CENTRE DE TECHNIQUES DE PLANIFICATION ET D'ÉCONOMIE
APPLIQUÉE
(CTPEA)
ESSAI PRÉSENTÉ
COMME EXIGENCE PARTIELLE DU PROGRAMME DE MAÎTRISE
EN DÉVELOPPEMENT URBAIN ET RÉGIONAL
PAR
CARLINE JOSEPH
Promotion 2001-2003
Option : Gestion Urbaine et Régionale
Sepembre 2011
L'HYPOTHÈSE DE LA RELANCE DE LA GESTION D'UNE
AGGLOMÉRATION :
Le cas de l'Aire Métropolitaine de
Port-au-Prince
REMERCIEMENTS
Ce travail a pu être réalisé grâce
à la collaboration et l'encouragement d'une multitude de personnes.
J'exprime ma reconnaissance aux institutions et agences qui
ont rendu possible ma formation. Parmi les toutes premières, je peux
citer l'Université d'État d'Haïti (UEH) ; le Centre de
Techniques et de Planification et d'Économie Appliquée (CTPEA);
l'Agence Canadienne de Développement Internationale (ACDI) qui a
contribué financièrement à la mise en place et à la
réalisation du programme de maîtrise en développement
urbain et régional au CTPEA en Haïti en partenariat avec le
Ministère de la Planification et de la Coopération Externe
(MPCE).
Je remercie le Directeur Général du CTPEA
monsieur Oswald TRISTANT, la coordonnatrice du Programme madame Sabine
MALEBRANCHE et tous les professeurs qui ont dispensé les cours pendant
toute la durée du programme et qui ont contribué à ma
formation.
Des remerciements particuliers vont à monsieur Lionel
F. HENRIQUEZ qui avait accepté de diriger mon travail ; son
attitude positive, ses conseils m'ont été d'une grande
utilité.
Je tiens à remercier, monsieur Joseph J. JASMIN et
monsieur Gardy H. REMY, tous deux, membres de mon groupe de travail au CTPEA
pour leur encouragement. Je ne peux pas oublier mes amis et collègues de
travail, monsieur Dagobert ELISEE, monsieur Joses JEAN -BAPTISTE, monsieur
Jean-Baptiste ANTENORD, madame Jessie E. BENOIT, qui ont joué un
rôle important quand je voulais tout abandonner.
Un merci spécial aux personnels du CTPEA, de la
Faculté des Sciences Humaines (FASCH), de l'Institut Haïtien de
Statistiques et d'Informatique (IHSI), du ministère de la Planification
et de la Coopération Externe qui m'ont fourni des documents et m'ont
autorisé à faire des recherches.
Je suis reconnaissante, enfin, à ma famille, ma
mère, madame veuve Polixène JOSEPH, mon frère Pierre
JOSEPH, mes deux soeurs Ruth et Néhémie dont la contribution et
le soutien à la réalisation de ce travail n'étaient pas
les moindres.
RESUMÉ
L'Aire Métropolitaine de Port-au-Prince (AMP),
l'agglomération urbaine la plus peuplée de la République
d'Haïti, devient au cours de ces dernières années une
préoccupation, non seulement pour les chercheurs et les gouvernants,
mais aussi pour les citoyens haïtiens. L'intérêt porté
sur la relance de la gestion de cet espace explique le visage hideux de la
macrocéphalie de l'AMP et particulièrement des profonds
changements enregistrés. Elle est composée de six villes1(*) qui partagent presque les
mêmes problèmes et les services en commun et présentent des
signes qui obligent d'exprimer des orientations et des visions nouvelles.
En réalité, l'urbanisation anarchique,
l'émergence des bidonvilles, le développement rapide du secteur
informel, la dégradation de l'environnement ;
l'insécurité, l'affluence des migrants vers l'AMP sollicitent des
initiatives capables d'inciter la gestion urbaine, le développement
urbain participatif et la promotion de la gouvernance locale.
En prenant l'hypothèse d'une issue de la diminution de
la concentration humaine de l'AMP, une relance de la gestion de cette aire
serait dans la dialectique d'une redistribution des fonctions administrative,
politique et économique du pays, dont cette agglomération,
absorbe le plus fort pourcentage. Cette relance de la gestion
concernerait : d'abord, les pouvoirs et services publics qui n'exercent
pas avec assez de fermeté leur rôle; ensuite les institutions
responsables de la planification urbaine, ainsi que celles contrôlant les
migrations, qui ont perdu leurs facultés de régulation et enfin
aux citoyens et organisations qui, eux aussi, peuvent contribuer au
développement et aux changements dans leur ville. Face à
l'urgente nécessité de freiner le désordre urbain
(ruralisation de ces villes, dégradation des conditions de vie et de
l'environnement, insécurité et criminalité), le
mirage '' Capital : conditions sociales et économiques
meilleures '' devrait être pallié par un certain nombre
de prémisses qui y seront établies.
Les départements, les petites et moyennes
agglomérations haïtiennes devraient favoriser un type de
décongestionnement qui profiterait à une répartition
harmonieuse de la population à travers l'espace géographique. Le
climat délétère de l'AMP préconise une
redéfinition de cette conurbation. En conséquence, la logique de
la réorganisation de cet espace conduirait donc au contrôle de sa
taille, à la réorientation des flux migratoires internes vers
elle, au mode d'occupation du sol et à l'incitation d'un système
d'emploi moins informel, le tout en fonction d'une restructuration de cette
dite agglomération en particulier et de l'espace urbain haïtien
tout entier.
Enfin, la relance de la gestion de l'AMP concernerait :
d'abord, les acteurs locaux, ensuite, l'État Central. Ils devraient
travailler à la mise en oeuvre d'une planification urbaine assortie de
stratégies globales qui conduirait à une décentralisation
effective, une réduction des disparités communales et à
l'intégration des migrants dans les milieux d'accueil. Ainsi, les flux
migratoires seront maitrisés et les acteurs prendront ensemble des
initiatives qui stopperaient progressivement l'absorption
incontrôlée des zones rurales par une partie des zones urbaines
puis de la plus grande agglomération urbaine du pays.
AVANT - PROPOS
Depuis plus d'un quart de siècle, l'Aire
Métropolitaine de Port-au-Prince (AMP) est l'agglomération la
plus touchée du pays par certains
phénomènes tels : l'explosion démographique,
l'urbanisation anarchique. Elle est devenue le lieu le plus attractif des
migrants et la plus importante zone du développement du secteur informel
de l'économie urbaine. C'est pourquoi, on expérimente
actuellement une situation alarmante où s'entremêle une
paupérisation accélérée de larges couches de cette
population, l'émergence des bidonvilles dans les flancs de montagnes,
les ravins et le littoral, la dégradation de l'environnement, la
carence de services de base, les problèmes de transports urbains,
l'insécurité etc....
Ce constat alarmant et plusieurs signes d'une certaine relance
de la gestion de l'AMP apparaissent comme un besoin de prospective et d'actions
stratégiques en vue du redressement d'une agglomération qui
dévoile depuis un certain temps sa facette préjudiciable.
Nous savons que la population de l'AMP ne cesse d'augmenter
avec bien sûr son lourd dossier qui fait d'elle une préoccupation.
C'est la plus forte concentration urbaine ; selon l'IHSI, elle absorbe23%
de la population totale du pays et 56% de la population urbaine totale du
pays ; elle comptait en 2003 un million neuf cent seize mille cent
trente-trois (1 916 133) personnes et six cent trente-sept mille trente-huit
(637 038) migrants soit 78,84% du total des migrants internes du pays. Une
évidence, c'est que le secteur informel croit rapidement et à un
rythme effréné, et l'Aire Métropolitaine reste et demeure
le principal centre attractif des activités administrativo - politiques
et économique du pays et le point de concentration des plus grands
centres éducatifs. Bien plus, les responsabilités de
l'État en matière de planification urbaine ne prescrivent pas
suffisamment des mesures d'urgence prioritaires.
Dans cette optique, nous admettons que l'AMP souffre d'une
déréglementation excessive résultant d'une crise de
croissance et d'une crise d'essence. Face à la
généralisation des effets de cette crise en fonction notamment
des problèmes de planification urbaine, des rôles effectifs des
pouvoirs et des services publics, nous relaterons certains indicateurs
révélateurs des distorsions dans l'espace et dans le temps. Nous
prévoyons une analyse spécifique de la migration interne en
Haïti en ciblant le département de l'Ouest et l'AMP et nous
tiendrons compte des fondements théoriques de l'hypothèse de la
gestion de cette dite agglomération. Nous prévoyons
également d'exhiber un ensemble de stratégies susceptibles
d'inciter la reprise de nouvelles initiatives.
Ce document que vous allez lire fournit la logique du
procès d'un nouvel appel à la mise en oeuvre de planification
stratégique de l'AMP, en prenant l'hypothèse d'une
urbanité et d'une relance de la gestion promotrice d'une
réorientation des flux migratoires internes.
Carline Joseph
TABLE DES
MATIÈRES
REMERCIEMENTS
III
RESUMÉ
IV
AVANT - PROPOS
VI
TABLE DES MATIÈRES
VIII
LISTE DES FIGURES
X
LISTE DES TABLEAUX
XI
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS
XII
INTRODUCTION
15
CHAPITRE I
18
1.1 MÉTHODOLOGIE
18
1.2 CADRE THÉORIQUE
20
1.3 L'UNITÉ
D'OBSERVATION
23
CHAPITRE II
24
L'AIRE MÉTROPOLITAINE DE PORT-AU-PRINCE :
L'AGGLOMERATION DES MIGRANTS
24
2.1 HISTORICITÉ ET SURVOL
GÉOGRAPHIQUE DE L'AIRE MÉTROPOLITAINE DE PORT-AU-PRINCE
24
2.1 TRANSITION DÉMOGRAPHIQUE,
TRANSITION URBAINE : REGARDS SUR LES VILLES DE L'AMP
29
2.3 CONTEXTE DE LA CONSTRUCTION DES
QUARTIERS PRÉCAIRES DANS L'AMP
35
CHAPITRE III
37
LE PHENOMENE MIGRATOIRE HAITIEN : DEPARTEMENT DE
L'OUEST, AIRE MÉTROPOLITAINE DE PORT-AU-PRINCE, PROBLÈMES
MAJEURS
37
3.1 LES CATÉGORIES DE
MIGRATIONS
37
3.2 LES ENTRANTS ET LES SORTANTS SELON
LA NATURE DES MOUVEMENTS MIGRATOIRES
38
3.2 LE DÉPARTEMENT DE L'OUEST LE
PRINCIPAL BÉNÉFICIAIRE DES MIGRATIONS
43
3.2 LES ENJEUX MIGRATOIRES POUR LE
FUTUR
46
3.3 LES SCÉNARIOS DU
FUTUR
48
CHAPITRE IV
50
L'HYPOTHÈSE DE LA GESTION DE L'AIRE
MÉTROPOLITAINE DE PORT-AU-PRINCE A-T - ELLE DES FONDEMENTS
THÉORIQUES ?
50
4.1 LA GESTION
PRÉVISIBLE
50
4.2 LA GESTION
SPATIALISÉE
51
4.3.2 LES FLUX MIGRATOIRES VERS
L'AMP
57
4.3.2.1 LES MIGRATIONS VERS L'AMP ENTRE 1998 ET
2003
57
4.3.2.2 LES MIGRATIONS VERS L'AMP EN 2003
58
4.3.3 L'URBANISATION ANARCHIQUE
59
4.3.4 LES INÉGALITÉS DE
DÉVELOPPEMENT DANS LES COMMUNES COMPOSANT L'AMP
61
CHAPITRE V
63
STRATÉGIES D'ENSEMBLE INCITANT LA GESTION DE
L'AMP
63
5.1 PLANIFICATION URBAINE ASSORTIE DE
STRATÉGIES GLOBALES
63
5.2 UNE DÉCENTRALISATION
EFFECTIVE
64
5.3 DES PISTES D'ACTIONS SUSCEPTIBLES DE
SOLUTIONNER LES PROBLÈMES DE COORDINATION
73
5.3.1 CRÉATION DE COMMISSION POUR
CONSOLIDER LA PLANIFICATION URBAINE STRATÉGIQUE
73
5.3.2 RÉORIENTATION DES FLUX
INTERDÉPARTEMENTAUX HORS DE L'AMP AVEC L'APPUI DES INSTITUTIONS DE
CONTRÔLE DES MIGRATIONS
74
5.3.3 ENTRETENIR UNE GESTION
APPROPRIÉE PAR DE NOUVELLES INITIATIVES
75
5.3.3.1 INTÉGRATION DES MIGRANTS ET
AMÉNAGEMENT RATIONNEL DES ESPACES
75
5.3.3.2 STIMULER L'ÉGALITÉ DES CHANCES
DES COLLECTIVITÉS DANS LA GESTION DE LEUR TERRITOIRE
77
5.3.3.2.1 LA PROMOTION DE LA DÉCENTRALISATION
PAR L'ÉTAT
78
5.3.3.2.2 LA DEMANDE D'AUTONOMIE
79
5.3.3.3 RÉDUCTION DES DISPARITÉS DES
COMMUNES
80
CONCLUSION
82
BIBLIOGRAPHIE
85
LISTE DES FIGURES
Figure Page
1.2 Carte de
Port-au-Prince...........................................................................25
2.2 Carte de
Delmas......................................................................................26
3.2 Carte de Pétion
-ville...............................................................................26
5.2 Carte de
Carrefour..................................................................................27
5.2 Effectifs de la population des villes composant
l'AMP....................................28
6.2 Répartition de la population de L'AMP en 2003 ( en
%)..................................32
1.2 Migrants internes par catégories de migrations en 2003
(en %).........................37
2.2 Migration interdépartementale : entrants et
sortants en 2003.........................39
3.2 Migration rurale urbaine : entrants et sortants en
2003..................................40
4.2 Migration urbaine rurale : entrants et sortants en
2003..................................41
5.3 Migration inter urbaine : entrants et sortants en
2003....................................42
6.3 Migration inter-rurale : entrants et sortants en
2003......................................42
7.3 Balance migratoire : ensemble des migrations en
2003.................................43
8.3 Balance migratoire : Migration rurale urbaine en
2003.................................44
9.3 Balance migratoire : Migration urbano-rurale en
2003...................................44
10.3 Balance migratoire : Migration inter urbaine en
2003...................................45
11.3 Balance migratoire : Migration inter rurale en
2003......................................46
12.3 Illustration des flux migratoire vers le département
où se trouve l'AMP............48
1.4 La ville de Port-au -Prince en
1800...........................................................52
2.4 Carrefour en
2006................................................................................52
3.4 Boulevard Harry Truman en
1980............................................................53
4.4 Boulevard Harry Truman et Cité l'Eternel en
2002.......................................53
5.4 Thor dans Carrefour en
1982..................................................................54
6.4 Thor dans Carrefour en
2002..................................................................54
7.4 Pétion ville et Sainte Thérèse en
1980.......................................................55
8.4 Entrant et sortant de l'AMP en
2003.........................................................59
LISTE DES TABLEAUX
Tableau Page
1.2 Répartition de la population des villes de l'AMP au
cours des recensements de 1950, 1971, 1982 et 2003 ( en
%)............................................................31
2.2 Évolution des taux d'accroissements annuels des villes
composant l'AMP de 1950 à 2003 en
(%)..........................................................................................33
2.3 Répartition de la population de l'AMP au cours des
recensements de 1950,1971, 1982 et 2003 (en
%).............................................................................34
3.1 Pourcentage d'hommes et de femmes dans chaque
catégories de migrations en
2003..................................................................................................38
4.1 Superficie et densité du département de l'ouest
et de l'AMP en 2009..............56
3.2 Répartition des entrants et des sortants de l'AMP par
département entre 1998 et 2003 et en
2003...................................................................................57
LISTE DES SIGLES ET
ABREVIATIONS
AD : Assemblée départementale
AGD : Administration Générale des Douanes
AID/USAID : Agency for International Development
AM : Assemblée municipale
AMP : Aire Métropolitaine de Port-au-Prince
ASEC : Assemblée de section communale
CASEC : Conseil d'Administration de la section communale
CD : Conseil départemental
CFGDCT : Contribution au fonds de gestion et de
développement des Collectivités
Territoriales
CFPB : Contribution foncière des propriétés
bâties
CID : Conseil interdépartemental
CM : Conseil Municipal
CT : Collectivités Territoriales
CTPEA : Centre de Techniques de Planification et
d'Économie Appliquée
DGE : Dotation globale d'équipement
DGF : Dotation globale de fonctionnement
DGI : Direction Générale des Impôts
DGI : Direction Générale des Impôts
DSNCRP : Document de stratégie nationale pour la
croissance et la réduction de la
pauvreté
EBCM : Enquête Budget Consommation des
Ménages
FCI : Fonds de compensation interterritorial
FNUAP : Fonds des Nations Unies pour la Population
IHSI : Institut Haïtien de Statistique et
d'Informatique
INED : Institut National d'Études
Démographiques
MEF : Ministère de l'Économie et des
Finances
MEF : Ministère de l'Économie et des
Finances
MPCPE : Ministère de la Planification et de la
Coopération Externe
MTPTC : Ministère des Travaux Publics, Transports et
Communications
OAVCT : Office d'Assurance Véhicules Contre Tiers
OIM : Organisation International de la Migration
ONG : Organisation non- gouvernementale
ONM : Office National de la Migration
PEA : Population Économiquement Active
PNH : Police Nationale d'Haïti
RGPH : Recensement Général de la
Population et de l'Habitat.
RGPL : Recensement Général de la
Population et du Logement.
SEP : Secrétairerie d'État à la
Population
T.C : Transport en commun
INTRODUCTION
Depuis la deuxième moitié des années
quatre-vingt, la gestion de l'Aire Métropolitaine de Port-au-Prince
devient une préoccupation pour plus d'un. A cet effet, l'histoire de la
transformation de cette agglomération est liée à l'afflux
des migrants des autres entités géographiques du pays vers la
Capitale. Or, le mode de vie urbaine dont la mobilité est un des
déterminants majeurs, met en réseaux des espaces, des
activités, des personnes. C'est pourquoi les transformations des villes
vont de paire avec les actions engagées par les collectivités
locales, l'État central, le comportement des citoyens appelés
à contribuer et à faire appliquer les dossiers de la
planification urbaine. L'urbanisation qui n'est autre qu'une forme de
régulation d'une société nouvelle puise la matière
de ces instruments dans les documents de réorientation du futur
urbain.
Une compréhension parfaite des transformations d'une
agglomération, telle que l'Aire métropolitaine de Port-au-Prince,
repose sur son histoire, l'intérêt porté sur les fonctions
de gestion du bien commun visant à faire respecter les règles
établies et à déterminer le visage de cette aire.
Herbert. H. Smith relate que « le recours
collectif à l'aménagement planifié est le seul moyen de
vaincre cette fâcheuse tendance de parvenir à l'excellence, de
corriger les erreurs du passé, de nous détourner des erreurs
actuelles et d'éviter autant qu'il est possible les erreurs futures.
Selon lui on peut très simplement comparer la formation, la croissance
et le développement d'un village ou d'une ville à la
reconstitution d'un puzzle » 2(*)
Or, les transformations dans une ville ou une
agglomération sont fonction de la façon dont l'espace est
régi par les différentes entités étatiques et
l'engouement de divers acteurs de la société :
résidents, groupes organisés, propriétaires fonciers et
locataires de l'espace. Aujourd'hui, l'Aire Métropolitaine de Port
-au-Prince est un espace complexe, en profondes mutations. Les études
sur les migrations internes en Haïti montrent qu'elle est la zone la plus
attractive des migrants internes du pays. Face à la pression de la
croissance démographique, l'accélération de l'urbanisation
anarchique, et la multiplication des activités économiques de
type informel, les besoins en équipements et en services publics ne sont
pas satisfaits. L'absence d'un État fort en Haïti depuis plusieurs
années, l'égoïsme, l'affairisme et l'individualisme quasi
permanent des différents acteurs se traduit par des perturbations
profondes dans les domaines économique, social et politique. Ces
perturbations s'imposent fortement à la lecture du dysfonctionnement en
matière de gestion urbaine ; ce qui justifie la mauvaise
utilisation de l'espace basée sur les contraintes à l'adaptation
des plans d'urbanisme et schémas directeurs de développement
élaborés.
Cette précarité de la gestion urbaine est donc
un subséquent à cette macrocéphalie de l'AMP qui vient en
tête de cette poussée de désordre, avec un climat
délétère relevant surtout de la négligence ou du
laisser-faire de tous les acteurs.
De ce fait, cette agglomération présente une
image dégradée. Elle subit une pression urbaine
considérable. Elle concentre près d'un quart de la population
totale du pays, plus de la moitié de la population urbaine totale du
pays et la plus forte proportion des migrants internes. Elle est le plus
important pôle d'attraction des activités administrative,
économique, politique et éducative. Elle fait l'objet d'explosion
démographique, d'urbanisation anarchique qui découle de la forte
densité de la population, la multiplication des bidonvilles puis
également la délinquance juvénile, l'insalubrité,
l'insécurité et la criminalité etc...
Dans ce sens, l'AMP est l'agglomération qui nous
intéresse. Ainsi, pour ce cas qui nous préoccupe une série
de questions se profile : la relance de la gestion urbaine est-elle
possible dans l'Aire Métropolitaine de Port-au-Prince ?
A quel processus obéit le jeu des acteurs
urbains ? A quels prescrits les obstacles àl'application
desdocuments de la planification urbaine s'arrêteraient-ils. ? A
quelles mesures d'urgenceprioritaire le climat délétère de
l'AMP se répondrait-il ?
Les réponses à ces questionnements constituent
l'objet de notre travail qui se ramasse autour d'un corps d'idées, de
vues, de concepts qui seront exposés au premier chapitre. De même,
on a jugé que des villes de l'AMP peuvent être comprises par leur
historicité et que leur évolution s'exprime par la transition
démographique et urbaine. Le contexte de la construction des quartiers
précaires peut illustrer une agglomération de migrants (Chapitre
2). L'étude des migrations internes en 2003 permet d'observer le pouvoir
attractif du département de l'ouest où se trouve l'AMP et les
enjeux migratoires à venir permettent d'agrémenter les scenarios
futurs (Chapitre 3). Les fondements théoriques de l'hypothèse de
la gestion de l'AMP sont fondamentalement compris par référence
aux flux migratoires vers l'AMP, les volumes d'entrants et de sortants sont
exposés, les corollaires tels que l'urbanisation anarchique, les
inégalités de développement dans les différentes
communes de cette agglomération permettent d'implémenter la
gestion prévisible et la gestion spatialisée (Chapitre 4). Les
stratégies d'ensemble proposées, en vue de l'incitation de la
gestion de l'AMP, montreront enfin la nécessité d'une
planification urbaine stratégique et d'une décentralisation
effective qui influenceront des pistes de solutions (Chapitre 5).
Notre travail vise à exposer la complexité
d'un espace en profonde mutation en analysant les flux migratoires vers le
département de l'Ouest et l'AMP. Comment la relance de la gestion de
l'AMP est indispensable dans un pays où la planification urbaine
n'atteint pas ses objectifs. Or, l'hypothèse de la relance de la gestion
a des fondements théoriques et plusieurs stratégies
d'ensemble peuvent inciter la gestion de l'AMP. C'est pourquoi on admet
que la déréglementation excessive qui sévit dans cette
agglomération nous interpelle tous. Les différents acteurs,
autorités locales et centrales, les citoyens, les organisations de base,
la société civile, les agences et organisations
internationales sont appelés à conjuguer leurs efforts en vue de
l'application et de la mise en oeuvre des mesures prioritaires impliquant le
jeu de tous avec une cohérence des actions.
CHAPITRE I
1.1
MÉTHODOLOGIE
En approchant, la relance de la gestion de l'Aire
Métropolitaine de Port-au-Prince comme une solution de la planification
urbaine stratégique qui s'efforce de créer des villes durables,
il faut comprendre le besoin d'intégration, de collaboration et de
renforcement des moyens d'actions pour assurer la durabilité urbaine
face aux défis immenses et lourds de conséquences. En effet, la
concentration de la population, l'intensité des activités
économiques de type informel assurent toutes les conditions
nécessaires à la dégradation de la qualité de vie
et de l'environnement. Toutes les villes possèdent des quartiers
précaires où vivent des personnes pauvres, sans emplois et qui
développent des stratégies de survie. Les obstacles aux
documentations de réorientation du futur urbain organisés par le
manque de volonté de prestation de service et l'incapacité des
autorités centrales et locales de responsabiliser la population, la
société civile et le secteur privé sont autant de facteurs
qui font l'objet de préoccupation et de défis.
.
Nous essayerons donc, à partir de la documentation
disponible, d'appréhender la problématique migratoire de l'AMP.
Cette appréhension nous permettra de noter l'intensification des
mouvements de populations et les caractéristiques de cette
agglomération, l'accroissement démographique urbain
constatée qui est le résultat des flux migratoires importants, du
reclassement de zone rurale en zone urbaine et également de zone urbaine
envahie en zone à tendance rurale. L'analyse des données
démographiques, et autres documentations, quoique pauvre, nous permettra
d'asseoir nos réflexions. Les recherches effectuées par des
auteurshaïtiens et étrangers comme celles des ministères et
institutions étatiques seront utiles à la compréhension de
la situation. A ceux-ci s'ajoutent les travaux, rapports, projets
spécifiques des ONGs nationales et internationales, des agences
etc...
Cependant, notre travail tente de répondre à une
question : Comment maîtriser les mouvements migratoires vers l'AMP
afin de réduire les inconvénients et en même temps
d'optimiser les bénéfices de la planification urbaine ?
En ce sens, notre hypothèse s'énonce comme
suit : « La gestion des migrations, difficile travail
d'arbitrage, est fonction des manoeuvres limitées des institutions
responsables de réguler les mouvements migratoires internes et
également de l'action conjuguée des acteurs urbains
impliqués dans le jeu du développement et de la transformation de
l'agglomération, mais en mettant en oeuvre des mesures incitatives en
vue de pallier les contraintes à la planification urbaine en Haïti
particulièrement le visage de l'AMP ».
Se basant sur les paramètres définis par cette
question et notre hypothèse nous allons essayer de comprendre l'AMP
à partir d'une analyse des migrations en Haïti notamment le
département de l'Ouest, le contexte dans lequel sont effectués
l'urbanisation et les scénarios futurs. A cet effet, nous allons
utiliser les données du Recensement de la population et de l'habitat
(RGPH) 2003 particulièrement celles des migrations et la question sur le
lieu de naissance sera privilégiée.
Ainsi, pour bien comprendre et tenter d'exhiber une
prospective en vue d'une éventuelle réorientation des flux
migratoires de l'AMP nous nous sommes intéressée à :
1) Faire un état des lieux de l'agglomération
et particulièrement de la question démographique et spatiale de
l'AMP ;
2) Inventorier les impacts de ces flux d'entrée dans
l'AMP et sur l'espace national, en vue de la mise en oeuvre de la planification
stratégique urbaine ;
3) Proposer des stratégies globales qui pourraient
conduire à une relance de la gestion urbaine envue d'unrésultat
favorable au processus social et qui implique tous les acteurs.
Subséquemment, nous essayerons de montrer les
conséquences de l'urbanisation anarchique, des contraintes de la
décentralisation et les inégalités de développement
dans les communes.
Conformément à nos objectifs, nous tenterons
d'expliquer la difficile gestion des migrations internes en Haïti. Nous
faisons tout d'abord une analyse descriptive qui nous permet de photographier
le terrain. Nous nous appuyons particulièrement sur les mouvements
migratoires et la nécessité de mettre en oeuvre des mesures
prioritaires en vue d'une relance de la gestion des six villes regroupant
l'AMP. Nous nous sommes aussi reposés sur des recoupements
d'informations issues de sources diverses qui ne sont autres que les travaux
de recherches relatifs à la problématique migratoire de l'AMP,
ouvrages, études, mémoires et rapport.Pour approfondir l'analyse
nous avons analysé les données de la migration interne en
Haïti, notamment celles concernant le département de l'Ouest et
l'AMP à partir des données du recensement de 2003. Ce paquet de
dossiers est compilé et étudié pour tenter de poser une
hypothèse de la relance de la gestion de l'AMP.
1.2 CADRE
THÉORIQUE
Cette rubrique relate les points d'appui théoriques,
les réflexions et résultats de recherches
considérés comme des classiques dans le domaine de la migration
interne et l'urbanisation.
Notre perspective est de suivre l'extension de l'Aire
Métropolitaine de Port-au-Prince (AMP) pour étudier la
transformation de l'espace qui répond à la logique des
déplacements de population. Pour ce faire, on part des disparités
entre les différents départements du pays et de l'attitude de la
population par rapport aux possibilités offertes au lieu de
naissance.
En fait, il existe diverses opinions relatives aux mouvements
de populations et à l'urbanisation. Pour expliquer la
nécessité de gérer cette agglomération de taille
telle que L'AMP, à notre avis, quatre théories peuvent expliquer
les mutations. Il s'agit de :
- La théorie '' répulsion attraction
(Push- pull theory) '' qui, selon Boroswski et al (1994), prend
comme point d'ancrage l'inégalité générale et les
différences dans les opportunités de migrer qui peuvent se
présenter à chaque individu. Elle est centrée sur le fait
que les gens migrent en réponse à une combinaison de facteurs
d'attraction et de répulsion sur le plan économique, social et
politique.
- Une deuxième théorie peut être aussi
évoquée, celle des lieux centraux de Losch et
Christaller. Elle établit une distribution hiérarchique des
activités dans l'espace urbain. Selon, cette théorie, il y a une
donne spatiale, économique, baptisée centre - ville. C'est le
coeur commercial de la ville, l'équivalent du lieu central par
excellence, avec la gamme complète des fonctions. Le centre- ville est
le centre d'une région; c'est le point central de la conurbation de
plusieurs villes et communes.
L'AMP est une véritable place centrale des transactions
d'où partent les flux de produits vers les autres entités
géographiques du pays. C'est aussi une place centrale des bourgs -
jardins qui forment les unités de production agricole de la
région.
- Une troisième théorie, celle de
l'ordre spatial de centralisation explique la subordination
des régions à la capitale qui fait partie de L'AMP. Cette
dernière se réserve les fonctions nationales et
internationales ; elle concentre une forte proportion des activités
administratives, économiques et éducatives du pays. Elle
s'inscrit comme un point de confluence qui grossit les flux vers la
capitale.
- Enfin, la théorie del'urbanisation
dépendante. Elle a été développée
par certains spécialistes en sciences sociales de l'Amérique
Latine. Ces derniers concentraient leurs discussions sur le
Développement et le Sous - développement. Pour eux, le
développement économique exerçait des effets particuliers
sur le développement urbain. Dès lors on parlait ''d'urbanisation
dépendante '' processus étroitement lié au rapport entre
pays périphériques et pays centraux. (Castells et Velez, 1971).
De même, ils pensent que l'État doit jouer un rôle
déterminant dans l'industrialisation par conséquent dans
l'urbanisation.
Selon notre étude et pour mieux étudier les
déplacements trois modèles ont été
sélectionnés.
En premier lieu, nous supposons que le
modèle de Todaro (un exemple de modèle de
l'exode rural en Afrique) peut servir à justifier le déplacement
des ruraux vers les villes.
En second lieu, le modèle de Reillyest
aussi de mise quand on regarde, l'attraction exercée par L'AMP du
département de l'Ouest sur les autres Départements. Elle peut
montrer l'attirance par le centre de niveau supérieur qui exerce sur lui
la plus forte attraction.
Enfin, nous pensons que les modèles de Stouffer
(la variable fondamentale n'est pas la distance). Pour Stouffer la
distance n'est pas la variable fondamentale mais seulement une variable
intermédiaire. L'hypothèse de base de l'auteur se traduit ainsi
« : le nombre de personne se déplaçant á une
distance donnée est directement proportionnel au nombre de ''
possibilités'' offertes á cette distance et inversement
proportionnel au nombre de '' possibilités'' offertes entre la
région d'origine et la région d'accueil.
Ces théories et modèles nous ont permis de mettre
en lumière la réalité sur laquelle nous opérons et
de placer notre travail.
Venons-en à l'unité d'observation.
1.3 L'UNITÉ
D'OBSERVATION
Nous avons sélectionné l'aire
métropolitaine de Port-au - Prince (AMP) qui se trouve dans le
département de l'Ouest.
L'Aire métropolitaine de Port-au-Prince est la partie
urbaine de six communes du département de l'Ouest en l'occurrence
Port-au-Prince, Delmas, Pétion - Ville, Carrefour, Cité Soleil,
Tabarre. Mais pour bien comprendre les flux migratoires vers cette
agglomération il est nécessaire d'étudier la migration
interne à travers les départements afin de mettre en
évidence le premier département de destination des migrants
haïtiens en l'occurrence l'Ouest.
L'accent sera mis sur la créationet l'évolution
des villes composant l'AMP ; lesdéséquilibres de cette
agglomération qui entravent la planification urbaine. Tous seront
présentés et étudiés dans ce texte afin de montrer
comment la migration est un facteur essentiel du développement de
l'urbanisation dans le département de l'Ouest.
Le taux d'accroissement annuel inter censitaire national est
de 2,5% pour la période 1982-2003. A ce rythme la population de la
plupart des villes de l'AMP doublera leur effectif dans moins de 20 ans. Les
défis que pose cette croissance urbaine rendront de moins en moins
efficaces les documents de réorientation du futur urbain. Ainsi, les
recherches sur les migrations semblent consolider l'hypothèse d'une
relance de la gestion de l'AMP sur la base de la mise en oeuvre d'une
planification urbaine assortie de stratégies globales susceptibles
d'influencer à l'avenir les comportements et tendances de tous les
acteurs.
CHAPITRE II
L'AIRE
MÉTROPOLITAINE DE PORT-AU-PRINCE : L'AGGLOMERATION DES MIGRANTS
2.1 Historicité et
survol géographique de l'Aire Métropolitaine de
Port-au-Prince
Dans notre travail, nous collons la définition de l'AMP
à la partie urbaine des quatre principales villes composant cette
agglomération.
La première ville, Port-au-Prince, est fondée en
1749 sur l'ancienne habitation Randot augmentée de celle de messieurs
Morel et Breton des Chapelles. Il doit son nom au bateau '' Le Prince''
commandé par Monsieur Saint André qui avait jeté l'ancre
dans ce port communément appelé l'hôpital.3(*) La ville prendra le nom de Port
-Républicain au cours de la période révolutionnaire. En
1805, Jean Jacques Dessalines transféra la Capitale à Marchand
Dessalines. Et on l'appela plus tard, Port-aux- crimes après
l'assassinat de Jean Jacques Dessalines.
Avec le déplacement de la Capitale sur l'habitation
Marchand - La ville par l'empereur Jean Jacques Dessalines Port-au-Prince
connait un revers. Cependant, après la mort de l'Empereur en 1806, elle
redeviendra la Capitale. Par la loi du 23 septembre 1831, on tentera de
transférer la capitale à Pétion -ville qui porte le nom du
président Alexandre Pétion. Cependant, elle se transforme en
ville de résidence d'été, alors qu'à la même
époque Carrefour et Bizoton furent fondés par le décret du
1er mai 1813.
Les 20 premières années du XXème
siècle verront Pétion- Ville et le quartier de Carrefour
s'affirmer comme banlieues résidentielles de Port -au-Prince. De 1948
à 1958 Delmas, n'était qu'une section communale, il faudra
attendre 1970 pour qu'elle se transforme en une banlieue résidentielle
des classes moyennes. Ce n'est qu'en juillet 1983 grâce à
l'ampleur prise par l'urbanisation que Carrefour et Delmas seront
élevés au rang de communes. 4(*) La création des deux nouvelles communes
(Tabarre, Cité Soleil) par les autorités responsables se fera par
décret en 2003.
L'AMP est située dans le golfe de la Gonâve et
une magnifique baie, la baie de Port-au-Prince. Dominé par le morne
l'hôpital, la conurbation de Port-au-Prince s'étend environ sur
11000 hectares. (voir les figures 1.2, 2.2, 3.2 et 4.2 ci - après)
Figure
1.2 Carte de Port-au-Prince
Figure 2.2 Carte de Delmas
Source :Proventionconsortiom, UniQ.urau
et catesig, PRA.ter. Juillet 2006. Tiré du document :
Identification des risques environnementaux dans la région
métropolitaine de Port -au-Prince; méthodologie et premier
résultats.
Figure 3.2 Carte de Pétion
-Ville
Source :Proventionconsortiom, UniQ.urau
et catesig, PRA.ter. Juillet 2006. Tiré du document :
Identification des risques environnementaux dans la région
métropolitaine de Port -au-Prince; méthodologie et premier
résultats.
Source :Proventionconsortiom, UniQ.urau
et catesig, PRA.ter. Juillet 2006. Tiré du document :
Identification des risques environnementaux dans la région
métropolitaine de Port-au-Prince; méthodologie et premier
résultats.
Figure 4.2 Carte de Carrefour
Source :Proventionconsortiom, UniQ.urau
et catesig, PRA.ter. Juillet 2006. Tiré du document :
Identification des risques environnementaux dans la région
métropolitaine de Port -au-Prince; méthodologie et premier
résultats.
Après l'indépendance, plusieurs
dénombrements ont été effectués par l'empereur Jean
Jacques Dessalines (1804), le président Jean Pierre Boyer en 1824, le
président Nicolas Fabre Géffrard (1864), les marines
Américains (1936), mais il a fallu attendre 1950 pour avoir notre
premier recensement de la population et du logement (RGPL)5(*) où l'on pouvait compter
respectivement pour l'AMP 202638 habitants en 1950, 616443 en 1971, 842005 en
1982 et 3446135 en 2003. Il faut toutefois souligner pour les trois premiers
recensements les villes de Carrefour et de Delmas n'avaient pas encore pris
cette expansion. Donc, il a fallu attendre 2003 pour compter les
résidents de la partie urbaine de ces deux communes ; seules les
estimations de 2012 permettent d'observer les effectifs de leurs populations.
Aujourd'hui, 23 % de la population totale du pays et 56% de la
population urbaine totale du pays vivent dans ces quatre villes
représentant l'AMP6(*). Ce sont ces villes qui ont le plus profité de
l'installation des appareils administratifs, politiques et économiques
du pays. Il en est résulté une évolution rapide de
l'explosion démographique de cette aire. Avec 733840 habitants pour
Port-au-Prince en 2003, 604211 pour Delmas, 365621 pour Pétion-Ville et
212461 pour Carrefour (figure 5.2). L'AMP a détenu le record
haïtien du dynamisme urbain. Dans tous les cas c'est un solde migratoire
positif qui est responsable d'une telle croissance. D'où notre
idée de proposer une relance de la gestion de cette aire.
Figure 5.2 Effectif de la population des
villes (Port-au-Prince, Delmas, Pétion-ville, Carrefour) composant l'AMP
en 2003
Source : IHSI
Il est évident que l'organisation urbaine
haïtienne est complexe. L'histoire et le manque de fermeté de
certains dirigeants ont favorisé la distribution fortement
inégale de la population à travers l'espace géographique
tandis que la désarticulation de la trame urbaine a défié
la planification nationale introduite depuis 1950. Les mobiles comme la crise
de croissance et la crise d'essence, dans un pays qui fait face à des
problèmes politiques, économiques et sociaux, ont
contribué á l'affluence des migrants vers l'AMP, la population
des zones rurales et urbaines du pays en quête de travail, de centres
éducatifs, d'appareils administratif et économique , ayant sa
vision de la Capitale, viennent s'installer dans l'AMP. Dans l'imaginaire des
entrants, gagner, la capitale, '' là les conditions sociales et
économiques seront meilleures''. Aussi, aucune agglomération
urbaine du pays ne parvient à ces transformations profondes ; une
augmentation croissante des mouvements migratoires, émergence des
bidonvilles, la délinquance juvénile, la criminalité, le
développement du secteur informel, les marchés des rues etc....
D'où la nécessité d'une relance de la gestion de
L'AMP : c'est de ces quatre villes que les décisions et mesures
sont les plus difficiles à prendre; c'est également ces villes
qui fournissent le pourcentage le plus important de bidonvilles; dans l'AMP la
population fait face à la question de surpopulation, aux
problèmes de transport, de chômage, de l'insécurité,
de mauvaise qualité de vie etc... Tout ceci nous ramène aux
conséquences et obstacles aux documents de réorientation du futur
urbain.
2.1 Transition
démographique, transition urbaine : Regards sur les villes de
l'AMP
Haïti est un pays qui se trouve à une étape
de transition démographique modérée. En effet, elle
présente une natalité élevée soit
30%0habitants en 2000-2005 et une mortalité
modérée, 10,5%0habitants pour la même
période. C'est pourquoi, cette particularité laisse observer une
croissance modérée de la population avec une structure par
âge où les jeunes prédominent. Il faut toutefois souligner
que le processus migratoire en Haïti tend à accélérer
cette transition.7(*)
Se référant aux inquiétudes que suscite
le cas des villes haïtiennes principalement l'Aire Métropolitaine
de Port-au-Prince (AMP), il est nécessaire de considérer la
transition urbaine. En réalité, le schéma de la transition
urbaine prolonge celui de la transition démographique au niveau d'un
système de peuplement où l'urbain est distingué du rural.
Selon l'INED, la transition démographique est un changement radical
survenu dans un régime démographique traditionnel où les
taux de natalité et de fécondité sont
élevés. Les changements techniques et les idées nouvelles
ont conduit àun régime moderne qui se traduit par une baisse des
taux de fécondité et de natalité. C'est ce qu'on appelle
transition de la fécondité ou transition
épidémiologique ou encore transition sanitaire. Or, le
schéma de la transition démographique affirme qu'au cours du
processus de modernisation le taux d'accroissement naturel de la population
suit une évolution en forme de cloche ou de matière
équivalente que la population croit suivant une évolution ayant
plus ou moins la forme d'un S.
Par ailleurs, on admet que la transition urbaine est bien plus
qu'un passage statistique : c'est aussi un passage dans le fonctionnement et
l'organisation des territoires ; dans leur gestion et dans celle des citadins
qui les habitent ; c'est enfin un passage politique.
Par ailleurs, les villes formant l'agglomération
dénommée l'AMP, regroupent des populations très
inégales. Selon le recensement de 2003, Port-au-Prince et Delmas
représentent respectivement 38,3% et 31,5% de la population de cette
aire, alors que Pétion-Ville et Carrefour ont les plus faibles
pourcentages soient, 19,1% et 11.1%. Bien que, parmi ces villes, la ville de
Port-au-Prince soit demeurée longtemps l'une des plus peuplée, sa
part dans la population de l'AMP est passée progressivement de 84,9% en
1950, à 88,1% en 1971, puis 90,6% en 1982 pour connaitre une baisse en
2003 soit 61,2%. Durant ces mêmes périodes, l'importance
démographique relative des autres villes n'a pas été
connue pour les trois premiers recensements, alors que pour Pétion-Ville
elle a baissé passant de 15,1% en 1950 à 8,2% en 2003 (Tableau
1.2 Ci -après).
Tableau 1.2
Répartition de la population totale des villes de l'AMP
au cours des recensements de 1950,1971, 1982 et 2003 (en %).
VILLES
|
POPULATION TOTALE
|
1950
|
1971
|
1982
|
2003
|
Port-au-Prince
|
84.9
|
88.1
|
90.6
|
61.2
|
Carrefour
|
N/A
|
N/A
|
N/A
|
10.9
|
Delmas
|
N/A
|
N/A
|
N/A
|
19.7
|
Pétion -ville
|
15.1
|
11.9
|
9.4
|
8.2
|
AMP
|
100.0
|
100.0
|
100.0
|
100.0
|
Source : IHSI, recensement 1950, 1971,1982 et
2003
Entre les deux derniers recensements (1982 et 2003) ces villes
ont connu un accroissement annuel intercensitaire atteignant 4,7% pour Port
-au-Prince, 5,9 % pour Pétion -ville, les données pour Carrefour
et Delmas n'étant pas disponibles. En supposant que ces taux demeureront
constants, ces deux villes doubleront leurs effectifs, l'une tous les 15 ans et
l'autre tous les 12 ans environ.
Figure 6.2 :
Répartition de la population de l'Aire
Métropolitaine de Port-au-Prince en 2003 (en %)
Source : IHSI, recensement général
de la population et de l'habitat 2003
Ce dernier modèle convient surtout à
Haïti ; puisque cette transition a des effets sur le
développement, des impacts négatifs sur l'écologie, un
rajeunissement de la population et un vieillissement continu.
Alors que la transition urbaine, qui emprunte ses fondements
de la théorie de la mobilité proposée par Zélinski
en 1971, montre que la mobilité des individus présente des
régularités variant plus ou moins avec le type de
mouvements.8(*) Ainsi, dans
la plupart des cas, la propension à migrer des individus, quasi nulle
dans les sociétés traditionnelles, augmente à mesure que
se déroule le processus de modernisation puis, passé un certain
stade, commence à diminuer singulièrement pour redevenir quasi
nulle dans les sociétés modernes. Appliquée au cas des
migrations du rural vers l'urbain, qui caractérise l'Aire
métropolitaine de Port au-Prince, cette théorie donne lieu au
schéma de la transition urbaine.
De même que le schéma de la transition
démographique, ce schéma comprend trois phases.
· Celle des sociétés traditionnelles, il y
a peu de mouvement du rural vers l'urbain;
· Celle coïncidant avec le processus de
modernisation, les migrations du rural vers l'urbain s'amplifient non
seulement en volume mais également au niveau individuel;
· Celle où les mouvements s'essoufflent et la
propension à migrer vers l'urbain finit par diminuer. Ainsi à
mesure que se produit le processus de modernisation, le taux
d'émigration nette du secteur rural suit une évolution en forme
de cloche que suit également le taux d'immigration nette du secteur
urbain.
En fait, l'évolution du taux d'accroissement de la
population de l'AMP entre 1950 et 2003 laisse apparaitre une augmentation
significative mais l'évolution du degré d'urbanisation
paraît plus frappante que le taux d'accroissement (voir tableaux 2.2 et
et 2.3).
Tableau 2.2
Évolution des taux d'accroissements annuels des villes
composant l'AMP de 1950 à 2003 en %
Villes
|
Années
|
1950-1971
|
1971-1982
|
1982-2003
|
Port -au-Prince
|
5.6
|
3.1
|
4.7
|
Pétion-ville
|
4.3
|
0.6
|
5.9
|
Carrefour
|
N /A
|
N /A
|
N /A
|
Delmas
|
N /A
|
N /A
|
N /A
|
Source : IHSI
Ainsi, nous nous accrochons à l'idée de ceux qui
avancent qu'il y a une relation entre degré d'urbanisation et niveau de
l'emploi, il y a aujourd'hui une hyperurbanisation dans l'AMP, toutefois les
conditions sont différentes suivant la ville considérée.
Il convient ici de souligner que la population urbaine de
Port-au-Prince a fluctué durant les quatre recensements, passant de
93,4% en 1950 à 92,8% en 1971 puis à 95,1% en 1982 à un
pourcentage inférieur de 36,2% en 2003.9(*) Alors que Pétion -ville a connu des hauts et
des bas passant de 6,6% en 1950 à 7,2% en 1971,puis 4,9% en 1982
à un sommet de 10,9% en 2003.
Tableau 2.3
Répartition de la population de l'AMP au cours des
recensements de 1950,1971, 1982 et 2003 (en %).
Villes
|
POPULATION EN %
|
1950
|
1971
|
1982
|
2003
|
Port-au-Prince
|
93.4
|
92.8
|
95.1
|
36.2
|
Carrefour
|
N/A
|
N/A
|
N/A
|
18.0
|
Delmas
|
N/A
|
N/A
|
N/A
|
34.9
|
Pétion -ville
|
6.6
|
7.2
|
4.9
|
10.9
|
AMP
|
100.0
|
100.0
|
100.0
|
100.0
|
Source : IHSI
Mais, l'accroissement rapide de l'AMP ne tient pas qu'à
son évolution démographique. En effet, au cours de ces trente
dernières années, il résulte d'une très forte
attraction des populations migrantes des autres villes et sections rurales du
pays vers la Capitale. L'AMP demeure l'un des grands pôles d'attraction
des migrants du pays et un espace où se concentrent les principales
activités lorsqu'on la compare à d'autres chefs-lieuxde
départements. 1 916 133 personnes résident dans l'AMP, 637 038
sont des migrants soit 78,84% du total des migrants internes du pays. De plus,
les mouvements migratoires ruraux à destination de l'AMP comptent 350
000 personnes soit plus de la moitié (54,9 %) du total des migrants de
l'AMP.
2.3 Contexte de la construction
des quartiers précaires dans l'AMP
L'AMP particulièrement Port-au-Prince, depuis 1950 et
pendant de nombreuses années, a attiré les populations des autres
départements. Les conditions socio-économiques régnant
dans les campagnes, la concentration des structures administratives et
éducatives ont contribué à l'afflux de la population vers
cette agglomération. Ils y viennent afin de chercher du travail et
d'apporter une main d'oeuvre à bon marché. La migration des
années soixante est influencée majoritairement par les
industries de sous-traitance installées à Port-au-Prince et le
fait des fêtes organisées par le pouvoir des Duvaliers qui
rassemblaient bon nombre de personnes transportées en camions et autres
sur les places publiques. Des cités seront construites à
cité soleil ci devant Cité Simone, à Delmas 2 etc...
Après 1987, les coups d'État militaire vont
permettre à certains soldats des forces Armés d'Haïti (FADH)
et autres citoyens influents de s'approprier des terrains laissésvacants
en flanc de montagne et sur le littoral. Ainsi naissent les zones telles que
Fort mercredi, de Cité l'Eternel, cité Plus, Village de Dieu
etc
Vers les années quatre vingt dix, le pouvoir Lavalasse
permet le regroupement d'un nombre imposant de la population venue de la
province dans ces quartiers dits précaires. Les résidents font
venir, quand ils le peuvent, leurs familles et leurs amis.
Les crises politiques des années 2000 et jusqu'
à 2010au lieu de mettre un terme brutal à cet afflux de migrants
n'ont fait qu'atténuer cette situation. Les effets de la centralisation
des structures administratives et éducatives, et le développement
du secteur informel justifient le mirage de la ville capitale. Après le
tremblement de terre du 12 janvier 2010 les tentes s'éparpillent un peu
partout sur les places publiques, terrains vacants et autres. Cette situation
semble freiner très temporairement la tendance qui tend à se
consolider comme une tendance à long terme par la construction de
maisons de fortune dans les gros camps comme Corail.
En 1950, les port-au-princiens vivaient dans les
cités ; aujourd'hui les bidonvilles de l'AMP accueillent
près de 67% de cette population.
Toutefois, aujourd'hui, on essaie de faire comprendre et
d'exiger la destruction de certains bidonvilles jugés dangereux. Un plan
de reconstruction de la ville de Port-au-Prince est toujours en attente et la
résorption de l'habitat provisoire aboutit à la consolidation des
camps qui devraient être un espace de transit mais qui vont perdurer des
années, en attendant que toutes ces familles soient relogées dans
un logement social.
CHAPITRE III
LE PHENOMENE MIGRATOIRE
HAITIEN : DEPARTEMENT DE L'OUEST, AIRE MÉTROPOLITAINE DE
PORT-AU-PRINCE, PROBLÈMES MAJEURS
3.1 Les catégories de
migrations
En examinant les différences de la migration interne en
fonction du milieu de résidence, l'on se rend compte que la migration
ruralo -urbaine couramment appelée exode rural représente 48,7%,
Vient ensuite la migration inter -urbaine avec 43% et enfin la migration urbano
-rurale et inter-rurale qui absorbe respectivement 5,5% et 2,8%.
Figure 1.3
Source : IHSI
Les données du tableau 5 concernant le pourcentage
d'hommes et de femmes dans chaque catégorie de migration nous montrent
que plus de 50% de femmes ont changé de résidence en 2003 quel
que soit le type de migration considérée.
Tableau 3.1 : Pourcentage d'hommes et de
femmes dans chaque catégorie de migration en 2003
SEXES
|
DIMENSION DES MIGRATIONS
|
|
Urbano-rurale
|
Ruralo - urbaine
|
Inter - urbaine
|
Inter - rurale
|
Masculin
|
47.6
|
46.4
|
43.5
|
45.8
|
Féminin
|
52.4
|
53.6
|
56.5
|
54.2
|
TOTAL
|
100.0
|
100.0
|
100.0
|
100.0
|
Source : IHSI
Pour comparer les quatre types de migration, il est
nécessaire de considérer les entrants et les sortants de chaque
département. En fait, les entrants sont les natifs d'autres
départements qui résidaient dans le département au moment
du recensement, alors que les sortants sont les natifs d'un département
qui résidaient en d'autres départements au moment du
recensement.
3.2 Les entrants et les
sortants selon la nature des mouvements migratoires
10) La migration inter
-départementale
Quand on considère les migrations inter
-départementales, la figure 2.3 relève que le département
de l'Ouest absorbe le plus grand nombre d'entrants et de sortants. Comme, on le
voit, aucun département n'enregistre plus de 600 000 entrants et 300 000
sortants. Cela justifie l'ampleur des migrations internes dans ce
département. Il compte beaucoup plus d'entrants et de sortants que tous
les autres départements.
Les sortants des huit autres départements
comptabilisent chacun un peu moins de 100 000 personnes. Cependant, parmi eux,
trois se distinguent particulièrement. Il s'agit des départements
de la Grande-Anse, du Sud et du Sud -est qui se retrouvent respectivement au
2ème, 3ème et 4ème rang,
tandis que pour les départements restants les proportions sont assez
faibles.
Figure 2.3
Source : IHSI
20) La migration rurale -urbaine
La migration ruralo - urbaine, c'est le mouvement migratoire
des individus qui sont nés dans une zone rurale du pays mais qui
résident dans une zone urbaine au moment du recensement. Pour ce type de
mouvement, l'Ouest accueille plus de 96% des migrants d'origine rurale. Si l'on
se réfère aux sortants, l'Ouest vient en tête grâce
à l'apport du Reste de l'Ouest (R-O), suit immédiatement la
Grande- Anse, le Sud et le Sud -est. Un fait important à signaler, le
département du Nord-est détient les effectifs d'entrants et de
sortants les plus faibles par comparaison aux autres départements.
(Voir Figure 3.3)
Figure 3.3
Source : IHSI
30) La migration urbaine rurale
La migration urbaine rurale en Haïti reste une
dimension10(*) ayant une
proportion assez faible de la migration interne totale, soit 5.5%. Cependant,
des différences significatives sont observées pour les sortants
et les entrants de certains départements.
À la figure 4.3, on observe les plus forts pourcentages
d'entrants et de sortants dans l'Ouest. En fait, les entrants se concentrent
plus particulièrement dans le Reste de l'Ouest (R-O) et la Grande
-d'Anse pendant que les sortants préfèrent s'établir dans
l'Ouest et le Sud.
Figure 4.3
Source : IHSI
40) La migration inter-urbaine
La migration inter -urbaine, est assez importante puisqu' elle
absorbe 43% du total des migrations internes. Son étude relate que le
département de l'Ouest demeure très attractif. En effet, ce
département obtient le plus fort pourcentage du total des entrants avec
une différence assez remarquable avec les autres départements. Le
Nord et l'Artibonite se placent en 2ème et
3ème position tandis que la Grande-Anse et le Nord-Est se
retrouvent en dernière position avec les proportions les plus faibles du
total de cette dimension de la migration.
Quant aux sortants, la Grande- Anse et le Sud enregistrent les
plus forts pourcentages.( Fig. 5.3)
Figure 5.3
Source : IHSI
50) La migration inter-rurale
À la figure 6.3, on peut remarquer les
départements les plus attractifs et ceux qui sont les plus
répulsifs. L'Ouest se met encore en tête grâce à
l'apport du Reste de l'Ouest (R-O). Viennent ensuite, les zones rurales des
départements de la Grande -Anse et du Sud attirant les migrants
d'origines rurales. Par contre, les plus fortes proportions de sortants
concernent particulièrement l'Ouest et les départements du Sud -
est et de l'Artibonite.
Figure 6.3
Source : IHSI
3.2 Le département de
l'Ouest le principal bénéficiaire des migrations
10) Ensemble des migrations
La différence entre les entrants et les sortants d'un
département donne la balance migratoire ou solde migratoire. Elle permet
de déterminer les départements bénéficiaires ou
déficitaires des migrations.
Pour l'ensemble des départements, la balance migratoire
laisse apparaître que le département de l'Ouest demeure le plus
grand bénéficiaire des migrations (+367255 personnes) alors que
les départements du Nord-est et du Centre sont les plus
déficitaires avec respectivement -5745 et -19010 personnes.( Voir
figure 7.3)
Figure 7.3
Source : IHSI
20) Migration rurale urbaine
Dans ce type de migration la situation est la même pour
le département de l'Ouest. La balance migratoire est toujours positive
(+113195 personnes). Cependant, quand on considère les
départements déficitaires, la Grand -Anse, le Sud-est et le Sud
se placent respectivement au 1er, 2ème et
3ème rang avec respectivement (- 36720, -26327, - 24270
personnes) alors que le département du Nord -est se retrouve au bas de
l'échelle avec - 1817 personnes comme le montre la figure 8.3.
Figure 8.3
Source : IHSI
30) Migration urbaine rurale
Le département de l'Ouest prédomine encore, il
est le seul département bénéficiaire des migrations.
Par rapport aux autres départements qui sont
déficitaires, les soldes migratoires varient de -1825 à -102
personnes avec l'Artibonite et le Sud-est aux premiers et seconds rangs puis le
Nord-Ouest et le Nord-est à l'avant-dernier et dernier rang. (Voir
Figure 9.3)
Figure 9.3
Source : IHSI
40) Migration inter - urbaine
Pour la balance migratoire de ce type de mouvement, les
résultats reflètent le sens des flux à destination des
zones urbaines. Le département de l'Ouest est encore l'unique
bénéficiaire de la migration et tous les autres
départements sont déficitaires. Or, les déficitaires ayant
les effectifs particulièrementélevées sont les
départements de la Grande -Anse, du Sud et Sud -est, pendant qu'on
observe des scores assez faibles pour les départements du Nord -est et
du Nord-ouest. (Figure 10.3)
Figure 10.3
Source : IHSI
50) Migration inter-rurale
La figure 11.3 laisse observer les départements les
plus attractifs et ceux qui sont les plus répulsifs. Six des neuf
départements ont une balance migratoire positive. Cependant, l'Ouest
grâce à l'apport du Reste de Ouest (R-O) est au premier rang des
bénéficiaires de la migration inter-rurale avec un effectif de
3926 personnes. Viennent ensuite, les départements du Sud et du Centre
avec respectivement 355 et 125 personnes.
Les départements ayant un solde migratoire
négatif sont le Sud-est, l'Artibonite et le Nord. On constate que les
deux premiers sont les plus déficitaires.
Figure 11.3
Source : IHSI
3.2 Les enjeux
migratoires pour le futur
L'évolution de l'effectif de la population de chacun
des départements géographiques du pays expose les changements qui
touchent sans doute les relations entre le monde rural et le milieu urbain.
Depuis plus d'un quart de siècle, les migrations internes en Haïti
représentent l'une des principales causes de la distribution fortement
inégale de la population à travers l'espace géographique
et sont étroitement liées à l'urbanisation rapide des
villes du pays.
Ces migrations ont provoqué dans un certain sens la
macrocéphalie de l'Aire métropolitaine de Port-au-Prince (AMP)
où se trouve le département de l'Ouest. La figure 12.3 ci
-après illustre le pouvoir attractif de ce département où
l'AMP apporte une très forte contribution. En effet, cette aire est
l'agglomération la plus touchée du pays par certains
phénomènes tels : l'explosion démographique,
l'urbanisation anarchique. Elle est devenue le lieu le plus attractif des
migrants et la plus importante zone du développement du secteur informel
de l'économie urbaine. C'est pourquoi, on expérimente
actuellement une situation alarmante où s'entremêlentune
paupérisation accélérée de larges couches de cette
population, l'émergence des bidonvilles dans les flancs de montagnes,
les ravins et le littoral, la dégradation de l'environnement, la
carence de services de base et l'insécurité etc....A ceci
s'ajoute, l'effet du séisme dévastateur du 12 janvier 2010.
Il est aussi admis, que les déplacements peuvent bien
participer à l'efficacité économique ; ils sont
capables de satisfaire les attentes individuelles des ménages et des
entreprises et ils peuvent être un gage d'équité sociale.
En ce sens, les enjeux des migrations recouvrent des dimensions
environnementale, financière et urbaine. En réalité, la
forte attractivité du département de l'Ouest permet la
métropolisation des personnes et des activités. Toutefois,
l'ampleur de ces déplacements incontrôlés et mal
gérés génère de nombreuses contraintes que seul
l'aménagement du territoire pourrait pallier. Certaines politiques
devraient être mises en oeuvre, afin de répondre, d'une part aux
problèmes de transport, environnementaux et d'autre part, aux impacts
des infrastructures de base, pour ne citer que cela.
Figure 12.3
Illustration des flux d'entrée dans le
département de l'ouest où se trouve l'AMP
Source : Carte Carline Joseph Duval.
Document : Migration interne en Haïti : une
comparaison des mouvements inter-départementaux en 2003.Octobre
2006
3.3 Les
scénarios du futur
L'organisation du territoire haïtien s'est faite
historiquement autour des lieux de production de richesses, des lieux de
résistance, et lieux d'échanges. Or, le département de
l'ouest chevauchant l'Aire Métropolitaine de Port-au-Prince (AMP) est
constitué suivant les mouvements de populations orientés d'abord
par la centralisation des activités économico-politiques et
administratives ; ensuite par la circulation des biens et services, la
diffusion des idées et des informations, la défense du
territoire. D'où les disparités issues de la taille de la
population et des potentialités de chaque département en
ressources humaines capables d'innover et de gérer leurs espaces.
Les potentialités économiques et industrielles,
le développement du secteur tertiaire, les infrastructures de base, les
monuments, les grands centres universitaires et éducatifs dont est
dotée l'AMP l'ont rendue dans un certain sens autonome, tandis que les
autres villes et agglomérations du pays victimes de l'exode,
dépourvues d'infrastructures et peu urbanisées ont vu se creuser
la distance avec cet espace plus favorisé.
Se basant sur les données du recensement de 2003,
l'analyse des flux migratoires montre la macrocéphalie de l'AMP et la
nécessité d'une gestion de cette agglomération. Ainsi,
nous suggérons les perspectives et des orientations futures. Les
scenarios se fondent sur la quasi-certitude d'une réorientation des flux
migratoires assortie d'une planification urbaine privilégiant la
participation de tous les acteurs urbains. Les perspectives seront
présentées suivant deux scenarios de la relance de la gestion des
flux migratoires : l'un qui s'appuie sur les migrations à
l'intérieur du pays dont le département de l'ouest absorbe 90% du
total ; l'autre qui oblige dirigeants, planificateurs, chercheurs,
acteurs, bailleurs de fond à prendre ensemble des initiatives incitant
la gestion urbaine en Haïti. Mais, voyons si l'hypothèse de la
gestion de l'AMP a des fondements théoriques.
CHAPITRE IV
L'HYPOTHÈSE DE LA
GESTION DE L'AIRE MÉTROPOLITAINE DE PORT-AU-PRINCE A-T - ELLE DES
FONDEMENTS THÉORIQUES ?
4.1 La gestion
prévisible
Dans l'immédiat et dans l'hypothèse du statu quo
des flux migratoires vers l'Aire métropolitaine de Port-au-Prince, l'un
des scenarios serait une réorientation des flux migratoires vers l'AMP
qui devraient contribuer à la transformation et à la
modélisation de cet espace urbain. En effet, l'analyse des
données concernant les migrations internes en Haïti,
particulièrement les mouvements vers le département de l'Ouest
permettent de voir la nécessité de cette relance.
Dans un premier temps, prenons la concentration des
activités économiques, sociales, administratives et le secteur
informel qui paupérise davantage les habitants de cette
agglomération. Les plans et programmes de réorientations urbaines
entrepris par les institutions du pays et le ministère de la
planification et de la coopération externe (MPCE) demeurent toujours
sans effet. Dans la mesure où les résultats des processus de
réflexions et d'action tiennent compte d'un ensemble de facteurstelles
que forces, faiblesses et opportunités offertes par l'AMP. De même
que l'accent sera mis sur le rôle essentiel et de certains efforts
entrepris par l'ensemble des acteurs qui font l'agglomération. Ainsi, la
population, les acteurs locaux et le gouvernement central prendraient des
décisions participatives urbaines qui feraient l'objet d'une politique
effective et réalisable en vue de maitriser les flux migratoires
internes.
Dans un second temps, admettons une déconcentration
administrative et technique de l'AMP, puis le développement de certaines
activités à caractère économique et social dans
d'autres départements et zones urbaines du pays. L'incitation des
migrants de l'AMP vers leur zones d'origines conduirait à un
décongestionnement de l'AMP et avec un solde positif pour les
départements d'origine (création d'emploi- accroissement de la
population active). Ces migrants génèreraient à long terme
une force de travail et peut-être le renversement des flux de retour
serait indispensable pour qu'on puisse observer une diminution nette des flux
migratoires vers l'AMP. De même, les problèmes de logement et
d'infrastructures seraient palliés dans les quartiers informels. Tout
ceci, serait entrepris dans un contexte où la décentralisation
n'est pas effective alors il sera important que la participation de la
population soit réelle et que les acteurs socio-économiques
entreprennent des actions capables de répondre aux préoccupations
des milieux d'origine des migrants de cette aire urbaine. Mais la gestion
spatialisée mérite d'être explorée. Il faudrait
créer des Métropoles d'équilibre au niveau des chefs-lieux
de département, en les dotant en infrastructures, équipements et
services de base, afin de réduire les flux migratoires ver l'AMP. Il
faudrait penser aussi à l'aménagement progressif de l'espace
rural pour le rendre moins répulsif et plus attractif.
4.2 La gestion
spatialisée
Le département de l'ouest s'étend sur 4.952.56
kilomètres carrés avec 152.02 kilomètres carré pour
l'AMP. Toutefois, ce département qui comprend l'AMP, affiche un taux
d'urbanisation supérieur à celui du pays. Si en 1950 et1982,
cette agglomération composée uniquement de deux villes
(Port-au-Prince et Pétion-Ville) dont la densité respective
s'élevait à 2, 442 et 415 habitants/km 2,
l'année 2009 laisse observer une nette augmentation de ces
densités, malgré la création des quatre autres villes
(Delmas Carrefour, Cité soleil, Tabarre).
Dans le contexte de croissance rapide de l'AMP, l'absence de
planification urbaine conduit à une urbanisation anarchique. Ainsi, les
lois sur l'urbanisme, les décrets portant sur l'aménagement des
cités et agglomérations urbaines n'ont pas permis la
résolution des problèmes de l'urbanisation non planifiée ,
ni la vente des terrains déjà viabilisés voire la
séquestration et l'envahissement des terrains restés vacants
après 1986. Bien plus, les travaux de cadastre qui n'ont pas
été effectués pour la grande majorité des villes de
l'AMP.
Figure 1.4 : La ville de Port -au- Prince avant 1800
Source :Proventionconsortiom, UniQ.urau
et catesig, PRA.ter. Juillet 2006. Tiré du document :
Identification des risques environnementaux dans la région
métropolitaine de Port -au-Prince; méthodologie et premier
résultats.
Figure2.4 : Carrefour en 2006
Source :Proventionconsortiom, UniQ.urau
et catesig, PRA.ter. Juillet 2006. Tiré du document :
Identification des risques environnementaux dans la région
métropolitaine de Port -au-Prince; méthodologie et premier
résultats.
Figure 3.4 : Boulevard Harry TRUMAN en
1980
Source :Proventionconsortiom, UniQ.urau
et catesig, PRA.ter. Juillet 2006. Tiré du document :
Identification des risques environnementaux dans la région
métropolitaine de Port -au-Prince; méthodologie et premier
résultats.
Figure 4.4 : Boulevard Harry Truman et
Cité l'Eternel en 2002
Source :Proventionconsortiom, UniQ.urau
et catesig, PRA.ter. Juillet 2006. Tiré du document :
Identification des risques environnementaux dans la région
métropolitaine de Port -au-Prince; méthodologie et premier
résultats.
Figure 5.4 : Thor dans Carrefour en 1982
Source :Proventionconsortiom, UniQ.urau
et catesig, PRA.ter. Juillet 2006. Tiré du document :
Identification des risques environnementaux dans la région
métropolitaine de Port -au-Prince; méthodologie et premier
résultats.
Figure 6.4 : Thor Carrefour en 2002
Source :Proventionconsortiom, UniQ.urau
et catesig, PRA.ter. Juillet 2006. Tiré du document :
Identification des risques environnementaux dans la région
métropolitaine de Port -au-Prince; méthodologie et premier
résultats.
Figure 7.4 : Pétion -ville, Sainte
Thérèse en 1980
Source :Proventionconsortiom, UniQ.urau
et catesig, PRA.ter. Juillet 2006. Tiré du document :
Identification des risques environnementaux dans la région
métropolitaine de Port -au-Prince; méthodologie et premier
résultats.
L'AMP a une superficie de 152,02 kilomètres
carrés soit à peu près 3,05% de la superficie du
département de l'Ouest. Le tableau ci-dessus énumère les
superficies et densités de chacune des villes de cette
agglomération. En 2009, trois des villes ont une superficie
presqu'égale (21,85 ; 21,81 ; 22,55 km2) alors que
Port-au Prince et Pétion-Ville ont une superficie supérieure,soit
32,83 et 27,74 respectivement. Au cours de cette même année, la
densité moyenne du département était d'environ de 735
habitants par km 2 pour une densité de l'AMP égale
à 15106 hab/km 2 ; ce chiffre certifie que cette
population est vraiment dense.
La densité varie pour chacune des villes. Les
densités les plus fortes sont enregistrées à
Port-au-Prince ((34637), Carrefour(19691), Delmas(12958) et Cité
Soleil(11052) et les plus faibles concernent Tabarre (4391) et Pétion
-ville (8260). Cependant, même la plus faible est supérieure
à celle du pays qui est de 367 hab/km2.
Tableau 4.1 : Superficie, densité du
département de l'Ouest et de l'AMP en 2009
Unité Géographique
|
2009
|
Superficie
|
Densité
|
Département de l'Ouest
|
4982.56
|
735
|
Port-au-Prince
|
25.29
|
34637
|
Pétion- ville
|
32.83
|
8260
|
Delmas
|
27.74
|
12958
|
Carrefour
|
21.85
|
19691
|
Cité soleil
|
21.81
|
11052
|
Tabarre
|
22.55
|
4391
|
AMP
|
152.02
|
15106
|
Source : IHSI
Le problème se posera avec beaucoup plus
d'acuité dans une agglomération, telle que l'AMP, qui
connaît une forte densité spatiale de population. Les villes de
L'AMP ne disposent d'aucune trame permettant de contrôler leur
évolution spatiale, ce qui conduit à des effets négatifs
tels que, forte concentration de la population urbaine, prédominance des
bidonvilles, insécurité foncière, engorgement du
réseau de transport urbain et environnement dégradé et
malsain. etc... Ainsi, les causes et conséquences de cette pression
devraient être compensées par l'effet des politiques sectorielles
notamment fiscales et le mode de distribution.
Par ailleurs, la pression migratoire se manifeste plus que
jamais dans le département de l'Ouest qui absorbe 90% des migrants
internes ; et l'AMP se trouve au premier rang quand on considère
les entrants.
4.3.2 Les flux migratoires vers
l'AMP
L'importance de l'étude des migrations vers l'AMP
repose sur l'apport des autres départements à cette
agglomération. En effet, cette population augmente et provoque une
pression sur l'espace et les infrastructures de base disponibles. Ici, nous
voulons mettre en évidence l'ampleur des migrations entre 1998 et 2003
et notamment en 2003.
4.3.2.1 Les migrations vers
l'AMP entre 1998 et 2003
Comme le montre le tableau ci-dessous, les flux migratoires
vers l'AMP mesurés par les recensements de 2003 sont très
importants sur la période 1998-2003. Entre 1998 et 2003, 356247
personnes ont migré des différents départements vers
l'AMP. Le reste du département de l'Ouest (R-O) est le principal
pourvoyeur de migrants (plus de la moitié des entrants soit 56,5%).
Cette situation est liée à la proximité. Il faut aussi
noter l'importance du département du Sud (24,1%) par rapport aux autres
départements qui concentre moins de 9% du total des entrants. Ainsi, les
migrations de 2003 confirment- elles une plus forte attractivité de
cette dite agglomération ?
Tableau 4.2 : Répartition des
entrants de L'AMP par département entre 1998 - 2003 et en 2003
DEPARTEMENT
|
ENTRANTS 1998-2003
|
ENTRANTS 2003
|
Effectifs
|
%
|
Effectifs
|
%
|
R-O
|
201366
|
56.5
|
270614
|
42.5
|
Sud -Est
|
7934
|
2.2
|
67587
|
10.6
|
Nord
|
31559
|
8.9
|
31654
|
5.0
|
N-Est
|
3185
|
0.9
|
3719
|
0.6
|
Artibonite
|
6383
|
1.8
|
39027
|
6.1
|
Centre
|
3305
|
0.9
|
18944
|
3.0
|
Sud
|
85729
|
24.1
|
85792
|
13.5
|
Gde- Anse
|
14693
|
4.1
|
106934
|
16.8
|
N-Ouest
|
2093
|
0.6
|
12767
|
2.0
|
TOTAL
|
356247
|
100.0
|
637038
|
100.0
|
4.3.2.2 Les migrations vers
l'AMP en 2003
Si pour la période 1998-2003, on comptait plus de 356
mille entrants, leur nombre a progressé pour atteindre plus de 637 mille
en 2003. Au cours de cette année de recensement, 42.5% de cette
population étaient nés dans le reste du département de
l'Ouest alors que les départements faisant partie du grand sud ont vu
leur part de flux vers l'AMP augmenter (10,6% département Sud
-Est ; 13.5% Sud ; 16,8 % Grande -Anse). Il apparait clairement que
ces départements doivent retenir l'attention des autorités
locales de l'AMP et des institutions responsables de la gestion des
migrations.
De même, l'existence des données pour les flux
d'entrants et sortants de l'AMP pour chacun des départements en 2003.
Le graphique ci -dessous montre que le reste du département de l'Ouest
(R-O) se distingue clairement comme un espace d'attraction des flux
migratoires. Les départements du Nord-Est et du Nord-Ouest à
l'inverse sont les principaux foyers de répulsion ou de non
déplacement des migrants.
Les mouvements migratoires des départements du Sud
-est, du Sud et de la Grande Anse et du reste de l'Ouest, ressortent nettement.
Les départements du Nord, du Nord-Est, de l'Artibonite et du Nord-Ouest
confirment la logique des migrations en Haïti (les populations du grand-
sud se déplacent beaucoup plus que celles du grand -nord).
(Voir figure 8.4 ci après)
Figure 8.4
Source IHSI
Cette illustration va dans le sens de l'inclusion des flux
migratoires, qui sans doute est indispensable pour la gestion de la croissance
urbaine. Mais, l'urbanisation anarchique mérite d'être
explorée.
4.3.3 L'urbanisation
anarchique
Le rapport urbain/rural montre que le département de
l'Ouest est l'entité géographique dont le ratio est 3 à 5
fois plus élevé que celui du pays.11(*) Il détient le plus fort
taux d'urbanisation du fait que l'AMP est la zone urbaine dominante du pays.
Or, de 1982 à 2012 la population de l'AMP a triplé. Cette
agglomération absorbe actuellement près du quart de la population
totale du pays, plus de la moitié de la population urbaine totale du
pays et plus de trois quart (3/4) du total des migrants internes du pays. Les
bidonvilles de Port-au-Prince accueillent plus de deux tiers (2/3) de cette
population. Le séisme du 12 janvier 2010avait freiné très
temporairement cette croissance et qui de nos jours tend à se
consolider comme une tendance à long terme.
Dans l'AMP, ce n'est pas une vie meilleure et la
création d'emploi qui attirent objectivement les migrants vers la ville
c'est plutôt l'appauvrissement des zones agricoles, la marginalisation et
la paupérisation de la population. Aujourd'hui, l'étalement des
bidonvilles se fait dans un désordre urbanistique oùmême
les piedmonts, les zones à risque, le littoral ne sont pas
épargnés. Ainsi cette situation va créer l'envahissement
des terres relevant du domaine de l'état et parfois appartenant au
privé. De même, les constructions s'érigent sans respect
des normes surtout sans plan et infrastructures routières. Bien plus les
équipements ne suivent pas et l'État est surtout absent ce qui y
conduit à une institutionnalisation de la vie sociale entretenue par les
réseaux sociaux.12(*)
L'urbanisation et l'activité humaine dans cette aire
entraînent des incidences sur la population. Selon l'enquête sur
l'emploi et le secteur informel réalisée par l'IHSI en 2000, 4/5
des actifs occupés sont des migrants. Parmi eux, de nombreux ont
déclaré n'avoir aucun niveau d'études et les plus
instruits se retrouvent dans l'AMP.13(*) Il faut toutefois souligner que dans l'AMP le lieu
privilégié de l'exercice de l'emploi des actifs occupés
est la voie publique (24,4%) et le domicile sans installation (38,6%).14(*) Ajouté à ceci,
l'enquête note que l'inactivité involontaire prédomine et
le secteur informel créé par les établissements
privé informel constitue la quasi-totalité de l'emploi de
l'AMP.
Ainsi, les phénomènes qui viennent d'être
évoqués, afflux de migrants vers l'AMP, étalement des
bidonvilles, carence des infrastructures de base, concentration du secteur
informel indiquent l'ampleur sans précédent du rythme de
croissance de la population et l'intensité de la pression
démographique qu'elle génère et les
inégalités de croissance des villes composant l'AMP.
4.3.4 Les
inégalités de développement dans les communes composant
l'AMP
Une photographie des différences spatiales des villes
composant l'AMP montre que cette aire produit des inégalités
assez fortes, tant sur le plan économico-démographique qu'en
terme de recette fiscale et de mode de distribution des ressources. La plus
forte différenciation est celle entre une ville telle que Cité
Soleil et les autres villes. La notion d'inégalité est
associée à l'informalitédu quartier, au revenu des
ménages, au coût et au type de logement, à l'accès
aux infrastructures et équipements de services comparativement aux
autres villes de l'AMP. Ajouté à ceci les nouvelles
inégalités dues aux conséquences du tremblement de terre
du 12 janvier.
Les constats d'inégalité vont jusqu'à
l'état des lieux des recettes fiscales communales, à partir des
potentialités des Collectivités Territoriales (CT). Il est vrai
que la décentralisation est un processus de transfert de
compétences et de moyens d'actions, de l'Administration centrale vers
les Collectivités Territoriales, (CT) en vue d'assurer aux
autorités et aux populations locales la latitude, l'autonomie de
gérer, de manière participative, leurs propres affaires.
Plusieurs taxes sont perçues pour le compte des
communes. 15(*)La patente
et le CFPB représentent 90% des recettes communales et le reliquat
exprime le maigre produit des autres taxes dont la liste est plutôt
énumérative. D'autres taxes et droits sont listés, tels la
taxe de ramassage des ordures, celle sur les jeux autorisés, celle sur
les spectacles publics, la taxe des égouts, les droits sur les
certificats de bonnes vies et moeurs, les amendes prononcées par les
tribunaux correctionnels et de simple police, pour violation des
règlements communaux, le droit d'affichage etc... Ils sont
établis, soit par la loi de 1987, soit par des mesures
règlementaires de la Direction Générale des Impôts
(DGI).
En 1996-97, les communes affichaient des recettes de 70
millions de gourdes. Les collectes des communes de l'aire
métropolitaine de Port-au-Prince représentaient 82% de ce
montant. Les autres communes ne disposaient pas de ressources propres leur
permettant de financer leur fonctionnement.
Dix ans plus tard, en 2005-2006 nous vous présentons un
tableau des recettes mensuelles communales accusant des montants qui parlent
d'eux-mêmes.
Selon les données de la Direction des Opérations
de la Direction Générale des Impôts (DGI) les recettes
perçues pour le compte des communes de l'aire métropolitaine de
Port-au-Prince au cours de l'exercice 05-06, s'élèvent à
195,567,915.66Gdes , alors que pour l'exercice 04-05, elles atteignaient
le chiffre de 12,750,227.41 Gdes.
L'exercice 2005-2006, permet d'observer un écart
significatif entre les différentes communes composant l'AMP. Si
Pétion-Ville et Delmas ont réalisé respectivement des
recettes de 52,698,298.34 Gdes, 90,466,276.31 Gdes ; Carrefour et
Port-au-Prince ont collecté seulement 14,528,030.46Gdes,
30,739,072.98Gdes.
En somme, du point de vue de développement territorial,
chacune des villes de l'AMP est composée de quartiers, de centres
villes, de pôles en développement démographique et
économique. Les expériences des Collectivités
Territoriales(CT) ont révélé la difficile gestion des
ressources, ainsi que les accrocs à la promotion du développement
économique et également la possibilité d'un ensemble de
stratégies incitant la gestion de cette agglomération.
CHAPITRE V
STRATÉGIES
D'ENSEMBLE INCITANT LA GESTION DE L'AMP
5.1 Planification urbaine
assortie de stratégies globales
Plusieurs recherches montrent que l'AMP est
l'agglomération privilégiée des migrants du pays.
Toutefois, les offres d'emplois et de services collectifs évoluent
inadéquatement par rapport au rythme de croissance de la population
migrante. Ainsi, cette agglomération n'arrive pas à structurer ni
à s'adapter à l'arrivée de ce stock de
migrants ;ainsi l'accueil et l'intégration des entrants constituent
un problème majeur.
De nos jours, l'AMP est désorganisée, le
chômage s'accroit, le secteur informel croit à un rythme
vertigineux, les terrains urbains deviennent rares, et les bidonvilles
émergent un peu partout. Toutes les villes de l'AMP ont leurs propres
quartiers précaires spécialement Cité -Soleil
considérée comme l'une des plus grandes villes du monde. Dans
ces quartiers informels et même dans certains dits formels les
constructions ne répondent pas aux normes d'habitabilité, compte
tenu de la faible situation économique des citoyens.
En réalité, les plans de développement de
Port-au-Prince élaborés en 1975 mis à jour par la firme
LAVALIN en 1987 pour le compte du MTPTC n'ont pas atteint leurs objectifs.
Delmas, de son coté, érigée en commune depuis 1982 et
jugée dès lors comme zone de développement prioritaire, a
été construite avant même l'implantation des
infrastructures. La situation n'est pas différente pour les communes de
Carrefour et de Tabarre.
L'AMP, de part sa configuration et ses caractéristiques
depuis les années 50, ne peut être qu'un espace attractif et pour
la population et pour les activités de productions. Or les
autorités locales et nationales n'arrivent pas à gérer
puisque les retards de la ville par rapport au monde rural en matière
d'habitat, d'emploi, de logement n'ont pu être rattrapés. En
même temps, la croissance des villes n'a pas pu être assurée
et la gouvernance urbaine n'a pas été améliorée. De
fait, les plans de réorientation urbains pensés et
élaborés depuis 1950 sont restés sans effets, puisqu'ils
ont été bouleversés par l'urbain informel. Par ailleurs,
certaines initiatives de bailleurs, d'ONG, d'acteurs locaux ou nationaux ont
pris la forme de programmes ou de projets ; elles ont apporté
certes des solutions très ponctuelles, compte tenu du manque de synergie
et de globalité, de leur caractère et de leur portée.
Plus récemment, on a assisté à
l'engagement des acteurs urbains à l'élaboration et
l'éventuelle exécution de plan de développement de l'AMP.
Après le séisme du 12 janvier 2010, des actions de redressement
et de reconstructions ont incité à un ancrage à long terme
du plan d'actions pour le redressement et le développement d'Haïti
(PARDH). Ajoutés à ceci, des ateliers etforums organisés
par le MPCE en 2011, en vue de l'élaboration des plans de
développement, d'urbanisme et d'aménagement, ont impliqué
la participation des citoyens et acteurs locaux.
Comme la macrocéphalie et l'absence de gestion de l'AMP
persiste, la responsabilité des acteurs est une nécessité
et la planification stratégique urbaine indispensable et plus
particulièrement en matière de gouvernance et de transformation
des rapports entre l'AMP et le reste du pays, ce qui justifie et confirme une
décentralisation effective.
5.2 Une décentralisation
effective
Il est généralement admis que la
décentralisation offre des possibilités auxquelles les
différents acteurs peuvent accéder. Le pouvoir local de
décision de la commune, dotée d'une économie
financière et administrative minimale guide la gestion urbaine. Les
villes de l'AMP qui ne sont autres que les communes du département de
l'ouest ne sont pas toujours capables d'assurer la gestion des affaires
locales.
Cependant, l'article 66 de la Constitution de 1987
stipule : « La Commune a l'autonomie administrative et
financière »---Ce prescrit offre à cette
collectivité territoriale l'aptitude légale à prendre des
décisions, ou à poser des actes, en vue de générer
des ressources propres (taxes et impôts localement perçus)
destinées à financer son fonctionnement. Cependant, l'exercice
de cette compétence ne permettrait pas d'atteindre l'effet
escompté si les taxes et impôts communaux, dûment
collectés, ne suffisent pas à garnir les caisses des
Collectivités territoriales.
L'autonomie financière s'entend de la capacité
de toute entité publique et privée, dotée de la
personnalité morale et juridique, de disposer de ressources propres et
suffisantes, de pouvoir les gérer en toute liberté en fonction
des besoins locaux. Le fisc repose sur la capacité de mobiliser,
notamment par les ressources nécessaires à la construction des
pouvoirs locaux, dans l'intérêt des populations et pour le
développement.
Tony Cantave exhibe le phénomène de
l'emboitement dans les relations entre les collectivités dans son
texte :''Décentralisation en Haïti :
territorialisation des politiques publiques et initiatives de
développement local''. Il précise que :
« La Constitution de 1987 a retenu trois (3)
Collectivités Territoriales (art, 61). Elle a établi en
même temps trois (3) types. Aux Départements elle a
octroyé la personnalité morale (77) ; aux Communes elle leur
a accordé l'autonomie administrative et financière, qui est un
des attributs de la personnalité morale. Elle est muette quant au
statut de la Section Communale et quant à sa définition
même comme Collectivité territoriale (art.62) ; elle pose
problème : elle n'a été identifiée, comme
à l'accoutumée, que comme circonscription administrative
(art.9-1). Par contre, la Constitution, en ce qui concerne les
prérogatives des Collectivités territoriales dans le cadre de
l'Etat Unitaire décentralisé qu'elle prescrit, notamment à
l'article 218, n'établit aucune différence entre elles.
La Constitution établit des relations fonctionnelles
entre les catégories et niveaux de Collectivités Territoriales.
Chaque Conseil Exécutif est assisté d'une Assemblée
délibérante (art. 63.1, 67 et 80) pour le bon fonctionnement de
la gouvernance locale. En effet, le Conseil Municipal rend compte à
l'Assemblée Municipale qui elle-même en fait rapport au Conseil
Départemental (art.73). En ce qui concerne la Collectivité
Territoriale Départementale, le Conseil rend compte à
l'Assemblée qui elle-même fait rapport à l'Administration
Centrale (art. 83).
Le silence est pesant en ce qui concerne les relations entre
les Collectivités Territoriales de Sections Communales et la
Collectivité Territoriale Communale. Et ceci se comprend aisément
puisque traditionnellement la commune est composée du bourg ou de la
ville et de ses sections rurales (cf. les décrets et lois
régissant la commune depuis 1843 jusqu'au décret du 22 octobre
1982).
Or, toute l'histoire d'Haïti est marquée par la
Centralisation assise sur l'autoritarisme. Concentrer le pouvoir, l'avoir et le
savoir au niveau de la Capitale et des métropoles de province entre les
mains de quelques groupuscules de nantis a été l'exercice le plus
réussi exécuté par les dominants sans cesse
harcelés par des rébellions paysannes, des flambées de
régionalisme.
L'occupation américaine a facilité le
renforcement de la centralisation par la création de l'armée
d'Haïti et l'institutionnalisation administrative. Puis vint la dictature
des années 60-80 qui représente l'apogée de la
centralisation. Les luttes pour la démocratie eurent raison de ce
régime de fer et les revendications des exclus trouvèrent un
écho favorable dans la Constitution 1987 qui préconise la
décentralisation comme un nouveau mode d'organisation de l'État,
la concertation et la participation comme principe d'intégration sociale
et la démocratie comme méthode de gouvernement.
La Constitution de 1987 en son titre V Chapitre I traite
des Collectivités Territoriales et de la Décentralisation en ses
articles 61,62 et suivants...
La Décentralisation est présentée non
seulement comme un outil technique et administratif de gestion, des services
publics mais également comme un mode d'organisation de l'État, de
la société et de l'espace. « Elle doit être
accompagnée de la déconcentration des services publics avec
délégation de pouvoir et du décloisonnement industriel au
profit des départements. »
L'objectif de la décentralisation est d'asseoir la
démocratie participative, de généraliser la fourniture des
services de base aux populations locales, régionales par la
présence de l'État sur l'ensemble du territoire ; de
responsabiliser les différents paliers de l'Etat dans l'exécution
des affaires tant nationales que propres ; de favoriser le
développement économique, social et culturel du pays. Bref,
d'atteindre l'optimum politique et social.
Le fondement de la décentralisation est le changement
de l'État pour faire face aux défaillances du système de
concentration de pouvoirs et répondre aux demandes d'autonomie locale et
de promotion d'affaires propres ; son principe est l'autonomisation, la
localisation ou la régionalisation des affaires, l'esprit qui l'anime
est l'esprit de service, de proximité, d'efficacité et de
participation au plan national et local.
Les éléments constitutifs de la
Décentralisation sur lesquels s'entendent généralement les
auteurs sont les suivants : le transfert de compétences et de
moyens d'action ; la personnalité morale et juridique dont sont
dotées les Collectivités et qui réfère aux affaires
locales, aux affaires propres ; l'intervention d'autorités locales
élues pour la gestion autonome des affaires locales ; le
contrôle du pouvoir central sur les instances
décentralisées ; le découpage territorial.
En outre, la Constitution prescrit trois niveaux
d'administration territoriale, trois collectivités que sont la Section
communale, la Commune et le Département.
Les organes de la section communale sont le Conseil
d'Administration de la section communale (CASEC) et l'Assemblée de la
Section communale (ASEC). Ceux de la commune sont le Conseil Municipal (CM) et
l'assemblée municipale(AM) et ceux du Département s'appellent
l'Assemblée départementale(AD), le Conseil départemental
(CD) et le conseil interdépartemental(CID).
La Constitution adresse l'autonomie administrative,
financière et technique des Collectivités ainsi que le
contrôle administratif et juridictionnel dont elles sont l'objet de la
part de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux
Administratif.
Elle statue également sur les contrôles
horizontaux des conseils municipal et départemental par
l'assemblée correspondante.
L'État partage avec les Collectivités
territoriales des compétences et définit avec elles certaines
relations. Les assemblées municipales et départementales font
des choix de personnalités à nommer respectivement au poste de
juge de paix et de juge des Tribunaux civils et des Cours d'Appel.
Les Assemblées départementales en concours avec
les Pouvoirs exécutif et Législatif et la Cour de Cassation
participent à la nomination des membres du Conseil électoral
permanent.
Dans le domaine de l'éducation
« l'administration centrale développe un véritable
partenariat avec les collectivités territoriales...Aux termes des
articles 32.1, 32.2, 32.4, 32.7, 32.9. L'État et les
Collectivités doivent mettre l'école gratuitement à la
portée de tous. Ils endossent la responsabilité de promouvoir la
scolarisation massive, l'alphabétisation et l'enseignement
professionnel, agricole, coopératif et technique.
La Constitution de 1987 a disposé pour que
l'État unitaire d'Haïti soit décentralisé. Depuis le
13 mai 2011, le texte de la constitution amendée par la
49ème législature a paru dans le journal officiel le
Moniteur. Cependant, au moment de la mise en chantier de la
décentralisation, toute une problématique est dressée pour
en questionner les avantages et les inconvénients.
3. Les Contraintes de la Décentralisation en
Haïti.
La mise en place du cadre légal de fonctionnement des
collectivités territoriales a commencé, l'idée de
décentralisation fait son chemin mais se heurte à des
difficultés de divers ordres : politique, institutionnel,
socio-économique, entre autres.
Les difficultés politiques.-
Il est nécessaire de rappeler les compétences
partagées par l'Etat et les Collectivités territoriales en
matière d'éducation, de Justice, et de mise en place du Conseil
électoral permanent.
L'importance des enjeux que sous-tendent les
Collectivités territoriales entraine des rivalités implacables
entre les forces politiques qui évoluent sur le terrain. Vingt ans
après l'entrée en vigueur de la constitution, le CEP permanent
n'a pas encore pris fonction. Les luttes pour le contrôle, des Conseils
municipaux, des CASECS, des Conseils départementaux, des
Assemblées territoriales sont âpres et permanentes. Plusieurs
joutes électorales ont été organisées depuis 1987
sans que les organes des pouvoirs territoriaux aient été mis en
place, construits et renouvelés de manière
régulière.
Les problèmes relatifs à l'orientation des
Collectivités Territoriales sont à l'origine de retards dans les
décisions à prendre les concernant. Les critiques
soulevées autour de la lourdeur de la structure de
décentralisation ont donné lieu à des débats
confinés aux cercles d'experts, alors qu'une telle question devrait
être appropriée par toutes les composantes de la nation.
L'État influencé par la mondialisation s'est
désengagé vis-à-vis des besoins sociaux et fondamentaux
des populations au profit des intérêts privés.
L'État décentralisé va-t-il prendre la même
voie ?
Aujourd'hui, les élections indirectes n'ont pas eu
lieu, la formation d'un conseil électoral permanent est toujours dans
l'impasse. Des exigences de débattre de la réforme de
l'État, d'appliquer les modifications apportée à la
Constitution amendée, des malentendus entre les acteurs politiques
semblent stopper le processus électoral. Des considérations
portant sur le caractère souverain des élections, sur leur
financement par la communauté internationale ont
généré constamment des préoccupations sur le
contrôle des collectivités.
Les responsables politiques lancés dans la course
à la décentralisation deviennent agressifs à l'approche
des élections territoriales, plus soucieux de défendre un
clientélisme conservateur, d'impulser la construction des pouvoirs
locaux autonomes et assis sur des bases démocratiques. D'autres
obstacles continuent d'encombrer la route de la décentralisation.
Les Contraintes institutionnelles.-
L'organisation des Collectivités territoriales souffre
de deux déficits majeurs : tous les organes prévus ne sont
pas institués et les lois appelées à en régir le
fonctionnement ne sont pas encore prises. Il en résulte une image de
structure boiteuse, en situation de tâtonnement, cherchant à se
réaliser.
Le rapport des Collectivités à l'État est
difficultueux. Il se pose, d'entrée de jeu, la question de la
démarcation entre les autorités du pouvoir central (proches des
intérêts de l'État) et celles des Collectivités
territoriales (proches des intérêts des populations). L'exercice
de la tutelle opérée par le Ministère de
l'Intérieur et des Collectivités Territoriales s'accommode mal de
l'autonomie administrative et financière prescrite par la Constitution
et du rôle du Conseil interdépartemental auprès de
l'exécutif. Le Fonds de Gestion et de Développement des
Collectivités territoriales utilisé à la discrétion
du dit Ministère est un instrument de cette tutelle au lieu d'être
un outil de financement du développement local.
La gestion de certaines attributions communes à
l'Exécutif et aux Collectivités comme dans les cas des articles
87.1, 87.2, 87.3 de la constitution traitant du Conseil
interdépartemental ne va pas sans ambiguïté et
équivoque. De même, les Finances locales sont un champ non
exploité, non valorisé par la Direction Générale
des Impôts, ce qui bloque d'avance toute progression vers l'autonomie des
pouvoirs locaux. Une redéfinition des rapports et des
compétences des Collectivités avec les instances centrales, en
matière de fiscalité est impérative. La loi de 1996 sur
la Collectivité territoriale de section communale et les décrets
de 2005 adoptés sous le gouvernement Latortue représentent les
instruments qui régissent les collectivités.
La loi de 1996 n'adresse que très partiellement le
champ des Collectivités ; les décrets, pour leur part, sont
largement contestés. Le gouvernement légitime de 2006 a ouvert
les débats sur les décrets et sur l'orientation à donner
à la décentralisation. Au plan de l'application des normes, en
ce qui concerne les collectivités, notamment l'organisation des
élections indirectes, les provisions des décrets ont fait l'objet
d'analyses et de commentaires qui ont alimenté une controverse
provoquant l'arrêt du processus de construction de la
décentralisation.
D'autres problèmes liés au vide
créé par l'élimination des chefs de section et les
attributions des casecs ; aux découpages spatiaux et à
l'évincement des collectivités par d'anciens mécanismes
associatifs et participatifs(les mouvements communautaires) ; au refus de
la bureaucratie centrale d'abandonner pouvoirs et privilèges,
parachèvent un tableau de contraintes et de défis à
lever.
Les blocages socio-économiques.-
Ces difficultés ont rapport avec les coûts
onéreux de la décentralisation. Les investissements à
consentir pour préparer des ressources humaines qualifiées,
verser des salaires aux personnels des collectivités, financer des
programmes de renforcement institutionnel, réaliser des infrastructures,
fournir des services de base, sont lourds et peu disponibles. Les carences en
ressources administratives et financières dans les collectivités,
la concentration de richesses au sein de celles qui sont nanties, ne favorisent
point l'atténuation des disparités communales ou
régionales et ne plaident pas en faveur de la décentralisation.
D'autres considérations sont faites en relation avec ces blocages
socio-économiques.
La faiblesse des communes et des sections
rurales fragilise le processus de décentralisation par
l'absence des institutions étatiques notamment dans les sections
communales. L'État en favorisant le développement de
macrocéphalie comme Port-au-Prince et autres métropoles
provinciales entraine le rachitisme de nombre d'entités territoriales
frappées de carences multiformes. L'autonomie financière est le
nerf de la décentralisation. En dehors des communes de l'aire
métropolitaine de Port-au-Prince, les autres ne peuvent
générer des ressources propres, ni gérer efficacement leur
municipalité. La bonne gouvernabilité peine à s'imposer
dans des conditions où les grands principes de gestion (planification,
organisation, direction, contrôle) ne sont pas appliqués.
D'autres écueils sont relevés sur le chemin de
la décentralisation. Ils s'expriment aussi parla faiblesse des
organisations de la société civile.
Les organisations dites de la société civile
sont généralement accusées de s'articuler autour de la
défense des intérêts dominants garantis par
l'économie de marché et de ne s'ouvrir ni à la
concurrence, ni au respect de l'équité, ni au goût du
risque qui caractérise l'entrepreneurship (en témoignent
l'exploitation du consommateur sans défense, le règne de
l'évasion et de la fraude fiscales, l'étroitesse du marché
de l'emploi). Leurs démarches les a éloignées des
syndicats, des groupements paysans, des organisations populaires etc qui ont
occupé l'espace socio-politique durant les vingt dernières
années et qui étaient porteurs d'un discours et d'une action qui
jurent avec ceux de la société civile.
D'un autre côté, les organisations de base ont
perdu leur élan et certaines d'entre elles leurs convictions. Les
remous de la lutte les ont tantôt désorientées,
tantôt dévoyées. Les objectifs de construction d'un projet
démocratique donnant lieu à des interprétations diverses,
voire contradictoires, ont dispersé les rangs des forces sociales qui
ont eu raison de la dictature. Les partis politiques mal reçus par les
populations et non financés par l'Etat sont restés en
deçà d'une représentation politique susceptible de
garantir des liens entre la société et l'État.
La préparation d'une relève en matière de
cadres politiques, l'augmentation des capacités d'accueil des
Universités, la formation politique de la population, de nouvelles
pratiques des entrepreneurs potentiels et des forces associatives
contribueraient à asseoir les bases de la décentralisation et de
l'institutionnalisation de la démocratie participative.
L'État décentralisé, tel que prévu
par la Constitution de 1987 est dans l'impasse. Les Collectivités ne se
sont affirmées ni sur le plan politique, ni sur le plan financier, ni
sur le plan administratif.
Or, les populations et les acteurs locaux doivent
décider ensemble de l'avenir de leur commune. Pourtant, en Haïti,
la gouvernance urbaine est limitée par le pouvoir central. Des
réformes tant sur le plan administratif, institutionnel,
budgétaire que politique sont donc indispensables. D'ailleurs, de la
décentralisation et de l'absence de planification urbaine,
dépend, malgré tout, certaines pistes de solution.
5.3 Des pistes d'actions
susceptibles de solutionner les problèmes de coordination
5.3.1 Création de
commission pour consolider la planification urbaine stratégique
Toutes les villes de l'AMP connaissent un développement
anarchique et les acteurs locaux et nationaux n'arrivent pas à apporter
à temps les solutions nécessaires. Il est admis que les plans,
projets et programmes sont restés sans effets ou du moins ils sont
à caractère ponctuel. En 2011, le MPCE a entamé la
Planification stratégique de la région métropolitaine de
Port-au-Prince. Les résultats du processus participatif ont
été publiés dans la brochure titrée ''
Vil nouvlé a''.
Pour soutenir les objectifs de la planification
stratégique engagée et le processus participatif, la maitrise de
la croissance urbaine et le développement urbain non planifié
devront être cernés en vue d'apporter des solutions capables de
pallier les déséquilibres dont fait l'objet cette
agglomération.
Il faudrait une politique économique visant à
retenir les populations à leur lieu d'origine, une réglementation
des flux migratoires, notamment avec la mise en place des registres de
déplacements des populations. La création de commissions en
liaison avec les différents acteurs(les maires et techniciens des
communes, Représentants du secteur prive (formel/informel),
Représentants des communautés des quartiers populaires, les
représentants des professionnels de l'urbanisme et du secteur
académique, les représentants de la société civile
(personnalités compétentes / associations d'usagers ou de
consommateurs)16(*),
devrait favoriser la mise en oeuvre de la planification urbaine
stratégique.Il est capital que ces commissions développent des
connaissances en gestions, afin de mettre leur empreinte dans la
définition de politiques locales. Ainsi, il sera possible que les
réseaux et associations connectés puissent influencer les
décisions des gouvernements locaux et nationaux dans les actions en vue
d'une réorientation des flux interdépartementaux.
5.3.2 Réorientation des
flux interdépartementaux hors de l'AMP avec l'appui des institutions de
contrôle des migrations
En Haïti, la mobilité de la population n'est pas
contrôlée quoique la législation en donne les
prérogatives. Les études montrent une reconfiguration
géographique de l'AMP qui exhibe le visage hideux de la
macrocéphalie de cette agglomération. Les flux migratoires vers
cette Aire demeurent significatifs du fait de la stagnation de
l'économie nationale. L'afflux des migrants évolue en fonction de
la paupérisation de la population, des crises politiques et du manque
d'équipement et d'infrastructures dans les autres départements.
La gestion des migrations ne fait pas l'objet d'interférence et de
compétition des institutions de l'État chargé de
contrôler les migrations. L'effort d'élaboration de politique
migratoire reste toujours au stade de projet. Les interventions des
autorités municipales et des bailleurs en vue de stopper les
méfaits de l'urbanisation anarchique ou d'intégrer les migrants
n'apportent pas les résultats escomptés.
Les migrations vers l'AMP sont surtout motivées par les
disparités socio-économiques induites par la centralisation. Les
flux d'entrants ne font qu'augmenter, et il n'y a pas eu de changement majeur
dans la situation socio-économique du pays. Toutefois, une
réorientation des flux - interdépartementaux devrait
refléter les choix des autorités et des acteurs urbains de l'AMP
qui devrait entretenir une gestion appropriée.
5.3.3 Entretenir une gestion
appropriée par de nouvelles initiatives
Cette gestion appropriée doit être
utilisée ici au sens d'actions conçues pour modifier les
tendances des migrations actuelles en vue d'atteindre des objectifs nationaux
et dans l'optique d'une planification stratégique urbaine. Notons que ce
n'est pas l'afflux des migrants en tant que tel qui génère des
dysfonctionnements mais la non intégration des migrants et les espaces
qui ne sont pas aménagés.
5.3.3.1 Intégration des
migrants et aménagement rationnel des espaces
L'attraction du reste du pays vers l'AMP ne date pas
d'aujourd'hui. En effet, les vagues successives de migrants ont
contribué à une croissance vertigineuse de la population de cette
aire et a posé aussi des problèmes socio-économiques et
de gestion de l'espace.
Cet afflux des migrants expose la jeunesse de la population
haïtienne désireuse de travailler et capable de mettre en oeuvre
diverses stratégies de survie. Cependant le rythme de cette immigration
dépasse largement la capacité d'accueil de l'AMP. Cette
agglomération ne s'est pas structurée, ne s'est pas
s'adaptée à cette réalité et il en est
résulté des dysfonctionnements qui se sont traduits par une
désorganisation de l'espace urbain.
Compte tenu de cet état de fait il est indispensable
d'initier une politique d'action capable de faciliter l'accueil et
l'intégration des migrants. En conséquence, il s'agira de
créer des comités dans le domaine de l'immigration dans les
Municipalités, de prôner une approche participative, d'utiliser
les potentiels de la ville pour créer des emplois. Tout ceci ne peut
être réalisé sans un aménagement rationnel de
l'espace qui tiendra compte :
a. De l'extension des villes de l'AMP et l'émergence de
quartiers précaires due à l'évolution démographique
et économique de notre pays notamment des conséquences du
tremblement de terre du 12 janvier 2010 ;
b. Des prévisions qui estiment que la population de
l'AMP se modifie et se recompose et elle se retrouve au niveau
supérieur de la hiérarchie en absorbant plus de deux tiers
(68,7%) de la population urbaine des villes chefs lieux de départements
alors que la population urbaine haïtienne devrait passer de 39,0%
à 51,9% du total de l'ensemble du pays en 2012 ;
c. Des problèmes fonciers d'aujourd'hui et la
difficulté majeure de non exécution des opérations
cadastrales depuis plus de vingt cinq ans.
d. De l'incapacité des plans d'urbanisme
ordonnés et des règlementsqui constituent une condition
préalable à tous les projets d'aménagement du territoire,
de rénovation, d'extension urbaine.
e. De la mise en place d'une stratégie de
développement des villes pour réduire la pauvreté
Pour ces raisons, dans l'avenir, les acteurs locaux et
nationaux devront entreprendre de nouvelles actions capables de maitriser les
flux migratoires et en même temps introduire des normes en vue de
favoriser l'égalité des chances des collectivités dans la
gestion de leur territoire.
5.3.3.2 Stimuler
l'égalité des chances des Collectivités dans la gestion de
leur territoire
Il importe d'abord de tenter une définition de la
notion d'égalité des chances des Collectivités dans la
gestion de leur territoire. Cette égalité des chances s'entend
d'un ensemble de mesures à prendre, de moyens à mettre en oeuvre
au niveau de chaque collectivité pour un fonctionnement minimal et pour
la réduction des disparités communales.
Cette égalité commande qu'il n'y ait plus de
centres qui montrent le sous-développement des périphéries
mais un projet national autour duquel s'articulent le pouvoir central et les
pouvoirs locaux.
Cette égalité des chances se définit
comme l'aménagement de voies d'accès aux ressources dans les
mêmes conditions et sous l'égide de la loi, une pour tous
réduisant les inégalités entre sections, entre communes et
entre départements.
Cette égalité des chances participe d'une
politique d'aménagement du territoire permettant aux communes de
bénéficier des infrastructures nécessaires à leur
intégration et à leur développement.
Cette égalité des chances se traduit dans la
possibilité pour les Collectivités d'obtenir de l'Administration
centrale tous moyens et outils appropriés pouvant favoriser leurs
efforts de planification, d'organisation, de direction et de contrôle de
leur territoire dans des conditions locales optimales.
L'approche que nous voudrions privilégier est celle de
la participation des citoyens aux décisions politiques. Il s'agit
d'aider à mobiliser les populations des Collectivités aux fins
de développer une capacité de négociation, d'orientation
et de décision concernant les affaires propres : l'organisation des
services municipaux, les investissements, les travaux d'infrastructures etc.
Elle comprend deux phases :
1. La promotion de la décentralisation par
l'État ;
2. La demande d'autonomie des Collectivités
territoriales ;
5.3.3.2.1 La promotion de la
décentralisation par l'État
La promotion de la décentralisation par l'État
s'inscrit dans une perspective de valorisation de la dimension locale, lieu
d'intervention des acteurs sociaux de la base et de lutte plus efficace contre
le chômage, la pauvreté, l'analphabétisme etc.
L'État susceptible d'impulser la
décentralisation doit être un État responsable doté
de la fonction de régulation de l'économie.
Il devra :
1. Gérer des transferts réels de
responsabilités dans le domaine fiscal de sorte que les
Collectivités puissent avoir une fiscalité propre ;
2. Généraliser la fourniture des services de
base aux populations par la mobilisation de moyens sûrs ;
3. Organiser des redistributions du revenu global à
l'échelle du pays, à l'échelle des départements
pour garantir la solidarité sociale ;
4. Entreprendre des travaux d'infrastructures sur tout le
territoire national pour équiper les collectivités de routes et
d'électricité ;
5. Préparer un bassin de ressources humaines pour
toutes les collectivités ;
6. Favoriser au niveau local, la lutte contre la corruption,
la contrebande, l'évasion et la fraude fiscales, la drogue et
l'impunité ;
7. Organiser le système des péréquations
au niveau des transferts de l'État aux Collectivités ;
8. Réguler l'économie en contrôlant les
marges de profits des commerçants et industriels ;
9. Assurer la sécurité et la Justice dans le
giron de toutes les collectivités ;
Ces conditions essentielles sont couplées au second
volet de l'approche : La demande d'autonomie des Collectivités
territoriales.
5.3.3.2.2 La demande
d'autonomie
La demande d'autonomie des Collectivités territoriales
est une revendication de participation aux décisions politiques, de
redistribution des biens et services produits globalement dans le pays, de
réalisation du développement local. Elle prend souvent la forme
d'un projet populaire soutenu par les organisations de base et les organismes
locaux de développement.
Cette demande est motivée et rendue pressante à
cause du rachitisme des provinces, de la concentration des services à
Port-au-Prince, de la posture d'exécutants des autorités
départementales et locales, de la prise de conscience de l'injustice qui
lézarde les rapports que le pouvoir central entretient avec les grandes
villes aux détriments des autres communes et sections du pays.
Les organisations existantes dans le milieu, les
collectivités et les Organismes Non-Gouvernementaux constituent la force
de pression qui porte le rêve d'autonomie qui peut selon le cas se
traduire par l'atteinte de quelques objectifs visés, pas toujours
quantifiables.
Le développement pose la question de l'autonomie
locale. Mais l'on remarque que plus les Collectivités locales ne sont
autonomes, en matière de fiscalité et de prestation de services,
plus les risques d'inégalités se précisent. Plusieurs
courants se dessinent, arc-boutés à un partage de fonctions entre
l'État et les Collectivités. Les services redistributifs
à l'État (la santé, l'éducation...) et les services
territoriaux aux Collectivités telles les fonctions liées
à la gestion, les transports, l'assainissement. Des conflits, des
tensions ont surgi pour savoir qui de l'État ou de la
collectivité, doit assumer tel service et comment les moyens financiers
d'exécution sont transférés et à quelles
conditions ?
La demande d'autonomie conduit directement à
l'auto-gestion et dans le cas d'Haïti à la co-gestion. L'Etat et
les collectivités ont des compétences communes dont l'exercice
conjoint devrait déboucher sur la satisfaction des besoins fondamentaux
de toute la population.
Il est tout à fait possible qu'en cas d'une demande
d'autonomie plus directe, on pourra adresser une réduction des
disparités communales.
5.3.3.3 Réduction des
disparités des communes
L'organisation du territoire haïtien s'est faite
historiquement autour des lieux de production de richesses, des lieux de
résistance, des lieux d'échanges et des lieux de force. Des
communes se sont constituées suivant les mouvements de populations, la
circulation des biens et services, la diffusion des idées et des
informations, la défense du territoire.
Ces disparités viennent de la taille de la population
et des potentialités de la commune en ressources humaines capables
d'innover et de gérer le développement local. Elles s'expliquent
par l'étendue et la localisation des agglomérations. Les villes
côtières, intérieures ou en hauteur n'ont jamais eu les
mêmes fonctions au cours de l'évolution du pays et les rôles
qui leur ont été assignés, ont déterminé
leur configuration socio-économique.
Les potentialités économiques naturelles et
touristiques telles les ressources minières, les complexes
industriels ; les terres cultivables, les ressources en eau, les
infrastructures, les monuments, les forts, les parcs nationaux dont sont
dotées certaines communes les ont rendues autonomes tandis que celles
victimes de l'exode, dépourvues d'infrastructures et peu
urbanisées ont vu se creuser la distance avec ce groupe plus
favorisé. L'organisation du transport en commun et la mise en place
d'institutions stables et équilibrées donnent le niveau de
fonctionnement des villes qui jure avec celui des milieux ruraux où
l'Etat et ses structures sont le plus souvent absents.
La délimitation des communes par la loi, leur fonction
de chef-lieu de département, d'arrondissement, de centre politique et
administratif ou de centre industriel et agricole ou de centre universitaire et
culturel créent entre elles des différences notoires.
Les communes qui ne sont pas favorisées par leur
géographie, qui ne sont pas aménagées, qui sont
marquées par une tradition de tensions et de turbulences, qui n'ont pas
bénéficié des courants de progrès, trainent les pas
et accusent des retards considérables par rapport à d'autres
mieux pourvues.
Les disparités communales se dessinent aussi à
partir du leadership qui mobilise une communauté ; un maire ou un
entrepreneur doué de compétences et d'initiative peut provoquer
un dynamisme local porteur d'un avenir différent de celui d'une commune
avoisinante.
L'inventaire des ressources des communes, leur
géographie, leurs infrastructures, leur niveau d'urbanisation, leurs
centres d'enseignement, leur organisation administrative, entre autres, sont
à la base des disparités...
Dans l'avenir, nous pourrions donc nous attendre à des
flux migratoires vers l'AMP et en même temps à des
stratégies initiés par tous les acteurs urbains, locaux,
nationaux ou internationaux.
Faut-il rappeler enfin que la mise en oeuvre de la
planification stratégique urbaine facilitera :
D'abord la restructuration du tissu urbain et la
révision et l'ajustement des politiques, programmes, projets et plans
réfléchis ;
Ensuite la nature de la croissance urbaine qui permettra de
contrôler les flux migratoires internes à savoir s'il ya une taille urbaine optimale pour l'AMP.
CONCLUSION
L'analyse du pouvoir d'attraction de l'AMP sur le
département de l'Ouest et même sur l'ensemble du pays part du
principe de la croissance vertigineuse, des méfaits de l'urbanisation
anarchique et surtout de la macrocéphalie de cette
agglomération.
L'accent est surtout mis sur la concentration de la
population, de pouvoir, de service, et de la capacité d'accueil de cette
aire. En effet, la croissance urbaine est accompagnée de
déséquilibres auxquels des institutions étatiques ou
privées, acteurs locaux ou nationaux, organisations non gouvernementales
(ONGs) / Agence ou bailleurs de fond, Société civile ou notables
n'arrivent pas à apporter à temps des réponses
satisfaisantes. Certains vont jusqu'à dire que c'est une
agglomération absente de planification urbaine, ce qui revient à
dire que ce qui concerne la réorientation du futur urbain (plans,
programmes, projet, plan d''urbanisme, schémas directeur, projets de
logements sociaux etc....) est devenu de moins en moins efficace face à
cette anarchie de l'AMP. Mais cette dernière persiste puisque l'afflux
des migrants vers le département de l'Ouest semble être insoluble
car l'hypothèse implicite est la paupérisation de la population,
la centralisation, les disparités communales etc... Si nous avons
relaté les dysfonctionnements dans l'AMP, le développement du
secteur informel, les contraintes à la décentralisation, les
disparités communales et les privilèges de l'AMP, la difficile
application des plans programmes et projets de réorientation urbaine,
c'est pour affirmer que les actions déjà entreprises sont
toujours limitées.
L'hypothèse que nous tentons d'explorer est celle d'une
relance de la réorientation des flux migratoires. Sur la base d'une
stratégie urbaine assortie de stratégies globales. A partir des
caractéristiques de l'AMP, de l'analyse du phénomène
migratoire haïtien notamment dans le département de l'Ouest et
l'AMP, de la réalité socio-économique et politique du
pays, deux scenarios paraissaient plausibles dans le cadre de
l'hypothèse de départ retenue.
Des actions incitant la gestion de l'AMP seraient dans la
logique du procès de la prise des décisions participatives
impliquant tous les acteurs. Ces décisions devraient conduire à
des stratégies capables de produire des politiques qui pourraient
répondre aux préoccupations des milieux d'origine des migrants et
de l'agglomération la plus attractive du pays. La mise en oeuvre de ces
stratégies comme issues de l'évolution spatiale anarchique
devrait être conçue synergiquement avec l'apport de toutes les
institutionsdu pays impliquées.
Comme des Collectivités font face à un certain
nombre de contraintes qui risquent de bloquer la relance de la gestion de
l'AMP, à terme les flux migratoires seront réorientées,
étant donnée une planification stratégique urbaine. Ainsi,
les efforts devraient être entrepris en vue :
- De favoriser une décentralisation effective en
trouvant des issues aux difficultés politique, institutionnelle et
socio-économique ;
- D'apporter des solutions aux problèmes de
coordination :
o En créant une commission pour consolider la
planification stratégique urbaine ;
o En s'appuyant sur les institutions de contrôle des
migrations et les acteurs urbains ;
- De réduire les disparités communales ;
- De réorienter les flux interdépartementaux
o En prenant des initiatives nouvelles telles que:
§ Intégration des migrants et aménagement
rationnel de l'espace ;
§ Stimuler l'égalité des chances des
collectivités dans la gestion de leur territoire en faisant la promotion
de la décentralisation et recevoir la demande d'autonomie ;
§ De créer des Métropoles
d'équilibre au niveau des chefs-lieux de département pour freiner
les flux migratoires vers l'AMP.
Mais dans la mesure où ces efforts et pistes de
solution peuvent être partiellement adoptés une émigration
en sens inverse pourrait accompagner la planification de l'AMP. Toutefois si
ces propositions sont prises en compte alors nous pourrions voir affluer dans
d'autres départements ou agglomération des flux migratoires
convergents, provenant à la fois du département de l'Ouest et des
autres départements.
Tout compte fait, ce travail est une analyse prospective en
vue de la relance de la gestion de l'AMP de Port-au-Prince par la
réorientation des flux migratoires. Il ne consiste pas à
prédire l'avenir mais ouvre la porte en matière d'organisation de
la mobilité en Haïti. Il nous interroge, en tant que responsables
du monde de la planification, des transports, mais aussi en tant que citoyens,
sur des choix de société qui vont devoir être faits, en
fonction des contraintes (environnementales, techniques, sociales,
économiques, politiques...) qui s'imposeront à nous.
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Division d'analyse et de recherches démographiques. 79 pages
13. Goulet Jean. 2006. L'organisation des services
urbains : réseaux et Stratégie dans les bidonvilles de
Port-au-Prince. Page 311
* 1 Dans mon travail, je retiens
la définition de l'AMP adoptée par l'IHSI. Selon cette
institution l'AMP est composée de six villes: Port-au-Prince, Delmas,
Carrefour, Pétion -Ville, Tabarre, Cité - Soleil
* 2 Smith H. Herbert. 1993.
Urbanisme, le guide du citoyen. South Michigan, Edition nouveaux
horizons, page 6.
* 3www.
Haiti-référence.com/géographie/ville/pap.html
* 4 Holly, Gérald.
1999. Les problèmes environnementaux de la région
métropolitaine de port - au - Prince. Collection 250ème
anniversaire de Port- au -au Prince. Port - au - Prince, page 18 et
19
* 5RGPL:
Recensement Général de la Population et du Logement jusqu'en 1982
et en 2003 on a eu le RGPH : Recensement Général
de la population et de l'habitat.
* 6 Les populations de
Cité - Soleil et de Tabarre sont incluses dans Delmas et
Port-au-Prince
* 7 Ministère de
l'économie et des Finances et IHSI. Bureau du recensement et Centre
latino-américain de démographie CELADE/CEPAL. 2008.
Estimations et projections de la population totale, urbaine, rurale et
économiquement active. Port-au-Prince. pp 17-18
* 8
www.ucs.inrs.ca/cours/ledent/eur8224
* 9N.BEn
1950, 1971 et 1982, l'AMP était composée de deux villes :
Port-au-Prince et de Pétion - Ville; en 1982 elle était
composée de quatre villes mais les résultats publiés ne
concernaient que deux villes (Port-au-Prince et Pétion -ville); en
2003, deux autre villes ont été créées par
décret cependant les résultats publiés ne concernaient
que quatre villes (Port-au-Prince, Pétion -ville, Delmas, Carrefour)
donc les données concernant Cité -Soleil et Tabarre
n'étaient pas encore disponibles.
* 10 Dimension :
catégorie de migration
* 11 IHSI. Février
2009.Tendances et perspectives de la population d'Haïti au niveau des
départements et communes 2000-2015. Page 13
* 12 Goulet Jean. 2006.
L'organisation des services urbains : réseaux et Stratégie
dans les bidonvilles de Port-au-Prince. Page 311
* 13 IHSI. Juillet 2010.
Enquête sur l'emploi et l'économie informelle. Page 85
* 14Ibid p 94
* 15Décentralisation
Enjeux et Défis p 65.
* 16MPCE. Brochure ville nouvle
a, Planification stratégique de la région métropolitaine
de Port-au-Prince. Les résultats du processus participatif. page 47
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