UNIVERSITE DU MAINE
Faculté des Lettres, Langues et Sciences
Humaines
Master Sciences Humaines et Sociales Mention
géographie et aménagement
Spécialité Politiques territoriales et
Développement durable
UNE AGRICULTURE URBAINE
DURABLE A KIGALI (RWANDA)
Félicien SEBUHINJA
Mémoire de Master 2
Sous la Direction de Fréderic FORTUNEL
Soutenu le 29 Septembre 2010
Composition du Jury : Fréderic FORTUNEL, Moise
Tzayem DEMAZE Maîtres de conférences
Année universitaire 2009-2010
i
RESUME
Le concept de durabilité de l'agriculture, dans le
contexte urbain, renvoie pour beaucoup, aux conditions de pérennisation
in situ de l'occupation agricole de l'espace et à la
contribution de l'agriculture au développement durable de la ville.
Abordant cette question de la durabilité de l'agriculture urbaine dans
la ville de Kigali, la présente recherche s'est interrogée sur
les dispositifs mis en oeuvre pour lever un certain nombre de contraintes
liées au devenir de ce type d'agriculture à Kigali.
Les résultats montrent que l'agriculture a toute sa
place dans cette ville dont le relief est montagneux d'Ouest en Est. Cependant,
la question de la mise en exergue de la fonction de production face à la
fonction identitaire reste encore posée ; C'est dans les espaces
à enjeux forts (zones pentues, zones humides) que l'agriculture des
grands espaces a été particulièrement localisée.
Une diversité de vues existe entre les acteurs de l'agriculture, de
l'environnement et de l'urbanisme sur le programme de l'agriculture urbaine et
périurbaine à adopter. La question qui se pose alors est de
savoir comment gérer les espaces et les activités agricoles par
rapport à la ville, à la fonction de production de l'agriculture
et aux exigences du développement durable: faut-il cloisonner ces trois
aspects ou tenter de les réconcilier ?
L'optique d'un développement durable reviendrait
à calculer la valeur hors marché de l'agriculture et à
examiner sous quelle forme on pourrait assurer la rémunération
des services qu'elle rend à la société. L'utilité
sociale ainsi créée permettrait de justifier les investissements
nécessaires à son maintien ou à son développement.
Un tel raisonnement ne pouvant pas s'appliquer aux biens environnementaux,
cette recherche conclue que sous l'effet combiné de l'urbanisation et
ses impacts sur l'environnement, il y aura probablement relocation de
l'agriculture des zones humides par les acteurs de l'environnement tandis que
celle des montagnes sera adaptée à son contexte (reforestation et
pâturage). La durabilité intrinsèque de cette agriculture
est donc compromise par des facteurs environnementaux et territoriaux.
Dès lors, ces résultats suggèrent
qu'au-delà du projet de master plan, un outil jugé
juridiquement non contraignant par lui-même, les dynamiques futures des
espaces et activités agricoles de la ville de Kigali, dépendent
des choix politiques qui seront faits par les élus de la ville et les
acteurs de l'environnement.
Mots-clés : développement durable,
agriculture urbaine durable, jeux d'acteurs
ii
ABSTRACT
The concept of sustainable agriculture in the urban context
refers to the conditions for the sustainability in situ of the
agricultural occupation of the space and the contribution of the agriculture to
the sustainable development of the city. Tackling this question of the
sustainability of the urban agriculture in the city of Kigali, the present
research analyzed the tools used to remove a number of constraints relating to
the future of this urban agriculture in Kigali.
The results show that the agriculture has its place in this
city where the terrain is mountainous West to East. However, the question about
the definition of the production function against the identity function of the
agriculture remains. The big spaces agriculture was localized in zones with
strong stakes (high sloping zones, wetland zones). There is a diversity of
views between stakeholders in the agriculture, environment and town planning on
the agenda of the urban and periurban agriculture. The question that arises is
how to handle spaces and agricultural activities over the city, the production
function of agriculture and sustainable development requirements: should these
three aspects be compartmentalized or reconciled?
The perspective of a sustainable development would be to
calculate the value of non-market agriculture and to consider what form it
could ensure in payment for the services rendered to the society. The social
utility thus created would justify the investment required for its maintenance
or development. However, such reasoning can not be applied to environmental
goods. This research concluded that with the combined effect of urbanization
and its environmental impacts, there will be probably a relocation of wetlands
agriculture by actors from environment while the dry agriculture will be
adapted to its context (reforestation and grazing). The internal durability of
this agriculture is then compromised by environmental and territorial
factors.
From then on, these results show that, beyond the master
plan project, which is not legally constraining by itself, the future
dynamics of the agricultural farmland and agricultural activities in the city
of Kigali depend on policy choices to be made by the city officials and the
actors. A dialogue between elected officials, stakeholders and users,
accompanied by an organized agricultural production should be fostered.
Keywords: sustainable development, sustainable
urban agriculture, actors' interplays
iii
TABLE DES MATIERES
RESUME ii
ABSTRACT iii
TABLE DES MATIERES iv
LISTE DES TABLEAUX vii
LISTE DES FIGURES vii
LISTE DES CARTES vii
LISTE DES PHOTOS vii
LISTE DES SIGLES ET
ABREVIATIONS viii
REMERCIEMENTS ix
INTRODUCTION 1
Ière partie : CADRE CONCEPTUEL ET METHODOLOGIQUE
DE LA
RECHERCHE 4
I. LA PROBLEMATIQUE 4
II. OBJECTIFS DE LA RECHERCHE
6
III. HYPOTHESES 6
IV. CADRE METHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE
6
IV.1. L'entretien semi-directif
6
IV.2.Analyse des jeux d'acteurs
7
IV.2.1. La matrice intérêt-pouvoir, adaptée
de Mendelow 8
IV.3. L'analyse de contenu 9
V. CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE
11
V.1. De la durabilité de l'agriculture
urbaine 11
V.2. De l'émergence de la question d'agriculture
urbaine durable 13
V.3. La construction de la place de l'agriculture dans le
territoire urbain 18
V.3.1. L'organisation du territoire 18
V.3.2. L'identité territoriale 19
V.3.3. L'environnement 19
V.3.4. L'économie agricole 19
V.3.5. La capacité des acteurs 19
iv
V.4. PRISE EN COMPTE DE L'AGRICULTURE
ET SES ESPACES 20
V.4.1. Les espaces agricoles dans le territoire urbain 20
V.4.1.1. Des surfaces agricoles à enjeux prioritaires
20
V.4.1.2. Des surfaces agricoles à enjeux forts 20
V.4.1.3.Des surfaces agricoles à enjeu faible ou nul 20
V.4.2. Les questions agricoles dans les schémas
d'aménagement 20
V.5. PROTECTION DES ESPACES AGRICOLES
22
V.5.1. Pourquoi protéger les espaces agricoles ? 22
V.5.2. Les outils de protection des espaces agricoles 24
V.5.2.1. Les directives de développement 24
V.5.2.2. Le zonage 25
V.5.2.3. L'acquisition de propriété 26
V.5.2.4. Les techniques d'incitation 28
V.6. La mise en exergue de la fonction de production de
l'agriculture devant
les fonctions identitaires
31
V.7. Outils d'analyse des pratiques d'acteurs à
questionner pour la durabilité de
l'agriculture urbaine 33
V.8. Différentes visions de l'agriculture urbaine
et ses espaces 36
V.8.1. Agriculture des grands espaces 36
V.8.2. Agriculture des espaces confinés 36
V.8.3.Agriculture de reliance dans les espaces
intermédiaires 38
V.9. Quels acteurs du schéma d'aménagement
sur les questions agricoles? 38
V.9.1. Les acteurs institutionnels 38
V.9.2. Les instituts d'expertise, de conseil, de recherche et de
formation 39
V.9.3. Les institutions d'enseignement et de formation 39
V.9.4. Les porteurs de projet (agriculteurs, coopératives,
entreprises agricoles...) 39
V.9.5. Les organismes professionnels agricoles 39
V.9.5.1. La chambre d'agriculture 40
V.9.5.2. Les autres organismes agricoles et forestiers :
syndicats et autres organisations
agricoles 40
V.9.6. Les acteurs de la société civile 40
V.9.7. Les organismes de crédit 41
V.9.8. Les acteurs « annexes » 41
v
V.9.9. Les absents des jeux de la
filière 41
DEUXIEME PARTIE : PRESENTATION DU CADRE
DE L'ETUDE 42
VI.1. Un contexte favorable à l'émergence
de la question agricole dans le projet
de territoire urbain mais contraint par le milieu
physique 42
VI.2. Un territoire en mutations
43
VI.3. L'agriculture dans les enjeux et jeux d'acteurs de
la gouvernance 48
territoriale urbaine 48
VI.3.1. Etat des lieux 48
VI.3.2. Orientations d'aménagement et de
développement 48
VI.3.2.1. Orientation gouvernementale 48
VI.3.2. L'agriculture urbaine dans le projet de territoire urbain
50
VI.3.2.1. L'agriculture dans le master plan de la ville de Kigali
50
VI.3.2.2. L'agriculture urbaine dans le plan stratégique
d'appui à l'agriculture
urbaine et périurbaine 56
a) Objectifs de la stratégie pour l'agriculture urbaine et
périurbaine 56
b) Actions envisagées 56
TROISIEME PARTIE : PRESENTATION, ANALYSE ET
DISCUSSION
DES RESULTATS 60
VII.1. Présentation des résultats
60
VII.1.1. Place de l'agriculture qui justifierait les choix
d'aménagement 60
VII.1.2. Comment l'agriculture est-elle prise en compte et
protégée ? 60
VII.1.3. Fonctions de production de l'agriculture de grands
espaces 61
VII.1.4. Comment s'organisent et se dessinent les jeux d'acteurs
? 63
VII.1.4.1. Le schéma d'acteurs 63
VII.1.4.2. Caractérisation sommaire des acteurs 64
VII.1.4.3. Les jeux d'acteurs 69
VII.2. Analyse et discussion des
résultats 75
CONCLUSION GENERALE ET RECOMMANDATIONS
79
PERSPECTIVES 84
BIBLIOGRAPHIE 85
vi
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1 : la matrice intérêt-pouvoir,
adaptée de Mendelow 9
Tableau 3: Projection de la population par district 44
Tableau 4 : Evolution de la densité de population 44
Tableau 5: Répartition des espaces ouverts de la ville de
Kigali 51
Tableau 6 : Infrastructures vertes de la zone rurale de la ville
de Kigali 54
Tableau 7 : Infrastructures vertes de la zone urbaine de la ville
de Kigali 55
Tableau 8 : Place de l'agriculture urbaine selon le master plan
et le plan stratégique 60
Tableau 9 : Agriculture urbaine dans les espaces ruraux et les
zones humides 61
Tableau 10 : Agriculture urbaine dans les espaces denses et
intermédiaires 61
LISTE DES FIGURES
Figure 1: L'espace dialogique 34
Figure 2: Espace dialogique et développement durable 34
Figure 3: Evolution de la population urbaine jusqu'à
l'atteinte de la capacité de charge
maximale 45
Figure 4: Evolution de la densité de population de 2005
jusqu'à l'atteinte de la capacité de
charge maximale 45
Figure 5: Transect de localisation de l'agriculture urbaine selon
le master plan 62
Figure 7:Schémas d'acteurs 63
Figure 8:la carte objet-acteurs de l'agriculture urbaine de
Kigali 71
Figure 9: La carte intérêt-pouvoir appliquée
à l'agriculture urbaine à Kigali 74
LISTE DES CARTES
Carte 1 : Répartition spatiale de la population urbaine en
2005 46
Carte 2: Répartition de la population urbaine à
l'atteinte de la capacité maximale 46
Carte 3: Répartition spatiale de la densité de
population en 2005 47
Carte 4: Densité de peuplement à l'atteinte de la
capacité maximale 47
LISTE DES PHOTOS
Photo 1: zone pentue ........
...............................................................
............42
vii
LISTE DES SIGLES ET
ABREVIATIONS
AOC : Appellation d'origine
contrôlée
AUP : Agriculture urbaine et
périurbaine
BPA : Bonnes Pratiques agricoles
FDC : fonds de développement
communautaire
CESE : Conseil Economique et Social
Européen
CRDI : Centre de recherche pour le
Développement international
EDD : Education au Développement
Durable
FAO : Fonds des nations pour l'Alimentation et
l'Agriculture
ICT : Information and Communication
Technologies
ISAE : Institut Supérieur
d'Agriculture
MINAGRI : Ministère de l'Agriculture et
des Ressources animales
OMS : Organisation mondiale de la
santé
ONG : Organisation non gouvernementale
PAPUK : Projet d'agriculture urbaine et
periurbaine de Kigali
PIB : Produit Intérieur Brut
PNUD : Programme des Nations Unies pour le
développement
PPI : Portail Phytosanitaire International
PRSP : Plan stratégique pour la
réduction de la pauvreté
PSTA : Plan stratégique de transformation
de l'agriculture
PURPLE : Periurban Regions Platform Europe
RADA : Rwanda Agriculture Development
Authority
RARDA : Rwanda Animal Resources Development
Authority
RBS : Rwanda Bureau of Standards
RDC : République Démocratique du
Congo
REMA : Rwanda Environmental Management
Authority
RHODA : Rwanda Horticulture Development
Authority
RUAF : Ressources Centre on Urban Agriculture
and Forestation
SRP : Stratégie de réduction de la
pauvreté
ZAP : Zone agricole protégée
viii
REMERCIEMENTS
L'élaboration de ce mémoire a
bénéficié du concours de nombreuses personnes que nous
tenons à remercier ici.
Nous pensons spécialement :
- à Monsieur Fréderic Fortunel, Maître de
conférences à l'université du Maine, pour avoir
accepté de nous diriger tout au long de ce mémoire. Ses conseils,
remarques et son accompagnement tout au long du mémoire nous ont
été d'une grande utilité ;
- à Cathy Mestail, Secrétaire du Master sciences
humaines et sociales à l'université du Maine, pour ses promptes
interventions chaque que fois que nous en avions besoin ;
- à Monsieur NAHIMANA Pascal, Agronome chargé de
l'agriculture urbaine dans la mairie de la ville de Kigali pour nous avoir bien
accueilli et aidé au cours de nos recherches ;
- à Monsieur RUGABA Silas, Coordinateur du Projet
d'Agriculture Urbaine et Périurbaine de Kigali (PAPUK), pour ses
orientations combien utiles ;
- aux autorités de la ville de Kigali pour nous avoir
autorisé à faire nos recherches dans la ville de Kigali ;
- aux agronomes de districts de Kicukiro et Gasabo pour leur
accueil chaleureux et leurs informations promptes et utiles ;
Finalement, j'adresse toute mon affection à ma famille qui
a vécu et partagé avec moi des moments de joie et des
périodes laborieuses. Merci de votre compréhension infinie !
Que tous ceux qui, de près ou de loin, nous ont
assisté d'une façon ou d'une autre, trouvent ici l'expression de
notre profonde reconnaissance.
ix
INTRODUCTION
Ce mémoire est le résultat d'un travail
commencé en 2007 lors de ma dernière année de licence
à l'Université Ouverte, Campus de Goma (RDC). Pendant cette
année de licence, j'ai été amené, de manière
un peu fortuite, à étudier la problématique des fermes
laitières de la ville de Kigali en perspectives de la vision
20201. Je voulais étudier si, au regard de ce plan prospectif
du Rwanda à l'horizon 2020, les fermes laitières de la ville de
Kigali jouissaient de certains atouts pour être davantage
modernisées et intensifiées. En master 1 à
l'Université du Maine (France), mes investigations ont porté sur
l'agriculture urbaine dans une démarche également
diagnostique.
Le mémoire de licence avait conclu qu'en
définitive, la simple reconduction des arbitrages qui structuraient la
situation des fermes laitières de la ville de Kigali conduirait à
leur suppression totale en ville. Les contraintes environnementale et
démographique obligeaient à faire ce choix.
Le mémoire de master 1 a montré que, bien que
l'agriculture urbaine et périurbaine fût bel et bien prise en
compte par le nouveau master plan de la ville de Kigali, la question
sur la façon dont elle redéfinissait sa place et son rôle
restait toujours posée. Les enjeux (territoriaux, productifs, sociaux,
environnementaux et paysagers,...) et les contraintes (techniques et
matérielles, institutionnelles, socio-économiques, physiques et
naturelles) étaient vraiment nombreux.
Dès lors, les questions qui se posaient à moi
étaient les suivantes : Comment l'agriculture et ses espaces sont-ils
pris en compte et protégés ?
Quelle réelle capacité ont les acteurs
concernés pour piloter le devenir de cette agriculture et
élaborer et mettre en oeuvre, à cet effet, des actions de
développement durable ?
Cette problématique générale sur le
devenir de l'agriculture urbaine dans la ville de Kigali devait donc être
envisagée lors de mon mémoire de master 2. Pour les besoins de ce
mémoire, j'ai choisi le thème intitulé `'Une
Agriculture urbaine durable à Kigali''. Parmi les nombreuses
définitions qui sont données à l'agriculture urbaine, ce
mémoire a retenu celle de Moustier et M'Baye (1998, cités par
Dabat, Aubry et Ramamonjisoa, 2006) qui définissent l'agriculture
urbaine par une localisation géographique dans la ville et sa proche
périphérie,
1 La vision 2020 est le plan prospectif du Rwanda
à l'horizon 2O20
1
la destination au moins partielle vers la
ville de ses produits, et l'existence d'une alternative entre usage agricole et
urbain non agricole des ressources. L'alternative ouvre sur des concurrences
voire sur des complémentarités (Moustier et al., 2004,
cités par BOUCHER , 2009): foncier bâti et foncier agricole, eau
destinée aux besoins des villes et eau d'irrigation ; travail non
agricole et travail agricole, déchets ménagers et industriels et
intrants agricoles ; coexistence en ville d'une multiplicité de
savoir-faire dus à des migrations, cohabitation d'activités
agricoles et urbaines génératrices d'externalités
négatives (vols, nuisances) et positives (espaces verts).
L'agriculture est ainsi en compétition et en
interaction avec d'autres usagers des espaces et d'autres secteurs
économiques urbains. La nature et l'importance des interactions qu'elle
entretient avec ces autres usagers de l'espace ainsi qu'avec les nombreuses
activités relevant d'autres secteurs économiques et sociaux vont
déterminer son statut.
Dans un contexte marqué par le changement, le
qualificatif `'durable'' accolé à agriculture urbaine à
Kigali, en référence au développement durable, voudrait
interroger l'avenir de cette activité. En effet, la rénovation
des schémas et plans d`urbanisme pose la question du devenir des espaces
agricoles confrontés d'une part à l'affectation des terres pour
la production agricole en complément de l'approvisionnement en
provenance du milieu rural ou des importations et, d'autre part, à la
revendication spatiale de la croissance urbaine qui consomme de façon
rapide et mal contrôlée les espaces et fragilise le secteur
agricole.
Ce mémoire postule que l'urbanisation et la rapide
croissance démographique à Kigali vont grignoter les espaces et
les terres agricoles de la ville. L'agriculture disparaîtra petit
à petit.
Jusqu'à récemment, les différents
schémas directeurs d'aménagement urbains de Kigali ont
relégué l'agriculture urbaine dans les réserves
foncières. Le premier plan directeur de la ville de Kigali,
établi en 1964, avait délimité une vaste réserve
foncière en prévision de l'extension de Kigali. Cette
réserve foncière servait pour l'agriculture urbaine en attendant
son urbanisation. Le schéma directeur d'aménagement urbain de
1981 avait prévu que les activités agricoles devaient se faire
dans les zones maraîchères et le milieu rural résiduel.
Depuis 2007, le territoire urbain fait objet d'une
planification concertée qui s'inspire des stratégies inclues dans
la vision 2020 du pays. C'est dans ce cadre qu'un master plan de la
ville de Kigali a été élaboré. L'agriculture
constitue une composante importante de ce
2
« nouveau territoire urbain
matérialisé par le master plan».
Elle est placée parmi les 5 premiers secteurs des finances
publiques de la ville de Kigali à savoir :
1. Le transport, infrastructure et ICT ;
2. Urbanisme et habitat ;
3. Agriculture, forêt et environnement ;
4. Eau et assainissement ;
5. Enseignement
Le présent mémoire va tenter de rendre compte de
ses travaux en suivant un plan organisé en trois parties:
- une première partie donne le cadre conceptuel et
méthodologique de la recherche. A ce niveau sont définis la
problématique, les objectifs, l'hypothèse et la
méthodologie de la recherche ainsi qu'un cadre théorique et
conceptuel destiné à mieux appréhender le thème
considéré ;
- la deuxième partie est consacrée au cadre de
l'étude pour mieux appréhender le terrain de la recherche ;
- la troisième partie s'attachera à
présenter, analyser et discuter les résultats.
3
Ière partie : CADRE
CONCEPTUEL ET METHODOLOGIQUE DE LA
RECHERCHE
I. LA PROBLEMATIQUE
En analysant les données sur la population de la ville
de Kigali et sa projection, la ville aurait une capacité d'accueil
maximale d'un peu plus de trois millions d'habitants. Cette capacité
maximale serait atteinte, selon les projections, aux environs de 2030
(hypothèse standard) ou en 2020 selon les projections hautes (2 993 100
habitants).
Les contraintes physiques limitent en théorie les
superficies constructibles pour le futur ; en retenant seulement les
superficies situées sur des pentes fortes (supérieures à
20 %) ou recouvrant des marais, 50 % du territoire de la ville n'est pas
constructible2. Ces espaces pourraient donc abriter l'agriculture
urbaine sous toutes ses formes.
Cependant, au vu de l'augmentation de la population durant les
prochaines années, il semble inévitable qu'il y aura un
empiètement de l'urbanisation sur des terres utilisées pour
l'agriculture. Sans orientation et sans volonté de la part de la ville
pour préserver une agriculture urbaine et périurbaine,
l'agriculture disparaîtra petit à petit. Le grignotage des terres
par l'installation de nouvelles parcelles d'habitation réduira
fortement, dans un futur proche, la possibilité de cultiver.
Ce qui est en jeu ici, ce sont les espaces et les terres
agricoles qui sont des supports des activités agricoles et de
l'agriculture urbaine en général. En effet, alors qu'à la
campagne on évolue vers la microparcellisation3, la ville
grignote les espaces et les terres agricoles qui l'entourent. Les espaces
agricoles ne devant pas être considérés uniquement comme de
possibles espaces à urbaniser, la société, dans son
ensemble, a donc intérêt à rechercher un équilibre
entre l'agriculture et l'urbain. Aussi est-il que selon Serge Bonnefoy
cité par Grumbach & Associés, 2008, p.23) « Il est
difficile de protéger les espaces agricoles pour eux-mêmes sans
trouver un sens social à l'agriculture et sans la rapprocher de la ville
et des
2 Les pentes supérieures à 20%
occupent 35% du territoire urbain soit 25 785 hectares tandis que les zones
humides n'occupent que 14% soit 10109 ha. Il ne reste alors que 37 000 ha qui
peuvent être développés (Kigali conceptual master plan,
2007, p.34).
3 La terre est, à chaque
génération, divisée entre tous les fils et filles d'un
même père. Ainsi, selon le National Institute of Statistics of
Rwanda, la terre cultivable disponible par exploitation familiale agricole est
passée de 1 ha en 1983 à 0,72 ha en 2006. Cependant, la nouvelle
loi foncière de 2005 interdit de diviser des propriétés
d'une superficie égale ou inférieure à 1 ha .
L'exploitation regroupée (consolidation des terres) est plutôt
encouragée.
4
citadins!» car « aucun outil ne
se suffit à lui seul, il faut à la fois du réglementaire,
du projet et du développement économique et des outils fiscaux
».
Si à Kigali, les premiers pas ont été
posés en reconnaissant l'agriculture urbaine et ses espaces dans le
nouveau master plan de la ville et en élaborant un projet d'agriculture
urbaine et périurbaine ainsi qu'un plan stratégique d'appui
à cette agriculture, force est de constater que ces initiatives
représentent certes un encadrement important mais pas suffisant pour
maintenir durablement une agriculture urbaine et périurbaine.
Le cheminement d'un territoire est le produit de forces
internes et externes, y compris les politiques qui articulent son
évolution (Calthorpe, 2006, Claval, 2006, cités par Ghalia et
al.) et le type d'agriculture retrouvé sur un territoire est la
réponse du milieu agricole aux besoins et aux attentes de la
société d'une part et à leurs propres besoins et choix
d'orientation d'autre part (Bryant, 1984 cité par Ghalia et al.).
Dès lors, la prise en compte des enjeux et des
différentes fonctions de l'agriculture ainsi que l'importance à
lui accorder vont dépendre des jeux d'acteurs locaux qui vont porter ces
enjeux dans le débat selon différents registres (Jarrige et al.
2006).
Nous nous interrogeons alors sur les dispositifs mis en oeuvre
pour lever un certain nombre de contraintes liées au devenir de
l'agriculture urbaine à Kigali. Les questions se déclinent ainsi
:
1. Quelle place l'agriculture est-elle appelée à
jouer et qui justifierait les choix d'aménagement ?
2. Comment les espaces et les activités agricoles
sont-ils pris en compte et protégés dans la mise en oeuvre du
master plan de la ville de Kigali?
3. Cette prise en compte de l'agriculture dans les dispositifs
d'aménagement favorise ou préserve-t-elle des espaces où
l'agriculture de grands espaces peut permettre aux fonctions de production de
l'agriculture de contribuer à l'expression de facteurs identitaires
lisibles ? Permet-elle l'émergence d'agricultures : de reliance
dans les espaces dits intermédiaires où se jouent une
mixité entre urbain et rural et celles des espaces confinés dans
les espaces urbains denses ?
4. Comment se dessinent et s'organisent les jeux d'acteurs
gravitant autour de l'agriculture urbaine et ses espaces ?
5
II. OBJECTIFS DE LA RECHERCHE
L'objectif principal de ce mémoire est de contribuer
à la bonne compréhension de la durabilité des espaces et
activités agricoles et donc d'aider à la décision pour
privilégier des modèles de développement durable. En
effet, sans omettre l'importance économique et les enjeux qui
pèsent sur l'agriculture, le développement durable est devenu
depuis sa consécration et sa mondialisation par le Sommet de la Terre
à Rio de Janeiro en 1992 un nouveau référentiel pour
l'action collective. N'étant plus possible d'ignorer les villes pour le
développement durable ou d'ignorer les questions de Rio pour les villes,
les choix politiques devraient se baser sur des expertises scientifiques
objectives afin que décideurs et agriculteurs envisagent des projets de
développement agriurbains réellement durables.
III. HYPOTHESES
Ce mémoire teste l'hypothèse selon laquelle le
maintien de l'agriculture urbaine et périurbaine dépend de sa
multifonctionnalité et par l'appropriation de cette
multifonctionnalité par les acteurs locaux. Au-delà des outils
classiques de prise en compte et de protection des espaces et activités
agricoles, le meilleur moyen de protéger les espaces agricoles est de
maintenir la rentabilité de l'agriculture.
Une deuxième hypothèse serait que la
durabilité de l'agriculture urbaine n'est pas qu'une question de
technique. Elle nécessite un intérêt fort des principaux
acteurs. Les choix politiques et les conflits d'intérêt sont les
principaux points de levier pour le changement.
IV. CADRE METHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE
En sus de la recherche documentaire, nous avons
principalement eu à faire recours à l'entretien semi-directif,
à l'analyse des jeux d'acteurs par la matrice
intérêt-pouvoir, adaptée de Mendelow et à l'analyse
de contenus.
IV.1. L'entretien semi-directif
Après avoir constaté que les questions agricoles
autour du master plan n'étaient portées que par les
services agricoles de la ville de Kigali et ses districts ainsi que le projet
PAPUK, nous avons opté pour un entretien semi-directif avec ces
services.
6
IV.2.Analyse des jeux d'acteurs
L'acteur est un groupe d'individus organisés, voire un
groupe d'organisations, poursuivant un certain nombre de projets en commun et
disposant de capacités de réactions communes (Roubelat [1993b, p.
272] cité par MOATI, 2003, p. 12). Une question préalable
d'importance capitale est de définir qui sont les acteurs qu'il convient
de prendre en compte. Godet ([2001c, p. 181cité par MOATI, 2003, p.12])
considère qu'il convient de prendre en compte, les acteurs qui « de
près ou de loin commandent les variables clés
identifiées.
Comprendre les relations d'interdépendance entre les
différents groupes d'acteurs, voir en quoi leurs actions, choix ou
décisions peuvent avoir une influence sur la trajectoire de
développement de l'agriculture urbaine, projeter des positionnements
futurs possibles ou probables afin d'intégrer au mieux la dynamique
inhérente à ces processus de jeux d'acteurs, nécessite en
premier lieu l'identification des acteurs, et leur classification en fonction
de critères pertinents.
Il s'agit donc d'identifier et de recenser les acteurs qui
déterminent, influencent ou subissent les choix de
l'implémentation future de l'agriculture urbaine. En effet, un ensemble
de groupes de composition plus ou moins homogène vont intervenir pour
donner forme à sa trajectoire de développement. Un certain nombre
de ces groupes sont visibles, déjà activement impliqués
dans la détermination de la forme de cette trajectoire - alors que
d'autres ne disposent pas encore de point d'entrée concernant la
problématique de développement de cette filière. Or, tous
ces groupes vont, in fine, exercer une influence à travers leur
positionnement et leurs actions, conditionnées par leur liberté,
leur pouvoir, leurs positions respectives, ainsi que leurs interactions avec
les autres acteurs.
En s'appuyant sur les groupes d'acteurs qui ont pu être
identifiés - qu'ils soient présents et actifs, qu'ils restent
passifs, ou qu'ils puissent être qualifiés d'« acteurs
cachés » - une deuxième étape consiste à
mettre à jour les différents systèmes de valeur en
présence, ainsi que les représentations que les acteurs ont
construit de la problématique. Les relations que les acteurs
entretiennent les uns avec les autres, des affrontements ou des alliances
potentiels, seront déterminés entre autres par la concordance ou
la divergence des systèmes de valeurs sous-jacents, ainsi que des
relations de confiance ou de discorde existants.
Afin de mener à bien l'analyse des jeux d'acteurs,
différents méthodes et outils sont disponibles mais leurs
objectifs et leur portée diffèrent. Ainsi avons-nous choisi, dans
le cas 7
présent de l'analyse des jeux
d'acteurs relatifs à la trajectoire de développement futur de
l'agriculture urbaine, de ne retenir qu'une seule méthode d'analyse: la
matrice intérêt-pouvoir, adaptée de Mendelow.
Une analyse des situations de pouvoir et des jeux entre
acteurs aujourd'hui permet de déterminer la forme et le fond des actions
liées à la mise en oeuvre d'une gouvernance inclusive. Il est
possible d'utiliser ces espaces pour analyser la situation et le positionnement
des groupes d'acteurs de l'agriculture urbaine à Kigali et analyser
leurs comportements à l'aide des classes de décision à
l'horizon où la population atteindra un niveau insoutenable et où
les impacts de l'urbanisation sur l'environnement commenceront à se
poser avec acuité.
IV.2.1. La matrice intérêt-pouvoir,
adaptée de Mendelow
Initialement, Mendelow [in Gilomini, 2007 cité par
PFEIFLE, 2008] présente une matrice destinée aux entreprises pour
analyser le traitement qu'il convient d'accorder aux diverses parties prenantes
afin de tenir compte des divers jeux de pouvoir entre acteurs, de
déterminer les acteurs clés et de satisfaire l'ensemble des
parties prenantes autant que possible afin d'améliorer la situation de
l'entreprise agissante elle-même. Il est possible d'adapter cette analyse
organisationnelle au niveau sociétal. En effet, en identifiant les
divers groupes d'acteurs, il devient possible de les placer dans la matrice
proposée en fonction de l'intérêt que portent ces parties
prenantes à une décision, et en fonction de leur pouvoir
d'influence sur la décision.
Mendelow distingue alors quatre types d'acteurs dont chacun
mérite un traitement propre (Pfeifle, 2008, p.25):
- Les acteurs dont l'intérêt pour le
problème traité est faible et qui n'ont pas de pouvoir
d'influence sur les choix ne font, a priori, l'objet d'aucun effort (de
communication, d'implication) de la part des acteurs souhaitant exercer une
influence sur la direction et la forme que peut prendre, par exemple, la
trajectoire de développement d'une filière technologique. En
effet, les ressources disponibles (financières, humaines, en temps...)
étant rares par nature, le nécessaire arbitrage quant à
leur utilisation se fera en fonction du résultat escompté par
rapport à l'objectif poursuivi.
- Les acteurs dont l'intérêt est
élevé (parce qu'ils sont directement concernés, par
exemple) mais le pouvoir d'influence faible peuvent être satisfaits en
les gardant informés des avancements effectués ou
prévus.
8
- Les acteurs disposant a priori d'un
niveau d'influence élevé, mais d'un intérêt (encore)
faible pour le problème sont à surveiller étroitement :
les garder satisfaits permet à ceux souhaitant piloter le
problème de « gérer » au mieux la contrainte
potentielle que pourrait devenir une opposition de la part de ce groupe
d'acteurs. Si l'intérêt de ce groupe augmente, alors ils sont
à compter parmi
- les acteurs clés : ceux qui non seulement disposent
d'un pouvoir d'influence théorique, mais qui l'exercent également
pour atteindre leurs objectifs propres. Ce dernier groupe d'acteurs est celui
qui façonnera in fine non seulement le problème, mais
aussi la solution qui peut y être apportée, ainsi que le mode de
prise de décision ou le mode de mise en oeuvre de la solution.
Tableau 1 : la matrice intérêt-pouvoir,
adaptée de Mendelow
Intérêt pour la décision
|
Pouvoir
|
|
Faible
|
Élevé
|
|
d'influence sur le
|
|
|
|
|
Faible
|
Effort minimal
|
À garder informés
|
|
choix
|
|
|
|
|
Élevé
|
À garder satisfaits
|
Acteurs clés
|
Source : Pfeifle, 2008
|
|
|
|
|
|
|
La position de chaque acteur dans la matrice permet
également de faire des projections sur les comportements futurs des
acteurs, que ce soit pour soutenir ou alors pour rendre plus difficile le
développement de l'agriculture urbaine.
Dans un deuxième temps, il devient possible de
représenter les relations entre certains acteurs à
l'intérieur de la matrice : ainsi, un lien de coalition ou d'opposition
peut être représenté, tout comme des relations
conflictuelles ou généralement coopératives entre
acteurs.
Le futur, ou plutôt les futurs possibles, peuvent
être approchés ou faire l'objet de projections, en partant de la
situation observée, en extrapolant et interprétant les signaux
(parfois faibles) émis : il n'y a pourtant pas de relation
déterministe entre l'image obtenue ici et la réalisation de la
situation future.
IV.3. L'analyse de contenu
L'analyse de contenu est une technique de recherche
utilisée pour la description objective, systématique et
quantitative du contenu manifeste des communications et ayant pour but de les
interpréter (Michael Kelley cité par Mammadou
Diouf,sd).
9
L'analyse de contenu a pour objectif de
recueillir et traiter des données mentionnées dans un texte pour
le caractériser ou caractériser son auteur (personne, groupe ou
organisation). Le texte peut être unique ou constituer une compilation
d'articles, sites web, comptes-rendus, projets, transcriptions d'entretiens,
réponses à des questions ouvertes, etc.
Deux démarches de travail sont possibles (
Aubert-Lotarski,2007):
- repérer dans le(s) document(s) des informations
répondant à des questions au préalable identifiées
;
- faire émerger des régularités, des
tendances ou des singularités
Pour cela, on élabore une grille thématique,
décrivant les faits, idées, opinions... que l'on s'attend
à trouver et un « code book » sorte de questionnaire
sur le texte qu'on utilise pour noter la présence des thèmes dans
la réponse ou le fragment de texte considéré. Le travail
d'analyse consiste à lire le texte en isolant les passages significatifs
pour l'étude et en notant les thèmes qu'ils contiennent.
Nous avons surtout fait appel à l'analyse de contenu afin
notamment de:
a) Mieux appréhender les objectifs affichés ou
associés, les finalités recherchées, les stratégies
développées et les moyens mis en oeuvre pour favoriser,
préserver et redynamiser l'agriculture urbaine à Kigali ;
b) Mesurer les niveaux d'articulation et de mise en
cohérence entre les différents outils et dispositifs de
planification en vigueur en matière d'agriculture urbaine.
C'est pour toutes ces raisons que nos principales sources ont
été la mairie de la ville de Kigali. De fait, tous les documents
consultés ont été des documents émis (produits) par
ou pour le compte de la mairie (documents de planification stratégique
ou sectorielle, textes d'orientation, ...). Deux documents ont
particulièrement retenu notre attention. Il s'agit du master plan
de la ville de Kigali et de la stratégie d'appui à
l'agriculture urbaine et périurbaine de Kigali.
10
V. CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL
DE LA RECHERCHE
Toute pratique est informée par une théorie, que
celle-ci soit consciente ou non (Fragnière, 1986, p.23). C'est pourquoi
nous avons préféré rédiger cette partie
théorique pour mieux mettre en contexte notre recherche.
V.1. De la durabilité de l'agriculture urbaine
La définition la plus usuelle du développement
durable est celle qu'en a donnée la commission Brundtland en 1987 et
reprise en 1992 à la Conférence de Rio : "Un
développement qui répond aux besoins du présent
sans compromettre la capacité des générations futures de
répondre à leurs propres besoins". C'est une notion qui a
fortement émergé depuis quelques décennies du
fait de la prise de conscience de la limitation des ressources à notre
disposition (matières premières, biodiversité, espace
disponible, eau, etc.) et des problèmes environnementaux
provoqués par les activités humaines. Cette notion se situe
à la croisée de trois piliers ou objectifs fondamentaux :
- un pilier économique qui vise à continuer
à produire des richesses pour satisfaire les besoins de la population
mondiale ;
- un pilier social qui veille à réduire les
inégalités à travers le monde ;
- un pilier environnemental qui cherche à
préserver l'environnement que les générations futures
recevront en héritage.
Quelque soit l'option retenue, l'optique d'un
développement durable amène inévitablement à
respecter les règles suivantes (Pearce-Turner-1990, cité par
Monédiaire, 1999) :
- puiser dans les ressources renouvelables à un taux de
cueillette inférieur au taux de renouvellement ;
- rejeter dans l'environnement des déchets à un
taux inférieur à la capacité d'assimilation du milieu.
A ces conditions le développement sera durable,
à la nuance près du stock de ressources épuisables, et il
sera limité à la durée de vie de ce stock. Pour
acquérir des degrés de liberté supplémentaires,
plusieurs solutions sont possibles (Monédiaire, 1999) :
11
- substituer des ressources renouvelables
aux ressources épuisables, ce qui en milieu urbain concerne les
politiques de transports, d'énergie, de construction...Il s'agit ensuite
de substituer du capital artificiel au capital naturel quand cela est
justifié4
- efficacité : le but est techniquement et
économiquement accessible ;
- durabilité : la durée d'utilisation des
produits détermine le rythme auquel ceux-ci sont remplacés, et
par conséquent le montant des ressources utilisées ainsi que la
quantité de déchets rejetés. Si on passait à un
système de remplacement lent, on diviserait par deux la consommation des
ressources et le montant de déchets. Pour ce faire, plusieurs
stratégies complémentaires sont envisageables sans restreindre le
niveau de vie des populations : réutilisation des produits,
réparation, remise en état, recyclage. C'est dans cette
perspective qu'il faudrait voir le rôle que pourrait jouer l'agriculture
urbaine.
Appliqué à l'agriculture, le terme durable
intègre, tout comme lorsqu'il est rapporté au
développement, des dimensions à la fois économiques,
sociales et environnementales, sur diverses échelles, spatiales et
temporelles. En agriculture, les différentes voies
développées en direction de la durabilité visent à
atteindre des rendements acceptables tout en réduisant les impacts
environnementaux négatifs. Ce sont des approches systémiques qui
considèrent l'activité agricole dans ses interactions avec le
milieu naturel l'environnant. Elles s'appuient à des niveaux
variés sur la prise en compte des équilibres écologiques,
voire tentent de reproduire le fonctionnement des systèmes naturels pour
améliorer la productivité à long terme du système
agricole (François Laurent, 2006).
Dans le contexte urbain, la notion d'agriculture durable fait
écho aux liens entre agriculture et ville (AWA BA et AUBRY, 2010). Deux
types de durabilité des exploitations de l'agriculture urbaine sont
distingués par Awa et Aubry (2010):
- une durabilité appréhendée par les
facteurs internes : la viabilité économique, la vivabilité
de l'exploitation, dont témoignent la transmissibilité et la
reproductibilité de l'exploitation elle-même, ainsi que ses
impacts environnementaux.
- Une durabilité externe: vision que les
décideurs urbains et les résidents ont sur le futur de cette
agriculture comparativement à d'autres utilisations possibles de
l'espace (logements, industries, espaces verts, etc.).
4 C'est-à-dire quand le surcroit de
productivité du capital artificiel est supérieur au surcroit de
ressources naturelles qu'il a fallu pour le produire.
12
Le croisement de ces deux
durabilités semble approprié pour le contexte urbain (idem):
durable « intrinsèquement », une exploitation agricole urbaine
peut être condamnée par l'existence de projets urbains
(d'infrastructures par exemple) jugés prioritaires ; a
contrario, les urbains peuvent souhaiter conserver, par exemple pour des
raisons d'aménités paysagères (Donadieu et Fleury, 2005),
des exploitations agricoles dont la viabilité économique ou la
vivabilité sociale ne sont pas assurées.
Pour Godard et Hubert (2002) cités par BA et AUBRY, la
durabilité de l'agriculture s'entend, d'une part, par la
durabilité autocentrée de l'exploitation, d'autre part, par sa
contribution à la durabilité du territoire qui l'inclut. Le
concept de durabilité de l'agriculture5, dans le contexte
urbain, renvoie pour beaucoup, d'une part, aux conditions de
pérennisation in situ de l'occupation agricole de l'espace,
étant donné que la construction sur un espace agricole
est un phénomène largement irréversible ; d'autre part,
à la contribution de l'agriculture au développement durable de la
ville (Dabat, Aubry et Ramamonjisoa, 2006).
La durabilité à long terme de l'agriculture
urbaine et périurbaine est conditionnée par la capacité
des agriculteurs et des fonctionnaires urbains à exploiter les avantages
de l'environnement tout en réduisant les problèmes et en trouvant
les moyens de garantir aux producteurs l'accès à la terre
(FAO-Comité de l'agriculture, 1999).
V.2. De l'émergence de la question d'agriculture
urbaine durable
ØAgriculture
urbaineØ est une expression qui semble assez
paradoxale au premier abord la ville étant
définie en dehors de l'agriculture. Pourtant, l'association de ces deux
termes a priori antinomiques désigne une pratique bien
réelle et qui prend sa source au coeur d'anciennes
civilisations. Des fouilles archéologiques ont ainsi
révélé de vastes systèmes agricoles (réseaux
d'irrigation, systèmes de rotation des cultures, potagers et vergers) au
sein d'importantes zones urbaines, qu'ils s'agissent de cités grecques
du IVème siècle avant J.C., de villes
fortifiées de l'Europe médiévale ou de métropoles
aztèques datant de plus de quatre mille ans ( Oboulo.com, 2008). Il y a
4000 ans, dans les villes semi désertiques de perse, une forme
d'agriculture intensive y était pratiquée et elle utilisait les
déchets de la communauté comme terreau (Vijoen A., et al. 2005,
p.IX).
5 On entend par agriculture durable une agriculture
qui, dans ses processus de développement, est économiquement
viable, socialement vivable et qui préserve les ressources
écologiques, pour le présent et pour le futur (notion de
solidarité intergénérationnelle issue du rapport Bruntland
« Our Common Future » de 1987).
13
En 1600, des citadins d'Angleterre ont
été incités à cultiver en ville afin de contrer une
possible invasion espagnole. L'idée fut reprise lors des deux guerres
mondiales alors que les gouvernements américain et britannique ont fait
pression sur leurs citoyens pour que ceux-ci transforment tous les espaces
inutilisés de la ville en « Victory Garden » afin de
supporter l'effort de guerre (Keven Boutin , 2009).
En 1943, deux ans à peine après le début
de la guerre, 20 millions de jardins de la victoire produisaient 30 à
40% des légumes consommés dans le pays. Des milliers de terrains
abandonnés en ville étaient défrichés et
cultivés collectivement par les habitants du quartier. Le Bureau de la
Défense Civile encourageait et habilitait ces initiatives, mais ce
phénomène se mettait en place sans cela parce que les citoyens
qui n'étaient pas au front voulaient participer à l'effort de
guerre, et le jardinage était, finalement, une façon très
agréable de servir la patrie (Chip WARD, 2009).
Désignant ainsi une pratique ancestrale, l'expression
est cependant récente. On accorde à Pierre Vennetier, par son
enquête sur l'agriculture urbaine au Congo à la fin des
années 1950, le mérite d'avoir ouvert ce domaine d'étude
et la création de l'expression en question. Ce chercheur utilise en
effet le terme de « vie agricole urbaine » en 1961.
Si certains auteurs affirment que c'est depuis les
années 1970 que le terme d'agriculture urbaine est clairement
utilisé, d'autres comme Pierre Donadieu et André Fleury avancent
que le terme d'agriculture urbaine, utilisé par le Programme des Nations
Unies pour le développement (PNUD), semble avoir été
inventé à la fin des années quatre vingt pour rendre
compte de processus émergents dans les villes pauvres de la zone
tropicale (Donadieu et Fleury, 2004, p.18). Les tenants des années 1970
partent sans doute du constat que c'est depuis la fin des années 1970
que l'agriculture urbaine progresse dans bien des régions du monde. En
effet, durant cette période, on rapporte une résurgence de
l'agriculture urbaine dans les villes comme Bogota, Madrid, Moscou, New York,
Vancouver et dans beaucoup d'autres coins du globe ((Vijoen A. et al. 2005,
p.IX). Une enquête des Nations Unies conduite dans 20 pays à
travers le monde et les bibliothèques en 1991-1993 conclus qu'un nouveau
système alimentaire urbain était en train d'émerger
(idem).
La reconnaissance de l'agriculture urbaine comme
activité productive a démarré de façon très
fragmentée: un chercheur intéressé ici, un projet de
développement là. C'est vraiment à partir de 1990 que
cette reconnaissance s'est étendue, grâce à
l'émergence rapide d'un maillage plus
14
cohérent à
différentes échelles (Nasr J., De Bon H., Dubbeling
M.. 2005). Le processus de transformation, y compris divers
efforts de mise en réseau (certains plus aboutis que d'autres) sera
opéré à travers la mise place de deux centres de
ressources et têtes de réseaux (UAN et RUAF) ainsi que le
rôle important de soutien du CRDI canadien et du gouvernement hollandais.
Ensuite, d'autres réseaux plus régionaux seront
créés: en Amérique latine et Caraïbe, le
réseau AGUILA a été le premier à apparaître
comme tel; en Asie du sud, le réseau est une des composantes d'un projet
axé sur l'approvisionnement des villes; enfin au Moyen Orient et en
Afrique du Nord, le réseau passe actuellement à l'état
émergent, avec une phase d'incubation.
De 1975 à 1985, les autorités d'au moins 22 pays
( 10 en Asie, 6 en Afrique et 6 autres en Amérique latine ) appuyaient
dans ce domaine des initiatives qui visaient à fournir des terrains et
autres intrants pour la production, des initiatives d'aide technique, de
production et de distribution de denrées alimentaires domestiques, de
phytotechnie en arboriculture et de zootechnie en élevage de petits
animaux, de remplacement des importations alimentaires, de nutrition et de
distribution, d'entreposage et de conservation d'aliments ( Wade, 1987, p. 38-
41 cité par Mougeot, 2005).
Malgré l'essor qu'elle connaît et sa prise en
compte croissante tant par des programmes internationaux, des travaux de
recherche, des politiques publiques ou encore des associations visant à
la promouvoir, force est de constater que ce type d'agriculture reste dans le
domaine de l'informel et doit faire face à nombre de
préjugés et de contraintes. Beaucoup de villes ont probablement
fourni les moyens d'encouragement et les terrains d'essai grâce auxquels
on a puisé les innovations de systèmes agricoles plus intensifs
et plus productifs. Par contre, d'autres l'ont harcelé même en
période de crise alimentaire (Mougeot, 2005).
De plus, il est à noter un point central, des
différences fondamentales existent au sein de l'agriculture urbaine
selon qu'elle est pratiquée dans le « Nord » ou dans le «
Sud ». Ces différences font référence aux formes
mêmes que prend cette agriculture, mais avant tout au rôle de
celle-ci. Tandis qu'au « Nord », à l'époque
contemporaine, elle connaît un essor surtout en tant que pratique
récréative pour répondre à un besoin grandissant de
nature de la part des citadins, en lien avec la place croissante des
préoccupations environnementales dans les sociétés
occidentales (agriculture d'agrément) ; au « Sud », elle
relève souvent avant tout de
15
la simple survie en particulier dans les
villes pauvres de la zone tropicale où un jardinage à
finalité nourricière s'est développé ( agriculture
de crise).
Plus tard, de nouvelles fonctions relationnelles recomposant
son lien à la ville lui seront reconnues. Des formes originales seront
développées (agriculture de toit en Amérique du Sud ou en
Asie ou fermes urbaines en Amérique du Nord). Des finalités de
convivialité de quartiers, d'insertion sociale (de malades, de
réfugiés, de délinquants, etc.) ou parfois plus politiques
comme à New-York (green guerillas) et des objectifs particuliers,
propres au groupe social concerné lui seront attribués.
C'est pourquoi la production alimentaire urbaine est devenue
une industrie complexe et florissante. Selon le PNUD (1996 cité par
Donadieu P., 2003 ), 800 millions de personnes sont, surtout pour des raisons
alimentaires, directement concernées par l'agriculture urbaine, ainsi
que 200 millions d'agriculteurs, souvent à temps
partiel.
Dans un récent rapport (CESE, 2004, cité par
Peltier, 2006), le Conseil économique et social européen a pris
position pour l'intégration de la question de l'agriculture urbaine et
périurbaine dans le cadre de la préparation de la nouvelle PAC
pour 2007-2013. L'European conference on city and countryside organisée
le 21 octobre 2004 à La Haye a permis le croisement des
différents réseaux et l'adoption de la motion PURPLE19 (idem).
Deux lignes s'en dégagent : une ligne « pays du
Nord » soucieux plutôt d'une agriculture entrepreneuriale,
adaptée à la « nature en ville » et assurant un
entretien des espaces ouverts à des coûts raisonnables; une ligne
« pays du Sud » plutôt soucieux d'une agriculture familiale, de
promouvoir les produits de qualité et l'identité culturelle de
l'agriculture périurbaine.
Au coeur même de la justification de la promotion de ce
changement d'attitude, il y a les indications qui se multiplient sur la
contribution qu'apporte l'agriculture urbaine à la
sécurité alimentaire des villes.
Cependant, un des changements les plus remarquables de ces
évolutions, sera l'inversion des valeurs traditionnelles. L'agriculture
prend un sens urbain très fort. Le maintien de son espace est devenu si
nécessaire qu'il doit devenir durable (Fleury A. et Donadieu P.,
2004).
16
Récemment haïssable pour ses
défauts (FAO, 1996, cité par SEBUHINJA, 2009) :
- pollutions et autres nuisances spécifiques à
l'agriculture ;
- ponction des ressources naturelles (terre, eau, sol, etc.)
;
- risques pour la santé (eau potable, contamination par
le plomb, hygiène);
- détérioration écologique (usure des
sols, risque de contamination de la nappe phréatique);
- besoins en infrastructures ou adaptation des
équipements;
- criminalité due aux vols ;
- conflits sociaux dus à une utilisation mixte des
terres,
elle a entrepris la reconquête de son image : elle
apprend à être productive sans nuisances. La totalité de
ses productions doit être reconnue, et pour cela, elle doit tirer un
profit de la production d'un bien rare, le paysage (Fleury A. et Donadieu P.,
2004, p.14).
Ce sont les problèmes alimentaires mais aussi de
création d'emplois et de revenus et d'amélioration du cadre de
vie que vivent des millions de citadins à travers le monde qui ont
favorisé la réflexion sur l'intégration de l'agriculture
à la ville (AWA, 2007).
Deux facteurs ont cependant joué en faveur de la
réinsertion de l'agriculture dans la logique urbaine (Roland Vidal et
André Fleury, 2009) :
- Le premier est que, dans les pays de vieille culture agraire
comme en Europe du Nord-Ouest, ou en Amérique du Nord (Nouvelle
Angleterre, Nouvelle France), l'agriculture reste une constituante essentielle
de l'identité nationale ; ainsi, à Ottawa, la ceinture de verdure
rend hommage à l'eau, à l'agriculture et à la forêt
comme éléments fondateurs du pays. Il en est de même en
France où son retrait, matérialisé par la friche, est
néanmoins davantage vécu comme un recul de la civilisation que
comme retour de la nature.
- Le second facteur, d'émergence récente, est la
conscience croissante du coût environnemental de la distance de
l'approvisionnement alimentaire, avec un nouveau mot-clé, le compte des
food-miles. Ce concept, apparu en Amérique du Nord, voudrait
mettre en avant le fait que la protection de l'environnement passe aussi par
une réduction de la distance, mesurée en miles, que
parcourent les aliments avant d'arriver dans l'assiette des consommateurs.
Forts de ce constat, les praticiens de l'agriculture urbaine ont
mis alors au point ou adapté une diversité remarquable de
systèmes de production et de techniques de sélection de cultures.
Ce
17
qui leur permet en principe de tirer le
meilleur parti possible du climat, de la topographie et des autres contraintes
ou atouts d'ordre géographique de la trame urbaine. De la sorte,
l'agriculture est devenue un bien et un service commun aux citadins et c'est
ensemble qu'espaces cultivés et espaces bâtis participent au
processus d'urbanisation et forment le territoire de la ville. Elle combine les
traits de l'agriculture et le développement de la ville. Sa mise en
valeur en zone urbaine suppose donc la remise en cause de certaines pratiques
de l'aménagement urbain.
V.3. La construction de la place de l'agriculture dans le
territoire urbain
Les propos qui justifient les choix d'aménagement des
schémas directeurs sont des choix stratégiques qui
révèlent une perspective de développement global
cohérent de la région urbaine. Deux objectifs sont
présentés (Schéma Directeur de la région
Grénobloise, 1998 cité par Bertrand et Rousier, 2003) :
- favoriser la croissance économique dont on peut
s'attendre à ce qu'elle soit consommatrice d'espaces et
- soutenir une attractivité reposant sur la
qualité de l'environnement, c'est-à-dire sur la
préservation de l'environnement et la mise en valeur des espaces
naturels.
Certains territoires font le choix d'ouvrir plus largement
leurs réflexions aux acteurs agricoles. Une réelle
difficulté réside cependant, dans la construction d'un compromis
qui pourra ensuite être porté au niveau décisionnel et
être intégré dans les documents du schéma
d'aménagement territorial.
Lorsque les commissions sont ouvertes aux acteurs, la plupart
du temps, compte tenu de leur caractère transversal et multifonctionnel,
agriculture et forêt sont abordées dans deux commissions : «
économie » et « environnement », qui peuvent
revêtir des noms aux couleurs plus locales. Les commissions
spécifiquement agricoles sont exceptionnelles.
Dans tous les cas, le projet de territoire urbain convoque
l'agriculture explicitement ou implicitement pour quatre grands thèmes
(Certu et al., 2008): l'organisation du territoire, l'identité
territoriale, l'environnement et l'économie agricole.
V.3.1. L'organisation du territoire
L'objectif est de « tenir le territoire » afin
d'éviter l'étalement urbain et de préserver la
qualité de vie. Il s'agit donc d'associer l'agriculture au devenir de la
ville.
18
V.3.2. L'identité
territoriale
C'est un cran supplémentaire dans la recherche de
l'organisation du territoire.
Une première approche sera plus ruraliste et
défensive: conserver et valoriser le rapport de dualité et de
complémentarité qui enrichit le territoire, et faire en sorte que
les intérêts de l'économie agricole et de la
ruralité puissent être préservés au mieux. Une
deuxième approche cherchera à s'appuyer sur la production
agricole pour valoriser l'identité globale. L'agriculture participe
à la structuration du territoire en s'appuyant sur la qualité des
terroirs et des appellations.
V.3.3. L'environnement
Il s'agit bien entendu de l'acception `'environnement'' comme
protection du milieu naturel. Cette acception interroge les pratiques
agricoles. Dans les territoires où le sujet n'est pas conflictuel, des
préconisations agro-environnementales sont mentionnées
expressément.
V.3.4. L'économie agricole
C'est in fine l'aune à laquelle on
évaluera la manière dont un projet d'aménagement s'empare
de la question agricole. Et c'est bien évidemment pour la profession
l'enjeu majeur qui déterminera à ses yeux une bonne prise en
compte de l'agriculture.
V.3.5. La capacité des acteurs
La place de l'agriculture sur des territoires soumis à
l'influence urbaine dépend fortement de la capacité des
agriculteurs locaux et des autres acteurs à se structurer et à
participer à un projet de développement. Les groupements
agricoles s'investissent comme acteurs de l'aménagement local. D'autres
acteurs, élus, associations, habitants, s'emparent de la question
agricole et renouvellent le débat sur les fonctions de l'agriculture.
Ils deviennent forces de proposition, participent au processus
d'élaboration de projets de territoire et interviennent dans la
négociation des politiques territoriales.
Par cette capacité des acteurs à dialoguer sur les
enjeux locaux, à construire des projets, des formes de structuration de
territoires spécifiques sont définies où l'agriculture
trouve une place. Les fonctions de l'agriculture ne se renouvellent pas
seulement sous l'influence des évolutions dans les conceptions de la
ville chez les aménageurs et les urbanistes. Elles 19
dépendent aussi du jeu des acteurs
dans les dynamiques de développement local et pour une part, dans la
capacité des agriculteurs à se structurer autour d'un projet de
développement et à nouer des alliances avec d'autres acteurs
(Peyrache-Gadeau, Fleury, 2005).
V.4. PRISE EN COMPTE DE L'AGRICULTURE ET SES ESPACES
V.4.1. Les espaces agricoles dans le territoire
urbain
En ville, les espaces agricoles deviennent l'une des trois
composantes de l'espace urbain à savoir les espaces urbanisés,
les espaces naturels et les espaces agricoles.
Les espaces agricoles, groupés dans ce que l'on appelle
les espaces ouverts ou espaces « verts » en milieu urbain (parcs
urbains, jardins communautaires ou d'agréments, forêts...),
pourront être catégorisés en trois sortes de surfaces
agricoles (chambre d'agriculture de la Savoie, de la Haute Savoie et le parc
naturel régional du massif des Bauges, 2008) :
V.4.1.1. Des surfaces agricoles à enjeux
prioritaires :
- parcelles présentant des bonnes conditions
d'exploitation : surfaces mécanisables et facilement accessibles,
- grands blocs d'exploitations, vierges de toute
construction,
- pâturages de proximité aux abords des lieux de
traite,
- parcelles incluses dans le périmètre AOC
viticole.
V.4.1.2. Des surfaces agricoles à enjeux forts
:
- surfaces présentant des conditions d'exploitation
plus difficiles (terrains pentus ou difficilement mécanisables du fait
de la présence d'arbres ou de talus),
- îlots d'exploitation de petites surfaces,
isolés ou à proximité de grands ensembles
déjà urbanisés et répondant à une logique
d'urbanisation à moyen terme.
V.4.1.3.Des surfaces agricoles à enjeu faible ou
nul :
- parcelles totalement enclavées dans des zones
bâties,
- terrains utilisés à des fins privatives
(jardins...), situés à l'intérieur ou en limite de
secteurs déjà urbanisés et répondant à une
logique d'urbanisation à court terme.
V.4.2. Les questions agricoles dans les schémas
d'aménagement
Les questions agricoles sont abordées dans les
schémas d'aménagement sous deux angles
différents, qui méritent d'être
distingués (Certu et al., 2008) :
20
- celui de l'espace agricole comme
structurant le territoire avec sa dimension multifonctionnelle qui croise le
paysage, l'identité, l'environnement, les loisirs... et
- celui de l'agriculture comme activité
économique qui porte le regard sur les exploitations agricoles, les
filières, le foncier, la pérennité des structures...
Un diagnostic agricole est toujours nécessaire. Deux
approches peuvent être utilisées pour appréhender la
question agricole lors du diagnostic agricole (Certu et al., 2009) :
- L'approche à dominante
technico-économique porte un regard centré sur
l'activité des exploitations agricoles du territoire et
leurs contraintes propres, notamment spatiales (organisation du parcellaire,
déplacements agricoles...), saisonnières... Elle réalise
un état des lieux par filière et ne doit pas omettre de
considérer l'amont et l'aval des différentes filières car
le poids en emplois de l'agroalimentaire et des services liés à
l'agriculture est souvent supérieur à celui des emplois agricoles
directs. Cette approche identifie les forces et faiblesses des filières
dans leur globalité, éventuellement les liens entre
filières (productions végétales-alimentation animale...)
pour réussir à considérer l'économie agricole dans
son ensemble.
- L'approche à dominante territoriale
croise le regard agronomique sur les bassins de
production, les terroirs (AOC...) ou des petites régions
agricoles et le regard géographique sur les systèmes
d'exploitation (ex : lien entre la vallée, les coteaux et les alpages en
agriculture de montagne). Ce type de diagnostic, dégage des
unités agro-paysagères qu'il faut mettre en lien avec les autres
usages de l'espace (loisirs, production d'eau potable, gestion des risques
d'incendie, d'inondation...). Cette approche pose la question de
l'échelle pertinente pour traiter de l'agriculture dans un schéma
d'aménagement et du niveau de précision nécessaire dans le
diagnostic: en fonction des problématiques locales, certains constats
vaudront pour tout le territoire mais certaines zones à la
sensibilité particulière pourront mériter des
études plus précises du parcellaire ou sur les mutations du
bâti agricole par exemple.
Qu'il comporte une entrée à dominante territoriale
ou technico-économique, le diagnostic agricole tiendra à :
- relier l'agriculture au territoire (toutes les facettes
reliant l'agriculture à la ville sont traitées, les
réalités vecues par les agriculteurs:[pression foncière,
difficultés de déplacement,...] et les ressentis
[hypersensibilité des voisins aux nuisances agricoles, invasion du
territoire agricole par les pratiquants de loisirs verts...] sont ressortis.
- poser les bases du dialogue: il identifie les leviers
d'actions mobilisables par le schéma
d'aménagement, mais les acteurs doivent aussi prendre
conscience des limites de l'outil de 21
planification : tous les enjeux
relevés ne pourront trouver leur réponse dans le schéma,
mais pourront déboucher sur des actions complémentaires.
- aboutir aux enjeux qui seront traduits dans le projet
d'aménagement et de développement durable (PADD). Dans ce projet,
les textes à portée juridique normative cèdent de plus en
plus la place à des textes à portée politique
déterminant des objectifs à poursuivre. Il appartiendra ensuite
au Document d'Orientations Générales (DOG) de traduire ce PADD
dans des prescriptions respectueuses de la loi.
V.5. PROTECTION DES ESPACES AGRICOLES
V.5.1. Pourquoi protéger les espaces agricoles
?
Liés à un niveau de richesse et à une
conscience environnementale renforcée, des arguments ont
été avancés pour protéger les espaces agricoles au
titre d'enjeux économiques, esthétiques et environnementaux (AFT,
2003 cités par Dissart, 2006).
Selon l'argument économique, les espaces agricoles
devraient être protégés car il s'agit de maintenir la base
du système agroalimentaire, important pour les économies en
termes de balance commerciale, de création d'emploi et de revenu. Le
maintien des espaces agricoles permet d'accompagner l'augmentation de la
demande globale liée à l'augmentation de la population et des
revenus et à l'ouverture des marchés. Les produits locaux sont
les mieux placés pour répondre à la demande de
qualité et de traçabilité, sans oublier le principe de la
souveraineté alimentaire, selon lequel la population doit avoir
accès à la production alimentaire de sa région. Outre son
rôle primaire de produire des denrées alimentaires, l'agriculture
urbaine gagnerait à se diversifier en exploitant des niches
économiques liées à la proximité de
l'agglomération, comme la gestion de déchets verts (compostage et
épandage des déchets) et la production d'énergie
renouvelable à l'aide de la paille issue de la grande culture ou de
copeaux de bois.
Les espaces agricoles et naturels devraient également
être protégés pour des raisons fiscales : un
développement urbain éparpillé se traduit par des
coûts d'équipement élevés qui sont financés
par des impôts accrus ; de manière générale, les
espaces naturels sont sources d'aménités qui augmentent les
valeurs des propriétés et les revenus issus du tourisme (Brabec,
1994 cité par Dissart, 2006).
22
La valeur des espaces agricoles et
naturels, toutefois, va au-delà de critères économiques :
exploitations agricoles et paysages attrayants contribuent à la
singularité d'une communauté, fournissant des repères dans
l'espace et augmentant la qualité de vie locale.
Dans une perspective environnementale, les espaces agricoles
et naturels fournissent aussi des services écologiques comme le maintien
de la biodiversité, la protection des zones humides, le filtrage des
eaux résiduaires, le rechargement des nappes phréatiques, la
séquestration de carbone, la résorption des pollutions agricoles
et une contribution à la qualité de l'air. Les sols devraient
être économisés au titre de ressource finie et non
renouvelable.
Le monde agricole peut être un partenaire des
collectivités pour la gestion de risques naturels comme les feux de
forêt (lutte contre la friche), les inondations (gestion des zones
d'expansion des crues), les risques d'avalanches en montagne (pâturages,
estives)... L'agriculture peut avoir un rôle central pour la production
de biomasse et la lutte contre l'effet de serre (bois-énergie et
cultures énergétiques) ainsi que pour la valorisation des
déchets urbains (épandage des boues de station
d'épuration, méthanisation, co-compostage)...
Aussi, est-il que l'activité agricole s'accommode mal
de la proximité de zones habitées, la présence de
riverains compliquant le fonctionnement des exploitations et constituant un
frein potentiel à leur développement. Pour son fonctionnement,
l'activité agricole doit en effet disposer de bâtiments et d'un
matériel importants. La bonne circulation entre le siège de
l'exploitation et les terrains exploités est également un
élément vital.
Par ailleurs, l'élevage engendre naturellement diverses
nuisances, bruits, odeurs, circulation des cheptels, épandage des
effluents, qui peuvent générer des conflits de voisinage
susceptibles de se multiplier, en particulier dans les espaces
périurbains. Il s'agit alors d'assurer aux entreprises agricoles des
conditions optimales de fonctionnement, en maintenant les zones d'urbanisation
à distance des sièges d'exploitation, en réservant un
dégagement suffisant de la zone cultivée, lorsque l'exploitation
est adossée à une zone construite, en conservant des circulations
adaptées et dégagées pour accéder aux terres
cultivées.
En outre, pour fonctionner, l'exploitation doit
bénéficier non seulement d'un espace agricole
préservé, mais aussi de conditions favorables pour évoluer
et se développer. L'espace exploité est affecté à
un usage strictement agricole, pour en garantir la pérennité. Il
s'agit d'éviter des installations et implantations d'activités
annexes, voire concurrentes, de
23
l'agriculture, qui contribuent au mitage
de l'espace agricole et renforcent la pression sur le foncier.
Des exigences, parfois trop sévères aux yeux des
entreprises agricoles les plus proches de l'agglomération (qui limitent
leurs projets de construction) sont imposées par certaines
municipalités : hangars, caves, changement d'affectation de
bâtiments agricoles, etc.
L'ensemble des espaces agricoles et naturels autant que
l'activité agricole sont donc menacés par l'urbanisation, dans
les zones d'urbain dense comme dans les zones d'urbain dispersées.
L'enjeu devient alors d'assurer une préservation à long terme de
l'espace agricole, dont une partie non négligeable présente un
intérêt écologique.
En revanche, des arguments ont également
été avancés contre la protection des espaces agricoles
(Gordon & Richardson, 1998 cités par Dissart, 2006). D'abord, les
niveaux de productivité actuels sont tels que la perte d'espace agricole
ne constitue pas une menace pour l'offre alimentaire nationale. Ensuite,
l'agriculture ne crée pas autant d'emplois que les autres secteurs
économiques, si bien que la protection de ce secteur se traduit par un
gaspillage de ressources. Les critiques font également remarquer les
coûts environnementaux de l'agriculture liés à la pollution
diffuse. Enfin, en matière d'aménagement, il est reproché
à la plupart des programmes de protection d'être coûteux et
inefficaces parce qu'ils ne font que rediriger l'urbanisation et, dans certains
cas, contribuent à l'étalement des zones bâties.
V.5.2. Les outils de protection des espaces
agricoles
Il existe plusieurs classifications des techniques de
protection des espaces agricoles et naturels (Adelaja & Schilling, 1999 ;
AFT, 2002 ; AFT, 1997 ; Beesley, 1999 cités par Dissart, 2006). La
classification proposée ici s'inspire de Daniels (1999b cité par
Dissart, 2006) qui la présente comme un ensemble de techniques de
gestion de la croissance dans les espaces périurbains. Quatre outils
tirés principalement du modèle américain ont
été répertoriés : les directives de
développement, le zonage, l'acquisition de propriété et
les techniques d'incitation.
V.5.2.1. Les directives de développement
Sous le registre des directives de développement on
trouve principalement le master plan (schéma directeur) et
l'urban growth boundary (limite de croissance urbaine).
24
a) Le master plan
Le but du master plan est de définir une
vision et de guider le développement sur la base de projections de
population et des besoins fonciers correspondants. Les avantages de ce plan,
sont nombreux : donne une base légale au zonage et autres règles
d'usage du sol, définit des objectifs de croissance et de protection,
identifie des zones ciblées pour une gamme d'utilisations du sol,
promeut le développement ordonné des équipements. Ses
inconvénients principaux sont qu'il n'est pas légalement
contraignant par lui-même, n'a pas à promouvoir de vision
régionale, et peut être ignoré dans les décisions
quotidiennes. Le master plan peut promouvoir la protection des espaces
agricoles et naturels en encourageant la définition de limites de
croissance urbaine ou l'adoption d'une zone agricole protégée ou
encore en incorporant l'utilisation de programmes d'achat ou de transfert de
droit à bâtir.
b) La limite de croissance
Mise en place par un État, une limite de croissance
urbaine a pour objectif de gérer l'extension urbaine en contrôlant
son timing et en déterminant les usages du sol permis aux niveaux local
et régional. Ligne théorique tracée autour d'une
agglomération, cette limite définit une zone permettant
d'accommoder la croissance anticipée à 10-20 ans et limite
l'extension des équipements. Cette mesure demande également aux
collectivités d'identifier les sols à forte valeur de ressource
et de les protéger de l'artificialisation. En conséquence, elle
promeut un développement plus compact, moins coûteux en termes de
service, décourage l'étalement urbain et peut protéger les
espaces agricoles et naturels si elle est combinée à d'autres
techniques. Cependant, elle nécessite un zonage restrictif
au-delà de la limite et une politique de phasage de la croissance
à l'intérieur. Si elle sous-estime les besoins, elle peut aussi
entraîner une augmentation du coût du foncier liée à
la restriction de l'offre.
V.5.2.2. Le zonage
Le zonage définit les usages du terrain permis dans des
zones spécifiques délimitées. Il comprend principalement
deux techniques : la délimitation d'une zone agricole
protégée et le zonage en grappe (cluster zoning).
Principalement mise en oeuvre au niveau local, une zone
agricole protégée identifie une ou plusieurs zones où
l'agriculture est l'usage privilégié du sol et décourage
(sinon interdit)
25
d'autres usages. Le but est de limiter
les conflits d'usage en séparant les activités agricoles des
autres et de protéger une masse critique d'exploitations et de terres
agricoles. L'identification de la zone est généralement
basée sur des critères de localisation et de qualité du
sol. Ce type de zonage peut aussi spécifier le nombre d'habitations par
km2, la taille minimale des terrains ou autoriser des
activités commerciales (vente directe). Au-delà de son impact sur
l'activité agricole, ce zonage permet aussi de maintenir l'espace non
bâti et de limiter la spéculation immobilière, le tout
à un coût réduit pour le contribuable. Cette technique,
toutefois, requiert des terrains importants (ou nombreux) et contigus et des
éléments sur la taille minimale des lots. De plus, la zone
ciblée peut être parsemée de propriétés ; les
propriétaires fonciers ne sont pas indemnisés pour la restriction
d'usage ; les collectivités peuvent changer le zonage et les terrains
sont vulnérables à l'annexion.
Également mis en oeuvre au niveau local, le zonage en
grappes permet ou exige que les bâtiments soient groupés sur des
terrains dont la taille minimale est importante. Ce zonage est parfois
utilisé, aussi, pour accorder aux promoteurs un bonus de densité
sur un site tandis que la portion du terrain qui n'est pas bâtie est
sujette à une servitude de protection. Le zonage en grappes permet un
développement moins coûteux que le mode périurbain
classique et plus sensible à la protection de l'environnement. Les
détracteurs de cette technique soulignent qu'elle protège
davantage le foncier que l'activité agricole parce que les
propriétaires du terrain protégé peuvent ne pas vouloir
louer leur propriété en raison des nuisances potentiellement
associées à l'agriculture.
V.5.2.3. L'acquisition de propriété
Il existe trois principaux outils d'acquisition de
propriété pour la protection des espaces agricoles et naturels :
le programme d'achat de droit à bâtir (purchase of development
right), le programme de transfert de droit à bâtir
(transfer of development right) et la fiducie foncière
privée (private land trust), qui tous reposent sur un droit
à bâtir négociable. D'autres techniques existent, comme
l'achat de propriété traditionnel (qui porte sur l'ensemble du
faisceau de droits) ou l'expropriation.
Essentiellement mis en oeuvre par les États, le programme
d'achat de droit à bâtir consiste à payer les
propriétaires fonciers pour qu'ils ne construisent pas sur leur
terrain, ce qui offre une protection plus forte et plus durable que le zonage.
Un propriétaire vend le droit à bâtir à une agence
gouvernementale ou une organisation de conservation privée, qui en
général lui 26
paie la différence entre la valeur
du foncier non bâti et celle constructible : la valeur de la servitude.
Cette dernière correspond à l'usage « le meilleur et le plus
élevé » (highest and best use), en
général résidentiel ou commercial. Ainsi, l'acheteur
acquiert la responsabilité d'imposer la servitude de protection
tandis que le vendeur est indemnisé pour la perte du droit à
bâtir. Les États peuvent jouer plusieurs rôles dans
l'exécution de ce type de programme, dont le partenariat avec les
collectivités locales pour acheter des servitudes.
Le programme d'achat de droit à bâtir est
intéressant pour les propriétaires et la société.
Pour les propriétaires, la technique capte la plus-value du terrain et
l'indemnité peut servir à rembourser des emprunts ou
réaliser des investissements. La valeur plus faible du terrain devenu
non constructible facilite la reprise des exploitations ou les nouvelles
installations. De plus, les propriétaires peuvent recevoir des
crédits d'impôt et restreindre l'accès à la
propriété qui demeure privée. Par rapport à la
société, cet outil permet une protection permanente, aide
à maintenir une masse critique de foncier non bâti et évite
la question du taking. Les collectivités peuvent aussi cibler
les terrains. Cependant, ce programme peut s'avérer coûteux pour
une commune, avec opposition possible des contribuables. Il peut ainsi
être difficile de protéger une surface significative et le
programme peut résulter en un archipel de terrains
protégés. Une diversité de moyens existe pour lever les
fonds nécessaires, y compris dons privés, contributions
croisées des collectivités et taxation locale.
Généralement établi au niveau local, un
programme de transfert de droit à bâtir est utilisé pour
déplacer le développement d'une zone agricole ou naturelle vers
une zone de croissance plus proche des équipements. Le droit de
construction est transféré d'une zone émettrice vers une
zone réceptrice, de sorte qu'une servitude de protection permanente
restreint l'usage de la zone émettrice tandis que la zone
réceptrice peut être bâtie à une densité plus
élevée que celle normalement permise par le zonage. Le
gouvernement peut assumer plusieurs rôles : soit les collectivités
approuvent les transactions entre propriétaires privés et
promoteurs et contrôlent les servitudes ; soit les collectivités
créent des banques de transfert qui achètent les droits à
bâtir des propriétaires et les revendent à des promoteurs
souhaitant construire à des densités plus élevées
(Daniels & Bowers, 1997 cités par Dissart, 2006).
Ainsi, mettre en place un programme de transfert requiert : 1)
l'identification d'une zone à protéger, 2) l'identification d'une
zone de croissance, 3) un ensemble de droits à bâtir, et 4) une
procédure par laquelle les droits de construction sont
transférés d'une propriété à l'autre
27
(Daniels & Bowers, 1997 cité
par Dissart, 2006). Un programme de transfert offre tous les avantages d'un
programme d'achat. De plus, il est davantage guidé par le marché
et peut ne pas requérir de fonds publics. Ce programme est flexible,
pouvant servir à protéger des terres agricoles aussi bien que des
zones écologiquement sensibles ou des monuments historiques.
Bien que théoriquement efficace, la technique de
transfert n'a pas été beaucoup utilisée en raison de sa
complexité. Les propriétaires voisins de la zone
réceptrice peuvent aussi s'opposer à une densité plus
élevée (phénomène NIMBY). Enfin, les crédits
de transfert sont généralement basés sur la surface
possédée et pas nécessairement sur la localisation, la
qualité des sols ou l'accès aux équipements (Daniels,
1999b cité par Dissart, 2006).
Une fiducie foncière est une
organisation de conservation privée, à but non lucratif,
créée pour protéger les ressources naturelles (ainsi que
les monuments historiques) pour le public. Une fiducie foncière
achète ou accepte des dons de servitudes de protection, d'argent ou de
propriété. Elle a aussi pour mission d'éduquer le public
et peut conseiller les collectivités et particuliers en matière
de planification immobilière. Les avantages de cet outil sont multiples
: protection permanente du foncier, possibilité de forger des
partenariats publics-privés à faible coût pour la
collectivité, déductions fiscales pour les donateurs alors que le
terrain demeure en propriété privée, enfin le terrain
reste dans l'assiette fiscale. Les inconvénients incluent le manque de
fonds, la possibilité de créer des îlots de protection
dispersés, peu de contrôle des collectivités sur la
désignation des zones à protéger et des incitations
fiscales insuffisantes pour nombre de propriétaires. Toutefois, Daniels
(1999b cité par Dissart, 2006) estime que les fiducies foncières
sont des outils prometteurs en zone périurbaine.
V.5.2.4. Les techniques d'incitation
Les techniques d'incitation pour la protection des espaces
agricoles et naturels comprennent principalement la taxation
préférentielle sur la propriété, le district
agricole et la loi sur le droit-à-exploiter.
La taxation préférentielle sert
à encourager les propriétaires à maintenir le foncier en
usage agricole ou naturel. Cet outil repose sur l'hypothèse que des
impôts plus élevés réduisent les profits et que le
manque de rentabilité est un facteur majeur de la conversion des
terrains. Deux types de programme existent : 1) circuit breaker tax relief
credit, qui offre un crédit
28
d'impôt lorsque la taxe sur la
propriété est supérieure à un pourcentage
donné du revenu de l'exploitant ; 2) current use valuation,
évaluation à l'usage courant, qui exige des collectivités
qu'elles estiment le terrain agricole à sa valeur d'usage (non
bâti) et non sa valeur (constructible) sur le marché. La technique
peut effectivement encourager les propriétaires à garder leur
terrain en usage non bâti, mais est critiquée pour ses
règles d'éligibilité souvent laxistes. De plus, elle peut
être utilisée par les spéculateurs fonciers ou les
exploitants à temps partiel et peut se traduire par un manque à
gagner significatif pour les collectivités.
Autorisé par un État et appliqué
localement, un district agricole est une zone
créée pour une durée fixe et renouvelable, où
l'activité agricole est encouragée par les avantages
procurés aux propriétaires. Ces avantages peuvent inclure des
limites sur la construction des équipements, une plus grande protection
par rapport à l'annexion et l'expropriation, une
éligibilité pour un programme d'achat de droit à
bâtir et, souvent, une taxation préférentielle sur la
propriété. Adaptable aux conditions locales, cet outil est
flexible et plus efficace s'il est combiné au zonage agricole.
L'inscription dans un district agricole, toutefois, est strictement volontaire,
les avantages peuvent ne pas être assez attrayants pour les exploitants
(surtout en zone périurbaine) et les sanctions liées au retrait
du programme peuvent ne pas être suffisamment fortes pour empêcher
la construction. Les districts agricoles peuvent encourager
l'aménagement local, par exemple en limitant les autorisations de
districts aux collectivités dotées de schémas
spécifiques de protection des espaces agricoles et naturels.
Enfin, les lois sur le
droit-à-exploiter sont conçues pour
protéger les exploitants agricoles contre les procès pour
nuisance. Certaines dispositions incluent une mention portée sur le
titre des propriétés situées en zone agricole qui
prévient les acheteurs de la possibilité de bruit,
poussière, odeurs et autres inconvénients liés à
l'activité agricole. Ces lois renforcent la position légale des
agriculteurs vis-à-vis de nouveaux voisins non-agriculteurs et peuvent
éduquer les résidents par rapport aux besoins de l'agriculture.
Elles peuvent ne pas décourager l'engagement de poursuites pour
nuisance.
En conclusion, des outils présentés ci-dessus,
le zonage de protection agricole, la taxation à valeur d'usage, l'achat
de droit à bâtir et la loi sur le droit-à-exploiter sont
les plus utilisés (AFT, 2002 cité par Dissart, 2006). Certaines
communautés combinent le zonage agricole, l'achat de droits à
bâtir et le district agricole : le zonage stabilise rapidement la base
foncière et l'inscription dans un district aide à prévenir
la conversion de surfaces importantes tandis
29
que les exploitants attendent de vendre
une servitude de protection permanente sur leur terrain.
Les techniques présentées contribuent à
protéger les espaces agricoles et naturels. La plupart des observateurs
de l'usage du foncier estiment que les incitations fiscales sont l'outil de
préservation le moins efficace, alors que des stratégies
intégrées et complètes, qui combinent approches
incitatives et réglementaires, sont les plus prometteuses pour une
protection à long terme (AFT, 2002 ; Alterman, 1997 ; Beesley, 1999
cités par Dissart, 2006).
La protection la plus efficace implique donc une combinaison
d'outils adaptée à la situation politique locale, aux
propriétaires, à l'économie des espaces visés et
à la pression d'urbanisation (Daniels & Bowers, 1997 cités
par Dissart, 2006). Cette combinaison devrait viser un équilibre entre,
d'une part, développement des ressources pour accommoder l'urbanisation
et, d'autre part, protection de ces espaces.
En effet, un ensemble de techniques coordonnées
constitue un facteur d'atténuation de la conversion des espaces
agricoles et naturels, mais la volonté politique (et donc le soutien des
populations locales) et les collaborations sont essentielles (Dissart,
2006).
Les techniques de protection devraient servir à
garantir qu'une surface critique est protégée
(contiguïté), que cette protection est durable (long terme), que
les prix du foncier restent abordables (installation et agrandissement des
exploitations) et que les conflits avec le monde non agricole sont
minimisés (Daniels & Bowers, 1997 cité par Dissart, 2006).
Outre les techniques décrites, des initiatives susceptibles
d'améliorer la viabilité des exploitations comprennent la
diversification des produits, la vente directe ou l'agri-tourisme. Le meilleur
moyen de protéger les espaces agricoles et naturels, étant
cependant, de maintenir la rentabilité de l'agriculture, de sorte que
les exploitations restent en activité.
Au total, les outils et techniques décrits par Dissart
en s'inspirant principalement des travaux de Daniels & Bowers (1997)
pourraient être appliquées à la protection des espaces
agricoles et naturels présentant une valeur productive,
esthétique, paysagère, écologique ou
récréative. La mise en oeuvre et l'efficacité de ces
mesures dépendent non seulement des efforts coordonnés de tous
les niveaux de gouvernements, des propriétaires fonciers et autres
acteurs de l'aménagement, mais aussi de l'intégration des enjeux
économiques, sociaux et environnementaux dans des programmes de
protection complets.
30
V.6. La mise en exergue de la fonction
de production de l'agriculture devant
les fonctions identitaires
Une recherche menée en Guadeloupe par Dulcire et Chia
(2004) a donné les résultats suivants sur ce débat:
«Les points de vue des différents acteurs peuvent
être agrégés autour des trois fonctions prioritairement
attribuées à l'agriculture:
La fonction économique : d'abord la
production
L'agriculture est considérée comme une
activité économique parmi d'autres. Sa fonction principale est de
produire des richesses, par lesquelles elle participe au bon fonctionnement de
la société. Elle est un secteur important de préservation
et de création d'emplois directs et indirects par le biais
d'activités de diversification non agricoles (tourisme rural, salariat
à temps partiel). Elle contribue à l'identité culturelle
et à son expression territoriale : création de paysages,
structuration et aménagement du territoire.
Cette vision agrège deux sous-groupes de
représentations distincts en relation avec les deux «
modèles » de l'agriculture, et la prise en compte ou non de
l'ensemble des activités : pour le premier sous-groupe, l'agriculture
est d'abord une activité de production qui contribue à la
richesse « nationale » en contribuant au PIB, à l'emploi,
à la dynamique rurale. Pour l'autre sous-groupe, la fonction majeure de
l'agriculture reste de produire. Mais d'abord des aliments : elle doit «
nourrir un peuple », en commençant par l'agriculteur et sa famille.
Pour cela, elle doit être performante et productive, c'est-à-dire,
explicitement, menée par des agriculteurs « professionnels »
à temps plein : elle s'oppose à la pluriactivité. Les
impacts environnementaux négatifs sont à relativiser compte tenu
du rôle stratégique de l'agriculture. Ces acteurs
considèrent que certaines pollutions sont inévitables car
inhérentes à l'activité agricole et par ailleurs
exacerbées par les caractéristiques du milieu :
insularité, pentes, sols fragiles, saturation foncière.
La fonction environnementale : d'abord la
nature
L'activité agricole entretient une relation
conflictuelle avec l'environnement qu'elle protège autant qu'elle le
menace : elle ne représente même, chez certains, qu'un mal
acceptable,
l'absence totale d'utilisation du milieu constituant la
solution idéale. La fonction de 31
conservation de l'espace et de
préservation de la biodiversité de l'agriculture est prioritaire.
L'agriculture pratiquée doit être non-polluante, permettre un bon
contrôle de l'érosion et ne pas faire l'objet
d'aménagements destructeurs du milieu.
La fonction territoriale identitaire : d'abord la
cohésion sociale
L'agriculture est (...) « naturellement »
multifonctionnelle. Elle a une dimension sociale (défense de l'emploi),
alimentaire (autosuffisance), d'aménagement territorial,
économique (production directe de valeur, ancrage de systèmes
d'activités complexes), paysagère, mais aussi culturelle
(dynamisme des valeurs locales). Aucune fonction n'a a priori de
prééminence sur les autres. La hiérarchisation ne peut
être faite que par rapport à une problématique territoriale
et faire l'objet d'un consensus entre les différentes forces vives du
territoire.
Deux sous-groupes peuvent, là aussi, être
distingués : un premier, pour lequel le renforcement des valeurs
culturelles (...) est le résultat principal attendu d'une renaissance de
l'agriculture. Un second, pour lequel cette composante identitaire,
prégnante, représente le lien qui « donne sens » aux
différentes fonctions assumées conjointement par
l'agriculture».
L'analyse de ces différentes idéologies montre
que les missions attribuées à l'agriculture sont très
différentes et parfois contradictoires : production intensive, maintien
de la biodiversité, maintien des traditions, maintien d'un paysage
ouvert, recyclage des déchets urbains....
La question qui se pose maintenant est de savoir comment
gérer les espaces agricoles par rapport à la ville, à la
fonction de production de l'agriculture et aux exigences du
développement durable: faut-il cloisonner ces trois aspects ou tenter de
les réconcilier ?
L'optique d'un développement durable reviendra à
calculer la valeur hors marché de l'agriculture et à examiner
sous quelle forme on pourrait assurer la rémunération des
services qu'elle rend à la société. L'utilité
sociale ainsi créée permettrait de justifier les investissements
nécessaires à son maintien ou à son
développement.
Mais un tel raisonnement ne peut pas s'appliquer aux biens
environnementaux. En effet, d'après Kah E. (2003), les biens
environnementaux étant des biens non marchands, ils ne sont pas
intégrés au marché, ce qui signifie qu'ils n'y sont pas
monétarisés, alors qu'ils ne sont pas
dénués de valeur.
32
V.7. Outils d'analyse des pratiques
d'acteurs à questionner pour la durabilité de l'agriculture
urbaine
Penser des projets agricoles durables dans un espace incertain
comme l'espace urbain ou périurbain, renvoie nécessairement aux
valeurs propres des acteurs et à la manière dont chacun est
capable de les transcender dans le souci d'un champ d'application plus large
que le sien propre.
Parmi les outils disponibles pour apprécier la
durabilité de l'intégration de projets agricoles dans des projets
de développement des aires urbaines, l'ANT6 (Callon, 1986 ;
Latour, 1987 ; Law, 1992 cités par Peltier C.) et la démocratie
dialogique (Callon et al, 2001, cités par Peltier , 2010) nous offrent
un cadre propice.
La figure 1 présente le schéma de Callon et al.
sur la construction d'un espace dialogique visant la construction d'un monde
commun selon les axes de l'exploration des mondes possibles et de la
composition du collectif.
Pour prendre en compte la durabilité dans les processus
de développement territorial, Peltier (2010) y a ajouté un autre
schéma (Figure 2) selon deux axes également : le passage de la
logique de secteur à la logique de territoire, l'affirmation de la
durabilité des questions de société allant de la
négation à l'éducation pour un développement
durable (EDD).
6 Actor-network Theory
33
Figure 1: L'espace
dialogique
Source : Callon et al, 2001, Agir dans un monde
incertain, Le Seuil (cité par Peltier, 2010).
Figure 2: Espace dialogique et développement
durable
Source : Peltier (2010)
L'axe de la « territorialisation » propose comme
exploration des mondes possibles un élargissement des acteurs parties
prenantes de la question (Peltier, 2010):
34
ï secteur - les acteurs sont
confinés dans un cloisonnement thématique (conception technique
du métier) ; les acteurs du cadre interne » (secteur professionnel,
technique, considéré) sont informés ;
ï secteur « territorialisé » - les
acteurs « hors du cadre interne » sont consultés ;
ï ouverture territoriale - les acteurs « hors du
cadre interne » sont informés ;
ï inscription territoriale - décision
partagée.
L'axe de l'« intégration d'une durabilité
forte » apprécie, comme exploration du collectif, l'état
d'avancement, de composition, d'une culture commune en développement
durable :
ï durabilité niée- les groupes
constitués nient la question ;
ï durabilité concédée - sous la
pression sociétale, les groupes constitués, dominants, acceptent
l'intégration de la préoccupation, un questionnement en termes de
durabilité, donc de groupes émergents ayant une vision
différente de la leur ;
ï durabilité assumée- la question est
devenue incontournable et est au coeur des problèmes et de leur
résolution ;
ï EDD - la question de l'éducation pour le
développement durable est au coeur des questions abordées.
Relevant d'une pédagogie constructiviste
bachelardienne, cette construction théorique d'un monde commun en
durabilité cherche à identifier chez les acteurs en
présence les blocages et obstacles à la construction de ce monde
commun en durabilité. Elle est sensible aux valeurs que ceux-ci portent
tout autant qu'à une éthique considérée comme
hiérarchisation des valeurs en accord avec l'horizon commun vers lequel
les acteurs cherchent à tendre (Massé, 2003 cité par
Peltier, 2010). Elle est basée sur la formulation d'hypothèses
comme des trajectoires possibles pour la diversité des acteurs.
S'appuyant sur les nécessités fonctionnelles du milieu, elle
intègre tout à la fois les normes, le possible, le
souhaité et le souhaitable (Fabre & Fleury, 2007 cité par
Peltier, 2010).
Ce dernier outil nous permet d'apprécier
différentes situations territoriales concernant l'intégration de
la question agricole à la question urbaine. On distinguera ainsi
différentes situations allant des cas extrêmes où les
acteurs en présence, restent enfermés dans leur logique de
secteur et nient une réelle prise en compte des valeurs et objectifs du
développement durable, intègrent la voix de l'autre dans leurs
propres décisions et mettent en oeuvre une véritable
démarche pédagogique d'éducation au développement
durable aussi bien
35
pour leurs propres structures que pour
les autres acteurs du territoire, tout en sachant que cette démarche
peut être déstabilisante pour eux-mêmes.
V.8. Différentes visions de l'agriculture urbaine et
ses espaces
Répondant à diverses pressions
spécifiques, chaque type de territoire se forme selon sa dynamique et
ses composantes sociales internes propres. Dans les faits, la réaction
du milieu (urbain et agricole) aux forces et pressions internes et externes
contribue à définir la trajectoire qui primera dans un territoire
agricole donné. Les interactions spécifiques entre les
systèmes agricoles urbains et l'environnement dans lequel ils se
déroulent créent des opportunités spécifiques
diverses au travers desquelles, on peut identifier trois types d'agriculture
(Janin et Perron, 2005): l'agriculture des grands espaces ; l'agriculture des
espaces confinés dans les espaces urbains denses et une agriculture de
reliance dans les espaces intermédiaires.
V.8.1. Agriculture des grands espaces
L'agriculture des grands espaces se trouve dans les
entités lui offrant de `'grands espaces'' avec des potentiels
agronomiques et de relief favorable. Les recettes tirées de
l'activité agricole sont suffisamment importantes pour justifier le
maintien des terres dans le secteur, et il n'existe guère de pressions
en faveur d'une urbanisation. Les terres peuvent être mises hors
production par les exploitants agricoles, mais elles ne sont
généralement pas vendues et peuvent de nouveau être mises
en exploitation si les conditions économiques le justifient.
La gestion de ces terres peut également être
modifiée soit en raison de leur affectation à la production de
cultures différentes, soit en vue d'intensifier la production d'un
produit agricole donné. Elle est orientée vers la production de
masse et nécessite des ressources spatiales importantes pour atteindre
une dimension économique suffisante. Ces agricultures sont sensibles aux
disponibilités en ressources spatiales liées à
l'espace-support : foncier, degré de liberté des flux, niveau
d'indépendance par rapport au voisinage,...
V.8.2. Agriculture des espaces confinés
A l'intérieur de la zone urbaine, l'agriculture urbaine
se pratique dans les interstices du bâti à l'intérieur du
périmètre urbain. Il s'agit d'espaces inconstructibles du fait
de leur vocation agricole affirmée et juridiquement consolidée,
ou bien de terres en exploitation temporaire, en attendant une valorisation
suffisante pour réaliser la rente foncière. En outre, en vue de
leur 36
développement ultérieur,
les zones urbaines comportent une "réserve de terres", dans laquelle on
observe souvent des activités agricoles, d'où la présence
d'un nombre significatif d'exploitations à l'intérieur des
limites des agglomérations.
En situation plus urbaine dominent des tissus d'exploitation
orientés vers des productions se satisfaisant d'espaces plus
confinés parce que moins gourmandes en ressources spatiales. Ces
agricultures d'espaces «confinés» dans l'urbain ont la
capacité d'inscrire plus facilement leur fonction de production dans les
tissus urbains. Souvent, la réaction des agriculteurs concernés
consiste à affirmer leur fonction économique dans une logique de
défense des ressources spatiales (foncier, lutte contre le
morcellement...).Cette stratégie est d'autant plus facilement reconnue
que ces formes d'agriculture sont une pièce du projet identitaire de la
collectivité. Ce sont essentiellement des productions à haute
valeur ajoutée telles que le maraîchage et l'horticulture.
Au Nord comme au Sud, la culture en zones denses se heurte au
manque d'espaces : l'agriculture verticale prend alors le relais, hors-sols,
dans les centres-villes. Des cultures en sacs ont ainsi été
développées dans les bidonvilles de Nairobi (Kenya) par l'ONG
Solidarités et les expériences de potagers sur les toits
fleurissent au Canada. En version technologique et futuriste, des prototypes de
serre biologique verticale en ville laissent penser qu'il serait possible de
produire, pour une occupation au sol d'un hectare, l'équivalent de 10
hectares cultivés. Des architectes planchent très
sérieusement sur l'idée de tours agricoles pour cultiver dans les
étages ( Grollier K., 2009)
Plusieurs facteurs sont en jeu. En premier lieu, étant
donné l'avantage que lui procure sa localisation, le foncier coûte
plus cher. Toutes les études foncières montrent que la
différence entre le prix de la terre à vocation agricole et celle
qui est promise, à court et moyen terme, à la construction, est
considérable. La valeur peut être multipliée par un facteur
qui varie de 20 à plus de 300 (Donadieu, 2004). D'autre part, la terre y
est généralement de meilleure qualité, de nombreux sites
urbains s'étant initialement développés dans les zones les
plus favorables à l'agriculture. En deuxième lieu, les types
d'activité agricole pratiqués sur ces espaces ont
généralement une meilleure productivité par hectare, mais
demandent également une importante main-d'oeuvre par hectare et
atteignent un niveau d'efficience minimale sur une superficie relativement
faible. En troisième lieu, enfin, contrairement à ce qui se passe
pour les exploitations plus éloignées, les ménages
agricoles vivant à proximité immédiate des
zones urbaines sont largement en mesure d'allouer leur
main-d'oeuvre à des activités non 37
agricoles. Autrement dit, les
exploitations à temps partiel sont plus fréquentes, et les
ménages travaillant à temps partiel ont
généralement des exploitations de plus petite taille du fait
qu'ils disposent de moins de main-d'oeuvre pour l'agriculture.
V.8.3.Agriculture de reliance dans les espaces
intermédiaires
Entre l'urbain dense et le rural dense se distinguent des
espaces intermédiaires. Tissus urbains et agricoles, parfois tissus
naturels s'y côtoient et s'imbriquent en des figures variées.
Située en bordure des villes, les usages des terres et la nature des
activités agricoles sont fortement influencés par les
activités urbaines. Une forte dynamique d'urbanisation y est
observée. Ces terres agricoles font l'objet de spéculations
foncières : leur valeur sur le marché foncier n'est plus en
rapport avec leur potentiel agricole mais avec leur potentiel d'urbanisation (
Bacchialoni, 2001). De nombreuses exploitations s'y trouvant sont alors
obligées de modifier leur système que ce soit en changeant leur
production ou encore de stratégie (vers le maraîchage). Cette
diversification est mise en place, soit dans le prolongement de
l'activité de production par la transformation ou la mise en vente
directe de celle-ci, soit dans des activités nouvelles, voire non
agricoles (pisciculture, accueil, tourisme, services aux
collectivités...). On observe notamment une plus grande diversité
dans la spécialisation des exploitations, dans la structure
socio-économique, dans les filières de commercialisation, et un
plus grand développement du marketing direct.
Ces diversifications peuvent être
considérées comme un processus d'innovation, dans la mesure
où elles nécessitent d'activer de nouvelles ressources pour
développer d'autres fonctions locales de l'agriculture : fournitures de
produits locaux identifiés, gestion du cadre de vie et de
l'environnement, accueil de fonctions récréatives,
développement de fonctions pédagogiques...
Ces espaces mixtes sont au coeur d'enjeux et sont les lieux de
tous les risques : risques de tensions liées au foncier ou de conflits
d'usage ou de voisinage. A contrario ces espaces peuvent être
des lieux privilégiés de mise en relation entre groupes sociaux
différents.
V.9. Quels acteurs du schéma d'aménagement
sur les questions agricoles?
V.9.1. Les acteurs institutionnels
Ce type d'acteur regroupe les services de l'Etat (central et
services décentralisés).Les services
de l'Etat interviennent en priorité pour fournir le
`'porter à connaissance'' préalable au 38
diagnostic (Certu et al., 2008). Ensuite,
ils peuvent être impliqués dans le processus. Dans d'autres cas,
cette catégorie d'acteur est sollicitée pour donner des avis aux
documents et projets en cours d'élaboration.
V.9.2. Les instituts d'expertise, de conseil, de
recherche et de formation
Les instituts d'expertise et de conseil ont pour mission de
fournir des conseils, une expertise extérieure et un appui au
développement direct des diverses activités de la filière.
Ils participent à un ensemble de projets de recherche fondamentale ou
appliquée, ils conseillent et appuient les acteurs qui travaillent
à la préparation et/ou mise en oeuvre d'opérations,
pilotes ou non. En assistant les partenaires opérationnels, les
institutions de recherche jouent un rôle essentiel dans la
détermination de la trajectoire de développement de la
filière.
V.9.3. Les institutions d'enseignement et de
formation
Les écoles et les universités, ainsi que les
divers instituts de formation (continue ou non) ou les instituts d'expertises
organisant des sessions de formation, jouent un rôle important dans le
développement futur de l'ensemble des technologies liées à
l'agriculture urbaine.
Si les acteurs souhaitent développer la filière
et assurer son avenir, il est indispensable d'assurer la disponibilité
de personnes dont la formation permet la mise en oeuvre du plan de
développement technologique.
V.9.4. Les porteurs de projet (agriculteurs,
coopératives, entreprises agricoles...)
Ce sont les acteurs clés de la filière. Un large
segment de producteurs urbains est issu des couches sociales les plus pauvres.
On trouve aussi des agriculteurs de la classe moyenne, des fonctionnaires
subalternes et de catégories intermédiaires, des enseignants et
d'autres professionnels qui s'activent dans l'agriculture, ou même des
personnes plus riches qui sont à la recherche d'un bon retour sur
investissement de leur capital.
V.9.5. Les organismes professionnels agricoles
Ces acteurs sont entre autres représentés par
les chambres d'agriculture et les syndicats agricoles.
39
V.9.5.1. La chambre
d'agriculture
La chambre d'agriculture peut cumuler trois rôles qui
relèvent de postures différentes (Certu et al., 2008, p.41) :
Rôle consulaire - la posture
institutionnelle
Représentant officiel de la profession sous toutes ses
formes, la chambre d'agriculture est consultée en tant que
représentant consulaire ; elle doit défendre les «
intérêts collectifs de la profession ». Pour ce faire, elle
s'appuie le plus souvent sur un examen technique des dispositions du
schéma d'aménagement, discutées, le cas
échéant, dans un groupe ad hoc ou par la commission
aménagement de la chambre afin d'élaborer un avis validé
par le bureau puis porté politiquement auprès du maître
d'ouvrage du schéma d'aménagement.
Rôle d'expert technique - la posture de
prestataire
Les chambres d'agriculture sont de logiques fournisseurs de
données de référence sur les secteurs agricoles et
agroalimentaires. Elles peuvent parfois aller plus loin et
éventuellement devenir prestataires d'études et d'analyses
(diagnostic, cartographie, préconisations), associées aux
équipes, agences d'urbanisme et bureaux d'études en charge de
l'ingénierie du schéma d'aménagement.
Rôle d'animateur territorial - la posture de
partenariat
De nombreuses chambres d'agriculture mettent en place,
contribuent fortement à faire émerger, des groupes locaux
d'animation territoriale. Plus ou moins liés à la chambre
d'agriculture selon les départements, ces groupes sont des relais
d'animation locale et permettent l'implication d'acteurs de terrain.
V.9.5.2. Les autres organismes agricoles et forestiers
: syndicats et autres organisations agricoles
Ces organisations peuvent être sollicitées pour
leurs connaissances spécifiques sur certains thèmes (questions
foncières,...) ou pour leur diagnostic.
V.9.6. Les acteurs de la société
civile
Il s'agit entre autres des conseils de développement
qui rassemblent les représentants des différentes forces de la
société (chambres consulaires, organisations syndicales et
patronales, associations d'environnement et de consommateurs...). Ils peuvent
être le lieu d'expression des attentes plurielles de la
société civile sur l'agriculture (multifonctionnalité,
pratiques
40
agricoles et environnement...), sur la
forêt, les espaces naturels, mais ils peuvent également être
un lieu libre d'expression et d'explication du monde agricole sur ses
réalités et ses contraintes, en dehors de tout contexte
revendicatif. Certains conseils de développement s'impliquent
spécifiquement dans la réflexion sur l'agriculture.
V.9.7. Les organismes de crédit
Ce groupe d'acteurs est destiné à accorder des
crédits pour financer les projets agricoles. En effet, le financement
des activités agricoles recourt souvent au crédit, car la plupart
des opérateurs n'ont pas toujours de moyens propres pour
développer leurs activités.
V.9.8. Les acteurs « annexes »
Dans ces acteurs, nous comptons non seulement les diverses
entreprises de conseil et de communication engagées par les autres
acteurs du secteur pour travailler sur l'accompagnement du développement
de la filière (information de la population, activités de
communication et de diffusion d'information, organisation de processus
consultatifs et de concertation), mais également les divers clubs et
regroupements d'autres acteurs (environnement, eau et assainissement,
infrastructures ...).
Leurs objectifs sont en général ceux de leurs
membres : organiser la filière et attribuer à chacun des acteurs
la place qui lui convient le mieux pour assurer la progression du secteur
entier, en profitant des synergies possibles.
V.9.9. Les absents des jeux de la filière
Dans cette catégorie d'acteurs, sont classés les
acteurs non concernés directement par l'agriculture urbaine mais qui
peuvent y avoir une influence. Il s'agit principalement des acteurs
chargés de l'habitat, des infrastructures, des mines et carrières
ainsi que les riverains.
41
DEUXIEME PARTIE : PRESENTATION DU
CADRE DE L'ETUDE
VI.1. Un contexte favorable à l'émergence
de la question agricole dans le projet de territoire urbain mais contraint par
le milieu physique
Le territoire est entièrement compris entre 1350 m et
1850 m d'altitude. D'Ouest en Est, le relief se décompose en deux
éléments : un relief montagneux à l'Ouest et des collines
à l'Est. Entre les collines coulent des rivières ou des ruisseaux
entourées de vallées profondes remblayées d'alluvions. Les
vallées ont un fond plat et marécageux. La ville
bénéficie d'un climat équatorial de hautes terres avec des
températures douces (20oC) et des pluies
modérées (1000 mm d'eau par an). Une portion assez importante de
la population vit dans la zone urbano-rurale ou périurbaine où
elle pratique une agriculture de subsistance sur de petites exploitations
(Document de plan stratégique d'appui à l'agriculture urbaine et
périurbaine de Kigali, 2009, p.8).
La ville est bâtie sur des collines massives faites de
gros versants convexes où les pentes très fortes dans les
bas-fonds (40-60%) s'affaiblissent progressivement en convergeant vers des
sommets aplanis. 35% du territoire sont situés sur des pentes
supérieures à 20% .
Parallèlement, le contexte politique et le cadre
institutionnel sont propices au développement de l'agriculture urbaine
et périurbaine.
Des pentes abruptes s'affaissent dans des vallées
à fonds plat et marécageux
Photo 1: zone pentue : 35% du territoire sont
situés sur des pentes supérieures à 20%
Source : master plan
42
VI.2. Un territoire en
mutations
Construite à l'origine sur le flanc de la colline
Nyarugenge dès 1907 selon le choix du Docteur Kandt, premier Gouverneur
résident Allemand, la ville de Kigali, s'est progressivement agrandie
pour occuper 45 ha en 1945, 250 ha à l'époque de
l'indépendance (1962), 112 km² avec la création de la ville
de Kigali en 1990, 349 km² avec le lancement officiel du processus de
décentralisation qui en a fait un gouvernement local et aujourd'hui
731km².
Avec l'avènement de l'indépendance, Kigali
devint la capitale du Rwanda. Un premier plan directeur de la ville de Kigali
fut établi en 1964 avec l'aide du ministère français de la
coopération. Les années 80 verront la confection des plans
directeurs qui s'érigeaient contre l'habitat spontané. Ne pouvant
pas résoudre les problèmes spécifiques de la ville, la
commune urbaine de Nyarugenge fut remplacée par la préfecture de
la ville de Kigali (PVK) le 05/10/1990. Passant de 8 districts administratifs
avec le lancement officiel du processus de décentralisation, la ville
compte actuellement trois districts ( Nyarugenge, Kicukiro, Gasabo), 35
secteurs, 161 cellules et 1061 villages. Chaque district est divisé
à son tour en secteurs dirigés par un secrétaire
exécutif. Chaque secteur est divisé en cellules dirigées
à leur tour par un Conseil de Cellules et d'un secrétaire
exécutif de cellule. Les cellules sont aussi divisées en village
(imidugudu). Chaque district est dirigé par un maire élu au
suffrage universel. Les trois maires sont coiffés par le maire de la
ville de Kigali ayant rang de Gouverneur de province
Après la guerre et le génocide de 1994, Kigali
fut caractérisé par la rentrée massive des
réfugiés de 1959 et le retour de ceux de 1994. D'autres
mouvements migratoires intenses vers la capitale s'ensuivirent.
La ville de Kigali, présente ainsi une croissance
démographique soutenue. De 1960 à 2000, la population est
passée de 6000 habitants sur 3 km² à environ 604 966
habitants sur 349 km². En 2006, elle était estimée à
1,1 million d'habitants dont approximativement 60% vivent dans la zone
urbanisée (Kigali Master plan, 2007, P.23). La réorganisation du
territoire qui a eu lieu à la fin de l'année 2005 et a
porté la ville de Kigali à 731 km², y a contribué
grandement.
La capacité d'accueil maximale a été
estimée à un peu plus de trois millions. Cette capacité
maximale serait atteinte aux environs de 2030 (hypothèse standard) ou
2020 (hypothèse haute). Le district de Gasabo recevra 60% de cette
population tandis que Kicukiro et 43
Nyarugenge devront accueillir
respectivement 30% et 10% (Kigali conceptual master plan, p.68). Cette
population se concentrera principalement dans les secteurs Masaka, Rusororo,
Ndera et Gahanga. Les tableaux et les figures ainsi que les cartes suivantes
essayent de présenter graphiquement cette dynamique de population.
Tableau 2: Projection de la population par
district
District
|
|
|
Population
|
|
Population
|
Population
|
Capacité
|
Taux
|
de
|
Superficie en
|
|
|
|
2005
|
|
2012
|
2020
|
|
maximale
|
Croissance
|
km²
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
annuel (%)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Gasabo
|
|
|
397 430
|
|
595 285
|
922 923
|
1 733 387
|
5,65
|
|
430,3
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Kicukiro
|
|
|
217 899
|
|
351 636
|
577 340
|
897 229
|
6,58
|
|
166,7
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Nyarugenge
|
|
265 060
|
|
349 396
|
488 301
|
451 129
|
4,06
|
|
134
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Total
|
|
|
880 390
|
|
1 296 317
|
1 988 564
|
3 081 745
|
5,43
|
|
731
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Source : master plan et site web de la ville de Kigali
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Tableau 3 : Evolution de la densité de
population
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
District
|
|
Superficie
|
Potentiel de croissance
|
DENSITE (hab/km²)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
2005
|
|
2012
|
|
2020
|
|
|
2020
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Gasabo
|
|
430,3
|
65
|
|
924,25
|
1383,42
|
2144, 83
|
|
4028,32
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Kicukiro
|
|
166,7
|
44
|
|
1307
|
|
2109,39
|
3463
|
|
|
5382,29
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Nyarugenge
|
134
|
28
|
|
1978
|
|
2607,43
|
3644,03
|
|
3366,6
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Ville
|
de
|
731
|
|
|
|
1204,36
|
1773,34
|
2720,33
|
|
4215,79
|
|
Kigali
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Source : SEBUHINJA ( calcul à partir des données du
master plan)
44
3 500 000
|
|
|
|
3 000 000
|
|
|
|
2 500 000
|
|
|
|
|
|
|
GASABO
|
2 000 000
|
|
|
KICUKIRO
|
|
|
|
1 500 000
|
|
|
NYARUGENGE
|
|
|
|
|
|
|
VILLE DE KIGALI
|
1 000 000
|
|
|
|
500 000
|
|
|
|
0
|
|
|
|
2005
|
2012
|
2020
|
CAPACITE DE
|
|
|
|
CHARGE
|
Figure 3: Evolution de la population urbaine
jusqu'à l'atteinte de la capacité de charge maximale
Source : SEBUHINJA (2010)
6 000
|
|
|
|
5 000
|
|
|
|
4 000
|
|
|
GASABO
|
|
|
|
3 000
|
|
|
KICUKIRO
|
|
|
NYARUGENGE
|
|
|
|
2 000
|
|
|
VILLE DE KIGALI
|
|
|
|
1 000
|
|
|
|
0
|
|
|
|
2005
|
2012
|
2020
|
2030
|
Figure 4: Evolution de la densité de population de
2005 jusqu'à l'atteinte de la capacité de charge
maximale
Source : SEBUHINJA F. (2010) à partir des
données du master plan (2007)
45
Carte 1 : Répartition
spatiale de la population urbaine en 2005
Source: SEBUHINJA F. (2010)
Carte 2: Répartition de la population urbaine
à l'atteinte de la capacité maximale Source : SEBUHINJA F. (2010)
à partir des données du master plan
46
Carte 3: Répartition
spatiale de la densité de population en 2005
Source : SEBUHINJA (2010)
Carte 4: Densité de peuplement à l'atteinte
de la capacité maximale
Source: SEBUHINJA (2010)
47
VI.3. L'agriculture dans les
enjeux et jeux d'acteurs de la gouvernance
territoriale urbaine
VI.3.1. Etat des lieux
A Kigali, le non-suivi des schémas directeurs
d'aménagement urbain a favorisé un développement
anarchique de l'agriculture urbaine parallèle à un habitat
anarchique et une croissance démographique sans planification. A cet
état de fait correspondent des logiques d'implantation
particulières, dépendantes de trois facteurs principaux :
- la présence de terrains libres au sein de quartiers
à vocation agricoles;
- la présence d'un réseau hydrographique dense
et
- la présence de nombreux marais et bas-fonds.
Avec 731 km², le territoire de la ville de Kigali est
occupé par une agriculture à faible intensité sur
près de 40% du territoire, soit 29 157 ha. 40 000 ménages
correspondant à 200 000 personnes dont 2 500 du district de Nyarugenge,
47 500 du district de Kicukiro et 150 000 personnes du district de Gasabo
vivent directement de la production agricole vivrière (document de plan
stratégique d'appui à l'agriculture urbaine et périurbaine
de Kigali, 2009, p.18). Sur base d'une population estimée à 1 100
000 habitants dont 200 000 pratiquent l'agriculture, l'agriculture urbaine et
périurbaine occuperait alors au total, 18% de la population urbaine. 75%
de ces agri-éleveurs appartiennent au district de Gasabo. Les
productions de la ville de Kigali sont négligeables par rapport à
la production nationale : moins de 1% pour l'ensemble des productions (idem).
Les productions obtenues sont vendues dans les petits marchés locaux de
la ville ou autoconsommées. Il n'a pas encore été
établi dans quelle mesure l'agriculture urbaine et périurbaine
approvisionne la demande de la ville de Kigali.
VI.3.2. Orientations d'aménagement et de
développement
VI.3.2.1. Orientation gouvernementale
La vision du Gouvernement en matière de
développement agricole s'oriente vers la réduction de la
pauvreté en particulier du monde rural avec une population jouissant
d'une sécurité alimentaire durable grâce à :
48
- Une agriculture familiale
modernisée, innovatrice, professionnelle et spécialisée ;
génératrice d'emplois et de revenus et orientée d'une
manière volontaire vers le marché (domestique,
sous-régional, régional et international) ;
- Une agriculture intégrée et diversifiée
et régionalement spécialisée qui assure la
sécurité alimentaire de la population et une distribution
équitable des ressources et des revenus ;
- Une agriculture soucieuse de la préservation de
l'environnement et des ressources naturelles.
a) Intention et objectif du gouvernement
L'objectif global de la politique nationale
agricole est de:
- Assurer une croissance économique soutenue ;
- Contribuer à la réduction de la
pauvreté dans le monde rural et aux accroissements des revenus des
producteurs.
Les aspects suivants qui dérivent de ceux du Plan
Stratégique de Réduction de la Pauvreté (PSRP) constituent
les orientations prioritaires de cette politique :
-Réduction de la pauvreté et croissance
économique en relation avec la Stratégie de Réduction de
la Pauvreté (SRP) ;
-Modernisation de l'agriculture dans un contexte de
développement durable ; -Sécurité alimentaire.
Cette politique nationale agricole est appuyée par un
plan stratégique de transformation de l'agriculture (PSTA) qui insiste
particulièrement sur : l'intensification, la professionnalisation, la
régionalisation et la commercialisation.
b) Attentes signifiées à la mairie de la
ville de Kigali
Dans le cadre de la spécialisation régionale
préconisée par le Ministère de l'agriculture et des
Ressources Animales (MINAGRI), la ville de Kigali a retenu les
spéculations suivantes qu'elle doit promouvoir (document de plan
stratégique d'appui à l'agriculture urbaine et périurbaine
de Kigali, p.47) :
a) les cultures maraîchères ;
b) l'arboriculture fruitière ;
c) l'agroforesterie ;
d) le petit élevage ;
e) la production laitière;
f) les cultures ornementales;
49
g) la production des champignons;
h) l'apiculture ;
i) le sisal ;
j) les bambous et le mûrier
La spécialisation par district est la suivante (RADA et
PASNVA, 2007) :
- cultures maraîchères, le mûrier, le
géranium et le café dans le district de Kicukiro
- cultures maraîchères, cultures
fruitières et café dans le district de Nyarugenge
- le sorgho, le maïs, cultures maraîchères,
le haricot, le café et les cultures ornementales dans le district de
Gasabo.
c) Soutien et engagements gouvernementaux
L'Etat gère l'agriculture par le biais du
Ministère de l'Agriculture et des Ressources Animales (MINAGRI) à
travers ses structures décentralisées au niveau des villes,
districts et secteurs.
Le Ministère de l'Agriculture et de l'Elevage ne
consacre pas d'importance spécifique à l'agriculture urbaine et
périurbaine dans sa politique au niveau national ni au niveau des
districts ou des secteurs.
VI.3.2. L'agriculture urbaine dans le projet de territoire
urbain
VI.3.2.1. L'agriculture dans le master plan de la ville
de Kigali
D'après le master plan l'agriculture sèche sera
la première occupation dans les zones réservées à
l'agriculture sèche et les zones résidentielles rurales. Les
utilisations agricoles vont de l'agriculture commerciale à des
coopératives agricoles, aux petits jardins potagers des ménages
et aux zones de pâturage du bétail.
Dans les zones urbaines, le pourcentage de terres
consacrées à l'agriculture va diminuer et les usages agricoles
seront moins fréquents. Les petits jardins potagers des ménages
continueront à exister dans la moyenne et basse densité. Dans les
zones à haute densité, l'agriculture sera quasi inexistante mais
des jardins sur les toits des maisons (rooftopgardens) seront possibles. Les
espaces ouverts seront utilisés plus pour des raisons
esthétiques, de loisirs et d'infrastructures que pour les utilisations
biologiques et écologiques.
50
Les zones humides et les forêts
devront surtout rester intactes. Ces zones ont une plus haute valeur
environnementale, écologique et biologique pour Kigali, et devront
être protégées contre l'urbanisation dans la mesure du
possible.
Le master plan a déterminé les zones où
seront installées et développées les activités
d'agriculture urbaine qui sera réservée uniquement aux
producteurs et n'aura pas une densité élevée de population
(10 personnes par hectares).Ce plan a identifié 47 000 hectares soit 65%
de la superficie de la Ville de Kigali comme zones naturelles (natural
features) classés et répartis comme suit :
Tableau 4: Répartition des espaces ouverts de la
ville de Kigali
Zones à usage rural
|
Hectares
|
Pourcentage
|
|
|
|
Agriculture sèche
|
3,481
|
7.4%
|
|
|
|
Forêts existantes
|
3,123
|
6.6%
|
|
|
|
Parcs et espaces ouverts
|
3,277
|
7 %
|
|
|
|
Reforestation
|
16,996
|
36.2 %
|
|
|
|
Zones humides
|
10,108
|
21.5 %
|
|
|
|
Residentiel-Rural
|
10,021
|
21,3 %
|
|
|
|
Total
|
47,005
|
|
|
|
|
Source : Kigali conceptual master plan (2007, pp 70-72)
Ainsi, 45% des espaces verts ont été
désignés pour la reforestation, 20% pour l'agriculture et 6% pour
les parcs et espaces ouverts. La plupart de ces espaces est localisée
dans le district de Gasabo, le district le plus rural. Environ 30 000ha soit
70% de la superficie de ce district resteront rural (Kigali conceptual master
plan, p.72).
a) Objectifs assignés à l'agriculture
urbaine par le master plan
Les objectifs assignés à l'agriculture selon le
master plan (Kigali conceptual master plan, 2007, p. 120) sont les suivants:
- aider les résidents en transition de la sphère
rurale à la sphère urbaine;
- utiliser l'agriculture urbaine comme une technique
destinée à couvrir les besoins pratiques des citadins tout en
participant à l'amélioration écologique et
environnementale du paysage;
- Valoriser les zones de Kigali qui ne peuvent pas être
densément développées ;
- Perpétuer l'héritage culturel et agricole du
Rwanda en l'utilisant comme un élément structurant du paysage
urbain là où c'est possible.
51
b) Stratégies et actions
prévues par le master plan
ï protéger les droits fonciers et préserver
le choix individuel dans l'exploitation agricole.
ï Encourager l'utilisation rationnelle et durable des
exploitations agricoles en offrant des options pour l'agriculture collective
dans les cas où il peut être plus productive.
ï Mettre en oeuvre la régularisation
foncière.
ï Protéger et promouvoir l'accès des femmes
aux ressources en terres et à leur utilisation en veillant à leur
participation à la réforme foncière dans les lieux
où ils peuvent facilement aller participer (non loin de leurs domiciles
ou à des moments inappropriés).
ï Soutenir la croissance des possibilités d'emploi
hors ferme, l'approvisionnement et la distribution des opportunités
selon la localisation judicieuse de ces activités par rapport à
d'autres parties de la chaîne de valeur.
ï créer "des centres d'innovation» au niveau des
secteurs et des districts qui regroupent l'ensemble des diverses
activités liées à l'intensification agricole en appui de
la politique nationale qui identifie l'agriculture comme un tremplin pour la
transition économique à l'appui de ce programme ;
·Mettre en évidence les possibilités
d'éducation et de renforcement des capacités pour la transition
agricole, une agriculture et un entrepreneuriat à forte
intensité, axé sur la valeur ajoutée et orienté
vers le marché ;
ï Utiliser l'éducation publique et des médias
pour renforcer les capacités sur les techniques de l'agriculture urbaine
et les stratégies utilisées dans d'autres villes en Afrique et
dans d'autres parties du monde ;
ï promouvoir et soutenir l'agriculture urbaine dans des
endroits appropriés en tant que stratégie urbaine moderne et
progressive pour la durabilité environnementale, économique et
sociale ;
ï Utiliser l'agriculture urbaine dans la planification
urbaine.
ï Mettre en oeuvre des outils de planification (SIG et des
études de potentiel des terres) et le renforcement des capacités
au niveau du district, du secteur et de la communauté pour mettre en
oeuvre les stratégies énumérées ci-dessus ;
Plusieurs actions en appui à l'agriculture urbaine et
péri urbaine sont prévues (stratégie d'appui à
l'agriculture urbaine et périurbaine, 2009) :
1. La collecte et le recyclage des déchets ;
2. Le compostage ;
52
3. L'agroforesterie et la sylviculture
;
4. La protection des marais et l'agriculture des marais ;
5. L'agriculture commerciale et la transformation (des
produits agricoles et d'élevage)
C) Enjeux
- Risques associés à la diminution de la
production d'aliments locaux ou des cultures de subsistance et les
problèmes liés à la transition entre les cultures
vivrières de subsistance aux cultures de rente ;
- Coûts de démarrage élevés
associés à l'adoption de nouvelles pratiques agricoles ou de
nouvelles cultures ;
- Intégration des petits agriculteurs marginaux dans
des programmes agricoles plus efficaces et plus productifs ;
- Intégration des programmes d'éducation et
d'auto-assistance axée sur la transition des pratiques agricoles ;
- Marginalisation des femmes dans l'agriculture et la
reconnaissance de l'importance de leur rôle dans les pratiques agricoles
actuelles à travers le pays ;
- Manque de sécurité foncière, et la
nécessité de finaliser le programme de régularisation
foncière ;
- Manque de plans de gestion des ressources / cartes pour
aider les agriculteurs et les planificateurs à prendre des
décisions d'utilisation des terres et la gestion des exploitations.
53
Tableau 5 : Infrastructures vertes
de la zone rurale de la ville de Kigali
|
|
Forêts existantes
|
Reforestation
|
|
Agriculture sèche
|
|
Zone résidentielle rurale
|
Zones humides (wetlands)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Seront protégées.
|
De vastes zones
|
seront
|
L'agriculture
|
traditionnelle
|
et
|
Cette zone n'est pas appropriée
|
Les zones rangées dans la catégorie de
|
|
|
|
|
|
mises de côté pour être
|
commerciale
|
sous forme
|
de
|
au développement urbain suite
|
zones
|
humides ou
|
zone
|
tampon
|
des
|
|
|
Leurs
|
exploitations
|
reboisées.
|
|
production végétale ou animale
|
au manque de routes et autres
|
zones humides (wetland buffers) seront
|
|
|
seront
|
extrêmement
|
|
|
sera la première utilisation dans
|
infrastructures
|
ainsi
|
que sa
|
protégées.
|
|
|
|
|
|
|
limitées: récolte de bois
|
L'usage résidentiel n'y est
|
cette zone.
|
|
|
topographie arpentée.
|
Elles seront les principaux composants
|
|
|
de
|
chauffage, collecte
|
pas permis
|
|
|
|
|
Une agriculture à petite échelle
|
des
|
zones
|
de
|
|
traitement
|
|
|
de
|
plantes
|
médicinales,
|
|
|
Aucun nouveau peuplement ne
|
(small-scale agriculture) et une
|
environnementales
|
et
|
aideront
|
dans
|
|
|
chasse, etc
|
|
|
|
peut se faire dans cette zone.
|
|
faible densité
|
de peuplement
|
l'amélioration de la qualité de l'eau ainsi
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
(autour de 10 habitants ou 2
|
que le traitement des eaux usées.
|
|
|
|
L'usage résidentiel y est
|
|
|
L'usage résidentiel sera limité
|
logements par ha) seront la
|
Economiquement,
|
les
|
zones humides
|
|
|
interdit
|
|
|
|
aux familles engagées dans la
|
première
|
utilisation
|
de cette
|
constituent une source de revenus en
|
|
|
|
|
|
|
|
production agricole.
|
|
zone.
|
|
|
|
supportant diverses formes d'agricultures
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
L'agroforesterie et l'agriculture
|
humides allant de la culture de canne à
|
Enrésumé
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
des zones
|
humides
|
adjacentes
|
sucre à la culture de riz. Aucun usage
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
cette zone.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
sont encouragées.
|
|
résidentiel n'est permis dans les 20m de
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Réserves naturelles
|
Pâturage/élevage
|
|
Agriculture commerciale
|
|
|
|
|
|
Réserves naturelles,
|
|
|
|
|
Typed'infrastructure
|
verte
|
Peuplement contrôlés
|
Reforestation
|
et
|
Jardins de subsistance
|
|
|
|
|
|
jardins communautaires,
|
|
|
|
Agroforesterie
|
agroforesterie
|
|
Coopératives agricoles
|
|
|
|
|
|
agriculture commerciale,
|
coopératives
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
agricoles
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Source : Kigali conceptual master plan (2007,
p.82)
54
Tableau 6 : Infrastructures vertes
de la zone urbaine de la ville de Kigali
|
ZONE DE FAIBLE DENSITE
|
ZONE
|
DE
|
DENSITE
|
ZONE DE HAUTE DENSITE
|
CENTRE URBAIN
|
|
|
|
|
MOYENNE
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
-Densité moyenne : 40 habitants par
|
-Densité : 85 habitants ou 17
|
- Densité : 250 habitants/ha
|
|
Zone à usage mixte similaire à la
|
|
ha ou
|
logements par hectares
|
|
- immeubles de plus de 4 étages
|
zone avec haute densité mais avec
|
|
10 logements par ha.
|
- Usage
|
résidentiel
|
avec des
|
avec appartements.
|
|
une
|
concentration
|
|
élevée
|
|
- usage résidentiel avec un peu de
|
immeubles de moins de 4 étages.
|
-Développement de copropriété et
|
d'équipements culturels
|
et
|
publics
|
|
commerce et d'industries.
|
- parcelle moyen standing et bas
|
parcelle bas standing
|
|
régionaux:
|
hôpitaux,
|
universités,
|
|
-Parcelle de 1000m² en moyenne.
|
standing de 500m² en moyenne.
|
- parcelle de 200m² en moyenne
|
écoles
|
secondaires et
|
primaires,
|
|
- L'habitat sera du haut standing au
|
- centres commerciaux avec des
|
-
|
usage
|
résidentiel
|
mais
|
bâtiments
|
gouvernementaux,
|
|
medium standing avec des centres
|
services
|
sociaux
|
comme
|
dominance de l'usage commercial
|
départements
|
de police,
|
stades,
|
|
commerciaux aux intersections.
|
pharmacies et écoles maternelles
|
avec des centres de services
|
bureaux multi-étages, maisons de
|
|
-pente supérieure à 10%.
|
aux intersections
|
|
sociaux comme centres de santé,
|
détail, centre de commerce en salle et
|
|
|
- pentes supérieures à 5%
|
écoles, terrain de sports, ...
|
|
en ligne
|
|
|
|
|
Enrésumé
|
|
|
|
|
-pente de moins de 5%
|
|
Cette zone sera installée au sommet
|
|
|
|
|
|
|
|
|
de 5%
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
des collines sur des pentes de moins
|
|
|
|
|
|
|
Type d'infrastructure
|
Drainage avec de la végétation
|
Jardins dans des conteneurs et
|
Parcs artificiels
|
|
Jardins sur les toits des maisons
|
verte
|
(vegetated drainage), potagers de
|
jardins communautaires
|
Vases sur les balcons
|
|
|
|
|
|
|
|
cuisine, terrains de loisir
|
|
|
|
Arbres de rues
|
|
|
Arbres de rue
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Source : Kigali conceptual master plan (2007, p.82)
55
VI.3.2.2. L'agriculture urbaine
dans le plan stratégique d'appui à l'agriculture
urbaine et périurbaine
a) Objectifs de la stratégie pour l'agriculture
urbaine et périurbaine
Le plan stratégique élaboré par la mairie
donne comme objectif global de l'agriculture urbaine et péri urbaine de
contribuer à la sécurité alimentaire et nutritionnelle des
populations urbaines par l'amélioration de la disponibilité et de
l'accessibilité durables des produits agricoles de qualité, frais
et diversifiés, tout au long de l'année, tout en créant
des emplois et des possibilités de revenus en faveurs des producteurs et
éleveurs urbains et péri urbain à faibles ressources
(Document de plan stratégique d'appui à l'agriculture urbaine et
périurbaine, p.10).
b) Actions envisagées
La stratégie d'appui à l'Agriculture Urbaine et
Périurbaine (AUP) repose sur 5 axes qui correspondent aux principaux
défis à relever, à savoir (idem, p.12) :
Sécuriser la disponibilité en terre et en
eau (réserves d'espaces et d'eau de qualité pour
l'AUP)
Les interventions proposées consistent à :
- Affiner les spécifications des espaces disponibles et
préciser leur vocation pour des activités sélectives
d'AUP
- Cartographier, borner et enregistrer au cadastre les
espaces, et terres qui pourront être réservées aux
activités de l'AUP : 15 000 ha selon le master plan
- Adopter des dispositions légales suffisantes pour les
réserver et les protéger pour les activités de l'AUP
- Faire le bilan des ressources en eau disponibles pour l'AUP
(eau de surface, de nappe phréatique, de pluie)
- Développer l'irrigation avec un coefficient
élevé d'utilisation de l'eau (irrigation au goutte à
goutte) pour les cultures à haute valeur ajoutée.
Ainsi, après inventaire et appréciation de la
valeur agricole de ces terres, leur cartographie et bornage et leur inscription
au cadastre qui va délivrer un document d'enregistrement, ces
56
terres seront données aux
associations/coopératives qui vont les exploiter. Les marais et les
zones de culture sèche seront aménagés, pourvus de
drainage et d'irrigation en fonction des besoins et des potentialités et
les groupements bénéficiaires formés à leur usage
et maintenance.
Sécuriser la qualité et l'innocuité
des produits et la protection de l'environnement
Les interventions proposées consistent à :
- Préciser les protocoles de production et de
distribution des produits de l'AUP afin d'assurer la conformité avec les
normes de qualité et d'innocuité et la préservation de
l'environnement
- Assurer la formation des encadreurs et des producteurs ainsi
que le suivi technique pour la mise en oeuvre de ces protocoles,
- Renforcer la capacité pour le contrôle de
qualité.
- Prendre les dispositions pour éviter la pollution des
ressources en eau et vérifier que leur qualité soit conforme aux
normes pour les eaux d'irrigation établies par la FAO et l'OMS
- Assurer le recyclage des déchets ménagers et
urbains et les transformer en compost de qualité ou autres sous-produits
utiles tels que les briquettes d'énergie.
Les principes des Bonnes Pratiques Agricoles -BPA7-
et du Portail Phytosanitaire International -PPI8- pour
l'intensification et la diversification des productions agricoles de
qualité seront établis et mis en oeuvre. Les cadres techniques et
les producteurs seront formés tandis que les associations paysannes
seront formées et informées à l'approche de l'école
au champ.
Les déchets organiques de la ville et des
ménages seront récupérés et transformés en
compost ou en briquettes énergétiques. Des normes
d'hygiène et de qualité seront mises au point et
contrôlées.
Les zones vertes de la ville ainsi que les zones
forestières et agroforestières de la Ville de Kigali seront
maintenues et protégées (Urban Greening).
7 Les BPA est un ensemble de règles à
respecter pendant l'implantation et la gestion des cultures. Selon la FAO
(2002), le cadre pour de bonnes pratiques agricoles présente les
principes directeurs de bonne agriculture en regroupant dans 11
éléments de ressources (sol, eau, production
végétale et fourragère, protection des cultures,
production animale, santé animale, bien-être des animaux,
récolte et transformation sur l'exploitation, et entreposage, gestion de
l'énergie et des déchets, bien-être, santé et
sécurité des humains, faune sauvage et paysage) les
problèmes, les disciplines et les pratiques pertinents. Il est possible
d'élaborer, à l'aide du cadre proposé, des directives de
gestion détaillées pour les différents systèmes de
production au sein d'agro-écosystèmes spécifiques.
8 Le PPI est le mécanisme
électronique mis en place par le Secrétariat de la Convention
Internationale pour la Protection des Végétaux (CIPV) dans le but
de faciliter les échanges d'informations phytosanitaires officielles (y
compris les communications sur les organismes nuisibles) entre Organisations
Nationales de Protection des Végétaux (ONPV), Organisations
Régionales de Protection des Végétaux (ORPV) et/ou le
Secrétariat de la CIPV
57
Sécuriser l'appropriation
durable de l'agriculture urbaine et périurbaine par les acteurs de la
filière
Les interventions proposées consistent à :
- Assurer la disponibilité et l'accès aux
intrants de qualité (semences et produits agro-chimiques selon les
principes des BPA)
- Assurer un mécanisme d'accès au micro
crédit adapté au contexte et aux spéculations de l'AUP
- Faciliter et promouvoir l'organisation des producteurs en
groupements professionnels
- Mettre en place un système de gestion et de
capitalisation des connaissances y compris un système de suivi
évaluation susceptible d'appréhender l'impact du plan
stratégique.
Des activités productives de la filière AUP
seront mises en oeuvre et gérées par des groupements, des
familles individuelles ou des institutions dans une logique de
professionnalisation.
Sécuriser les débouchés
Les interventions proposées consistent à :
- Conduire une démarche proactive pour créer la
demande basée sur une alimentation mieux équilibrée
incluant la consommation de fruits et légumes pour la santé ;
- Développer les opportunités de transformation
en respectant les normes d'hygiène et de qualité en la
matière ;
- Explorer et favoriser les modalités de
commercialisation adaptées au contexte urbain et notamment la vente
directe et de proximité au niveau des « Imidugudu » (villages)
;
- Négocier des accords avec des consommateurs «
institutionnels » et « commerciaux » ;
- Valoriser des opportunités à l'exportation de
produits à haute valeur (i.e. plantes ornementales, condimentaires,
médicinales, aromatiques, à huiles essentielles)
Sécuriser le contexte politique, institutionnel et
opérationnel
Les interventions proposées consistent à :
- Renforcer la place de l'AUP dans les documents clé de
politique à savoir dans le plan national de l'agriculture, PSTA II, et
autres documents de politiques sectorielles y compris la politique nationale en
matière de l'habitat.
- Mettre en place et opérationnaliser un
mécanisme de concertation et participation des acteurs et partenaires de
la filière AUP,
58
- Consolider le contexte institutionnel
par le renforcement du PAPUK, son ancrage au niveau de la Mairie avec des liens
multidisciplinaires avec les partenaires du secteur public et privé.
- Activer un mécanisme de gestion et de concertation de
l'AUP pour la mise en oeuvre d'un plan d'actions en intégrant les
diverses initiatives (Conseil PAPUK).
59
TROISIEME PARTIE : PRESENTATION,
ANALYSE ET DISCUSSION
DES RESULTATS
VII.1. Présentation des résultats
VII.1.1. Quelle place l'agriculture est-elle appelée
à jouer et qui justifierait les choix d'aménagement ?
Tableau 7 : Place de l'agriculture urbaine selon le
master plan et le plan stratégique
SELON LE MASTER PLAN
|
Selon le plan stratégique d'appui
|
l'agriculture urbaine est appelée
à
|
à
|
l'agriculture
|
urbaine
|
et
|
périurbaine,
|
|
l'agriculture
|
est
|
|
|
|
|
|
appelée à
|
|
|
|
|
|
1.
|
Aider les résidents ruraux en transition vers
|
1. contribuer à la sécurité
|
|
la sphère urbaine
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alimentaire
|
et
|
nutritionnelle
|
des
|
|
|
populations urbaines
|
|
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|
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|
|
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|
|
|
2.
|
Couvrir les besoins pratiques des citadins tout
|
2.
|
créer
|
des
|
|
emplois
|
et
|
des
|
|
en participant à l'amélioration
écologique
|
possibilités
|
de
|
revenus en
|
faveur
|
|
et environnemental du paysage urbain
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
des producteurs et éleveurs urbains
|
3.
|
Valoriser les zones qui ne peuvent pas être
|
|
|
|
|
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|
|
densément développées
|
|
|
|
|
|
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|
|
4.
|
Perpétuer l'héritage culturel et agricole du
|
|
|
|
|
|
|
|
Rwanda
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|
|
|
|
|
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|
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|
|
|
|
|
|
|
|
Source : SEBUHINJA (2010) sur base des données du master
plan et du plan stratégique d'appui à l'agriculture urbaine et
périurbaine
VII.1.2. Comment l'agriculture est-elle prise en compte et
protégée ?
Le master plan a localisé les espaces
strictement agricoles et d'autres espaces où l'agriculture est possible.
Ces espaces strictement agricoles par ailleurs estimés à 20% des
espaces ouverts, seront cartographiés, bornés, inscrits au
cadastre et attribués aux coopératives qui auront
été formées aux bonnes pratiques agricoles et au portail
phytosanitaire international.
60
Tableau 8 : Agriculture urbaine dans
les espaces ruraux et les zones humides
Dans
|
Il sera possible d'y installer
|
|
|
Les espaces ruraux
|
des pâturages pour l'élevage, des jardins de
subsistance, des
|
|
coopératives agricoles et de faire de la
reforestation et
|
|
l'agroforesterie
|
|
|
Les zones humides
|
Les jardins communautaires, l'agriculture commerciale et
les
|
|
coopératives agricoles
|
|
|
Source : SEBUHINJA (2010) sur base des données du master
plan
Dans la zone urbaine, la distribution spatiale de
l'agriculture sera fonction de la densité de population. Ainsi :
Tableau 9 : Agriculture urbaine dans les espaces denses
et intermédiaires
Dans
|
Il sera possible d'y installer
|
|
|
la zone de faible densité
|
Des jardins potagers
|
|
|
la zone de densité moyenne
|
Jardins dans des conteneurs et des jardins communautaires
|
|
|
la zone de haute densité
|
Parcs artificiels, des vases sur les balcons et des arbres de
rues
|
|
|
Le centre urbain
|
Jardins sur les toits des maisons et des arbres de rue
|
|
|
Source : SEBUHINJA (2010) sur base des
données du master plan
VII.1.3. Cette prise en compte préserve-t-elle des
espaces qui permettront aux fonctions de production de l'agriculture de grands
espaces de s'exprimer de façon lisible?
La carte des zones d'enjeux met en évidence que c'est
dans les zones à enjeux environnementaux forts (zones pentues et zones
humides) que l'agriculture des grands espaces a été
réservée. L'agriculture des zones humides aura probablement
tendance à diminuer au cours des prochaines années, sous l'effet
conjugué de l'urbanisation et d'une possible relocalisation des
activités agricoles par les acteurs de l'environnement. Avec 35% du
territoire situé dans des zones ayant une pente supérieure
à 20%, il ne sera pas possible d'y installer une agriculture
effectivement productive.
61
|
|
|
ZONES
|
|
RURALES
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|
|
|
ZONES URBAINES
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Forêts
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Reforestation
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Agriculture
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existantes
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Zones
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sèche
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Résidentiel
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Haute
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Centre
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Réserves naturelles,
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Pâturages/élevage
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humides
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Faible
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Densité
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|
r ural
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urbain
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Agroforesterie,
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Reforestation
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densité
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Agriculture
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densité
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moyenne
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Peuplement contrôlés
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Agroforesterie
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traditionnelle et
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Agriculture à
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jardins
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(managed woodlots)
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Commerciale
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Jardins
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|
|
p
|
etite échelle
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communautaires,
|
Jardins
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|
|
Jardins de
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|
|
(small scale
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|
Potagers
|
|
dans des
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|
subsistance
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|
a
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griculture),
|
|
agriculture
|
et
|
|
conteneurs
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|
Coopératives
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|
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|
|
|
|
a
|
groforesterie
|
|
commerciale et
|
|
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|
agricoles
|
|
|
communautaires
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|
|
coopératives
|
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|
Jardins s
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|
agricolecs
|
|
|
|
Parcs
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|
Réserves
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|
|
|
artificiels,
|
les toits
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|
naturelles
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|
|
|
Vases sur
|
des
|
|
|
|
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|
|
|
|
|
|
|
balcons,
|
maisons
|
arbres de rue
|
|
Figure 5: Transect de localisation de l'agriculture
urbaine selon le master plan
Source : adapté du master plan par SEBUHINJA (20 10)
62
VII.1.4. Comment s'organisent et se
dessinent les jeux d'acteurs ?
VII.1.4.1. Le schéma d'acteurs
|
|
Administration
|
|
|
|
|
ELUS
|
|
urbaine +MINALOC
|
|
Service des Terres,
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Service agricole
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URBAINS
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Urbanisme et Habitat
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|
urbain
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|
|
|
Projet PAPUK
Organismes de financement : FAO, ONG, institutions
financières et banques
RECO RWASCO +
MININFRA
Acteurs de la société civile (syndicats,...)
Acteurs absents
REMA + Ministère de tutelle
Figure 6:Schémas d'acteurs
ESPACES AGRICOLES ET
AGRICULTURE URBAINE
|
|
RADA, RARDA, RHODA
|
|
Institutions scientifiques et
|
|
|
+ ministère de tutelle
|
|
techniques (enseignement,
|
NAFA +
|
|
|
|
(MINAGRI)
|
|
ISAR,...)
|
Ministère de
|
|
|
|
|
tutelle
|
|
|
|
|
|
|
|
Légende du schéma d'acteurs: Logique de
gouvernance
Logique de participation
Logique de compétitivité et/ou de
complémentarité Logique de
partenariat financier/technique/logistique
Service d'infrastructure et environnement
Service de l'eau, assainissement et énergie
Acteurs annexes
Mines, carrières et tourisme + leurs ministères de
tutelle
Porteurs de projets agricoles
63
VII.1.4.2. Caractérisation
sommaire des acteurs
a) Les acteurs institutionnels
Dans cette catégorie d'acteurs, on trouve notamment le
RADA, le RARDA, le RHODA, le REMA, le NAFA, le RBS, le FDC, la ville de Kigali
et ses districts, les différents ministères concernés
(MINAGRI, ministère des terres et de l'environnement, ministères
des forêts, ministère de l'administration locale,
ministères des infrastructures ainsi que les institutions
gouvernementales de soutien (eau et électricité, ....).
Le RADA est chargé entre autre de
mettre en oeuvre la politique agricole nationale et le RARDA met en oeuvre la
politique agricole nationale en matière d'élevage tandis que le
RHODA est chargé de la promotion et du développement des produits
horticoles. Bien que le ministère de l'agriculture n'accorde aucune
importance spécifique à l'agriculture urbaine , il finance
néanmoins certaines activités des districts urbains. Le RADA
distribue des semences sélectionnées et des engrais et donne des
formateurs au besoin. Il achète aussi la production aux producteurs. Un
projet intitulé `'Rainwater harvesting project'' logé au RADA
aide certaines écoles comme l'école secondaire saint André
à faire l'irrigation au goutte à goute des cultures
maraichères.
Le RARDA donne des vaccins pour
bétail, distribue des vaches dans le cadre du projet `'one cow one
family'' ainsi que des produits vétérinaires ad hoc et des
semences fourragères. Il paye aussi les techniciens
vétérinaires de secteur.
Le REMA est l'organe chargé de
contrôler, de faire le suivi et de s'assurer de l'intégration des
aspects environnementaux dans tous les programmes de développement
national au Rwanda. Outre ces tâches, le REMA intervient entre autre dans
la stabilisation des berges des rivières notamment la Nyabarongo et la
récolte des eaux de pluie en collaboration avec la ville de Kigali. Il
autorise les activités après analyse de leur impact
environnemental.
Le fonds de développement communautaire
(FDC) finance les projets des districts (y compris les projets
agricoles des districts urbains).
Le Rwanda Bureau of Standards (RBS) fait la
normalisation notamment des produits d'élevage et autres. Il
contrôle la qualité des produits agricoles par rapport à
ces standards fixés.
64
Un cadre d'échange regroupant le
MINAGRI et ses offices et la ville de Kigali et ses districts et techniciens a
été décidé lors d'une séance de validation
du plan stratégique d'appui à l'agriculture urbaine et
périurbaine.
Une diversité de vues existe entre les acteurs de
l'agriculture, de l'environnement et de l'urbanisme sur le programme de
l'agriculture urbaine et périurbaine (document de plan
stratégique d'appui à l'agriculture urbaine et
périurbaine, 2009, p.30).
Au Rwanda, la deuxième phase de décentralisation
de 2005 a transféré les pouvoirs et l'autorité du
Gouvernement Central vers les Gouvernements Locaux rendant ainsi les Districts
des entités légalement et administrativement autonomes.
Avec cette décentralisation, trois rôles et
responsabilités ont été dévolus au niveau central
(national) : la formulation des politiques, la mobilisation des ressources et
le renforcement des capacités.
En matière d'agriculture urbaine et ses espaces, trois
acteurs de la ville de Kigali sont directement concernés :
- les élus urbains ;
- l'administration et
- les services techniques (agricoles) ainsi que le projet
PAPUK.
Les élus urbains constituent le
conseil de la ville et du district, comité exécutif de
la ville et du district, conseil de développement de la ville
ou du district
L'administration de la ville est
constituée par le comité exécutif de la ville ou
du district, le conseil de district, secrétariat
exécutif de la ville ou du district.
Les services techniques exécutent chacun en ce qui le
concerne (eau, assainissement et énergie, agriculture, infrastructures
et environnement, terres, urbanisme et habitat, ...).
En matière agricole, le service agricole et le projet
PAPUK financé actuellement par la FAO, sont directement
concernés. Sur le terrain, ils rencontrent d'autres acteurs dans une
logique de participation, de gouvernance, de compétitivité et/ou
de complémentarité, de partenariat financier, technique ou
logistique.
65
b) Les instituts d'expertise, de
conseil, de recherche et de formation
Le rôle de telles institutions dans l'agriculture
urbaine à Kigali n'est pas encore visible. Cependant, l'Institut des
sciences agronomiques du Rwanda chargé de la recherche agricole,
distribue entre autres des plants d'arbres agroforestiers.
c) Les institutions d'enseignement et de
formation
L'impact de leurs activités ne se voit pas encore, mais
aura une influence sur la trajectoire de développement de la
filière à moyen et long terme.
Les formations actuellement proposées sont en rapport
avec la filière agricole classique. On peut s'attendre à ce que
ces cycles de formation se développent proportionnellement au
développement de la filière : plus la filière prendra de
l'importance, plus ces formations seront proposées. Le projet PAPUK a
mis en place un centre de vulgarisation des microjardins à Gatenga et va
installer des centres de formation et de démonstration en agriculture
urbaine. En collaboration avec le service environnement de la ville des
microjardins irrigués à l'eau de pluie vont être
installés dans des ménages par le projet PAPUK en guise de
démonstration tandis que le Gako organic farming training centre
situé à Kabuga donne des formations en agriculture durable aux
intéressés à ce type d'agriculture capable de payer les
frais de formation (18 dollars US/personne/jour
:http://www.ifoam.org/growing_organic/7_training/t_opportunities/africa/Orga
nic_Farming_Training_Centre.html)..
d) Les porteurs de projet (agriculteurs,
coopératives, entreprises agricoles,...)
Ce sont les acteurs clés de la filière. La ville
de Kigali compte environs 2 158 agriculteurs et éleveurs
regroupés dans 119 coopératives et associations reconnues
officiellement au niveau de la Mairie et repartis dans différentes
filières de l'agriculture urbaine et péri -urbaine dont 3
spécialisées en gestion de pépinières
fruitières ou d'agroforesterie , 4 en apiculture, 30 dans
l'agrobusiness, 20 dans l'agriculture et l'élevage, 22 dans les
champignons, 12 dans l'agriculture pure, 16 dans l'horticulture et 12 dans
l'élevage pure (stratégie d'appui à l'agriculture urbaine
et périurbaine de Kigali, p.33). L'option coopérative est la plus
préférée par la mairie mais les coopératives
agricoles connaissent des problèmes de gestion.
66
Une analyse des perceptions sur
l'agriculture urbaine a permis de constater trois catégories
d'agriculteurs urbains à Kigali (SEBUHINJA, 2009):
- des agriculteurs héritiers d'une culture agricole
menacée dont certains pratiquent l'agriculture faute de mieux ;
- des agriculteurs innovateurs et
- ceux revendiquant un statut d'entrepreneurs.
La première catégorie est la plus dominante mais
tout semble faire croire que s'ils trouvaient mieux, ils abandonneraient
carrément l'agriculture urbaine. Les deux dernières
catégories sont peu nombreuses et cela pourrait signifier que les gens
hésitent à s'engager dans l'agriculture.
En matière d'élevage, les acteurs sont pour la
plupart des fonctionnaires, des militaires, des commerçants,... en
démarche entrepreneuriale mais brillant par l'absentéisme car ils
ont d'autres occupations.
Les acteurs industriels sont constitués de laiterie
(deux laiteries présentes dans la ville), d'abattoirs (deux abattoirs
présents), de transformateurs de produits agricoles et leurs
dérivés (minoterie, fabrication de purée de tomate,
boulangerie, boucherie charcuterie, fabrications de bières et limonades,
transformations de cuirs et peaux, fabrication d'aliment pour
bétail,...).
Selon des informations recueillies sur le terrain, un grand
projet de culture irriguée à Masaka est en cours d'étude
en collaboration avec le ministère de l'agriculture et des ressources
animales tandis qu'un grand marché régional de légumes et
fleurs de 20 ha va être installé à Masaka (Kicukiro). Le
projet PAPUK en collaboration avec le service environnement compte installer
des jardins potagers arrosés à l'eau de pluie dans 50
ménages par secteurs.
e) Les organismes professionnels
agricoles
A Kigali, malgré l'existence d'une chambre
d'agriculture, son rôle dans l'agriculture urbaine n'est pas visible. Le
syndicat agricole Imbaraga est actif dans les secteurs ruraux de la ville
où il dispose des animateurs agricoles.
f) Les acteurs de la
société civile
A Kigali, tout comme dans tous les districts du Rwanda, dans
le cadre de la décentralisation, il a été
créé un organe dit « Joint Action Forum » ou «
Forum d'Action Conjointe » de partenariat
67
entre tous les acteurs de
développement et l'administration des Districts. Ce Forum d'Action
Conjointe est un Forum réunissant tous les représentants des
acteurs de développement du District (bailleurs, programmes/projets,
société civile, secteur privé, confessions religieuses,
ONGs, organisations philanthropiques, etc.) qui agissent d'une manière
ou d'une autre et qui ont un rôle direct et ou indirect dans le
développement du District.
Cet organe qui réunit à la fois des acteurs du
secteur public, du secteur privé ainsi que ceux de la
société civile contribue au développement durable du
District depuis la planification jusqu'à l'évaluation en passant
par l'exécution des actions de développement.
g) Les organismes de crédit
Ce groupe d'acteurs est destiné à accorder des
crédits pour financer les projets agricoles. On peut y recenser entre
autres organismes : Banque Rwandaise de Développement, Banque Populaire,
Fonds de Développent Communautaire (FDC), Quelques organisations de
micro finances, Quelques projets du MINAGRI comme RSSP (Rural Sector Support
Project),...
L'accès au crédit est difficile dans la ville de
Kigali, surtout s'il s'agit d'un crédit agricole9. Pourtant
le financement des activités agricoles recourt souvent au crédit,
car la plupart des opérateurs n'ont pas toujours de moyens propres pour
développer leurs activités (document de stratégie d'appui
à l'agriculture urbaine et périurbaine, 2009, p.48).
h) Les acteurs « annexes »
Leurs objectifs sont en général ceux de leurs
membres : organiser la filière et attribuer à chacun des acteurs
la place qui lui convient le mieux pour assurer la progression du secteur
entier, en profitant des synergies possibles.
9 En période que l'on pourrait qualifier de
normale, la tendance des prêteurs est de s'orienter vers des projets
rentables dont le retour sur investissement et la production sont les plus
rapides possibles. L'agriculture étant une économie à
cycle long et soumise à beaucoup d'impondérables, elle s'en
trouve pénalisée. D'autre part, la question de la
lisibilité foncière est centrale et stratégique pour la
pérennité économique de l'agriculture périurbaine.
En effet, pour reprendre une exploitation comme pour créer une
activité nouvelle, un agriculteur a besoin d'une visibilité au
moins égale à la durée de remboursement de ses emprunts,
soit entre dix et vingt ans en moyenne (Certu et al., 2008). Si la ville ne lui
offre pas cette visibilité, les banques ne prendront pas le risque de
l'accompagner et il ne pourra faire les investissements nécessaires
à son activité (foncier, bâtiments, cheptel, machinisme...
).
68
i) Les absents des
jeux de la filière
Ces acteurs seront amenés, à jouer un rôle
important, sans pour autant intervenir directement sur le destin de la
trajectoire de développement de la filière.
En effet, un fait avéré et
étiqueté comme tel est que, à Kigali, l'urbanisation est
inéluctable. Les services d'habitat et d'infrastructures vont être
très sollicités tandis que les services d'environnement seront
dépassés par les impacts de cette urbanisation sur
l'environnement (gestion des eaux dont le taux de ruissellement aura
été augmenté par l'artificialisation des espaces, gestion
des déchets. Les espaces prévus pour les constructions
suffiront-t-il ? Que se passera-t-il si, au lieu de l'hypothèse standard
(5,43% de taux de croissance) c'est l'hypothèse haute (8% de taux de
croissance) qui se produit. Les espaces agricoles résisteront-ils
à cette urbanisation et à son impact ? Les acteurs actifs
aujourd'hui auront un intérêt à y voir une
opportunité d'actions proactives de leur part ou une menace à
faire sauter ou contourner.
VII.1.4.3. Les jeux d'acteurs
La partie précédente a caractérisé
9 catégories d'acteurs, la dernière qualifiée d'acteurs
absents étant un regroupement d'acteurs assez
hétérogène. En analysant, on peut remarquer que parmi les
neuf catégories, seuls la ville de Kigali et ses districts via les
services agricoles et le projet PAPUK appuyé par la FAO sont
actuellement très actifs.
Ils sont entourés par des porteurs de projets qui
hésitent à s'investir (agriculteurs en particulier) et des
acteurs institutionnels (MINAGRI et ses institutions) plutôt
orientés vers le milieu rural10 (Sans pour autant s'opposer
à l'agriculture urbaine). Seuls les acteurs industriels (laiterie,
boulangerie, ...) sont réellement actifs mais ne reflètent en
rien l'agriculture urbaine. Les acteurs annexes interviennent, le plus souvent,
sur demande des acteurs principaux (dans le cas d'entreprises
spécialisées dans la communication, par exemple), ou alors
suivent la volonté de leurs composants (environnement,...). Gako organic
farming training centre donne des formations en agriculture durable pour ceux
qui le veulent et sont capables de payer.
10 La politique nationale agricole est plutôt
orientée vers le milieu rural. C'est peut-être pourquoi, avec la
nouvelle organisation de la mairie, on a enlevé les agronomes dans les
secteurs urbains pour ne les garder que dans les secteurs ruraux de la ville et
introduit un organe appelé agribusiness et développement rural
sans faire apparaître l'appellation agriculture urbaine ou services
agricoles.
69
L'ensemble des acteurs cités
jusqu'ici ont en commun la volonté de ne pas s'opposer à
l'agriculture urbaine mais leurs motivations divergent. Le domaine est encore
nouveau. Ceux qui élaborent les connaissances et ceux qui les
transmettent, n'ont pas encore investi la filière càd que les
connaissances et technologies possibles en agriculture urbaine manquent
encore.
Ces acteurs ne vont pas évoluer librement dans l'espace
des possibles trajectoires de développement de l'agriculture urbaine
à Kigali, mais seront en relation directe ou indirecte les uns avec les
autres. Plus la filière prendra de l'importance, plus il sera possible
d'observer aussi bien des efforts coopératifs que des jeux de
concurrence, parfois entre les mêmes acteurs mais sur des étapes
différentes du processus de développement de la ville de Kigali.
L'ensemble de ces relations et jeux de pouvoir et d'influence
déterminera alors l'avenir de la filière et son
développement. Leur explicitation et leur analyse sont ainsi d'un grand
intérêt pour pouvoir analyser les futures trajectoires de
développement possibles. Néanmoins, des considérations
d'ordre économique, législatif et réglementaire, ou encore
fiscal joueront certainement un rôle lors de la détermination de
la trajectoire de développement de l'agriculture urbaine à
Kigali. Il en est ainsi des indications incluses dans le master plan de la
ville de Kigali qui confinent l'agriculture dans les espaces
périphériques.
Pour une meilleure compréhension des relations
actuelles entre les acteurs, il est possible de dresser des cartographies des
acteurs. Nous allons proposer deux cartes distinctes : la première
propose une analyse globale des acteurs, en fonction de leur proximité
avec la filière (et donc leur intérêt à l'avancement
technologique), la deuxième s'inspire de l'analyse de Mendelow qui
permet de grouper les acteurs selon le degré d'intérêt
qu'ils auraient à influencer les décisions à prendre, et
selon leur pouvoir d'influence, que ce soit par des moyens financiers, des
outils juridiques et réglementaires ou du lobbying, par exemple.
a) Cartographies de positionnements des
acteurs
La cartographie d'acteurs vise à mettre en perspective
les positions et rapports de force de l'ensemble des parties prenantes. Une
carte représente alors leurs relations à un moment donné,
dans une situation donnée. Établie en partant de l'objet
(agriculture urbaine), les acteurs sont placés sur cette carte, plus ou
moins distants de l'objet, en cercles concentriques. Les frontières
70
entre les « champs d'implication
» sont perméables, un acteur ou un groupe d'acteurs peuvent les
chevaucher ou transgresser.
Si l'on suppose qu'au coeur de la filière agriculture
urbaine se trouve le potentiel de développement, on obtient trois champs
d'implication : la zone rouge désigne une implication forte avec la
volonté de faire progresser la filière, la zone jaune regroupe
les acteurs avec une implication indirecte dans le développement, la
zone blanche est réservée aux acteurs qui actuellement ne sont
pas ou très faiblement impliqués.
a) La carte objet-acteurs
ACTEURS ABSENTS
Porteurs de projets (agriculteurs, coopératives,
entreprises,..) Organismes professionnels agricoles (chambre
d'agriculture, syndicats agricoles,...
Expertise, conseil, recherche et formation
VILLE DE KIGALI
|
ACTEURS
|
|
INSTITUTIONNELS
|
Enseignement et
|
|
formation
|
Organismes de
|
|
Acteurs annexes
|
crédit
|
|
Figure 7:la carte objet-acteurs de l'agriculture urbaine
de Kigali
Source : SEBUHINJA (2010)
En analysant le positionnement actuel des acteurs de
l'agriculture urbaine à Kigali, on peut observer que le gros fardeau est
porté par la ville de Kigali. Même les porteurs de projets ne sont
pas totalement impliqués.
71
b) La carte
intérêt-pouvoir, adapté de Mendelow
Les jeux de pouvoir et d'influence entre les divers groupes
d'acteurs identifiés peuvent être analysés, en appliquant
la carte intérêt-pouvoir adaptée de Mendelow [1991
cité par PFEIFLE, 2008], en termes de l'intérêt que ces
groupes portent (actuellement) sur l'objet, et du pouvoir propre dont ils
disposent pour co-déterminer les trajectoires de développement
possible. Ce pouvoir de co-détermination des groupes d'acteurs
dépend d'une part des ressources dont ils disposent dans le domaine
considéré et qui leur permettent d'agir (ressources
financières, humaines, mais aussi relationnelles, par exemple)
directement, d'autre part de la position actuelle qu'ils occupent dans la
filière agriculture urbaine et de celle qu'ils souhaitent atteindre dans
le futur.
Cette carte permet non seulement de rendre graphiquement
compte de la position que les divers groupes d'acteurs identifiés
occupent aujourd'hui. Elle permet également, en adoptant le point de vue
de l'un ou de l'autre des groupes d'acteurs représentés, de
donner des indications quant aux options stratégiques de positionnement
par rapport aux autres groupes possibles et souhaitables, compte tenu de la
stratégie poursuivie par ce groupe d'acteurs.
Les porteurs de projets font partie des acteurs clés
pour la détermination de la trajectoire de développement de
l'agriculture urbaine à Kigali : la mise en oeuvre de tout projet
à taille réelle nécessite leur concours en termes
d'engagement, d'organisation et même de financement car les institutions
financières hésitent encore à donner des crédits au
secteur agricole. Or, dans la mesure où les développements
techniques nécessaires, mais également la formation des
ressources humaines à l'application des nouvelles technologies ne peut
être pris en charge entièrement par ces acteurs, le groupe «
Expertise, recherche, enseignement et formation » se trouve
également dans les acteurs clés.
De la même façon, la mise en oeuvre des
différentes technologies de l'agriculture urbaine est tributaire du
cadre législatif et juridique à élaborer. Ainsi, les
acteurs institutionnels occupent également une position clé pour
la trajectoire de développement de la filière à Kigali.
Sans pour autant s'opposer à l'agriculture urbaine, les
différents plans de référence au niveau national, sont
plutôt orientés vers le milieu rural.
72
Le groupe des acteurs annexes
(médias,...) ne détient pas de pouvoir élevé
d'influence sur la trajectoire de développement de l'agriculture urbaine
à Kigali. En effet, il intervient dans le domaine sur la demande des
porteurs de projets, et donc en cas de besoin. Ainsi, ce groupe annexe permet
aux porteurs de projets de mettre en oeuvre leur stratégie d'influence,
mais ne prend, a priori, pas de décision autonome quant à la
direction que poursuit la trajectoire de développement. Leur
intervention est conditionnée par les besoins des acteurs clés
qu'ils assistent. Pour les acteurs clés, ce groupe constitue une
ressource nécessaire lors de la mise en oeuvre d'actions
stratégiques, et leur disponibilité peut influer sur les
possibilités d'action des acteurs clés. Ainsi, ces derniers ont
intérêt à garder le groupe des acteurs annexes
informé de leurs options d'action envisagées : une information
à temps est nécessaire afin de permettre aux acteurs annexes de
mettre les ressources souhaitées à la disponibilité des
acteurs.
Finalement, les acteurs aujourd'hui absents ne veulent pas ou
ne disposent pas de l'information nécessaire pour prendre une position
claire vis-à-vis de l'agriculture urbaine, ou encore pour influer sur sa
trajectoire de développement future. Même si leur absence est
partiellement due au manque d'intérêt que ce groupe d'acteurs
manifeste par rapport à la filière, il ne faut pas en
déduire qu'il en restera ainsi. En effet, on peut supposer que, une fois
que ce groupe disposera d'un minimum d'information - ou encore, une fois que
l'objet « agriculture urbaine et sa trajectoire de développement
» entrera dans l'arène du débat public-, leur
intérêt pour la problématique augmente. Dans le même
temps, force est de constater que l'opinion publique peut devenir
co-déterminante pour des développements technologiques : le
pouvoir d'influence de ce groupe hétérogène d'acteurs est
loin d'être négligeable.
Dans la carte présentée ci-dessous, nous avons
marqué cette évolution perceptible mais non encore arrivée
à terme en représentant non pas une seule, mais deux positions
pour ce groupe d'acteurs : la première reprend leur positionnement
actuel, le lien vers la seconde représente le mouvement actuellement
observable. En effet, si aucun problème ne se pose pas aujourd'hui, il
n'en sera pas de même au moment où :
- la capacité d'accueil maximale de la ville de Kigali
(3 millions d'habitants) aura été atteinte (soit en 2030 selon
les projections) et qu'il faudra chercher d'autres espaces pour construire les
logements et autres infrastructures urbaines;
73
- les impacts de l'urbanisation
commenceront à voir le jour (gestion des eaux, des déchets,
impact sur les écosystèmes et les paysages,...)
Alors que les acteurs clés (porteurs de projets)
piétinent, trois acteurs pouvant avoir une influence déterminante
dans la définition de la trajectoire de développement de
l'agriculture urbaine de Kigali doivent être satisfaits : les acteurs
institutionnels (actuellement calmes), les organismes de crédit et les
acteurs absents.
|
|
Intérêt pour la décision
|
|
|
Faible
|
Élevé
|
|
Faible
|
Pas d'effort spécifique
|
À informer
|
|
|
Acteurs absents
|
Acteurs annexes
|
|
|
|
|
|
(riverains, associations
|
|
|
|
pour
|
|
|
|
l'environnement,...)
|
|
|
|
|
Acteurs de la
|
|
|
|
société civile
|
|
|
|
Expertise, conseil,
|
|
|
Acteurs absents
|
recherche, enseignement
|
|
|
|
et formation, organismes
|
choix
|
|
|
professionnels agricoles
|
Élevé
|
À satisfaire
|
|
le
|
|
|
|
sur
|
|
Acteurs
|
|
|
institutionnels
|
|
d'influence
|
|
|
|
|
Acteurs clés
|
|
|
|
Porteurs de
|
|
|
|
projets
|
Pouvoir
|
|
Organismes de
|
|
|
financement
|
|
|
|
|
Figure 8: La carte intérêt-pouvoir
appliquée à l'agriculture urbaine à Kigali
Source : SEBUHINJA (2010)
74
VII.2. Analyse et discussion des
résultats
Après inventaire et appréciation de leur valeur
agricole, les terres réservées à l'agriculture, seront
cartographiées, bornées et inscrites au cadastre qui va
délivrer un document d'enregistrement. Les marais et les zones de
culture sèche seront aménagés, pourvus de drainage et
d'irrigation en fonction des besoins et des potentialités. Les
protocoles de production et de distribution seront précisés et
ces terres seront données aux groupements coopératifs qui vont
les exploiter. Ces groupements bénéficiaires seront formés
à leur usage et maintenance ainsi qu'aux bonnes pratiques agricoles et
au portail phytosanitaires international. Les déchets organiques de la
ville et des ménages seront récupérés et
transformés en compost ou en briquettes énergétiques. Des
normes d'hygiène et de qualité seront mises au point et
contrôlées. Des ?centres d'innovations? seront créés
au niveau des secteurs et des districts et le contexte institutionnel de
l'agriculture urbaine sera consolidé.
Ainsi se résume les stratégies
déployées à Kigali pour favoriser et maintenir
l'agriculture urbaine à Kigali telles que stipulées dans le plan
stratégique d'appui à l'agriculture urbaine et périurbaine
et le master plan. L'analyse des jeux d'acteurs montre une divergence de vues
des acteurs de l'agriculture, de l'environnement et de l'urbanisme sur le
programme de l'agriculture urbaine et périurbaine. On note aussi une
position relativement « calme » des acteurs institutionnels (MINAGRI
et ses institutions,...) alors que la politique agricole nationale ne donne
aucune importance spécifique à l'agriculture urbaine. La
répartition actuelle des acteurs indique que c'est surtout la ville de
Kigali, via ses services agricoles et le projet PAPUK financé par la FAO
qui sont aujourd'hui actifs. Ils sont entourés de porteurs de projets
qui hésitent à s'investir.
Ces résultats suggèrent que malgré les
bonnes stratégies dressées, la marge de manoeuvre pour
l'agriculture urbaine des grands espaces est vraiment très
limitée.
L'accroissement de population va entraîner une forte
demande en logements11, et l'urbanisation va progresser. En relation
avec la généralisation de l'habitat pavillonnaire,
l'accroissement de l'espace moyen consommé par nouvel habitant, s'il
n'est pas enrayé par une densification de l'habitat, va accentuer la
pression sur les espaces ouverts en périphérie de la ville. En
particulier, pour le district de Gasabo dont le master plan
prévoit que 70% de sa superficie demeurera rural
11 Il est prévu qu'il faudra construire ½
millions de nouveaux logements avec en moyenne 4,58 personnes par ménage
(Kigali conceptual master plan, 2007, P.50)
75
alors que son potentiel de croissance
développable est de 65%, il ne sera pas possible de respecter cet
objectif car les enjeux démographiques en ville dépassent
largement ceux de l'agriculture.
En outre, la forte urbanisation engendre des risques pour le
milieu naturel : pression sur la ressource en eau du territoire,
problèmes croissants de l'assainissement des eaux usées et du
traitement des déchets, artificialisation des sols. A ce titre, les
espaces naturels de la ville de Kigali présentent un caractère
remarquable avec de nombreuses zones d'intérêt écologique,
qu'il s'agisse des zones humides ou des massifs collinaires environnants, ou
encore des vallées alluviales. Cela va porter préjudice à
l'agriculture des zones humides (wetland agriculture). En effet, certains
aménagements et certaines pratiques ayant porté préjudice
à la conservation de ces territoires, il sera difficile d'y maintenir et
développer certaines productions agricoles dans un contexte
d'urbanisation rapide. Malgré qu'elles puissent abriter certaines
cultures comme la canne à sucre ou le riz, la plupart si ce n'est pas
toutes seront probablement protégées pour ne servir que comme
zone de traitement environnemental (Environmental Traitment Zone) et de
réserves naturelles. Pour l'agriculture sèche, située
à la périphérie de la ville et dans les zones
résidentielles rurales, elle sera confrontée aux contraintes
physiques. Les zones avec pentes supérieures à 20% qui couvrent
35% du territoire urbain serviront probablement à la reforestation. Eu
égard à la pression démographique, des études
supplémentaires quant à leur constructibilté seront
probablement menées.
Les porteurs de projets constituent les acteurs clés.
Or, leur engagement n'est pas aujourd'hui total, leur organisation n'est pas
assurée et leur capacité de financement laisse à
désirer. Les groupements coopératifs, attributaires des espaces
agricoles connaissent des problèmes réels de gestion. Ces
coopératives éprouvent, en outre, des difficultés dans le
recrutement de leurs membres comme dans la mobilisation des fonds à
investir dans les affaires (Task force pour la promotion des
coopératives, 2006, p.29).
Les récentes mutations des agronomes vers les secteurs
ruraux constituent un signe précurseur qui montre que le volet agricole
doit migrer vers les secteurs ruraux de la ville. L'utilisation des vases sur
les balcons et des jardins sur les toits au titre agricole au lieu
d'agrément (fleurs) dépendra de l'interprétation du
master plan par les élus de la ville.
76
Un dernier point qui mérite
d'être signalé est la marginalisation de l'agriculture par les
citadins de Kigali. L'agriculture était mal notée par tous les
citadins abordés dans l'étude d'identification des besoins du
master plan. Elle n'était votée que par les gens en provenance
des zones périphériques de la ville (Kigali conceptual master
plan, 2007).
Une ville, un pays ou un terroir peut-il vivre des seuls
importations de l'extérieur12 ? Pourquoi l'agriculture
est-elle si marginalisée alors qu'elle est le seul secteur à
fournir la nourriture dont l'humanité a besoin pour vivre? L'agriculture
ne peut-elle pas susciter le démarrage du développement comme le
pensent ces citadins? Autant de questions suscitées par notre recherche
?
A la question sur la capacité de l'agriculture à
susciter le démarrage du développement, les économistes
néoclassiques comme Hirschmann ou marxistes répondront par la
négative. Selon eux, l'agriculture ne peut constituer le point de
départ du développement du fait de la faiblesse des `'effets de
liaison''13 qu'elle suscite. Dans cette perspective, le `'vrai''
développement ne peut être qu'industriel (Henri de France, 2001,
p.144). Cette affirmation ne peut pas être
généralisée aux pays du Tiers-Monde (encore moins pour le
Rwanda). D'abord, parce qu'une implantation volontariste d'unités de
production industrielle dans un pays du Tiers-Monde peut y demeurer à
l'état de corps étranger, sans exercer les effets de liaison
escomptés. Puis, parce qu'à contrario les activités
agricoles peuvent générer des effets induits d'industrialisation
(idem, p.145). Le même auteur donne l'exemple asiatique où en Asie
de l'Est, une augmentation d'un point de pourcentage de la croissance de
l'agriculture a en général entraîné une hausse de
1,5 point de pourcentage de la croissance du secteur non agricole.
12 Selon Drechsel et al.(1999, p. 19 cité par SEBUHINJA,
2009), pour une ville de 3 à 4 millions d'habitants, le besoin en
aliment avoisine les 3 000 tonnes par jour ou l'équivalent de 1 000
camions par jour chaque camion étant chargé de 3 tonnes. Ceci
suppose l'entrée en ville de 2 camions toutes les 3 minutes. Kigali
Centre peut-il relever ce défi sans l'agriculture urbaine ?
13 L'effet de liaison traduit la spécificité
qu'ont certains investissement à en induire d'autres nouveaux
investissements (ou arrivent à le faire plus rapidement que le reste).
On peut considérer que deux mécanismes d'induction jouent
à l'intérieur du secteur des activités directement
productives. Le premier, l'approvisionnement en inputs, la demande
dérivée ou les effets de liaison en amont :
c'est-à-dire que toute activité économique
déterminera les efforts pour produire localement les inputs qui lui
sont nécessaires. Le deuxième, l'utilisation des outputs, ou
les effets de liaison en aval : c'est-à-dire que toute
activité qui, par nature, ne répond pas exclusivement à
des demandes finales déterminera des efforts pour utiliser ses outputs
comme inputs dans des nouvelles activités (Hirschman, 1958, p. 100
cité par Elies Furio-Blasco, 2002). D'après Hirschman A.O.,
l'agriculture ne stimule pas directement, par des effets de liaison, la
création de nouvelles branches d'activité.
77
Ces éléments font ressortir
le dynamisme requis à l'agriculture urbaine de Kigali dans une ville
alimentée par un flux migratoire soutenu14. Dans une telle
situation, comment maintenir durablement cette agriculture urbaine alors que
tous les éléments l'en éloignent ? Les enjeux territoriaux
peuvent être traduits par les principes du développement durable,
consistant ici à associer la croissance économique à la
croissance démographique, tout en préservant le potentiel de
ressources du territoire. L'agriculture apparaît à ce titre comme
une composante majeure, en tant qu'élément du cadre de vie et de
la culture locale, génératrice de paysage et activité
économique à part entière. Elle constitue à ce
titre un actif spécifique remarquable, à condition de faire
l'objet d'une véritable activation-requalification en tant que ressource
du territoire (Pecqueur, 2003 ; Peyrache-Gadeau, Pecqueur, 2004 cité par
JARRIGE, THINON et NOUGAREDES, 2006).
14 Il est projeté que, dans les prochains 25
ans, plus de 1 million d'habitants vont migrer vers les villes du Rwanda
(Kigali master plan, 2007). Kigali recevra la plus grosse part de ces
migrants.
78
CONCLUSION GENERALE ET
RECOMMANDATIONS
Au final, ce travail montre que l'agriculture urbaine et ses
espaces à Kigali sont bel et bien pris en compte et
protégés par les documents réglementaires de la ville ;
Alors que le master plan lui donne un rôle plutôt
multifonctionnel, le plan stratégique abonde dans le sens
d'économie agricole. Il y a donc diversité de vues des acteurs
sur le programme à adopter pour l'agriculture urbaine et
périurbaine.
Au regard du postulat qui prédit la disparition
à long terme de l'agriculture de la ville de Kigali, on se pose alors la
question si le master plan et l'inscription au cadastre offrent-ils une
protection suffisante? Vont-ils conduire à une agriculture urbaine
durable ?
Ce master plan devrait jouer un rôle de dispositif de
gouvernance, c'est-à- dire permettre à l'ensemble des
utilisateurs de l'espace d'élaborer des projets, de partager un langage
commun, d'imaginer des procédures de consultation et de dialogue entre
les différentes parties prenantes et de définir des règles
de coordination et d'apprentissage. Cependant à partir de la
diversité de vues entre les acteurs de l'agriculture, de l'environnement
et de l'urbanisme sur le programme de l'agriculture urbaine et
périurbaine, on peut craindre que ce rôle risque de ne pas
être pleinement joué.
Les principaux acteurs vont créer des routines
défensives là où il faut innover pour aborder
réellement le problème des relations entre agriculture et ville
et entre agriculture et développement urbain durable, en les centrant
d'abord sur la perception des enjeux réels. Cette ambition est
éloignée de la simple préoccupation d'adapter un
dispositif, potentiellement novateur, à une réalité
inchangée car l'intérêt du changement n'est pas
perçu et compris. La restriction des débats sur l'agriculture
urbaine aux seules parties actives tel que nous l'avons constaté
à Kigali, quand certains individus abordés hésitaient
à nous donner des rendez-vous pour un entretien sur l'agriculture
urbaine, masque des enjeux globaux ou des enjeux locaux de parties non actives
en particulier les acteurs que nous avons qualifiés d'acteurs absents.
Des jeux de pouvoirs ou des détournements des dispositifs mis en place
peuvent se produire au profit de quelques acteurs coalisés. Sans
volontés politiques originales, les capacités des acteurs
aujourd'hui actifs pour tracer la trajectoire de développement de
l'agriculture urbaine se trouveront limitées.
79
La forme à donner aux
débats devrait dépasser les enjeux catégoriels et
l'approche par filière. Il faudrait dépasser l'enfermement sur
les enjeux strictement agricoles et prendre en compte la multiplicité
des usages des ressources territoriales. Bien que le master plan soit un
document réglementaire, force est de constater qu'il n'est pas
légalement contraignant par lui-même et l'inscription au cadastre
bien qu'elle atteste la reconnaissance de la propriété sur un
espace donné est plutôt plus orientée vers la
fiscalité.
D'autre part, le meilleur moyen de protéger les espaces
agricoles étant de maintenir la rentabilité de l'agriculture de
sorte que les exploitations restent en activité, il a été
constaté que, à Kigali, la rentabilité est compromise par
des contraintes topographiques et environnementales.
Ainsi, au-delà du projet de master plan, les dynamiques
futures des espaces et activités agricoles dépendent des choix
politiques qui seront faits par les élus de la ville et les acteurs de
l'environnement. La multiplicité des enjeux se doublant de celle des
acteurs, c'est bien un dialogue permanent qu'il faudrait favoriser entre le
monde urbain (ses élus, ses techniciens, ses habitants) et les
représentants du monde agricole dans sa diversité. Cette
concertation construite dans des rapports de confiance entre élus,
acteurs et usagers devrait être accompagnée d'une production
agricole organisée.
Néanmoins, les questions de l'adaptation des
organisations professionnelles agricoles traditionnelles face aux «
nouvelles problématiques territoriales» et de leur
représentativité dans les dispositifs de concertation
développés par les nouveaux modes de gouvernance territoriale
restent posées. La légitimité des organisations de
producteurs urbains apparaît, en particulier, problématique sur
leur capacité à porter les formes d'agricultures innovantes,
souvent à développer par de nouveaux acteurs, hors des sentiers
battus du monde agricole ? traditionnel?.
Quel développement durable est-il alors envisageable pour
cette activité ?
La durabilité de cette agriculture se pose en termes
d'aménagement et de gouvernance. En termes d'aménagement, les
documents de planification des dernières décennies ont
montré qu'il ne suffisait pas de préserver le foncier pour
assurer la pérennité de ces espaces. Il est également
indispensable de garantir les conditions permettant un développement
économiquement viable des activités agricoles et un
fonctionnement durable des écosystèmes. La législation et
la
80
planification doivent évoluer vers
une prise en compte de ces logiques. Ce qui implique nécessairement une
transformation en termes de gouvernance. Celle-ci suppose : la création
des organisations ou des institutions territoriales efficaces,
l'élaboration des politiques d'aménagement performantes en
matière d'économie d'espace et, enfin, la mise en oeuvre
raisonnée du projet agricole dans le territoire urbain. Ces trois
étapes doivent être soutenues par des volontés politiques
originales.
Dès lors, les recommandations suivantes peuvent
être formulées pour une agriculture urbaine durable de Kigali:
1. Reconnaître que l'agriculture urbaine est
différente de l'agriculture rurale et qu'elle peut contribuer à
la sécurité alimentaire, à la sécurisation
environnementale et sociale
A Kigali, l'analyse de la perception des acteurs sur
l'agriculture urbaine montre qu'elle est perçue par rapport à son
marché (le marché existe), à ses produits (produit de
haute valeur ajoutée) et ses espaces (marais et bas-fonds et autres
espaces à caractère rural). Elle est méconnue par rapport
à la diversité de ses systèmes culturaux et ses
technologies alors que ce sont ces divers systèmes d'exploitation et ses
diverses technologies qui la permettront de résister à la
pression urbaine, de s'adapter et d'occuper un énorme créneau
dans l'écosystème urbain. Comme elle se fait en milieu
inhospitalier où elle est en concurrence avec d'autres activités,
reconnaître cette différence permettrait de lui allouer les
ressources nécessaires.
2. Développer les
capacités des acteurs autour de la question agricole
L'agriculture urbaine à Kigali est un concept nouveau
qui, pour être accepté pleinement nécessite une
vulgarisation soutenue. Il est donc indispensable de sensibiliser les
différents publics (élus, agriculteurs, citoyens urbains, chambre
d'agriculture, syndicats agricoles, associations locales de
développement agricole, presse,...) en construisant un
argumentaire spécifique pour que chacun de ces acteurs du territoire se
mobilise, comprenne les enjeux d'une bonne prise en compte de l'agriculture et
participe activement tout au long du processus, dans le cadre de la
concertation, à la construction du projet de territoire.
81
3. Créer une instance de
dialogue autour de la mise en oeuvre du master plan dans lequel les acteurs
agricoles sont associés
Le fait que la question agricole ne soit portée
aujourd'hui que par les seuls services agricoles et le projet PAPUK constitue
en soi une menace. Une instance de dialogue éviterait l'enfermement en
approche par filière préjudiciable à l'avenir de
l'agriculture. Les attendus de cette instance seraient : dialogue et
coordination, production de normes et régulation pour la mise en oeuvre
des règles et règlements.
4. Développer de nouvelles formes
d'agriculture
L'inscription de nouvelles formes d'agricultures dans les
tissus sociaux et économiques passe par une activation de ressources
nouvelles. En effet, l'environnement urbain encourage la maximisation de la
production à partir de surfaces minimales (Prain, Henk de Zeeuw, 2008)
:
- cultures hors saison à fort rendement
économique moyennant une irrigation et/ou
recouvrement des cultures...,
- adoption de variétés à haut
rendement, application de pratiques de maraîchage bio
intensives et de permaculture.
- une utilisation maximale des ressources naturelles
disponibles lorsque celles-ci n'étaient pas préalablement
utilisées pour l'agriculture. Cela inclut l'utilisation des eaux
usées comme source d'eau mais aussi comme source de nutriments (Buechler
et al., 2006 cité par Gordon Prain, Henk de Zeeuw, 2008 ), l'utilisation
de déchets solides urbains compostés (Cofie and Bradford, 2006
cité par Gordon Prain, Henk de Zeeuw, 2008) et l'utilisation de
parcelles de terre abandonnées ou marginales
- Une utilisation intensive d'espaces verticaux limités
(utilisation de terrasses, de toits, de caves et de balcons ; l'usage de divers
types de systèmes de conteneur et de paniers suspendus, la culture sur
murs, cascades, ou pyramides);
- l'utilisation de systèmes sans substrats terrestres
comme l'agriculture hydroponique (Marulanda et Izquierdo, 2003 cité par
Gordon Prain, Henk de Zeeuw, 2008) et organoponique (Premat, 2005 cité
par Gordon Prain, Henk de Zeeuw, 2008 ), aéroponique, aquaponiques et
autres technologies à utilisation «d'espace limité, sans
utilisation d'espace».
- Des projets de fermes verticales.
82
Pour ce faire, la recherche devrait se
saisir du problème et imaginer ces nouvelles formes d'agriculture plus
esthétiques et plus à même de répondre aux exigences
du master plan quant à la zone urbaine.
5. Développer de nouveaux modes
de gouvernance de l'agriculture urbaine
L'agriculture devrait servir comme un des outils de gestion des
espaces ouverts de la ville de Kigali.
6. Privilégier des engagements d'agriculteurs
assortis d'aides publiques
Les enjeux environnementaux des espaces réservés
à l'agriculture sont tellement forts que sans engagements assortis
d'aides publiques, l'agriculteur seul ne parviendrait pas à
préserver les équilibres environnementaux nécessaires. En
effet, l'exploitation agricole devrait contribuer à la
préservation des ressources naturelles et à l'occupation et
l'aménagement de l'espace urbain en vue notamment de lutter contre
l'érosion, de préserver la qualité des sols, la ressource
en eau, la biodiversité et les paysages. Cet objectif ne peut pas
être atteint sans aides publiques destinées entre autres à
compenser le manque à gagner au titre de la protection
environnementale.
7. Privilégier une forme d'organisation
professionnelle qui donne un statut d'agriculteur en nom propre
L'option coopérative privilégiée
aujourd'hui ne donnera pas, à mon humble avis des résultats
probants dans un futur proche, à cause des problèmes de gestion
de ces coopératives. L'expérience collective n'est pas encore
totalement acquise. Dès lors, il faut plutôt créer des
groupements totaux (regroupement des exploitations) ou partiels (regroupements
des fruits du travail pour les vendre par exemple) pour exploiter les espaces
agricoles à délimiter.
8. Privilégier des aménagements
économes d'espaces
La priorité devrait être accordée au
renouvellement urbain et à la densification de l'habitat
10. Soumettre tout grand projet à la
rédaction d'un porter à connaissance
Cela éviterait des délocalisations
ultérieures
83
PERSPECTIVES
Cette recherche ayant été placée dans une
approche prospective, il aurait été nécessaire
d'établir des scénarios possibles en fonction des variables
identifiées ou à identifier. Cela n'a pas été
possible. En outre, alors qu'initialement, il était prévu
d'étudier la perception de tous les acteurs -actifs ou inactifs- sur
l'agriculture urbaine afin de cerner les représentations qu'ils se sont
fait de la problématique, la descente sur le terrain a
coïncidé avec la période des élections
présidentielles au Rwanda. II était alors difficile voire
impossible d'obtenir un rendez-vous d'une quelconque autorité non
directement concernée par l'agriculture. On s'est alors limité
aux seuls acteurs actuellement actifs et à caractériser
sommairement les autres acteurs à partir des informations
trouvées dans les documents officiels en place.
Néanmoins, ce travail aura appris qu'inscrire
l'agriculture dans une perspective de développement durable appelle
indéniablement une nouvelle vague d'innovations et
particulièrement des innovations technologiques vis-à-vis de la
société. L'agriculture n'est plus un secteur bien
délimité, qui ne concernerait que les producteurs
eux-mêmes, mais bien une affaire de société. De nouvelles
exigences lui sont exprimées par l'industrie, les consommateurs et la
société toute entière. Des interactions se multiplient
entre nature, société et science. Ce qui place l'agriculture
à l'interface d'enjeux globaux (sécurité alimentaire,
changement climatique, concurrence entre production alimentaire et
énergétique) et locaux (approvisionnement, circuits courts, lien
social, gestion des paysages). Face aux enjeux environnementaux et
territoriaux, les démarches déjà utilisées avec
succès dans la phase «productiviste» sont devenues
inopérantes.
De nouveaux modèles d'agriculture urbaine et
périurbaine pouvant contribuer au développement durable des
villes doivent donc être constamment recherchés plus
particulièrement pour des villes comme Kigali. A Kigali, l'urbanisation
y est inéluctable et la possibilité de développer le
secteur agricole classique de la zone périurbaine et celui des zones
humides est limitée par les contraintes physiques et
environnementales.
84
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