Presse congolaise et son financement( Télécharger le fichier original )par PASSI BIBENE Senghor dà¢â‚¬â„¢Alexandrie - Master 2013 |
Les patrons de presseDans la plupart des cas, les organes de presse congolais sont nés d'une ambition personnelle d'un individu ou groupe d'individus. Sur l'échantillon qui est le nôtre, trois titres (Le Patriote, l'Observateur, Boponami) ont pour promoteur des journalistes. À la lumière de l'enquête sur le Profil culturel national de la République du Congo, on remarque à titre d'exemple que sur 24 entreprises de la presse écrite citées, 11 ont pour statut juridique celui d'une « entreprise individuelle » 93(*) et deux (2) appartiennent à des confessions religieuses tandis que le reste des organes de presse n'ont pas indiqué leur statut. Ce qui veut dire, en théorie, que les journalistes sont les principaux promoteurs des organes de presse, suivis des confessions religieuses puis des associations dont la représentativité demeure marginale. Cependant, l'index de viabilité des médias 2006-2007 est catégorique à ce sujet : « Au Congo-Brazzaville, les radios, télévisions et journaux [...], pour la plupart, appartiennent à des politiciens membres du parti au pouvoir »94(*). De manière générale, l'observation de l'espace médiatique congolais présente trois catégories d'employeurs. La première catégorie est composée des patrons qui ne versent presque jamais de salaire à leurs employés. Le plus souvent, les journalistes arrivent dans ces entreprises médiatiques en qualité de stagiaire. Après plusieurs mois de prestation, le stagiaire est autorisé à prolonger indéfiniment son « stage ». Pour ce qui est de la contrepartie financière, les futurs professionnels des médias sont simplement avertis de ce que « l'entreprise ne dispose pas de moyens financiers suffisants pour leur réserver un traitement salarial ». Au regard de la pratique dans les entreprises médiatiques, cette absence de contrat écrit permet aux patrons de médias d'échapper aux poursuites judiciaires pour motif d'exploitation. En clair, les journalistes ont d'autres sources de revenu. Face à ce genre de patron, ils comptent souvent sur « la camorra »95(*)ou les « reportages juteux » au détriment de la couverture médiatique d'événements jugés « non rentables ». La deuxième catégorie est celle des patrons qui, au début du contrat, s'engagent à garantir une rémunération à leurs agents. Malheureusement, avec une gestion approximative, la fragilité du modèle économique appliqué et les difficultés consécutives à la situation économique générale du pays, ces patrons volontaristes adoptent un régime très irrégulier. Ici, les arriérés de salaires sont presque érigés en norme de sorte que dans une année, percevoir 6 mois de salaires sur 12 relèves d'un exploit. Ces deux premières catégories d'employeurs des journalistes sont celles qui prédominent largement dans le paysage médiatique congolais. La troisième catégorie qui pourvoit normalement aux salaires des journalistes est faiblement représentative et ne concernerait que deux à trois entreprises médiatiques. Si la régularité des salaires est à ce niveau un constat indéniable, il faut noter que le salaire proposé est souvent bas, des fois moins du SMIG. Par ailleurs, l'absence de prise en charge en cas de maladie et de garantie de Sécurité sociale demeure des faiblesses qui concourent à la précarisation du journaliste au Congo. Tout compte fait, les conditions économiques de travail des journalistes congolais sont très difficiles. La plupart d'entre eux ne signent pas de contrat de travail avec leurs employeurs. Le recrutement se fait par accord tacite. Ainsi, les propriétaires des médias exploitent-ils ce vide juridique pour se livrer à toutes sortes d'abus et de libertinage qui n'ont d'égal que l'organisation de leurs différentes structures. * 93 Profil culturel national de la République du Congo; document Programme d'identification des industries culturelles, OIF, Paris, SD; P.53-61 * 94 Index de viabilité des médias 2006-2007, www.irex.org/system/files/MSI07-Congo-FR-2.pd * 95 La « camorra » c'est la pratique du per diem qui gangrène la presse congolaise. Les journalistes n'étant pas payés pour la plupart, ils vivent des per diems que paient les organisateurs de manifestations. Ce per diem varie entre Cinq mille (5 000) francs CFA et Dix mille (10 000) Francs CFA, d'où une chasse aux per diems à laquelle se livrent des journalistes. |
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