Presse congolaise et son financement( Télécharger le fichier original )par PASSI BIBENE Senghor dà¢â‚¬â„¢Alexandrie - Master 2013 |
La publicité : un marché marginalLe marché de la publicité en République du Congo se développe dans une absence de règles éthiques et de codes de conduite régissant le secteur de la publicité. Concrètement, le manque d'encadrement du secteur est illustré par l'inexistence d'une législation, de textes réglementaires aussi bien pour ce qui est de la publicité commerciale que politique. « En 1988, l'ensemble des entreprises commerciales du pays a déclaré un volume de publicité équivalent à près de 3 milliards de F CFA. Pourtant, jamais, ni Publi-Congo ni Afrimédia, qui ont, tour à tour, exercé le monopole en ce domaine, n'ont avancé de chiffre avoisinant 3 milliards47(*) ». Actuellement, avec la disparition de ces agences de publicité, il est difficile de cerner le marché de la publicité au Congo, même si André-Jean Tudesq notait en 1995 que « les ressources publicitaires ont facilité la gestion de la Semaine africaine48(*)». La réalité a peut-être changé actuellement, mais n'empêche que cela constitue un exemple de réussite. À titre d'exemple, plus d'un périodique brazzavillois avait bénéficié d'un contrat publicitaire venant de l'Agence de régulation des postes et communications électroniques (ARPCE) de six (6) mois en 2011 sur une page (dernière de couverture) à raison de 1.000.000 F CFA (1 525 €) par mois. Ces genres de contrats sont rares, certes, mais pas introuvables. Ils attestent de l'existence d'un fort potentiel de rentrées du marché publicitaire. Ce potentiel est évident si l'on considère que « chaque mois, DVS + encaisse six (6) millions de Fcfa (reportages, dossiers, spots publicitaires, communiqués et autres entrées en espèces) et que sa masse salariale est de trois (3) millions de Fcfa ; tandis que les contrats avec les annonceurs rapportent aussi des sommes énormes à l'entreprise : la boisson énergisante Rox (12 millions de Fcfa/année), les opérateurs de téléphonie mobile MTN (1,4 million de Fcfa/mois) et Warid (1,5 million de Fcfa/mois)49(*)». Dans une enquête sur les politiques culturelles des pays d'Afrique centrale, l'Organisation internationale de la Francophonie, en estimant à « 50,1 millions de francs CFA » le chiffre d'affaires de la filière de la presse et des médias, confirme presque ce potentiel. Toutefois, l'enquête recommande que les données concernant le chiffre d'affaires du secteur soient prises avec beaucoup plus de précaution à cause d'un taux de réponses de 3 % (tandis que pour l'ensemble du secteur, l'enquête a permis d'identifier 71 structures dont 25 journaux, 11 chaînes de télévision et 23 stations de radio50(*)). Cependant, il ne fait pas de doute que les rentrées liées à la publicité demeurent difficiles à déterminer avec précision en raison de ce que les transactions importantes dans le domaine se réalisent dans le secret, voire l'opacité. À défaut des contrats publicitaires alléchants, les organes de presse se contentent des petites annonces, certes ponctuelles, et des publireportages non négligeables, plus ou moins réguliers et bien plus nombreux que les encarts publicitaires. On sait par exemple que dans plus d'une rédaction, officiellement le prix d'une page entière (peu importe généralement l'emplacement) est fixé à 200.000 F CFA (305 €). Pour ce prix négociable qui varie d'un organe à un autre en fonction des clients, trois quarts des bénéfices seulement reviennent dans la "caisse" de l'entreprise de presse qui, parfois et même souvent, cède 25 à 30 % de la recette pour commission afin d'entretenir le réseau. Pour indication, en moyenne par parution, le quotidien les Dépêches de Brazzaville (16 pages) a 9 publicités contre 19 pour le bihebdomadaire la Semaine africaine (20-24 page). La Semaine africaine consacre pour sa part au moins une dizaine de pages à la publicité, tandis que nous dénombrons au moins six (6) pages dédiées à la publicité pour le quotidien brazzavillois. Le tableau ci-dessous donne plus de détails à ce sujet. Publicités parues dans deux titres brazzavillois Sur neuf (9) parutions, le nombre de publicités (communiqués, encarts publicitaires, offres d'emploi, publi-info/reportage, appels d'offres...) pour ces deux titres se présente comme suit : La comparaison entre ces deux titres mérite d'être faite d'autant plus qu'aucun autre périodique au Congo ne parvient à mobiliser autant d'annonces : la moyenne pour Talassa, par exemple, est de cinq publicités par parution. Une moyenne qui reste inférieure à cinq publicités pour bien d'autres titres tels que Le Patriote, Nouvelle vision ou Maintenant et Boponami qui, comme Talassa, espèrent bâtir un modèle économique se fondant plus sur les recettes de ventes au numéro. Par ailleurs, lorsque nous observons le système de tarification de chaque entreprise de presse, force est de remarquer que chaque entreprise médiatique facture ses produits selon des critères propres. Les données sur les grilles tarifaires des quelques médias suivants regroupées dans un tableau nous édifient un peu plus. Quatre (4) organes de presse ont retenu notre attention à savoir : Les dépêches de Brazzaville dont le prix de vente est passé de 100 à 200FCFA en novembre 2013, La semaine Africaine, journal de référence pour son ancienneté, vendu à 350 FCFA, Talassa en raison de ses parutions quasi régulières et TerrAfrica (une qualité appréciable), sans oublier Radio Magnificat classée parmi les médias en situation régulière. Ces deux derniers périodiques sont chacun vendus à 500 FCFA. Grille tarifaire de Radio Magnificat
Tableaux comparatifs des grilles tarifaires appliquées dans quelques entreprises de presse en matière de publicité Les Dépêches de Brazzaville
Les frais techniques : 15.000 FCFA La Semaine Africaine
Talassa
TerrAfrica Tarifs HT (TVA 18 % + CCA 5 % au Congo et 19 % en France) A cause de la part minime du marché publicitaire qui revient aux médias, certaines entreprises médiatiques essaient de compenser ce manque à gagner en réduisant considérablement le prix d'une page publicitaire ou d'une minute pour la diffusion d'un spot dans l'espoir de gagner davantage de publicités. Dans ce contexte, les acteurs de la presse n'hésitent pas à faire appel aux relations personnelles, facteur déterminant pour décrocher un contrat publicitaire. Par exemple, pour obtenir une annonce provenant d'une institution gouvernementale ou ministérielle, l'observation participante nous a permis de voir que les acteurs de la presse se disent « obligés » de rétrocéder 20 à 30 % du prix d'une annonce à titre de commission. C'est souvent le cas pour les appels d'offres provenant de la Délégation Générale aux Grands Travaux (DGGT) ou les sociétés de téléphonie mobile. Le manque de données susceptibles de nous renseigner en toute fiabilité sur les recettes publicitaires des médias, l'inexistence d'une régie publicitaire pouvant assurer l'attribution des annonces publicitaires aux organes de presse et l'opacité dans laquelle travaillent les entreprises médiatiques, ne permet pas de se faire une idée sur les recettes publicitaires récentes, ni d'accéder aux cahiers comptables des organes de la presse congolaise. Ce qui explique pourquoi ce secteur reste considéré comme marginal ou réduit ; le secteur privé (à travers l'absence de compétition et la faiblesse de la consommation) l'étant encore plus. Du coup, les institutions gouvernementales gardent une influence sur les médias. Cependant, quelques fois, par crainte d'être associés à des médias présentés comme proches de l'opposition, certains annonceurs osent préalablement s'informer ou tenir compte de la ligne éditoriale de certaines entreprises de presse vis-à-vis des pouvoirs publics51(*). Ainsi, le fait que les entreprises de presse n'indiquent pas le montant de leurs recettes publicitaires implique soit l'intention délibérée de ne pas communiquer sur le secret des affaires, soit un déficit organisationnel ou les deux en même temps. * 47 JC Gakosso, Opcit ; P.54 * 48 André-Jean Tudesq, Feuilles d'Afrique : une étude de la presse de l'Afrique subsaharienne, MSHA, 1995, P.91 * 49 Hebdomadaire congolais, L'Observateur n°520, P.6 * 50 Profil culturel des pays du sud membres de la Francophonie ; Un aperçu de trois pays de la CEMAC : Cameroun, Congo-Brazzaville, Gabon ; OIF, Paris, 2012, P.48 * 51 Entretien avec Marien Nzihou MASSALA, Brazzaville le 18 août 2012 |
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