développement durable des
pêches au Sénégal 73
Chapitre I: L'accompagnement au changement 74
Chapitre II : Résultats de la recherche 86
Conclusion générale 95
Références bibliographiques
101
Annexes 106
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS- 2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.
Photo/ Source : Ecotours-Sénégal
La mer serait-elle l'avenir de l'homme ? Ce n'est pas
sûr ; mais on peut penser que les incroyables richesses qu'elle contient
peuvent aider les hommes à vivre, s'ils apprennent à les
respecter et les gérer durablement.
Gorgui Aly BA
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS- 2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS- 2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.
AFP : Agence France-Presse
ANSD : Agence Nationale de la Statistique et
du Développement
AMP : Aires Marines
Protégées
ASEPEX : Agence Sénégalaise de
Promotion des Exportations
CAMP : Centre d'Assistance pour la
Motorisation des Pirogues
CAEP : Centre d'Assistance,
d'Expérimentation pour la Pêche Artisanale
CLPA : Comités Locaux de Pêche
Artisanale
CMR : Centre Mareyage de Rufisque
CSRP : Comité Sous Régional des
Pêches
CRODT : Centre de Recherches
Océanographiques de Dakar-Thiaroye
CONIPAS : Conseil National Interprofessionnel
de la Pêche Artisanale au Sénégal
CNPS : Collectif National des Pêcheurs
Artisanaux du Sénégal
COMHAFAT : Conférence
Ministérielle sur la Coopération Halieutique entre les
états
Africains riverains de l'Atlantique
DGEFM : Direction de la Gestion et de
l'Exploitation des Fonds Marins.
DMM : Direction de la Marine Marchande
DPM : Direction des pêches Maritimes
DPC : Direction de la Pêche
Continentale
DPSP : Direction de la Protection et de la
Surveillance des Pêches
DITP : Direction des Industries de
Transformation de la Pêche
FAO : Organisation des Nations Unies pour
l'Alimentation et l'Agriculture
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS- 2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.
FENAGIE-PECHE : Fédération
Nationale des Groupements d'Intérêts Economiques des
Pêches
FENAMS : Fédération Nationale
des Groupements d'Intérêts Economiques de Mareyeurs
FENATRAMS : Fédération
Nationale des Femmes Transformatrices
GAIPES : Groupement des Armateurs et
Industriels de la Pêche maritime au Sénégal
GIE : Groupement d'Intérêt
Economique
ICCAT : Commission International pour la
Conservation des Thonidés de l'Atlantique
IRD : Institut de Recherche et de
Développement
OCDE : Organisation de Coopération et
de Développement Economique
ONU : Organisation des Nations Unies
PIB : Produit Intérieur Brut
SCA : Stratégie de Croissance
accélérée
SNCDS : Société Nationale des
Conserveries du Sénégal
U E : Union Européenne
UNAGIEMS : Union Nationale des Groupements
d'Intérêts Economiques de Mareyeurs
ZEE : Zone Economique Exclusive
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS- 2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.
INTRODUCTION
Quels poissons éviter de consommer ? Plusieurs
espèces de consommation courante sont en
péril et il faut renoncer à les consommer : thon
rouge, saumon atlantique sauvage, turbot, sole,
merlu, empereur, cabillaud, raie, flétan...
WWF
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 1
Après avoir travaillé depuis 1992 dans
l'administration publique des pêches maritimes, j'ai ressenti le besoin
d'investir ma réflexion sur le thème du développement
durable de la pêche, en essayant de promouvoir les changements
comportementaux des acteurs qui conduiront à la gestion durable de la
ressource halieutique. La formation reçue du Collège
Coopératif Provence Alpes Méditerranée pour l'obtention du
Diplôme des Hautes Etudes des Pratiques Sociales (DHEPS), associée
à mes compétences professionnelles, m'ont aidé à
mener à bien ce travail de recherche.
Dans le monde, la pêche fait vivre plus de 250 millions
de personnes et d'activités liées à la pêche. Le
poisson assure à plus de 2,6 milliards d'individus à
l'échelle mondiale, au moins 20% de leur apport en protéines. La
production mondiale annuelle de poisson est d'environ 142 millions de tonnes,
dont 94 millions proviennent des captures et 48 millions des poissons
d'élevage. Malheureusement du fait de l'action de l'homme, cette
ressource se raréfie. Il est même possible de constater la
disparition de certaines espèces de poisson. Aussi, en raison de la
surpêche industrielle, le volume de poissons capturés en mer
stagne1.
La moitié des groupes d'espèces sont
exploités au maximum, 24 % surexploités et les plus grandes zones
ont atteint ou dépassé leurs limites naturelles. Au niveau
européen, la Commission européenne indique que la majorité
des espèces marines de l'Atlantique Nord-Est évaluées est
surexploitée.
La pêche industrielle est cause d'une surexploitation
des stocks, d'une destruction de fonds marins, réserves de
biodiversité loin d'être encore explorées, de destruction
accidentelle d'espèces qui sont prises dans les chaluts (tortues,
dauphins, oiseaux de mer...).
L'aquaculture industrielle permet à la production de
poissons et de crevettes d'augmenter. Mais elle est polluante, aggrave la
surpêche pour fabriquer la farine animale, et détruit des
écosystèmes vitaux, comme les mangroves.
1 Source : FAO, 2005
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 2
La surpêche est la pêche pratiquée par
l'homme sur certains poissons, crustacés, mollusques. C'est une tendance
observée dans presque toutes les pêcheries de la planète,
c'est une menace très grave pour la sécurité alimentaire
et les équilibres écologiques marins.
En effet, les problèmes de la pêche dans le monde
et au Sénégal sont à peu prés les mêmes.
Cependant, une politique commune de la pêche visant à encadrer les
pratiques de pêche dans le monde est attendue pour lutter contre le
pillage organisé de la ressource marine.
Au Sénégal, le secteur de la pêche est une
composante essentielle du développement rural. Il joue un rôle
stratégique et de soutien à la croissance de l'économie
nationale en contribuant notamment à la réduction de la
pauvreté, du déficit de la balance des paiements et du
chômage.
Les nombreux pêcheurs pratiquant la pêche de
capture sont souvent confrontés à des difficultés
d'exploitation et à des problèmes délicats qu'ils devront
surmonter pour que les pêches de capture restent une source constante
d'aliments et de revenus. L'accès aux ressources halieutiques marines,
et leur utilisation sont les principaux sujets de
controverses.
L'usage a montré que les ressources halieutiques
renouvelables comme les stocks de poissons disparaissent, faute de gouvernance
rationnelle, dès que la demande effective pour un poisson particulier
dépasse la capacité biologique du stock concerné. Cette
gouvernance rationnelle vise à mettre en place des modes de pilotage et
de régulation plus souples, répondant mieux aux besoins des
sociétés actuelles et fondés sur un réel
partenariat entre les différents acteurs (administration, politiques,
société civile) et aux différents niveaux (local, national
et international). Elle véhicule aussi un ensemble de valeurs et de
principes sociétaux comme l'accès à l'information, la
lutte contre la corruption, la gestion efficace des ressources, le
développement durable pour les générations actuelles et
à venir et le dialogue entre les différents acteurs pour asseoir
la décision, etc.
Dans le secteur de la pêche de capture, l'exploitation
des ressources halieutiques ne peut être optimale et à long terme
que si les intervenants garantissent une gouvernance rationnelle. Pour
être en phase avec les institutions internationales, le
Sénégal a adopté une approche participative impliquant
tous les acteurs pour une gestion durable des ressources halieutiques.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 3
Aujourd'hui se pose avec acuité le problème de
la gestion saine et durable de la ressource halieutique en
général et particulièrement celle ciblée par la
pêche artisanale, une menace sur la contribution à la
sécurité alimentaire, induit indubitablement par l'absence d'un
système d'aménagement des pêcheries, fondé sur des
mesures techniques, sociales et économiques cohérentes
articulées autour d'objectifs clairs de gestion des pêcheries.
Le développement durable est un «
développement qui répond aux besoins du présent sans
compromettre la capacité des générations futures de
répondre aux leurs », citation de Mme Gro Brundtland2.
En 1992, le Sommet de la Terre à Rio, tenu sous l'égide des
Nations Unies, officialise la notion de développement durable et celles
des trois piliers (économie/écologie/social) : un
développement économiquement efficace, socialement
équitable et écologiquement soutenable. Selon Brundtland, «
le développement durable amorce des processus de changements dans
lesquels l'exploitation des ressources, l'orientation des investissements,
l'orientation du développement technologique et les changements
institutionnels sont faits en fonction des besoins d'aujourd'hui et de demain ;
permet aux sociétés de satisfaire les besoins humains en
augmentant le potentiel équitable de production et en assurant un
potentiel équitable et des chances égales à tous ;
définit la croissance économique en termes de limites de
régénération et de croissance naturelles3
».
Pour atteindre les objectifs du développement durable
dans le secteur de la pêche, il est nécessaire que tous les
acteurs comprennent mieux les enjeux du secteur, afin de fournir ensemble des
efforts considérables. La collaboration entre tous les acteurs peut
constituer un support à cet effet.
1- L'objet de la recherche
Le but de ce mémoire est de mesurer les degrés
de perception des différents acteurs de la pêche sur la
dégradation des ressources halieutiques du Sénégal et
comment y faire face
2 Gro Brundtland= Premier Ministre norvégien en
1987.
3 Rapport Brundtland, Notre avenir à tous,
Oslo, 20 mars 1987, 349 pages
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 4
actuellement pour gérer durablement les stocks de
poissons par un changement de comportement dans les pratiques de tous les
acteurs de la filière pêche.
Les objectifs sont :
? Identifier les mesures à mettre en oeuvre pour
améliorer les relations de confiance entre les différents acteurs
de la filière pêche ;
? Construire des relations de confiance entre les
différents acteurs permettant des changements comportementaux qui
conduisent à la durabilité des ressources halieutiques.
J'essayerai de définir le changement comme étant
un ensemble de transformations structurelles de la société. C'est
un phénomène collectif daté dans le temps et qui s'inscrit
dans la moyenne ou longue durée.
« Le comportement est l'ensemble des réactions
objectivement observables qu'un organisme généralement pourvu
d'un système nerveux exécute en réponse aux stimulations
du milieu, elles-mêmes objectivement observables »4. En
fait les changements comportementaux ne sont pas simplement une question de
connaissances et de compétences.
Par exemple la campagne sur le port du gilet de sauvetage
aurait pu diminuer les nombreux accidents en mer chez les pêcheurs qui
augmentent de jour en jour. De même : l'interdiction des mono-filaments
et la pêche à la dynamite qui ont des conséquences
néfastes sur les ressources halieutiques auraient pu être
abandonnées sans contestations ni refus.
Malheureusement, l'administration publique des pêches
échoue à créer un changement durable du comportement des
différents acteurs de la pêche (pêcheurs, mareyeurs,
transformatrices), provoquant une situation d'absence de relation de confiance
entre l'administration et les professionnels.
Cette situation a des incidents négatifs sur le
comportement des acteurs, en termes d'application de la réglementation
et des difficultés à les mobiliser pour gérer durablement
la
4 Watson J.B. in Bloch, 1994, p.153
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 5
pêche. Un changement radical dans les relations entre
tous les acteurs, pour restaurer la confiance et l'Etat de droit, s'impose
donc.
Globalement, les attentes de la profession vis-à-vis de
l'Etat concernent :
? Le respect des engagements ;
? La formation et la recherche, qu'il conviendrait de
dynamiser, compte tenu de leur rôle fondamental pour un
développement durable du secteur ;
? La conscientisation des acteurs à des solutions
innovantes pour le renouvellement des stocks de poissons ;
? L'introduction d'une gestion durable de la ressource
halieutique au Sénégal.
Le secteur de la pêche au Sénégal connait
des difficultés depuis plusieurs années à cause de la
surexploitation des ressources marines halieutiques, de la rareté des
ressources, de la disparition de certaines espèces de poissons, de
nombreuses pertes en vies humaines des pêcheurs , du non respect des
décisions gouvernementales pour ce qui concerne le port du gilet de
sauvetage, du repos biologique, de l'utilisation des filets mono-filaments,
etc.
2- Méthodologie :
La méthode préconisée pour mener à
bien mon projet de recherche est d'établir un panorama de la situation
générale de la pêche au Sénégal, son impact
socio-économique, en menant des enquêtes exploratoires dans
différents centres d'activités de pêche (centres de
débarquement, les plages, les marchés et les ateliers de
transformation, etc.). J'ai pour cela réalisé neuf entretiens de
membres de l'administration publique des pêches chargés de faire
respecter la réglementation en vigueur et de mettre en oeuvre des
programmes de développement du gouvernement en matière de
pêche maritime. J'ai aussi réalisé douze entretiens
auprès de pêcheurs, mareyeurs et transformatrices, et ensuite,
cinq entretiens auprès des chercheurs dans le domaine des ressources
marines.
Pour mener à bien ce travail, j'ai aussi
procédé à une analyse d'ouvrages divers, sites internet,
enquêtes (auprès des pêcheurs, mareyeurs, transformateurs,
services étatiques). Dans un premier temps, j'ai utilisé les
résultats d'études quantitatives sur la sensibilité et les
pratiques des acteurs de la pêche vis-à-vis de la gestion durable
des pêcheries, sur les décès des pêcheurs en mer, le
port du gilet de sauvetage et des rapports (statistiques de pêche,
travaux
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 6
de biologie et socio-économie des pêches) faits
par l'administration des pêches du Sénégal, d'ouvrages
relatant la gestion rationnelle des pêches, en mettant le tout en
perspective avec des travaux de sociologies.
De même, j'ai effectué une série
d'entretiens de groupe et semi-directifs, de façon à voir quelles
pourraient être, pour chaque acteur, les raisons de son immobilisme face
au problème de la baisse des captures de poissons, des nombreuses pertes
en vies humaines en mer, de la disparition de certaines espèces
halieutiques, le rôle des acteurs dans les processus d'aménagement
et de gestion des pêches, la pêche responsable, les licences
accordées aux navires étrangers et les contraintes liées
à l'aménagement des pêches.
Pour cela, j'ai abordé plusieurs thèmes relatifs
aux perceptions, et aux pratiques vis-à-vis de la problématique
des changements des habitudes des professionnels du secteur de la pêche.
Les entretiens ont été effectués par
l'intermédiaire de connaissances, ou bien selon une technique de porte
à porte. J'ai dans la mesure du possible essayé de diversifier
les profils (âge, sexe, activités socioprofessionnelles, origine
géographique...) des interviewés. Ces discussions étant
constituées par des entretiens semi-directifs ont visé
également des personnes travaillant dans l'administration publique des
pêches et de la recherche halieutique. Les entretiens exploratoires ont
été réalisés dans la période du 20 janvier
au 31 janvier 2014 et du 05 janvier au 30 janvier 2015 à l'occasion de
deux voyages au Sénégal, et la liste des personnes
interviewées se trouvent dans le tableau 2 des annexes.
Les zones enquêtées se trouvent être les
régions de Dakar, Thiès, Saint-Louis et Ziguinchor qui sont les
plus grands centres de pêche du Sénégal. Les entretiens ont
ciblé les différentes catégories socioprofessionnelles
suivantes :
Entretien de groupe :
? les pêcheurs qui sont les professionnels de la
pêche
? les mareyeurs qui sont les professionnels de l'achat et vente
du poisson
? les transformateurs qui sont les professionnels de la
transformation des ressources halieutiques.
Entretiens semi-directifs :
? les fonctionnaires qui sont les experts politiques de la
pêche
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 7
> les chercheurs qui sont les experts scientifiques de la
pêche
Ces entretiens se sont déroulés sur rendez-vous,
dans les lieux de travail (plages, marchés, bureaux, domiciles) des
personnes rencontrées et les interviews ont été
retranscrits afin de procéder à leur analyse. Il est important de
préciser que toutes les personnes interviewées ont accepté
sans réticence que leurs propos soient retranscrits sur papier.
Cependant, il n'existe pas d'enregistrement sonore, faute de matériel
adéquat pour les enregistrements.
Au cours de cette étude, l'ensemble des données
a été recueilli dans le cadre d'entretiens de recherche. J'ai
aussi pris la précaution d'avoir les consentements libres et
éclairés des interviewés en prenant le temps d'expliquer
le but de notre rencontre et en précisant chaque fois qu'ils ne sont pas
obligés de participer à cette recherche.
En effet, cette technique m'a permis de recueillir le discours
des interviewés figurant dans le tableau 2 des annexes, sur un certain
nombre de thèmes prédéfinis. Celle- ci est
spécifique à la technique d'entretien de recherche, laissant la
possibilité aux personnes rencontrées d'élaborer librement
et d'aborder spontanément d'autres dimensions que celles de la
grille.
Les entretiens que nous avons réalisés avaient
comme principaux objectifs :
> Evaluer pour chaque interviewé le degré de
connaissance de la problématique de la baisse des captures de poissons
et de la disparition de certaines espèces ;
> Mettre en évidence les changements de comportement
en introduisant de nouvelles méthodes de pêche qui conduiront
à la gestion durable de la ressource halieutique ;
> Essayer d'appréhender dans quel état
d'esprit les professionnels abordent la question de changement dans les
pratiques de pêche ;
> Comprendre quelles sont les raisons, selon la personne
interviewée, qui expliquent qu'il ou elle n'est pas prête à
modifier son comportement pour lutter contre la pêche illicite ;
> Mesurer le degré de perception des acteurs de la
pêche sur les licences de pêche accordées aux navires
étrangers.
Ces principaux objectifs nous ont permis de mettre en
évidence des thèmes à aborder lors de nos entretiens. Nous
avons donc formulé pour chacun de ces thèmes une série de
questions.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 8
J'ai procédé parfois dans chaque zone à
des entretiens de groupe (entretiens de groupe, car quand on interroge un
pêcheur au niveau de la plage, tous les autres viennent assister et
répondent aux questions de façon dispersée) qui nous ont
permis d'aborder l'ensemble des thèmes figurant dans le tableau 1 des
annexes, tout en laissant aux interviewés une liberté dans la
manière de donner leurs réponses. Ces questions sont
formulées de façon suffisamment large pour que les
interviewés puissent s'exprimer de manière spontanée.
Cette liberté dans les réponses permet à mon avis de mieux
faire apparaître les représentations.
J'ai reformulé certaines questions lorsqu'elles nous
semblaient avoir mal été comprises, ainsi qu'à certaines
relances pour encourager la personne interviewée à nous donner
davantage de précisions ou d'explications à propos des
réponses formulées. Bien que l'objectif de ces entretiens ne soit
pas d'apporter des informations et de sensibiliser les interviewés
à la problématique du changement des habitudes, il nous est
apparu nécessaire, dans certains cas, d'apporter dans la discussion
certains éléments de clarification afin de pouvoir poursuivre
l'échange.
En général, chaque entretien avait une
durée d'une demie- heure approximativement et quatre- vingt trois
personnes furent interviewées5.
Cette étude pour les problématiques de la
gestion durable du secteur et les changements comportementaux des
différents acteurs, s'intéresse aussi à l'adaptation des
pratiques de pêche et la durabilité des ressources.
L'intérêt de cette recherche est donc d'une part,
d'identifier des interventions pratiques capables de répondre aux
préoccupations actuelles des captures de pêche au
Sénégal et d'autre part, de déterminer quelles sont les
mesures à envisager pour gérer durablement les stocks de poissons
disponibles et renouveler les espèces disparues ou en voie de
l'être.
Ainsi, mes questions de recherches sont :
? Comment introduire une gestion durable de la ressource
halieutique au Sénégal ?
5 Les 26 entretiens sont compris dans les quatre-vingt
trois personnes interviewées
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 9
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 10
? Comment expliquer, compte tenu de la dégradation de
la ressource halieutique, l'ensemble des acteurs de la filière
pêche ne coopère pas plus afin d'apporter des solutions innovantes
?
Hypothèse:
A titre d'hypothèse, je pense que la dégradation
de la ressource halieutique au Sénégal est motivée par
l'absence de confiance ou absence d'information et de moyen permettant de
construire des liens de confiance nécessaires à la prise en
compte de la gestion durable.
La crise que traverse la pêche est la conséquence
d'un écart entre la capacité excessive de pêche (navires,
engins de pêche) et l'aptitude des ressources halieutiques à se
renouveler. Des mesures douloureuses, à court terme, pour les acteurs
des pêches sont à mettre en oeuvre sans délais. Le prix de
l'immobilisme, à long terme, serait plus lourd.
Pour éviter le pire, comment faire accepter et y
adhérer à tous les acteurs, ces douloureuses mesures dans le
changement de leur comportement pour arriver à une gestion durable du
secteur de la pêche au Sénégal ?
La présente étude est orientée vers
l'identification des principales difficultés du secteur, de la
dégradation des ressources halieutiques marines et de formuler des
mesures, certes douloureuses mais, visant à résoudre ces
difficultés. Ce mémoire comportera trois parties : Dans la
première j'ai évoqué le secteur de la pêche au
Sénégal, comme une activité économique et
ancestrale mais aussi comme activité professionnelle soumise à la
diminution des ressources halieutiques et l'apport de la sociologie de la
traduction dans la pêche.
Dans la deuxième, j'ai abordé l'organisation
étatique spécifique et une administration sous contraintes ; les
tentatives de changement et les confrontations avec les pêcheurs ; la
corruption dans la pêche et les pratiques frauduleuses dans les eaux
maritimes sénégalaises.
Dans la troisième, j'ai parlé de
l'accompagnement au changement pour une gestion durable des ressources
halieutiques au Sénégal ; et j'ai indiquerai quelques
résultats de la recherche qui pourraient conduire vers un
développement durable des pêches maritimes au
Sénégal.
PARTIE I : LA PECHE AU SENEGAL
16125
C'est le nombre d'espèces animales et
végétales menacées d'extinction selon la liste rouge
établie par l'Union internationale de la nature (IUCN).
Espèces animales : 40%
Plantes à fleurs et fougères : 34% Bryophytes :
42%
Lichens : 41%
« La biodiversité ne sera pas sauvée par les
seuls spécialistes de l'environnement, il suffit qu'elle devienne la
responsabilité de chacun d'entre nous et que nous ayons les moyens et
les ressources pour agir ».
A .STEINER, Directeur général de l'IUCN.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 11
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 12
Le Sénégal se trouve dans la partie Nord-ouest
de l'Afrique où il marque une pointe avancée du continent dans
l'océan atlantique.
Il est limité au Nord et au Nord-est par le fleuve
Sénégal qui constitue une frontière naturelle avec la
République Islamique de Mauritanie, au Sud-est par la rivière
Falémé qui sert de frontière naturelle avec la
République du Mali, au Sud, les frontières de la Guinée
Bissau et de la République de Guinée. La Gambie est une enclave
de 10 000 km2, s'avance à l'intérieur du territoire.
La superficie totale du Sénégal est de 196 722
km2.6
Chapitre 1 : Le secteur de la pêche au
Sénégal, une activité économique et ancestrale
1- Les méthodes traditionnelles de pêche
Bien avant l'introduction des filets modernes
synthétiques et des pirogues motorisées, la pêche
artisanale maritime sénégalaise était et demeure encore de
nos jours une activité traditionnelle, techniquement insuffisante, un
mode de production où les rapports de production s'expriment à
travers le langage de la parenté. Dans les unités de pêche,
le père travaille avec ses enfants ou neveux auxquels seront
destinés l'héritage. Généralement le métier
de pêcheur se transmet de père en fils mais avec les crises
enregistrées ces dernières années dans le monde rural,
plusieurs agriculteurs se sont reconvertis dans la profession7.
L'histoire de la pêche au Sénégal est
inséparable de la pêche piroguière qui utilisait la voile
ou la pagaie comme force motrice. Afin d'accroître la production de la
pêche artisanale qui pourrait fournir à la fois le marché
national et les entreprises européennes installées au
Sénégal pour le traitement du poisson, les pouvoirs publics ont
pris l'option de motoriser les pirogues. Cette motorisation est, en outre,
censée conduire naturellement l'adoption ultérieure
d'embarcations motorisées (de type européen) et faciliter
l'organisation des pêcheurs en
6 Voir carte Sénégal dans les annexes
7 Au Sénégal, le monde rural traverse
une crise depuis 1972 avec une période de sécheresse.
L'exploitation agricole familiale qui est la forme la plus répandue
n'arrive plus à faire vivre les agriculteurs. C'est pourquoi, certains
agriculteurs se sont reconvertis dans la profession de pêcheurs,
mareyeurs et transformatrices de poisson.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 13
coopératives contrôlables par l'administration et
les services techniques. Autre avantage, l'essor de la pêche artisanale
permet de vulgariser la technique motorisée à moindre coût
en faisant supporter l'essentiel du financement aux pêcheurs par des
prêts remboursables.
Ce programme de motorisation des pirogues a permis à
l'Etat du Sénégal et aux pêcheurs, l'acquisition de revenus
souvent plus importants que ceux obtenus par la pratique des activités
agricoles. En plus, traditionnellement, la pêche utilisait des techniques
locales dans le cadre d'une organisation domestique. Elle était
destinée essentiellement à l'alimentation familiale et, avec le
surplus des mises à terre disponible.
La diffusion de ces produits restait limitée aux zones
immédiatement contigües aux lieux de pêche au travers de
circuits d'échanges très courts et mal équipés en
moyen de transport et de conservation ; par là même, les
débouchés de cette production artisanale étaient
restreints aux seules perspectives régionales pour la satisfaction d'une
clientèle à faible pouvoir d'achat.
Très tôt cependant, même avant
l'indépendance du Sénégal survenue le 4 avril 1960, cette
activité a connu des débuts de modernisation avec la motorisation
des pirogues et, par là, l'amélioration des conditions
d'exploitation. « Le discours sur le développement des pêches
dans les pays sous-développés sont déterminés par
l'assimilation abusive entre richesse nationale et les exportations ; par la
croyance à une efficacité supérieure des formes
industrielles de pêche ; par sa réduction hâtive de la
pêche artisanale à ses seuls effets sociaux »8. En
effet, nous remarquons que la plus efficace des deux formes de pêche
n'est pas celle qui repose sur une technologie lourde. Sur le plan des
investissements les pêcheurs artisans travaillent avec plus de 70% des
fonds propres contre 4 à 5% pour la pêche industrielle laquelle
bénéficie des avantages substantiels du code des investissements,
du crédit maritime, de l'aide des banques et organismes financiers.
On voit ainsi que la pêche artisanale gagne 50 à
70% par franc investi contre 3 à 7% pour la pêche industrielle.
L'industrie emploie 2700 travailleurs et l'artisanat 27000. Sur le plan de
la
8 Jacques Weber et André Fontana, Aperçu
de la situation de la pêche maritime sénégalaise,
déc. 82, 34 pages
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 14
protection de la faune marine, l'artisanat prend le pas sur
l'industrie. Bref, on peut s'apercevoir que la pêche artisanale est plus
adaptée à l'économie sénégalaise mais aussi
à la création d'emplois ; ce qui demande une bonne étude
pour les nouvelles orientations.
Au Sénégal, la pêche maritime est
subdivisée en deux filières qui sont : la filière
artisanale et la filière industrielle.
1-1- La filière artisanale
Cette filière est pratiquée par des
pêcheurs artisans utilisant le plus souvent des embarcations en bois
construites par des charpentiers. Elle est occupée par plusieurs
communautés de pêcheurs s'adonnant à plusieurs techniques
de pêche dont les principales sont les suivantes :
? La pêche au filet dormant, où le filet est
maintenu tendu par le fond grâce à un poids lourd pour la
recherche d'espèces démersales9;
? La pêche au filet maillant, basé sur une nappe
de filet placée entre deux ralingues, l'une étant plombée,
l'autre flottante;
? La ligne simple qui est le type de pêche utilisant des
appâts et des hameçons reste la plus pratiquée au
Sénégal;
? La ligne glacière qui utilise la même technique
que la ligne simple mais regroupe les pirogues de marée avec des lignes,
elle nécessite l'utilisation de glace à cause du nombre de jours
restés en mer;
? La senne tournante qui nécessite l'utilisation de
deux grandes pirogues, l'une porteuse du filet de plusieurs mètres de
long contenant l'équipage et l'autre servant à stocker les
captures;
9 Espèces démersales vivent au dessus du
fond. Elles sont très mobiles mais très dépendantes du
fond d'où elles tirent leur nourriture.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 15
? La senne de plage est aussi un filet
généralement placé au large de la plage en cas de
période faste (bancs de Guiss10, de Tassergal11 ou
de Sardinelles par exemple), pas très loin et ne nécessite pas de
pirogue mais beaucoup de bras pour tirer le filet;
? Le casier, destiné à la capture de
crustacés ou de mollusques comme les poulpes et les seiches;
? La palangre, ensemble de hameçons d'une centaine
grandeur choisie, noués sur des cordes intermédiaires qui sont
fixés avec une certaine distance à une seule corde.
1-2- La filière industrielle
L'exercice de la pêche industrielle, dans les eaux
maritimes sous juridiction sénégalaise est subordonné
à la possession d'une licence de pêche en cours de
validité, délivrée par le ministre chargé de la
pêche maritime, après avis de la commission consultative
d'attribution des licences. Il existe quatre types de licences à
l'intérieur desquelles existent des options de pêche : licence de
pêche démersales côtières, licence de pêche
démersales profondes, licence de pêche pélagique
côtière, licence de pêche pélagique
hauturière.
On distingue au niveau de cette filière les
différents types de pêche suivants :
? La pêche sardinière dakaroise, de type
semi-industriel
? La pêche des thoniers (canneurs essentiellement)
lorsqu'ils effectuent leur approvisionnement en appât vivant.
En effet, ces deux filières contribuent de façon
importante au développement économique et social du
Sénégal. Elles jouent un rôle capital dans les domaines
vitaux tels que la sécurité alimentaire, la création
d'emplois et de richesses. Actuellement elles occupent directement ou
indirectement plus de 600 000 emplois dont 400 000 dans la pêche
traditionnelle. Avec une
10 Bancs de « Guiss » en français,
Bancs de Mulet jaune
11 Bancs de « Tassergal » en français
Bancs de poisson bleu
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 16
production qui atteint un chiffre d'affaire estimé
à 278 milliards par an, la pêche joue un rôle crucial pour
les populations et l'économie nationale12 au
Sénégal.
2- Importance culturelle et économique de la
pêche pour le Sénégal
Le Sénégal est situé dans l'une des zones
les plus poissonneuses de l'Afrique. La pêche y est une activité
ancienne et traditionnelle qui a une grande importance sur les plans culturel,
social et économique et joue un rôle primordial dans
l'alimentation humaine.
2-1- Culturelle
2-1-1- Croyances et mythes liés aux éléments
naturels
En empruntant la définition du mot croyance
donnée par Nelly Bidot- Bernard Morat, le mot « croyance » est
la forme substantivée du verbe croire13. Si l'on se
réfère à l'utilisation que l'on fait du mot croire, il est
amusant de constater que nous pouvons lui donner trois sens différents,
voire contradictoires: croire dans le sens d'avoir confiance, croire dans le
sens de tenir pour sûr et croire dans le sens de douter.
A partir de cette définition, je tenterai de comprendre
certaines croyances mystiques des pêcheurs dont les départs pour
les marées s'accompagnent de nombreux faits anecdotiques liés
à une préparation teintée de croyances
mystico-religieuses. Et ceci, depuis la nuit des temps. Dans leur immense
majorité, les pêcheurs n'échappent pas à cette
attitude.
De même avec leurs croyances, les pêcheurs ont
convenu ensemble dans certaines zones de pêche, quand la marée est
haute, ils ne vont pas pêcher car craignant pour leur
sécurité; ils se disent toujours qu'une marée haute est
due à la volonté divine ou à des forces surnaturelles.
12 Source: Monographie sur la pêche et la
forêt et la Stratégie de la croissance
Accélérée, grappe pêche et aquaculture, 2007.
13 Nelly Bidot- Bernard Morat, « Agir ou Subir
? Des clefs pour vivre le changement imposé », 1996, Inter
Editions, 184 pages.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 17
Durant les clairs de lune, les pêcheurs ne vont pas en
mer, car durant cette période, ils ne peuvent pas détecter les
bancs de poissons.
Un autre pêcheur Y ayant soixante dix années au
village pêcheur de Yoff, m'a confirmé les propos du premier
interviewé.
Il ajoute que si des accidents en mer se soldent parfois par
des pertes en vies humaines, c'est parce que la communauté de
pêcheurs ne fait pas régulièrement les offrandes qui les
protègent des calamités naturelles.
A Yoff, j'ai rencontré des messieurs dont Monsieur Z,
qui a fait pratiquement les mêmes appréciations que celles
recueillies à Thiaroye sur les marées hautes, l'agitation de la
mer provoquée par les vagues houleuses et les clairs de lune.
Il a abordé le sujet des offrandes qui sera davantage
commenté par Monsieur H qui est né en 1950, et qui est sans doute
le plus âgé de cette localité. Il m'a fait comprendre que
cette localité avait un « rap» qui s'appelle «Mam
N'diaré», qui exige aux villageois une cérémonie
appelée «Ndeup» (cérémonie rituelle), qui se
fait annuellement et qui est gérée par deux familles à
tour de rôle.
Cette cérémonie se fait autour d'un grand puits
qui se trouve à Thongore (village de pêcheurs à Yoff). Les
pêcheurs s'y regroupent, versent du lait et du sang aux « Khamb
», endroits où l'on trouve les génies. Ils préparent
des bouillies qu'ils partagent avec les habitants, et dont une grande partie
est versée dans la mer avec du lait. On notera également que
durant cette cérémonie, ils tuent des boeufs. Ils font ces
sacrifices pour que les reines de la mer les protègent des mauvais
esprits vivants dans la mer.
Cette cérémonie se déroule une seule fois
pendant l'année, et ce sont deux familles du village (Soumbari et de
Mame Guissance DIOUF) qui s'en occupent, avec l'aide financière et
matérielle des pêcheurs. Parmi les interdictions, il y a le
vendredi qui est un jour saint, et le lendemain de la «Thamkharite»,
jours durant lesquels les pêcheurs ne vont pas en mer. A part cette
cérémonie collective, il y a également des pêcheurs
qui vont chercher des prières et des gris-gris (amulettes) pour se
protéger de cette mer qui est si mystérieuse.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 18
J'ai rencontré un autre pêcheur nommé N,
âgé de 40 ans. Je lui ai posé plusieurs questions
liées aux relations entre l'homme et la mer. A la question : «
existe-t-il des mythes liés à la mer ? », il m'a dit qu'il
existe bien des mythes, car ils font des sacrifices. Selon lui, tout le monde
doit faire des sacrifices ici.
Selon le pêcheur XY rencontré, «les
activités de pêche se caractérisent par la croyance en une
force vitale cosmique, Dieu, qui énmane à la fois des esprits de
la nature, des ancêtres et des chefs de tribu». En continuant
toujours ses propos, il affirme qu'ils doivent toujours respecter les
traditions en les consolidant: y renoncer, c'est aller contre l'ordre
sacré et social établi par les ancêtres, signifie aussi
limiter la force vitale, voire la détruire.
Il m'a expliqué que si la ressource se raréfie,
c'est parce que certains d'entre eux ne respectent plus la tradition et croient
plutôt à la modernité. Dans certaines localités de
pêche, les professionnels ne respectent plus les différentes
formes de cultes que sont les prières, les sacrifices et les danses
sacrées.
Par conséquent, c'est avec ces croyances que la plupart
des pêcheurs résistent aux changements dans les pratiques et
méthodes de travail, annoncés plus haut car, ils
considérent que ces changements vont à l'encontre de leurs
intérets.
2-1-2- Compétences des pêcheurs
Ici, il s'agit de compétences des pêcheurs
sénégalais qu'on attribut le nom «de bretons de
l'Afrique». Depuis des temps immémoriaux, ils naviguent et
repérent des bancs de poisson sans instruments de navigation grâce
à leur intelligence et bravoure.
C'est dans cette optique que j'ai rencontré un
pêcheur X qui raconte lors de l'entretien :
« Les pêcheurs ne vont pas à la mer quand il
y a des vents forts, surtout pendant l'hivernage » et « Parfois, il y
a des eaux transparentes et des eaux non transparentes mais, en
général les eaux moins transparentes portent plus de poissons que
les eaux transparentes ».
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 19
On peut avoir comme explication à ces deux assertions
que de décembre à juillet, la pêche est la principale
occupation des pêcheurs. Mais, dés les premières pluies de
l'hivernage, les gros poissons migrateurs disparaissent et les pirogues sont au
repos. En plus, quand les vents forts (alizés) soufflent dans le nord du
pays, la navigation devient extrêmement dangereuse. Ces vents sont
sources de nombreux accidents en mer.
« Les pêcheurs ne pêchent pas seulement sur
leur côte, ils effectuent des déplacements vers d'autres
».
« Pendant la saison sèche, les poissons sont plus
nombreux contrairement à la saison des pluies. Il existe des zones dans
la mer auxquelles les pêcheurs donnent des noms pour se repérer
».
Pendant cette saison sèche correspondant à la
morte-saison agricole, et où la pêche est parfois fructueuse, les
pêcheurs se déplacent volontiers d'un point du littoral à
l'autre, à la poursuite des bancs les plus poissonneux.
Selon les résultats des entretiens ci-dessus sur les
croyances, il est apparu nécessaire de constater que la pêche
artisanale maritime sénégalaise reste encore sujette à
d'énormes croyances à certains génies capables de
répandre diverses espèces de poissons que les piroguiers viennent
pêcher sans effort exagéré. Ces croyances aux esprits
d'ancêtres tutélaires et bienfaiteurs auxquels l'on peut
s'accorder des faveurs sur simple demande collective, sont bien ancrées
dans l'esprit des populations qui possédent une longue tradition dans un
village de pêcheurs. En effet, les vieux pêcheurs ont une croyance
absolue aux génies ainsi qu'à leurs désservants:
Féticheurs, Djins et les Voyants qui déploient des forces
surnaturelles d'obtention du poisson.
Cette catégorie d'anciens pêcheurs reste encore
majoritaire par conséquent, les croyances aux génies demeurent
vivaces même si leurs activités sont quantitativement en
recrudescence. Ces pratiques mythico-religieuses sont suffisamment
enrancinées pour être en mesure de survivre auprès de la
population de jeunes pêcheurs surtout que les conditions
matérielles actuelles semblent guère favorables à la
démystification des pratiques mythico-religieuses.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 20
En effet, il faut ajouter que la croyance aux esprits en
général et à la sorcellerie en particulier hantent les
pêcheurs et leurs voisins à tel point qu'il n'est pas encore temps
de prétendre les enrayer par quel moyen que ce soit. Ces croyances
fonctionnent dans le milieu pêcheur comme des idéologies dans
cette société où les lois coutumières coexistent
avec les lois de la société moderne.
En plus, selon les réponses des pêcheurs, la
raréfaction du poisson peut-être expliquée par le fait que
les génies protecteurs sont en colère contre les
communautés de pêcheurs qui n'organisent pas
régulièrement de cérémonies aux génies de la
nature. Selon les pêcheurs, ses génies en colère retirent
les poissons pour répandre la famine qui leur obligera peut-être
à rendre à nouveau des cultes aux ancêtres.
Dans une autre dimension, la religion joue un rôle dans
la régulation de la société sénégalaise qui
reste très attachée à celle-ci. Les différentes
religions pratiquées au Sénégal sont l'Islam, le
Christianisme et l'Athéisme. Le cadre religieux est d'une grande
richesse qui correspond à la variété de la population. Les
religions au Sénégal participent d'un modèle unique, avec
une base commune caractérisée par le culte des ancêtres, la
croyance en la réincarnation, un aspect initiatique et, dans la
majorité des cas, la matriarcat, le totémisme et
l'impartialité de Dieu. Les religions au Sénégal incluent
la croyance aux forces, ensemble d'intermédiaires entre Dieu et l'homme,
animant l'univers sous la forme de génies, d'esprits souvent
nommés «djins» dans l'Islam, ou les ancêtres. Ils
incluent aussi le totémisme, expression de la communication
homme-animal, et l'ancestrisme, avec les ancêtres intercesseurs
auprès de Dieu. Mais avec le fétichisme, la manipulation
sacrée peut respecter la magie du verbe par rapport aux forces, mais
aussi la superstition et les attitudes magiques.
La société sénégalaise est un
mélange de tout, certains ont des croyances mythiques, d'autres ont des
rites qui leur sont propres, certains mélangent tout. Il y'a ceux qui
ont à la fois des croyances mythico-religieuses et la logique des
choses. Il esiste un autre groupe qui ne croit pas aux «djins», aux
fétiches et aux voyants, car selon eux tout provient de l'ordre divin et
que la religion musulmane leur interdit toutes pratiques féticheuses et
rituelles.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 21
2-2- Economique
Autrefois, l'économie sénégalaise s'est
reposée sur l'arachide et les phosphates. Mais suite, à des
années successives de sécheresse et la
détérioration des termes de l'échange due au choc
pétrolier, la pêche occupe désormais la première
place dans l'activité socio-économique.
Les résultats généraux de la pêche
maritime ont montré, que les captures totales débarquées
en 2012, s'élèvent à 447 961 tonnes pour une valeur
commerciale estimée à 152 milliards de francs CFA (soit environ
231 722 506 euros)14.
Graphique 1 : Débarquements par type de
pêche
Source : DPM
14 Source : DPM, Rapport 2012
Ce graphique montre que les captures de la pêche
maritime artisanale sont de loin plus importantes que celles de la pêche
industrielle. En 2012, la pêche artisanale représente plus de 91%
du volume total débarqué par la pêche maritime
sénégalaise. Par rapport en 2011, elle a augmenté de
d'environ de 9%. Globalement, les débarquements de la pêche
artisanale et industrielle confondues ont augmenté de 6% par rapport
à l'année 2011, passant ainsi de 420 879 tonnes à 447 961
tonnes. La région de Thiès réalise à elle seule
plus de la moitié des poissons débarqués au
Sénégal.
En 2012, on dénombrait au niveau de la filière
artisanale 58 116 pêcheurs et 10455 pirogues. Le volume total des
captures estimé à 405 974 tonnes contre 372 956 tonnes en 2011,
soit 89% de la production totale débarquée au
Sénégal en 2012.
En plus de son rôle d'approvisionnement du marché
national en produits frais, elle approvisionne aussi en produits frais les
ateliers et usines de transformation du Sénégal. Ces produits
transformés sont destinés à la consommation locale ou
à l'exportation.
En 2011, la pêche industrielle disposait d'une flotte
nationale et étrangère composée au total de 129 navires
dont les captures s'élèvent à 119 330 tonnes. Parmi ces
captures, 60 694 tonnes ont été débarqués au port
de Dakar. Elle dispose d'une flotte nationale et d'une flotte industrielle.
La flotte nationale est composée de 98 navires, dont 91
chalutiers, 1 sardinier et 6 thoniers. Ses débarquements sont
estimés à 48 456 tonnes. La flotte étrangère est
composée de 31 navires, dont 23 chalutiers pélagiques
opérant dans le cadre du protocole thonier signé avec les
armateurs français et espagnols.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 22
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 23
Source : DPM
La répartition des poissons débarqués par
la pêche artisanale par région, montre que de Thiès demeure
la plus grande région maritime du Sénégal. Cela s'explique
par la présence d'un plus grand nombre de pirogues et de pêcheurs
artisans, d'une zone de pêche très étendue, et par la
présence de grands centres de pêche comme Mbour, Kayar et Joal.
En 2011, la valeur commerciale au débarquement de la
pêche nationale industrielle est de 39,5 milliards de FCFA, dont 36,7
milliards de F CFA pour la pêche chalutière et 2,8 milliards de F
CFA pour la pêche thonière15.
Par ailleurs, l'évolution de la production de la
pêche industrielle sur la période 2005-2011 connait une tendance
à la baisse alors que la valeur des captures est en hausse. Cette hausse
s'explique par le fait que ces captures sont exportées sur le
marché européen, très rémunérateur.
Dans cette partie, il s'agira de faire l'état de la
commercialisation des produits de pêche mais aussi de montrer l'impact
socio-économique de la pêche au Sénégal.
15 Source : DPM, Rapport 2012
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 24
2-2-1- La commercialisation des produits de la pêche
La commercialisation des produits halieutiques vise les
marchés intérieurs et extérieurs. ? Le marché
intérieur
Le poisson est un produit traditionnellement
apprécié des populations sénégalaises. La
consommation de cette denrée alimentaire qui jadis s'est limitée
aux zones côtières se répand progressivement à
l'intérieur du pays avec la construction des voies de communication
facilitant ainsi la distribution rapide de cette denrée très
périssable.
Les produits frais sont commercialisés localement (dans
les marchés par les micro-mareyeurs le plus souvent) ou vers
l'intérieur du pays par des mareyeurs qui viennent s'approvisionner sur
place au niveau des centres de débarquement du poisson (plages).
Ces mareyeurs, pour la plupart, sont issus du milieu rural et
ont quitté leur lieu d'origine par suite de la sécheresse, pour
venir s'employer sur les plages. Sans accès aux crédits
bancaires, ils travaillent le plus souvent avec des matériels d'occasion
vétustes. Ces mareyeurs encourent des risques car le matériel de
transport dont ils disposent n'est pas idéal à la
commercialisation des poissons par manque de système d'isolation
adéquat, mais aussi par l'utilisation d'importantes quantités de
glace (15 kg de poisson pour 15 kg de glace). Dés fois, la moindre panne
entraîne la perte de toute la cargaison.
En 2011, 191 236 tonnes de poissons issus presque des
débarquements de la pêche artisanale ont été
commercialisés au Sénégal. Depuis quelques années
on constate une baisse importante des quantités de poissons vendus sur
le marché national, passant de 248 500 tonnes en 1997 à 191 236
tonnes en 201116.
16 Ministère de la pêche et des affaires
maritimes, Conseil interministériel sur la pêche, document
introductif, 2013, p.40
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 25
Cette baisse est liée à la part croissante des
exportations de poissons destinées notamment aux pays de la
sous-région. La création de marchés centraux au poisson
à Dakar et à Kaolack qui jouent un rôle important dans la
collecte et la distribution du poisson a favorisé l'essor du
mareyage.
Toutefois dans certaines zones, notamment la partie
méridionale du pays, le mareyage reste faiblement
développé à cause des problèmes d'enclavement et du
manque d'infrastructures (fabrique de glace, chambre de stockage, route et
piste de production,...).
L'activité est exercée par deux types d'acteurs
: les mareyeurs et les micro-mareyeurs. Elle subit actuellement d'importantes
mutations marquées par l'arrivée massive de ressortissants des
pays de la sous-région dans cette filière.
? Le marché extérieur17
L'exportation du poisson au Sénégal est une
activité pratiquée par des mareyeurs - exportateurs. Ces
mareyeurs sont des professionnels qui s'adonnent régulièrement
à la commercialisation des produits de la pêche et qui disposent
d'installations et de matériels de travail conformes à la
réglementation en vigueur.
Depuis de nombreuses années, les produits marins sont
commercialisés à l'extérieur du pays par des
commerçants qui viennent s'approvisionner sur place, notamment pour
l'exportation vers des pays africains et asiatiques. La demande
extérieure est croissante et s'oriente vers des produits qui ne sont pas
consommés au Sénégal (sali, poissons fumés). Cette
tendance d'évolution du marché est très prometteuse car la
transformation artisanale n'entre pas en concurrence avec la consommation en
frais et constitue un marché
17 Ministère de la pêche et des affaires
maritimes, Conseil interministériel sur la pêche, document
introductif, 2013, p.40
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 26
spécifique pour la pêche artisanale. Les produits
frais sont destinés le plus souvent vers les pays européens
contrairement aux poissons transformés artisanalement.
Depuis 2007, l'Afrique est devenue la première
destination des exportations des produits halieutiques en termes de volume,
supplantant l'Europe. Les exportations des produits halieutiques en 2011
s'élèvent à 110 867 tonnes pour une valeur commerciale
estimée à 143,2 milliards de FCFA. L'évolution à
moyen et long terme des exportations révèle une tendance
baissière en volume et en valeur.
Ainsi en 2011, la part respective de l'Afrique et de l'Union
européenne dans les exportations en volume est de 51 % et 32 %.
Toutefois, en termes de valeur, la part de l'Union européenne dans les
exportations reste prépondérante. La réorientation
géographique des exportations s'explique aussi par la raréfaction
croissante de groupes d'espèces habituellement exportés vers le
marché européen ( mérous, daurades, crevettes,
céphalopodes...), ce qui a entraîné un report des
exportations vers des espèces jusqu'ici destinées au
marché national (sardinelles, chinchards, ceintures,...). L'essentiel
des exportations est composé de produits congelés, suivis par les
produits frais.
En 2011, les proportions de congelés et de frais
représentent respectivement 89 % et 6 %. En outre, les produits
halieutiques sont exportés à 80 % en entier, sans aucune
transformation.
2-2-2- La transformation des produits halieutiques
La transformation artisanale des produits halieutiques est
dominée à 90 % par les femmes sénégalaises qui
travaillent dans ce domaine. Ces femmes ou transformatrices, très
dynamiques dans cette activité sont regroupées en Groupements
d'intérêts économiques. Le Groupements
d'intérêts économiques est une association qui se
définie comme une personne morale ayant pour but exclusif de mettre en
oeuvre pour une durée déterminée, tous les moyens propres
à faciliter ou à développer l'activité
économique de ses membres, à améliorer ou accroître
les résultats de cette activité. En effet, la transformation
artisanale absorbe à peu prés les 30 à 40 % des captures
et jusqu'à 75 % dans certaines régions et permet de mettre sur
les marchés divers produits. Aujourd'hui, on note, même qu'une
bonne partie des produits
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 27
transformés artisanalement (fumage, braisage,
séchage, salage, tambadiang18) sont exportés en grande
quantité vers les pays de la sous-région, notamment le Mali, le
Burkina-Faso, le Ghana et le Togo. Cependant, cette activité est en
train d'être reprise petit à petit par les étrangers,
notamment les ghanéens et les Burkinabés qui se chargent de
l'amélioration et de la commercialisation des produits
transformés vers leurs pays d'origines dont ils maîtrisent les
goûts et les préférences.
La transformation artisanale des produits halieutiques est
facilitée par l'existence d'une multitude de sites de
débarquements où sont implantées l'essentiel des
unités de transformation artisanale. Elle est aussi simplifiée
par l'existence de plusieurs espèces utilisées comme
matière première.
La transformation artisanale des produits halieutiques
contribue à la création d'emplois car elle utilise plus de
700019 transformatrices qui embauchent à peu prés 5
personnes chacune. Elle revêt un caractère culturel car mettant
sur le marché des produits qui participent aux habitudes culinaires des
sénégalais. Elle permet également aux populations locales
qui ne peuvent pas avoir du poisson frais du à leur éloignement
des zones côtières, de s'approprier en protéines animales,
car ces produits sont plus faciles à conserver. Mais ces
dernières années, avec la dégradation des ressources les
produits transformés par manque de matières premières,
deviennent rares et onéreux.
3- L'impact socio-économique de la pêche
Le Sénégal est situé dans une des zones
les plus poissonneuses de l'Afrique. La pêche y est une activité
ancienne et traditionnelle qui a une grande importance sur les plans culturel,
social et économique et joue un rôle primordial dans
l'alimentation humaine. La pêche joue un rôle stratégique
dans l'économie nationale à travers sa contribution importante
au
18 Le braisage correspond au poisson
braisé-séché. Le tambadiang est une variété
de poissons fermentés séchés.
19 Apa, publié le 27/06/2013
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 28
Produit Intérieur Brut, l'apport en devises, le nombre
important d'emplois générés, la sécurité
alimentaire. Les produits de la pêche constituent aussi une des
principales ressources d'exportation.
3-1- Contribution au Produit Intérieur Brut
En 201120, cette contribution se situe à 1,3
%. Il est utile de noter que l'évaluation de ce Produit Intérieur
Brut ne tient pas en compte les activités post-captures, notamment le
mareyage, la transformation artisanale et industrielle.
Mais celle-ci a connu une baisse entre 2005 et 2011, et des
travaux de la FAO ont montré que la pêche artisanale, le mareyage
et la transformation représentent 4,8 % du PIB.
3-2- Contribution à la balance commerciale
En 2011, la pêche a contribué à la hauteur
de 12,5 % aux exportations totales du Sénégal occupant ainsi la
troisième place derrière les produits pétroliers et
l'acide phosphorique. Ce troisième rang dans les exportations est due
à la surexploitation des principales ressources destinées
à l'exportation mais par les résultats obtenus des autres
secteurs en matière d'exportation.
3-3- Contribution au budget de l'Etat
Grâce aux accords de pêche avec les pays
étrangers, la pêche contribue aux recettes de l'Etat. En sus des
redevances perçues, les accords de pêche donnent lieu à une
série de contreparties économiques, commerciales et techniques.
En plus de la compensation financière directe, s'ajoutent les redevances
perçues lors de l'octroi de licence de pêche aux bateaux, les
amendes occasionnées par les infractions à la
réglementation et les diverses taxes
20 Ministère de la pêche et des affaires
maritimes, Conseil interministériel sur la pêche, document
introductif, 2013, p.40
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 29
Par ailleurs en 2011, la contribution financière de la
pêche au budget de l'Etat s'élève à 691 865 353 FCFA
au titre de la vente des licences de pêche industrielle aux nationaux, la
vente des permis de pêche aux pêcheurs se chiffre à 3,09
millions de FCFA, et la contrepartie financière liée aux
autorisations exceptionnelles accordées aux chalutiers pélagiques
est de 839 265 469 FCFA (1 279 452 euros)21.
3-4- Contribution à la sécurité
alimentaire
Le poisson représente une importante source de
protéines animales pour les populations du Sénégal. En
raison du déclin de l'agriculture et de l'élevage, pourvoyeurs
traditionnels de protéines végétales et animales, la
pêche contribue à la satisfaction des besoins en protéines
animales sénégalaises. Elle est une composante essentielle de la
politique de l'Etat en matière de sécurité alimentaire
pour la lutte contre la pauvreté et la famine. Ce secteur couvre une
part importante des besoins en protéines animales des populations et
à des prix relativement bas. Dans toutes les régions du
Sénégal la part du poisson dans la consommation de
protéines animales est supérieure à 70 %. Ainsi la
consommation per capita au Sénégal est de 26 kg et se
situe au dessus de la moyenne mondiale qui est de 16,8 kg. Aussi, le
Sénégal fait partie des plus gros consommateurs de poisson en
Afrique, comparé à la Tunisie (10,1 kg), la Mauritanie (10 kg) et
le Maroc (7,5 kg).
3-5- Contribution à l'emploi22 :
Traditionnellement, la pêche occupe une place
prépondérante dans la politique de création d'emplois.
Elle joue ainsi un rôle important dans la lutte contre le chômage
avec la création environ de 600 000 emplois directs ou indirects. Mais
ce chiffre doit être revu à la baisse ces
21 Ministère de la pêche et des
affaires maritimes, Conseil interministériel sur la pêche,
document introductif, 2013, p.40
22 Ministère de la pêche et des
affaires maritimes, Conseil interministériel sur la pêche,
document introductif, 2013, p.40
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 30
dernières années avec la fermeture des usines de
transformation due à la rareté des ressources halieutiques.
Ces dernières années, on constate avec
l'effondrement des ressources halieutiques, une diminution des revenus des
différents acteurs de la pêche, le coût onéreux du
poisson pour les consommateurs et à la fermeture des industries de
transformation qui ont entrainé des pertes d'emplois
considérables.
Avec la rareté des ressources halieutiques, les
pêcheurs professionnels qui ne peuvent plus subvenir à leurs
besoins quotidiens, ont préféré, au risque de leur vie,
prendre leurs pirogues de pêche pour immigrer clandestinement vers les
pays de l'Europe.
Effectivement, ces pêcheurs qui sont dans le
désespoir, ont choisi avec la complicité de leurs parents,
d'immigrer clandestinement pour vivre mieux ailleurs. Néanmoins
l'immigration clandestine ou légale a toujours été
considérée comme une source de revenus pour les familles
sénégalaises. Longtemps considérée banale, elle
visait à trouver un moyen pour vivre mieux ailleurs. Le secteur de la
pêche est alors sinistré avec le départ de la majeure
partie de ses pêcheurs professionnels vers l'Espagne.
Face à la mauvaise gestion des ressources halieutiques
et le départ des pêcheurs expérimentés, on constate
dans tous les centres de pêche au Sénégal, ceux qui n'ont
pas immigré se plaignent d'une baisse substantielle de leur chiffre
d'affaires.
En plus, on peut voir en mer, des dizaines de pirogues qui
sont attachées à leur port, par manque de pêcheurs
expérimentés.
De même, les mareyeurs et les transformatrices se
plaignent de voir leurs revenus baisser, faute de matières
premières nécessaires à leurs activités.
D'après quelques pêcheurs rencontrés au
niveau des centres de débarquement, ils se disent tous prêts
à rejoindre les côtes européennes au prix de leur vie car,
il n'y a que la misère et la survie, malgré le durcissement de
l'accès à l'espace européen.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 31
Sur le plan social, au Sénégal, les clandestins
en Europe ne sont pas mal vus. Ils sont considérés comme des
personnes qui ont bravé la mer, la faim, la soif, qui ont risqué
leur vie pour un objectif noble, celui d'accéder au marché du
travail et de chercher à sortir sa famille de la pauvreté. Il y a
donc plusieurs raisons pour émigrer : le chômage, la
pauvreté, la faible rémunération, la crise des
pêcheries, le manque d'épanouissement pour les jeunes, etc.
Depuis 2006, des milliers de sénégalais ont
risqué leur vie pour émigrer en Europe. Le
phénomène, appelé par les sénégalais
«Barça ou Barsakh» (Barcelone ou la mort), a causé des
milliers de victimes sénégalaises.
Pour l'Espagne qui est le premier point de chute, cette
immigration permet une main d'oeuvre dans le domaine agricole, un secteur
où les espagnols ne souhaitent pas travailler. Le pays n'est pas
totalement contre le phénomène. Sa politique d'immigration est
considérée comme ambigüe par certains experts. Les
autorités espagnoles affirment que l'économie relative à
ces immigrants clandestins serait de 20 % du PIB23 du pays.
L'Espagne est reconnue pour fermer les yeux sur les immigrants qui
réussissent à franchir les frontières illégalement.
Le pays a peu de mesures de réprimande pour le travail clandestin,
certains disent même qu'il est toléré.
Chapitre II: Une activité professionnelle
soumise à la diminution des ressources halieutiques
L'économie sénégalaise qui s'est
reposée depuis de longues années sur l'exploitation des
ressources halieutiques est confrontée ces dernières
années à une crise aigue liée à une
dégradation et surexplotation de ces ressources et, aussi à une
surcapacité de capture et de traitement à terre. Les
conséquences de cette situation sont la baisse des revenus des
acteurs
23 Viviane Joëssel, analyste en formation,
Ecole de politique appliquée, Faculté des lettres et sciences
humaines, université de Sherbrooke, l'Espagne dépassée par
le phénomène de l'immigration clandestine, février
2007.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 32
du secteur, une chute de l'emploi et une baisse de la
contribution économique et financière du secteur.
En effet, la pêche satisfait des exigences
nutritionnelles essentielles car, prés de la moitié de la
population sénégalaise dépend de l'océan atlantique
pour son alimentation. De nos jours, la pêche maritime
sénégalaise utilise des techniques de plus en plus
perfectionnées. Aussi, des bateaux ( nationaux et étrangers) de
plus en plus grands et nombreux, les navires-usines, capturent de plus en plus
de poissons et de plus en plus profondément, conduisant ainsi à
une surpêche.
1- Les difficultés actuelles du secteur de la
pêche au Sénégal
Aujourd'hui, le secteur de la pêche artisanale
rencontre, entre autres, un certain nombre difficultés notamment
liées à la raréfaction de la ressource, la surexploitation
de la ressource (aussi bien par les nationaux que les étrangers), les
insuffisances et l'absence ou la mauvaise application de la
réglementation en vigueur, la mauvaise gouvernance des ressources, les
difficiles conditions de vie des professionnels (pêcheurs, mareyeurs et
transformatrices), l'accès libre à la ressource pour la
pêche artisanale, des politiques de pêche conçues avec une
faible implication des acteurs et plus orientées à
résoudre des problèmes qu'à planifier le
développement de la pêche à moyen et long terme, la gestion
étatique des ressources halieutiques.
En effet, nous constatons que beaucoup d'efforts sont
consentis par l'Etat pour promouvoir une politique des pêches dont les
populations au même titre que les autres parties prenantes du secteur
sont les porteurs. Cette option a été consolidée par, le
gouvernement du Sénégal par la mise en oeuvre d'une approche de
cogestion (CLPA) mais aussi des programmes et projets pour accompagner et
appuyer les initiatives des acteurs.
En plus des raisons évoquées ci-dessus, cette
surpêche entraînant une diminution des ressources halieutiques est
aussi occasionnée par:
1-1- Les accords de pêche
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 33
Dans le cadre des accords de pêche, le
Sénégal signe des accords avec les pays développés
et à des pays en voie de développement. Les accords avec les pays
voisins permettent aux pêcheurs sénégalais de pêcher
dans leurs eaux maritimes moyennant le paiement des licences. Par contre, les
accords signés avec les pays développés permettent aux
navires de ces pays de venir pêchées dans les eaux territoriales
sénégalaises moyennant une compensation financière.
Avec la précarité du secteur de la
filière pêche aujourd'hui, faut-il arrêter de
dénoncer les accords de pêche entre les pays étrangers et
le Sénégal? Non, ce secteur souffrant des maux qui sont:
surpêche, concurrence des chalutiers étrangers, trop grand nombre
de pirogues, l'avenir de cette activité qui donne du travail à
environ 600 000 personnes ( 17% de la population active du pays), dont de
nombreuses femmes, reste trés précaire. En fait, les femmes
jouent un rôle prépondérant dans le secteur de la
pêche et interviennent notamment dans la transformation, la conservation
et la distribution du poisson à l'intérieur du pays. Elles
occupent une place importante dans la filière de la pêche car
dirigeant le plus souvent toutes les opérations. Ce sont des revendeuses
indépendantes ou travailleuses à la commission pour les
pêcheurs. En plus, certaines pirogues dépendent d'une organisation
familiale: le mari pêche et la femme se charge de la vente et du
traitement du poisson capturé. Elles travaillent aussi dans les
industries de conserveries et de traitement des produits de pêche.
Cependant depuis 1979, le gouvernement du
Sénégal permet l'accès de ces ressources halieutiques aux
pays de l'Union européenne à travers la signature des accords de
pêche. Ces accords autorisent les navires de l'Union européenne
venus principalement d'Espagne, du Portugal, de Grèce et d'Italie
à pêcher dans les eaux sénégalaises à hauteur
d'un volume de 8000 tonnes par an, dont 1500 tonnes d'espèces
côtières. Ces accords ont permis à l'Union
européenne de redéployer un grand nombre de navires de
pêche de ses zones de pêche surexploitées vers le
Sénégal et d'autres pays africains.
En contrepartie des captures opèrées en principe
sous la surveillance d'observateurs sénégalais, le gouvernement
du Sénégal perçoit des droits, négociés
à 48 millions d'euros par an pour la période de 1997-2001.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 34
Cette enveloppe a été portée en 2002
à 64 millions d'euros (1,15 % du PIB du pays) et les négociations
ont repris, avant d'être de nouveau rompues en juin 2006. Depuis, la
pêche européenne a cessé, faute d'accord entre Dakar et
Bruxelles tant sur le montant des droits de pêche que sur les volumes
autorisés24.
Malgré les dispositifs en matière de lois, la
pêche illicite non déclarée et non
réglementée reste une véritable catastrophe. Elle
contribue à appauvrir les stocks de poissons et à détruire
les habitats marins. Elle est source d'une distorsion de concurrence pour les
pêcheurs honnêtes et responsables. La pêche est perçue
comme un facteur d'affaiblissement des communautés côtières
et surtout dans les pays en voie de développement.
Il est attendu de l'Union européenne un rôle
majeur dans la lutte contre ce fléau . Les mesures proposées par
rapport à cela sont du type à autoriser l'accès au
marché de l'Union européenne, aux seuls produits de la
pêche certifiés conformes à la réglementation par
l'Etat du pavillon ou par l'Etat d'exportation concerné.
L'établissement d'une liste noire européenne des
navires s'adonnant à la pêche illicite non déclarée
et non réglementée et des Etats complaisants à leur
égard est le second palier. Les attentes par rapport à la
démarche restent la prise de sanctions dissuasives au niveau des acteurs
le pratiquant dans les eaux de l'Union européenne et des
opérateurs la pratiquant dans les autres parties du monde.
D'une certaine manière, la lutte contre la pêche
illégale est campée dans un cadre plus large de la politique de
l'Union européenne en faveur de l'exploitation durable des mers.
Pour ce qui concerne ces accords, on note que l'Union
européenne pour la restructuration de ses pêcheries,
principalement à l'avantage des compagnies de pêche
françaises, portugaises et espagnoles, a exporté le
problème de surpêche du nord vers le sud. C'est pourquoi, en 2002,
le gouvernement du Sénégal avait momentanément interdit
l'accès de ces eaux territoriales
24 Déclaration de la directrice de
l'océanographie et des pêches maritimes dans « Seneweb »
du 21 juillet 2006
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 35
aux chalutiers européens. Ce fût un geste
médiatique qui avait accompagné sa décision de suspendre
les négociations sur le renouvèlement des accords de pêche
passés en 1980 avec Bruxelles. Ce gel des accords avait
été salué par les pêcheurs sénégalais
et leurs partenaires associatifs européens, engagés dans la
longue date dans une lutte contre des accords qui contribuent à une
surexploitation des ressources dont souffrent les artisans locaux.
Le Sénégal avait l'habitude de conclure avec
l'Union européenne un accord de pêche depuis 1979 et, cet accord a
été renouvelé 17 fois. Le dernier renouvellement qui
datait de 2004 pour une durée de 4 ans, n'a pas été
renouvelé en 2011.
1-2- Le pillage des ressources halieutiques
Depuis quelques années, on constate une chute libre des
captures dans tous les centres de débarquements de poissons du
Sénégal. La pêche traverse une crise sans
précédent, en raison d'une surexploitation de la plupart des
stocks halieutiques et de la présence récurrente dans les eaux
sénégalaises de navires pirates s'adonnant à la
pêche illicite, non déclarée, non
réglementée.
Les bateaux russes pêchant illégalement dans les
eaux territoriales sénégalaises sont devenus un véritable
fléau. Selon le diagnostic du plan d'aménagement de la
pêcherie des sardinelles, leur présence accentue la baisse des
ressources halieutiques et contribue au déclin d'un secteur important de
l'économie sénégalaise. Il est aussi établi
aujourd'hui, que le pillage des ressources halieutiques est imputable aux
navires asiatiques qui exploitent ces ressources illégalement et sans
contre partie financière25.
Les pêcheurs sénégalais ne cessent de
nourrir des craintes depuis que des bateaux étrangers ont
commencé à piller les ressources halieutiques du pays. Selon les
statistiques disponibles, entre 2011 et 2012, 26 bateaux chalutiers russes
ciblant les espèces pélagiques ont opéré dans
25 Forum civil, Rapport, Gouvernance et corruption
dans le domaine des ressources naturelles et de l'environnement au
Sénégal, novembre 2006.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 36
la Zone Economique Exclusive (ZEE) du Sénégal.
Le diagnostic du plan d'aménagement de la pêche des sardinelles
présenté le 26 novembre 2013, pour son adoption, vient confirmer
les craintes de ces pêcheurs.
Le document conclut en effet que les activités de
pêche menées par ces bateaux étrangers s'ajoutent à
la mauvaise gestion des pêcheries traditionnelles pour induire une baisse
sensible des ressources et des revenus dans le secteur. Cette tendance affecte
principalement la pêche artisanale, particulièrement la
pêche à la sardinelle.
Avec prés de 70% des débarquements de la
pêche artisanale, la sardinelle est aujourd'hui menacée. Le
constat fait par la Direction des pêches maritimes montre que
l'accroissement de l'effort de la flottille artisanale très dynamique
aux niveaux national et sous-régional et d'une flottille industrielle
chalutière étrangère constitue un danger pour les
ressources halieutiques du pays. La conjonction de ces deux types de
pêche accentue la pression exercée sur cette ressource
partagée entre le Maroc, la Mauritanie, le Sénégal et la
Gambie et constitue une menace pour la durabilité de la pêcherie
et toutes les fonctions socio-économiques qui y sont associées,
alerte les spécialistes de la pêche.
Cependant, cette diminution des ressources halieutiques montre
que la pêche maritime sénégalaise connait actuellement des
difficultés, dont les manifestations apparaissent à tous les
niveaux du système.
2- Les conséquences de la gestion irrationnelle
des ressources halieutiques
Au Sénégal, les ressources halieutiques sont
considérées traditionnellement comme inépuisables et
jouant ainsi un rôle primordial dans la vie économique, sociale et
culturelle. C'est pourquoi, l'exploitation de ces ressources s'est faite de
manière anarchique et aujourd'hui, les progrès technologiques et
l'accroissement des besoins en protéines animales des populations sont
des pressions énormes exercées sur les ressources marines
disponibles. Ce qui a entraîné une dégradation des
ressources ayant des conséquences sur l'environnement
socio-économique, sur le stock de poissons (baisse des captures et
disparition de certaines espèces de poissons).
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 37
Depuis de longues années avec l'abondance du poisson,
le gouvernement du Sénégal ne se préoccupe pas de la
pêche non répertoriée et non réglementée
(libre accès à la mer). Aujourd'hui, des quotas (pour la
pêche industrielle) de pêche ont été instaurés
pour renouveler les stocks de poisson sans imager que cela encouragerait les
navires à pratiquer de plus en plus la pêche illicite. La plupart
des poissons pêchés illégalement sont destinés dans
les pays industrialisés sans que les populations locales n'en tirent
profit. Le plus souvent aussi, ces bateaux ne respectent pas les quotas qui
leur sont alloués. Or, le Sénégal ne dispose pas de moyens
de contrôle efficaces. Il y a donc un risque important de
surexploitation, en particulier sur les juvéniles, et donc de
disparition de certains stocks. Cette disparition a des conséquences
désastreuses sur la vie socio-économique des populations locales
(manque de protéines animales, baisse des revenus des ménages,
etc.).
La surexploitation des ressources halieutiques est, dans un
premier temps, un risque majeur de réduction des stocks
d'espèces, visées ou non, et de destruction par effet indirect de
l'écosystème marin. La pêche excessive, combinée
à la surpêche fait perdre à l'économie
sénégalaise plusieurs recettes.
Aujourd'hui, certaines espèces de poissons et de
mammifères marins sont en voie d'extinction : le thon rouge, les
baleines, les espèces profondes (mérous par exemple). Demain
d'autres le seront. Si cela continue à ce rythme, il n'y'aura plus de
poissons dans les eaux maritimes sénégalaises dans quelques
années.
A cet effet, un changement de comportements des
autorités gouvernementales s'avère utile aujourd'hui dans la
manière d'administrer le secteur de la pêche. Une telle action
s'impose pour stabiliser aussi bien les ressources halieutiques que le secteur
de la pêche.
Ce changement doit nécessairement entraîner des
réflexions aux alternatives et mesures compensatoires tout en prenant en
compte toutes les composantes (environnementale, socio-économique,
politique, culturelle...) afin de trouver une solution durable à la
gestion du secteur.
3- La disparition de certaines espèces (l'exemple
du mérou)
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 38
Les eaux au large du Sénégal se sont
vidées de leurs mérous. Comment ce poisson emblématique du
pays a-t-il pu quasiment disparaître ? Une équipe franco-
sénégalaise vient de montrer que l'effondrement des stocks est
dû à l'essor de la pêche artisanale vue en
général comme une alternative durable aux pêcheries
industrielles. En 30 ans, le nombre de pirogues a quadruplé.
La technologie augmente sans cesse la puissance de pêche
de la flotte. Pour réduire la pression sur la ressource, les chercheurs
préconisent de mettre en place une gestion des petites pêcheries
et de réguler l'exportation, qui fait grimper les prix au kilo et fait
du mérou une denrée toujours très rentable malgré
la rareté du poisson.
Depuis dix ans, le « mérou blanc
»26 manque cruellement au Sénégal. Poisson
emblématique du pays, il constituait encore récemment la base du
plat national, le « thiéboudiène27 ».
Aujourd'hui, il se fait très rare sur les étals des
marchés et affiche un prix au kilo exorbitant.
Sous la pression de la demande mondiale, en particulier
européenne, le nombre de pirogues a été multiplié
par quatre (l'attrait pour la pêche au mérou a été
amplifié par la hausse de son prix local, accélérée
par la dévaluation de 50 % du franc CFA en 1994). Grâce aux
données du CRODT, les chercheurs ont montré la corrélation
entre cet essor de la petite pêcherie et la chute du mérou, au
cours des dernières décennies.
En fait, les décisions portant sur la conservation et
l'aménagement dans le domaine de la pêche devraient être
fondées sur des données scientifiques les plus fiables
disponibles, en tenant compte également des connaissances
traditionnelles relatives aux ressources et à leur habitat, ainsi que
des facteurs environnementaux, économiques et sociaux pertinents. Le
Sénégal devrait accorder la priorité à la conduite
de recherches et à la collecte de données, pour améliorer
les connaissances scientifiques et techniques sur les pêcheries, y
compris sur les interactions avec l'écosystème.
26 Voir photographie 10 des annexes.
27 Thiéboudiène, en français riz
au poisson
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 39
4- La surveillance des côtes maritimes
Surexploitées par l?industrie de la pêche, les
ressources halieutiques du Sénégal sont en danger. Au
Sénégal, par manque de moyens, les autorités peinent
à faire respecter la ZEE28. Pourtant la protection des
poissons et autres ressources est vitale pour la majeure partie du pays, et
pourrait rapporter gros à l?Etat qui perd chaque année entre 50
et 250 milliards de FCFA ( entre 76 et 380 millions d?euros)29.
Mais aujourd?hui, les stocks de poissons sont
surexploités. Le niveau de prélèvement actuel est
supérieur à la capacité de reconstitution de certaines
espèces. Si les requins et les raies sont en danger, l?espèce
emblématique reste le thiof? ( mérou en
français) qui est au centre des débats actuels. Certaines
espèces se raréfient et si l?on continue à les
pêcher à ce rythme, on risque de voir l?extinction de ces
espèces. Il faut donc laisser le temps aux espèces de se
reconstituer, au lieu de les prélever sans limites. Pourtant des
limites, le gouvernement en impose selon un fonctionnaire rencontré.
L?octroi des licences de pêche est le principal mode de contrôle
des ressources.
L?Etat contrôle aussi les filets, pour permettre aux
espèces de grandir, et donc de se reproduire. Les pêcheurs ont une
taille minimale à respecter, en dessous de laquelle ils encourent une
amende. Enfin, des zones de protection existent, dans lesquelles les navires ne
peuvent pas pêcher afin de permettre aux poissons de se reproduire.
Pour la surveillance des côtes, le Sénégal
dispose d?une flotte composée d?un avion et de six navires, «un
seul navire sort tous les jours, parfois deux, mais rarement plus», faute
de moyens. Même s?ils sont en pannes, l?administration éprouve des
difficultés à les réparer. La surveillance aérienne
se résume à quelques heures mensuelles «offertes» par
l?armée française pour constater la présence ou non de
bateaux dans la ZEE.
28 Une Zone Economique Exclusive(ZEE) est,
d?après le droit de la mer, un espace maritime sur lequel un Etat
côtier exerce des droits souverains en matière d?exploration et
d?usage des ressources. Elle s?étend à partir de la ligne de base
de l?Etat jusqu?à 200 milles marins (environ 370 km) de ses côtes
au maximum, au-delà il s?agit des eaux internationales.
29 Sébastien Renouil, Médiapart,
Pêche ouest-africaine en danger, le cas du Sénégal,
publié le 21/08/2013
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 40
Face au manque de moyens, les autorités
sénégalaises ont mis en place un système de cogestion et
de surveillance participative en collaboration avec les pêcheurs. Ces
pêcheurs sont élus par leurs pairs pour surveiller
l'activité de pêche. En cas de non respect des règles, ces
élus peuvent rappeler à l'ordre leurs confrères, ou les
signaler à l'administration des pêches.
Cependant, il faut faire attention à la
délation, le milieu de la pêche, c'est une multitude de
rivalités à gérer. On se méfie aux délations
qui seraient dues à la jalousie d'un pêcheur qui ramène
moins de prises que son voisin.
Ces pêcheurs surveillent aussi les chalutiers qui
prélèvent massivement le gagne-pain des artisans pêcheurs.
Pour ce faire, ils observent les gros navires, et lorsqu'ils voient des
irrégularités depuis leurs pirogues, les pêcheurs
n'hésitent pas à prendre des notes et même des photos, pour
les transmettre à l'administration.
Ce système de surveillance fonctionne bien et se
révèle parfois très efficace. Ainsi en 201230,
ce sont 47 navires de pêche qui ont été arraisonnés
pour des infractions plus ou moins graves. Il reste tout de même
absolument insuffisant. Ce système a permis de renflouer les caisses du
trésor public en 2012 de 436 millions de FCFA ( 660 000 euros) d'amende.
C'est une somme importante, mais qui reste marginale face aux pertes
estimées à 381 000 000 euros. Cette perte énorme est le
résultat du manque de moyens du Sénégal pour
réellement contrôler ses côtes maritimes.
5- Le niveau de rentabilité des revenus en
baisse31.
30 Entretien réalisé avec un
fonctionnaire de la DSPS, le 12/01/2015, Dakar.
31 Ministère de la pêche et des affaires
maritimes, Conseil interministériel sur la pêche, document
introductif, 2013, p.40
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 41
Pourtant, la pêche artisanale fournit un emploi direct
à environ à 60 000 pêcheurs artisanaux dont les 20%, soit
prés de 12 000 pêcheurs, relèvent la seule pêcherie
de sardinelles. Aujourd'hui, ce secteur voit ses performances
économiques se réduire au fil des ans. Cela se traduit par une
baisse drastique des revenus:
Le coût de création d'emplois passe ainsi de 453
500 francs CFA en 1993 à 656 000 fracs CFA en 2011 pour l'unité
de la senne tournante contre 465 742 francs et 942 857 francs CFA pour
l'unité de filet maillant encerclant, relèvent les
spécialistes de l'administration des pêches maritimes.
Il est apparu dans cette recherche, toute suppression de
quelque forme que ce soit pour les unités de pêche artisanales de
pélagiques ne fera qu'augmenter la dégradation des formes
d'exploitation des pêcheurs et conséquemment rendre le poisson bon
marché de moins en moins accessible pour les populations locales et
accentuer par la même occasion le déficit en protéines
reporté à l'intérieur du pays.
Le plan d'aménagement de la sardinelle a
été ainsi élaboré par le renforcement des
capacités dans les domaines de la gouvernance des pêches, de la
lutte contre la pêche illégale, et l'accroissement de la valeur
ajoutée des produits halieutiques.
Ainsi les professionnels de la pêche déclarent
que l'Etat du Sénégal doit durcir la législation du
secteur de la pêche pour rendre beaucoup plus stricte à l'encontre
des bateaux pirates. Le gouvernement fait la pression sur nous et laisse les
étrangers qui ont plus de moyens que nous piller nos ressources. Il doit
lutter énergiquement contre la pêche illégale en
renforçant le dispositif législatif, martèlent les
professionnels.
Depuis 2010, selon les professionnels de la pêche
rencontrés, 10 bateaux russes pêchent illégalement dans les
eaux territoriales sénégalaises. Ces bateaux ayant des
capacités de prélèvement de 250 tonnes chacun par jour,
contribuent sans doute à la raréfaction de la ressource
halieutique et pire la sardinelle pêchée est transformée
par ceux-ci en farine de poisson pour l'alimentation de bétail, alors
qu'elle reste au Sénégal une denrée de consommation de
premier ordre.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 42
Ainsi, dans la nuit du 4 au 5 janvier 2014, un bateau russe du
nom de Oleg Neydanov a même été séquestré
avec son équipage dans une zone militaire à Dakar. Cette fois-ci
les autorités ont bien joué le jeu en arraisonnant ce bateau et
sa cargaison, et en réclamant une amende.
D'après les textes actuels du Sénégal, la
sanction maximale pour la pêche illicite dans les eaux
sénégalaises, est la saisie de l'engin de pêche, la saisie
de la cargaison et une amende maximale de 200 millions de FCFA ( prés de
350 000 euros), montant qui peut être doublé en cas de
récidive. Une étude de l'Agence américaine pour le
développement international (USAID) a établi que le
Sénégal perdait tous les ans cent cinquante milliards de FCFA (
prés de 228,7 millions d'euros) du fait des bateaux qui pillent les
ressources du pays. L'arraisonnement du bateau russe Oleg Neydanov a
été salué par tous les acteurs de la pêche.
En effet, lors d'une conférence de presse à
l'AFP, le 22/01/2014, le ministre russe des affaires étrangères,
Serguei Lavrov avait fait état d'un progrès dans les
négociations. Ils ont aussi bénéficié du soutien de
partenaires étrangers qui ont des relations particulières avec
les autorités sénégalaises pour régler
définitivement le problème.
Ainsi, la partie russe a proposé une somme d'un million
de dollars qui a satisfait la partie sénégalaise pour la
levée du séquestre du chalutier arraisonné. Cette
transaction a été confirmée par le ministre
sénégalais de la pêche qui déclare que l'amende a
été versée au trésor public au titre de deux
bateaux russes accusés par le Sénégal de pêche
illégale, le bateau Oleg Neydanov32, qui a été
arraisonné et placé sous séquestre au port de Dakar et le
capitaine Bogomodov, qui lui était en fuite.
Tout cela confirme que les eaux maritimes
sénégalaises sont régulièrement piratées par
des bateaux qui y pêchent illégalement, c'est pourquoi, les
autorités publiques sénégalaises doivent tout mettre en
oeuvre pour surveiller la Zone Economique Exclusive d'où dépend
la survie de la pêche artisanale, la survie de l'économie
nationale.
32 Voir photographie 14 des annexes.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 43
Le poisson joue un rôle central dans l'héritage
économique et culturel du Sénégal. Le secteur de la
pêche n'a cependant pas encore atteint son plein potentiel. En
conséquence de quoi, toute une série d'initiatives sont en cours
dans le pays avec pour objectif d'améliorer la gouvernance et d'adopter
des pratiques durables encourageant la croissance de l'industrie de la
pêche, notamment par la collaboration de tous les acteurs de la
pêche. Les potentialités du secteur se voient toutefois
limitées par une gouvernance insuffisante et une augmentation de la
surpêche, ce qui représente une menace non seulement pour les
recettes et l'emploi mais aussi pour l'alimentation, le poisson étant
une importante source de protéines animales pour les populations.
Chapitre III: L'apport de la sociologie de la
traduction
Pour appréhender le terrain sous un angle sociologique,
en plus des outils de l'accompagnement au changement mentionnés dans
cette étude, j'ai utilisé une forme de pensée tirée
de la sociologie de la traduction qui est un courant théorique
développé par Michel Callon et Bruno Latour.
La théorie de la traduction représentée
par Akrich, Callon et Latour, met l'accent sur les notions de
négociations et de médiation pour démontrer la dimension
sociale de l'innovation technique. Ils ont développé un autre
modèle qui repose sur l'observation de l'appropriation sociale des
éléments qui alimentent le débat scientifique. Leur
théorie s'appuie sur la constitution d'un réseau. Elle convient
parfaitement dans l'éclaircissement des comportements des
différents acteurs de la pêche au moment de l'établissement
des innovations dans les pratiques et donc dans des situations de
changement.
Cherchant à comprendre le concept de l'innovation j'ai
utilisé cette citation de Philippe Bernoux33»: une
innovation scientifique est le résultat d'une rencontre entre des
acteurs dont les enjeux sont différents et qui, pour une action
donnée, se sont mis en relation et ont agi ensemble sur un point
particulier. Ils ont constitué un réseau, création d'un
lien à
33 Philippe Bernoux, Comment innover et se comprendre
? La théorie de la traduction. Théories sociologiques et
transformation des organisations, Cnrs- Université Lyon 2
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 44
travers des relations d'échange suffisamment fortes pour
faire vivre une sorte d'entité contractuelle. C'est un
intermédiaire entre la hiérarchie et le marché».
L'exemple emblématique de la théorie de la
traduction est celui des coquilles Saint Jacques. Au début des
années 1970, Michel Callon34 et Brun Latour ont fait une
étude sur la surexploitation des coquilles Saint Jacques due à
une consommation importante de ces coquilles. Cette étude a
montré que ces coquilles sont pêchées en France, dans trois
endroits:
au large des côtes normandes, en rade de Brest et en
baie de Saint- Brieuc. Ce sont des espèces toutes différentes. A
Brest, certaines sont coraillées toute l'année, tandis
qu'à Saint-Brieuc, elles perdent leur corail pendant le printemps et
l'été. Les consommateurs préfèrent plus celles qui
ont le corail à celles qui ne l'ont pas.
Le stock de Brest s'éteint progressivement du fait de
l'action de l'homme et des prédateurs ( étoile de mer), du froid
imposé par plusieurs hivers rigoureux, et des marins-pêcheurs qui
pour satisfaire les consommateurs à longueur d'année sans laisser
le temps de se reproduire.
Par contre, à Saint- Brieuc, la production
décline régulièrement, les prédateurs y sont moins
abondants et la préférence des consommateurs pour les coquilles
Saint- Jacques coraillées contraint les marins-pêcheurs au repos
forcé pendant la moitié de l'année favorisant ainsi la
reproduction du stock.
Ce phénomène a permis d'organiser un colloque en
1972, à Brest, réunissant ainsi des scientifiques ainsi que des
représentants des marins-pêcheurs pour examiner ensemble la
possible maîtrise de la culture des coquilles Saint-Jacques afin
d'augmenter la production.
En m'inspirant de ce cadre théorique pour proposer un
nouveau mode de gestion des ressources halieutiques du Sénégal
par le changement des comportements des acteurs, je
34 Callon M., 1986, Elément pour une sociologie
de la traduction. La domestication des coquilles Saint-Jacques et des marins-
pêcheurs dans la baie de Saint- Brieuc, L'année sociologique,
n°36, pp. 170- 208.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 45
souhaite mettre en évidence l'implication de
traducteurs pour construire la relation de confiance entre les acteurs de la
pêche maritime sénégalaise.
Au terme de cette recherche, il apparaît clairement que
l'implication des chefs religieux dans le règlement des conflits entre
les acteurs devient une nécessité car, l'analyse a montré
que ces personnes qui comptent par devers eux de nombreux fidèles
peuvent servir de courroie de transmission entre les acteurs. C'est un
système qui fonctionne ainsi dans la société
sénégalaise et elles ont une grande marge de manoeuvre pour
conduire le changement dans les pratiques. A cet effet, ils sont les mieux
placés pour servir de traducteurs.
1- De chefs religieux aux rôles de
traducteurs
Au Sénégal, les chefs religieux se sont
impliqués très tôt dans la lutte contre le sida, ce qui a
permis au pays d'avoir le taux de prévalence le plus bas au monde.
Sur le plan politique, le Président Abdou Diouf (
1981-2000) a beaucoup utilisé leur influence pour calmer le front social
à chaquefois qu'il est embrasé car, ils sont mieux
écoutés par les populations.
C'est pourquoi, dans le secteur de la pêche, il semble
que ces personnes pourraient s'impliquer dans le règlement des conflits
entre les différents acteurs de la pêche et l'établissement
de la relation de confiance entre ces derniers.
Ces chefs religieux sont très influents au
Sénégal et chaque professionnel se soumet au voeu de son guide
religieux. Si certaines réticences aux décisions prises par
l'administration publique des pêches sont constatées, c'est parce
que les chefs religieux ne sont pas impliqués au moment de la prise de
décision. Au Sénégal, ces acteurs religieux dits «
khalifes » généraux et « marabouts » jouent un
rôle de premier ordre dans la politique locale que nationale. Pour
montrer l'importante place qu'occupent ces religieux, on constate, dans le but
de recueillir les suffrages des électeurs ou d'atteindre un objectif au
plan social, les autorités politiques ont souvent fait appel aux
dignitaires religieux sénégalais.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 46
Ces chefs religieux sont considérés par la
société sénégalaise, comme des personnes «
modèles » ou « référentielles » qui sont
chargées de veiller au bon comportement de leurs fidèles et
à la bonne marche de la société. Des fois, si les
différents partis politiques de l'opposition et les syndicats des
travailleurs ne s'entendent pas avec le gouvernement, ils demandent aux chefs
religieux d'intervenir en leur faveur auprès des gouvernants.
C'est pourquoi, mon travail s'intéresse à ces
chefs religieux et coutumiers qui jouent un rôle régulateur dans
la société sénégalaise. Ces personnes comptent en
leur sein de nombreux fidèles ou « talibés » qui
n'écoutent que leur « ndiguel35 ».
Je pose la question à savoir est ce qu'il ne serait pas
nécessaire avant de mettre en oeuvre toute politique de
développement d'informer d'abord ces chefs religieux ? Ces derniers, une
fois qu'ils ont compris et accepté les décisions de
l'administration, se chargeront de donner le « ndiguel » à
leurs fidèles.
2- Hypothèse
La crise dans la pêche génère un
état d'incertitude et présente des menaces importantes sur
l'avenir des relations de confiance entre les acteurs intervenant dans le
secteur. La question posée est de savoir comment peut-on construire et
maintenir des relations de confiance dans cette situation de manière
à en construire collectivement le sens, étape majeure dans la
voie qui peut mener à sa résolution?
C'est pourquoi, j'ai posé comme hypothèse: il se
produit un phénomène d'absence de confiance ou d'absence
d'informations et de moyens, qui permettrait de construire des liens de
confiance nécessaires à la prise en compte de la gestion
durable.
La théorie de la traduction offre un cadre d'analyse de
l'innovation technologique qui envisage celle-ci comme un construit social.
Mais, l'activité de construction n'est plus seulement le fait des seuls
utilisateurs, que le modèle du déterminisme social a eu en
quelque
35 « Ndiguel », veut dire en français mot
d'ordre
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 47
sorte le mérite de réhabiliter. Avec la
théorie de la traduction, l'innovation apparaît comme le
résultat, toujours provisoire, de l'interaction entre les partenaires
d'un réseau.
A partir de ces concepts, Latour et Callon proposent une
méthode pour traduire un réseau et tenter de le modifier. Cette
méthode est très utile en sociologie des organisations.
Les négociations qui vont s'instituer auront lieu entre
chaque porte-parole de chacune des entités de la situation. En fait, le
micro-réseau (ici les dahiras) ne s'agrandira que si les entités
qui le composent parviennent à se diffuser. Toutes les entités
humaines et non-humaines doivent être représentées dans les
espaces de négociations à partir desquels les réseaux
s'élaborent. Les porte-paroles rendent alors possible la prise de parole
et l'action concertée.
3- Enrôlement des acteurs
Les chefs religieux ou «marabouts» ont pris une
place considérable dans la vie politique sénégalaise
pendant les différents régimes politiques qui se sont
succédés au pouvoir, et leur emprise n'a cessé
d'augmenter. Peut-on cependant dire que nous sommes en face du même type
de marabout aujourd'hui? Les marabouts se succèdent de père en
fils au Sénégal et, actuellement, ce sont les petits-fils qui
sont au pouvoir avec la disparition de leurs parents.
Aussi, chaque «marabout» est à la tête
d'une confrérie et la fonction de «marabout» prend le dessus
sur tout le reste. En général, chaque sénégalais
appartient à une confrérie, c'est pourquoi l'enrôlement des
acteurs sera facilité par l'organisation socio-religieuse
déjà existante.
C'est ainsi que chaque confrérie possède son
réseau de dahiras: organisation socio-religieuse où les
regroupements se font sur la base d'affinités villageoises, ethniques et
de quartier. Les liens avec les terroirs d'origine n'étant jamais
totalement rompus. Cette affinité qui joue vraiment, comme principe de
base du dahira, est confrérique. Elle donne donc aux relations un
caractère trans-ethnique et antidiscriminatoire, conformément aux
enseignements du Coran prônant la paix, l'égalité et la
solidarité entre tous les êtres humains. Ajoutons que les
réseaux des dahiras sont d'une ampleur telle qu'à
l'intérieur des confréries chaque chef religieux en dispose.
D'où la nécessité pour les confréries d'encourager
le regroupement des dahiras en
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 48
fédérations. Cette structuration
fédérale devant favoriser leur meilleure coordination et
confère d'avantage de poids et de visibilité à leurs
actions, celles-ci étant diverses et variées.
Parmi ces actions, il y a, en priorité, l'action
religieuse rythmée, pour l'essentiel, par des prières, des
conférences sur l'Islam, les enseignements du prophète Muhammed,
ceux du fondateur de la confrérie et par l'envoi, chaque année
autant que les fonds disponibles le permettent, de pèlerins à la
Mecque. Lors des conférences religieuses, l'occasion est
également saisie pour parler de sujets d'actualités comme la
lutte contre la dégradation des moeurs, l'attachement aux valeurs
socio-culturelles et éthiques fondatrices de l'identité
sénégalaise et tant d'autres thèmes en rapport avec
l'harmonie, la cohésion sociale et l'entente fraternelle devant
régir les relations entre les diverses composantes de la nation.
Alors que les confréries religieuses sont
généralement diurnes et ont eu lieu les week-end notamment,
pendant le mois du ramadan. Les séances de chants à la gloire des
guides de la confrérie se déroulant plutôt la nuit et
peuvent aller jusqu'à l'aube.
Outre les manifestations strictement religieuses, les dahiras
mènent des activités lucratives destinées à leur
procurer des ressources financières. Une partie des ressources provient
des cotisations des membres, ainsi que des tontines36. Les fonds
ainsi recueillis sont redistribués aux membres desdites tontines, selon
le système de rotation bien rodé. Et ceux d'entre eux qui, sans
emploi, désirent s'adresser, s'adonner à des activités
génératrices de revenus, peuvent solliciter et obtenir des
prêts.
Les dahiras s'affirment donc comme des espaces communautaires
où prévaut une certaine convivialité, avec une double
dimension religieuse est socio-économique qui est leur marque principale
et qui les conduit à être présents dans presque tous les
secteurs d'activités. Ces dahiras existent aussi dans les
établissements scolaires et universitaires jusqu'aux entreprises et aux
marchés, en passant par le secteur des médias et l'administration
publique. Les grandes manifestations religieuses telles que les
«gamous37» et les «magals38» sont
l'occasion pour
36 Tontines : ce sont des formes d'épargne
très prisées dans le milieu des femmes
sénégalaises.
37 Le terme Gamou, en wolof, marque la
commémoration de l'anniversaire de la naissance du prophète
Mohammad (psl). La célébration de la naissance du prophète
(psl) se fait chaque année dans toutes les cités religieuses du
Sénégal, particulièrement à Touba.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 49
eux, non seulement pour renouveler leur allégeance
à leurs guides au cours des séances appelées ziarras,
mais aussi de faire une véritable démonstration de force
illustrant la place centrale qu'ils occupent dans la stratégie de
massification et de rayonnement des confréries.
La problématisation du développement durable de
la pêche est assurée par un traducteur dont le rôle est
accepté par tous les acteurs du réseau. Il s'agit des chefs
religieux. Au départ de cette étude, je n'avais pas pris en
compte ces chefs religieux. Ainsi, au cours des entretiens, je me suis
aperçu que ces personnes pourraient jouer le rôle de traducteur et
faciliter la construction des relations de confiance entre les groupes
d'acteurs.
4- La relation de confiance entre les acteurs
L'intéressement, c'est l'ensemble des actions par
lesquelles un groupe d'acteurs s'efforce d'imposer et de maintenir
l'identité des autres acteurs qu'elle a défini par sa
problématisation. Il s'efforce de mobiliser les acteurs
identifiés et de les faire adhérer dans sa logique. Cela passe
par l'établissement de relation de confiance entre les acteurs par
l'abandon d'anciennes pratiques de pêche.
En effet, pour créer la confiance, il suffit de
gérer les conflits entre les groupes d'acteurs et en tirer les
conséquences. Pour cela, il faut écouter tout le monde sans
exception et considérer les avis des uns et des autres. Le rôle
des chefs religieux est de fournir aux décideurs publics et aux autres
acteurs concernés, les outils d'aide à la décision. Mais
ces données sont rendues publiques au cours des cérémonies
religieuses comme les gamous et les magals, ou dans les dahiras, afin de
permettre à chacun de s'approprier des recommandations du guide.
D'après les acteurs, les principaux
éléments qui facilitent la relation de confiance concernent une
bonne communication, tandis que les décideurs politiques insistent sur
des facteurs liés au contexte physique dans lequel se déroule
l'annonce, à leurs connaissances scientifiques du problème et aux
acteurs eux-mêmes.
38 Le magal de Touba, en wolof, est la
commémoration du départ en exil de Ahmadou Bamba au Gabon. Cette
fête religieuse, célébrée à Touba, chaque
année.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 50
C'est ainsi que les pouvoirs publics décident de
convoquer des concertations nationales sur la pêche pour étudier
le problème en profondeur. Le constat est unanime, le secteur de la
pêche au Sénégal va mal en point, et à tous les
niveaux. En dépit de ses innombrables potentialités, il traverse
depuis au moins deux décennies, une crise socio-économique et
biologique sans précédent liée à de nombreux
facteurs. Parmi ces derniers, il est primordial de citer: la mauvaise
gouvernance dans la gestion des ressources halieutiques, la
prolifération des pratiques de pêche illégale, ou encore la
faible valorisation des pratiques de pêche.
C'est pourquoi, il est opportun de s'arrêter pour
trouver des solutions aux différents maux qui gangrènent la
pêche par l'organisation de concertations nationales sur le
développement durable de la pêche. Ces concertations visent
à doter de la pêche maritime sénégalaise d'un
système respectueux des valeurs de la nation, sans exclure aucune de ses
composantes. Elles permettront de construire des relations de confiance entre
les acteurs pour une meilleure prise en compte de la gestion durable.
Pour y parvenir, comme l'exemple de la lutte contre le sida,
il faut intéresser les chefs religieux sur le thème du
développement durable de la pêche au Sénégal. Le
point commun qui intéresse à tous les acteurs, c'est la
rareté du poisson du fait de l'action de l'homme. La réponse
à cette question permettra de créer un dialogue entre tous les
acteurs impliqués dans le processus du changement dans les pratiques de
pêche. Ce dialogue aboutira à la création d'un
réseau composé des professionnels de la pêche, des
chercheurs, des pouvoirs politiques et des chefs religieux. Ces acteurs devront
travailler en étroite collaboration et dans la transparence. Il est
nécessaire de consolider et de développer ce réseau
à travers les dahiras ou fédérations de dahiras au
Sénégal, en attribuant à chaque acteur un rôle. En
les impliquant, chaque acteur apporte une réponse allant dans le sens de
la résolution du problème. Ce réseau est consolidé
et rendu irréversible par les chefs religieux qui l'étendent
à d'autres acteurs. Ils se chargent également de donner toutes
les informations et accords issus des concertations, à l'occasion des
cérémonies religieuses qui drainent chaque année des
centaines de milliers de fidèles venus les écouter et de cueillir
leurs bénédictions. En plus, à chaque
cérémonie religieuse, le gouvernement du Sénégal
envoie une délégation officielle sous la conduite du ministre de
l'intérieur. De même, tous les partis politiques, les syndicats et
les organisations socio-professionnels sont présents à ces
cérémonies.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 51
Pour ce qui est du contexte de l'annonce, les porte-paroles
s'entendent sur l'importance de rencontrer le traducteur et ses collaborateurs
dans sa résidence, de sorte qu'ils reçoivent tous la même
information en même temps et ont la possibilité d'avoir des
réponses à leurs questions. Des représentants des acteurs
sont d'avis qu'un discours cohérent entre toutes les catégories
socio-professionnelles aide à maintenir une relation de confiance
satisfaisante.
Certains types d'acteurs affirment que leur expérience
professionnelle et la connaissance du secteur de la pêche ont
contribué à faciliter leur compréhension du
déroulement de l'annonce des mesures envisagées pour construire
une relation de confiance durable.
Les acteurs politiques trouvent plus facile d'annoncer ces
mesures qui viennent d'eux et, par conséquent visant à
éviter les nombreux conflits.
La communication permet aussi, l'identification et la
formulation des programmes de développement, de dialoguer avec tous les
acteurs afin de faire connaître et de prendre en charge ses
problèmes et son avenir. Elle permet aussi l'épanouissement et la
participation de façon active de tous les acteurs permettant une
meilleure qualité de travail par le renforcement du sentiment de
fierté et d'appartenance au groupe.
Elle constitue le principal facteur facilitant les relations
entre les professionnels et pouvoirs publics. Les professionnels
désirent une mesure claire, franche, honnête et suffisante pour
éradiquer le gaspillage des ressources halieutiques. Ils souhaitent que
les acteurs politiques prennent le temps de leur expliquer le problème
du gaspillage, du pillage des ressources et de préciser la
démarche à entreprendre. Les attitudes occupent une place
importante dans leur degré de satisfaction. Les acteurs professionnels
s'entendent à une attitude d'écoute, d'ouverture et de
disponibilité de la part des pouvoirs publics. Ils veulent être
compris, soutenus, reconnus dans leurs compétences. Les acteurs publics
conviennent qu'un climat positif et de confiance avec les professionnels
s'impose pour annoncer la déficience. Ils s'attendent à de la
confiance et à de la collaboration de la part des professionnels,
à une attitude réaliste face à l'avenir de leur
activité de pêche, à une attitude non défensive et
à une adaptation à la situation. Les acteurs publics soulignent
aussi l'importance d'être disponible pour confirmer aux acteurs
professionnels qu'ils ont bien compris la situation et le problème de la
pêche. Enfin, ils sont conscients qu'il faut répéter
plusieurs fois la même information au moment de l'annonce, car les
professionnels de la pêche sont dans l'incertitude de leur avenir.
Les pouvoirs publics s'attendent à ce que les
professionnels soient ouverts et réceptifs à ce qu'ils ont
à dire et qu'ils soient sensibles à leur intervention.
Quant aux scientifiques, ils désirent que des moyens
financiers et matériels suffisants leur soient accordés pour la
poursuite de leurs actions de recherche. Ils veulent que les professionnels
respectent les mesures mises en place pour le renouvellement des stocks de
poissons.
Les investigations ont montré que l'administration
publique des pêches et les autorités politiques
sénégalaises doivent impliquer tous les chefs religieux et
traditionnels dans les négociations et discussions. De même, les
avis de l'ensemble des acteurs impliqués dans les interactions
liés au changement et au développement doivent être pris en
compte. Les problèmes de la pêche dans tous les pays du monde sont
similaires: la surpêche, la pêche illégale et non
réglementée, baisse des stocks de poissons.
Il est très important avant d'exécuter une
quelconque décision ou de mettre en place des programmes de
développement en matière de pêche maritime au
Sénégal, de prendre en compte l'avis de tous les acteurs
impliqués dans le changement et au développement sans ignorer
aussi les chefs religieux qui jouent un rôle régulateur important
dans la société. Ces personnes ont très souvent
pesé de leur poids pour faire pencher la balance du côté de
la personnalité qui s'est montrée la plus apte et la plus
déterminée à défendre leurs privilèges et
leurs intérêts. A partir de ce moment, elles sont associées
à la propagande électorale. Tous les hommes politiques et
même le Président de la République négocient avec
les chefs religieux pour bénéficier du suffrage électoral
de leurs fidèles.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 52
PARTIE II: L?ETAT ET LA PECHE
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 53
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 54
La gestion des ressources halieutiques est une
prérogative de l'Etat qui définit à cet effet, une
politique visant à protéger, à conserver et à
prévoir leur exploitation durable de manière à
préserver l'écosystème marin.
Le secteur de la pêche est en crise depuis 1990 au
Sénégal en raison de la surpêche, une surexploitation par
les pêcheurs artisans, les pêcheurs industriels mais surtout la
présence très inquiétante de la pêche illicite, non
déclarée et non réglementée.
Les autorités sénégalaises
considèrent le secteur de la pêche comme une rampe de lancement de
l'économie et qu'il occupe une place prépondérante dans la
politique de redressement économique. De ce point de vue, la pêche
artisanale elle-même est considérée comme un
élément essentiel de ce redressement, conjuguant la dimension
alimentaire (pour les populations locales) et la dimension financière
(apport financier dans les caisses de l'Etat). C'est là un thème
relativement nouveau dans l'histoire de l'intervention extérieure ou
étatique sur le secteur.
Chapitre I: Une organisation étatique
spécifique et une administration sous contraintes 1- Structure et
organisation administrative de la pêche maritime
sénégalaise
Le secteur des pêches est géré par le
Ministère de la pêche et des affaires maritimes. Le texte de loi
qui l'organise est la loi n° 98-32 du 14 avril 1998 portant code de la
pêche maritime et le décret 98-498 qui fixe les modalités
d'application. Cette loi qui régie toute activité de pêche
maritime dans les eaux sénégalaises, complétée par
d'autres dispositions réglementaires (arrêtés, circulaires,
etc.).
Le secteur des pêches est sous-divisé en six
directions techniques : la Direction des Pêches Maritimes (DPM), la
Direction des Industries de Transformation de la Pêche (DITP), la
Direction de la Protection et de la Surveillance des Pêches (DPSP), la
Direction de la Pêche Continentale (DPC), la Direction de la Marine
Marchande (DMM), la Direction de la Gestion et de l'Exploitation des Fonds
Marins (DGEFM).
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 55
Il existe des structures décentralisées et
déconcentrées à travers les services régionaux et
départementaux des pêches et de la surveillance dans toutes les
régions administratives du pays. Cependant, la pêche artisanale
est directement administrée par la Direction des Pêches
Maritimes.
Une des grandes missions de la Direction des pêches
maritimes est la mise en oeuvre de la politique de la pêche maritime
aussi bien industrielle qu'artisanale ainsi que les différentes
activités qui s'y rattachent notamment, la transformation et la
commercialisation des produits.
A ce titre, elle est chargée: de l'élaboration
et la mise en oeuvre des plans d'aménagement des pêcheries
maritimes, en relation avec les structures publiques et les organisations
professionnelles privées concernées ; d'assurer la gestion des
pêcheries maritimes exploitées conformément au plan
d'aménagement ; de promouvoir la coopération en matière de
pêche ; de veiller à l'élaboration à l'application
de la réglementation relative à l'exercice de la pêche
maritime ; d'instruire les dossiers de demande d'autorisation de pêche ;
de veiller à l'élaboration et à l'exécution des
projets et programmes de développement des pêches maritimes ;
d'assurer la collecte, le traitement, la publication des statistiques de
pêche ; de contrôler la salubrité et la qualité des
produits de la pêche artisanale ; d'assister les organisations
professionnelles du secteur ; de veiller au perfectionnement des professionnels
de la pêche artisanale maritime ; d'assurer l'expérimentation, la
vulgarisation des équipements, des techniques et des résultats de
la recherche dans le domaine de la pêche maritime.
En effet, l'exploitation des ressources halieutiques dans les
eaux sénégalaises est le fait de pêcheries artisanales
(maritime et continentale), semi-industrielles et industrielles. La principale
caractéristique du système d'exploitation est la
prédominance, en termes de débarquement, du sous-secteur
artisanal qui est à l'origine des deux tiers des mises à
terre.
La pêche artisanale est pratiquée par plusieurs
communautés de pêcheurs utilisant plus d'une vingtaine de
techniques de pêche suivant des stratégies qui varient selon les
saisons en fonction des facteurs biologiques et socio-économiques.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 56
En fait la pirogue de mer est une embarcation composée
d'un corps pris dans un tronc d'arbre en bois léger, prolongé
à chaque extrémité par un éperon pouvant atteindre
le cinquième du corps ; le corps est surmonté par des
bordés en planches de sapin, les éperons servent de brise-lames
en mer et, à terre, ils servent de balanciers pour le hissage des
pirogues à terre.
Les contraintes
Au plan institutionnel, un des faits marquants est l'absence
de relation de confiance entre l'administration et les professionnels de la
pêche. Cette situation a des incidences négatives sur le
comportement des acteurs, en termes d'application de la réglementation
et des difficultés à les mobiliser pour gérer durablement
la pêche. Un changement radical dans les relations entre tous les
acteurs, pour restaurer la confiance et l'Etat de droit s'impose.
Par ailleurs, la faiblesse des relations de confiance entre
l'administration des pêches et les autres administrations, alors que de
nombreux problèmes relèvent de la compétence de ces
administrations reste très contraignante.
Mais aussi des difficultés énormes existent dans
l'administration des pêches maritimes pour mener à bien sa mission
de gestionnaire des eaux territoriales sénégalaises. Le manque
crucial de moyens de fonctionnement, la vétusté du parc
automobile et l'absence de personnel sont les principaux motifs de
dysfonctionnement pour la conduite d'une bonne politique de gouvernance
rationnelle des ressources marines. Au niveau de la surveillance, la faiblesse
des crédits alloués ne permet pas aux navires de contrôle
et l'avion de surveillance de faire des sorties régulières en
mer. Et, ces appareils le plus souvent restent cloués au sol ou à
leur port d'attache pour diverses raisons : soit sont en panne faute de moyens
pour la réparation ou soit, par manque de carburant car la dotation
mensuelle en carburant est insuffisante.
On note également la guerre entre fonctionnaires pour
l'occupation d'un poste juteux empêchant ainsi une collaboration
sincère entre les agents, ce qui entraine un blocage dans les
différents services, allant jusqu'à la rétention
d'informations. Les nominations aux
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 57
différents postes se font souvent par des
critères académiques et des expériences professionnelles.
Parfois ces nominations répondent à des critères
d'amitié, de politique (sont dans le même parti) ou de cooptation.
Ce qui entraîne des frustrations au sommet de l'administration. A ce
niveau aussi beaucoup de choses sont à faire pour motiver les
fonctionnaires en leur octroyant des moyens matériel et humain qui leur
permettent de mettre en place les conditions d'un véritable changement
des comportements conduisant à protéger et à gérer
durablement les ressources halieutiques.
2- Les organisations professionnelles impliquées
dans la pêche maritime 2-1- Dans la pêche artisanale
Les professionnels de la pêche sont regroupés en
plusieurs catégories socioprofessionnelles que sont les pêcheurs,
les mareyeurs, les micro-mareyeurs, les transformatrices, les haleurs, les
usiniers et les importateurs. Cependant dans la pêche artisanale
maritime, ces professionnels ont créé avec l'aide de
l'administration publique, plusieurs organisations39 dont il
convient d'étudier le fonctionnement et les aptitudes en tant
qu'institutions partenaires de la puissance publique et fortement
impliquées dans les actions de développement durable de la
pêche.
Ils se sont réunis dans des groupements dont les plus
représentatifs sont la Fédération Nationale des
Groupements d'Intérêt Economique de Pêcheurs
(FENAGIE-PECHE), la Fédération Nationale des Groupements
d'Intérêt Economique de Mareyeurs (FENAMS), l'Union Nationale des
Groupements d'Intérêt Economique de Mareyeurs (UNAGIEMS) et le
Collectif National des Pêcheurs artisanaux du Sénégal
(CNPS), la Fédération Nationale des Femmes Transformatrices
(FENATRAMS). Ces structures sont décentralisées au niveau des
39 Selon Crozier, la sociologie des organisations
peut se définir comme une branche de la sociologie qui étudie
comment les acteurs construisent et coordonnent des activités avec leur
environnement, et qui applique les méthodes sociologiques à
l'étude de ces entités. Elle est l'insertion de plusieurs
disciplines, dont l'économie des organisations, le management et la
théorie des organisations.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 58
régions, départements et localités
maritimes. Diverses associations ou GIE cohabitent aves ses organisations.
Une organisation professionnelle est un regroupement de
personnes exerçant une activité déterminée. Au
Sénégal, il n'y a pas une définition spécifique de
l'organisation professionnelle. A la différence des architectes, experts
comptables, médecins, avocats, etc., dont l'organisation et l'exercice
de la profession sont définis par des textes de loi et des
décrets d'application spécifiques. Les organisations
professionnelles de la filière pêche au Sénégal sont
régies par leurs propres statuts et règlement intérieur
élaborés par leurs membres. Ce sont des associations ou des
Groupements d'Intérêts Economiques (G.I.E). L'accès
à la profession est libre. Nous rappelons que la
fédération est une organisation nationale des travailleurs de la
pêche. L'union locale est une organisation de base qui est
constituée par un ensemble de GIE qui décident de se regrouper,
de cotiser enfin d'atteindre des objectifs communs et d'être plus
dynamiques afin de développer leur localité. Ces regroupements ne
sont pas des syndicats mais ont des rôles similaires.
Il est possible de noter un nombre important de pêcheurs
en dehors du mouvement associatif. Ces organisations oeuvrent principalement
à la défense des intérêts de leurs membres.
Cependant, elles devraient jouer un rôle de plus en plus important dans
l'aménagement des pêches. Elles sont regroupées au sein du
Conseil National Interprofessionnel de la Pêche Artisanale au
Sénégal (CONIPAS).
Par ailleurs, les pêcheurs sont les plus grands
intervenants de la pêche artisanale maritime sénégalaise
car ce sont eux qui assurent la production. Aussi de par leur nombre, ils sont
très importants et l'effectif varie d'une région à une
autre. Ensuite, viennent les mareyeurs qui participent au financement de la
pêche artisanale, à l'achat des produits à la plage, au
conditionnement des poissons et leur transport vers les usines et les
marchés de l'intérieur. L'activité de mareyage est
dominée par les hommes et le micro-mareyage par les femmes qui assurent
la distribution et la vente des poissons dans les marchés. Après
les mareyeurs, un autre groupe que sont les usiniers, assure l'exportation des
poissons vers les pays de l'étranger, comme la France, l'Italie et le
Japon.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 59
2-2- Dans la pêche industrielle
Deux principaux regroupements sont notés : il s'agit du
Groupement des Armateurs et Industriels de la Pêche Maritime au
Sénégal (GAIPES) et l'Union Patronale des Mareyeurs Exportateurs
du Sénégal (UPAMES).
3- Les institutions de coopération
internationale
Dans le cadre de la gestion durable des pêcheries, le
Sénégal est ouvert à la coopération internationale,
pour l'exploitation de ses ressources halieutiques. Les accords passés
avec ses différents partenaires sont orientés pour l'essentiel
vers la capture, l'évaluation des stocks et l'appui institutionnel au
développement de la pêche pour une gestion durable de ses
ressources marines. Les institutions internationales dont le
Sénégal est membre sont :
3-1- la Commission Sous Régionale des Pêches
(CSRP) qui est un organisme intergouvernemental créé le 29 mars
1985 par voie de convention. Elle regroupe sept Etats membres que sont le Cap
Vert, la Gambie, la Guinée, la Guinée Bissau, la Mauritanie, le
Sénégal et la Sierra Leone. Le Sénégal abrite le
siège de la CSRP. Cette commission joue un rôle important dans la
gestion des pêches et de l'environnement marin dans les eaux ouest
africaines, le contrôle, le suivi et la surveillance des pêches.
3-2- la Conférence Ministérielle sur la
Coopération Halieutique entre les Etats Africains riverains de
l'Atlantique (COMHAFAT). C'est une organisation intergouvernementale
créée en 1989 qui regroupe 22 pays allant du Maroc à la
Namibie. Le siège de l'organisation est basé à Rabat, au
Maroc. Elle vise le renforcement de la solidarité à
l'égard des Etats Africains sans littoral et des Etats de la
région géographiquement désavantagés par le
renforcement de la formation professionnelle, le développement de la
recherche halieutique et des sciences de la mer et la mise en oeuvre des lois
réglementant la pêche responsable.
3-3- la Commission Internationale pour la Conservation des
Thonidés de l'Atlantique (ICCAT). C'est une organisation
intergouvernementale chargée de la gestion et de la conservation des
espèces de thon et des thonidés dans l'océan atlantique et
des
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 60
mers adjacentes. Elle a été créée
en 1969, à une conférence à Rio de Janeiro, au
Brésil. Ses principales missions sont : la collecte de toutes les
données statistiques provenant des pays membres et de toute autre
entité pêchant ces espèces dans la zone couverte par
l'organisation, coordonner la recherche, notamment pour l'évaluation des
stocks de thons, disposer des conseils de gestion élaborés sur la
base d'analyses statistiques, formuler des avis pour la gestion et les
promouvoir auprès de ses membres et produire des publications
scientifiques.
3-4- L'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et
l'Agriculture (FAO). Elle est créée en 1945 à
Québec et son siège se trouve à Rome. Son objectif est
« Aider à construire un monde libéré de la faim
».
Chapitre II : Les tentatives de changement et les
confrontations aves les pêcheurs
1- Les pratiques actuelles des pêcheurs
1-1- L'utilisation des filets mono-filaments
A la fin des années quatre-vingt, l'utilisation des
filets fabriqués avec des alèzes en mono-filaments a
été introduite dans les pêcheries par le biais d'armements
ou de projets de développement. A partir des années
quatre-vingt-dix, le mono-filament a progressivement remplacé les filets
en nylon (polyamide en fils câblés), car son efficacité et
sa facilité d'utilisation, démontrées dans d'autres pays,
allaient rapidement convaincre les pêcheurs artisans
sénégalais40.
Ce filet a eu un succès très rapide et le
développement anarchique de son utilisation lui a valu beaucoup de
critiques : surexploitation de certaines espèces, longueur des filets
mis à l'eau très importantes, non biodégradables,
pêche fantôme par des filets perdus en mer, pollution des sites de
débarquement etc. Suite à ces méfaits constatés et
aux multiples analyses d'experts qui ont tiré la sonnette d'alarme sur
la menace que constituent les filets
40 Voir photographie 7 des annexes.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 61
mono-filaments, les autorités publiques ont
décidé d'interdire son utilisation pour une meilleure protection
des ressources halieutiques.
Mais cette décision a déplu à un bon
nombre d'acteurs de la pêche. Certains récalcitrants ont
même menacé d'aller en grève si cette mesure devenait
effective. Pourtant, ces pêcheurs devraient être les premiers
à accepter cette politique de protection des ressources halieutiques
nationales. Le plus dangereux des filets est le mono-filament en nylon qui
n'est pas biodégradable. Ainsi à la dérive lors qu'il est
perdu, il va y rester et continuer à pêcher pendant longtemps.
Aussi tous ces filets, une fois dans l'eau lors qu'ils se
désagrègent, libèrent des matières toxiques dans
l'écosystème. Les filets prennent six cents ans pour une
désagrégation complète. Les filets à la
dérive pêchent le poisson qui meurt une fois piégée,
pourrit et attire d'autres prédateurs qui seront également
piégés.
La mesure d'interdiction des filets mono-filaments a
amené les pêcheurs artisanaux, mareyeurs, charpentiers,
transformatrices et vendeurs détaillants de poisson à se
réunir pour décrier la mesure des autorités
étatiques qui interdit systématiquement l'utilisation des filets
dormants ou mono-filaments.
Ils ont tous décidé de se dresser vigoureusement
contre cette mesure pour empêcher son application. Selon eux, ces
mono-filaments n'ont causé aucun dégât et ne peuvent
nullement détruire ni les poissons ni la mer. Les autorités
administratives de la pêche entendent arracher de force les filets
mono-filaments. Cette loi s'appliquera à tous les pêcheurs, disent
les fonctionnaires de la pêche.
Pour éviter le pire, les pêcheurs invitent les
autorités étatiques à la table des négociations
pour une issue heureuse, disent les pêcheurs, qui soupçonnent
l'administration de vouloir signer des accords de pêche avec les russes,
qu'ils accusent d'avoir pillé toutes les eaux poissonneuses du
Sénégal.
Toutes ces réactions laissent supposer que ces mesures
ont peu de chances de connaitre les résultats escomptés car on ne
change pas pour changer. Ils posent la question à savoir
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 62
comment l'administration des pêches peut imposer des
changements à des professionnels qui se retrouveront
inévitablement au chômage ou à une baisse incontestable de
leur revenu. Cette réticence au changement peut être
étayée par Danièle Linhart dans son article « Qu'il
s'agisse de technique, d'organisation du travail, d'éducation ou de bien
d'autres domaines, l'innovation est un processus permanent, au coeur de la
dynamique des sociétés modernes. Comprendre et maîtriser
ses mécanismes sont désormais des enjeux majeurs. Or ceux-ci sont
beaucoup plus complexes qu'on le pense41 ». C'est pourquoi,
cette interdiction a connu des incidents entre les différents acteurs
comme ceux, décrits ci-dessous.
1-2- Des incidents nés de l'utilisation des filets
mono-filaments
L'interdiction d'utiliser des filets mono-filaments, a
déclenché une véritable bataille entre les gendarmes de la
brigade de l'environnement, le personnel de la Direction de la protection et de
la surveillance des pêches et des pêcheurs de Thiaroye sur mer, le
jeudi 29 mai 2014. Ce qui a occasionné la destruction de biens
matériels et des blessés de part et d'autres.
En effet, Thiaroye sur mer est sortie de sa quiétude ce
29 mai 2014, en ayant vécu une chaude journée, suite à des
affrontements ayant opposé un groupe de pêcheurs à des
forces de l'ordre. Le bilan des échauffourées est lourd : un bus
de transport national et un autre appartenant à des privés ont
été incendiés, même la mairie de la commune
d'arrondissement n'a pas été épargnée.
Prise d'assaut par les insurgés, la mairie est
saccagée par les pêcheurs, protestant contre l'interdiction qui
leur est faite par les gardes côtes d'utiliser les filets mono-filaments
qui ont arrêté et blessé un des leurs. Les bureaux de la
mairie ont été mis en sac, entièrement
vandalisés.
41 Danièle Linhart, 2002, Les logiques de
l'innovation, Editeur la Découverte, 288 pages.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 63
Atteignant plusieurs mètres, la fumée des
flammes était encore visible sur les lieux de la manifestation alors que
de grosses pierres jonchaient la route nationale 1. La circulation était
bloquée dans les deux sens, obligea les véhicules à faire
de grands détours dans la commune de Guinaw-rail.
Ces pêcheurs ont déversé leur courroux sur
la route nationale à cause de l'agression de l'un d'eux, qui aurait
été battu, torturé par les gardes-côtes, au large de
Gorée. Selon un pêcheur qui a secouru le blessé, ce sont
les gardes- côtes qui l'ont battu jusqu'à l'évanouissement,
et ont tiré à balles réelles sur le moteur de notre
embarcation. « Nous étions partis secourir notre frère,
heureusement, les balles ont juste bousillé le moteur hors-bord de
l'embarcation. On l'a récupéré et l'on a amené
à l'hôpital de Pikine, le plus proche. Il avait été
même menotté42 ».
Interpellé sur l'interdiction des filets mono-filaments
pour leur activité de pêche, il répond : « nous ne
laisserons jamais cet outil de travail qui nous permet de vivre, même
s'il est interdit ». Et d'ajouter : « dans d'autres localités,
on utilise les mêmes filets. Pourquoi l'acharnement sur les
pêcheurs de Thiaroye » ?
Les gendarmes alertés ont répliqué pour
disperser les manifestants à coup de grenades lacrymogènes afin
de rétablir l'ordre, et de permettre la reprise normale de la
circulation. Pendant ce temps, au quartier « Ndiobène » de
Thiaroye sur mer, l'adrénaline va monter d'un cran.
Décidés d'en découdre, une vingtaine de pirogues remplies
de pêcheurs vont à l'assaut des gardes côtes. Ils reviennent
avec une vedette de l'administration qu'ils ont incendiée sur la plage
en guise de représailles devant leurs femmes et leurs enfants qui les
haranguaient par des cris de victoire. Pendant ce temps, Thiaroye sur mer donne
l'impression d'avoir basculé dans un état d'urgence. Les forces
de l'ordre quadrillent la zone pour veiller au grain.
D'après mes investigations, ces pêcheurs ne sont
pas prêts pour le changement de leur comportement car, refusant
d'abandonner l'usage des filets mono-filaments. Ces filets ravageurs et
destructeurs ne seront pas abandonnés par les pêcheurs de cette
localité qui disent
42 Source : Sud Quotidien, 31 mai 2014
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 64
même si ces filets sont interdits par l'administration,
ils continueront toujours à les utiliser, au prix même de leur
vie.
En plus de l'interdiction de ce filet mono-filament, on doit
veiller scrupuleusement au respect des règles relatives à la
dimension des maillages des filets (tous types de filets). L'utilisation
d'explosifs ou de substances toxiques à des fins de pêche ou leur
transport à bord des embarcations de pêche artisanale sans
autorisation font partie des interdits.
Un entretien réalisé le 15/01/ 2014 avec un
groupe de pêcheurs pour mieux comprendre, cette situation
d'agressivité, il en est sorti comme explications par le fait qu'il n'y
a pas de relation de confiance entre l'administration et les professionnels de
la pêche. Ces professionnels disent que l'administration ne respecte pas
ses promesses et l'accusent de signer des accords secrets avec les navires
étrangers qui utilisent toute sorte d'engins de pêche
destructeurs. « Pourquoi cette administration s'en prend uniquement
à nous, déclarent un groupe de pêcheurs? Ces
étrangers pêchent n'importe comment et ont ravagé toutes
nos ressources. Actuellement cet Etat veut nous empêcher de vivre, nous
et nos familles, pourquoi ? Et au prix de notre vie, nous sommes prêts
à tout.»
De l'autre côté, au niveau de l'administration,
on dit que ces pêcheurs sont têtus, ils sont toujours contre des
décisions administratives, si celles-ci ne les arrangent pas. Ils s'en
foutent de la réglementation, ils font ce qu'ils veulent et c'est
pourquoi, il faut appliquer sans faiblesse la réglementation et leur
montrer que l'Etat est puissant. De même, ils ne maîtrisent pas
bien les dommages que peuvent causer ces engins de pêche. « On leur
explique tout, mais ils ne veulent pas comprendre et s'accrochent toujours
à leurs pratiques, déclare un fonctionnaire». Ne serait-il
pas intéressant d'impliquer dans le règlement des conflits,
d'autres régulateurs de la société comme les chefs
religieux ou les « khalifes généraux des confréries
» ?, déclare un fonctionnaire dans un entretien43.
1-3- La sécurité en mer
43 Entretien réalisé avec un
fonctionnaire, le 18/01/2015
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 65
La mer est devenue avec 718 km de côte un
véritable cimetière pour les pêcheurs. Durant le premier
semestre 2013, trente cas d'accidents en mer se sont soldés par
cinquante neuf pêcheurs décédés ou portés
disparus, et environ 80 000 000 de francs CFA (121 959 euros) de
dégâts matériels ont été
notés44.
Aussi en 2014, 37 cas d'accidents ont fait 89 pêcheurs
morts ou disparus avec des dégâts de matériels
estimés à 30 millions de Francs CFA (45 735
euros)45.
1-4- Le rôle de l'administration publique des
pêches
Le rôle de l'administration publique pour ce qui
concerne la sécurité en mer des pêcheurs est :
l'organisation de campagne de sensibilisation sur la sécurité de
la pêche maritime ; la formation des pêcheurs à travers les
classes de sensibilisation des données météorologiques,
les normes de sécurité en mer et les techniques de navigation ;
d'appeler les pêcheurs au respect de port du gilet de sauvetage en mer
car, depuis plus d'une décennie l'Etat du Sénégal a
subventionné les gilets de sauvetage qui sont cédés aux
pêcheurs artisans à moindre coût ; l'élaboration d'un
plan de réduction des pertes en vies humaines et matérielles au
niveau de la pêche artisanale et de mettre en place un système de
géo- localisation des embarcations ; le respect strict des règles
de sécurité en mer, la coopération dans la gestion des
conflits entre les pêcheurs se soldant toujours par des blessures graves
et des pertes de matériels (confiscation de matériel par l'une
des parties en conflits).
Un conflit peut naître dans ce secteur à tout
moment entre plusieurs pêcheurs ayant comme objet commun la mer qu'ils
exploitent tous. Ce sont des conflits qui arrivent souvent entre des
pêcheurs issus de zones différentes et c'est souvent dans
l'utilisation des méthodes de pêche qui empoisonnent les
relations, car dans certaines zones de pêche, les résidents de ces
lieux interdisent par exemple les filets maillants dormants et ceux qui sont
venus
44 Source : Le populaire, publication du
23/08/2013.
45 Source : Propos Ministre de la pêche et des
affaires maritimes, Sénégal Blackrainbow du 24/12/2014
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 66
pêcher disent que la mer est un patrimoine national,
donc ils ont droit de pêcher n'importe où dans les eaux sous
juridiction sénégalaise.
Pour le règlement de ces conflits, on se
réfère souvent aux adultes qui ont une attitude susceptible de
freiner l'utilisation de la violence dans la résolution des conflits.
Dans cette optique, l'Etat doit développer des compétences
nécessaires, utiliser la médiation comme processus de gestion des
conflits.
En citant Véronique Guérin, les deux
compétences suivantes sont essentielles dans la gestion des conflits :
d'une part, la capacité à anticiper sur les conséquences,
d'autre part, la capacité à imaginer des alternatives à
l'agression ou la soumission.
Les pêcheurs artisanaux ne maîtrisent pas la
réglementation en matière d'exploitation maritime. La plupart du
temps, ils ne se signalent pas leurs engins à l'eau, les embarcations ne
sont pas dotés de signaux lumineux et le matériel de
sécurité est inexistant à bord, leur proximité avec
les chalutiers dans une pêcherie donnée entraîne des
collisions se soldant généralement par des pertes en vies
humaines ou des dégâts matériels importants.
Pendant l'hivernage, les pêcheurs se perdent en mer et
l'Etat est obligé de dégager des moyens importants pour effectuer
des recherches qui, hélas, se terminent souvent par des constats de
décès ou de disparitions.
Pourtant l'administration organise des séances de
formation en direction des pêcheurs sur les thèmes suivants : le
gilet de sauvetage (port et utilité) et les principaux types d'accidents
en mer dans la pêche artisanale maritime sénégalaise
(causes et remèdes), les cas des destructions des filets par accidents
en mer (précautions et mesures à prendre), la
sécurité d'une embarcation avec le minimum de matériel.
Chapitre III : La corruption et les pratiques
frauduleuses
Les ressources halieutiques du Sénégal sont dans
une situation de corruption endémique depuis 1992. Ce pendant, avec
l'avènement du nouveau régime, le 25 mars 2012, des actes
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 67
forts ont été posés, allant dans le sens
de lutter efficacement contre ce phénomène qui continue de
gangréner l'économie du pays et de dégrader les ressources
marines.
1- La corruption
Au cours de mes recherches sur la gestion durable des
ressources halieutiques au Sénégal, j'ai été
frappé par le pillage «organisé» des ressources
halieutiques par les hauts dignitaires des différents gouvernements qui
se sont succédés depuis 1992. C'est pourquoi, je ne peux pas
terminer cette recherche sans pourtant parler de ce problème. Bien que
les nouvelles autorités ne sont pas encore impliquées à ce
problème, la vigilance doit rester la priorité.
1-1- Sous le régime du Président Abdou DIOUF
En 1992, un haut dignitaire du régime du
Président Abdou DIOUF a été accusé de
détournement de deniers publics dans l'affaire dite «licences de
pêche de 1992». Ce sont des licences qui ont été
accordées à des navires russes de manière frauduleuse.
Lorsque l'affaire a été découverte, le
président Abdoulaye WADE, successeur de Abdou DIOUF a demandé que
cette affaire soit tirée au clair et les personnes impliquées
traduites devant la justice.
La personne mise en cause dans cette affaire s'est
justifiée en disant que ces licences ont été
accordées aux navires russes pour permettre à l'Etat du
Sénégal de disposer d'argent pour faire face à
l'organisation de la Coupe d'Afrique des Nations de foot-ball en 1992 au
Sénégal. Il a laissé entendre qu'il n'y avait pas de
détournement de deniers publics et soutient que toutes les transactions
financières ont été faites avec l'accord de l'Etat du
Sénégal et en toute transparence.
Cette personne a déclaré: "Je constate
qu'à l'approche de chaque élection, on revient sur ce dossier. En
son temps, j'ai donné toutes les explications nécessaires.
L'argent a été versé dans les fonds politiques sur demande
de l'Etat et du Président Abdou Diouf. Je me demande comment on peut
remettre en cause une décision de l'Etat. Je suis un légaliste,
je ne fais jamais des choses contraires à la législation
administrative. La gestion des fonds politiques est
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 68
discrétionnaire. Par conséquent tout ce raffut
est de l'intimidation. Je ne suis pas quelqu'un qu'on intimide. Je dirai ce que
je pense dans le respect mais en toute indépendance"46.
Les acteurs de la pêche ont toujours
décrié le bradage des ressources halieutiques par les navires
russes avec l'autorisation des politiciens de 1992 à 1999. Ces bateaux
ont pêché sous le fameux cadre appelé l'époque des
«accords secrets».
C'est sous ce rapport que les professionnels de la pêche
sont toujours en situations conflictuelles avec les différents
gouvernements en place car, ils disent que les politiques ont vendu toute la
mer pour préparer leurs campagnes électorales ou
détourné l'argent issu des licences de pêche à
d'autres fins.
Ainsi le régime du Président WADE qui avait
promis de mettre fin à ce bradage des ressources et de traquer les
malfaiteurs, lui aussi a pris la même voie que ses
prédécesseurs et que les personnes impliquées sous la
présidence DIOUF, vaguent toujours à leurs activités.
1-2- Sous le régime du Président Abdoulaye WADE
Ce pillage des ressources halieutiques s'est accentué
de 2010 à 2012 avec le régime du Président Abdoulaye WADE.
Un fonctionnaire sous l'anonymat a accepté de me livrer quelques
confidences: «de hauts dirigeants du régime du président
WADE ont délivré illicitement «des autorisations
illicites» de pêche concédées à des bateaux
étrangers47. Ce sandale a débuté en 2010 pour
l'exploitation des sardinelles. Une série d'arrêtés
ministériels illégaux pris par ces dignitaires, auraient permis
à des chalutiers industriels étrangers de pêcher dans la
ZEE du Sénégal. Ainsi, 29 des 44 chalutiers qui ont reçu
une autorisation entre octobre et novembre 2011, ont effectivement
exercé une activité de pêche dans la ZEE du
Sénégal entre décembre 2011 et avril 2012. Il est
important de noter, ces autorisations qui ne
46 Source : Seneweb du 10 juillet 2006, l'affaire des
licences de pêche de 1992 : « l'argent a été
versé dans les fonds politiques sur décision de l'Etat ».
47 Entretien réalisé avec un
fonctionnaire P, le 23/1/2015, à son domicile à Dakar.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 69
reposent sur aucune base légale sont des actes de mal
gouvernance, de corruption et de concussion.
Pour accéder aux ressources halieutiques du
Sénégal, les armateurs devaient s'acquitter de 35 dollars (27
euros) par tonne pêchée auprès des caisses du trésor
de l'Etat. Cet accord est considéré à un bradage des
ressources halieutiques.
Mes autres investigations ont révélé que
deux armateurs russes ont indiqué avoir payé 120 dollars (93
euros) par tonne, soit 85 dollars de plus que le tarif fixé par le
trésor public sénégalais, ce qui laisse supposer
d'énormes montants de droits de pêche non déclarés
et non perçus par le trésor public. Cette différence
estimée à plusieurs millions de dollars est allée dans la
poche de ces hauts dignitaires de l'Etat sous la présidence WADE. En
plus du problème du prix, il est difficile de savoir avec exactitude la
quantité de poisson réellement capturée par ces
bateaux.
Après le départ du Président WADE, son
successeur, le Président Macky SALL, conformément à l'une
de ses promesses électorales, a annulé ces autorisations de
pêche controversées, le 30 avril 2012. Le nouveau gouvernement est
lui aussi, attendu pour faire la lumière sur ce dossier et poursuivre
les personnes impliquées dans le pillage organisé des ressources
halieutiques du Sénégal et de publier la liste des
sociétés impliquées. A présent ce dossier ne semble
pas avancer, car le principal instigateur est libre de tous ses mouvements.
Selon un pêcheur rencontré: «Le peuple
sénégalais accepte mal que ce dossier soit mis aussi dans les
tiroirs, car les WADE ont commis toute sorte de crimes et de bassesses sur le
dos des pauvres sénégalais»48.
De nombreux fonctionnaires rencontrés au cours des
investigations m'ont affirmé à voix basse, leur volonté de
vouloir que cette affaire soit élucidée. L'un d'entre eux,
souhaite le débusquage de tous les complices de l'intérieur et de
l'étranger de cet ignoble pillage des
48 Entretien avec un mareyeur-exportateur, le
20/1/2015, Port Autonome Dakar, Dakar
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 70
ressources halieutiques et de détournement d'une bonne
partie de l'argent que le trésor public devait effectivement
encaisser.
Au Sénégal, la pratique de l'impunité est
la règle comme le souligne dans ses travaux Giorgio Blundo: «Des
interlocuteurs divers, tant du côté des fonctionnaires que du
côté des usagers, décrient le contexte d'impunité
généralisée des malversations et autres pratiques
illicites au sein de l'administration. Aux allégations et accusations
contenues dans la presse ou propagées par la rumeur font rarement suite
aux enquêtes approfondies, encore moins des
sanctions»49.
Ces bateaux étrangers ciblant les pélagiques,
sillonnent les côtes ouest-africaines et particulièrement du
Sénégal, depuis mars 2010 jusqu'en mars 2012 avec les scandales
des autorisations clandestines dans un premier temps puis,
légalisées au plus haut niveau par le Président Adoulaye
WADE.
Beaucoup d'acteurs de la pêche et l'opinion
sénégalaise assimilent cette situation à un bradage
systématique des ressources marines et un enrichissement illicite de
beaucoup de personnes tapies dans les rouages de l'administration publique des
pêches maritimes et des sphères privées. De nombreux actes
frauduleux sont constatés le plus souvent avec la complicité de
certains fonctionnaires. Certains observateurs sénégalais
montés à bord des navires étrangers pour le contrôle
des activités de ces navires, ferment leurs yeux, moyennant une
rémunération de l'armateur. Ces observateurs qui sont
sous-payés, procèdent à des arrangements avec les
armateurs qui leur rétribuent des salaires plus substantiels pour qu'ils
ne dénoncent pas leurs activités nébuleuses de
pêche.
2- Les pratiques frauduleuses
Souvent des filets non réglementaires et des
pêches en zones interdites font parties des différentes
infractions notées sur les côtes maritimes
sénégalaises.
49 Blundo Giorgio, « Une administration
à deux vitesses Projets de développement et construction de
l'Etat au Sahel », Cahiers d'études africaines, 2011/2
N°202- 203, p.427-452
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 71
Selon les termes d'un fonctionnaire de l'administration des
pêches maritimes: « Il est fréquent qu'un bateau prenne une
licence de pêche pour des petits poissons qui ne coûte pas cher, et
qu'il pêche des espèces telles que le thon ou l'espadon, pour
lesquelles la redevance est beaucoup plus
onéreuse50».
En plus, les tailles minimales des mailles des filets ne sont
pas non plus respectées: «Certains pêcheurs utilisent des
filets de moins de deux millimètres, qu'ils mettent dans les filets
légaux pour passer inaperçu, avec des mailles aussi fines,
même le sable a du mal à passer, alors imaginez les
poissons!» Ce sont des phénomènes qui touchent aussi bien
les petits navires locaux que les grands bateaux étrangers. Il existe
des bateaux qui viennent dans la zone de pêche exclusive sans
autorisations. «Certains ont une licence de pêche en Gambie, un pays
voisin du Sénégal, et viennent la nuit dans les eaux
sénégalaises pour profiter illégalement de nos ressources
halieutiques»51.
D'autres bateaux de pêche ont une licence en
Guinée Bissau et en Mauritanie, et profitent du trajet entre les deux
eaux territoriales des deux pays pour pêcher dans les zones qui leur sont
interdites, quasi-impunément au vue de la difficulté des
contrôles. La fraude existe, et ce, malgré les mesures de
surveillance et de nombreuses tentatives pour essayer d'endiguer ce
phénomène qui menace à terme l'économie
sénégalaise et les ressources halieutiques de la
région.
Des arrêtés pris par «K», ancien
ministre de l'économie maritime du Sénégal de
l'époque, donne toutefois une apparence de légalité
à ces activités pourtant proscrites par la loi
sénégalaise. Les documents en question, non publiés au
journal officiel de le République du Sénégal, ont
été pris sans consultation d'une commission nationale
d'attribution des licences de pêche, ce qui fit souffler un vent de
révolte parmi les acteurs nationaux. Une colère aggravée
par la décision, en mars 2011, de Monsieur «K» d'attribuer
avec le soutien du
50 Entretien avec un fonctionnaire de l'administration
publique des pêches, le 25/1/2015, à Mbour
51 Entretien avec un fonctionnaire de l'administration
publique des pêches, le 25/1/2015, à Mbour
Président Abdoulaye WADE, 11 nouveaux protocoles
d'autorisation, d'abord pour quelques 21 chalutiers étrangers, puis 44
en fin d'année 2011.
Pendant longtemps, les acteurs professionnels
sénégalais se plaignaient de la corruption et des pratiques
frauduleuses qui gangrènent profondément le secteur de la
pêche depuis plus de deux décennies.
Il est de la responsabilité de l'Etat de mettre fin
à la corruption et aux pratiques frauduleuses dans les eaux maritimes
sénégalaises. Il y a manque de volonté manifeste de la
part de l'Etat du Sénégal qui doit mettre tous les moyens dans la
prise en charge des préoccupations des professionnels de la pêche.
Selon les professionnels, ce manque de volonté se manifeste par le
non-respect des engagements pris vis-à-vis d'eux, ne permettant pas une
relation de confiance entre les acteurs. Pour la pérennisation des
ressources marines, il est urgent de construire une relation de confiance entre
les acteurs.
De même, la Commission Sous Régionale des
Pêches qui est la vitrine des bonnes pratiques de pêche de ses
Etats membres, devrait lutter énergiquement contre les pratiques de
pêche illégale.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 72
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 73
PARTIE III : VERS UN DEVELOPPEMENT
DURABLE DES PECHES AU SENEGAL
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 74
Le développement durable de la pêche passe par un
changement des pratiques de pêche illégale. Aujourd'hui, ces
pratiques ne laissent plus aucune chance au poisson de s'échapper avec
le développement des technologies modernes (sondeurs multifaisceaux,
GPS, imagerie satellitaire) qui permet de prospecter sur de grandes
étendues et de disposer d'engins de captures de plus en plus performants
pour pêcher à toutes les profondeurs et sur tous les types de
fonds.
C'est pourquoi, il est apparu important dans cette recherche,
au Sénégal et dans le reste du monde, comment ne pas penser de la
même manière pour que les conséquences de la
dégradation des ressources halieutiques puissent aller jusqu'à
conduire à des changements dans les pratiques des acteurs sur leurs
méthodes d'exploitation des océans et de leur contenu ?
Aussi, compte tenu de la rareté de la ressource
halieutique, ne pourrait-on pas coopérer plus à l'échelle
mondiale afin d'apporter des solutions innovantes et durables?
Pour Collerette52, le changement organisationnel
est « toute modification relativement durable dans un sous-système
de l'organisation, pourvu que cette modification soit observable par ses
membres ou les gens qui sont en relation avec ce système ».
Chapitre I : L'accompagnement au changement
De façon générale, le changement est
défini par le fait de changer ou par le passage d'un état
à un autre, et il est synonyme de modification et de
transformation53.
En effet, comme le définit Gérard-Dominique
Carton54 le terme « changement » couvre à la fois
des actions et leurs résultats et inclut des modifications
concrètes ou abstraites portant sur des choses, des personnes ou des
situations ».
52 Collerette Pierre, G.D. (1997). « Le
changement organisationnel : théorie et pratique. » Presse de
l'université de Québec.
53 Source : Dictionnaire Universel Francophone en
Ligne.
54 Gérard-Dominique Carton, Eloge du changement,
Méthodes et outils pour réussir un changement individuel et
professionnel, 2e édition, Pearson Education France, Paris,
2006, 253 pages.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 75
La question du changement est effectivement, encore de nos jours,
d'actualité :
? Elle nous interroge sur l'ensemble des questions morales,
sociales, juridiques que soulèvent les progrès techniques et
scientifiques de la biologie et de la science ;
? Elle oblige les entreprises à évoluer sous la
pression de nouveaux enjeux : pression d'objets commerciaux et financiers sur
le court terme ; évolution des métiers, des organisations et des
modes de travail ; développement de nouvelles technologies ;
? Elle fait l'objet de cours spécialisés dans
toutes les écoles de management, d'une production pléthorique
d'ouvrages et fait le bonheur de cabinets conseils florissant chaque jour.
Bien qu'il soit inhérent à la vie, il semble
cependant être craint de beaucoup. Est-ce à dire que le changement
serait souvent à considérer comme un problème ?
Dans le champ de la sociologie des organisations, Crozier et
Friedberg55 nous indiquent que « le problème du
changement avait déjà été fixé par les
théories marxistes d'une part, et libérales d'autre part, en tant
qu'étape logique d'un développement inéluctable ou bien
comme l'imposition d'un modèle organisationnel social meilleur car plus
rationnel ou bien comme le résultat naturel d'une lutte entre les
hommes». En fait, ils précisent plus loin : « c'est parce que
le changement n'est pas naturel, mais avant tout, création, invention,
découverte et construction humaine qu'il constitue en fait un
problème56.
Le changement serait donc avant tout une aventure humaine
où la finalité serait la recherche de nouvelles
coopératives.
1- Les changements comportementaux
55 Michel Crozier, Erhard Friedberg « L'acteur
et le système : Les contraintes de l'action collective », Edition
du Seuil, 1981, Première parution en 1977, dans la « Sociologie
politique ».
56 Aymard Jean Christophe, licence professionnelle
de gestion des établissements de santé, Université de Nice
Sophia Antipolis, 2003/2004.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 76
Le changement de comportement d'un individu est donc
caractérisé par la modification d'une action et d'une
façon de se comporter57. Lorsqu'on s'intéresse au
changement de comportement d'un individu, on observe surtout la démarche
avec laquelle celui-ci modifie ses actions, en regardant les étapes
qu'il suit pour arriver à son but : soit passer du comportement actuel
non-désiré au comportement souhaité.
Ce changement au niveau des professionnels de la pêche
doit commencer par la restauration de la confiance entre l'administration et
tous les acteurs du secteur. Cette situation a des incidents négatifs
sur le comportement des acteurs, en termes d'application de la
réglementation et de difficultés à les mobiliser pour
gérer durablement la pêche.
Un changement radical dans les relations entre tous les
acteurs, pour restaurer la confiance et l'état de droit, s'impose donc.
Par ailleurs, la faiblesse des relations entre les administrations des
pêches et les autres administrations publiques, alors que de nombreux
problèmes relèvent de la compétence de ces administrations
(ministère des finances, ministère du commerce, etc.) reste
très contraignante. Globalement, les attentes de la profession
vis-à-vis de l'Etat concernent la réglementation, qu'il
conviendrait d'appliquer quand elle est pertinente (interdiction de la
pêche à la dynamite, répression de la pollution, etc.) de
mieux expliquer les méfaits dévastateurs des filets
mono-filaments et d'actualiser ou de modifier en tant que de besoin les textes
en vigueur relatifs à la chasse sous-marine, à la pêche
artisanale en général, du code du travail pour les
activités saisonnières, du statut et rôle des observateurs
à bord des bateaux, et plus généralement l'ensemble du
code des pêches.
Le management du changement représente un large
éventail de processus et de spécialités professionnelles
dont le but est de permettre au changement de se mettre en place dans les
meilleures conditions.
Dés qu'il s'agit d'être capable de faire changer
des comportements, d'éviter des résistances, le savoir-faire en
management du changement nous sera d'une aide clé. Dans le secteur de
la
57 Ajzen et Fishbein, 1980 ; cités dans Mc
Cormack Brown, 1999 a
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 77
pêche artisanale, la difficulté principale est de
changer les habitudes dans les pratiques quotidiennes des pêcheurs.
Alors que le management dans le secteur de la pêche vise
à mettre en place d'objectifs clairs et précis, le management du
changement des comportements des acteurs cible les conditions d'adhésion
et de la transformation des organisations professionnelles en profondeur. Si
les acteurs veulent qu'il aboutisse réellement et apporte les
bénéfices escomptés, ce changement doit être conduit
et piloté par le gouvernement
Le rôle du gouvernement est de renforcer
l'équipement de la pêche artisanale pour lui permettre une
amélioration mais aussi et surtout d'encourager la création de
structures modernes susceptibles de donner à ce secteur des bases
solides d'expansion. D'après certains acteurs rencontrés au cours
des entretiens, les autorités publiques mettent en oeuvre
eux-mêmes chez les pêcheurs et autres acteurs, des programmes
qu'elles leur enseignent. Le renforcement de l'équipement de pêche
vise à motoriser toutes les pirogues et à la construction
d'infrastructures adéquates pour la conservation des produits issus de
la pêche, la mise à disposition des gilets de sauvetage suffisants
qui augmenteraient la sécurité en mer du pêcheur et
l'élargissement du recrutement des équipages hors du spectre
familial.
2- Les différentes étapes du
changement
Pendant plus de deux décennies, Prochaska et DiClemente
(1982) ont étudié le processus de changement de comportement, en
examinant toutes les variables qui y sont associées et en comparant les
résultats avec ceux de nombreuses recherches effectuées dans ce
domaine. Le grand nombre de théories développées en
psychothérapie et sur le changement a incité Prochaska à
en faire le bilan, en consultant les dix-huit théories qu'il
considérait les plus pertinentes parmi celles qui existaient. Il a ainsi
complété par une analyse comparative de ces théories,
parmi lesquelles se trouvaient les idées d'auteurs de grande
renommée tels Freud, Skinner et Rogers. Cette analyse a donné
naissance au modèle développé avec DiClemente, qu'ils ont
adéquatement appelé le modèle transthéorique du
changement, également connu sous le nom de modèle des stades du
changement.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 78
En voulant promouvoir les changements comportementaux des
acteurs de la pêche, le modèle transthéorique
proposé par Prochaska58 et DiClemente convient le mieux pour
conduire ces changements. Dans ce modèle Prochaska et DiClemente (1982)
ont suggéré que le changement de comportement s'effectue au cours
d'une démarche constituée de différentes étapes
ordonnées de façon chronologique qui sont :
? Etape 1, le pré contemplation (ou pré
réflexion) : A ce niveau, la personne ne se sent absolument pas
concerné par le problème de gestion durable des pêches. Il
est très difficile de lui faire changer le comportement car elle sera
d'emblée réticente à tout changement (port obligatoire du
gilet de sauvetage par exemple), ayant tendance à nier le
problème ou à rejeter la faute aux autres.
? Etape 2, la contemplation (ou réflexion) : A ce
stade, l'intérêt pour la question de gestion durable des
pêcheries est un peu fort, le problème est reconnu, et
l'importance d'un changement commence à être admise. Mais le
niveau de connaissance est encore partiel, et le besoin d'être convaincu
est encore fort avant de passer à l'acte.
? Etape 3, la préparation/décision : A
présent, la personne est mûre pour un changement qu'elle va
d'ailleurs engager par elle-même, en identifiant des objectifs et des
moyens pour y parvenir (respecter les consignes de la
météorologie nationale, porter son gilet de sauvetage avant tout
départ en mer, abandon de la pêche à la dynamite ou changer
de mode de pêcher, par exemple). Il est important de bien identifier
l'objectif que l'on se fixe, et surtout les moyens adaptés pour parvenir
à cet objectif (au risque sinon d'un découragement).
? Etape 4, cette phase correspond au passage à l'acte
(action) : La personne se lance, elle teste différentes options,
différentes possibilités... Son appréciation au changement
se fait plus précise car elle est basée sur son propre ressenti :
ce qui fonctionne, ce qui ne
58 James O. Prochaska, Ph. D. est directeur du
Cancer Prevention Research Center et professeur du Clinical and Heath
Psychology à l'Université de Rhode Island. Il est l'auteur de
plus 300 publications dont les ouvrages changing for good and the
transthereocal approach. Reconnu mondialement pour avoir
développé les six étapes de changement de comportement, il
a effectué de nombreuses recherches sur la prévention du
cancer.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 79
fonctionne pas, les alternatives, les changements qu'il
faudrait faire, etc. A ce stade les habitudes sont donc bouleversées,
mais les nouveaux réflexes ne sont pas définitivement
adaptés.
? Etape 5, le maintien : les changements de comportement ont
eu lieu, mais ils doivent à présent être maintenus dans le
temps pour devenir de véritables habitudes. Il faut éviter les
situations susceptibles de provoquer des « rechutes »...
? Etape 6, la terminaison(ou intégration) : A cet
étape, les risques de rechute sont à peu prés nuls. Les
nouveaux comportements ont été totalement intégrés,
et ne sont plus du tout considérés comme des contraintes. Ce sont
des habitudes devenues des évidences, des automatismes
complètement intégrés au comportement : « je porte
mon gilet de sauvetage sans même me poser la question (d'ailleurs je vais
en acheter d'autres pour toute l'équipage) », « je vais
à la plage toutes les semaines pour sensibiliser mes autres
collègues pêcheurs de l'utilité du gilet de sauvetage et du
respect des consignes de sécurité », etc. Comme tous les
automatismes, ils deviennent alors difficiles à changer.
Selon les sociologues et les psychothérapeutes le
changement ne se décrète pas mais en revanche, il peut être
encadré et organisé, en faisant notamment appel à des
mesures d'accompagnement qui peuvent aider les individus à franchir les
différentes étapes. Cela signifie que les stratégies
doivent être adaptées à des publics très
différents, dont les degrés de conscientisation et de
préparation au changement sont hétérogènes.
Dans le secteur de la pêche maritime plus encore que
dans d'autres domaines, la personne qui désire changer de comportement
doit donc faire face à de nombreux obstacles, et franchir ces
différentes étapes. Le processus de changement s'opère
toujours dans un contexte marqué par de fortes différences de
« maturité » entre individus. Certains sont prêts et ont
anticipé le changement, alors que d'autres y sont au contraire
très réticents.
En fait c'est cette question d'un accompagnement au changement
des professionnels qui nous intéresse tout au long de cette partie. Ce
phénomène semble de plus en plus utilisé, et au regard de
la littérature à ce sujet, il semble pourtant qu'il reste encore
du chemin à faire avant d'aboutir à un accompagnement efficace,
du fait notamment de la grande complexité que
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 80
représente la mise en oeuvre d'une innovation. Souvent
utilisé pour qualifier la nouveauté, l'invention, la
découverte scientifique ou encore le développement technique, ce
terme même se révèle être une notion complexe,
faisant intervenir de nombreux enjeux.
Selon l'Organisation de Coopération et de
Développement Economique «l' innovation est la mise en oeuvre d'un
produit (bien ou service) ou d'un procédé nouveau ou sensiblement
amélioré, d'une nouvelle méthode commercialisable ou d'une
nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques de l'entreprise,
l'organisation du lieu de travail ou les relations
extérieures59».
En d'autres termes, une innovation serait alors une
idée mise en forme, réalisée, répondant à un
besoin, et dont l'efficacité a été avérée
par l'acte de commercialisation. Il semble en effet que c'est seulement l'objet
ou le service créé représente un marché exploitable
que la réponse à un besoin exprimé peut être
considérée comme acquise.
L'accompagnement des acteurs de la pêche au
Sénégal, qu'il soit technique ou organisationnel, s'est longtemps
limité à des tâches administratives ( gestion des
programmes) et à l'organisation d'actions de formation et de
communication dans un ensemble intitulé «gestion de projet».
La notion de conduite du changement était réservée
à des missions sociologiques qui consistaient, sur de petits groupes,
à analyser les causes de résistances et les manières de
les traiter.
Trop préoccupés par la réalisation des
objectifs, les grands projets privilégiaient une dimension technique au
détriment des enjeux organisationnels et humains jugeant ces derniers
secondaires. Souvent, l'accompagnement au changement est perçu comme la
réalisation d'un plan de formation, au mieux encadré par un plan
de communication.
59 OCDE, 2005, Manuel d'Oslo, Principes directeurs
pour le recueil et l'interprétation des données sur l'innovation,
3e édition, 188 pages.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 81
Or, cela ne suffit pas pour concrétiser durablement les
projets de transformation que les professionnels souhaitent mener: la gestion
du changement ne peut pas se limiter à une action (top down)
qui consisterait à donner l'information et les connaissances
supposées nécessaires à la réalisation d'un
changement.
Les conséquences du facteur humain sont à la
fois la nécessité absolue d'impliquer les personnes
concernées dans la démarche, ainsi que de prévoir un
dispositif d'accompagnement approprié.
La conséquence de la variabilité est la
nécessité de piloter étroitement les actions de changement
avec une démarche itérative ( recherche de solution) qui permette
de réadapter rapidement la nature et la portée des actions
nécessaires à l'arrivée à bon port.
Depuis plusieurs années, des projets de
développement de la pêche ont été conçus par
le gouvernement du Sénégal et les bailleurs de fonds pour
promouvoir le développement économique et social. Tous ces
projets ont été financés par des pays donateurs comme le
Japon et le Canada dans le cadre de la motorisation des pirogues, de
l'amélioration de la qualité des pirogues traditionnelles et la
distribution du poisson à l'intérieur du pays. Ces projets sont
le plus souvent pilotés par des fonctionnaires détachés
bénéficiant d'indemnités mensuelles en sus de leur salaire
de fonctionnaire. Les pays donnateurs ont également un droit de regard
sur les activités du projet et de vérifier si les objectifs du
projet ne sont pas détournés.
Mes enquêtes de terrain qui se sont
déroulées le 5 janvier 2015, m'ont permis de constater que tous
les projets n'ont pas eu les résultats escomptés car ils sont
considérés comme «vaches laitières» des
autorités gouvernementales. Les ressources des projets sont
détournées pour payer des frais de missions des hauts
fonctionnaires de l'administration, à prêter les véhicules
des projets aux politiciens pour leurs campagnes électorales, à
payer les salaires des politiciens recrutés dans les projets, etc.
Les projets attirent également les fonctionnaires dont
leur souhait est de manager un projet. D'après ma propre
expérience, j'ai toujours travaillé dans des projets de
développement notamment le Centre d'Assistance pour la Motorisation des
Pirogues, le Centre d'Assistance
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 82
et d'Expérimentation pour la Pêche et le Centre
de Mareyage de Rufisque. Au niveau de ces différents projets j'ai pu
bénéficier des indemnités, en plus de mon salaire de
fonctionnaire, mais aussi l'accès à des formations à
l'étranger. C'est ce que Giorgio Blundo appelle dédoublement des
pouvoirs et de l'administration60. Au niveau du projet Centre de
Mareyage de Rufisque, j'ai éprouvé beaucoup de difficultés
avec des sollicitations qui venaient de toute part de mes supérieurs
hiérarchiques, puisque je gérais de l'argent. Parfois des
inspecteurs du cabinet ministériel se présentaient pour me
demander de l'argent parcequ'ils devaient aller pour des missions d'inspection
à l'intérieur du pays. Selon ces inspecteurs, c'est le ministre
qui leur a dit que c'est le Centre qui doit payer les frais de mission et, sans
justifications. Mes propos seront confirmés par cette citation de
Giorgio Blundo: «A partir du moment où les projets se transforment
en source de mécénat pour l'administration, ils deviennent les
instruments de sa mise en dépendance: Parfois nous faisons de
petites courbettes au niveau des différents projets, des requêtes
pour nous appuyer un petit peu pour mieux faire notre travail, me disait le
chef d'une brigade mobile au Niger (Niamey, 21/07/2005)61».
Cette disparité que Giorgio Blundo appelle une
administration à deux vitesses, crée une situation de malaise
dans l'administration publique sénégalaise car, le service
traditionnel manque de moyens matériels et financiers qui
l'empêche d'avoir un rendement optimal face aux critères
d'exigence publique et de performance. Ce pendant, les projets disposant
suffisamment de moyens financiers et matériels, ne donnent pas toujours
les résultats attendus. Cette distorsion doit disparaître pour
permettre aux acteurs bénéficiaires d'en tirer profit de la
puissance publique sans être souvent des victimes.
3- La conduite du changement
60 . Giorgio Blundo, Négocier L'Etat au
quotidien : Agents d'affaires, courtiers et rabatteurs dans les entreprises de
l'administration sénégalaises, Presses de Sciences Po/
Autrepart, 2014/ n°4-20 Pages 75 à 90.
61 Blundo Giorgio, « Une administration
à deux vitesses, Projet de développement et construction de
l'Etat au Sahel », Cahiers d'études africaines, 2011/2,
N° 203-203, p. 427- 452.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 83
En économie d'entreprise, la conduite du changement,
parfois appelée «Accompagnement du changement», vise à
maîtriser le processus de transformation de l'entreprise dans un contexte
de changement, qu'il soit désiré ou non.
En sociologie, la conduite du changement vise à
maîtriser une mutation ou une évolution des structures et du
fonctionnement de l'organisation sociale affectant les rapports sociaux (modes
de vie, mentalités...). Les transformations ne sont pas provisoires ou
éphémères et modifient la structure ou le fonctionnement
de l'organisation sociale d'une collectivité donnée, ce qui
influence le cours de l'histoire.
En psychologie, la conduite du changement vise à
permettre à une personne d'évoluer dans ses comportements et ses
perceptions du monde et des situations.
L'objectif de la conduite du changement consiste à
faire ce lien méthodologique entre des volontés de changement et
la mise en oeuvre de ce même changement dans les manières de faire
quotidiennes. Le passage du discours à l'action de changer met en
évidence de nombreux facteurs dont il faut tenir compte: le changement
ne fait pas l'unanimité, les acteurs ont la possibilité de
montrer qu'ils changent sans le faire réellement, une entreprise est un
territoire politique où chacun tente de préserver ses avantages
acquis, le changement entraîne une remise en cause souvent
dérangeante, le nécessaire effort d'adaptation n'est pas naturel,
etc. Tous ces facteurs peuvent conduire à des comportements de
résistance plus ou moins actifs remettant en cause tout l'effort de
transformation entrepris.
4- La résistance au changement
«Qui dit changement, dit résistance au
changement62» voilà comment le journal des
employés soulignait l'introduction récente d'un changement,
comment le rapporte Bareil et Baffo (2003, p.543). Ce concept est
dorénavant reconnu tant dans le langage populaire que scientifique.
62 Définition de la résistance au
changement : Pour Kurt Lewin (1943), « toute action exercée sur un
individu afin de modifier ses propres normes, entraîne l'apparition de
forces qui neutralisent les effets de cette pression. L'équilibre est
maintenue au prix d'un accroissement de la tension interne de l'individu
».
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 84
La terminologie» résistance au changement»
remonte aux auteurs Coch et French, qui en 1947, publiaient un article dans la
revue Human Relations, devenu un classique en la matière. Il
s'intitulait «Overcoming resistance to change». Deux questions
étaient adressées: pourquoi les gens résistent-ils si
fortement au changement et qu'est ce qui peut-être fait pour surmonter
cette résistance.
«Les gens acceptent mieux le changement lors qu'ils
participent à la conception de celui-ci car la résistance au
changement est d'abord un problème de motivation63.
Dans le secteur de la pêche, le changement peut
entraîner chez les acteurs un sentiment d'anxiété
lié au passage d'une situation habituelle à une situation
nouvelle qui n'est pas connue. Par exemple l'abandon de l'utilisation des
filets mono-filaments a entraîné une situation conflictuelle entre
les acteurs allant même jusqu'aux actes de vandalisme. Et comment, en
sont-ils arrivés? C'est parce que ces filets ont donné des
résultats satisfaisants aux pêcheurs depuis de longues
années. C'est pourquoi, ils sont réticents à l'abandon de
ces filets destructeurs au prix de leur vie. Tous les pêcheurs
interrogés lors des entretiens ont souligné le fait que les
filets mono-filaments sont plus légers et plus faciles à
travailler et peuvent rester mouillés pendant toute la saison.
Un des plus grands problèmes à la
résistance dans la pêche est l'abandon des filets mono-filaments
qui a conduit le 29/05/214 à des confrontations entre les pêcheurs
de Thiaroye et les fonctionnaires de la Direction Surveillance et Protection du
Sénégal et les gendarmes. Ces propositions ont rencontré
certaines résistances de la part des professionnels qui utilisaient ces
engins de pêche.
Dans un esprit d'analyse global, nous pourrions souligner
qu'il fallait impliquer les chefs religieux qui serviraient
d'intermédiaires entre l'administration publique et les professionnels
dans le but de réduire les résistances au changement que je
tenterai d'expliquer.
63 Infoqualité, lettre d'information du
management par la qualité, N° 17 du 1 juin 2007.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 85
Dans le secteur de la pêche, la plupart des
professionnels se plaignent auprès des autorités chargées
de faire respecter l'interdiction de l'utilisation des filets mono-filaments,
les changements qui leur sont imposés. Ils disent que ces changements
n'auront que des impacts négatifs dans leur vie quotidienne, entrainant
même la baisse de leurs revenus. Ils ont l'habitude d'utiliser ces
mono-filaments pendant plusieurs années et pourquoi vouloir leur
arracher de force cet outil d'exploitation qui leur a donné des
résultats si satisfaisants.
Le changement dans les méthodes de pêche dans ce
cas, présente perpétuellement une réticence qui se
manifeste couramment par une résistance: une ferme opposition qui se
traduit par un sentiment et un mécanisme de défense des
intérêts des pêcheurs et de leurs organisations.
En réalité, le changement devient pour ces
professionnels, une chose possible mais pas souhaitable. L'administration
publique des pêches maritimes doit alors manager le changement en
l'aménageant, pour le rendre agréable.
En fait, les pressions qui pèsent sur les organisations
pour qu'elles changent sont permanentes. Il est également
inévitable que les individus résistent au changement, du moins
dans une certaine mesure. Les causes de la résistance au changement sont
diverses. La résistance au changement est un des problèmes les
plus déroutants qu'affrontent les managers car elle prend les formes les
plus diverses.
Pour être en mesure d'anticiper le changement, il est
essentiel de connaître les facteurs de risque et en particulier les
causes du frein au changement. Outre les causes individuelles, devant faire
l'objet d'une attention particulière au cas par cas, la
résistance au changement est souvent intimement liée à des
causes plus globales, structurelles et conjoncturelles ou bien collectives.
4-1- Causes collectives
Les employés d'une organisation partagent des valeurs
communes, une culture d'entreprise et des acquis sociaux pouvant être mis
en question par modification de l'organisation de
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 86
l'entreprise. La conduite du changement doit prendre en compte
ces valeurs et mettre en place un dispositif d'écoute permettant
d'identifier les craintes collectives.
4-2- Causes structurelles et conjoncturelles
Elles dépendent des conditions de travail, du
fonctionnement organisationnel ( par exemple, le degré de
bureaucratisation), le climat de l'entreprise et la manière d'introduire
le changement. Les causes structurelles et conjoncturelles représentent
le tissu culturel de l'entreprise, c'est à dire les conditions de
travail dans l'entreprise (horaire, routine, etc.) et l'organisation
fonctionnelle de l'entreprise ( structure par bureau, organisation pyramide,
etc.). Ces mesures visent surtout à sauvegarder les ressources
halieutiques par le respect des mesures mises en place par les pouvoirs
publics.
4-3- Causes individuelles
Elles relèvent de la personnalité de l'acteur,
de l'anxiété qu'il ressent, de la méfiance qu'il
développe, des questions inévitables qu'il se pose, de la perte
de ses repères et des transactions qu'il réalise dans un contexte
de changement. Le changement induit une modification de l'environnement de
l'individu pouvant provoquer l'anxiété due à la
modification des repéres habituels (temporels,spatiaux,
émotionnels, comportementaux, etc.) et à la remise en cause de
son activité, du devenir de son emploi, etc.
Les investigations ont montré que l'administration
publique des pêches et les autorités politiques
sénégalaises doivent impliquer tous les chefs religieux et
traditionnels dans les négociations et discussions. De même, les
avis de l'ensemble des acteurs impliqués dans les interactions
liés au changement et au développement doivent être pris en
compte. Les problèmes de la pêche dans tous les pays du monde sont
similaires: la surpêche, la pêche illégale et non
réglementée, baisse des stocks de poissons.
Chapitre II: Résultats de la recherche
1- Impact de la confiance sur la gestion des ressources
marines
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 87
Le Sénégal dispose d'un environnement marin et
aquatique riche en ressources susceptibles de contribuer au
développement durable du pays. Cependant, il a été
montré précédemment que ces ressources sont
surexploitées.
Sur le plan économique, la diminution des ressources
halieutiques qui présentent une grande valeur commerciale, peut porter
atteinte au développement du pays.
Sur le plan social, une telle situation peut se traduire par
l'insécurité alimentaire et le chômage de la plupart des
acteurs du secteur. Les acteurs sont certes conscients de ces problèmes,
mais, si aujourd'hui tous s'accordent sur le caractère fragile de ces
ressources, les attitudes et les stratégies développées
sont très insuffisantes pour renverser la tendance actuelle.
Cependant, l'épuisement des ressources marines laisse
à penser aujourd'hui que les poissons sont menacés. Si la
conscience des problèmes s'améliore lentement, les
sénégalais ne sont pas prêts pour autant à changer
leurs pratiques pour faire face à cette menace de rareté et voire
même la disparition de certaines espèces de poissons (l'exemple du
mérou) qui sont devenus introuvables dans les plats quotidiens des
sénégalais.
Le changement de comportement, qu'il soit individuel ou
collectif, nécessite un profond bouleversement auquel peu semblent
encore véritablement prêts. Les (stades) six étapes du
changement auxquelles nous avons fait référence dans ce document
peuvent aider à évoluer les choses, mais à condition
toutefois de ne pas se tromper de cible ; et de ne pas oublier par exemple que,
sur ces questions de gestion durable, la majorité des professionnels est
peut être dans une phase de pré-contemplation ou de contemplation,
c'est à un niveau de conscientisation qui est insuffisant pour
enclencher un changement radical. L'information et la sensibilisation sont donc
encore primordiales.
Les actes d'engagement ne concernent encore bien souvent
qu'une minorité déjà convaincue, mais qu'il est important
d'aider et sur laquelle il convient de fonder des retours d'expériences
pour convaincre les plus réticents : « les pionniers »,
peuvent ainsi servir de modèle aux autres et aider à faire
basculer le modèle dominant, et donc l'ensemble des
représentations sociales liées au comportement des
professionnels.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 88
Le secteur de la pêche maritime joue un rôle
extrêmement important dans l'économie sénégalaise au
regard d'un certain nombre d'indicateurs économiques, financiers,
sociaux. Ces différents atouts et résultats ne doivent pas cacher
l'existence de nombreux problèmes qui, si on n'y prend pas garde
très rapidement, risquent d'hypothéquer dangereusement son
développement. D'où la nécessité pour l'ensemble
des acteurs, des partenaires au développement, de l'administration
compétente, de se concerter régulièrement en vue de
pouvoir trouver des solutions durables aux difficultés auxquelles le
secteur est régulièrement confronté.
Cependant, ces concertations devraient pouvoir s'appuyer sur
une véritable politique des pêches qui permettrait de donner une
vision à court, moyen et long terme. Les résultats issus de ces
concertations sur la pêche sous la conduite des chefs religieux ont
indiqué quelques propositions permettant de construire une relation de
confiance durable entre les différents protagonistes qui conduiront
à la gestion rationnelle des ressources halieutiques.
Parmi celles-ci, il est primordial de citer :
1-1- Le gel de la signature des accords de pêche
Les avis des différents acteurs de la pêche au
Sénégal sont partagés pour ce qui concerne les accords de
pêche. Certains ont la crainte de pillage des ressources halieutiques
avec les accords de pêche que signe le gouvernement du
Sénégal avec l'Union européenne ou avec d'autres pays
étrangers.
Les professionnels disent que ces accords font venir des
bateaux étrangers qui pillent toutes les ressources halieutiques du pays
et, la mer s'appauvrit tous les jours de ses ressources et certaines
espèces de poissons se raréfient ou sont en voie de
disparition.
Par contre d'autres sont pour le maintien de ces accords. Ils
disent que les bateaux européens aideront le Sénégal
à mieux surveiller ses côtes maritimes. Ils participeront à
ce que l'on appelle la surveillance participative qui est spécifiquement
mentionnée dans les accords. Les bateaux thoniers autorisés
à pêcher dans les eaux sénégalaises fourniront des
informations aux autorités sénégalaises dès qu'ils
auront rencontré en mer des bateaux soupçonnés
d'être
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 89
illégaux. Les navires européens qui
pêchent dans le cadre des accords de partenariat de pêche sont
soumis à diverses obligations qui, toutes, concourent à une plus
grande transparence de leurs activités.
1-2- L'immatriculation des pirogues
L'immatriculation des pirogues consiste
à maîtriser le parc piroguier sénégalais et facilite
l'intervention en mer, en cas d'accidents ou de disparition de celles-ci. Il
permet la maîtrise et la gestion des capacités de pêche
maritime en adéquation avec les potentiels de captures permissibles. Le
contrôle du parc piroguier contribue sans doute, à la gestion
durable des ressources halieutiques et à la réhabilitation des
habitats naturels.
1-3- La responsabilisation des acteurs professionnels
Le gouvernement, conscient des limites de la gestion
centralisée a opté pour le principe de la cogestion visant
à impliquer et à confier des responsabilités aux acteurs
dans la gestion des ressources halieutiques. Plusieurs initiatives de cogestion
ont été instituées dans certaines localités de
pêche. Ces initiatives de cogestion ont consisté à
responsabiliser les pêcheurs dans l'élaboration, l'application et
le suivi des mesures de gestion telles que le repos biologique,
l'amélioration de la sélectivité des engins de
pêche, la régulation de l'effort de pêche. Aussi, cette
responsabilisation des professionnels permettra la mise en place des
comités locaux de pêche artisanale.
Ces comités locaux de pêche artisanale sont des
organes de concertation et ont pour mission de contribuer à la
gouvernance locale des pêches, à l'exploitation durable des
ressources halieutiques et au développement du secteur de la pêche
maritime. Les comités locaux de pêche artisanale permettent aux
professionnels de la pêche de s'impliquer dans la gouvernance locale des
pêcheries côtières actuellement confrontées aux
insuffisances de la gestion centralisée de type "top down". En
effet, cette dernière s'est traduite par l'exploitation anarchique des
ressources halieutiques aggravée par une surveillance des pêches
inadéquate, avec comme conséquence la surexploitation des
ressources démersales
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 90
(côtières). Ces organes de concertations
contribueront à une amélioration des relations entre les acteurs
et l'Etat qui leur a cédé une partie de ses
prérogatives.
De même, le même constat est recueilli
auprès des scientifiques qui souhaitent des efforts
supplémentaires de l'Etat pour appuyer financièrement les
professionnels, pour changer les équipements de pêche,
l'introduction de récifs artificiels, la réalisation d'aires
marines protégées et l'élargissement de la dimension des
mailles des filets. Certaines espèces de poissons sont à cibler
pour leur reconstitution, notamment le thiof, le poulpe, le cymbium, etc.
Il est important de noter que la cogestion ne pourra pas
être généralisée dans toutes les localités de
pêche au Sénégal, certains pêcheurs ne semblent pas
adhérer à cette mesure. Ils disent ne jamais avoir confiance
à l'Etat qui leur a toujours créé des difficultés.
Pour ces acteurs, la dégradation des ressources marines n'est pas due
à leurs pratiques mais, aux forces surnaturelles.
2- L'impact des résultats de la
collaboration
Pour l'accompagnement au changement des acteurs de la
pêche, il est ressorti des résultats d'analyses de mes entretiens,
d'élaborer un plan dont le cheminement suivra ces cinq points:
2-1- Renouer les relations de confiance entre les pêcheurs,
les scientifiques et les décideurs
politiques: les décideurs politiques doivent rester
à l'écoute des professionnels pour promouvoir un
développement durable des pêches au Sénégal. Les
professionnels se plaignent souvent de manque d'informations et de moyens pour
apporter des solutions innovantes à la gestion durable des
pêcheries au Sénégal. Pour cela, il faut initier la
concertation et le consensus et développer la communication entre tous
les acteurs de la filière pêche.
2-2- Donner aux professionnels de la pêche les moyens
d'être les acteurs et gestionnaires d'une pêche responsable et
durable, en arrêtant la surexploitation et acceptant les repos
biologiques obligatoires, en abandonnant les filets mono-filaments ou tout
autre engin destructeur, en limitant l'accès à la mer à
tout le monde, en acceptant l'instauration des quotas de pêche à
tous et en luttant contre les fraudes. Il existe des tentatives de
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 91
changement de la part des autorités politiques car,
maintenant on a quitté la pratique de la gestion participative à
une gouvernance partagée. L'Etat a décidé d'abandonner une
partie de ses prérogatives régaliennes aux professionnels de la
pêche. Ces professionnels ayant pris conscience de l'épuisement
des ressources s'organisent dans leurs localités respectives pour
essayer d'amener des solutions durables.
Ils se chargent également de la surveillance des
côtes maritimes pour aider l'Etat qui manque de moyens de contrôle
et de surveillance. Des résultats sont constatés, car avec la
collaboration des professionnels, l'Etat a pu arraisonner des navires pirates
dans la ZEE.
En plus, dans certaines localités, les professionnels
ont décidé à l'unanimité d'aller en mer à
tour de rôle pour diminuer l'effort de pêche et éviter le
gaspillage du peu de ressources qui leur restent.
2-3- Les pouvoirs publics qui exercent leurs
prérogatives de contrôle, arrêtent de délivrer des
licences de pêche à des navires étrangers ou de signer des
accords secrets sans tenir compte de l'avis des scientifiques et de tous les
autres acteurs impliqués dans la pêche. Les autorités
politiques sont appelées à changer leur comportement en
arrêtant de délivrer des licences de pêche sans
concertations avec les professionnels et les scientifiques. Elles doivent aussi
appliquer la loi sans légèreté et réprimander si
besoin les corrupteurs sans pitié. Ici, tous les acteurs sont d'accord
qu'il existe une réglementation mais c'est l'application de la loi qui
fait défaut.
Au Sénégal, il est très difficile de
sanctionner, c'est la société qui marche ainsi. Celui qui
sanctionne est victime de tous les maux, il est souvent considéré
comme quelqu'un de méchant. Il existe des personnes intègres qui
veulent changer ce qui ne marche pas, mais elles sont souvent victimes
d'incompréhension de la part de leurs supérieurs
hiérarchiques qui les virent dans d'autres postes sans
responsabilités. C'est pourquoi, il est très difficile de mettre
fin à certaines pratiques comme les fraudes et la délivrance des
licences de pêche frauduleuses. Certains fonctionnaires se fâchent
souvent car, ils font de gros efforts pour arraisonner des bateaux en
infractions en mer, ils font des procès verbaux pour les traduire en
justice mais, ils se rencontrent que ces problèmes sont arrangés
au plus haut niveau sans qu'ils
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 92
ne soient consultés. Ils pensent que si le
problème est réglé dans le plus grand secret, c'est
parceque des pots-de-vin ont été certainement versés.
2-4- Mise en place des systèmes de quotas pour assurer
un avenir à la pêche maritime sénégalaise. Ici de
nombreux acteurs sont unanimes sur le fait que les décideurs politiques
doivent mettre en place des systèmes de quotas de pêche pour
sauver nos ressources et à certaines espèces de se reconstituer.
Comme l'exemple de l'ICCAT qui attribue des quotas de pêche des thons
à chaque état côtier. Il faut aussi encourager les
professionnels qui instaurent en leur sein des systèmes de rotations,
ils ne vont pas tous en mer le même jour, quand un groupe pêche
aujourd'hui, l'autre pêchera le lendemain. On comprendra par là,
un système de quota à leur manière. Un pêcheur
rencontré le 20 janvier 2015 raconte: « avec nos différentes
organisations professionnelles, nous sommes rendus compte que les sardinelles
et certaines autres espèces sont pêchées en
quantités inestimables par nous-mêmes. Quand, elles sont
pêchées en grande quantité, il y'a toujours des
méventes et les prix de vente des poissons très bas. Donc, ils
sont confrontés à deux problèmes: ils travailleront
à perte à cause des bas prix et les produits invendus sont
rejetés en mer. C'est un gaspillage énorme des ressources
halieutiques.»Mais ce système n'est pas
généralisé dans toutes les localités de pêche
au Sénégal car, certains acteurs refusent le changement quoi
qu'il advienne, ils sont intéressés plutôt par la recherche
de profit du jour le jour. Quand, j'ai interrogé un d'entre eux, il m'a
dit ceci: «je vis le jour le jour, et ce qui m'intéresse c'est
d'avoir la dépense quotidienne pour subvenir aux besoins de ma famille,
et demain c'est le bon Dieu qui me la donnera même si je n'attrape pas du
poisson, c'est le bon Dieu qui nous nourrit».
2-5- Mieux informer les citoyens pour les rendre responsables,
qu'ils puissent choisir des poissons affectant moins la ressource, de la taille
légale, en favorisant des initiatives de la pêche durable mises en
place avec les pêcheurs, sans oublier de réduire l'impact de la
pêche sportive qui ne doit pas être sous-estimée. Au
Sénégal, la surpêche pratiquée par des bateaux de
pêche industriels et les pirogues traditionnelles détruit
considérablement les stocks de poissons, comme le mérou qui est
une espèce fortement demandée par les consommateurs
sénégalais. Cette espèce est surexploitée
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 93
du fait de sa forte demande et de sa haute valeur commerciale.
C'est pourquoi, il faut que tout le monde se sent concerné et
responsable de l'agression des ressources halieutiques pourqu'une solution
durable soit trouvée. Les consommateurs en tant qu'acteurs, doivent
aussi accompagner le changement pour une gestion durale des ressources marines
en modifiant leurs habitudes alimentaires. Pour ce faire, des campagnes de
communication dans les écoles, dans les quartiers doivent être
organisées auprès des consommateurs pour les inviter à
acheter des produits issus de la pêche durable. Des spots
télévisés et audiovisuels doivent être mis à
profit pour toucher le plus grand nombre de personnes.
Aussi, ne faudrait-il pas intégrer dans le code de la
pêche du Sénégal, une autre activité
désignée sous le nom de «pescatourisme64 pour
reconvertir les acteurs vers d'autres activités porteuses de revenus?
Mais, il sera difficile de le mettre en place au Sénégal avec la
configuration actuelle des pirogues sénégalaises. Des efforts
à ce niveau doivent être faits pour l'amélioration de ces
pirogues afin qu'elles puissent répondre aux critères d'embarquer
à leur bord des touristes. Cette activité si, elle est mise en
pratique dans les conditions qu'exige ce concept, on arriverait à
réduire la surpêche occasionnée par la pêche
artisanale dans un premier temps et, dans un second cas, les pêcheurs
artisanaux pourront avoir des revenus substantiels leur permettant de vivre.
Cette activité devra également impliquer le ministère
chargé du tourisme au Sénégal pour l'élaboration
des textes réglementaires et la formation des pêcheurs pour
l'accueil des touristes. Ces pêcheurs seront au premier plan pour
expliquer aux passagers les réalités de leur profession. Sur le
plan sociologique, il pourrait contribuer dans une moindre mesure à la
gestion durable des pêcheries par une reconversion des pêcheurs et
une diminution de l'effort de pêche (car le nombre de pirogues est
très élevé au Sénégal actuellement).
64 Le pescatourisme est une nouvelle forme
d'activité touristique au service du développement durable local.
Elle permet aux pêcheurs d'accueillir à bord de leurs embarcations
des touristes pour leur faire découvrir les réalités de
leur profession. De cette façon, le pêcheur diversifie son
activité comme cela se produit depuis 40 ans avec l'agritourisme. Enfin,
il témoigne auprès du grand public de son métier
d'aujourd'hui. Cette activité touristique innovante est née en
Italie en 1998, à l'initiative de la LEGAPESCA, branche des
coopératives de pêche, affiliée à la
Fédération italienne des coopératives, la
LEGACOOP. cf: Projet Pescatourisme 83,
Bilan du projet 2009-2011.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 94
D'autres activités porteuses de revenus doivent
être mises en place pour diminuer le nombre de pêcheurs vers une
reconversion à ces activités. Il faut reconvertir surtout les
jeunes pêcheurs vers d'autres métiers comme dans le tourisme
solidaire65
65 Le tourisme solidaire s'inscrit dans les
principes du tourisme responsable et du tourisme équitable, il est un
type de tourisme alternatif. Il s'inscrit dans une logique de
développement des territoires.
CONCLUSION GENERALE
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 95
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 96
Dans cette étude, les objectifs étaient de voir
les degrés de perception des acteurs de la pêche sur la
gravité de la dégradation des ressources halieutiques du
Sénégal et comment y faire face en gérant durablement les
stocks de poissons par un changement des comportements des principaux acteurs
de la filière pêche.
Les résultats des enquêtes de terrain ont permis
de savoir que les acteurs sont tous unanimement conscients de la
dégradation de la ressource halieutique et de l'effondrement des stocks
de poisson du Sénégal qui disposait autrefois d'un environnement
marin et aquatique riche en ressources susceptibles de contribuer au
développement durable du pays.
Il a été donné comme explications par les
pêcheurs que les raisons de cette dégradation sont : le chalutage
de fond effectué par les bateaux industriels étrangers, le non
respect de la réglementation avec l'utilisation des engins de
pêche prohibés (comme les mono-filaments), la pêche
illégale et illicite, le libre accès à la ressource. Cette
dégradation des ressources a entrainé des conséquences
:
? Sur le plan économique, la diminution des
ressources halieutiques qui présentent une grande valeur commerciale,
peut porter atteinte au développement du pays.
? Sur le plan social, une telle situation peut se
traduire par l'insécurité alimentaire et le chômage de la
plupart des acteurs du secteur de la pêche. Les décideurs et les
acteurs sont certes conscients de ces problèmes, mais, si aujourd'hui
tous les acteurs s'accordent sur le caractère fragile de ces ressources,
les attitudes et les stratégies développées sont
très insuffisantes pour renverser la tendance actuelle.
Cependant, l'épuisement des ressources marines laisse
à penser aujourd'hui que les poissons sont menacés. Si la
conscience des problèmes s'améliore lentement, nous sommes
prêts pour autant à changer nos pratiques pour faire face à
cette menace de rareté et voire même la disparition de certaines
espèces de poissons ( l'exemple du mérou ou thiof) qui sont
devenues introuvables dans les plats quotidiens des
sénégalais.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 97
Le changement de comportement, qu'il soit individuel ou
collectif, nécessite un profond bouleversement auquel peu d'entre nous
semblent encore véritablement prêts. Les six étapes du
changement auxquelles nous avons fait référence dans ce document
peuvent aider à faire évoluer les choses, mais à condition
toutefois de ne pas se tromper de cible ; et de ne pas oublier par exemple que,
sur ces questions de gestion durable, la majorité des professionnels est
peut être dans une phase de pré-contemplation ou de contemplation,
c'est à un niveau de conscientisation qui est insuffisant pour
enclencher un changement radical. L'information et la sensibilisation sont donc
encore primordiales.
Les actes d'engagement ne concernent encore bien souvent
qu'une minorité déjà convaincue, mais qu'il est important
d'aider et sur laquelle il convient de fonder des retours d'expériences
pour convaincre les plus réticents : « les pionniers »,
peuvent ainsi servir de modèle aux autres et aider à faire
basculer le modèle dominant, et donc l'ensemble des
représentations sociales liées au comportement des
professionnels.
Le secteur de la pêche maritime joue un rôle
extrêmement important dans l'économie sénégalaise au
regard d'un certain nombre d'indicateurs économiques, financiers,
sociaux.
Ces différents atouts et résultats ne doivent
pas cacher l'existence de nombreux problèmes qui, si on n'y prend pas
garde très rapidement, risquent d'hypothéquer dangereusement son
développement.
D'où la nécessité pour l'ensemble des
acteurs, des partenaires au développement, de l'administration
compétente, de se concerter régulièrement en vue de
pouvoir trouver des solutions durables aux difficultés auxquelles le
secteur est régulièrement confronté.
Cependant, ces concertations devraient pouvoir s'appuyer sur
une véritable politique des pêches qui permettrait de donner une
vision à court, moyen et long terme.
Concernant les mesures réglementaires et leur
perception, il apparait que certains professionnels ont reconnu la
nécessité de les respecter et d'abandonner certains de leurs
comportements culturellement et traditionnellement inappropriés pour le
développement durable de la pêche maritime
sénégalaise.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 98
Ces mesures visent surtout à sauvegarder les ressources
halieutiques par le respect du repos biologique, à limiter le libre
accès à la mer, le port du gilet de sauvetage et l'abandon de
tout engin de pêche destructeur comme les filets mono-filaments.
Parmi les stratégies du gouvernement sur la gestion des
ressources halieutiques, celle qui retient le plus est l'instauration du permis
de pêche artisanale qui suppose désormais que les pêcheurs
artisanaux payent d'abord une redevance pour avoir un droit d'accès
à la ressource halieutique. Ce permis de pêche a été
accueilli positivement par tous les pêcheurs, car selon eux, c'est un
moyen de réguler l'accès à la profession et de diminuer
l'effort de pêche.
D'après mes investigations, pour satisfaire une demande
en poisson de plus en plus importante, les pêcheurs artisanaux
n'hésitent pas à enfreindre la réglementation, au vu et au
su de tous. Les mesures de prévention sont de plus en plus
nécessaires et doivent être intensifiées par l'application
stricte de la loi, la conscientisation et la mobilisation de tous les acteurs
de la pêche contre ces pratiques ainsi qu'un contrôle permanent des
activités de pêche. Aussi, quand il s'agit de parler du pillage
des ressources halieutiques, l'on pense souvent aux bateaux étrangers.
Mais, cette recherche m'a permis de constater, les pêcheurs nationaux
sont aujourd'hui, les véritables pilleurs de la ressource halieutique
car 91%66 des produits débarqués au
Sénégal proviennent de la pêche artisanale.
En ce qui concerne le code de la pêche, il est apparu
une sorte de désintéressement de la part des pêcheurs dont
la majeure partie avoue ne pas être au courant de son existence.
La perception du repos biologique du poulpe par les
pêcheurs n'est pas tout à fait positive. Pour eux, c'est la
période de repos en elle-même qui pose problème.
Concernant les mesures d'autogestion, l'initiative qui
consiste en la mise en place d'un code de conduite local basé sur le
consensus et le projet d'aménagement de l'Aire de Marine
Protégée montrent que les acteurs sont bien conscients de la
responsabilité de la pêche artisanale dans la surexploitation des
ressources halieutiques.
66 Source : DPM, 2012
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 99
En dernière analyse les pêcheurs, ont bien
approuvé la mise en oeuvre de ces mesures de gestion durable des
poissons comme l'instauration des permis de pêche qui demeure selon eux
un véritable moyen de limiter l'accès à la profession.
Cependant ils semblent ne pas être en phase totalement avec les
méthodes de gestion comme le repos biologique et le code de la
pêche qui restreignent leurs capacités de captures.
Toutefois, la perception de ces stratégies de gestion
par les pêcheurs laisse apparaître un sentiment qui montre que
ceux-ci ne sont pas réellement convaincus par toutes les options prises
pour une meilleure gestion des ressources halieutiques.
En réalité, il ressort de l'analyse des
entretiens semi-directifs et de groupe que les accords de pêche
continueront à rendre pauvres les sénégalais et ce
d'autant plus que la mer s'est vidée de ses ressources suite à
l'action de l'homme. Aujourd'hui, l'Europe qui a un important déficit de
produits halieutiques se tourne vers le Sénégal qui est un grand
pays producteur de poissons et ayant encore comme avantage sa proximité
avec l'Europe.
Il est bien vrai que le Sénégal consent à
accorder, sans réciprocité, des droits de pêche aux navires
de l'Union européenne, en échange de ces droits de pêche,
verse une compensation financière au Sénégal à
laquelle s'ajoutent les redevances de licences de pêche payées
directement par les armateurs.
La mer est devenue très malade et pour y amener des
soins pour une gestion durable de son contenu, il ressort des entretiens:
? Accorder la priorité de pêcher aux nationaux
pour l'exploitation et le traitement des ressources ;
? Limiter le nombre de navires étrangers, en tenant compte
du potentiel exploitable ; ? Faire payer des redevances pour l'obtention des
licences de pêche ;
? Exiger la contrepartie financière pour appuyer le
développement de la pêche artisanale.
En dernière analyse, selon les chercheurs, le plus
grand défi est de réduire les inégalités entre les
pays du nord et les pays du sud. Aujourd'hui, le dérèglement des
écosystèmes
marins touche le sud de plein fouet, aggravant un peu plus ces
inégalités. Il est urgent de passer d'une pêche dite
intensive à une pêche durable en réglementant le maillage
des filets, en respectant les quotas, en limitant la taille des animaux
prélevés ou encore en élaborant des techniques de
pêche sélectives. Il faudrait déjà respecter les
réglementations existantes et surtout mobiliser les volontés
politiques.
Des solutions existent, comme créer plus d'aires
marines protégées. En protégeant les espèces et
leurs zones de reproduction, elles participent au renouvellement des stocks de
poissons. La protection des océans doit devenir une priorité, car
c'est aussi une immense source de revenus pour les Etats côtiers et leurs
populations.
Enfin, il est apparu fondamental que les objectifs du
développement durable pourront être atteints au
Sénégal que si les changements comportementaux dans les pratiques
sont managés par les acteurs politiques avec l'implication des guides
religieux au moment de la prise des décisions sans casser les
mécanismes de croyances des acteurs professionnels.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 100
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 101
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 102
ANSD, 2004, projection sur la population du
Sénégal, issue du recensement de 2002, 38
pages.
AURELIEN Boutaud, Ecologie, De la sensibilisation aux
changements de comportements, décembre 2009, 19 pages.
AYMARD Jean Christophe, les différences individuelles
de perception du temps, licence professionnelle de gestion des
établissements de santé, Université de Nice Sophia
Antipolis, 2003/2004, 73 pages.
BA Omar, 1986, Le rôle des chefs islamiques dans le
développement de la culture arabo-islamique dans le bassin du fleuve
Sénégal, Paris, Université de Paris IV (thèse
de 3e cycle).
BARELLE, C. Gérer le volet humain du changement,
Montréal : Editions Transcontinental, 2004, 213 p.
BERNOUX Philipe, Sociologie du changement dans les
entreprises et les organisations, 2004,307 pages.
BERNOUX Philippe, « Comment innover et se comprendre ?
La théorie de la traduction ». Théories sociologiques
et transformation des organisations, Cnrs- Université Lyon 2
BIDOT Nelly et MORAT Bernard, Agir ou Subir ? Des Clefs pour
vivre le changement imposé, Inter Edition, 1996, 184 pages.
BLUNDO Giorgio, « Une administration à deux
vitesses Projets de développement et construction de l'Etat au Sahel
», Cahiers d?études africaines, 2011/2 N°202- 203,
p.427452
BLUNDO Giorgio, Négocier L'Etat au quotidien : Agents
d'affaires, courtiers et rabatteurs dans les entreprises de l'administration
sénégalaises, Presses de Sciences Po/ Autrepart, 2014/
n°4-20 Pages 75 à 90.
CALLON Michel, 1986, Eléments pour une sociologie de
la traduction. La domestication des coquilles Saint- Jacques et des
marins-pêcheurs dans la baie de Saint- Brieuc, L'année
sociologique, n° 36, pp. 170- 208.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 103
CABIN Philipe et CHOC Bruno, Editions sciences humaines,
2005 ,435 pages.
CARTON Gérard- Dominique, Eloge du changement,
Méthodes et outils pour réussir un changement individuel et
professionnel, 2e édition, Pearson Education France,
Paris, 2006, 253 pages.
CHAIZE Jacques, la porte du changement s'ouvre de
l'intérieur, Calmann-Lévy, Paris, 1992, p.62.
COLLERETTE Pierre, G.D. (1997). « Le changement
organisationnel .
· théorie et pratique. » Presse de
l?université de Québec.
COULON Christian, Le marabout et le Prince, Islam et Pouvoir
au Sénégal, Paris, Pedone, 1981, 317 pages.
CROZIER Michel et FRIEDBERG Erhard, l'acteur et le
système, Edition du Seuil, Paris, 1992, p.383.
FOFANA André et WEBER Jacques, Aperçu de la
situation de la pêche maritime sénégalaise,
déc. 82, 34 pages
GROUARD Benoit, MESTON Francis, « l'Entreprise en
mouvement », Edition Dunod, 1973, 275 pages.
HOURNAT Allah Hindou et Brahim El Morchid, Faculté de
droit, Marrakech, L'économie politique des ressources halieutiques
dans le monde arabe .
· la leçon marocaine, 2011, 26
pages.
BONCOEUR Jean et ALBAN Frédérique, 2011, Etude
sur l'état de l'art du rôle des AMP dans la gestion des
pêches rapport technique « Volet socio- économie »,
CSRP, 145 pages.
KEMPF Hervé, Comment les riches détruisent la
planète, Le Seuil, Paris, 2007, 147 pages.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 104
KEDOCHIN Jacques, Consultant, Chef de projet en accompagnement
de projet A. vendi, Revue éditée par la caisse des allocations
familiales. Titre : Informations sociales 101, Diriger, conduire le
changement, 86 pages.
Le Pescatourisme et le développement local maritime
durable, Bilan du projet 2009-2011, 64
pages.
LINHART Danièle, les logiques de l'innovation,
Editeur la Découverte, 2002, 288 pages.
LLERES, B. ,1986. La pêche piroguière maritime
au Sénégal. Son évolution : son introduction dans
l'économie de marché, Thèse de doctorat,
Université de Bordeaux III, 349 pages.
NEUSCWANDER Claude, l'Acteur et le Changement, Essai sur les
réseaux, 1991, 244
pages.
OCDE, 2005, Manuel d?Oslo, Principes directeurs pour le
recueil et l'interprétation des données sur l'innovation,
3e édition, 188 pages.
OLIVIER DE SARDAN Jean- Pierre, 1995, Anthropologie et
développement, Essai en socio-anthropologie du Changement social,
APAD-KARTHALA, 221 pages.
GUERIN Véronique, A quoi sert l'autorité ?
S'affirmer-respecter-coopérer ,2e édition
(Edition Chronique Sociale), 219 pages.
RIST Gilbert, 2007, Le développement, Histoire d'une
croyance occidentale, 3e édition revue et
augmentée, Sciences PO, 483 pages.
Stratégie de Croissance Accélérée,
Document final de la Grappe « Pêche et Aquaculture »,
2007, 70 pages.
Sites web :
www.aprapam.org
www.cr-thies.sn
www.pressafrik.com
www.xalima.com
www.senegalie.wifeo.com/cartes-du-senegal.php
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 105
ANNEXES
Préserver la diversité de la vie marine.
Les aires marines protégées sont des
réservoirs de biodiversité. Elles constituent des refuges pour de
nombreuses espèces et préservent des zones vitales pour leur
alimentation et leur reproduction.
Gorgui Aly BA,
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 106
SOMMAIRE DES ANNEXES
Types Pages
Annexe 1 : tableaux (1et 2) grille d?entretien et liste des
personnes interviewées 108
Annexe 2 : Carte du Sénégal 112
Annexe 3 : Photographie des pêcheurs en mer larguant un
filet mono-filament 113
Annexe 4 : Photographie du mérou 114
Annexe 5 : Photographie activités des différents
acteurs de pêche /plage de Mbour 115
Annexe 6 : Photographie bateau russe arraisonné 116
Annexe 7 : Les entretiens 117
Table des matières 147
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 107
Annexe 1 : Grille d'entretien et liste des personnes
interviewées
|
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 108
Tableau 1 : Grille d'entretien :
Thèmes
|
Objectifs
|
Questions
|
Causes et conséquences
|
Degré de connaissance de la
|
De manière générale qu'est
|
|
problématique du change-
|
ce qu'il vous vient à l'esprit
|
|
ment et de la gestion durable
|
quand l'on vous parle de
|
|
des pêcheries.
|
changements comportementaux pour une gestion ration-elle des
ressources halieutiques marines ?
|
|
|
Que pensez-vous des accords de pêche Sénégal/
U E ?
|
|
|
Quelles sont selon vous, les causes et les conséquences
de la baisse des
captures de poisson actuellement au Sénégal?
|
|
|
Selon vous, pourquoi les pêcheurs
ne respectent l'interdiction de
l'utlisation des filets mono- filaments, le repos biologique,
et le
port obligatoire des gilets de sauvetage?
|
|
|
Avez-vous déjà entendu parler des
|
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 109
|
|
nouvelles normes d'hygiène de
conservation des produits pour
assurer la santé des consommateurs?
|
Lien entre activités quotidien-
nes et diminution des captures de poissons.
Responsabilité des pêcheurs.
|
Perception de la relation
entre comportement individuel et changement d'habitudes.
|
Savez-vous que vous êtes
responsables( pêcheurs) de par vos
pratiques quotidiennes _
(surpêche, utilisation des mono- filaments, pêche
à la dynamite) de la baisse de vos revenus?
Est-ce qu'à votre niveau, vous vous sentez responsables de
ce problème?
|
Perception de la gravité Peur/ confiance/ pessimisme
|
Etat d'esprit
|
Est-ce que problème vous
préoccupe, voire vous fait peur?
Vous sentez-vous confiants face à l'évolution du
problème?
Pensez-vous que l'on va vous
trouver des solutions?
|
Changement de comportement
déjà entrepris.
Changement de comportements envisagés.
|
Comportements et changement de comportements.
|
Depuis que vous avez eu
connaissance de la baisse des captures de poissons, avez-vous
modifié certaines de vos pratiques
quotidiennes _ (habitudes,comportement).
Seriez-vous prêts à modifier votre
comportement en acceptant
d'adhérer aux décisions gouvernementales?
|
|
|
Est-ce que ces changements de comportements représentent
pour vous des craintes?
|
Question de la contrainte de ces comportements
|
|
|
Craintes internes
|
Mise en évidence des contraintes
|
Quelles sont les raisons qui
expliquent que vous n?êtes pas
prêts à vous séparer de vos habitudes?
|
Contraintes externes
|
|
|
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 110
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 111
Tableau 2 : Liste des personnes
interviewées.
Personne interviewée
|
Age
|
Sexe
|
Activités
professionnelles
|
Zone enquêtée
|
Pêcheur X1
|
29
|
M
|
Pêcheur
|
Kayar (zone de débarquement du poisson)
|
Pêcheur X2
|
44
|
M
|
Pêcheur
|
Mbour
|
Pêcheur X3
|
33
|
M
|
Pêcheur
|
Saint-Louis
|
Pêcheur X4
|
28
|
M
|
Pêcheur
|
Rufisque
|
Pêcheur X5
|
23
|
M
|
Pêcheur
|
Ziguinchor
|
Pêcheur X6
|
26
|
M
|
Pêcheur
|
Joal
|
Mareyeur X1
|
51
|
M
|
Mareyeur
|
Marché Central au Poisson de Dakar
|
Mareyeur X2
|
62
|
M
|
Mareyeur
|
Yarakh (zone de débarquement du
poisson)
|
Fonctionnaire X1
|
35
|
M
|
Fonctionnaire
|
Service Régional des pêches à Dakar
|
Fonctionnaire X2
|
42
|
M
|
Fonctionnaire
|
Direction des pêches maritimes à Dakar
|
Fonctionnaire X3
|
50
|
M
|
Fonctionnaire
|
Service régional des pêches à Saint-Louis
|
Fonctionnaire X4
|
39
|
F
|
Fonctionnaire
|
Service départemental des pêches à Mbour
|
Fonctionnaire X4
|
42
|
F
|
Fonctionnaire
|
Chef de poste de contrôle à Thiaroye
|
Chercheur X1
|
43
|
M
|
Chercheur
|
CRODT- Dakar
|
Chercheur X2
|
40
|
M
|
Chercheur
|
CRODT- Dakar
|
Chercheur X3
|
39
|
M
|
Chercheur
|
Institut de recherche et de
Développement(IRD)
|
Economiste X1
|
52
|
M
|
Economiste
|
CRODT- Dakar
|
Economiste X2
|
44
|
M
|
Economiste
|
Direction des pêches maritimes à Dakar
|
Economiste X3
|
42
|
M
|
Economiste
|
I R D, Dakar
|
Transformatrice X1
|
32
|
F
|
Transformatrice poisson
|
Guet Ndar Saint-Louis (atelier de transformation artisanale du
poisson)
|
Transformatrice
X2
|
41
|
F
|
Transformatrice poisson
|
Pinthioum Sénégal (atelier de
transformation
artisanale du poisson)
|
Mareyeuse X1
|
35
|
F
|
Mareyeuse
|
Marché central de Tamba
|
Vendeuse X1
|
29
|
F
|
Vendeuse de
poisson
|
Marché à Thiaroye sur mer
|
Vendeuse X2
|
32
|
F
|
Vendeuse de
poisson
|
Marché quartier Guinaw-rail sud
|
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 112
Annexe 2 : Carte du Sénégal
Source :
http://senegalie.wifeo.com/cartes-du-senegal.php
Annexe 3 : Photographie de pêcheurs en pleine mer larguant
un filet mono-filament
Source :
www.xalima.com
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 113
Annexe 4 : Photographie du mérou
Source :
www.aprapam.org
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 114
Annexe 5 : Photographie activité des différents
acteurs de pêche/ plage de Mbour
Source :
www.aprapam.org
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 115
Annexe 6 : Photographie du Bateau russe Oleg Neydanov,
arraisonné par le Sénégal
Source :
www.pressafrik.com
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 116
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 117
Annexe7 : Les entretiens
Entretien : 1
Monsieur `FK' est fonctionnaire Diplômé
depuis 1994
Date de l'entretien : Le 24 janvier 2015 Lieu de
l'entretien : privé
|
Question : Quel est votre parcours
professionnel ?
Réponse : J'ai terminé
mes études universitaires en 1994, j'ai fais mon stage de
perfectionnement au Service régional des pêches maritimes à
Saint-Louis. Après trois mois de stage, je suis affecté au
Service régional des Pêches Maritimes de Thiès, comme
adjoint au chef de Service régional.
En fait, le Chef régional des pêches maritimes de
Thiès est l'une des plus grandes régions de pêches au
Sénégal de part l'importance des produits débarqués
et du nombre important de pêcheurs y exerçant leurs
activités.
Ce service régional est subdivisé en trois
départements ayant chacun à sa tête un chef de Service
départemental. Chaque Service départemental est lui aussi
composé de plusieurs postes de contrôle ayant chacun à sa
tête un chef de poste.
Les agents de ces postes de contrôle sont en contact
direct avec les acteurs de la pêche que sont les pêcheurs, les
mareyeurs, les mareyeurs, les transformatrices et les micro-mareyeurs. Ils sont
chargés également de la collecte des données statistiques,
de confectionner les
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 118
rapports statistiques, du contrôle sanitaire des
poissons. Ils veillent au bon respect des règles de bonne conduite pour
une pêche responsable et durable. Ils sont en quelque sorte les relais
entre les autorités supérieures et les professionnels.
Question : Le Sénégal a
signé cette année des accords de pêche avec l'Union
européenne sur cinq ans pour un montant de six milliards de francs CFA
permettant à trente-huit navires européens de pêcher dans
nos eaux territoriales. Qu'en pensez-vous ?
Réponse : Actuellement, je ne
vois pas l'opportunité de signer ces accords. Les eaux
sénégalaises sont devenues très pauvres en poissons. Je
suis contre de la signature de ces accords. Les politiques prennent des
décisions sans pour autant consulter les fonctionnaires qui
maîtrisent bien la situation actuelle de nos ressources. Même les
pays étrangers ne sont pas sérieux, ils savent pertinemment que
nos eaux se sont appauvries et ils continuent de nous appauvrir. De plus, tous
les acteurs de la pêche se plaignent de n'avoir pas été
impliqués dans les négociations.
Question : Avec la baisse des captures de
poissons, cet accord est-il opportun ?
Réponse : Non, la crise du
secteur de la pêche est une réalité indiscutable. Mais,
c'est la corruption qu'il faudra éradiquer dans le secteur de la
pêche. Il faut que les politiciens laissent les fonctionnaires
travailler. Ces politiciens ne s'intéressent qu'à leur
intérêt, et des scandales répétitifs sont
notés depuis 1992 et les personnes impliquées ne sont jamais
traduites devant la justice. Ils s'enrichissent sur le dos des
sénégalais et appauvrissent nos eaux maritimes.
Question : Faut-il poursuivre ces
accords ou non ?
Réponse : Je dirai non.
Pourquoi ces accords ? Les sénégalais ne peuvent plus avoir du
poisson de qualité pour leur alimentation, si ce poisson est disponible,
de par sa cherté, il n'est pas accessible à tout le monde. De
même, nos pêcheurs dépensent beaucoup de carburant pour
chercher le poisson dans les zones lointaines et reviennent souvent
bredouille.
Question : La corruption
empêche-t-elle la surveillance de la pêche au Sénégal
?
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 119
Réponse: La surveillance de la
pêche au Sénégal est principalement rendue impossible du
fait de la corruption. Le problème du pillage des ressources
halieutiques est là. La difficulté principale de la surveillance
de pêche, c'est la corruption. Si on parvient à
l'éradiquer, la reconstitution des stocks de poissons pourra être
faite.
Actuellement au Sénégal, il y a tout sauf de la
bonne gouvernance dans la pêche. C'est un secteur qu'il faut repenser et
réorienter, car c'est un devoir de l'Etat de protéger les
ressources. Les professionnels sénégalais sont mécontents
des pouvoirs publics et des navires étrangers qu'ils qualifient de
corrupteurs, de pilleurs et de bradeursleurs des ressources halieutiques
nationales.
C'est pourquoi, nous demandons aux nouveaux dirigeants du pays
de lutter énergiquement contre ce bradage et pillage de nos
ressources.
Nous avons appris que des tractations au plus haut niveau pour
la signature de nouveaux accords de pêche. Ce n'est à mon avis une
bonne chose et je partage cet avis avec mes autres collègues de
l'administration.
Question : Le Sénégal
parvient-il à surveiller ses côtes maritimes ?
Réponse : Le
Sénégal a de la peine pour surveiller ses côtes maritimes.
A ma connaissance, le Sénégal dispose d'un avion de surveillance
et de six navires. Faute de moyens, les sorties pour la surveillance ne sont
pas fréquentes. Il y'a surtout l'armée française
basée qui nous offre cinq heures par mois pour la surveillance
aérienne. Il faut également lutter contre les nombreuses fraudes
en mer, surtout pour ce qui concerne les types de licences de pêche que
détiennent les bateaux. Mais aussi, il faut contrôler les
maillages des filets utilisés, car il existe un grand trafic sur ce
côté. De même, les autorités qui accordent
frauduleusement des licences de pêche sans consulter la commission
d'attribution de ces licences. Il est souvent constaté qu'un bateau
prenne une licence pour des poissons qui n'ont aucune valeur commerciale, et
qu'il pêche d'autres espèces pour lesquelles, la redevance est
beaucoup plus onéreuse.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 120
Des trafics également sont constatés du
côté de quelques acteurs sénégalais qui prennent des
licences à leur nom alors que les bateaux appartiennent à des
étrangers.
Question : Le gouvernement vous
n'avait-il pas demandé aux pêcheurs artisanaux de diminuer
l'effort de pêche ?
Réponse : Bien sur, le conseil
interministériel de juin 2013 avait pris la décision de demander
aux pêcheurs nationaux de diminuer la pêche sur le merlu.
Actuellement, ils autorisent des bateaux étrangers à venir
pêcher ces espèces de poissons, c'est énormément
contradictoire. Nous avions tous dénoncé à
l'époque, que le régime de WADE ait octroyé des
autorisations de pêche à des navires étrangers pour que de
telles pratiques ne se reproduisent plus.
En 2012, les autorisations de pêche accordées
à des chalutiers russes capturant les pélagiques avaient
suscité des mécontentements des organisations des professionnels
de la pêche, qui ont eu à organiser beaucoup de manifestations de
protestation à Dakar.
Question : Etes-vous prêts pour
sauvegarder les ressources marines ?
Réponse : Nous sommes conscients
qu'il urge de protéger nos ressources marines. Question
: Pourquoi est-elle (Listao) revenue dans nos eaux ?
Réponse : Cette espèce
est gérée par la Commission internationale pour la conservation
des thonidés de l'atlantique nord, c'est important. Cette commission
fixe des quotas de pêche de ces espèces à tous les
états côtiers. Ce qui a permis la reconstitution et le
renouvellement de ces thons à l'échelle mondiale.
Question : Quel est votre dernier mot
Réponse : Je suis très
content de t'avoir livré à coeur ouvert tout ce qui me fait mal,
dans le secteur de la pêche au Sénégal. Nous voulons tous
une réorganisation du secteur de la pêche mais, lutter contre la
corruption au sommet de l'Etat. Depuis 1992, divers scandales sont notés
et malfaiteurs restent toujours impunis, il faut que cala cesse. Il faut
débusquer les trafiquants et les traduire devant la justice.
Aujourd'hui, les espèces sont surexploitées et le
niveau de prélèvement actuel est
supérieur à la capacité de reconstitution de certaines
espèces. Notre espèce emblématique dite « thiof
» au Sénégal et mérou en français, reviendra
sur les plats des sénégalais ?
FIN.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 121
Entretien: 2
|
Monsieur X est économiste chercheur
Diplômé depuis 1986
Date de l'entretien : Le 24 janvier 2014 Lieu de
l'entretien : Privé
|
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 122
Question : Quel est votre parcours
professionnel ?
Réponse : J'ai terminé
mes études universitaires en 1985, j'ai fais un stage d'un an à
la Direction de l'Océanographie et des Pêches Maritimes (DOPM),
devenue Direction des Pêches Maritimes (DPM) actuellement.
En fait, la DOPM était constituée d'une seule
direction et, elle était chargée de gérer toutes les
activités de pêches maritimes au Sénégal. Elle
cordonnait aussi, tous les programmes de développement de la pêche
au Sénégal. Elle contrôlait également tous les
fonctionnaires des pêches maritimes. Elle avait à sa tête,
un directeur qui nommait et affectait tous les agents qui étaient
à sa disposition.
Malheureusement, cette direction a été
éclatée en plusieurs autres directions et avec une dispersion des
ses agents mais aussi de ses forces et à mon avis ça n'a pas
été une bonne chose.
En 1986, je suis recruté au Centre de Recherche
Océanographique de Dakar Thiaroye comme Chercheur, économiste.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 123
Nos missions :
> L'évaluation des ressources halieutiques ;
> Le suivi des ressources halieutiques et des systèmes
d'exploitation ;
> La fourniture de bases techniques des mesures
d'aménagement des pêcheries pour une exploitation durable des
ressources halieutiques.
Nos réalisations :
> Meilleure compréhension du mécanisme
d'enrichissement des eaux sénégalaises appelé upwelling
> Mise en évidence la variabilité
spatio-temporelle des ressources halieutiques en fonction des paramètres
de l'environnement.
> Détermination de la croissance, la moralité
et la reproduction des principales espèces
> Identification des principales ressources potentiellement
exploitables et détermination du niveau d'exploitation des stocks et les
potentialités de captures
> Introduction de la senne tournante coulissante
> Introduction des caissons isothermes dans la pêche
artisanale
> Meilleure connaissance des comptes d'exploitation des
principaux types de pêche artisanale, des effets induits des exportations
des produits halieutiques et du mécanisme socio-économique de
l'approvisionnement des marchés, grâce à des études
socio économiques
Nos programmes :
Gestion durable des écosystèmes et des ressources
:
> Variabilité de la circulation et des
températures de surface océanique dans le système
d'upwelling sénégalo-mauritanien aux échelles
intra-saisonnières à interannuelles
> Réactualisation des caractéristiques de
l'upwelling sénégalais et son influence sur les ressources
marines
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 124
> Evaluation des ressources halieutiques
> Réactualisation des paramètres biologiques
essentiels des espèces exploitées
> Développement d'un système d'information sur
la Pêche et l'Aquaculture
> Etudes des mortalités de poissons sur la Petite
Côte
> Diagnostic de la situation du stock de crevettes profondes
à partir d'exercices de
modélisation
> Bases scientifiques pour l'élaboration des plans
d'aménagement des ressources
halieutiques
> Intégration des aires marines protégées
dans l'aménagement des pêches au Sénégal.
Nous faisons également des enquêtes statistiques.
Faire des enquêtes en allant à la rencontre d'une pirogue pour
recueillir un certain nombre de renseignements tels que :
> l'origine de la pirogue
> l'heure de départ en pêche
> la position
> l'heure de retour de pêche
> la profondeur de pêche
> le type de pêche (puissance du moteur ou voile)
> le temps de route
> Nombre de pêcheurs à bord
L'arrivée de la pirogue est à signaler au
préalable sur la feuille des efforts qui spécifie le type de
pêche et la tranche horaire.
L'enquêteur attend que la pirogue soit remontée
à terre pour demander ces renseignements.
Il note ensuite toutes les espèces
débarquées, en poids ou en nombre puis fait des mensurations au
besoin.
Dans le cas d'une senne tournante il est à noter, le
nombre de coups effectués pour arriver à cette prise. Tout ceci
ne peut se faire sans problèmes. En effet, on enregistre une perte de
temps considérable lors de l'échantillonnage de la pirogue. Il
faut attendre que les
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 125
transactions soient terminées et le poisson vendu aux
mareyeurs pour pouvoir commencer à faire les mensurations.
Depuis lors j'ai pu faire plusieurs recherches et publications
et obtenu une certaine expérience dans l'économie des
pêches maritimes au Sénégal qui est mon domaine de
formation.
Nos locaux sont bien fonctionnels et nous avons du
matériel nécessaire à la réalisation de nos
missions mais cependant, la recherche a un coût.
Suivant le budget disponible, nous essayons quand même
d'atteindre nos objectifs, bien que beaucoup d'efforts doivent être faits
pour financer nos recherches.
Cependant, avec l'avancée technologique, il n'est
apparu utile de doter le CRODT d'un navire de recherches
océanographiques très sophistiqué et de nautiles comme le
Victor 6000 qui permet de faire des recherches jusqu'à 6000
mètres de fond.
Ce centre gère également d'autres chercheurs
travaillant dans des domaines différents notamment, les recherches
océanographiques pour l'évaluation des stocks des
différentes espèces de poisson disponibles dans les côtes
sénégalaises.
Nous servons également de conseillers dans la prise des
décisions des pouvoirs publics surtout ce qui concerne la signature des
licences et accords de pêche.
Je suis également consultant dans différents de
projets de pêche au Sénégal, car avant toute mise en place
d'un projet, mon avis est souhaité.
Question : Le Sénégal a
signé cette année des accords de pêche avec l'Union
européenne sur cinq ans pour un montant de six milliards de francs CFA
permettant à trente-huit navires européens de pêcher dans
nos eaux territoriales. Qu'en pensez-vous ?
Réponse : La confusion qui en
a suivi est un signe annonciateur que ces accords ne sont pas dans notre
intérêt : le ministre de la Pêche soutient que ce n'est
qu'un renouvellement d'accords signés en 2006 tandis que son
prédécesseur dément que des accords n'aient jamais
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 126
été signés pendant cette période.
Qui croire ? De plus, tous les acteurs de la pêche se plaignent de
n'avoir pas été impliqués dans les négociations.
Pourquoi n'ont-ils pas été impliqués ?
Ces types d'accords ne sont jamais signés par un pays
qui veut être émergent dans ce monde moderne de compétition
et de sophistication. Ce sont des accords du passé : nous donnons ce que
nous avons de meilleur chez nous, à l'état brut de
matières premières non transformées, et nous recevons de
toutes petites compensations financières (6 milliards, c'est 0,002% de
notre budget ou 461 FCFA pour chacun des 13 millions de
Sénégalais, le prix approximatif d'un « Yabooy »
aujourd'hui). Nous devrions nous placer dans un ordre totalement nouveau, en
phase avec nos aspirations de développement. Des accords de pêche
en notre faveur devraient prendre en compte trois dimensions : l'emploi, des
technologies dont nous bénéficions et l'optimisation de nos
ressources. Toutes ces dimensions sont absentes de ces accords.
Question : Avec la baisse des captures de
poissons, cet accord est-il opportun ?
Réponse : La crise du secteur
de la pêche est une réalité indiscutable que l'on peut
mesurer à l'échelle de la rareté des ressources dont se
plaignent deux catégories importantes de Sénégalais : les
pêcheurs et les ménagères. Doit-on en rajouter ?
Question : Faut-il poursuivre ces
accords ou non ?
Réponse : A notre humble avis,
il faut surseoir à ces accords, impliquer tous les acteurs du secteur
dans une concertation constructive et prospective qui réoriente nos
relations d'affaires maritimes avec l'Union européenne dans le sens de
la valeur ajoutée et des trois dimensions mentionnées plus
haut.
Question : Pourquoi le ministre
parle-t-il de régularisation? Il parle d'une situation qu'il a
trouvée car, le ministre du gouvernement précédent avait
autorisé ces bateaux à venir pêcher illégalement
dans nos eaux. Donc, il fallait qu'il régularise cette situation et en
tirer le maximum de recettes pour le Sénégal.
Réponse: Je donnerai mon avis
sans aucune motivation politicienne. L'actuel Ministre de la pêche ne
connait pas bien le secteur ou alors à tout le moins, il a
été mal renseigné. Ce
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 127
département étant trés important pour
notre économie nationale, l'argumentation du Ministre de la pêche
est spécieuse, car ne méritant pas le terme de
régularisation. Et d'y aller de sa propre explication de ce que le
ministre appelle régularisation. Il y a ce que l'on appelle dans le
milieu de la pêche, les «canneurs», et qui se consacrent
à la pêche au thon.Ils sont en général ou espagnols
ou français, auxquels le gouvernement du Sénégal a
accordé la possibilité de pêcher le thon, et de
débarquer les captures au Sénégal pour alimenter les
industries de transformation des produits halieutiques. Il n'en existait alors
qu'une de fonctionnelle, en l'occurrence la société nationale des
conserveries du Sénégal, qui depuis a été
rachetée par des partenaires coréens, et fait l'objet d'une
inauguration en grandes pompes par le Président de la république
en personne. Donc, le gouvernement a toujours, sous certaines contradictions,
à ces «canneurs» le droit de pêcher.
Question : Le gouvernement n'avait-il
pas demandé aux pêcheurs artisanaux de diminuer l'effort de
pêche ?
Réponse : Effectivement le
conseil interministériel de juin 2013 avait sorti comme décision
de demander aux pêcheurs nationaux de diminuer la pêche sur le
merlu et aujourd'hui, ils autorisent des bateaux étrangers à
venir pêcher ces espèces de poissons, c'est absurde.
Question : Selon vous, quelles peuvent
être les conséquences de ces accords sur la ressource halieutique
?
Réponse : On nous a dit que ces
bateaux ne pêcheront que le thon. C'est faux ! Ils ne se limiteront pas
à pêcher seulement le thon, ils viseront d'autres espèces
car il sera impossible de les contrôler. En plus de l'exploitation de nos
ressources, ces bateaux déversent toute sorte de déchets dans la
mer. L'Etat doit revoir ces accords, il doit nous protéger, sauvegarder
nos ressources et protéger l'environnement marin.
Question : les acteurs ne
devraient-ils pas changer leur comportement pour une gestion durable des
pêcheries ?
Réponse : Selon vous qui sont les
acteurs ?
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 128
Question : Je parle de tout le monde.
L'Etat, les pêcheurs, les mareyeurs, les transformatrices et même
les consommateurs, pourquoi pas !
Réponse : Vous avez raison,
nous devrions tous changer dans la manière d'exploiter les ressources
marines car il y va de notre intérêt. Si les captures baissent,
nos revenus baissent aussi. Nous aurons des problèmes pour entretenir
nos familles et nous courons des risques de famine et pertes d'emplois. Donc si
nous voyons des irrégularités dans la gestion de nos ressources,
nous devons nous battre pour que cela cesse le plus rapidement possible. De
même le panier de la ménagère verra son coût
augmenter car plus le poisson est rare, plus son coût est
élevé.
Question : Etes-vous prêts pour
sauvegarder les ressources marines ?
Réponse : Nous sommes
évidemment prêts pour protéger l'océan et son
contenu car il y va de notre intérêt sinon notre avenir restera
précaire. Par exemple, les pêcheurs artisanaux ont commencé
à attraper le listao qui est un thon se trouvant dans les fonds des
océans et que seuls les grands bateaux pouvaient les attraper. Il y a
plus de 70 ans qu'on ne voyait plus cette espèce.
Question : Pourquoi est-elle (Listao)
revenue dans nos eaux ?
Réponse : Je pense que la
Commission internationale pour la conservation des thonidés de
l'atlantique nord y a joué un rôle très important. Car,
l'attribuant des quotas de pêche à tous les états
côtiers pour l'exploitation de ces thons a permis certainement leur
renouvellement à grande échelle.
A mon avis, l'ICCAT qui avait pris en charge la gestion des
thons, certainement cette espèce a eu le temps de se reproduire et de
réapparaitre de nouveaux dans nos eaux. Il m'est donc apparu important
que l'Etat du Sénégal et les autres acteurs, devront tous avoir
de nouveaux comportements dans la gestion des pêcheries.
Pour l'Etat : arrêt de la signature des accords de
pêche par exemple
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 129
Pour les autres : diminution de l'effort exercé
sur la ressource et respect du repos biologique par exemple.
Question : Nous allons aborder un
autre point. Que pensez-vous aussi de l'utilisation des filets mono-filaments
?
Réponse : Ces filets sont non
biodégradables et causent des dégâts énormes en mer.
Ils doivent être bannis car une fois dans l'eau lorsqu'ils se
désagrègent, libèrent des matières toxiques dans
l'écosystème.
Certaines communautés de pêcheurs ne sont
prêtes à abandonner ces filets au prix de leur vie notamment
à Thiaroye où des affrontements se font noter entre
pêcheurs et les agents de l'administration chargés de faire
respecter la réglementation. Il y a dans d'autres localités comme
Kayar et Yoff, les pêcheurs n'utilisent plus ces filets mono-filaments.
Cela veut dire qu'on peut bien s'en passer de ces engins destructeurs. Il
suffit d'un peu de volonté et de vouloir changer des méthodes et
petit à petit, nous y arriverons.
Seulement, il y a un couac au sein de l'administration qui
semble encourager l'incivisme de certains pêcheurs artisanaux qui
s'entêtent à utiliser ce matériel interdit.
Alors que le ministère de la pêche maritime en
interdit l'utilisation, le ministère du commerce en autorise la
commercialisation. Malheureusement, l'importation de ce filet et sa
commercialisation n'étant pas interdites, les pêcheurs peuvent se
l'approprier facilement.
Néanmoins, son utilisation comme filet de pêche
est prohibée, sa détention à bord d'une embarcation, d'un
navire est interdite.
Question : L'administration des
pêches a-t-il les moyens de contrôler l'interdiction de
l'utilisation des filets mono-filaments ?
Réponse : A mon avis les
fonctionnaires chargés de faire respecter cette interdiction font des
efforts énormes pour que ces filets disparaissent totalement dans le
secteur des pêches, malheureusement ils ne peuvent pas être partout
et leur effectif est limité.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 130
D'ailleurs, le service régional des pêches de
Sédhiou a saisi ctte année, dans une opération de
sécurisation des ressources halieutiques cinquante (50) filets mono
filaments interdits à la pêche. Ces filets à petite maille
sont jugés dévastateurs des ressources halieutiques en ce qu'ils
prennent les jeunes générations de poissons.
Ces filets par les agents du ministère de la
pêche maritime sont incinérés et les contrevenants
présentés au procureur de la République pour pillage
organisé des ressources halieutiques. Dans le lot des accusés,
des Sénégalais mais surtout des Maliens grands prédateurs
dans ce domaine.
Du coup, l'effectif du personnel des agents de la pêche
doit être renforcé pour leur permettre de mener à bien leur
travail. Ce qui va contribuer à coup sur à lutter contre la
pêche destructrice des ressources marines.
Question: Avec les nombreux accidents
en mer se soldant par des pertes énormes en vies humaines, ne
devrions-nous pas rendre obligatoire le port du gilet de sauvetage?
Réponse: Effectivement le port
du gilet de sauvetage doit être rendu obligatoire car on a
constaté ces derniers temps de nombreuses pertes en vies humaines.
D'ailleurs, le ministère de la pêche a pris un arrêté
rendant obligatoire le port du gilet de sauvetage à bord des
embarcations non pontées.
Cet arrêté fixe les règles rendant
obligatoires l'embarquement et le port du gilet en vue de sécuriser les
conditions de travail en mer des pêcheurs artisans et des autres usagers.
Toute embarcation doit disposer d'un nombre de gilets de qualité et en
quantité supérieure au nombre de pêcheurs à bord.
Question : Pouvez-vous nous
l'utilité du port de ce gilet de sauvetage ?
Réponse : La conséquence
la plus visible de ce phénomène nouveau est le lourd tribut
annuellement payé en pertes de vies humaines: aujourd'hui, la plupart
des unités de pêche évoluent très loin de leurs
bases et à des distances de la côte supérieures à 20
milles nautiques sans les mesures de sécurité requises, notamment
l'usage des gilets de sauvetage.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 131
Le gilet de sauvetage constitue un moyen de
préservation des vies humaines ou, à la rigueur, un
élément aidant à retrouver les corps des pêcheurs en
cas d'accident.
Ces mêmes constats sont valables pour les pirogues qui
effectuent des activités de transport de passagers et de
marchandises.
Cet outil est d'autant plus nécessaire qu'il est
constaté, sous l'effet persistant de la sécheresse,
l'arrivée massive d'agriculteurs, d'éleveurs dans le secteur de
la pêche artisanale, ce nouveau type de pêcheurs sans
expérience, ni formation adéquate, est particulièrement
exposé, sans grands moyens de défense, aux risques liés
à la navigation maritime et fluviale à destination ou en
provenance des lieux de pêche.
Question : L'Etat n'est-il pas
responsable de la sécurité des personnes et des biens ?
Réponse : Bien sur, c'est l'Etat qui a en charge
de la sécurité de tous. D'ailleurs,
chaque année l'administration des pêches organise
chaque année, la journée nationale de sensibilisation sur la
sécurité en mer des pêcheurs artisanaux. Le focus est mis
sur le port du gilet de sauvetage avec comme slogan 'un
pêcheur, un gilet et aller en mer sans mort''. Les fonctionnaires du
ministère appellent les pêcheurs au port du gilet de sauvetage
mais aussi le renouvellement du parc piroguier en bois par des embarcations en
fibre de verre, non sans inviter les pêcheurs à mettre fin
à la capture des espèces immatures ou juvéniles..
Question : Pourriez-vous
faire une évaluation du nombre de victimes de ces accidents ?
Réponse : Ah, oui. Chaque
année des dizaines de victimes, des morts et des disparus sont
décomptés avec des pertes matérielles estimées
à des millions de F Cfa, suite à des accidents en mer. Le premier
semestre de 2014 semble confirmer la tendance avec 89 morts suite à 37
accidents, occasionnant des pertes matérielles estimées à
85 millions de F Cf.
A l'endroit des pêcheurs, l'Administration des
Pêches a invité à mettre fin à la
capture des juvéniles pour une bonne
régénération de la ressource.
FIN.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 132
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 133
Entretien: 3
Objectif :
Identifiant :
Personne interviewée :
Lieu de résidence : Dakar
Situation matrimoniale : Marié et cinq
enfants
Profession : Fonctionnaire
Question : Le Sénégal a
signé cette année des accords de pêche avec l'Union
européenne sur cinq ans pour un montant de six milliards de francs CFA
permettant à trente-huit navires européens de pêcher dans
nos eaux territoriales.
Qu'en pensez-vous ?
La confusion qui en a suivi est un signe annonciateur que ces
accords ne sont pas dans notre intérêt : le ministre de la
Pêche soutient que ce n'est qu'un renouvellement d'accords signés
en 2006 tandis que son prédécesseur dément que des accords
n'ont jamais été signés pendant cette période. Qui
croire ? De plus, tous les acteurs de la pêche se plaignent de n'avoir
pas été impliqués dans les négociations. Pourquoi
n'ont-ils pas été impliqués ?
Ces types d'accords ne sont jamais signés par un pays
qui veut être émergent dans ce monde moderne de compétition
et de sophistication. Ce sont des accords du passé : nous donnons ce que
nous avons de meilleur chez nous, à l'état brut de
matières premières non transformées, et nous recevons de
toutes petites compensations financières (6 milliards, c'est 0,002% de
notre budget ou 461 FCFA pour chacun des 13 millions de
Sénégalais, le prix approximatif d'un
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 134
« Yabooy67 » aujourd'hui). Nous devrions
nous placer dans un ordre totalement nouveau, en phase avec nos aspirations de
développement. Des accords de pêche en notre faveur devraient
prendre en compte trois dimensions : l'emploi, des technologies dont nous
bénéficions et l'optimisation de nos ressources. Toutes ces
dimensions sont absentes de ces accords.
Avec la baisse des captures de poissons, cet accord
est-il opportun ?
La crise du secteur de la pêche est une
réalité indiscutable que l'on peut mesurer à
l'échelle de la rareté des ressources dont se plaignent deux
catégories importantes de Sénégalais : les pêcheurs
et les ménagères. Doit-on en rajouter ?
Faut-il poursuivre ces accords ou non
A notre humble avis, il faut surseoir à ces accords,
impliquer tous les acteurs du secteur dans une concertation constructive et
prospective qui réoriente nos relations d'affaires maritimes avec
l'Union européenne dans le sens de la valeur ajoutée et des trois
dimensions mentionnées plus haut.
FIN.
67 Yabooy= sardinelles
Objectif :
Identifiant :
Personne interviewée :
Lieu de résidence : Dakar
Situation matrimoniale : Marié et trois
enfants
Profession : Fonctionnaire
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 135
Question : Le Sénégal a
signé cette année des accords de pêche avec l'Union
européenne sur cinq ans pour un montant de six milliards de francs CFA
permettant à trente-huit navires européens de pêcher dans
nos eaux territoriales.
Qu'en pensez-vous?
Je donnerai mon avis sans aucune motivation politicienne.
L'actuel Ministre de la pêche ne connait pas bien le secteur ou alors
à tout le moins, il a été mal renseigné. Ce
département étant très important pour notre
économie nationale, l'argumentation du Ministre de la pêche est
spécieuse, car ne méritant pas le terme de régularisation.
Et d'y aller de sa propre explication de ce que le ministre appelle
régularisation. Il y a ce que l'on appelle dans le milieu de la
pêche, les «canneurs», et qui se consacrent à la
pêche au thon. Ils sont en général ou espagnols ou
français, auxquels le gouvernement du Sénégal a
accordé la possibilité de pêcher le thon, et de
débarquer les captures au Sénégal pour alimenter les
industries de transformation des produits halieutiques. Il n'en existait alors
qu'une de fonctionnelle, en l'occurrence la SNCDS, qui depuis a
été rachetée par des partenaires coréens, et fait
l'objet d'une inauguration en grandes pompes par le Président de la
république en personne.
Donc, le gouvernement a toujours, sous certaines contradictions,
à ces «canneurs» le droit de pêcher.
Dans quelles conditions l'exportation est
permise?
Je poursuis en vous déclarant: «l'exportation n'est
autorisée que dans le cas où la SNCDS ne peut pas payer les
produits pêchés(tel n'est pas le cas pour le moment), el ces
canneurs sont alors autorisés à les réexporter».
Pourquoi le ministre parle-t-il de
régularisation?
Donc, je dis que parler de régularisation par le Ministre
n'est pas dire la vérité.
FIN.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 136
Entretien : 5
|
Objectif :
Identifiant :
Personne interviewée :
Lieu de résidence : Saint-Louis
Situation matrimoniale : Marié et cinq
enfants
Profession : Fonctionnaire
|
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 137
Le Sénégal a signé cette année des
accords de pêche avec l'Union Européenne sur cinq ans pour un
montant de six milliards de francs CFA permettant à trente-huit navires
européens de pêcher dans nos eaux territoriales.
Qu'en pensez-vous?
Curieusement, nous avons appris que l'Etat du
Sénégal a signé des accords de pêche en autorisant
38 bateaux des pays de l'union Européenne à venir pêcher
dans les eaux maritimes sous juridiction sénégalaise. Nous sommes
bien d'accord avec cette décision prise courageusement par le ministre
de la pêche Ali HAIDAR. Le véritable probléme dans ce
probléme, est que le ministre Ali HAIDAR a pris la ferme volonté
de mettre fin aux agissements de ces sénégalais bon teint, qui
servent de prête-noms à des compagnies étrangéres
alors qu'ils n'ont pas l'argent nécessaire pour l'acquisition de bateaux
qui valent des centaines de millions voire des milliards d'euros. Ces
sénégalais encaissent à eux seuls des centaines de
millions simplement parce que les licences sont à leurs noms.
Connaissez-vous ces sénégalais qui
s'adonnent à ces pratiques?
Oui, on connait ces quelques sénégalais qui se
servent depuis plus de vingt ans sur le dos du trésor publique, parce
que le tonage débarqué au port de Dakar leur rapporte
beaucoup.
Monsieur Ali HAIDAR, ministre de la pêche et le
gouvernement doivent s'attendre à une vaste campagne de
dénigrement contre le ministre, campagne orchestrée par des
sénégalais qui ne veulent pas qu' Ali HAIDAR leur enléve
les centaines de milliards de francs CFA qu'ils touchent en TTC! Les patriotes
doivent soutenir Ali HAIDAR dans son combat contre ces prévaricateurs
qui sont souvent installés dans des instances sportives, politiques,
religieuses et autres depuis de sannées.
Pourquoi êtes-vous d'accord avec cette
mesure?
Nous sommes d'accord pour plusieurs raisons dont je vous donnerai
parmi celles-ci deux:
1. L'Etat du Sénégal gagnera de l'argent pour
renflouer ses caisses, car l'argent qui allait dans les poches de ces
prévaricateurs sera récupéré par le trésor
public.
2. Les pêcheurs sénégalais n'ont pas de
gros bateaux pour aller dans les zones lointaines où se trouvent les
poissons. Si ces espèces ne sont pas pêchées, elles seront
perdues par le Sénégal car elles vont migrer dans d'autres zones
ou pays. Donc, le Sénégal perdra de l'argent, mais aussi du
poisson.
Pourquoi le ministre parle-t-il de
régularisation?
C'est une situation qu'il a trouvé car le ministre du
gouvernement précédent avait autorisé ces bateaux à
venir pêcher illégalement dans nos eaux. Donc, il fallait qu'il
régularise cette situation et en tirer le maximum de recettes pour le
Sénégal.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 138
Objectif :
Identifiant :
Personne interviewée :
Lieu de résidence : Mbour
Situation matrimoniale : Marié et trois
enfants
Profession : Fonctionnaire
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 139
Question : Le Sénégal a
signé cette annéedes accords de pêche avec l'Union
européenne sur cinq ans pour un montant de six milliards de francs CFA
permettant à trente-huit navires européens de pêcher dans
nos eaux territoriales.
Qu'en pensez-vous?
Ces bateaux qui viennent pêcher chez nous ne font que
nous ruiner,car ces bateaux balaient tout sur leur passage.Donc tous nos
poissons seront attrapés par ces bateaux! On paie à l'Etat du
Sénégal des centaines de millions d'euros mais nous les pauvres
citoyens ne voyont pas cet argent car, le plus souvent est
détourné et va dans la poche des politiciens. Et nous remarquons
depuis des années l'argent tiré des accords de pêche est
souvent scandaleux et les principaux responsables se rejettent la balle. Nous
n'avons rien, même de quoi à manger et on laisse ces bateaux nous
rendre encore plus pauvres en exploitant toutes nos ressources ! Nous ne
comprenons rien de ces nouveaux accords, car on nous dit que ce sont des
accords de régularisation, et si on doit régulariser, ce sont 8
bateaux au lieu de 38 bateaux. Et pourtant, nous avons appris que ces accords
ont concerné 38 bateaux. Pourquoi 38 bateaux ?
Le gouvernement vous n'avait-il pas demandé de
diminuer l'effort de pêche ?
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 140
Effectivement le conseil interministériel de juin
2013avait sorti comme décision de demander aux pêcheurs nationaux
de diminuer la pêche sur le merlu et aujourd'hui, ils autorisent des
bateaux étrangers à venir pêcher ces espèces de
poissons, c'est absurde.
Selon vous, quelles peuvent être les
conséquences de ces accords sur la ressource halieutique ?
On nous a dit que ces bateaux ne pêcheront que le thon.
C'est faux ! Ils ne se limiteront pas à pêcher seulement le thon,
ils viseront d'autres espèces car il sera impossible de les
contrôler. En plus de l'exploitation de nos ressources, ces bateaux
déversent toute sorte de déchets dans la mer. L'Etat doit revoir
ces accords, il doit nous protéger, sauvegarder nos ressources et
protéger l'environnement marin.
Ne devriez-vous pas changer vos comportements pour une
gestion durable des pêcheries ?
Vous avez raison, nous devrions changer dans la manière
d'exploitation des ressources car il y va de notre intérêt. Si les
captures baissent, nos revenus baissent aussi. Nous aurons des problèmes
pour entretenir nos familles et nous courons des risques de famine et pertes
d'emplois. Donc si nous voyons des irrégularités dans la gestion
de nos ressources, nous devons nous battre pour que cela cesse le plus
rapidement possible.
Etes-vous prêts pour sauvegarder les ressources
marines ?
Nous sommes évidemment prêts pour protéger
l'océan et son contenu car il y va de notre intérêt sinon
notre avenir restera précaire. Nous avons commencé à
attraper le listao qui est un thon qui se trouve dans les fonds des
océans et que seuls les grands bateaux pouvaient les attraper. Il y a
plus de 70 ans qu'on ne voyait plus cette espèce.
Pourquoi est-elle (Listao) revenue dans nos eaux
?
Je pense depuis que l'Etat a imposé le repos
biologique, le gel de la signature des licences de pêches, certainement
cette espèce a eu le temps de se reproduire et de réapparaitre
de
nouveaux dans nos eaux. Cela veut dire que l'Etat et
nous-mêmes devront tous avoir de nouveaux comportements dans la gestion
des pêcheries. Pour l'Etat : arrêt de la signature des accords de
pêche par exemple et pour nous : diminution de l'effort exercé sur
la ressource et respect du repos biologique par exemple.
FIN.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 141
Entretien: 7
|
Objectif : Accompagnement au changement pour une gestion
durable de la pêche artisanale maritime
sénégalaise.
Identifiant :
Personne interviewée :
Lieu de résidence : Mbour
Situation matrimoniale : Marié et quatre
enfants
Profession : Pêcheur
|
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 142
Le Sénégal a signé cette année des
accords de pêche avec l'Union Européenne sur cinq ans pour un
montant de six milliards de francs CFA permettant à trente-huit navires
européens de pêcher dans nos eaux territoriales.
Qu'en pensez-vous?
C'est vous qui me l'avez appris, si cela est vrai, c'est
normal! Je déplore la gestion du Ministre Khoureychi sous la
présidence de Abdoulaye WADE. Ce ministre avait signé en 2006 un
protocole thonier avec des navires étrangers, espagnols, français
de pêcher et de débarquer 15000 tones de thon par an au port de
Dakar.
Pourquoi êtes-vous d'accord avec cette
décision?
Nous avons depuis 2006 décrié cette situation,
nous ne pouvons rien faire, parce que ce sont les autorités qui
décident et qui font tout à notre place et sans nous consulter.Le
nouveau ministre est un écologiste, donc il se souci de la gestion
rationnelle de nos ressources halieutiques et de l'environnement marin. Avant
son entrée dans ce gouvernement,il était toujours à nos
côtés et défendait nos causes. Donc, c'est trés
nornal qu'il revient sur ces
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 143
accords avec l'Union Européenne en exigeant une
compensation financiére pour débarquer ce thon.
Paraît-il qu'il a régularisé 38
bateaux aulieu de 08 normalement?
Je ne le crois pas! Aussi, ce n'est pas du tout normal car ces
bateaux risquent de prendre tous nos poissons. Ce sont des bateaux qui ont de
grandes capacités de captures, ils raclent tout à leur passage.
On risque de tout perdre et de devenir très pauvre,car sans le poisson,
nous n'existerons plus. D'ailleurs,c'est lui même qui nous demandait de
réduire nos efforts de pêche ( limitation du nombres de pirogues
et interdiction de pêcher certaines espèces).
Le gouvernement vous n'avait-il pas demandé de
diminuer l'effort de pêche ?
Oui, le conseil interministériel de juin 2013 nous
demandé de diminuer le nombre de sorties en mer, de réduire le
nombre de nos pirogues, d'arrêter de pêcher le merlu et
aujourd'hui, ils autorisent des bateaux étrangers de pêcher ces
espèces de poissons.
Selon vous, quelles peuvent être les
conséquences de ces accords sur la ressource halieutique ?
Ces accords peuvent être bénéfique pour le
Sénégal d'un côté car ils permettent de
régulariser une situation anormale qui a été
décriée par tout le monde, de faire rentrer de l'argent dans les
caisses de l'Etat.
D'un autre côté, avec 38 bateaux, on risque de
perdre tous nos poissons. Actuellement nos ressources ne peuvent plus supporter
un grand nombre de bateaux, il n'y a plus de poissons sur les côtes
sénégalaises.
Ne devriez-vous pas changer vos comportements pour une
gestion durable des pêcheries ?
Vous avez raison, nous devrions changer nos pratiques dans la
manière d'exploitation des ressources car il y va de notre
intérêt. Ces dernières années nous souffrons tous du
manque de poissons dans les côtes sénégalaises. Nous
effectuons des dépenses énormes pour aller en mer
et dés fois, nous revenons bredouille, aucun poisson
attrapé ou peu. C'est une perte énorme pour nous et beaucoup
d'entre nous veulent se reconvertir à une autre activité
professionnelle plus rentable.
Etes-vous prêts pour sauvegarder les ressources
marines ?
Nous sommes obligés de protéger l'océan et
son contenu car il y va de notre intérêt sinon nous ne pourrons
plus entretenir nos familles.
Avec le repos biologique, nous avons commencé à
attraper le listao qui est une espèce qui se déplace dans les
océans (Sénégal, Mauritanie et Côte d'Ivoire).
Pourquoi est-elle (Listao) revenue dans nos eaux
?
C'est une espèce qui se déplace en haute mer de la
Mauritanie à la Côte d'Ivoire en passant par le
Sénégal. Et cette espèce même si elle n'est pas
pêchée au Sénégal, elle le sera dans d'autres pays.
En plus, nos pêcheurs n'ont pas les moyens de les attraper.
FIN.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 144
Objectif :
Identifiant :
Personne interviewée :
Lieu de résidence : Thiaroye
Situation matrimoniale : Marié et deux
enfants
Profession : Fonctionnaire
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 145
Question : Le Sénégal a
signé cette année des accords de pêche avec l'Union
européenne sur cinq ans pour un montant de six milliards de francs CFA
permettant à trente-huit navires européens de pêcher dans
nos eaux territoriales.
Qu'en pensez-vous?
Les accords de pêche avec l'Union Européenne
appauvrissent les sénégalais. Je ne suis pas du tout d'accord
avec ces accords. L'Etat du Sénégal doit aider les pêcheurs
sénégalais à avoir leur propre flotte qui pourra
accéder aux zones lointaines pour l'exploitation des ressources
halieutiques nationales.
Quelles peuvent être les conséquences sur
le plan social ?
Il ne peut y avoir de développement, de
croissance, d'émergence sans un respect strict des droits fondamentaux
des citoyens.
On n'interdit aux jeunes de Kayar, de Thiaroye, de N'dar, de
Yoff ou de Soumbédioune de prendre la mer (immigration clandestine) et
de rester au Sénégal pour travailler. Paradoxalement, au
même moment, on brade nos ressources halieutiques. La seule alternative
pour ces pêcheurs traditionnels est de subvenir aux besoins de leurs
familles. L'émergence ne se fera pas en appauvrissant une certaine
tranche de la population.
Le Sénégal, économiquement, un des pays
les plus pauvres de la planète, brade ses eaux territoriales à
l'Union Européenne au détriment de la population. En effet, le
gouvernement du Sénégal a mis en location pour les cinq
années à venir nos eaux pour un montant dérisoire. Avec la
complicité de nos autorités, des navires européens
pourront surpêcher en toute tranquillité, avec une modique somme
(1,5 milliard FCFA / An), sous nos eaux. Il n'y n?a aucune
légitimité dans ces accords de pêche. On veille aux
intérêts de l'Europe tout en trompant son peuple.
Selon vous quelle est l'importance
socio-économique de la pêche au Sénégal
?
La pêche artisanale est un des piliers de
l'économie sénégalaise. Elle emploie des centaines de
milliers de personnes, elle est aussi le premier secteur d'exportation du
Sénégal. Pour signer des accords, les acteurs de la pêche
devraient être consultés. Il nous faut redéfinir cette
politique de distribution des licences de pêche. Quelle gouvernance
vertueuse ! La rupture n'est pas pour demain.
FIN.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 146
TABLE DES MATIERES
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 147
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 148
REMERCIEMENTS
SOMMAIRE
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS
INTRODUCTION 1
1- L'objet de la recherche 4
2- Méthodologie 6
PARTIE I : LA PECHE AU SENEGAL 11
Chapitre I : Le secteur de la pêche au
Sénégal, une activité économique et ancestrale
12
1- Les méthodes traditionnelles de pêche
12
1-1- La filière artisanale 14
1-2- La filière industrielle 15
2- Importance culturelle et économique de la
pêche pour le Sénégal 16
2-1- Culturelle 16
2-1-1- Croyances et mythes liés aux
éléments naturels 16
2-2- Economique 21
2-2-1- La commercialisation des produits de la pêche
24
2-2-3- La transformation des produits halieutiques
26
3- Impact socio-économique de la pêche
27
3-1- Contribution au Produit Intérieur Brut
28
3-2- Contribution à la balance commerciale 28
3-3- Contribution au budget de l'Etat 28
3-4- Contribution à la sécurité
alimentaire 29
3-5- Contribution à l'emploi 29
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 149
Chapitre II : Une activité professionnelle soumise
à la diminution des ressources
halieutiques 31
1- Les difficultés actuelles du secteur de la
pêche au Sénégal 32
1-1- Les accords de pêche 32
1-2- Le pillage des ressources halieutiques 35
2- Les conséquences de la gestion irrationnelle
des ressources halieutiques 36
3- La disparition de certaines espèces (l'exemple
du mérou) 37
4- La surveillance des côtes maritimes 39
5- Le niveau de rentabilité des revenus en baisse
40
Chapitre III : L'apport de la sociologie de la traduction
43
1- De chefs religieux au rôle de traducteurs
45
2- Hypothèse 46
3- Enrôlement des acteurs 47
4- La relation de confiance entre les acteurs 49
PARTIE II : L'ETAT ET LA PECHE 53
Chapitre I : Une organisation étatique
spécifique et une administration sous contraintes 54
1- Structure et organisation administrative de la
pêche maritime sénégalaise 54
Les contraintes 56
2- Les organisations professionnelles impliquées
dans la pêche maritime 57
4-4- Dans la pêche artisanale 57
4-5- Dans la pêche industrielle 59
3- Les institutions de coopération internationales
59
Chapitre II : Les tentatives de changement et la
confrontation avec les pêcheurs 60
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 150
1- Les pratiques actuelles des pêcheurs
|
|
60
|
1-1- L'utilisation des mono-filaments
|
|
60
|
1-2- Des incidents nés de l'utilisation des
mono-filaments
|
|
62
|
1-3- La sécurité en mer
|
|
64
|
1-4- Le rôle de l'administration publique des
pêches
|
|
65
|
Chapitre III : La corruption et les pratiques frauduleuses
dans la pêche
|
|
66
|
1- La corruption :
|
|
67
|
1-1- Sous le régime du Président Abdou DIOUF
|
|
67
|
1-2- Sous le régime du Président Abdoulaye WADE
|
|
68
|
2- Des pratiques frauduleuses dans les eaux maritimes
sénégalaises
|
70
|
|
PARTIE III : VERS UN DEVELOPPEMENT DURABLE DES PECHES
AU
SENEGAL
Chapitre I : L'accompagnement au changement
|
73
74
|
1-
|
Les changements comportementaux
|
75
|
2-
|
Les différentes étapes du changement
|
77
|
3-
|
La conduite du changement
|
82
|
4-
|
La résistance au changement
|
83
|
|
|
4-1- Causes collectives
|
85
|
|
4-2- Causes structurelles et conjoncturelles
|
86
|
|
4-3- Causes individuelles
|
86
|
Chapitre II : Les résultats de la recherche 86
1- Impact de la confiance sur la gestion des ressources
marines 86
1-1-Le gel de la signature des accords de pêche
88
1-2- L'immatriculation des pirogues 89
1-3- La responsabilisation des acteurs professionnels
89
2- L'impact des résultats de la collaboration
90
CONCLUSION GENERALE 95
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 101
ANNEXES 106
SOMMAIRE DES ANNEXES 107
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 151
NOM : BA
|
Prénom: Gorgui Aly
|
Session de soutenance : Septembre 2015
|
FORMATION : Diplôme des Hautes Etudes en
Pratiques Sociales
Mention « Responsable d'Etude et de Projet Social »
(DHEPS)
|
TITRE : Les changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime
|
sénégalaise dans les pratiques pour une
gestion durable de la filière pêche
|
RESUME (250 à 350 mots) :
|
Cette recherche s'inscrit dans une démarche visant
à appréhender le degré de perception des
|
acteurs de la pêche maritime sénégalaise sur
la dégradation de la ressource halieutique et
|
comment y faire face actuellement par un changement de
comportement des acteurs, pour gérer durablement les stocks de poissons
disponibles.
|
Depuis 1990, en dépit de ses innombrables
potentialités, les ressources halieutiques du Sénégal
|
traversent une crise socio-économique et biologique sans
précédent. Cette crise va de la mal
|
gouvernance dans la gestion à la prolifération
des pratiques de pêche illégale, en passant par la faible
valorisation de la pratique de pêche.
|
Ce mémoire de recherche s'est intéressé dans
un premier temps à l'utilisation des
|
résultats d'études quantitatives sur la
sensibilité et les pratiques des acteurs, à l'étude des
|
rapports élaborés par les services étatiques
du Sénégal et d'ouvrages en relation avec le
|
thème, en mettant le tout en perspective avec des travaux
de sociologie.
|
Cette étude a révélé que tous les
acteurs sont unanimement conscients de la dégradation de la
|
ressource halieutique et que des mesures urgentes doivent
être prises. Par contre, certains ne
|
sont pas prêts et refusent tout changement. Elle a aussi
révélé que la corruption et des pratiques frauduleuses
gangrènent la pêche au Sénégal.
|
Dans le règlement des conflits, ce mémoire permet
de constater que les chefs religieux
|
qui comptent parmi eux de nombreux « talibés
» ou fidèles, doivent être impliqués dans conception
et la mise en oeuvre des décisions.
|
Si cette étude a, en outre, apporté des
éléments de réponse à la dégradation de
la
|
ressource halieutique au Sénégal, elle laisse
toutefois la question de la relation de confiance entre les acteurs non encore
élucidée.
|
MOTS CLES : développement durable
pêche, changements comportementaux, pillage des ressources halieutiques
au Sénégal
|
NOMBRE DE PAGES : 151 Volume(s) annexé(s)
: 0 1 2
|
CENTRE DE FORMATION :
|
Collège Coopératif Provence Alpes
Méditerranée
|
Europôle Méditerranéen de l'Arbois,
BP 50099
|
13793 AIX-EN-PROVENCE cedex 3
|