Presse congolaise et son financement
présenté par
PASSI BIBENE
pour l'obtention du Master en Développement de
l'Université Senghor
Département Culture
Spécialité Communication &
Médias
Le 18 avril 2013
Devant le jury composé de :
Sous la direction de
|
M. Jean Félix MAKOSSO, Maitre-assistant - Cames
Université Marien Ngouabi (Brazzaville-Congo)
|
M. Jean-François FAU
|
Président
|
Directeur du Département Culture Université
Senghor d'Alexandrie
|
Mme Gihane ZAKI
|
Examinateur
|
Professeur d'Egyptologie à l'Université
d'Hélwan,
Directeur de l'Académie d'Egypte à Rome
|
M. Bernard SCHOEFFERT
|
Examinateur
|
Chef de service de Coopération à
Radio France International
|
Epigraphe
«Créer et animer une publication n'est pas un jeu
de société ni une occupation de préretraité, mais
un véritable travail qui exige la maîtrise de certaines
techniques, de la rigueur, des compétences et des moyens»1(*)
«
I
Ne soyez ni griots serviles, ni détracteurs
stériles»2(*)
Remerciements
À tous ceux qui, de loin ou de près, m'ont
soutenu, directement ou indirectement, dans le cadre de cette formation et la
réalisation du présent mémoire, que chacun d'entre vous
trouve ici l'expression de ma profonde gratitude. Ne pouvant tous vous citer
nommément, tellement vous êtes nombreux, je me limiterai à
citer quelques noms, non sans vous dire qu'il y a plus de place pour vous tous
dans mon coeur qu'à travers les quelques lignes de cette monographie.
Mes remerciements tout d'abord au Dr Jean Félix
MAKOSSO, Maître - assistant à l'Université Marien Ngouabi,
qui a bien voulu superviser ce travail.
Je pense à mes frères Idibouhou Mercia, Makita
et Moukimou BIBENE ; à mes soeurs Moupégnou, Niongo et Limatsa
BIBENE ; à mes oncles et tantes paternels et/ou maternels ;
- À tous nos condisciples de la XIIIe promotion pour
une élévation spirituelle dans le sens des débats, de la
solidarité et la discipline observées pendant ce parcours ;
- Je ne saurais oublier mes collègues du "Groupe
Talassa" et particulièrement M. Ghys Fortune DOMBE BEMBA à qui je
reste redevable pour des incessants encouragements ;
- Une pensée particulièrement affectueuse
à Badia Malonda Dolores Princia ; à Arthur BAMASSOUMA, Mampassi
Chabrol, Berthil Nzomambou, Diakoundila Ede Chevry, Guichard Boungou, Bakoutana
Davy, Stany Okounza, Biankola-Biankola Marceleau, Massaro...
- Nous manquerons à notre devoir si nous n'adressons
pas un vibrant hommage au Pr Ludovic Miyouna et surtout à Monsieur Jean
François Fau, directeur du département Culture, aux membres du
jury pour le temps consacré à l'examen du présent
travail.
Dédicaces
A mon père, M. BIBENE MAKITA Jacques
et
ma mère Mme BIBENE née MASSALA
Simone
Résumé
Les médias congolais dont
l'histoire remonte aux années 1950 sont des médias singuliers
parce que depuis leurs origines, ils ont été et, sans doute
restent un instrument de propagande politique et religieuse ou simplement des
supports de relations publiques. Rattachés directement aux partis
politiques avant l'indépendance, les organes de presse,
créés et placés sous le contrôle des
différents régimes de l'époque, ont
bénéficié des financements publics (ou du parti-Etat) pour
réaliser des tirages dépassant 10 000 exemplaires pour un
quotidien. Une aventure dont l'unique exemple de succès est aujourd'hui
le quotidien les Dépêches de Brazzaville, fortement financé
par le régime en place. Ainsi peut-on dire, à cause de la
nationalisation des entreprises et d'une administration directe traduite par le
monopole de l'information exercé par l'État, l'initiative
privée, dans le secteur de la presse particulièrement, va
être longtemps étouffée. Seul le bihebdomadaire catholique
du père De Gall (la Semaine africaine), bénéficiant d'une
sorte d'immunité religieuse, sera épargné. Pour les
médias congolais des années 1960 à 1990, tout
dépendait de l'État : les rédactions, la ligne
éditoriale (marxiste ou révolutionnaire
généralement) ou les charges qui étaient
entièrement supportées par le trésor public. Les organes
d'information pouvaient ainsi se contenter de produire des idées et des
comptes rendus aux goûts des dirigeants, sans jamais se soucier des
bénéfices ou des pertes. Aujourd'hui, c'est tout le contraire.
Suite à la dévaluation du franc CFA survenue en 1994, à la
libre entreprise, mais aussi à l'ouverture politique, le
désengagement de l'État oblige les médias congolais
à concilier dépenses et bénéfices pour produire
l'information, parce que la presse doit cesser d'être un instrument au
service d'un pouvoir pour elle-même s'ériger en « garant
(grâce au pluralisme de l'information) et régulateur (comme
manifestation de la liberté d'information et comme lieux de
débats) de la démocratie », pour ne pas dire en groupe de
pression, mais également en entreprise capable de faire du profit. Mais
comment alors y parvenir si la question du financement des médias n'est
pas résolue ? Ainsi, la pléthorique presse congolaise
libéralisée depuis 1991 vivote. On constate par exemple que le
tirage des médias écrits, de façon générale,
a baissé tandis que le nombre de titres ne fait qu'augmenter. Bien que
dynamique, cette presse se cantonne dans les grandes villes où elle
trouve facilement à public à qui l'information politique
déclinée aujourd'hui sur un registre spectaculaire est
proposée pour capter son attention (c'est la logique de
l'économie de l'attention). Cependant, malgré la
consécration de la liberté d'information, cette presse reste
assujettie aux pouvoirs économiques. C'est donc à une presse
domestiquée qu'on a affaire en République du Congo ; une presse
dépendant fortement des pouvoirs économiques. D'où
l'importance pour les promoteurs des médias de trouver des
modèles économiques viables à leurs entreprises et, la
nécessité pour l'État de financer la presse afin de
protéger le pluralisme de l'information et promouvoir les valeurs
démocratiques.
Mot-clefs Presse congolaise, financement,
indépendance, modèle économique, pluralisme de
l'information
Abstract
The Congolese media whose history
lays back to the fifties is a special press because since it was born, it has
been, and with no doubt, remains an instrument of political and religious
propaganda or simply public relations bulletins. Directly linked to political
parties before independence, the press media, created and placed under the
control of different political systems of that time, benefited from public
funding (or from the state party) to print more than 10,000 copies for a daily.
In this experience, « Les Dépêches de Brazzaville »
newspaper is the only successful case, highly and successfully funded by the
current political system. Thus we can say, because of companies'nationalization
and direct administration that results from the information monopoly held by
the State, private initiative, in the press in particular, will be hindered for
a long time. Only the Catholic two-weekly newspaper of the Father De Gall (La
Semaine Africaine), enjoying a sort of religious immunity, will be spared from
the gagging of the press. For the Congolese media from 1960 to 1990, everything
depended on the State : Editorials where censorship commission could be found,
editorial line (usually Marxist or revolutionary) where all charges were fully
supported by the public treasury. The mass media could thus simply generate
ideas and write reports that would please political leaders, without ever
worrying about profits or losses. Today, it is quite the opposite. Following
the devaluation of the CFA franc currency in 1994, the rising of free
enterprise, but also the progressive political maturity, the disengagement of
the State requires the Congolese media to reconcile expenses and profits to
produce the information, because the press has to stop being an instrument to
the service of Government so as to set itself up as « guarantors (by means
of media pluralism) and regulators (as a consequence the freedom of information
and as a place of debate) of democracy » in other words, to rise to become
a lobby, but also an enterprise that can make a profit. But how can we then
achieve this if the issue of media funding for most of our newspapers, or our
media, is not resolved ? Thus, the Congolese press bloated scrapes liberalized
since 1991. There is a circulation that curiously generally decreased while the
number of titles is growing. Although dynamic, the press is confined in large
cities where it is easily to public information policy that declined today on a
spectacular registry is proposed to capture their attention (this is the logic
of the economy attention). However, the predominance of political issues of the
Congolese press is mainly due to the fact that despite the dedication of the
freedom of information, this press is subject to economic powers (public
institutions, private companies, non-governmental organizations) its main
providers of advertisements and commercials. This is a press that we are
dealing domesticated in the Republic of Congo ; press enjoying independence in
multi dependence (dependence of economic powers, paper industries, printing).
Hence the importance of the media for editors to find viable business models
for their companies and the necessity for the state to finance the press in
order to protect news diversity or pluralism and promote democratic values.
Key-words Congolese newspaper, media funding, business models,
news diversity or pluralism
Liste des acronymes et abréviations
utilisés
La liste suivante est illustrative et ne correspond pas aux
acronymes ou abréviations utilisés dans ce document.
AEF : Afrique équatoriale française
ARPCE : Agence de régulation des postes et
communications électroniques
CFDS : Centre de formation et de documentation sur le
Vhi/sida
CNLS : Conseil national de lutte contre le sida
CO.GE.LO : Congolaise de gestion des loteries
CSLC : Conseil supérieur de la liberté de
communication
DGGT : Délégation générale
aux grands travaux
DRTV : Digital radio télévision
ENAM : Ecole nationale d'administration et de
magistrature
ENMA : Ecole nationale moyenne d'administration
FFL : Forces françaises de libération
FLSH : Faculté des lettres et des sciences
humaines
FRTDH : Forum radio/ télévision des droits
de l'homme
IFI : Institutions financières internationales
MNR : Mouvement national de la révolution
MN-TV : Maurice Nguesso télévision
OCM : Observatoire congolais des médias
OCORA : Office de coopération et de radiodiffusion
OIF : Organisation internationale de la francophonie
ONG : Organisation non gouvernementale
PAO : Publication assistée par ordinateur
PNUD : Programme des Nations unies pour le
développement
RFS : Reporter sans frontière
SMIG : Salaire minimum garanti
TPT : télévision pour tous
TV : Télévision
Table des
matières
Table des matières
VII
Introduction
- 1 -
1 Jalons pour comprendre l'environnement d'une industrie
médiatique
- 7 -
1.1 Les spécificités
économiques des biens informationnels
- 7 -
1.2 Les sources de financement des
médias et leurs répercutions
- 10 -
1.3 Environnement de la presse
congolaise
- 12 -
2 Paysage médiatique congolais
- 23 -
2.1 L'émergence de la presse
écrite
- 23 -
Quelques titres de la presse écrite congolaise avant
l'indépendance
- 25 -
2.2 La radiodiffusion
39
2.3 Télédiffusion au
Congo-Brazzaville
47
3 Les raisons des difficultés des médias
congolais
54
3.1 Les acteurs de la presse
54
3.2 Organisation des entreprises
médiatiques
59
3.3 Les facteurs de
péripéties des médias congolais
61
Charge financière dans la fabrication d'un journal: cas
de Talassa
61
4 Quelques pistes pour renforcer la qualité et
indépendance des média
67
4.1 Théorisation
67
4.2 Eléments de
référence concrets
70
Conclusion
77
Introduction
L'avènement de la démocratie a favorisé
l'émergence de la presse longtemps caporalisée au Congo par les
différents régimes de parti unique qui se sont
succédé à la tête de l'État. Depuis la fin du
monopartisme au Congo, les médias sont mis à contribution dans
diverses activités publiques comme d'ailleurs ils l'ont
été lors de la conférence nationale souveraine de 1991.
Chaque jour et/ou chaque semaine, en plus de la télévision, la
radio, l'internet aujourd'hui, la presse congolaise, du jour au lendemain,
s'enrichit progressivement de nouveaux titres. Elle s'emploie à «
informer » le public sur l'actualité nationale et internationale,
dans une moindre mesure. Commentaires, analyses, critiques, comptes rendus et
bien d'autres genres journalistiques couvrent ainsi les colonnes des journaux,
de la presse nationale congolaise en général et
particulièrement la presse privée d'opposition l'on étale
à même le sol à un point de vente ou dans quelques kiosques
à journaux. Dans cette sorte de printemps de la presse congolaise, au
rythme de leur périodicité et selon la taille et les moyens
(financiers et logistiques) dont ils peuvent disposer ou disposent, ces organes
de presse participent (en tant que quatrième pouvoir ?) à
l'édification d'un état démocratique, d'un état de
droit et à la fabrication d'un bien culturel, d'un produit marchand.
Profitant de la libéralisation de l'information, beaucoup d'entreprises
de presse privées nées de l'ambition d'« informer »
doivent produire l'information et répondre aux exigences
d'équilibre financier sans compter, comme les médias
d'État, sur les subventions publiques pour leur fonctionnement.
Si l'on s'interroge sur la durée de vie, le rythme ou
la fréquence de parution, la viabilité et la disparition de
certains journaux qui constituent le paysage médiatique au Congo, il
serait évident que des caractéristiques générales
et spécifiques à chaque organe de presse se dégageraient.
Ce qui est valable, non seulement lorsqu'il est question de faire une lecture
du discours médiatique dans différents journaux qui composent la
presse écrite congolaise dont les titres ne cessent de se multiplier,
mais aussi quand il s'agit des moyens financiers des organes de presse
écrite congolaise.
Face à cette ambivalence des entreprises de presse, on
se trouve entre la recherche du profit et la mission d'informer. Les deux
visées (éditoriale et économique) sont-elles
opposées ? Il appartient alors à chaque organe de presse de
proposer au public un contenu informationnel tout en s'assurant une
viabilité économique. En tant qu'indicateur de démocratie
jouant en même temps le rôle de contre-pouvoir qui lui est
aujourd'hui reconnu, en théorie mais pas dans les faits, la presse dans
sa double dimension amène à s'interroger sur son financement qui
est le sésame d'une presse véritablement libre et
indépendante. Ainsi, avant de parler de la liberté de la presse
devait-on commencer par traiter de l'autonomie financière de la presse
congolaise.
Le présent mémoire se divise en quatre grandes
parties comprenant trois chapitres pour les trois premières parties et
deux en ce qui concerne la quatrième partie. La première partie
pose les jalons pour comprendre l'industrie médiatique tandis que la
deuxième passe en revue le paysage médiatique congolais et les
modes/sources de financement qui leur sont appliqués. La
troisième partie se consacre à l'analyse des raisons expliquant
les difficultés auxquels sont confrontés les médias
congolais alors que la dernière partie propose quelques pistes de
solution.
Intérêt et justification du choix du
sujet
Le changement de paradigme appelle aujourd'hui à ne pas
laisser de côté les études sur les médias tant sous
un angle économique et financier que sous des aspects traditionnels :
sociologique, sémiologique ou du structuralisme. Ce qui semble normal
puisque le bouleversement introduit par Girardin a fait du marché de la
presse un « double marché : le marché des médias et
le marché de la publicité3(*)», c'est-à-dire un marché sur lequel
le produit vendu (information) est proposé à deux clients
différents : l'annonceur et le lecteur. Cependant, la «
fragilité financière4(*) » des entreprises de presse en raison du
coût élevé de l'impression et de la distribution dans la
chaine économique est telle que le financement de la presse au Congo
devait d'ores et déjà faire l'objet de recherches visant à
aider la presse à prendre son autonomie et à trouver un
modèle économique fiable et adapté à
l'environnement socioéconomique congolais. Cela est un impératif
comme le souligne Nathalie Sonnac : « l'organisation économique et
sociale des industries de la culture et des médias est en pleine
mutation. Des bouleversements d'ordre technologique, économique et
social mettent en évidence la transformation de ces structures et nous
amènent à nous interroger à la fois sur la nouvelle
organisation qui se dessine, mais aussi sur les nouveaux défis qui
l'accompagnent et auxquels les industries médiatiques dans l'ensemble,
doivent faire face5(*)
».
Bien entendu, il est aussi question des Technologies de
l'information et de la communication ! En effet, progressivement, la presse
congolaise veut marquer sa présence sur le Web en dépit de la
fracture numérique. Cette volonté à s'arrimer à la
modernité n'est pas sans conséquences... Par rapport à
cela, on est en droit de se demander comment les entreprises médiatiques
africaines pourraient réussir cette transition dans un environnement
économique où les rapports des médias avec la
publicité restent timides dans la plupart du temps. La question du
financement ainsi posée vient à point nommé pour le cas du
Congo, compte tenu de l'importance d'une presse « indépendante
» dans un pays qui aspire à la démocratie. Il y a donc tout
intérêt à vouloir savoir qui finance les entreprises de
presse ou comment elles se financent afin de savoir qui contrôle
l'information. Ne dit-on pas : « information is power » ? C'est
certainement ce que voulait dire Fanelly Nguyen-Thanh lorsqu'il écrivait
: « si la société du XIXe siècle comme celle du XXe
sont fondées sur l'énergie et la maîtrise de
l'énergie, la société du XXIe siècle sera la
maîtrise de la communication6(*) ».
La maîtrise de l'information implique donc que la
cherche en communication ne se limite plus à étudier
l'émetteur, le message et le récepteur. Qu'il s'agisse de
communication politique, sociale, journalistique, une approche
économique sur l'étude des médias ou de la communication
sert aussi bien le sociologue que le politologue qui s'intéresse
à la presse. Il va de soi que l'appréhension du degré de
la liberté de presse, d'expression et de communication passe par le
niveau d'indépendance (financière) de la presse. Tout compte
fait, et si l'on considère la théorie de la mise en agenda -
« les médias ne nous disent pas ce qu'il faut penser, mais nous
disent à quoi il faut penser7(*)», on s'aperçoit que l'idéal de
privilégier l'axe d'analyse socio-économique de la production de
l'information ne vise autre chose que d'aider à comprendre le
fonctionnement des médias sinon des messages médiatiques.
Autrement, même sous l'angle économique, cette étude qui
sort du cadre linguistique, sociologique, sémiologique ou
sémiotique de l'information et de la communication reste
complémentaire au fonctionnalisme, à la sociologie et la
recherche en communication.
L'intérêt de cette recherche réside en ce
qu'au Congo, à notre connaissance, le financement de la presse demeure
un champ d'investigation non exploré. En raison du rôle des
médias dans une démocratie, du pluralisme médiatique et de
la diversité des titres qui permettent d'affirmer que la liberté
de la presse est effective en république du Congo, il paraît
intéressant de s'arrêter un instant sur le financement des
médias.
Ainsi, notre étude à un double objectif : de
manière générale, ce mémoire a pour ambition de
dégager les principaux modes et sources de financement et
d'appréhender les mécanismes de financement des médias
congolais en même temps que de contribuer à la mise en place d'une
presse qui peut prendre « aussi une part croissante comme garants
(grâce au pluralisme de l'information) et régulateurs (comme
manifestation de la liberté d'information et comme lieux de
débats) de la démocratie8(*)» un "quatrième pouvoir", mieux un "groupe
de pression", capable d'oeuvrer pour enraciner et veiller sur fonctionnement de
la démocratie ;
Spécifiquement, l'objectif visé dans le cadre de
cette étude est de proposer des pistes de solution pour une autonomie
(financière) des entreprises médiatiques.
D'un point de vue scientifique, ce travail élargit le
champ de connaissances sur les entreprises de presse congolaise dont on
dispose, à ma connaissance, de peu de données. Ce qui
confère, en matière économique, à cette
étude l'ambition d'aider tout éventuel promoteur des
médias à, non seulement rechercher le profit, mais
également à défendre et assurer la liberté et le
pluralisme de l'information tout en ayant une assez bonne connaissance des
difficultés auxquelles sont confrontés les médias
congolais.
Problématique
Suite à l'invention de l'imprimerie vers 1450 par
Gutenberg9(*), la presse
imprimée a cessé d'être artisanale, les copistes ayant
cédé la place à la machine. Progressivement, la presse va
"s'industrialiser" grâce à une meilleure reproductibilité
offerte par l'électricité et les rotatives. Mais très vite
aussi, la presse va se heurter aux coûts élevés de
l'impression d'un journal, du papier et aux recettes limitées de la
vente au numéro qui ne permettaient pas de réaliser des
bénéfices. En 1836, c'est Emile de Girardin qui le premier va
trouver la parade pour financer son journal La Gazette : la publicité
qui aura l'avantage de rendre le journal accessible au plus grand nombre
à un prix abordable pour tous. « Tandis que l'abonnement doit payer
le papier, l'impression et la distribution, la publicité payera la
rédaction et l'administration et fournira le bénéfice du
journal10(*) », a
écrit Emile de Girardin. « Depuis lors, le modèle
économique de la presse se base sur la relation trilatérale
lecteurs-éditeurs-annonceurs, où l'éditeur intervient sur
un double marché des médias et de la publicité11(*) ». Cette innovation de
Girardin marque les débuts de l'économie de la presse telle qu'on
en parle de nos jours.
Ce changement a ouvert, non seulement des possibilités
de réflexion et d'élaboration de théorie sur l'offre et la
demande proposées par les médias, mais aussi il a sans doute
permis d'orienter la réflexion sur les médias à la
recherche de qui finance au lieu de qui fait quoi. Ainsi que l'écrit le
professeur André Vitalis en préface de l'ouvrage Les
médias et l'État sénégalais : l'impossible
autonomie de Ndiaga Loum (2003)12(*), « les questions essentielles ne sont pas les
questions du fonctionnalisme sur l'émetteur, le récepteur ou les
contenus mais les questions suivantes : qui contrôle la communication ?
Pourquoi ? Au bénéfice de qui ? »
D'où il est intéressant de transposer ce nouveau
paradigme à la réalité des médias en
République du Congo engagée sur la voie de la liberté
d'opinion et d'expression depuis 1991. Au fil de temps, cet élan, cette
envie d'informer", quelquefois occultée par certaines
difficultés, demeure perceptible. La preuve c'est que la présence
des nouveaux titres dans les kiosques dénote sans doute d'une jeune
presse dynamique qui donne à penser à un État de droit et
démocratique. Ce foisonnement de périodiques dans la
sphère médiatique congolaise suscite tout de même des
interrogations : comment sont financés les médias congolais ? Par
qui ? Quels sont leurs mécanismes de financement ? La presse peut-elle
demeurer libre et indépendante si elle ne dispose pas de
véritables sources de financement ?
Hypothèses
Afin de résoudre la problématique telle que
présentée, deux hypothèses sont considérées
en vue de faire le pont entre l'autonomie financière d'un organe de
presse et la liberté puis le pluralisme de l'information.
Dans nos lectures, il n'a pas été rare
d'apprendre que le marché de la publicité est réduit ou
encore qu'il existait un "manque de transparence du financement" de la presse
en Afrique. Renaud de la Brosse signale un recours des médias africains
à des sources parallèles de financement et indique qu'« en
Afrique, la publicité ne représente que rarement plus de 20 % des
ressources13(*)» de
la presse. Ce qui autorise à penser : compte tenu des coûts de
production intellectuelle et matérielle des périodiques que les
médias congolais ont recours aux financements occultes au point
où son indépendance vis-à-vis des groupes d'influence
serait difficile à garantir ;
Sans doute pour cette raison, quand les modes et sources de
financement sont peu transparents, la liberté de presse, d'information
et le pluralisme de l'information peuvent être menacées. La
mauvaise qualité des publications et l'irrégularité de
parution de certains titres seraient-elles imputables au manque de financement
?
Méthodologie
Le présent mémoire se veut une base documentaire
sur la situation financière et économique des médias au
Congo-Brazzaville. Il a donc pour ambition de donner un éclairage
factuel et analytique sur le sujet. Il est clair que ce travail ne saurait
être exhaustif, compte tenu qu'il comporte des limites liées
à la réticence des éditeurs à communiquer, à
l'absence des données en rapport avec le sujet, à
l'originalité du sujet, au temps très limité (notre
enquête a été réalisée en trois mois, soit le
temps du stage). Eu égard, le mémoire ne peut répondre
à tous les critères que l'on peut attendre d'une recherche
scientifique menée dans un laps de temps, non seulement pour collecter
des données, mais aussi pour les traiter de manière pertinente.
Cela dit, les résultats auxquels a abouti cette étude
reflètent, au moins en partie, les degrés de
précarité, de transparence et/ou d'opacité dans lequel
évoluent les médias congolais.
Sans attestation de recherche, il a donc fallu se fier, dans
certains cas, à des relations personnelles pour glaner des informations
et tenter de briser le secret commercial, l'attestation d'inscription
étant jugée insuffisante. Qu'à cela ne tienne, la
recherche de l'objectivité reste pour nous une priorité dans le
cadre de cette étude. Mais dans la mesure du possible, la
démarche suivie dans la collecte des données a permis sans doute
de dépasser le simple effet miroir que les éditeurs donnent de
leurs entreprises, même si des questions scientifiquement
légitimes à propos de l'objet étudié demeurent en
suspens. En effet, pour mener cette étude, les outils de recherche
retenus sont les suivants : l'observation empirique s'est avérée
nécessaire en raison d'une foule d'informations qu'un
dépouillement documentaire est susceptible de nous apporter. La
bibliographie présentée par la suite indique un certain nombre
d'ouvrages auxquels nous avons eu recours.
Aussi, avons-nous distribué un questionnaire dans
plusieurs organes de presse en vue de nous faire une idée des moyens
dont disposent ces organes et saisir, du même coup, des données
sur les recettes et les mécanismes de financement de chacun de ces
organes. Il s'agit de : L'Observateur, Le Patriote, Les dépêches
de Brazzaville, Boponami, Nouvelle Vision, pour la presse écrite, et,
à l'audiovisuel ; Radio Télé Nkayi, Radio Divouba, Radio
Mossendjo, Radio Maria (Pointe-Noire), DVS +, Radio Solidarité, Radio
Mayombe, Canal Océan, pour ne citer que les médias qui ont
accepté répondre à notre sollicitation. Pour recouper les
sources d'information, nous avons entrepris une série d'entretiens avec
certains acteurs de presse congolaise dans l'espoir de nous rapprocher encore
plus de la réalité congolaise que toutes les
références bibliographiques auxquelles on a pu recourir. Ainsi,
nous avons pu rencontrer à la fois des acteurs de la
société civile, des structures privées et de l'État
:
Le Président de l'Observatoire Congolais des
Médias (OCM) et ancien directeur de publication de La semaine africaine,
Bernard Makiza, avec qui les entretiens ont porté sur l'histoire de la
presse congolaise et celle de l'organisation qu'il préside ;
Nous nous sommes entretenus au ministère de la
communication avec Auguste Louviboudoulou, directeur de la presse et de
l'édition depuis 2002 sur l'environnement de la presse écrite
congolaise et le directeur départemental de la télévision
nationale à Pointe-Noire, Charles Obassa, nous a fait un briefing sur le
financement de l'audiovisuel public. Avec le journaliste du mensuel Maintenant,
Marien Nzikou Massala, il a été question de la gestion dudit
journal ; tandis que le directeur général et de publication du
« quinzomadaire » Nouvelle vision, Pierre Nzissi-Bambi, nous a
révélé les secrets financiers des journaux dont il a eu la
responsabilité.
Enfin, un des moyens non négligeables dans notre
collecte de données pour la réalisation de cette étude
aura aussi été le stage conventionné de 10 semaines
effectué au journal Talassa allant du 02 mai au 22 juillet 2012. Cette
mise en situation professionnelle a été avantageuse en ce qu'elle
nous a confrontées, au-delà de la rédaction dans un
journal, au processus de fabrication et à la commercialisation d'un
journal. En effet, pour avoir déjà servi à la
rédaction du journal Talassa, il nous a semblé judicieux dans le
cadre de ce stage d'explorer d'autres domaines d'activité qui
participent à la fabrication du journal sans pour autant abandonner la
rédaction. À cet effet, en accord avec la direction du
bihebdomadaire Talassa, notre stage s'est pour l'essentiel
déroulé dans ce qu'on a convenu d'appeler "service de la
production et de vente". Ici, le travail a consisté à :
- acheter, réunir et transporter tous les intrants ou
consommables (calques, rames de papier journal, plaques...) nécessaire
à l'impression du journal ;
- Veiller au tirage du journal ;
- Coordonner le pliage (manuel) du journal ;
- Distribuer le journal à chaque nouvelle parution chez
les abonnés et dans différents kiosques à journaux ;
- Assurer le dépôt légal et le
recouvrement des créances ;
- Vendre les imprimés aux commerçants ou
vendeurs à la criée ;
- Verser les frais d'impression ou de réimpression
à l'imprimerie ;
- Faire des versements en banque.
À côté de ces tâches quasi
quotidiennes, quelques fois, le paiement des primes de bouclage et de montage
s'ajoutait à la liste des tâches à remplir.
L'immensité de ces tâches était telle qu'il devenait
parfois difficile de concilier la rédaction des articles journalistiques
à celle des différents rapports de vente. C'est donc une
observation qui a permis de tâter les recettes de vente et les
dessous-de-table de Talassa (qui sera un de nos principaux exemples).
1 Jalons pour comprendre l'environnement d'une industrie
médiatique
Consacrée à l'observation de la production, la
distribution et la consommation de produits et services d'information,
l'économie des médias vise à mettre en lumière et
à expliciter les conditions de conception, de production et de diffusion
des médias. Autrement dit, elle aide à dégager les
spécificités économiques qui fondent l'activité des
entreprises médiatiques en décrivant leurs modes de financement
(ventes, publicité, produits dérivés, aides diverses) et
les répercussions de ces différents modèles d'affaires sur
les contenus médiatiques. Dans cette perspective, nous allons saisir
certains contours définitionnels se rapportant à l'information et
l'environnement des médias au Congo comme balises, avant de tabler sur
les réalités de la presse congolaise.
1.1 Les
spécificités économiques des biens informationnels
Appréhender le fait médiatique suppose au
préalable de définir les contours d'un objet quelque peu simple
mais tout de même complexe. L'information est en effet souvent
envisagée comme un compte rendu honnête, impartial et complet
d'événements qui intéressent et préoccupent le
public (Duane Bradley, 1966). Cette conception tient à une insuffisante
clarification du terme, notamment parce qu'elle se limite à la
définition journalistique de l'information perçue comme un
renseignement ou en tant que contenu convoyé par les médias,
selon les critères géographiques et psychologiques construits sur
l'actualité, la nouveauté ou l'extraordinaire. Sans vouloir
ignorer ni évoquer les théories de l'information, nous nous
limiterons à relever une possible confusion entre cette acception de
l'information en tant que support du lien social et une conception
économiste désignant l'information comme produit marchand ayant
des caractéristiques spécifiques.
Le caractère périssable de
l'information
L'information, prise au sens journalistique, est par essence
éphémère. Ce caractère périssable oblige
l'éditeur de la chaîne de valeur à mettre en place une
infrastructure de production coûteuse comme c'est le cas des quotidiens
dont la périodicité est courte, comparativement à celle
des magazines. Le caractère périssable de l'information
entraîne une contrainte bicéphale en termes de coûts :
rapidité de production et rapidité de diffusion ; ce qui a pour
conséquence l'embauche d'un nombre important de journalistes pour
collecter et traiter l'information dans les meilleurs délais. Ainsi,
l'impression puis la diffusion rapide de l'information supposent l'installation
de rotatives pour assumer la reproduction du titre en un nombre d'exemplaires
qui permettra de couvrir la demande (Le Floch & Sonnac, 2005).
Le caractère non rival d'un bien
informationnel
Le caractère non rival de l'information -
caractère partagé par l'ensemble des produits de contenu
(musique, édition, télévision, etc.) - signifie qu'elle
peut être consommée simultanément par un nombre arbitraire
de consommateurs : la lecture par un individu des informations comprises dans
un journal ne peut pas priver les autres individus de la possibilité de
les lire à leur tour.
Information : un bien d'expérience
Un bien d'expérience est un produit marchand dont la
qualité est connue après l'achat : c'est le caractère
expérimental. L'information appartient à cette catégorie
de bien qui se distingue des biens de prospection et de confiance. En raison de
son caractère expérimental, un bien informationnel se distingue
par une forte asymétrie d'information sur la qualité (du produit)
pour le consommateur. D'où l'importance de la réputation et des
stratégies visant à informer les consommateurs.
Cette caractéristique impose aux entreprises
médiatiques des procédures de sélection et de
signalisation capables de susciter le désir d'expérience. Ces
procédures sont intenses dans le cas de biens informationnels et
s'appuient sur l'identification de composantes connues : titre de presse, nom
des journalistes, marque du groupe, etc.
Information : bien public/ produit marchand
Dans le cas d'un accès gratuit (comme pour la radio ou
la presse gratuite d'information), l'information se définit comme un
bien public pur. Cependant, lorsque le contenu - l'information - s'inscrit sur
un support payant, où le consommateur est dans l'obligation d'acquitter
un prix pour accéder à l'information, cette dernière est
transformée en marchandise. Dès lors, le média
écrit - contenu médiatique et support physique - s'est
transformé en un bien public avec exclusion, appelé bien
semi-public. Par conséquent, la presse gratuite est un bien public pur,
tandis que la presse payante, un bien public avec exclusion. Mais toutes deux
partagent le caractère de non-rivalité (Francis Balle, 2007).
Ainsi, c'est sur la base de ce caractère non rival d'un
bien que se justifie économiquement l'intervention de l'État.
Parce que la nature et la diversité des contenus médiatiques sont
susceptibles d'exercer une influence non négligeable sur la formation du
système des valeurs de la communauté, étant entendu que
les médias sont des instruments potentiels du développement
culturel, politique, informatif, de divertissement, de cohésion sociale
et constituent des baromètres de la démocratie. On peut aussi
ajouter le droit à l'information.
Limite d'un bien non-rival
Dans le cas d'un bien (non-rival) distribué
gratuitement, il n'existe plus d'indicateur de préférences, le
bien n'est plus véritablement choisi, au sens de l'économie
traditionnelle. Dès lors, il est difficile de déterminer aussi
bien les préférences des consommateurs que d'ajuster l'offre par
rapport à la demande qui reste malgré tout inconnue. Ce qui rend
difficile la prise en compte des préférences sociales du public
(Arrow Kenneth, 1951).
La presse : un marché à deux versants
Le marché à deux versants n'est autre que ce
qu'on désigne autrement par le produit hybride, c'est-à-dire que
les médias profitent d'un double financement : le financement des
activités éditoriales par le public (lecteur, auditeur,
téléspectateur ou internaute), d'une part, et par les annonceurs,
d'autre part.
Le mécanisme de fonctionnement du marché dit
à deux versants est simple : les annonceurs achètent davantage
d'espaces publicitaires dans un média quand la taille de son audience
est grande dans l'espoir que l'impact du message publicitaire va croître
avec la taille de l'audience ; tandis que le public de son côté
(fut-il publiphobe ou publiphile), recourt aux médias à la
recherche de leur contenu intrinsèque, tout en prenant en
considération la publicité dans le média
consommé.
Dans l'économie des médias, servir les lecteurs
au coût marginal signifie les servir à un prix nul, avec
l'assurance alors pour l'éditeur d'un déficit budgétaire.
Ainsi, l'éditeur, en fixant le prix d'un journal à un coût
marginal (donc à zéro), se voit contraint de se tourner vers
d'autres sources de financement, tels la subvention publique, le sponsoring ou
le financement publicitaire. Dans tous les cas, l'éditeur est
confronté à deux logiques : la logique économique et la
logique éditoriale.
Logique économique vs logique
éditoriale
La vocation des médias consistant à informer (la
démocratisation de l'information), le public se heurte, depuis
l'invention de l'imprimerie, au souci capital et fondamental pour les acteurs
des médias de réaliser du profit afin que subsistent leurs
activités. Ainsi, on peut distinguer la logique éditoriale de la
logique économique.
La logique éditoriale est celle sous-tendue par la
vocation première d'informer. Dans cette perspective, on parle de la
démocratisation de l'information compte tenu du fait que, non seulement
l'accès à l'information participe des droits fondamentaux de
l'homme, mais aussi parce que les médias sont censés jouer le
rôle de garant de la démocratie.
Cependant, la logique économique quant à elle
est traduite par la recherche du gain à travers les activités de
la presse. Il ne s'agit pas ici seulement d'informer, mais aussi et surtout de
générer un bénéfice sur la base des
activités de la presse. En 1956, Hubert Beuve-Méry, fondateur du
journal Le Monde disait à ce sujet : « s'il est vrai qu'un journal
digne de ce nom comporte des éléments qui doivent rester hors du
commerce, il est aussi, au sens le plus banal du terme, une entreprise qui
achète, fabrique, vend et doit faire des bénéfices »
(Nadine Toussaint-Desmoulin, 2006).
Depuis, il se pose un problème d'équilibre entre
l'ambition éditoriale et la visée économique qui impose de
rentabiliser l'activité éditoriale.
1.2 Les
sources de financement des médias et leurs répercutions
Avec l'arrivée de Google sur le marché de la
publicité, les médias traversent une crise qui a
révélé la fragilité économique et
financière de plus d'une entreprise médiatique. Aujourd'hui, la
presse se cherche car il n'y a presque pas de modèle économique
qui réussit. D'où l'existence d'une diversité de modes de
financement et de bien d'autres modèles potentiels. Mais, nous nous
limiterons ici aux sources de financement classique (la redevance, la
publicité et le financement direct).
La publicité
C'est l'économie de l'attention (Xavier Greffe, 2012)
consiste pour les médias à vendre l'attention du public aux
annonceurs à la recherche de la visibilité à leurs
produits ou services. Elle renvoie à l'audience car, normalement, les
ressources de la presse sont proportionnelles à l'audience. Le terme
audience est utilisé parce que les gens sont sollicités par
plusieurs sources d'information. Ce qui suppose non pas la difficulté de
trouver une audience, mais celle de capter l'attention d'un public en vue de la
vendre aux annonceurs. Raison pour laquelle mobiliser et maintenir une
attention (à vendre au plus offrant) constitue le souci des
médias actuellement. De ce fait, la publicité vise à
dicter ou orienter l'acte d'achat du consommateur des médias par l'image
d'un produit ou des valeurs. Elle répond à de nombreuses
conjonctures (économiques et politiques) et est soumise au rythme des
campagnes des annonceurs (Nadine Touussaint-Desmoulin, 2006). Son influence sur
le contenu est manifeste : « la dépendance à
l'égard de la publicité conduit les médias, souvent plus
soucieux de plaire aux annonceurs que de satisfaire les goûts
minoritaires ou peu "rentables" de certains usagers, à vivre l'oeil
rivé sur les sondages14(*) » Cependant, le succès de la
publicité comme source de financement et les tarifs appliqués
dépendent normalement de la taille de l'audience que peut mobiliser un
média parce que les annonceurs qui utilisent les médias pour
vendre leurs produits sont censés payer des tarifs élevés
au média ayant une forte audience en vue de toucher un grand public.
Pour que l'annonceur soit certain que le jeu vaut la chandelle, les
médias devaient se référer aux statistiques
régulières des rapports d'audience.
La redevance
La redevance est le moyen par lequel le contribuable finance
le service public. Ce mode de financement est incorporé au Congo dans la
facture de l'électricité. Mais à ce jour, la
redistribution de la redevance audiovisuelle (RAV) n'est pas encore effective.
La redevance a l'avantage d'être une recette prévisible,
réconfortante et appréciable qui suppose que l'information est
commanditée par le contribuable et qu'elle (l'information) devait servir
l'intérêt du public selon les prescriptions définies par
l'État : informer, éduquer/sensibiliser et divertir. Outre la
redevance, le service public de l'audiovisuel dispose également d'une
dotation du budget général de l'État. Seulement, ces deux
moyens de financement exposent souvent à une faible indépendance
vis-à-vis des pouvoirs publics mais, avec l'avantage de tenir le
média loin de l'influence des pouvoirs économiques à la
poursuite des intérêts particuliers.
Le financement direct
Le financement direct (abonnement et vente au cash)
confère à l'entreprise une avance de trésorerie qui
dispense les médias des pénuries saisonnières de la
publicité ou de toute forme de subordination liée au
modèle de financement (redevance, publicité ou aide à la
presse). Ici, l'investissement est sûr. Le client préfinance la
production et se montre souvent exigeant par rapport à la qualité
du produit qu'il paie et consomme. L'efficacité de l'abonnement implique
le développement d'un large réseau d'abonnés qu'il
convient d'entretenir, de suivre et de renouveler incessamment au moyen des
stratégies marketing visant, entre autres, à mieux
connaître leurs attentes. Il offre plus de possibilités
d'indépendance et permet de mieux connaître son public. Le
financement direct concerne aussi la vente au numéro (ou vente au cash),
beaucoup plus pratiquée en presse écrite. Ce type de vente
suppose un réseau de distribution (kiosques à journaux,
messagerie) ou s'effectue à la criée.
L'aide à la presse
L'aide de l'État à la presse est destinée
à maintenir l'équilibre financier des entreprises
médiatiques (François Jost, 2010) et favoriser le pluralisme de
l'information ainsi que la diversité des opinions pour ne pas que les
nantis soient les seuls à se faire entendre. Elle répond au
caractère de l'information en tant que bien public mais aussi aux
dispositions en vigueur en matière du droit à l'information. Dans
la pratique, cette aide consiste soit à l'octroi d'un fonds aux
médias répondant à un certain nombre de critères
définis par l'organe de régulation des médias, soit tout
simplement à faire bénéficier les entreprises
médiatiques de certains privilèges tel que l'exonération
douanière. Dans les deux cas, on parle respectivement de l'aide directe
et de l'aide indirecte à la presse. Très souvent, les subventions
allouées font courir un risque de vassalisation des médias qui en
sont bénéficiaires.
1.3 Environnement de la presse congolaise
Indissociables de la société, les médias
sont quelquefois soumis, à quelques différences près, aux
mêmes réalités de la vie. Seulement, l'ensemble de
caractéristiques propres aux médias leur confère des
spécificités variant selon le territoire, le régime
juridique et politique en vigueur, l'importance de l'activité
économique, la place des technologies de l'information et de la
communication et aussi le rapport des citoyens/consommateurs aux
médias.
Environnement économique
Classé 154e rang (sur 178 pays) dans l'indice de
perception de la Corruption de Transparency International en 2012 et 183e sur
un total de 185 pays au rapport Doing Business, le Congo ne représente
pas un grand marché où la concurrence des entreprises peut
générer des réelles retombées économiques
pour les médias. Les sociétés pétrolières
sont les plus grandes entreprises au côté des
sociétés de téléphonie mobile qui sont des
principaux annonceurs dans un pays à revenu intermédiaire
où la croissance économique est passée de 9,5 % en 2010
à 5.3 % en 2013, selon les prévisions des institutions
financières internationales. Admise à l'Initiative Pays pauvre
très endetté (PPTE) en 2009, la République du Congo avait
une l'incidence de la pauvreté 50,7 % en 2005 (Enquête Congolaise
auprès des Ménages, ECOM 2005) : plus d'un Congolais sur deux vit
en dessous du seuil de pauvreté. Par ailleurs, les données
récentes du PNUD (Indicateur de développement humain) indiquent
54.1 % de pauvres en 2012.
Entre 1980 et 2012 l'IDH de la République du Congo a
augmenté de 0.8 % par an, passant de 0.470 à 0.534 aujourd'hui,
ce qui place ce pays 142e de 187 pays disposant de données comparables.
L'IDH de l'Afrique Subsaharienne en tant que région a passé de
0.366 en 1980 à 0.475 aujourd'hui, hissant Congo au-dessus de la moyenne
régionale.
L'environnement sociodémographique
Le Congo compte environ 4 012 809 habitants répartis
sur un territoire d'une superficie de 342.000 Km2 avec une densité de 11
habitants au km2. La jeune population congolaise (plus de 50 % des habitants
ont moins de vingt ans) est l'une des plus modestes de l'Afrique centrale. Le
niveau d'éducation est relativement élevé puisque le taux
d'alphabétisation figure parmi les plus importants du continent soit
92,1 %. Pour corroborer ce propos, on peut citer le rapport 2010 l'Organisation
internationale de la Francophonie (OIF) qui observe que la langue
française est parlée par 56 % de la population congolaise (78 %
des plus de 10 ans). Autre particularité du Congo, plus de 60 % de la
population vivent dans les villes dont deux regroupent à elles seules 55
% de la population du pays (environ 1.000 000 d'habitants à Brazzaville
et plus de 600 000 à Pointe-Noire) avec un ratio de 48 % des hommes
contre 52 % de femmes. Le français est la langue officielle à
côté deux de langues dites nationales (lingala et kituba) qui sont
des langues véhiculaires.
Les femmes et les médias
Au Congo, le sexe ratio donne les femmes majoritaires à
52 % contre 48 % d'hommes. Parce que les écoles de journalisme
accueillent de plus en plus de femmes, leurs places dans les entreprises
médiatiques congolaises ne sont plus sujettes de plaidoyer. De la presse
écrite à la presse audiovisuelle, l'observation directe nous a
permis de noter que les femmes (présentatrices, reporters, cameramen,
opératrices de prise de son ou rédactrice) ont investi tous le
secteur des médias. Toutefois, la présence des femmes dans les
médias reste relativement faible. Entre 2002 et 2005 par exemple, une
étude dirigée par le Dr SAM'OVHEY-PANQUIMA recensait 21
signatures féminines15(*) dans la presse écrite contre plus d'une
centaine de signatures masculines. Dans la majorité des entreprises
médiatiques, très peu de femmes occupent des postes de
responsabilité.
Environnement technologique
Connecté à Internet depuis 1999, le Congo a une
des connectivités Internet les plus faibles d'Afrique. Selon un rapport
de l'Agence de régulation des postes et communications
électroniques (ARPCE), le nombre d'abonnés à Internet au
Congo en 2009 s'élevait à 14 996 (ARPCE, Point d'échange
Internet au Congo, Brazzaville mai 2011 sur www.arpce.cg), soit, en 2008, 4 %
de la population utilisant Internet selon un rapport de l'ambassade des USA en
République du Congo (brazzaville.usembassy.gov). Outre l'infrastructure
insuffisante (voire inadéquate), cette faible connectivité
pourrait aussi s'expliquer par le coût d'accès à internet
dans le « cybercafé » (500- 1000 F CFA l'heure) auquel il
convient d'ajouter le fossé (numérique) entre les grandes
agglomérations et les compagnes.
Niveau de connectivité de quelques pays africains
Source : Arpce
Pour pallier cette faible connectivité, le gouvernement
s'est engagé à déployer des infrastructures de
télécommunications de haut débit. Une volonté
politique se traduit par un projet de réalisation d'un backbone national
en fibre optique et de son interconnexion avec le reste du monde (projet de
câbles sous-marins WACS). Mais pour l'heure, la mutation au
numérique ne semble concerner que très peu de médias
congolais. Très peu d'entreprises de presse congolaises ont une
édition en ligne, à l'exception des Dépêches de
Brazzaville (www.brazzaville-adiac.com), La semaine africaine
(www.lasemaineafricaine.com/), Talassa (www.talassa.org/) et/ou d'autres rares
portails officiels d'informations tels que Congo site (www.congo-site.com/),
Congo page (www.congopage.com). Des jeunes radios comme Radio Forum
(www.frtdh.org/) et radio Mucodec (www.mucodec.com) se sont lancées
comme pionniers en la matière grâce à leurs sites Web ou
certains de leurs programmes auxquels on peut avoir accès en ligne
grâce à la norme Digital Audio Broadcasting qui est aujourd'hui en
vogue dans le monde entier. Pour résorber le problème de
l'occupation anarchique des ondes qui oppose le Congo-Brazzaville au
Congo-Kinshasa, chaque station de radio et de télévision devait
déjà envisager l'abandon de l'analogique au profit du
numérique. La mutation technologique en cours place les médias
face au défi du numérique. Et l'Union Internationale des
Télécommunications (UIT) veut accompagner tous les pays à
relever ce défi sur le plan radiophonique. À ce sujet,
l'échéance est fixée en 2015 pour la bande UHF et en 2020
pour la bande VHF (Balima Dimitri Régis, 2010).
Pour le Centre international des radios et
télévisions d'expression française (CIRTEF), le passage au
numérique facilitera l'organisation d'une exploitation qui correspond
à l'environnement et limitera le phénomène de la
piraterie.
« Le Continent rattrapera le standard qualitatif
international et diminuera les échecs de diffusion internationale de
contenus, non pour des raisons de sujets ou de langage audiovisuel mais pour
des raisons purement techniques. Le numérique aidera aussi à
résoudre le problème de la conservation des images et des
possibilités de réutilisation. Le Web est un autre atout pour les
TV africaines. Forte d'une grande proportion de jeunes, l'Afrique et en
particulier les médias se doivent d'investir le net, penser à
l'importance des formations et mieux développer l'interaction avec le
public notamment en utilisant à bon escient les contenus
générés par les utilisateurs »16(*).
Malheureusement, à l'heure où les
opportunités technologiques offertes par Internet ont donné aux
publics la possibilité de bousculer la position dominante
hégémonique 17(*) bénéficiaient traditionnellement les
journalistes, et à la lumière de l'analyse de Pierre
MINKALA-NTADI sur l'appropriation de l'Internet dans la presse congolaise, on
peut soutenir que le voeu du CIREF est loin de se réaliser au Congo.
En effet, sur la question de l'interactivité avec les
publics, Pierre MINKALA-NTADI est parvenu à la conclusion que les
médias congolais en ligne refusent volontairement d'intégrer des
dispositifs d'interactivité dans leurs différents sites
d'informations. Pour expliquer ce refus, il indique que « la dominance du
champ politique induit le rejet du participatif ». Ainsi écrit-il :
« Dans la presse occidentale, l'évolution
de la diffusion en ligne s'est également traduite par la mise en oeuvre
des dispositifs sociotechniques d'interactivité, tels que les
commentaires, les blogs, les forums, les chats, le partage sur les
réseaux socionumériques (Facebook, Twitter, etc.). Ces
dispositifs, qui sont favorisés autant par les mutations du
numérique que par la demande sociale (Aubert, 2011), connaissent une
réception assez mitigée au niveau des entreprises de presse
congolaises que nous avons étudiées. Deux attitudes principales
se dégagent à ce sujet. La première consiste dans une
semi-intégration de ces dispositifs sur les sites Internet des journaux,
où ils jouent une fonction d'alertes sur les réactions des
publics par rapport à l'information publiée par le titre. La
seconde attitude consiste dans le rejet pur et simple de ces dispositifs
d'interactivité. Le rejet des dispositifs d'interactivité est
donc lié au fait que, dans la société congolaise, le
traitement de l'actualité semble être fondé sur la
dominance du champ de l'action gouvernementale. C'est ce que le chercheur
bolivien Luis Ramiro Beltràn S. appelle « l'élitisme »,
c'est-à-dire « la croyance en un ordre social naturel commandant la
prédominance des uns et l'obéissance des autres »
(Beltràn, 1978, p. 75). Il s'agit ici de la prédominance du champ
de l'action gouvernementale, dont le discours se présenterait comme
l'unique cadre social (Goffman, 1991) d'appréhension de toute la
réalité congolaise. Dans ce cadre précis, l'information
diffusée par la presse se confondrait avec le discours officiel des
gouvernants ou de l'ensemble des acteurs de la classe politique au pouvoir. La
presse ne serait alors qu'une simple caisse de résonance des
institutions gouvernementales »18(*).
Au-delà de ce rejet motivé par la crainte des
débordements des internautes et surtout des réactions des
pouvoirs politiques, MINKALA-NTADI a épinglé, en plus du fait
qu'Internet est « Une technologie financièrement discriminatoire
pour la presse congolaise », un manque de compétences de la part
des professionnels des médias qui utilisent Internet. Dans ce sens, il
fait l'observation suivante : «Le traitement de l'information
généré par l'usage d'Internet pose un problème de
compétences au niveau des professionnels de la presse. Car, pour
produire une information multimédiatique, il faut acquérir
d'autres compétences techniques, c'est-à-dire d'autres
savoir-faire, d'autres manières de faire, mais aussi d'autres supports
de diffusion, puisqu'il s'agit de passer du papier à l'écran
(Ollivier, 2007). Le changement d'écriture implique ainsi un changement
de compétences professionnelles. Cette réorganisation exige alors
des moyens tant humains que matériels conséquents. Et
l'acquisition de ces moyens passe par une mobilisation de ressources
financières.»19(*)
Dans ce registre, la conséquence c'est que les acteurs
des médias au Congo se sont approprié « Internet comme un
support de diffusion plutôt qu'un mode d'écriture de
l'actualité»20(*).
Il appartient donc d'une part aux dirigeants de saisir les
avantages du numérique (dans la gestion des fréquences ou en
matière de télévision numérique terrestre) et aux
journalistes d'autre part de s'adapter à l'horizontalité
qu'impose le web-journalisme. Il ne s'agit ni de se mettre à la marge ni
de céder aux illusions technologiques, mais de faire des choix
adaptés au développement auquel le Congo aspire.
Environnement juridique et institutionnel
La marche vers la liberté de la presse au Congo est
étroitement liée aux conjonctures politiques. La
démocratisation de la vie politique a pour cela constitué un
tournant pour l'avènement de la liberté d'expression et d'opinion
telle que définie par la Déclaration universelle des droits de
l'homme de 1948. Pour prendre comme repère historique la
réalité congolaise, on peut dire que la liberté de
l'information au Congo est advenue au rythme de grands épisodes de la
vie politique nationale à travers des événements telle que
la conférence nationale souveraine de 1991. Cette conférence
marque le début d'une ère nouvelle et jette les bases d'une
législation sur les médias. Ainsi, la liberté de la presse
sera reconnue et garantie par les constitutions de 1992 et 2002.
Cadre juridique
La liberté de presse au Congo a été
proclamée pour la première fois par la Constitution du 15 mars
1992. Plus précisément par la loi n° 30/96 du 02 juillet
1996 qui a doté le Congo d'un cadre législatif sur la presse.
À la suite des conflits armés de 1997, la loi du 02 juillet 1996
jugée dangereuse a été abrogée par la loi n°
8-2001 du 12 novembre 2001 sur la liberté de l'information et de la
communication. Cette loi sur la liberté de l'information et de la
communication compte 422 articles dont 174 réservés à la
presse écrite et audiovisuelle. Sur les 174 articles, 56 portent sur les
peines à infliger aux journalistes en cas d'infraction. Comme bien des
législations, la loi sur la presse au Congo -- Brazzaville comporte des
dispositions normatives et répressives. Les journalistes en porte
à faux avec la loi s'exposent à des sanctions pénales et
administratives. Par exemple, les amendes prévues par cette loi vont
jusqu'à trois millions de francs CFA, un montant pouvant être
considéré trop élevé au regard de la conjoncture
économico-financière actuelle de la presse congolaise. Par
ailleurs, les poursuites judiciaires contre les journalistes étant
souvent mal perçues, un code de déontologie professionnelle
participe à la construction d'une éthique professionnelle en vue
de prévenir toute dérive possible. « Il s'agit d'un code
d'honneur qui fixe les droits et devoirs applicables à l'ensemble des
métiers de l'information et de la communication », peut-on lire
dans le préambule du code de déontologie des journalistes au
Congo.
Pour revenir à la loi N°8-2001 du 12 novembre 2001
sur la liberté de l'information et de la communication, notons que cette
dernière donne les grandes orientations sur le régime de
l'information et de la communication qui est celui de la libre entreprise. A
l'article 35 par exemple de cette loi, la possibilité est
accordée à toute personne physique ou morale de créer un
journal. Aux termes de cette disposition, la création des entreprises de
presse n'est soumise à aucune restriction. La publication d'un journal
est donc libre ainsi que la création d'une station de radiodiffusion ou
de télévision. Néanmoins, un certain nombre de
formalités administratives constituent un préalable à
respecter, notamment une déclaration auprès du procureur de la
ville dans laquelle le journal sera produit ; une fois obtenue, cette
déclaration tient lieu d'autorisation... Même si la loi fait
obligation à tout individu qui désire lancer une publication ou
une chaîne audiovisuelle de déclarer le capital de la
société propriétaire, on déplore cependant qu'il
n'y ait pas un montant standard fixé avant de se lancer dans la
diffusion de l'information. L'OCM épingle dans son rapport sur
l'état de la presse en 2005 quelques manquements : « Il manque
donc, un texte qui précise : les conditions de création d'une
entreprise de presse ; les obligations de l'employeur et du travailleur ;
l'exercice du droit syndical et de liberté d'opinion ; les conditions
d'emploi, de conclusion du contrat de travail, de la période d'essai, de
l'engagement définitif, de la formation professionnelle, de l'avancement
et du reclassement, des affectations, de la suspension du contrat de travail,
sans oublier les cas de maladies et d'accidents professionnels, de grossesse et
de maternité, de mise en disponibilité, de chômage
économique et technique, des préavis, d'indemnité de
licenciement, de mise à la retraite, du décès du
salarié, des congés, des primes, etc.21(*) ».
Qui plus est, malgré le caractère
d'intérêt général de la presse - reconnu à
l'article 7 de la loi n°8 - 2001 du 12 novembre 2001- celle-ci n'a pas
encore bénéficié d'un régime fiscal spécial
et ni de tarifs préférentiels pour les envois des
journaux22(*).
Cette accumulation d'insuffisance au niveau juridique peut
être considérée comme étant une des causes, entre
autres, du non-respect des cahiers de charge et du non-respect, « du droit
à une rémunération de nature à garantir
l'indépendance du journaliste » (art.94) et, par conséquent,
expose le journaliste à la « corruption active ou passive »
contraire à la dignité professionnelle. (Art101).
Quoi qu'on dise, cet arsenal juridique a participé au
développement de la libre entreprise, du pluralisme des courants de
pensées et d'opinions ; la liberté d'accès aux sources
d'information et à la dépénalisation des délits de
presse. Dans cette optique, un organe de régulation des médias a
été créé avec pour mission de veiller au respect
des lois et textes qui fixent les limites de la liberté d'expression et
déterminent les conditions dans lesquelles doivent ou devraient exercer
les professionnels de l'information et de la communication en république
du Congo.
Organes de régulation
On en distingue deux : le conseil supérieur de la
liberté de communication (CSLC) dont l'indépendance
vis-à-vis des pouvoirs politiques est sujette à caution et
l'observatoire congolais des médias (OCM) qui regroupe essentiellement
les professionnels des médias et représente la
société civile à travers un monitoring qui souffre
d'insuffisance de moyens (humains, techniques et financiers).
Conseil Supérieur de la Liberté de
Communication
Conformément à la Constitution congolaise du 20
janvier 2002, il a été mis en place un organe de
régulation des médias appelé Conseil supérieur de
la liberté d'information et de communication (CSLC), l'équivalent
de l'autorité des médias sous d'autres cieux. Ce conseil fait
partie des autorités administratives indépendantes (Placide
Moudoudou & Jean-Paul Markus, 2005). Sa mise en place a sans doute
été inspirée par le libertinage, le manque de
professionnalisme ou les dérives déontologiques observées
au sein de la presse congolaise au lendemain de la conférence nationale
souveraine. En dehors de la constitution, on peut citer deux lois
particulières applicables aux médias en République du
Congo : il s'agit de la loi n° 8-2001 du 12 novembre 2001 sur la
liberté de l'information et de la communication et la loi n°
15-2001 du 31 décembre 2001 relative au pluralisme dans l'audiovisuel
public. Pour revenir au CSLC, c'est la loi organique n° 4-2003 du 18
janvier 2003 qui va déterminer les missions, l'organisation, la
composition et le fonctionnement de cet organe chargé de la
régulation des médias et de la communication.
Les missions du CSLC
Composé de 11 membres, le CSLC dispose d'un «
pouvoir normatif23(*)» qui lui permet d'attribuer ou de retirer la
carte de journaliste professionnel, les fréquences, les
accréditations. Concernant à l'attribution de la carte
professionnelle aux journalistes, rien n'a été fait dans le sens
de son obtention au moment où nous concluons cette étude. Cette
noble institution constitutionnelle a aussi compétence de fixer les
règles pour la durée des campagnes électorales. La loi
reconnaît au CSLC le pouvoir de sanction, mieux de suspension d'une
entreprise médiatique qui ne se conforme pas aux dispositions
légales en vigueur ou celles contenues dans le cahier de charges. Dans
la même optique, il lui est reconnu un « pouvoir de conciliation
» et un autre « consultatif ». Il sied cependant de signaler que
le pouvoir de sanction conféré au CSLC couvre une mission de
contrôle des entreprises médiatiques dont la «
finalité [...] est de vérifier que ces entreprises se conforment
bien ou non aux lois, aux règlements et aux cahiers de charges dans
l'exercice de leurs activités24(*)». La suspension des journaux, radio ou
télévisions est une pratique courante du CSLC. Certains acteurs
de la presse y voient d'ailleurs un moyen subtil de restreindre la
liberté de la presse. Mais disons-le, le rôle du CSLC n'est pas
uniquement de sanctionner, mais également de promouvoir le
professionnalisme et le respect de la déontologie professionnelle.
C'est-là le cheval de bataille de l'observatoire congolais des
médias qui plaide pour « la formation et la médiation »
pour plus de professionnalisme.
Pour une meilleure régulation des médias, le
CSLC garantit l'égalité d'accès aux médias
(publics) en période électorale dans le souci d'éviter
toute discrimination et de veiller au pluralisme des opinions. D'où
« la mission de répartition de temps d'antenne, dans l'audiovisuel
public, entre les partis, groupements politiques et les
individualités25(*)» sur la base du principe d'équité.
La mission de répartition concerne aussi la répartition des aides
de l'Etat dont l'effectivité est toujours attendue par les promoteurs
des entreprises de presse.
Les limites du CSLC
Dans l'exercice de ses missions, le CSLC est souvent
confronté à des difficultés diverses. D'un point de vue
technique, cette institution ne dispose pas à ce jour d'un plateau ou
équipement technique lui permettant d'assurer simultanément le
monitoring des programmes de chaînes de radios et de
télévisions. Le CSLC prouve ainsi ses limites à
contrôler intégralement la presse audiovisuelle aussi bien
à Brazzaville que dans les autres localités du pays, parce
qu'encore mal équipé et dépourvu d'un personnel
adéquat. Cette remarque est valable pour ce qui est du contrôle
des contenus des messages sur le Web. Sachant que le CSLC ne dispose pas encore
d'un site Web ou du moins d'une connexion permanente au Web, ce contrôle
reste pour l'instant mission impossible surtout dans la presse en ligne.
Faut-il encore le rappeler, le Web a renforcé les défis des
médias à l'ère du numérique, surtout pour le CSLC,
appelé à jouer le rôle de la police des ondes ou de la
communication. Mais, il faut également faire attention ici, sous le
couvert de l'exercice des missions de contrôle, de porter atteinte
à la liberté d'information à travers le
développement d'un contrôle d'internet comme c'est le cas en
Chine.
Sur le plan politique, le CSLC n'est pas exempt des manoeuvres
politiciennes. L'universitaire Placide Moudoudou souligne qu'il ne parvient
toujours pas à mettre la presse écrite, la radio et la
télévision à l'abri des pressions politiques26(*). Les difficultés
restent alors nombreuses quand on sait par exemple que la nomination
récente d'un homme politique à la tête de cet organe n'est
pas de nature à rassurer les professionnels des médias. Ainsi,
les obstacles à l'action du CSLC sont d'autant plus réels que
Roger Yenga en distingue deux : « La première difficulté
est relative à la modicité des moyens mis à sa
disposition, chaque année, dans le budget de l'État [...]. La
deuxième difficulté concerne les réticences politiques qui
se caractérisent essentiellement par la crainte d'une véritable
indépendance du Conseil Supérieur de la Liberté de
Communication. Le décret n°2006-56 du 16 février 2006 fixant
des modalités d'accréditation des journalistes professionnels
exerçant pour le compte des organismes de presse étrangère
en république du Congo en est la preuve. En effet, poursuit-il, en
violation de l'article 18 alinéa 3 de la loi organique n°4-2003 du
18 janvier 2003, ce décret confie l'attribution et le retrait des
accréditations au ministère des affaires
étrangères, après avis du Conseil Supérieur de la
Liberté de Communication. Or, [...] l'alinéa
précité confie la compétence exclusive de l'attribution et
du retrait des accréditations au Conseil Supérieur de la
Liberté de Communication. L'article 18 précité ne fait
mention ni du ministère des affaires étrangères, ni d'un
quelconque rôle consultatif que doit jouer le Conseil Supérieur de
la Liberté de Communication27(*)».
L'Observatoire Congolais des médias (OCM)
Il a été créé le 23 février
2002 à l'initiative des animateurs du bihebdomadaire catholique La
semaine africaine et de l'hebdomadaire protestant (Église
évangélique du Congo) Le Chemin28(*). Après la
conférence nationale souveraine en 1990, un besoin de professionnaliser
les médias s'est fait sentir suite aux dérives professionnelles
qui avaient suivi la libéralisation de l'information en
République du Congo. Il s'agit d'une structure d'autorégulation
ou d'une sorte de tribunal des pairs ayant pour but :
d'améliorer les prestations des journalistes en
matière des médias et de veiller à l'éthique et
à la déontologie ;
de défendre le droit des citoyens à une
information honnête et de favoriser un partenariat avec tous les
organismes poursuivant le même objectif.
L'OCM s'était aussi donné un rôle de
médiateur en privilégiant le règlement des
problèmes à l'amiable, c'est-à-dire par la
négociation, le dialogue plutôt que par la suspension. Depuis sa
mise en place, l'OCM a deux activités principales : une activité
ponctuelle qui consiste à organiser des séminaires, des
rencontres et des colloques pour des formations continues à l'intention
des journalistes et une activité permanente qui n'est autre que le
monitoring. Il s'agit de lire les journaux et de relever les fautes
déontologiques commises par les chevaliers de la plume et du micro. Un
rapport mensuel est par la suite remis à tous les promoteurs des
médias dont l'idéal est de mettre un terme aux atteintes à
la moralité ou à l'objectivité. Malheureusement, le
travail de monitoring, faute de moyens techniques, se limite à la presse
écrite dont les supports (archives) sont disponibles et facilement
accessibles.
Actuellement, malgré quelques projets
réalisés en partenariat avec l'Union européenne, le
Programme des Nations Unies pour le Développement ou l'Unesco, l'OCM
vivote depuis que l'ONG suédoise Vie et Paix venue au Congo dans le
cadre de la pacification du pays après les conflits armés de 1997
a quitté le Congo.
En dépit de cet environnement juridique et
institutionnel ayant pour intention, voire mission, d'encadrer la
liberté de l'information et de la communication, les fautes
professionnelles dues à l'irrespect des principes déontologiques
sont fréquentes, ainsi que l'indiquent les sanctions prononcées
par le CSLC à l'encontre de certains périodiques.
La liberté de presse au Congo
Depuis 1997, les délits de presse sont
dépénalisés au Congo-Brazzaville. Malgré les
tensions politiques et les envolées éditoriales de certains
médias, cette mesure prise par le Chef de l'État marque un
tournant dans l'histoire de la presse et de la démocratie au Congo.
Reporters Sans Frontières (RSF) estime d'ailleurs que la «
situation des journalistes à Brazzaville est meilleure qu'à
Kinshasa29(*)». En
2014 et 2013, la République du Congo est classée respectivement
au 82e et 76e rang selon le Classement mondial de la liberté de la
presse publié par RSF. Ce classement place le Congo dans le carré
des pays ayant une « situation plutôt bonne ». Cependant, se
limiter à cette évocation serait fermé les yeux sur une
« liberté de presse en demi-teinte », au regard de menaces de
tout genre, des nouvelles formes de censures et des restrictions aux sources
d'information.
En effet, « relativement à l'abri de la
répression brutale, les médias congolais sont exposés aux
menaces, intimidations et poursuites judiciaires. En dépit d'une loi
dépénalisant les délits de presse, les journalistes
travaillent dans la peur et recourent à l'autocensure. Noyé sous
des affaires de corruption au plus haut niveau de l'État, le
cinquième producteur de pétrole d'Afrique subsaharienne peine
à voir émerger des voix dissidentes au pouvoir autoritaire et
népotique du président ». Reporters Sans Frontières
rapporte qu'à Brazzaville, le 15 juillet 2009 par exemple, jour des
résultats de l'élection présidentielle, Arnaud Zajtman et
Marlène Rabaud, envoyés spéciaux pour la chaîne de
télévision France 24 et Thomas Fessy, correspondant de la BBC
World Service ont été agressés par la police alors qu'ils
couvraient une manifestation de l'opposition. Sommés de quitter les
lieux, les journalistes ont été violentés et leurs
équipements leur ont été confisqués. Bien avant la
date du 15, le 12 juillet, jour du scrutin, une douzaine d'agents de
sécurité du service des renseignements congolais, a fait
irruption à l'Hôtel Saphir et prétextant une interview, ont
demandé à voir Catherine Ninin, de Radio France Internationale
(RFI), envoyée spéciale à Brazzaville. Le soir même,
la journaliste recevait des menaces par téléphone d'un assistant
du Président tandis que deux groupes supplémentaires d'agents de
sécurité montaient la garde au pied de l'hôtel toute la
nuit. En dehors de ces obstacles, les violences flagrantes de la liberté
de presse et les exactions contre les journalistes sont rares, mais pas
inexistantes autant que des pesanteurs administratives en matière de
liberté de presse au Congo sur des dispositions comme l'offense au Chef
d'État, la "manipulation de l'opinion", "l'atteinte à l'honneur
et à la considération de certaines autorités de
l'État30(*)" ou
"l'incitation à la haine tribale et ethnique31(*)" qui donnent au CSLC le droit
(ou un alibi ?) de suspendre un média doivent être définies
pour mettre un terme aux "suspensions arbitraires".
2 Paysage médiatique congolais
Actuellement, le paysage médiatique congolais est
composé d'une pluralité des médias (plus de 40 journaux,
télévisions et radios) que l'on ne saurait toutefois comparer
à celle de ses voisins le Cameroun et la République
démocratique du Congo qui comptent chacun des centaines de journaux, de
télévisions et de radios. Ces statistiques ne reflètent
guère la vraie réalité des médias au Congo en
termes de pluralisme de l'information, de modèles économiques, de
fonctionnement et d'indépendance. Pour mieux cerner l'univers
médiatique national actuel, une analyse rétrospective de la
situation de médias au Congo s'impose. Comme dans presque tous les pays
africains, l'histoire de la presse au Congo est marquée par trois types
de presse : la presse des colons, la presse des missionnaires et la presse des
Congolais. Et dans tous les cas, la presse (écrite et/ou audiovisuelle)
en Afrique en général et au Congo en particulier est le fruit
d'un transfert de techniques, d'installations et de savoir-faire allant du Nord
vers le sud. Le sociologue français Rémy RIEFFEL parle d'une
culture matérielle importée et domestiquée partout dans le
monde32(*).
2.1 L'émergence
de la presse écrite
Contrairement à la télévision et la
radio, l'histoire de la presse écrite au Congo est encore mal connue. De
ce fait, elle se confond avec l'histoire de l'hebdomadaire catholique La
semaine africaine, le plus vieux journal congolais, devenu aujourd'hui
bihebdomadaire. Créé en 1952, il est la référence
dans l'histoire de la presse écrite congolaise qui commence à
prendre corps dans les années 1950. Toutefois, des documents à
valeur historique et scientifique permettent de situer le début de la
presse au Congo à partir du XIXe siècle. La presse est alors
essentiellement une presse coloniale et le fruit d'une initiative
étrangère conduite par les colons ou les missionnaires sur le sol
congolais. Ainsi, on peut distinguer cinq grandes périodes dans
l'histoire de la presse écrite congolaise.
Les journaux précurseurs
La première période ou la période des
journaux antérieurs à l'audiovisuel va des années 1800
à l'adoption de la loi-cadre Defferre le 23 juin 1956. Au cours de
cette période, la presse est presque essentiellement une presse
coloniale/missionnaire et le fruit d'initiatives des étrangers au Congo
et animée par les missionnaires et les colons. Sans doute, l'impact des
progrès scientifiques et surtout les deux grandes guerres mondiales ont
beaucoup prévalu aux destinées de la presse en terre congolaise.
Toutefois, l'histoire contemporaine de la presse nous renseigne que le Congo
est l'une des colonies françaises où la presse écrite est
apparue un peu tardivement. De manière chronologique, il a fallu
attendre 1938 avant que Paris-Congo ne paraisse sur le sol congolais, tandis
que France-Afrique est créé en 1933 à Abidjan et
Paris-Dakar (premier quotidien d'Afrique noire) est fondé en 1935 par
Charles Breteuil33(*).
Parmi les initiatives sus mentionnées, l'une des plus
connues est la revue Liaison qui fit son apparition en 1949 avant de
disparaître en 1960. « Comme son nom l'indique, c'est un organe de
liaison entre les cercles culturels de l'Afrique Équatoriale
Française (AEF) dirigée par le Général Félix
Eboué. À vrai dire, la revue liaison n'est pas un organe de
presse, mais plutôt une tribune où les jeunes intellectuels
congolais liment la cervelle en mettant en exergue leurs talents
littéraires34(*)». Donc, le premier journal imprimé au
Congo est le journal officiel de l'Afrique équatoriale française
(AEF) qui paraissait le premier et le quinze de chaque mois. L'entreprise
éditrice était le service du gouverneur général.
Cette revue, Liaison, fut animée par des intellectuels congolais comme
Paul TCHIBAMBA, Jean MALONGA et MAMBEKE Boucher. Après Liaison, il y a
eu AFP Nouvelle, L'information africaine et Carrefour des jeunes comme
périodiques.
|
Bien avant l'apparition de la revue Liaison, il existe des
traces d'un « journal bimensuel : La Catapulte, édité
à Brazzaville en 1941 par les élèves du camp Colonna
d'Ornano » avant que le prêtre missionnaire Jean de Gall fonde, en
1947, un bimensuel qui parait tous les quinze jours appelé Brazzaville.
« L'intérêt des lecteurs pour Brazzaville conduit le
père de Gall à fonder un journal local. Le 4 septembre 1952, la
semaine de l'AEF sort sa première édition hebdomadaire. Le
journal couvre alors les quatre territoires de l'Afrique Équatoriale
Française (AEF). À la dislocation de l'AEF suite aux
indépendances intervenues, la Semaine de l'AEF change de nom et devient,
en 1960, La semaine africaine ».
|
Quelques titres de la presse
écrite congolaise avant l'indépendance
Titre
|
Tirage
|
Date de création
|
Périodicité
|
Editeur
|
Le Congo français
|
|
1899
|
|
Administration coloniale
|
L'Etoile de l'AEF
|
|
1928
|
|
Administration coloniale
|
Le Journal de l'AEF
|
|
1932
|
|
Administration coloniale
|
L'AEF
|
|
Juin 1943
|
|
Administration coloniale
|
AEF Nouvelles
|
|
1948
|
Hebdo
|
PPC
|
L'Equateur
|
|
1950
|
Quotidien
|
|
Carrefour des jeunes
|
|
1950
|
3x/semaine
|
|
Liaison
|
|
1950
|
|
|
L'Informateur africain
|
6000
|
1950
|
|
RDA
|
France Equateur
|
|
1952
|
|
|
La semaine de l'AEF
|
|
1952
|
Hebdo
|
Eglise catholique
|
L'Islam de l'AEF
|
2000
|
1954
|
|
|
Le Progrès
|
|
|
|
UDDIA
|
L'Essor
|
|
|
|
MSA
|
France Equateur avenir
|
|
1958
|
Hebdo
|
|
Sources: Observatoire de l'information
L'expérience du pluralisme de l'information et
de la liberté de presse
C'est cet intervalle temporel qui s'étend de 1957
à 1963. Dans ce laps de temps, les six premières années
suivant l'adoption de la loi-cadre Defferre sont marquées par un
pluralisme politique ayant pour corollaire le pluralisme de l'information.
Cette liberté de presse est pour toute la presse africaine un
héritage du décret du 27 septembre 1946, par lequel le
gouvernement français avait décidé que l'ordonnance du 13
septembre 1945 modifiant la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la
presse, devait désormais être applicable dans toutes les colonies
françaises (Adoni Sokemavu John-Bosco, 2000). Ce qui a entre autres
également développé la presse en langues africaines et la
formation de quelques indigènes aux rudiments du journalisme. Dans le
cas du Congo, le pluralisme de l'information se lit à travers la
diversité des titres qui représentait tant la
société civile que toutes les sensibilités politiques de
l'époque. Ainsi, après le lancement de La semaine de l'AEF
(aujourd'hui La semaine africaine) par l'Église catholique en 1952, six
ans plus tard, lorsque plusieurs partis politiques sont créés
à la suite de la loi-cadre de Gaston Defferre, des journaux proprement
congolais voient le jour. Parmi ces titres figurent en bonne place : Le
progrès du parti Union pour la défense des intérêts
africains de l'abbé Fulbert Youlou, L'essor du Mouvement socialiste
africain de Jacques Opangault ainsi que d'autres périodiques comme
L'indépendant et La croix du sud. Ces derniers titres ont survécu
peu après la chute de l'abbé Fulbert Youlou en 1963.
Le règne d'une presse aux ordres
Cette période correspond aux 27 ans de règne des
régimes marxistes-léninistes dictatoriaux en République du
Congo. Dans un contexte de guerre froide, les nouveaux dirigeants
arrivés au pouvoir après la chute de l'abbé Fulbert Youlou
optèrent pour le bloc communiste. Ce fut la fin d'une presse pluraliste
et le début d'une presse idéologique et du monopole du parti-Etat
sur l'information.
Ainsi, de 1963 à 1990, la presse congolaise sera quasi
essentiellement une presse gouvernementale, c'est-à-dire au service des
dirigeants politiques, exception faite de La semaine africaine, un organe
appartenant à l'Église catholique qui a
bénéficié d'une sorte d'immunité religieuse. Avec
l'arrivée du Président Alphonse Massamba-Débat au pouvoir,
de nouveaux titres firent leur apparition. Parmi ces titres, on peut citer
"Dipanda", La voix africaine, "Mwinda", La nouvelle congolaise, Le journal de
Brazzaville, "Basali ba Congo" devenu La voix de la classe ouvrière et
produit par la confédération syndicale congolaise, "Kento ya
Congo" de l'Union révolutionnaire des femmes du Congo (URFC) et La voix
de révolution. Lorsque le socialisme scientifique, prôné
par le Président Massamba-Débat, est adopté comme mode de
conduite des affaires publiques en République du Congo, les journaux qui
ne s'étaient pas pliés à la ligne éditoriale du
parti unique (le Mouvement national de la révolution), furent simplement
interdits de parution. Dans ce bouleversement, le MNR crée son propre
organe de presse "Etumba" en vue de promouvoir les idéaux du parti,
conscientiser les masses populaires sur les questions idéologiques.
"Etumba" deviendra plus tard l'organe central du Parti congolais du travail
(PCT). Quelques années plus tard, à l'initiative du PCT, le
journal "Mweti", quotidien national d'informations, voit le jour. Lancé
en 1977, ce quotidien considéré comme un journal gouvernemental
d'informations, était au départ un bihebdomadaire avant de
paraître trois et puis quatre fois par semaine. Sous l'impulsion de M.
Christian Gilbert Bembet alors ministre de l'information, un magazine
(Congo-Magazine) et un hebdomadaire sportif (Le stade) sont
créés. Fusionnés à Mweti, ces deux
périodiques vont donner naissance au groupe de presse gouvernemental La
Nouvelle république qui devait compter trois éditions : une
édition quotidienne, une édition magazine et une autre sportive.
À ce jour, seule l'édition hebdomadaire parait de façon
sporadique.
Titre
|
Tirage
|
Date de création
|
Editeur
|
Dipanda
|
10.000
|
Octobre 1963
|
Gouvernement
|
Etumba
|
3000
|
Février 1965
|
Mouvement national de la révolution
|
Mweti
|
3000
|
1977
|
Gouvernement
|
La Semaine africaine
|
6000
|
1952
|
Eglise catholique
|
Congo magazine
|
2500
|
|
Gouvernement
|
Soldat du peuple
|
2000
|
|
Forces armées congolaises
|
La voix de la classe ouvrière (VOCO)
|
1500
|
|
CSC
|
Jeunesse et révolution
|
2500
|
|
Union de la jeunesse congolaise
|
L'Homme nouveau
|
3000
|
1960
|
Gouvernement
|
L'éveil de Pointe-Noire
|
400
|
|
|
L'effort
|
|
1972
|
Ministère du plan
|
Le Sportif
|
|
|
|
Quelques titres de la presse écrite congolaise entre
1963 et 1990 (Sources: Observatoire de l'information)
"L'âge d'or" de la presse congolaise
La chute du bloc communiste dans les années 90 a
réouvert les portes du multipartisme et du pluralisme de l'information
ou de la liberté de presse au Congo-Brazzaville. Ici, on assistera
à la publication de plusieurs titres entre 1990-2000. Le
déchaînement de la parole entraînera aussi bien des
dérives que des vieux réflexes de tentatives de
bâillonnement de la presse de la part des autorités au pouvoir. Au
cours de cette période, la presse est très militante. Le manque
de préparation et de formation tourne à l'invective et à
la propagande. Pour encadrer la jouissance de la liberté de presse, la
loi n°30/96 du 2 juillet 1996 sera mise en place après les
états généraux de la presse. Jugée
scélérate, cette loi a été remplacée par la
loi n°8-2001 du 12 novembre 2001 sur la liberté de l'information et
de la communication estimée plus évolutive.
En effet, la fin de la conférence nationale souveraine
le 10 juin 1991 constitue, après la longue période de
monopolisation de la presse par l'État, l'une des étapes
importantes de l'histoire de la presse écrite congolaise marquée
par la création de nombreux nouveaux titres. À la fin de la
conférence nationale en 1991, il existait déjà plus de
« 86 périodiques35(*) ». La presse est alors partisane et dispose
de peu de moyens et manque de professionnels qualifiés. La faiblesse des
tirages est aussi très notoire.
Des 86 périodiques parus au lendemain de la
conférence nationale, rares sont ceux qui ont résisté au
temps. Et depuis 1991, les périodiques se sont multipliés au
Congo. Seulement, leur tirage a baissé restant parfois marginal et
excède rarement 2000 exemplaires. Marquée par des troubles
sociopolitiques, la décennie 1990-2000 est celle de l'apprentissage des
règles de la liberté de presse et du pluralisme de l'information,
mais aussi celle du rôle controversé des médias dans la
montée du tribalisme qui a attisé les passions des guerres
civiles. Ces guerres civiles ont occasionné aussi bien la mort de
nombreux journalistes que fragilisé et anéanti gravement tous les
acquis d'un apprentissage et d'un début douloureux.
Le renouvellement du paysage médiatique
À partir de 1997, la flamme de la presse congolaise
s'était éteinte, suite aux conflits armés, pour se
rallumer en début des années 2000 qui marquent la fin des
conflits armés au Congo. Dans un sceptre de guerre pour le pouvoir,
l'information officielle était érigée en
vérité et toute voix discordante assimilée à la
défense des milices rebelles. Il faut attendre le retour progressif
à la paix pour que soit exorcisée la peur et relancé un
secteur meurtri par la guerre.
C'est alors que la floraison notée
dans la presse écrite congolaise en 1991 sera de nouveau perceptible
avec la naissance de nouveaux titres comme Talassa créé
en 2001, Boponami (2012), Le Troubadour et bien d'autres.
De 86 périodiques en 1991, le Congo disposait de 44
différents titres « dont 40 paraissant à Brazzaville, 2
à Pointe-Noire et 2 à Dolisie36(*)» en 2005 contre 54 journaux recensés en
2007 par le Conseil supérieur de la liberté de communication
(CSLC), « dont 13 paraissant plus ou moins
régulièrement ». Plus récemment, en 2011, les
services du ministère de la communication ont recensé 50
périodiques37(*).
En dehors de La semaine africaine et de la
Nouvelle République qui sont respectivement vieilles de 60 et
37 ans, la majorité des périodiques participant actuellement au
paysage médiatique congolais ont vu le jour après la guerre
civile de 1997. Hormis La Rue-Meurt, hebdomadaire d'opposition
(à la périodicité très irrégulière
depuis un certain temps) créé en 1991, la plupart des journaux
nés de la Conférence Nationale souveraine ont disparu. Le
Patriote, Talassa, Les Dépêches de Brazzaville et
l'Observateur sont tous des créations récentes,
c'est-à-dire, lancée après 1997.
Depuis ses débuts, la presse congolaise est une presse
urbaine plutôt que nationale. Elle dispose d'un lectorat fantôme,
l'information y est très politisée et elle se cantonne dans la
couverture des activités officielles et institutionnelles.
Au cours de l'année 2011, les services du
ministère de la communication ont recensé 17
« industries graphiques38(*) » au Congo, soit 16 imprimeries
privées sur une seule et unique imprimerie appartenant à
l'État congolais. À ce jour, l'imprimerie nationale,
créée en 1909, n'existe plus que de nom. Il sied de signaler que
de tous les organes de presse écrite congolais, y compris ceux de notre
corpus, la Semaine africaine, les Dépêches de
Brazzaville et le Chemin sont les seules entreprises
médiatiques possédant une imprimerie.
Caractéristiques de la presse écrite
congolaise
Il est question ici d'un certain nombre de détails
à partir desquels on peut distinguer la presse écrite congolaise
tels que l'identité éditoriale, le lectorat, la
présentation physique ou encore le type d'information et les genres
journalistiques de cette presse.
Aspect physique des titres
Physiquement, les titres congolais offrent des
caractéristiques communes aussi bien dans le fond que dans la forme. En
effet, la quasi-totalité des périodiques paraissant en
République du Congo, non seulement utilisent le format A3 (42 cm H x
29,7 cm l), mais aussi impriment sur trois (3) à six (6) colonnes. Pour
ce qui est du nombre de cahiers utilisés, peu de journaux, à
l'exception de la Semaine africaine qui atteint parfois 6 cahiers (24
pages), les Dépêches de Brazzaville 4 cahiers (16 pages)
ou Talassa dont, à certaines occasions, des suppléments
font passer le nombre de cahiers de trois à cinq, impriment sur plus de
trois (3) cahiers (12 pages). Donc, pour le reste des périodiques, le
nombre standard de cahiers est trois. Par ailleurs, il n'est pas rare de noter
des journaux comptant un cahier (Vision Nouvelle) ou deux
(Echos-News777). Il en est de même pour le nombre de rubriques
qui varient entre cinq et dix.
En toute vraisemblance, l'impression de la presse congolaise
se fait soit totalement en noir (la semaine africaine, Maintenant)
soit sur deux couleurs. La seconde couleur étant réservé
au nom de l'organe et aux principaux titres à la une : noir
bleu (Le Patriote, la Nouvelle République, les Dépêches
de Brazzaville, la Griffe...); noir-vert (Talassa) ou noir rouge
(Le Trottoir, la Voix du Peuple).
Présentation éditoriale et contenu
informationnel
Dans cet ensemble presque homogène constitué
essentiellement de journaux d'opinions, on ne distingue ni presse
spécialisée ni presse féminine/féministe ou presse
régionale/provinciale. Malgré les initiatives tel que Cri de
Femmes de Sylvie Messo (lancé à Pointe-Noire) ou le
Fanion (aujourd'hui en faillite), qui se voulait, en ses débuts, un
journal sportif comme le Stade du groupe de presse La Nouvelle
République, la presse écrite congolaise reste
foncièrement une presse généraliste.
De manière générale, nombre de journaux
congolais n'ont pas une ligne éditoriale clairement définie. Ils
« oscillent entre indépendance et soumission non avouée
aux bailleurs de fonds dans l'ombre ». « Cet
état de choses, explique Carmella Dorelle, résulte de ce
que le financement de la plupart des journaux n'est pas assuré par les
créateurs des organes eux-mêmes39(*) ».
L'actualité politique est le dada de la presse
écrite congolaise considérée très politisée.
« Dans la quasi-totalité des journaux, elle [actualité
politique] occupe 8 pages sur 12, soit près de 66 % de la surface
imprimée totale40(*)... ». Une étude sur les questions de
population et de développement dans la presse écrite congolaise
fait le constat selon lequel il existe « très peu
d'enquêtes » dans les journaux congolais dont les acteurs
demeurent dans des activités de couverture quotidienne de
l'actualité : ouverture d'un séminaire de formation,
inauguration d'un chantier, coupure de ruban, visite de travail... Ainsi,
« en donnant un large écho aux sujets politiques, la presse
congolaise relègue les autres sujets au second plan41(*) ».
Les genres journalistiques dans la presse écrite
congolaise
La presse écrite congolaise s'appesantit et se consacre
moins aux faits. Les commentaires, l'analyse et l'interview sont les principaux
genres journalistiques les plus usités et répandus à
travers les colonnes des périodiques au Congo.
« La prédominance du reportage, du
commentaire et de l'interview n'est pas forcément synonyme de
qualification et de compétence chez les auteurs des articles comme cela
pourrait le laisser croire, écrit Guy Noël Sam'Ovey. Au
contraire, poursuit-il, elle est plutôt le fait de la
combinaison de plusieurs facteurs négatifs qu'on trouve chez la plupart
des journalistes congolais : faible niveau de qualification
professionnelle, peu de connaissances des cadres juridiques et professionnels,
peu de maîtrise de la langue française, absence de documentation
personnelle, manque d'habitude de lecture et de fréquentation des
bibliothèques et autres centres d'information et de documentation, peu
d'enthousiasme pour un travail de fond42(*)».
Ainsi, la prédominance du commentaire comme genre
journalistique dans la presse congolaise entraîne de facto à un
discours monologue par lequel, l'énonciateur (journaliste) cesse
d'être médiateur pour jouer beaucoup plus le rôle de
prescripteur ; se mettant ainsi dans la peau du citoyen qu'il entend
informer, et mieux convaincre, mais qu'il prive de parole dans ses articles.
Une presse urbaine
« La presse congolaise a une
pénétration quasi-nulle dans l'arrière-pays43(*) », écrit J. C
Gakosso. Lequel estime, à juste titre, que cela s'explique par la
concentration des populations dans les grandes agglomérations, le
pouvoir d'achat faible et l'analphabétisme (souvent très
élevés en milieu rural) et un réseau national de
communication défectueux rendant l'accès aux localités
secondaires très difficile.
Partant, c'est donc à Brazzaville (capitale politique)
et Pointe-Noire, la capitale économique, les deux principales
agglomérations, dans lesquelles on note une forte concentration de la
population et la présence d'un certain nombre d'infrastructures de base,
qu'est diffusée la presse papier. Mais dans la plupart des cas, les
journaux congolais sont édités à Brazzaville où
sont implantées les imprimeries. D'ailleurs, cette presse ne traite
souvent que de l'actualité citadine : le quotidien ou les
réalités de la campagne quant à elles sont
évoqués à l'occasion d'une "visite de travail"
organisée par un ministre ou lors d'une "descente parlementaire"
lorsqu'il s'agit d'un parlementaire. En dépit des tentatives
d'acheminement des journaux à l'intérieur du pays, des organes de
presse tels que Talassa, Le Patriote, La Semaine africaine et bien
d'autres, n'ont jamais réussi à mettre fin au retard avec lequel
les journaux sont livrés. Qui plus est, les tarifs fixés par des
agences de messagerie ou de transport n'encouragent pas la diffusion de la
presse dans le Congo profond.
Un lectorat fantôme
L'audience de la presse congolaise n'est pas encore
mesurée et connue, cela d'autant plus que le projet d'enquête ou
de sondage sur le lectorat de la presse écrite congolaise
élaboré par la direction de la presse et de l'édition du
ministère de la communication n'a jamais été
réalisé « faute de moyens financiers44(*) ». La
méconnaissance du lectorat par les organes de presse est
étonnante d'autant plus que dans notre échantillon, à
l'exception du Patriote et de l'Observateur, aucun autre
périodique n'a pu donner une estimation sur son audience. Laquelle
demeure concentrée dans les grands centres urbains. Le prix d'un
imprimé, généralement fixé à 500 F CFA (1$
environ), est trop élevé entendu que plus de la moitié de
la population congolaise vit sous le seuil de pauvreté,
c'est-à-dire, avec moins d'un dollar par jour. Un écueil qui ne
saurait favoriser tant l'élargissement du lectorat de la presse que ses
recettes de vente au cash. Tout ceci combiné spécifiquement au
faible pouvoir d'achat des paysans et des ruraux, à l'illettrisme
anéantit les efforts et l'espoir d'élargir le lectorat de la
presse écrite. Le mauvais état des réseaux de
communication ne milite pas non plus à une large distribution de
journaux qui d'ailleurs souffrent d'un manque de messagerie (publique ou
privée).
Cependant, si l'on considère le faible pouvoir d'achat
de la population congolaise dans son ensemble, en dépit du taux
d'alphabétisation (92,1 % en 2011 selon le site officiel du
gouvernement) qui constitue un atout pour investir dans la presse
écrite, il convient de distinguer les potentiels clients des feuilles
imprimées des simples lecteurs. Car les lecteurs de la presse ne sont
pas essentiellement ceux qui déboursent de l'argent pour se procurer un
exemplaire. Ce qui offrirait un large éventail de lecteurs que seul un
sondage saurait déterminer le nombre. « Au-delà du
cercle des acheteurs de presse, les lecteurs sont beaucoup plus nombreux.
Chaque journal est lu par un ou plusieurs personnes dans la famille, au bureau,
dans les salles d'attente ou les bibliothèques45(*) ».
Pourtant, avec ce taux d'alphabétisation (92,1 %),
et fort du nombre d'interlocuteurs capables de lire et écrire le
français (56 % de la population totale) », le Congo,
notamment la presse écrite congolaise, peut atteindre et gagner un
lectorat large d'autant plus que 60 % de la population vit dans les grands
centres urbains. À cet égard, un rapprochement entre le taux
d'alphabétisation et le nombre réel des lecteurs de la presse
à travers la vente au numéro et les abonnements devrait
être envisagé, pour peu qu'on se donne une idée plus ou
moins claire sur l'audience de la presse écrite. Dès lors, il est
donc de l'intérêt des promoteurs des médias d'avoir une
parfaite connaissance, voire une maîtrise des différentes couches
socioprofessionnelles pour savoir qui lit quoi. Une telle étude devait
permettre non seulement aux périodiques de se spécialiser et de
viser un public précis, mais aussi de vendre les espaces publicitaires
en fonction tant de la taille du lectorat que de la place de l'annonce à
travers les colonnes d'un journal. Pour les médias qui ont construit ou
focalisé leur modèle économique sur la publicité,
le développement de la logique du marché leur impose de ne pas
ignorer que la culture de l'attention (logique basée sur le nombre
d'entrées, de visiteurs, de lecteurs...) constitue le fondement du
succès économique d'un média.
En résumé, la logique de la propagande l'emporte
sur la logique éditoriale dans la presse écrite congolaise depuis
la colonisation jusque dans les années 90. Inféodée
à l'administration coloniale ou aux partis politiques qui la soutenaient
financièrement, la presse s'est construite sur des bases partisanes. Le
boum médiatique observé après l'ouverture politique aux
débuts des années 90 - par la création de plus de 80
titres - illustre et renforce cette tendance de presse partisane parce que la
plupart des titres étaient rattachés, directement ou
indirectement, à un parti ou un homme politique : c'est le cas de
La Rue Meurt, proche de Bernard KOLELAS, Le Choc, Le Flambeau, La
Référence, Liberté, l'Espérance favorable
à Denis SASSOU-NGUESSO et Le Temps, La Corne Enchantée,
l'Alternative pro Pascal LISSOUBA. Dans les années 2000, la
situation n'a pas beaucoup évolué comme on va le voir à la
suite de cette partie.
Financement de la presse écrite congolaise
L'apport du financement classique demeure mitigé dans
l'activité éditoriale au Congo. Dans l'ensemble, la masse
salariale, l'impression et l'achat des intrants constituent des charges,
pourtant fixes, mais les plus lourdes.
La plupart des organes de presse reconnaissent être en
proie aux difficultés liées aux finances ou à la
disponibilité de certains éléments nécessaires
à la production matérielle d'un imprimé et évoquent
l'intérêt de l'aide publique à la presse mais, n'indique
pas clairement les stratégies mises en place pour surmonter ces
difficultés. Cet état de choses nous conduit à revisiter
les sources de financement classique de la presse (congolaise) en s'appuyant
sur le cas de Talassa.
Le financement direct
Les recettes de vente au numéro, par rapport aux
coûts de fabrication d'un journal, à la cherté des intrants
et au prix de vente pratiquée par des journaux tels que les
Dépêches de Brazzaville ou le Patriote, ne peuvent
permettre un retour sur investissement ou, comme le préconisait
Émile de Girardin, de « payer l'impression et la
distribution46(*)».
Car, dans la plupart du temps les recettes de vente ne sont bonnes que parce
que des journaux sont vendus à prix dérisoire : c'est le cas
des Dépêches de Brazzaville qui coûtait 100 francs
CFA (0,16 €) avant 2013, du patriote vendu à 200 F CFA ou la
Semaine africaine qui vend un exemplaire à 350 F CFA. Or, pour tous
ces organes qui indiquent des recettes de vente « bonnes ou
encourageantes », il convient de signaler que deux types de
tarification sont pratiqués : le prix de gros ; pour les
vendeurs à la criée qui achètent l'exemplaire à 60
F CFA pour les Dépêches de Brazzaville, 200 F CFA pour
La semaine africaine ou 300 F CFA pour Talassa en vue de les
revendre au prix indiqué dans le bandeau de chaque journal. En clair,
tout se passe comme si environ 40 % des recettes de vente étaient
investies dans la distribution des journaux déjà vendus en
deçà de leur prix de revient. Dans ces conditions, plus d'un
organe de presse écrite congolais est voué à
l'échec car, éditer un hebdomadaire qui tire à 1000
exemplaires est un suicide économique du fait que le seuil de
rentabilité se situe autour de 1500 exemplaires. Ce suicide
économique est évident du moins pour les organes tels que
Boponami, Maintenant ou Nouvelle vision dont le tirage ne
dépasse pas 1500 exemplaires. Cependant, le simple fait pour
Talassa par exemple d'atteindre, à certaines parutions, des
recettes de vente au numéro de 500 à 600.000 F CFA augure sans
doute des possibilités d'affaires. Le tableau ci-dessous donne plus de
détails sur les recettes de vente du bihebdomadaire Talassa
pour une période de plus douze (12) semaines.
Recettes de vente au numéro chez Talassa
Si l'exemple rapporté ne couvre pas une période
de longue durée (12 mois par exemple) pour permettre de tirer des
conclusions définitives, il a au moins le mérite de donner une
vue panoramique des ventes dans un périodique tout en gardant à
l'esprit qu'il y a des temps de récession et que, selon les
événements dans le pays et les sujets traités dans
l'actualité, les ventes peuvent être encourageantes ou non.Il sied
de noter que les disparités sur le volume de tirage d'une édition
à l'autre s'expliquent soit par le nombre de rames de papier
utilisées pour l'impression, soit par les pertes de papier
occasionnées par des machines encore très mécaniques.
Ainsi, à cause de la pénurie ou de la mauvaise qualité du
papier, le nombre d'exemplaires escomptés est souvent revu à la
baisse.
Pour ce qui concerne la périodicité qui n'est
pas fixe, l'obtention d'un encart publicitaire ou d'une annonce conduit souvent
les dirigeants à anticiper ou retarder la parution d'une nouvelle
édition de deux à trois jours ; cela au détriment du
besoin de fidélisation et de respect des lecteurs. Pour avoir
assuré la vente, la distribution et supervision de la production d'un
journal, nous pouvons considérer au regard des recettes de vente au
numéro, qu'il existe des possibilités d'affaires susceptibles de
contribuer à la viabilité ou la viabilisation des entreprises de
presse au Congo.
Comme cela peut transparaître, il est ici question
essentiellement de la vente des imprimés et non de l'espace
publicitaire. Les contrats ou le paiement des encarts publicitaires
étant souvent du ressort des patrons de presse. Donc, ni les recettes
publicitaires ni les recettes des abonnements et moins encore les recettes
découlant des recouvrements de journaux déposés dans les
librairies ou kiosques à journaux qu'elles soient importantes ou
insignifiantes, ne sont pris en compte ici. Sur la base des données,
bien qu'incomplètes, auxquelles nous avons pu accéder,
Talassa a réalisé, en trois mois, une vente globale de
6.506.300 F CFA (9 919 €) contre une somme de 4.392.000 de F CFA
(6 695 €) à titre de dépenses minimales
représentées dans le tableau suivant.
Type de dépenses mensuelles d'un bihebdomadaire
à Brazzaville (Talassa en 2012)
Très souvent, à cause de la pénurie, le
prix de la rame de papier dépasse la somme de 20.000 F CFA. Ce qui peut
considérablement affecter tant le tirage que la trésorerie des
médias obligés de faire face à l'instabilité de ces
coûts (qui seraient normalement fixes au même titre que les
salaires).
Malgré l'avantage d'avance de trésorerie
qu'offre l'abonnement, très peu d'organes de presse écrite
congolais disposent d'un large éventail d'abonnés.
Talassa par exemple compte moins de 30 abonnés, tandis que
Le Patriote indique en avoir 200. Mais dans tous les cas, la vente par
abonnement semble être négligée par les organes de la
presse écrite qui ne procèdent pas aux campagnes d'abonnement.
La publicité : un marché
marginal
Le marché de la publicité en République
du Congo se développe dans une absence de règles éthiques
et de codes de conduite régissant le secteur de la publicité.
Concrètement, le manque d'encadrement du secteur est illustré par
l'inexistence d'une législation, de textes réglementaires aussi
bien pour ce qui est de la publicité commerciale que politique.
« En 1988, l'ensemble des entreprises commerciales
du pays a déclaré un volume de publicité équivalent
à près de 3 milliards de F CFA. Pourtant, jamais, ni
Publi-Congo ni Afrimédia, qui ont, tour à tour,
exercé le monopole en ce domaine, n'ont avancé de chiffre
avoisinant 3 milliards47(*) ». Actuellement, avec la disparition de ces
agences de publicité, il est difficile de cerner le marché de la
publicité au Congo, même si André-Jean Tudesq notait en
1995 que « les ressources publicitaires ont facilité la
gestion de la Semaine africaine48(*)». La réalité a peut-être
changé actuellement, mais n'empêche que cela constitue un exemple
de réussite.
À titre d'exemple, plus d'un périodique
brazzavillois avait bénéficié d'un contrat publicitaire
venant de l'Agence de régulation des postes et communications
électroniques (ARPCE) de six (6) mois en 2011 sur une page
(dernière de couverture) à raison de 1.000.000 F CFA (1 525
€) par mois. Ces genres de contrats sont rares, certes, mais pas
introuvables. Ils attestent de l'existence d'un fort potentiel de
rentrées du marché publicitaire. Ce potentiel est évident
si l'on considère que « chaque mois, DVS + encaisse
six (6) millions de Fcfa (reportages, dossiers, spots publicitaires,
communiqués et autres entrées en espèces) et que sa masse
salariale est de trois (3) millions de Fcfa ; tandis que les contrats avec
les annonceurs rapportent aussi des sommes énormes à
l'entreprise : la boisson énergisante Rox (12 millions de
Fcfa/année), les opérateurs de téléphonie mobile
MTN (1,4 million de Fcfa/mois) et Warid (1,5 million de Fcfa/mois)49(*)».
Dans une enquête sur les politiques culturelles des pays
d'Afrique centrale, l'Organisation internationale de la Francophonie, en
estimant à « 50,1 millions de francs CFA » le
chiffre d'affaires de la filière de la presse et des médias,
confirme presque ce potentiel. Toutefois, l'enquête recommande que les
données concernant le chiffre d'affaires du secteur soient prises avec
beaucoup plus de précaution à cause d'un taux de réponses
de 3 % (tandis que pour l'ensemble du secteur, l'enquête a
permis d'identifier 71 structures dont 25 journaux, 11 chaînes de
télévision et 23 stations de radio50(*)). Cependant, il ne fait
pas de doute que les rentrées liées à la publicité
demeurent difficiles à déterminer avec précision en raison
de ce que les transactions importantes dans le domaine se réalisent dans
le secret, voire l'opacité. À défaut des contrats
publicitaires alléchants, les organes de presse se contentent des
petites annonces, certes ponctuelles, et des publireportages non
négligeables, plus ou moins réguliers et bien plus nombreux que
les encarts publicitaires. On sait par exemple que dans plus d'une
rédaction, officiellement le prix d'une page entière (peu importe
généralement l'emplacement) est fixé à 200.000 F
CFA (305 €). Pour ce prix négociable qui varie d'un organe à
un autre en fonction des clients, trois quarts des bénéfices
seulement reviennent dans la "caisse" de l'entreprise de presse qui, parfois et
même souvent, cède 25 à 30 % de la recette pour
commission afin d'entretenir le réseau.
Pour indication, en moyenne par parution, le quotidien les
Dépêches de Brazzaville (16 pages) a 9 publicités
contre 19 pour le bihebdomadaire la Semaine africaine (20-24 page).
La Semaine africaine consacre pour sa part au moins une dizaine de
pages à la publicité, tandis que nous dénombrons au moins
six (6) pages dédiées à la publicité pour le
quotidien brazzavillois. Le tableau ci-dessous donne plus de détails
à ce sujet.
Publicités parues dans deux titres
brazzavillois
Sur neuf (9) parutions, le nombre de publicités
(communiqués, encarts publicitaires, offres d'emploi,
publi-info/reportage, appels d'offres...) pour ces deux titres se
présente comme suit :
La comparaison entre ces deux titres mérite
d'être faite d'autant plus qu'aucun autre périodique au Congo ne
parvient à mobiliser autant d'annonces : la moyenne pour
Talassa, par exemple, est de cinq publicités par
parution. Une moyenne qui reste inférieure à cinq
publicités pour bien d'autres titres tels que Le Patriote, Nouvelle
vision ou Maintenant et Boponami qui, comme
Talassa, espèrent bâtir un modèle
économique se fondant plus sur les recettes de ventes au numéro.
Par ailleurs, lorsque nous observons le système de tarification de
chaque entreprise de presse, force est de remarquer que chaque entreprise
médiatique facture ses produits selon des critères propres. Les
données sur les grilles tarifaires des quelques médias suivants
regroupées dans un tableau nous édifient un peu plus.
Quatre (4) organes de presse ont retenu notre attention
à savoir : Les dépêches de Brazzaville dont le prix de
vente est passé de 100 à 200FCFA en novembre 2013, La semaine
Africaine, journal de référence pour son ancienneté, vendu
à 350 FCFA, Talassa en raison de ses parutions quasi
régulières et TerrAfrica (une qualité appréciable),
sans oublier Radio Magnificat classée parmi les médias en
situation régulière. Ces deux derniers périodiques sont
chacun vendus à 500 FCFA.
Grille tarifaire de Radio Magnificat
Communiqués nécrologiques
- Français 1000 Fcfa
- Kituba 1000
- Lingala 1000
|
Spots publicitaires
- Fabrication spot: 7500
- Diffusion spot: 3000
- Deux diffusion/jour 6000
- Quatre diffusions/jour 11.000
NB: Pour deux diffusions par jour pendant une
semaine: deux diffusions gratuites.
Pour deux diffusions par jour pendant un mois: cinq diffusions
gratuites
|
Communiqués divers
- Français 1500 Fcfa
- Kituba 1500
- Lingala 1500
NB: le communiqué est diffusé
deux (2) fois par jour
|
Publi-reportages (radio)
.15 minutes 50.000 Fcfa
.30 minutes 90.000
.Une heure d'émission sponsorisée: 70.000
Fcfa
.Une heure d'émission simple: 35.000 Fcfa
.Emission de promotion: sur devis
|
- Messages publicitaires (simple lecture)
Deux diffusions par jour en langue: 3000 Fcfa
|
|
- Reportage radio: sur devis
|
Tableaux comparatifs des grilles tarifaires appliquées
dans quelques entreprises de presse en matière de publicité
Les Dépêches de Brazzaville
Bande 5
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1/8 de page
|
1/4 de page
|
1/2 page
|
Pleine page
|
32.400 FCFA
|
54.000 FCFA
|
108.000 FCFA
|
225.000 FCFA
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450.000 FCFA
|
49 €
|
82€
|
165€
|
345€
|
690 €
|
Les frais techniques : 15.000 FCFA
La Semaine Africaine
1/8 de page
|
1/4 de page
|
1/2 page
|
Pleine page
|
25.000 FCFA
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50.000 FCFA
|
125.000 FCFA
|
300.000 FCFA
|
Talassa
1/8 de page
|
1/4 de page
|
1/2page
|
Pleine page
|
50.000 FCFA
|
100.000 FCFA
|
200.000 FCFA
|
400.000 FCFA
|
TerrAfrica
1/4 de page
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1/2 page
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Pleine page
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300.000 FCFA
|
600.000 FCFA
|
1.200.000 FCFA
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Tarifs HT (TVA 18 % + CCA 5 % au Congo et 19 % en
France)
A cause de la part minime du marché publicitaire qui
revient aux médias, certaines entreprises médiatiques essaient de
compenser ce manque à gagner en réduisant considérablement
le prix d'une page publicitaire ou d'une minute pour la diffusion d'un spot
dans l'espoir de gagner davantage de publicités. Dans ce contexte, les
acteurs de la presse n'hésitent pas à faire appel aux relations
personnelles, facteur déterminant pour décrocher un contrat
publicitaire. Par exemple, pour obtenir une annonce provenant d'une institution
gouvernementale ou ministérielle, l'observation participante nous a
permis de voir que les acteurs de la presse se disent
« obligés » de rétrocéder 20 à
30 % du prix d'une annonce à titre de commission. C'est souvent le
cas pour les appels d'offres provenant de la Délégation
Générale aux Grands Travaux (DGGT) ou les sociétés
de téléphonie mobile. Le manque de données susceptibles de
nous renseigner en toute fiabilité sur les recettes publicitaires des
médias, l'inexistence d'une régie publicitaire pouvant assurer
l'attribution des annonces publicitaires aux organes de presse et
l'opacité dans laquelle travaillent les entreprises médiatiques,
ne permet pas de se faire une idée sur les recettes publicitaires
récentes, ni d'accéder aux cahiers comptables des organes de la
presse congolaise. Ce qui explique pourquoi ce secteur reste
considéré comme marginal ou réduit ; le secteur
privé (à travers l'absence de compétition et la faiblesse
de la consommation) l'étant encore plus. Du coup, les institutions
gouvernementales gardent une influence sur les médias.
Cependant, quelques fois, par crainte d'être
associés à des médias présentés comme
proches de l'opposition, certains annonceurs osent préalablement
s'informer ou tenir compte de la ligne éditoriale de certaines
entreprises de presse vis-à-vis des pouvoirs publics51(*).
Ainsi, le fait que les entreprises de presse n'indiquent pas
le montant de leurs recettes publicitaires implique soit l'intention
délibérée de ne pas communiquer sur le secret des
affaires, soit un déficit organisationnel ou les deux en même
temps.
Les canaux de distribution
Au sortir des imprimeries, la presse est distribuée aux
marchands de journaux que sont les librairies et les kiosques à
journaux. Cependant, le moyen de distribution le plus efficace et
répandu au Congo reste la vente à la criée. Elle est
assurée par des groupes de jeunes qui s'approvisionnent comme grossistes
et arpentent généralement les grandes artères des centres
villes et principaux centres administratifs pour y écouler leur
marchandise. En l'absence de messagerie de presse, ces jeunes vont directement
au contact des clients/lecteurs contrairement aux librairies et kiosques
à journaux. Dans certains cas, les journaux sont vendus de la même
façon que les livres chez les bouquinistes, c'est-à-dire,
étalés à même le sol.
In fine, la presse écrite est d'une vitalité
remarquable. Mais elle n'est pas pour autant à l'abri de la concurrence
de la radio, un média très populaire qui s'adapte bien à
la culture de l'oralité en Afrique.
2.2 La radiodiffusion
Les débuts de la radio au Congo remontent à la
période de 1935 à 1936 (Jean Tudesq), date à laquelle M.
Boileau crée Radio Club, « une modeste station
équipée d'un émetteur à faible puissance qui permet
aux Brazzavillois et aux habitants d'alentour d'être constamment
informés des nouvelles du monde».52(*)
Ces installations seront renforcées par l'implantation
de Radio Brazzaville en 1940. Alors que la France et l'Europe sombrent dans la
guerre, cette station radiophonique de la France Libre de "quatre
émetteurs" est créée à l'initiative du
général De Gaule pour mobiliser et galvaniser les
résistants aussi bien en Europe que dans les anciennes colonies
françaises53(*). En
1946, Radio Brazzaville devient Radio AEF. Cependant, « En 1959, au
terme de la convention signée à Brazzaville entre
l'Oubangui-Chari, le Tchad, le Gabon et le Moyen Congo, Radio AEF devient radio
Inter Équatoriale. La maison de la radio construite pour la circonstance
est dotée de deux émetteurs de 25 watts54(*)». Malheureusement, cette
aventure ne durera guère longtemps car, le 18 avril 1960, Radio
Inter Équatoriale cesse d'émettre conformément
à la convention signée un an plutôt. Le 25 mai 1960,
Radio-Congo, station nationale est inaugurée par le premier
président de la République du Congo, l'abbé Fulbert Youlou
et hérite du matériel et du personnel de Radio Inter
Équatoriale.
Pour éviter les changements inhérents à
son statut, Radio-Congo bénéficie, pendant les premières
années, de l'assistance française par le truchement de l'Office
de coopération et de radiodiffusion (OCORA). En 1965, Radio Congo
devient La Voix de la révolution congolaise, après la
création, en 1964, du Mouvement national de la révolution (MNR),
le parti unique instauré par la révolution aux dépens du
multipartisme. La Voix de la révolution congolaise reçoit de la
République populaire de Chine deux émetteurs de 50 watts.
À partir de juin 1991 et suite à la conférence nationale
souveraine, la Voix de la révolution congolaise redevient
Radio Congo. Et cela jusqu'à ce jour.
Selon les sources officielles, la première radio non
étatique au Congo est Radio Alliance, créée par les
opposants au régime de Pascal LISSOUBA en 199255(*). Comme Radio
Alliance, Radio Congo Liberté, aujourd'hui Radio
Liberté, a vu le jour dans l'intention de servir d'instrument de
propagande en réponse à la confiscation des médias publics
par le régime en place à l'époque. Pour bon nombre de
citoyens, Radio Congo Liberté dont la première émission
fut diffusée le 9 juin 1997 « sur la fréquence de la
radio nationale » en se servant « des installations du
centre émetteur du Point Kilomètre 13 (PK 13), au sud de
Brazzaville », est la première radio n'appartenant pas
à l'Etat.
Aujourd'hui, l'espace radiophonique congolais s'est
développé quantitativement. Dans chaque chef-lieu de
département, il existe désormais une radio locale ou
communautaire. En 2005, l'Observatoire congolais des médias (OCM), dans
un rapport sur l'état de la presse, a répertorié 20
stations de radio au Congo contre56(*), selon le Conseil supérieur de la
liberté de communication (CSLC), 24 stations de radiodiffusion
privées (communautaires, associatives, commerciales et confessionnelles)
auxquelles il faut ajouter plus de sept (7) stations départementales et
trois (3) radios publiques, parmi lesquelles Radio-Congo, la chaîne
mère, en 200757(*).
Du côté de la radio, l'évolution a été lente.
Ce n'est qu'après la guerre de 1997 qu'on a observé l'ouverture
des radios privées et des radios de proximité : Radio
Liberté chaîne locale privée est née pendant la
guerre du 5 juin, Radio Brazzaville créée en 1999 sous la base
d'un décret réorganisant Radio Congo la chaîne nationale,
est une radio locale ; Canal FM appartenant au ministère de
l'agriculture (2001) et Digital Radio et Télévision (DRTV), une
chaîne privée créée en 2002.
Selon les résultats du contrôle administratif et
technique des entreprises de presse, d'imprimerie et du recensement des
médias lancés le 4 juin 2013 par le Conseil supérieur de
liberté de la communication (CSLC) rendus publics le 8 octobre 2013,
"la situation administrative des médias est alarmante au Congo". Il
ressort de ce contrôle que cinq (5) chaînes de radio seulement sont
en situation régulière (Radio-Congo, Radio-Brazza, Radio
Rurale, Radio Magnificat et Radio Mucodec) contre 56 en situation
irrégulière pour absence d'autorisation d'exploitation, manque de
conventions conclues avec le CSLC et inexistence de cahiers des charges. Dans
le cas de la télédiffusion, sur 29 chaînes de
télévision existantes, à peine deux
(Télé Congo et Télé Pointe-Noire,
toutes des médias de service public) sont en situation
régulière. Les 27 autres chaînes sont classées en
situation d'irrégularité pour non-autorisation d'exploitation,
manque de conventions conclues avec le CSLC et inexistence de cahiers des
charges. Ce tableau sombre n'a fait que confirmer le constat selon lequel
« Le Congo-Brazzaville est encore en retard en matière de
liberté d'entreprises de communication audiovisuelle. Ce retard est
dû à la peur politique et au manque d'une volonté politique
vers une réelle ouverture démocratique. Seuls les plus forts, les
géants, ont le droit, sans autorisation et sans cadre juridique, de
monter des radios et des télévisions
privées »58(*).
En évoquant ce dysfonctionnement, Gilbert MAOUNDONODJI
& Pascal BERQUE dénoncent une « politique de deux
poids deux mesures59(*)» de la part du CSLC accusé de
favoriser les proches du pouvoir en place dans l'attribution de
fréquences et des autorisations de créer des chaînes de
radios et télévisions. Vraisemblablement, après la presse
imprimée, la radio est le média le plus en vue. L'usage des
langues locales sur la voix des ondes participe certainement à son
adoption tant en milieu urbain qu'en milieu rural. D'ailleurs, dans chaque
localité (département, commune et district) au moins une station
radio émet en modulation de fréquence (FM). Mais de
manière générale, la présence de la radio est
importante en campagne. Cependant, que l'on soit en ville ou en campagne,
quelques variables sont très remarquables pour la plupart des stations
de radios de proximité.
Le marché de la radiodiffusion
Présente dans la quasi-totalité des foyers
africains, la radio est le média de masse par excellence en Afrique.
Ici, « la radio s'est intégrée, dans la
société et dans la vie africaine. Elle n'est pas seulement, le
média le plus utilisé, c'est aussi le mieux
africanisé60(*) ». Ce phénomène
radiophonique observé de façon générale sur le
continent africain n'échappe sans doute pas au Congo étant
donné que ce pays est parmi ceux qui ont très tôt
hérité de la radiodiffusion. Ainsi, le paysage radiophonique
actuel se présente en plusieurs segments de marché opérant
simultanément : le marché international, le marché
national et local. Au niveau international, il est à noter que les
chaînes de radiodiffusion à vocation internationale
émettent sur satellite et en ondes courtes. Il s'agit des radios
étrangères : Radio France Internationale (RFI), BBC, La
Voix de l'Amérique, Radio Vatican ou Africa n°1 contre
lesquelles les radios congolaises ne peuvent rivaliser. Au niveau national par
contre, Radio Congo, la chaîne nationale de radiodiffusion est en
situation de monopole en matière de couverture de toute l'étendue
du territoire national, tandis que le marché local est quant à
lui adapté selon les zones géographiques ou les
collectivités à partir desquelles des radios diffusent.
Le marché local est lui caractérisé
tantôt par une situation de monopole (cas de Radio Mossendjo),
tantôt par une situation d'oligopole (Dolisie et Nkayi où l'on
compte plus de deux stations radios). Dans l'ensemble, on ne constate pas un
effort de spécialisation des stations par le choix du public cible
(auditoire jeune, adulte, vieux ; femme, homme). L'émergence
d'autres types de radios que généralistes adaptés à
un type d'auditeur particulier se fait encore attendre. Les similarités
sont donc forte tant en termes de format, de couleurs d'antenne, de
caractéristiques techniques qu'en termes de public visé.
Les stations de radiodiffusion au Congo émettent aussi
bien sur la bande SW que FM, offrant ainsi des programmes certes variés
mais peu originaux. Dans tous les cas, la taille et l'importance d'un
marché (national ou local) doivent se définir et se mesurer par
rapport au nombre d'auditeurs atteints par une station de radio. Certes, Radio
Congo est la seule station à couvrir tout le pays, mais à
l'instar des autres radios, son audience qui pourrait être estimée
la plus large demeure inconnue. Pourtant, plus de la moitié de la
population congolaise possède un poste radio et la réception des
ondes radiophoniques via les téléphones mobiles et dans les
véhicules contribue à l'élargissement sinon au maintien de
l'audience de la radio malgré la concurrence des nouveaux médias.
Tenant compte aussi du nombre de fournisseurs qui ne cessent de s'installer,
l'hypothèse de la hausse de la demande des consommateurs des produits
radiophoniques peut être posée.
L'affiliation des radios
En ville comme en campagne, force est de constater que les
radios sont en majorité la propriété des acteurs
politiques : à Nkayi, Radio Solidarité de l'ancien
Ministre Émile MABONZO, Radio Divouba du feu
député de l'UPADS, Jacques MOUANDA MPASSI ; et à
Dolisie, Radio Télévision Nouvelle Alliance appartient
à Pierre Michel NGUIMBI (ancien ministre). Les collectivités
décentralisées sont aussi propriétaires des stations
radiophoniques : Radio communautaire du Conseil
départemental du Niari, Radio Télé Nkayi, pour le
Conseil municipal de Nkayi ou Radio Mossendjo placée sous le
contrôle de la mairie. Dans certaines localités, le
ministère de l'agriculture est également un important
propriétaire et commanditaire de stations radiodiffusion (Radio rurale
à Brazzaville et d'autres Radios rurales dans le département de
la Bouenza), au même titre que les hommes d'affaires. Seulement, une
tendance se dégage : la plupart des hommes d'affaires patrons d'une
station de radio sont dans l'ensemble des gens proches du régime au
pouvoir : DRTV du général Norbert DABIRA ou Ponton Fm de
François NDOUNA à Pointe-Noire. Heureusement, la
société civile marque progressivement sa présence dans le
paysage radiophonique congolais à travers des initiatives telles que
Forum Radio Télévision des Droits de l'Homme (FRTDH)
à Brazzaville et les radios confessionnelles (Radio Magnificat
à Brazzaville, Radio Maria à Ouesso et Pointe-Noire ont
pour propriétaire l'Église catholique, Radio Louzolo,
Radio Centenaire de l'Église évangélique du
Congo...), ce qui pourrait, en cas de dérives sur les ondes des autres
stations, dépassionner l'information.
Les périodes de mise en place
Cette variable aurait pu être passée sous silence
et ne représenter que peu d'intérêt. Mais dans
l'échantillon des radios dont les acteurs politiques sont
commanditaires, la quasi-totalité des stations de radiodiffusion ont
été implantées à l'orée des
échéances électorales. On note par exemple : à
Brazzaville, DRTV est créée en novembre 2002, soit quelque mois
après l'élection présidentielle, mais en pleine
période des élections législatives ; à Nkayi,
Radio Solidarité est installée et lancée en juin
2012 à la veille des législatives ainsi que Radio
Télé Nkayi (Avril 2012) ou Radio Divouba en Avril
2009, soit quelques mois avant les élections présidentielles tout
comme la radio Canal Océan, lancée le 19 novembre 2011 à
Pointe-Noire. Certes, un regard sur les dates de création des radios
comme Magnificat (2006) ou Maria (2008) impose de la prudence
avant de se livrer à toute extrapolation ou
généralisation. Mais il ne paraît pas moins vrai que cette
coïncidence avec les calendriers électoraux n'est pas le fruit de
la providence comme nous le verrons par la suite pour les cas de la
télévision et de la presse écrite. Toutefois, il sied de
noter l'exemple de la première radio privée au Congo (Radio
Liberté) et celui de la radio nationale dont l'histoire ne peut
masquer la visée des médias de propagande politique. D'ailleurs,
la propagande (politique, commerciale, religieuse) est vraisemblablement la
motivation qui sous-tend l'implantation des radios au Congo. Les radios rurales
pourraient constituer une exception. Mais n'en demeure que la promotion de
l'agriculture soit une forme de propagande à des fins
socio-économiques.
C'est dire que les visées politiques ont sans doute
convaincu les acteurs sociaux en général et les potentiels
candidats aux différentes élections en particulier, de
l'importance de la radio de proximité comme support par excellence pour
mobiliser ou sensibiliser et rallier les communautés. Étant
donné que la presse écrite est élitiste et urbaine. La
faiblesse de la radio nationale, difficilement captée dans certaines
localités situées dans le Congo profond, explique aussi cette
nouvelle donne surtout si l'on considère que la grille des programmes de
Radio Congo ne peut répondre aux attentes particulières des uns
et des autres.
C'est ainsi que la radio peut consolider, quand elle ne les
fragilise pas, les liens sociaux. La référence aux
communiqués radiodiffusés, depuis les origines de la radio au
Congo, illustre bien le rôle que la radio peut ou a pu jouer dans le
maintien des liens entre les familles et les communautés, mais aussi
comme puissant moyen de communication à une époque où le
téléphone était un luxe et la radio un instrument
remplaçant le tam-tam. Autrefois, la radio a servi à la
construction de la sociabilité grâce à
« l'écoute collective », réel facteur de
l'oralité qui caractérise les sociétés africaines.
Aujourd'hui, cette expérience concluante, en dépit des pratiques
individualistes entraînées par les technologies de l'information
et de la communication dans la consommation des médias, paraît
encore envisageable pour peu que les vocations des médias (informer,
sensibiliser et divertir) gardent une visée pédagogique. Dans
cette optique, le rôle du journaliste doit être, comme le pense
Sophie MOIRAND, « celui d'un intermédiaire qui manifeste
des intentions de didacticité »61(*). Dans son rôle de
médiateur ou de prescripteur, le journaliste devrait faire appel au
savoir, c'est-à-dire au rationnel et laisser l'émotion et la
séduction aux communicants. Et dans un État démocratique,
la presse incarne le « rôle de critique vis-à-vis
des pouvoirs politique, économique, scientifique ». Cette
péroraison tient de mise en garde contre toute intention de transformer
tout média en instrument de combat politique : le rôle
controversé des radios dans le génocide rwandais et dans la
guerre civile au Congo-Brazzaville et les « guerres
médiatiques » (Francis Balle, 2007) en cours
depuis la Seconde Guerre mondiale interpelle au plus haut point journalistes,
futurs journalistes et enseignants dans les écoles de journalisme. Mais
comment mettre en garde contre toute confusion des entreprises
médiatiques dont les ressources elles-mêmes sont sujettes à
incertitude ?
Les ressources
De manière générale, il faut distinguer
deux situations : celle de la radio dans les grands centres urbains et
celle de la radio dans les centres secondaires ou périphériques.
Si l'on s'en tient aux statistiques du CSLC en 2008, force est de constater la
domination de la radio comme support médiatique en campagne, ainsi que
l'on peut le voir à travers le tableau suivant.
|
En campagne
Dans les centres secondaires, les stations de radios sont
sous-équipées et ne disposent que de très peu de
journalistes qualifiés et permanents ou presque pas. À Ouesso,
deux « journalistes/animateurs permanents » tiennent
Radio Maria, tandis qu'à Radio-Nkayi, on compte un
journaliste permanent contre cinq journalistes/animateurs permanents à
Radio Divouba. Le reste du personnel est composé de volontaires
souvent retenus pour leur appartenance à l'église (catholique en
l'occurrence). Ailleurs, les effectifs de tout le personnel confondu
n'atteignent guère une dizaine de personnes. La rareté d'un
personnel qualifié est la conséquence d'un manque de ressources
financières nécessaires à la prise en charge des
journalistes professionnels qualifiés.
|
D'une part, que ce soit la Radio Maria à
Ouesso, RTNK, Radio Divouba ou Radio
solidarité à Nkayi et Radio Mayombe à
Dolisie ou Radio Mossendjo, aucune de ces stations de radio ne dispose
d'un budget. Les services des animateurs sont ainsi rarement
rémunérés. Quand ils le sont, les sommes versées
aux animateurs excèdent rarement 30.000 francs Cfa (environ 46
Euros).
D'autre part, les recettes publicitaires en campagne sont
inexistantes sinon dérisoires. En période faste, elles avoisinent
à peine la somme de deux cent mille francs Cfa par an62(*). Ce qui ne permet pas un
équilibrage entre, par exemple, les recettes et les dépenses
tributaires à l'électricité, les charges salariales, les
dépenses courantes et la production. Le déficit est tellement
évident que ces radios sont transformées en grande partie en
radio musicale, compte tenu de la place qu'elles occupent. Dans la mesure
où on peut les identifier comme des radios communautaires, le niveau de
vie des populations rurales, malheureusement, ne peut permettre à une
communauté de prendre en charge et d'animer une radio. Certes,
générer 100£ par mois est un défi que les radios en
campagne ne parviennent pas à relever, mais l'hinterland
représente un marché potentiel partout où la radio
nationale est difficilement reçue et où les radios privées
peuvent servir à la mobilisation des communautés.
En ville
Au regard des réalités
socio-économiques propres au Congo, on peut dire que les radios
installées en ville s'en sortent mieux. Dans les grandes
agglomérations, le personnel de la radio est assez nombreux et le
plateau technique mieux loti. On compte entre dix et vingt personnes en service
dans une station de radio. Le personnel qualifié y est facilement
identifiable en raison de la multitude d'étudiants sortis des
écoles de journalisme prêts à faire carrière dans
une entreprise médiatique. Seulement, les journalistes formés sur
le tas sont aussi présents en bon nombre.
Sur le plan financier, les budgets demeurent un mystère
et un souci qui soumet les radios publiques et privées à
l'épreuve de la survie. Pour les rentes publicitaires, la radio
nationale et DRTV, grâce à leur notoriété acquise
à travers le temps, à notre sens, sont parmi les principaux
bénéficiaires de la publicité. Cependant il n'en
demeure pas moins vrai que la faiblesse de la majorité des médias
locaux est leur incapacité à s'autofinancer. Cela pose le
problème de l'avenir des radios qui pour l'heure restent de type
généraliste. Car, en pratique, il n'y a pas de différence
réelle dans les programmes entre les radios dites commerciales (DRTV,
DVS +); confessionnelles (Radio centenaire - Église
évangélique du Congo à Pointe-Noire, Radio Magnificat,
Radio Louzolo), rurales, locales ou communautaires. Les radios
généralistes qui ont vu leur public se tourner vers les radios
chrétiennes ont réagi par la mise en place d'une programmation
faisant place aux émissions et aux musiques religieuses qui
constituaient leur particularité. Toutes se disputent le même
public et toutes proposent quasiment les mêmes contenus : avis et
communiqués, dédicaces, location du temps d'antenne... La
confusion est grande. Malgré, le verrou de la méfiance et du
secret commercial qui bloquent l'accès aux données comptables des
entreprises de presse, « des bénéfices
existent » 63(*). En revanche, l'instabilité de
l'électricité, la production, la logistique, la masse salariale
et les charges courantes ont forcément un coût important pour les
radios de proximité qui constituent un support conséquent pour
sensibiliser toute la population congolaise. En revanche, l'instabilité
de l'électricité, la production, la logistique, la masse
salariale et les charges courantes ont forcément un coût important
pour les radios de proximité qui constituent un support
conséquent pour sensibiliser toute la population congolaise.
Quelques sources de financement complémentaires
en radio
On distingue parmi ces sources
complémentaires :
- Les communiqués (nécrologiques et divers)
radiophoniques : permettent aux radios d'engranger un peu plus de 50.000
francs Cfa (100 dollars) par mois. Très répondus et
pratiqués dans toute l'Afrique, ils s'adaptent à tous les types
de radio en ce que les naissances et décès rythment la vie de
tous les jours dans toute société ;
- Les dédicaces payantes : c'est aussi une des
spécificités des Africains qui adorent non pas seulement
être vus, mais également cités. Ainsi, ces dédicaces
sont transformées en véritable source de revenus pour les
chanteurs congolais par exemple. Très rentables en période de
fêtes de fin d'année, elles s'incrustent parfaitement dans les
séquences d'animation d'antenne ou de variétés musicales
et ont l'avantage, dans le cas du Congo où l'audience des médias
n'est pas connue, de se faire un rapport d'écoute comme c'est le cas
avec les émissions téléphoniques radio interactives. Mais
cette source de financement complémentaire impose beaucoup de prudence
car elle peut être récusée par des auditeurs qui y voient
une défaillance au niveau de la grille des programmes. Actuellement, les
dédicaces payantes sont gravement menacées par les
émissions radio interactives. Le recours à la
téléphonie mobile pour ce type d'émission profite bien
plus aux sociétés de téléphonie mobile avec
lesquelles les radios ne parviennent pas à négocier une part des
recettes tirées des appels lors « des émissions
à téléphone ouvert » ;
- La location de temps d'antenne : une pratique
présente dans les médias publics et privés. À Radio
Magnificat par exemple, le Haut-commissariat à l'instruction civique
achetait un espace pour produire et diffuser son émission
« Renaissance citoyenne », tandis que l'Association
Congolaise Accompagner (ACA) disposait d'environ trente minutes d'antenne pour
la promotion des soins palliatifs pour des personnes en fin de vie
pour au moins 70.000 francs Cfa par mois. Sur Télé Congo, on
pouvait autrefois noter l'espace accordé aux confessions religieuses
(communauté islamique et l'Église évangélique du
Congo) pour des émissions consacrées à la promotion de
leur foi ;
- La vente des produits dérivés : est
encore faiblement répandue et consiste beaucoup plus en la location du
matériel ou la fabrication des spots. À l'exception de DRTV qui
propose des coffrets de musique au public, aucune autre radio ne confectionne
ni tee-shirt ni casquette estampillée du logo de la radio.
2.3
Télédiffusion au Congo-Brazzaville
Comparée à la radio, la télévision
est d'une apparition relativement récente au Congo-Brazzaville. Elle a
fait son apparition au Congo deux ans après l'accession à
l'indépendance politique. C'est en 1962 que l'Office de
Coopération Radiophonique (OCORA) expérimentait la
télévision à Brazzaville, en réalisant un essai
dans le cadre de l'Assistance Technique fournie par la France aux États
africains. Ainsi, le 27 novembre 1962, Fulbert Youlou, premier Président
de la République du Congo, inaugure à Brazzaville la
télévision nationale congolaise (dite
Télé-Congo), la toute première station de
télévision en Afrique noire francophone au sud du Sahara64(*). Diffusées en noir et
blanc jusqu'en 1970, ses « premières émissions
(27-11-62) ont attiré environ 10.000 personnes ».65(*) Dans ses débuts,
Télé-Congo, comme toutes les autres
télévisions nationales d'Afrique francophone, est marquée
par une « centralisation administrative
excessive »66(*), mais aussi caractérisée par une forte
dépendance technique à l'égard de la France, un manque ou,
un peu plus tard une pléthore en personnel, tantôt par la
prédominance des programmes étrangers dont « 90
à 95 % en provenance de Paris 67(*)». Suite à la guerre civile de 1997, les
installations de la télévision seront endommagées, puis
réhabilitées à la fin des conflits armés opposant
les partisans de Denis SASSOU-NGUESSO à ceux de Pascal LISSOUBA. Depuis
2010, les programmes de Télé-Congo sont diffusés
sur satellite, en plus du nouveau siège dont le plateau technique a
été partiellement renouvelé.
En dehors de la télévision nationale, le Congo
dispose de plusieurs chaînes de télévision privées
estimées à 14 en 2007 (CSLC) et 17 en 2005, selon l'Observatoire
Congolais des Médias. Le plus grand nombre de chaînes de
télévision sont implantées à Brazzaville et
Pointe-Noire, mais il faut signaler l'existence d'un peu plus de sept (7)
télévisions départementales de proximité qui sont
en quelque sorte des "antennes départementales" de relais pour
Télé-Congo, la chaîne nationale. Parmi ces
chaînes privées les plus récentes, on peut citer, à
titre d'exemple :
- Digital Radio Télévision, créée
le 28 novembre 2002 à la faveur d'un partenariat publicitaire (sur une
période de trois ans pour un montant de 200 millions de F CFA)
passé entre la Compagnie française de l'Afrique de l'Ouest (CFAO)
et le général homme d'affaires Norbert Dabira ;
- Top TV, créée en 2009 par Claudia Lemboumba
Sassou Nguesso, fille du président de la République du Congo dans
le but de soutenir la candidature de Denis Sassou-Nguesso, candidat à sa
propre succession à la présidentielle de 2009. « Une
fois celui-ci réélu, Top TV est devenue
généraliste. Pour le moment, il n'est pas encore question de
rentabilité, mais seulement de stabilité »68(*);
En 2009 est aussi fondé Média Numérique
TV (MN TV) de Maurice NGUESSO, frère du président de la
République pour un investissement global de 300 millions de F CFA.
Le marché de la télévision
En dépit de l'ouverture médiatique,
« le parc télévisuel de l'Afrique reste le plus faible
avec moins de 3 % du parc mondial en 2004 »69(*). Toutefois, au Congo, la
diversification du paysage télévisuel a fait de la
télédiffusion un terrain sur lequel les opérateurs publics
et privés se livrent à la concurrence sans délaisser
l'amateurisme. Ainsi, la plupart de ces chaînes émettent en ondes
hertziennes et relève encore d'un système analogique. Peu d'entre
elles sont sur satellite et assurent une couverture totale du territoire
national. Pour les télévisions proprement congolaises, elles sont
toutes des chaînes conventionnelles ne nécessitant aucun payement
ou abonnement pour y avoir accès.
D'où le fait que la télévision à
péage en terre congolaise (Canal + par exemple) est synonyme de
télévision occidentale. Ce qui suppose que dans ce cas, le
coût d'accès aux chaînes étrangères n'est pas
nul comme c'est le cas avec les chaînes de la République
démocratique du Congo (RDC). En effet, dans l'hypothèse d'un
abonnement au bouquet de Canal +, le consommateur doit supporter le coût
de l'installation de la parabole. Cette contrainte économique restreint
l'accès à ces chaînes de télévision aux
classes aisées et moyennes, bien que le coût de l'abonnement ait
aujourd'hui baissé. Le succès rencontré par le groupe
Canal + qui s'installe dans les grandes villes illustre tout de même
la faiblesse de l'offre télévisuelle nationale limitée
à la politique et faisant une faible place aux programmes de
divertissements/ sport et musique.
Le site officiel du gouvernement (www.congo-site.com
< http ://www.congo-site.com >) rapporte qu'en 2001, le nombre
de postes téléviseurs pour 1000 habitants était
estimé à treize (13). Cette faible possession de la
télévision fait encore du petit écran un bien de luxe dans
certaines familles et localités du pays, d'autant plus que cette
possession dépend de l'électricité dont la desserte n'est
pas assurée dans tout le pays.
Autrefois outil de ségrégation sociale et
économique, aujourd'hui média de prestige et de séduction,
la télévision est un support de communication onéreux en
matière d'installation, d'équipement et de production. La
télé reste un instrument de démarcation sociale entre
différentes couches sociales tant en ville qu'en campagne. Son
fonctionnement normal requiert plusieurs compétences et moyens à
la fois ; ce qui peut, en partie, expliquer son faible
développement au Congo.
Plus enclines à rechercher l'admiration voire
l'adhésion du public à la vision des acteurs politiques, les
télévisions congolaises perdent de la crédibilité
devant l'offre médiatique internationale qui propose une
« représentation médiatique fortement biaisée
par un souci de spectacularisation et de
représentativité »70(*), dans une visée sans doute de captation
d'audience. Les télévisions congolaises se trouvent ainsi en
marge de l'économie de l'attention soutenue qui commande les
médias actuellement.
Télé Congo, la chaîne
mère
Longtemps labellisée instrument de souveraineté
nationale et symbole de pouvoir en République du Congo, elle a
été historiquement caractérisée par un monopole se
traduisant par le contrôle des pouvoirs publics ou tentative de
contrôle par des forces non loyalistes pendant des périodes de
crise. La télévision nationale est censée être un
service public. Seulement, malgré le fait que les
téléspectateurs s'acquittent de la redevance audiovisuelle,
l'indépendance commerciale, l'engagement en faveur d'une programmation
équilibrée et surtout l'un contenu politique
équilibré ou impartial manquent gravement sur la liste des
éléments qui fondent la notion de service public.
À ce titre, Télé Congo reste un support
de légitimation de pouvoir convoité par tous les
prétendants au pouvoir. De ce fait, l'audiovisuel public est
confronté à ce que l'Unesco appelle trois influences
contradictoires : l'ingérence éditoriale, les
tâtonnements des régulateurs et le niveau d'exigence plus
élevé d'un public qui dispose de nombreux éléments
de comparaison.71(*) Au
regard de ces éléments, il est capital que Télé
Congo achève le passage d'une télévision d'État
à un service public de l'audiovisuel. Pour cela, les médias
contrôlés par l'État (Télé-Congo et Radio
Congo particulièrement) doivent cesser d'être des médias
d'État pour se transformer en service public de l'audiovisuel disposant
d'un statut officiel clairement défini et libre de choisir une ligne
éditoriale.
Par ailleurs, malgré ses nouvelles structures, la
télévision nationale n'a pas encore migré vers le
numérique et joue aux abonnés absents sur le Web demeurant ainsi
à la marge de l'interactivité offerte par le Web. Pour autant, la
télévision nationale congolaise dispose d'une belle
« coquille [...] mais elle sonne creux », explique
François Soudan. Ce journaliste, rédacteur en chef de Jeune
Afrique décrie dans une de ses interventions au sujet de
Télé Congo, des « lugubres comptes rendus
d'audiences [...] des images aussi ternes qu'interchangeables,
des suivis soporifiques de la moindre tournée préfectorale et du
plus insignifiant des colloques, de cadrage et éclairage
défectueux, de montages aléatoires, décalage de la
bande-son, zoom obligé et complaisant sur le visage des
personnalités »72(*)dont on ressasse les
téléspectateurs quotidiennement.
Quelques caractéristiques du paysage
télévisuel congolais
Submergé par la couverture quasi quotidienne des
colloques, séminaires ou voyages de certains dirigeants, l'audiovisuel
congolais ne développe presque pas une politique d'économie
d'attention. Il véhicule des contenus majoritairement orientés
vers la politique ainsi que le témoigne l'omniprésence des
formations politiques sur le petit écran. Le public visé demeure
fortement urbain et les programmes télévisuels proposés
foncièrement généralistes et quasi-identiques. Et
jusqu'à ce jour, seules deux opérateurs : Télé
Congo (opérateur public) et DRTV (opérateur privé) ont pu
se mettre sur satellite et étendre leur couverture. Cependant,
même pour la télévision nationale, la couverture
intégrale de toute l'étendue du territoire national congolais est
aléatoire ou simplement une vue de l'esprit. La domination des
télévisions de proximité telle que les signaux émis
par un opérateur donné ne peut couvrir plusieurs localités
à la fois. Dans un registre tout à fait différent, on
remarque aussi que la télévision est aujourd'hui un outil de
m'as-tu-vu. La pertinence d'une telle analyse est à chercher dans les
propos du directeur général de DRTV lorsqu'il
déclare : « Comme les Congolais aiment bien se voir
à la télévision, nous allons les filmer et nous diffusons
un reportage d'une minute sur leur vie ». Et nous associons
volontiers cette affirmation à l'anecdote d'une directrice qui assiste
au montage après la couverture d'un événement dans
l'institution dont elle a la charge pour sélectionner les
séquences (gros plan, plan large) sur lesquelles elle est
télégénique. Beaucoup plus qu'une simple anecdote, ces
récits donnent un aperçu sur la soif d'exposition qui
caractérise les Congolais en général et leurs dirigeants
en particulier. D'ailleurs, il n'est pas rare de voir l'ouverture d'un colloque
ou d'une conférence être retardée parce que la presse
(allusion faite aux caméras de la télévision) n'est pas
encore sur les lieux de la cérémonie.
Des télévisions au financement
dérisoire
Au lancement, certaines chaînes de
télévision ne disposent que de fonds de roulement
aléatoire. Pour le cas de DVS + par exemple, « les fonds
nécessaires au fonctionnement ne sortaient rien que de la poche du
patron/promoteur »73(*). Dans cette structure comme dans bien d'autres,
« il est difficile de parler d'un budget de fonctionnement par
rapport à l'amortissement du matériel »74(*) qui nécessite un
renouvellement permanent. DVS + représente un échantillon
élargi des médias pour lesquels l'aide publique à la
presse et la redevance audiovisuelle ne comptent pas parmi les sources de
financement.
Dans certains cas, quoi que disposant de budget, plus d'une
chaîne de télévision (publique comme privée) doit
trouver des stratégies visant à surmonter les difficultés
financières... Ainsi, en dépit de son budget annuel de 500
millions de francs Cfa75(*), DRTV qui à l'ouverture du paysage
télévisuel en 2001 jouissait d'un monopole, est désormais
soumise à l'épreuve de la rude concurrence qui n'a pas
manqué de réduire les parts de ses recettes publicitaires. Selon
un article de JeuneAfrique sur les télévisions
privées à Brazzaville, la majorité d'entre elles sont
« à la recherche d'une stabilité
financière ».
Par ailleurs, du côté de l'opérateur
public (Télé Congo), les budgets de fonctionnement alloués
aux médias d'État sont aussi jugés limités.
Détenue à 100 % par la société publique de
radiodiffusion et télévision de l'État congolais, le
Centre national de Radio Télévision congolais (CNRTV),
Télé Congo bénéficie d'un budget annuel de l'ordre
de 135 millions de francs CFA. Cependant, ce budget est destiné au
fonctionnement et non à la production et le « mécanisme
de décaissement est lent »76(*). D'où l'arrivée tardive des
fonds ; ce qui expose les directions de radio télédiffusions
nationales à la précarité et la débrouillardise,
mais aussi une dépendance (en matière de production
audiovisuelle) vis-à-vis de la France.
Les télévisions : le modèle
du tout payant
En réponse au déficit de financement,
entreprises médiatiques et journalistes ont fait de l'information un
produit intéressé. Dans une formule ironique un
journaliste77(*) en poste
à Télé Congo affirme : « on va en
reportage chercher l'argent et non l'information ». Ce
témoignage donne la mesure d'une prostitution de l'information et du
métier de journaliste.
En plus d'une publicité au marché réduit
où l'espace publicitaire est bradé, d'une part le spot d'une
minute et demie est facturé au cas par cas selon la taille de
l'annonceur : pour un salon de coiffure par exemple, le coût du spot
s'élève à 30.000 Fcfa contre 50.000 Fcfa pour un
transitaire78(*). D'autre
part, faute d'un cadre juridique et professionnel organisé
régissant la publicité, l'information en forme de journal
télévisé, reportage ordinaire (à la
différence du publireportage), communiqué ou émission,
sert à générer des fonds. La recherche du profit semble
l'emporter sur le droit du public à une information pluraliste,
honnête, équilibrée, pertinente et neutre. Cette mauvaise
pratique journalistique est très répandue de sorte que certains
journalistes/présentateurs ou animateurs d'émissions sollicitent
de leurs invités le versement d'une contribution financière ou
d'une contrepartie financière officiellement destinée à
l'achat du matériel de production (bande magnétique, minidisque,
DVD...) alors qu'il existe un budget pour répondre à ce genre de
besoins. Dès lors, une tendance à n'inviter que les plus offrants
sur les plateaux de télévisions se dessine. À
Télé Congo ou sur le plateau de DRTV, des invités au
journal télévisé ne versent quelquefois pas moins de
150.000 francs Cfa pour un passage à l'antenne. Ce qui
prédisposerait les entreprises médiatiques à accorder plus
de visibilité aux classes sociales dont les revenus sont
considérables. C'est peut-être d'ailleurs le cas au regard du
« No Comment », une séquence pensée
par la direction de DRTV pour combler le rétrécissement de son
espace publicitaire au cours de laquelle ceux qui souhaitent la
médiatisation de leur vie ou activité paient le prix d'un spot
publicitaire, c'est-à-dire 45 000 F CFA [soit 68 euros], expliquait Paul
Soni-Benga, directeur général de Digital
Radiotélévision (DRTV) à JeuneAfrique79(*).
Repenser l'économie des médias
audiovisuels au Congo
La réalité ainsi peinte souligne la
nécessité de [re] penser l'économie des médias au
Congo-Brazzaville avec l'impératif de trouver un équilibre entre
la logique éditoriale et la logique économique. L'essor de
l'audiovisuel économique viable au Congo n'autorise plus l'amateurisme
et impose la mise en place des stratégies génératrices de
revenus efficaces. Ces stratégies commandent un distinguo entre le
gratuit et le payant, l'information et le publireportage et une connaissance
fiable du public et de ses attentes. Une telle politique nécessite que
des moyens (humains, financiers, techniques) soient proportionnels aux
résultats escomptés. Ainsi, les entreprises de presse
audiovisuelle doivent assurer un équilibre entre dépenses,
production, fonctionnement et ventes (recettes). Pour cela, l'audiovisuel
national doit relever des défis majeurs de la technologie, de la
formation, du financement et de l'audience (CIRTEF, 2011).
Les médias congolais devraient cesser de servir la
propagande et saisir le potentiel économique qui leur est aujourd'hui
reconnu en tant qu'élément des industries culturelles capable de
contribuer à l'économie nationale. Cette ambition suppose une
programmation qualitative mobilisatrice du public au lieu des émissions
de remplissage. C'est dire, pour se répéter, que chaque
entreprise médiatique, chaque télévision doit pouvoir
disposer des statistiques quantitatives et qualitatives renseignant sur
l'audience réelle et potentielle puis sur les attentes satisfaites ou
à satisfaire.
Avec une meilleure connaissance de l'audience, l'audiovisuel
pourra au fur et à mesure se spécialiser en fonction des attentes
et des goûts du public, et cesser d'être généraliste
(cherchant à toucher tout le monde au risque de n'atteindre personne).
Même dites généralistes ces chaînes ont toutefois des
dominantes politiques, musicales. Or, être généraliste
suppose aussi avoir un contenu réel, des programmes divers et
variés. Malheureusement, dans le cas du Congo, il s'agit des programmes
au rabais sans casting et évaluation en termes d'audience.
Résultat, des émissions sont tenues par des animateurs sans
référence au public et performances.
Grâce à la connaissance du public cible,
l'opérateur audiovisuel peut mieux fixer ou négocier le prix de
son espace publicitaire. Si le public qu'il cible et touche est trois fois plus
important que celui d'un concurrent, il en disposera comme argument pour
justifier le coût d'une minute de diffusion. Cette vision commerciale
appelle à l'abandon de l'héritage historique qui fait des
médias en Afrique un instrument de divertissement
(télévision et cinéma) et de lutte sans souci
économique, pour en faire une industrie, une source de
rentabilité et un levier économique. Les propos de Michael
Schudson trouvent un sens lorsqu'il souligne que « le but des
médias est de faire gagner de l'argent à leurs
propriétaires, de fournir du travail à leurs employés, de
s'assurer une position prestigieuse parmi leurs confrères, de divertir
leur public »80(*). Une telle réforme dépend aussi du
professionnalisme, c'est-à-dire, de la formation et du recrutement d'un
personnel qualifié et compétent à qui il convient de
réserver un traitement digne... Dans cet élan de changement, il
est capital de redynamiser la production audiovisuelle nationale. La
définition d'un quota sinon d'un pourcentage de programmes de pure
production congolaise peut ainsi être envisagée et soutenue par le
versement de la redevance audiovisuelle et la mise en place d'un fonds national
de la production audiovisuelle. La mesure est à notre sens doublement
avantageuse. D'une part, elle permet de réduire une forte
dépendance à l'égard de l'étranger et, d'autre
part, garantit plus de visibilité, de promotion à la culture
nationale sans toutefois céder à la « colonisation
culturelle » et fournit un contenu nécessaire à une
filière audiovisuelle nationale.
Sans vouloir remettre en cause tous les efforts
déployés dans le secteur de la presse nationale pour plus de
professionnalisme, nous considérons toutefois que la production
dépasse le cadre d'une table ronde ou d'un radio-trottoir
enregistré sur une cassette recyclée, utilisée et
effacée plusieurs fois. C'est le prix à payer pour faire face
à la concurrence nationale et à celle des
télévisions étrangères qui ont envahi les
ménages.
Il sied de dire dans un registre tout à fait proche de
la production, qu'il se pose un problème de programmation sur les
écrans congolais. Le divertissement (séries nord et sud
américaines au même titre que le cinéma nigérian et
les variétés musicales), nous semble-t-il, y occupe une place
prépondérante au point que la recherche d'un équilibre
avec les autres vocations, à savoir informer et éduquer,
constitue une priorité pour des télévisions qui,
dépourvues de moyens financiers conséquents destinés
à la production locale, se tournent vers des programmes de stocks
étrangers dans l'espoir d'offrir au public des programmes attrayants.
Cela est important parce que générer des ressources rime avec
l'amélioration de l'offre télévisuelle et la
conquête ou la fidélisation du public. Malheureusement, la
nouveauté, la primauté et l'exclusivité y font toujours et
encore défaut.
Par ailleurs, selon Mectar Silla, les bons programmes
dépendent aussi du respect des droits d'auteur qui lui-même est le
pivot de la production audiovisuelle. Or, malheureusement, c'est l'un des
maillons faibles de l'audiovisuel congolais sur lequel se greffe la piraterie.
La solution pour l'auteur est « la défense du droit d'auteur
par un organisme de radiodiffusion télévision, c'est la
défense de ses propres programmes car il ne pourrait y avoir de bons
programmes de radiodiffusion et de télévision sans un
encouragement de la création, des créateurs, sans la
défense du droit d'auteur qui constitue un salaire
différé, et sans protection des oeuvres
produites »81(*).
Ce parcours sur l'état de la télévision
en république du Congo amène à s'interroger sur les
écueils du paysage médiatique congolais actuellement.
3 Les raisons des difficultés des médias
congolais
Selon l'enquête sur le Profil culturel en
République du Congo en 2012, la filière de la presse et des
médias a comptabilisé « 2054
emplois »82(*).
En 2013, le recensement administratif des professionnels de la communication
mené par le CSLC a abouti aux résultats suivants : il y a au
Congo 709 journalistes professionnels, 980 journalistes non
professionnels83(*), 234
journalistes assimilés, 27 journalistes indépendants et 35
journalistes honoraires. Malgré les potentialités d'emplois
offertes par ce secteur, rares sont les rédactions dont les effectifs
atteignent la vingtaine de personnes.
3.1 Les acteurs de
la presse
La plupart des entreprises médiatiques fonctionnent
avec des effectifs très insuffisants, pour minimiser les charges
salariales. On note ainsi une grande différence entre la presse publique
aux effectifs pléthoriques (Radio et Télé Congo comptent
chacune plus de 100 agents) et une presse privée aux effectifs
limités dans laquelle l'exception de DRTV, qui emploie une centaine de
salariés et collaborateurs, suscite l'admiration.
Les effectifs des rédactions
Métier envahi par des amateurs, des militants, des
opportunistes qui y ont élu domicile avec les conséquences que
l'on imagine sur la réputation des professionnels, le journalisme au
Congo présente deux tableaux : le premier est celui des
médias d'État souvent en situation de pléthore (Tidiane
Dioh, 2009) et le second correspond au cas des organes de presse privés
avec des effectifs modestes voire réduits. Parmi les organes de presse
écrite congolaise, les titres comptant plus d'effectifs sont La
Nouvelle République, média public (plus de 22 journalistes),
Les Dépêches de Brazzaville (20 journalistes), Le
Patriote (13 journalistes), La Semaine africaine (8
journalistes), Talassa (9 journalistes dont trois permanents),
Boponami (3), L'Observateur (2), Maintenant et
Vision Nouvelle un seul. Dans le cas de Talassa, Boponami,
l'Observateur, Maintenant et Vision Nouvelle, les journalistes et
même parfois des propriétaires de journaux, ont souvent en charge
diverses tâches en dehors de celle de la rédaction, des
reportages : il s'agit pour illustration, de la distribution et de la
vente du journal. En période électorale par exemple, le
déploiement des équipes de reportage pour certains organes de
presse est difficile à assurer vu qu'il n'y a pas de ressources humaines
mobilisables. Dans l'audiovisuel, Télé Congo comptait en
2005 plus de 300 agents. DRTV, première chaîne privée
emploie une centaine de salariés et collaborateurs tandis que DVS
+ en compte une vingtaine.
Journalistes et précarité
La précarité des journalistes congolais est la
conséquence d'un manque d'emploi et du non-respect de la convention
collective qui devait régir le traitement des chevaliers du micro et de
la plume. Face au chômage, volontaire, bénévole ou jeune
diplômé, considère le passage à la radio, la
télévision ou la presse comme un tremplin vers des meilleurs
emplois. Dans certains médias, on parle de pigistes qui, très
souvent ne bénéficient d'aucune rémunération et ne
vivent que de la camorra.84(*) Cette pratique est également répandue
dans les médias publics où plus d'un diplômé sert
pendant un certain temps gratuitement dans l'espoir d'une intégration
aux effectifs de la fonction publique. La sûreté d'une
Sécurité sociale en tant que journaliste dans les médias
d'État est d'ailleurs, en dehors de la précarité de
l'emploi dans le privé, une des motivations justifiant le recours au
débauchage : des journalistes du secteur privé
n'hésitent pas à quitter leur rédaction pour rejoindre les
médias de service publics dès qu'une occasion se
présente... Ce qui ne veut nullement dire que les journalistes dans les
médias d'État sont dans l'aisance ; sinon ils ne
réclameraient pas le statut particulier de journaliste fonctionnaire.
Du côté des médias privés, la
recherche d'une expérience professionnelle et d'un moyen de survie,
fut-il dérisoire, l'emporte plus sur la négociation ou signature
d'un véritable contrat de travail. Dans cette conjoncture,
"l'employeur", le patron de presse est pris pour un bienfaiteur. Or, l'attitude
de ces derniers frise généralement l'exploitation : en cas
cessation de collaboration, les journalistes ne sauraient s'attendre à
un droit ou privilège. Dans les pires des cas, la collaboration entre
l'organe employeur et le personnel peut se terminer devant l'inspection du
travail comme ce fut le cas en 2006 pour le personnel de Radio Magnificat ou
récemment en 2012 à DVS + à la suite d'une
grève pour raison de salaires impayés. En 2013, sur douze mois
d'arriérés de salaires85(*), les travailleurs exigeaient le paiement du quart
(trois mois) avant de relancer les émissions en radio et en
télévision. À TPT, une autre chaîne de
télévision à Pointe-Noire, les travailleurs sont
même arrivés à plus de trente mois d'arriérés
impayés de salaires86(*), tandis que les salariés de
Talassa ont accusé trois mois d'impayés en 2013. La
situation aurait-elle pu être différente ? Sans doute
l'inapplication de la convention collective par les patrons de presse et le
manque de solidarité professionnelle dans la corporation des
journalistes congolais est à cet effet un facteur non négligeable
et une lourdeur qui ne profite qu'aux éditeurs/patrons de presse. Le
traitement très divers et varié des journalistes d'un
média à un autre en est la preuve.
Individualiste et porté par une soif de gloire et
d'honneur, le journaliste congolais navigue entre militantisme et
propagandisme. Les quelques organisations professionnelles existantes n'ont
jusque-là pas pu se fédérer en véritable force
syndicale capable de réclamer aussi bien les intérêts des
journalistes que de défendre la liberté de presse lorsqu'elle est
menacée. Les exemples ne manquent pas : le mutisme de la presse
congolaise à la suite de la suspension de quatre périodiques en
mai 2013 par le CSLC pour des raisons jugées fallacieuses par Reporters
Sans Frontières (RSF) et la bastonnade dont a été victime
SADIO KANTE, correspondante de Reuter à Brazzaville, alors qu'elle
filmait la devanture de la maison d'arrêt au lendemain du verdict du
procès sur les explosions du 4 mars 2012 à la caserne du premier
régiment blindé. Cet individualisme révèle que
chaque journaliste est directement ou indirectement (par le truchement de la
ligne éditoriale ou la sensibilité politique du patron de presse)
rangé derrière un homme/parti politique.
Cependant, dans la plupart des entreprises de presse, beaucoup
de journalistes travaillent sans contrat ni Sécurité sociale.
Leur rémunération est dérisoire et dépasse rarement
ou de peu la somme de 100 euros par mois, sauf pour le cas des fonctionnaires
ou, dans une certaine mesure, celui des journalistes évoluant aux
Dépêches de Brazzaville. Dans son rapport sur l'état de
la presse en 2005, l'Observatoire congolais des médias (OCM)
indique que « si les agents des radios, des
télévisions, périodiques d'État perçoivent
des salaires régulièrement, leurs collègues du secteur
privé se contentent de faibles rémunérations pour
survivre. Aucune structure ne s'est jusqu'ici préoccupée du sort
des agents des médias privés ».87(*) Ainsi, l'inapplication de la
Convention collective cadre des journalistes dans l'espace CEEAC dans
les entreprises de presse débouche sur un traitement des journalistes au
cas par cas. Dans ces conditions, toutes les prestations que l'employeur sert
au travailleur sont perçues comme des faveurs puisqu'il n'existe pas de
contrat de travail dûment signé entre les deux parties. Or,
« si la convention collective prévoit que le salaire minimum
des journalistes est de 100.000F, l'employeur, lié par cette convention
collective ne peut opposer au journaliste une loi prévoyant un salaire
minimum plus bas, ni amener un journaliste à accepter un salaire plus
bas. S'il essaie de le faire dans le cadre d'un contrat individuel de travail,
les stipulations du contrat doivent être écartées au profit
de la convention collective qui sert ainsi de statut
minimum »88(*).
Puisque les journalistes se font payer des per diem ou le déplacement
par une personne intéressée par leurs services, la
conséquence c'est que sur 100, « 70 % des journalistes
congolais sont des propagandistes, et 20 % des griots »89(*) qui manquent de rigueur dans
leur travail de rédaction. C'est donc à juste titre que l'OMC
souligne que l'application de la « convention collective
permettra de créer la fonction journalistique qui n'existe, au Congo,
qu'au niveau de la Fonction publique ». Et de notre point de vue, le
statut des journalistes semble être utilisé pour museler la
presse.
Justification d'une convention collective
appliquée à tous
Dans le document intitulé La convention collective
cadre des journalistes dans l'espace CEEAC, la convention collective est
définie comme « un accord ayant pour objet de régler
les rapports professionnels entre les employeurs et les travailleurs soit d'une
entreprise ou d'un groupe d'entreprises, soit d'une ou plusieurs branches
d'activité » (P.73). Cette définition calquée
sur les dispositions de l'OHADA en matière de droit du travail (Articles
177 et 181 de l'Avant-projet d' Acte uniforme OHADA portant droit du travail)
vise sans doute à ne léser ni le travailleur, ni l'employeur dans
un contrat de travail. Mais pour le juriste camerounais Jean Marie Tchakoua,
l'intérêt de la convention collective pour les journalistes tient
dans la particularité du métier du journalisme. Ce qui l'a
conduit à évoquer le fait que « les recettes
séculaires sur la répartition du temps de travail ne conviennent
pas forcément à l'exercice de la profession de
journaliste ».90(*) Il explique que malgré les dispositions des
Codes du travail qui fixent les limites ou le nombre d'heures de travail et
établit la nécessité de temps de repos (Articles 226 et
253 de l'Avant-projet d' Acte uniforme OHADA portant droit du travail), le
travail du journaliste ne se plie pas à un découpage comme dans
une entreprise de textile si bien que le journaliste ne peut
bénéficier du même rapport au temps que les autres
travailleurs parce que l'emploi du temps de travail des journalistes n'est pas
facile à gérer. Aussi pose-t-il une question toute simple :
« le journaliste peut-il interrompre un reportage parce qu'il doit
prendre sa pause de la mi-journée voire son repos hebdomadaire à
partir de 17 heures ? ».
Le raisonnement de l'universitaire camerounais chute sur
l'idée de la nécessité d'un statut collectif des
journalistes en Afrique centrale. Ce statut passe évidemment par la mise
en pratique d'une convention collective qui peut aider à éloigner
le journaliste des pratiques déshonorantes. Une allusion peut être
faite à ce sujet selon les pays, au coupage (RDC), au
gombo (au Burkina Faso) et à la camorra au
Congo-Brazzaville. Cette pratique consiste pour les journalistes à
arrondir leur gain en sollicitant des reportages et interviews moyennant de
l'argent. À ce titre, la forte présence des journalistes à
l'ouverture d'un colloque ou d'une conférence internationale - pour
prendre "l'allocution d'ouverture" et de clôture - pour le dernier
mot, constitue le moment où les organisateurs d'un
événement « paient » les
journalistes91(*). On
comprend aisément que la motivation première des professionnels
des médias n'est pas l'information mais la "camorra", l'argent.
Alors, la quasi-inexistence d'un genre journalistique comme
l'enquête dans la presse imprimée par exemple est imputable non
seulement à la paresse, mais surtout à un manque de moyens
(financier, humain et logistique) et de rigueur. Il ne suffit donc pas de
condamner les auteurs des articles, étant entendu que le mal s'enracine
dans les conditions de travail des professionnels des médias. Parce que,
ne pouvant réserver un traitement digne aux journalistes, les organes de
presse limitent au mieux leur effectif rédactionnel et
préfèrent, soit les services des stagiaires, soit les prestations
des diplômés sans emploi qui s'essaient au journalisme, ou les
offices des journalistes -- fonctionnaires prêts à arrondir leurs
gains dans les colonnes d'un organe privé.
Par ailleurs, la condition socio-économique des patrons
des médias est très souvent différente de celle de leurs
employés. Généralement, ces patrons présentent une
situation bien plus reluisante que celle des journalistes qui
végètent. Les rares journalistes jouissant d'une situation
relativement bonne sont souvent ceux qui cèdent au copinage avec les
milieux politiques ou les lobbies économiques.
Formation au métier du journalisme
Très peu de journalistes formés à
l'étranger exercent dans la presse congolaise. La plupart des
journalistes congolais sont formés à Brazzaville et sont
détenteurs d'une licence professionnalisante92(*) obtenue à la
Faculté des lettres et des sciences humaines (FLSH) de
l'université Marien Ngouabi à Brazzaville, au département
des Sciences et techniques de la communication (STC) qui offre une formation
initiale aux métiers du journalisme. Les autres professionnels suivent
leur formation à l'École nationale moyenne de l'administration
(ENMA) où il existe une filière "journalisme" comme à
l'École Nationale d'Administration et de Magistrature (ENAM). À
l'ENMA, la formation de deux ans est sanctionnée par un diplôme
professionnalisant équivalent au Bac + 2. Au pire des cas, c'est
sur le tas que se fait l'initiation au métier de journaliste ou à
partir des formations ponctuelles (séminaires organisés par
l'OCM, le CSLC, le PNUD...), parce que le projet de création d'un
institut des métiers de la communication ou d'une école de
journalisme pour une formation technique n'est pas encore sorti des tiroirs. Il
faut le souligner, la formation sur le tas devait être encadrée
compte tenu de l'indisponibilité des rédactions congolaises
à assurer une formation de longue durée ainsi que le recommande
la convention collective cadre des journalistes dans l'espace CEEAC en son
article 25 : « l'assistant journaliste sans diplôme de
journalisme ne pourra être recruté en tant que journaliste
professionnel qu'après une période de formation pratique et
théorique de deux années consécutives au sein d'une ou
plusieurs rédactions, dont au moins une année de manière
ininterrompue dans la même rédaction ».
Les patrons de presse
Dans la plupart des cas, les organes de presse congolais sont
nés d'une ambition personnelle d'un individu ou groupe d'individus. Sur
l'échantillon qui est le nôtre, trois titres (Le Patriote,
l'Observateur, Boponami) ont pour promoteur des journalistes. À la
lumière de l'enquête sur le Profil culturel national de la
République du Congo, on remarque à titre d'exemple que sur
24 entreprises de la presse écrite citées, 11 ont pour statut
juridique celui d'une « entreprise individuelle » 93(*) et deux (2) appartiennent
à des confessions religieuses tandis que le reste des organes de presse
n'ont pas indiqué leur statut. Ce qui veut dire, en théorie, que
les journalistes sont les principaux promoteurs des organes de presse, suivis
des confessions religieuses puis des associations dont la
représentativité demeure marginale. Cependant, l'index de
viabilité des médias 2006-2007 est catégorique à ce
sujet : « Au Congo-Brazzaville, les radios,
télévisions et journaux [...], pour la plupart, appartiennent
à des politiciens membres du parti au pouvoir »94(*).
De manière générale, l'observation de
l'espace médiatique congolais présente trois catégories
d'employeurs. La première catégorie est composée des
patrons qui ne versent presque jamais de salaire à leurs
employés. Le plus souvent, les journalistes arrivent dans ces
entreprises médiatiques en qualité de stagiaire. Après
plusieurs mois de prestation, le stagiaire est autorisé à
prolonger indéfiniment son « stage ». Pour ce qui
est de la contrepartie financière, les futurs professionnels des
médias sont simplement avertis de ce que « l'entreprise ne
dispose pas de moyens financiers suffisants pour leur réserver un
traitement salarial ». Au regard de la pratique dans les
entreprises médiatiques, cette absence de contrat écrit permet
aux patrons de médias d'échapper aux poursuites judiciaires pour
motif d'exploitation. En clair, les journalistes ont d'autres sources de
revenu. Face à ce genre de patron, ils comptent souvent sur
« la camorra »95(*)ou les « reportages juteux » au
détriment de la couverture médiatique d'événements
jugés « non rentables ».
La deuxième catégorie est celle des patrons qui,
au début du contrat, s'engagent à garantir une
rémunération à leurs agents. Malheureusement, avec une
gestion approximative, la fragilité du modèle économique
appliqué et les difficultés consécutives à la
situation économique générale du pays, ces patrons
volontaristes adoptent un régime très irrégulier. Ici, les
arriérés de salaires sont presque érigés en norme
de sorte que dans une année, percevoir 6 mois de salaires sur 12
relèves d'un exploit.
Ces deux premières catégories d'employeurs des
journalistes sont celles qui prédominent largement dans le paysage
médiatique congolais. La troisième catégorie qui pourvoit
normalement aux salaires des journalistes est faiblement représentative
et ne concernerait que deux à trois entreprises médiatiques. Si
la régularité des salaires est à ce niveau un constat
indéniable, il faut noter que le salaire proposé est souvent bas,
des fois moins du SMIG. Par ailleurs, l'absence de prise en charge en cas de
maladie et de garantie de Sécurité sociale demeure des faiblesses
qui concourent à la précarisation du journaliste au Congo.
Tout compte fait, les conditions économiques de travail
des journalistes congolais sont très difficiles. La plupart d'entre eux
ne signent pas de contrat de travail avec leurs employeurs. Le recrutement se
fait par accord tacite. Ainsi, les propriétaires des médias
exploitent-ils ce vide juridique pour se livrer à toutes sortes d'abus
et de libertinage qui n'ont d'égal que l'organisation de leurs
différentes structures.
3.2 Organisation
des entreprises médiatiques
Au-delà du manque de budget, les organes de presse
congolais sont enclins à une gestion personnalisée et
improvisée. Tout ou presque se fait au gré du patron dont le
capital a aidé à la création du périodique. Les
organes de presse sont ainsi mal organisés et gérés tant
du point de vue des ressources humaines que des équipements, des
finances ou du matériel. Leur statut juridique demeure flou. Quelques
entreprises « individuelles » telle Talassa,
Maintenant, l'Observateur, Boponami ou Vision Nouvelle n'ont pas
d'organigramme, tandis que d'autres à l'instar de La Semaine
africaine, Les Dépêches de Brazzaville, le Patriote,
pour ne citer que les médias privés, témoignent d'une
organisation et répartition de tâches à travers leurs
organigrammes respectifs.
Au quotidien, ces entreprises de presse font face à un
déficit de transparence sur les recettes issues de la vente ou de la
publicité. Dans certains cas, le compte du journal est au nom du
directeur propriétaire. On se retrouve dans une situation où la
presse qui prêche la transparence dans la gestion des deniers publics
refuse de donner l'exemple. Une seule particularité au niveau de
l'audiovisuel public serait l'insubordination qui entraîne des crises
d'autorité dans la chaîne de commandement, aboutissant à
terme au laxisme. Pour anecdote, il n'est pas rare qu'un directeur
général et un directeur de l'information ou des programmes
appelés à collaborer se retrouvent en bisbille. Les aveux de
l'actuel directeur général de Télé Congo
sur son ignorance au sujet d'une nouvelle grille de programme
élaborée en 2010 sont révélateurs de
dysfonctionnement dans la chaîne de commandement. Il se pose à la
fois un problème de leadership, et du management des médias.
Dans la perspective de faire de l'audiovisuel public un
secteur performant, le Centre International des Radios et
Télévisions d'Expression Française (CIRTEF) met en garde
contre toute tentative du monde politique visant à contrôler aussi
bien les médias publics que les responsables qui ont la charge de mettre
en oeuvre les orientations retenues. Le CIRTEF précise ainsi qu'une
entreprise publique n'est pas une administration et que les choix qu'elle
devrait faire sont censés être des choix économiques et
éditoriaux dont elle doit rester maîtresse96(*).
Les conditions de travail
Avec l'avènement des technologies de l'information et
de communication, la presse a bénéficié des progrès
techniques et technologiques qui ont rendu le travail des journalistes plus
rapide. Malheureusement, c'est loin d'être le cas des organes de presse
congolais qui pour la majorité sont sous-équipés en
matériel informatique ou en moyens roulant97(*). Dans cette optique, on
relève d'énormes inégalités en équipement et
en potentialité de distribution des imprimés. La majorité
des rédactions ne dispose pas d'un bâtiment propre servant de
siège : Talassa et le Patriote ne
possèdent pas de locaux propres, Boponami, l'Observateur, Maintenant
et Vision Nouvelle n'ont pas de sièges, tandis que La Nouvelle
République et la Semaine africaine font partie des rares
organes de presse disposant d'un bâtiment propre. Pour ce qui est des
parcs automobiles, la Semaine africaine, Talassa et les
Dépêches de Brazzaville possèdent des
véhicules, mais seul le quotidien brazzavillois les utilise pour le
déplacement de la rédaction et distingue ses véhicules de
service de ceux des particuliers, les propriétaires des organes de
presse en l'occurrence. Certains de ces médias peuvent prétendre
rivaliser avec des médias audiovisuels tels Top TV, DRTV, MN TV,
Radio Liberté, Radio et Télé Congo qui disposent
également des cars de reportage.
Au-delà de toutes ces observations, on peut retenir que
La semaine africaine et le Patriote sont, après
les Dépêches de Brazzaville, les organes de presse les
mieux lotis et équipés de la sphère médiatique
brazzavilloise. En effet, le journal quotidien Les dépêches de
Brazzaville «...Dispose d'une rédaction confortablement
informatisée et de sa propre imprimerie, dotée de la seule
rotative du pays [...]. Ce journal bénéficie d'investissements
massifs provenant du sommet de l'État »98(*). Cette entreprise
bénéficie d'une situation privilégiée. Ce constat
est d'autant plus vrai si, d'une part l'on compare Les
Dépêches de Brazzaville à la Nouvelle
République, organe de presse de service public officiellement
reconnu, et si l'on compare d'autre part les Dépêches de
Brazzaville, formellement un organe privé, aux autres médias
privés. On est alors tenté de constater une concurrence
déloyale organisée par les pouvoirs publics.
3.3 Les facteurs de
péripéties des médias congolais
La fragilité des entreprises médiatiques
congolaises tient essentiellement à leur incapacité à
s'autofinancer. Ce handicap se double d'une gestion individualisée qui,
non seulement éveille des soupçons de la part des
employés, mais aussi met à mal la satisfaction de certaines
contraintes nécessaires à la bonne marche d'un média
dépourvu d'assises financières et de modèle
économique viable et soutenable.
Les charges, un goulot d'étranglement
L'une des charges lourdes des entreprises médiatiques
congolaises est la charge salariale. Le montant d'un salaire individuel
étant culturellement gardé secret au Congo, il n'y a pas moyen de
dresser un tableau renseignant sur les grilles salariales des
différentes entreprises. Tout de même, le cas de Talassa
dont la masse salariale (journaliste et autre personnel compris)
équivaut à la somme de 1.115.000 F CFA (1 700
€) est édifiant. Or, si on considère que
chaque mois, un bi-hebdomadaire tel Talassa doit dépenser 2.
928 000 F CFA (4 464 €) pour la production du journal (voir les
détails en annexe 4.4), 1. 115 000 F CFA pour les salaires du
personnel et 300.000 F CFA (458 €) de loyer, soit un total de 4.
343 000 F CFA contre de recette mensuelle de vente au numéro de
l'ordre de 4. 222.200 F CFA (6 437 €), il est clair que les charges
à supporter pour les entreprises de presse écrite sont bien plus
considérables que les recettes (ou revenus), si l'apport de la
publicité ou de tout autre moyen de financement ne vient pas en appoint.
Charge financière dans la
fabrication d'un journal: cas de Talassa
Désignation
|
Prix unitaire en FCFA
|
Quantité moyenne par édition
|
Total
|
Nombre de parutions
|
Coût global
|
Rame de papier
|
18.000
|
10
|
180.000
|
12
|
4.160.000
|
Plaque
|
6000
|
6
|
36000
|
12
|
432.000
|
Impression
|
150.000
|
2000
|
150.000
|
12
|
1.800.000
|
Coût minimal pour 12 éditions
|
4.392.000 FCFA
|
De facto, il est aisé de comprendre pourquoi les
domiciles de certains directeurs de publications font office de
« siège social » à certains titres
dépourvus de moyens. Dans ces conditions, la véranda, voire la
cour du promoteur/directeur de publication peut servir de "salle de
conférences" dans l'hypothèse où il existerait une
équipe rédactionnelle d'au moins une dizaine de personnes.
Malheureusement, ce n'est pas souvent le cas sachant que des
promoteurs/propriétaires des périodiques préfèrent
individuellement assumer plusieurs tâches à la fois et limiter le
nombre d'employer dans l'intention de minimiser au mieux les charges qui,
valent bien plus que ce que nous avons indiqué ici, si nous
considérons les dépenses relatives à l'eau et
l'électricité, à la communication (téléphone
et Internet), au transport, à la distribution, aux fournitures de
bureau... Les coûts sont énormes.
La descente aux enfers : la pluralité
à la précarité
Dépourvus d'ambition et de modèle
économique, ces titres ont pour la plupart simplement disparu du paysage
médiatique comme du beurre au soleil. La Nation,
Madukutsékélé, La Rumeur, Le Tam-Tam, la liste n'est
pas exhaustive. Aujourd'hui encore, faute de base économique, nombreux
sont les titres sans avenir : La Rue-Meurt, L'Observateur, Boponami,
Nouvelle Vision et bien d'autres encore n'augurent pas des lendemains
meilleurs. Face à l'étroitesse du marché de la
publicité sur lequel les principaux annonceurs ou partenaires
publicitaires (institutions gouvernementales pour l'essentiel et les ONG et
entreprises privées dans une moindre mesure) détiennent les
clés de l'indépendance, le recours à des méthodes
peu orthodoxes et déontologiques pour survivre est inévitable
pour ces entreprises de presse dont le principal modèle de financement
reste la publicité. Dépendant des annonces et peu
structurée, la presse se trouve alors domestiquer et instrumentaliser
par les pouvoirs économiques : institutions gouvernementales, ONG
et entreprises privées. Dans cette jungle médiatique, l'organe
qui aura vivoté cinq (5) ans durant pourra s'estimer chanceux.
Toutes proportions gardées, au regard de l'absence de
données chiffrées (fiables) avec des encarts publicitaires au
prix dérisoire (200 à 100.000 F CFA la page), le marché
reste embryonnaire. Et à chaque fois qu'un nouvel organe d'information
voit le jour, l'émiettement des parts de la publicité aux
médias devient considérable et réduit toute chance de
rentabilité ou de rentabilisation... À cette
réalité, on peut ajouter le décalage entre le tirage de
chaque organe de presse et la population générale (environ quatre
millions d'habitants) ou le taux d'alphabétisation (92,1 %) en
République du Congo. Ce qui signifie que par rapport au nombre de la
population et à celui des personnes sachant parler et lire le
français au Congo (78 % en 2010), les capacités
réelles des organes de presse écrite à informer ses
potentiels lecteurs sont quasi-nulles. Dans ces conditions, les annonceurs
ont-ils tort de jouer des organes de presse incapables de fixer le prix d'un
encart publicitaire en fonction, non seulement de la place de la
publicité dans le journal, mais également en tenant compte de la
taille du lectorat ? Dans ce modèle économique introuvable,
le financement direct ne saurait garantir un retour sur investissement,
viabiliser ou rentabiliser l'activité journalistique, le projet
éditorial. La pénurie du papier, intrant incontournable,
représente aussi une externalité négative qui
anéantit tout éventuel avantage lié aux coûts fixes
sur lesquels les médias s'appuient souvent économiquement. La
probabilité d'un fort taux de prise en main du journal par les lecteurs
est faible si l'on considère le rapport aux éventuels invendus et
la population générale. Ce qui signifie que la presse n'a pas les
moyens de ses ambitions.
Par ailleurs, les écarts de tirage peuvent être
expliqués par, cela est à relativiser, des écarts
budgétaires entre ces différents organes de presse. Mais, cela
signifie-t-il que le titre qui mobilise des capitaux élevés se
soucie plus de la rentabilité de son activité ?
Plus de 30 ans durant, des années
post-indépendances à la conférence nationale souveraine en
1990, la presse écrite congolaise a fait les frais de la monopolisation
de la parole sévèrement contrôlée par l'État,
freinant ainsi toute initiative privée ou individuelle. À cause
de cette situation de monopole d'antan, malgré l'ouverture
démocratique des années 90, nous distinguons deux
catégories d'entreprises de presse écrite dans le paysage
médiatique congolais : les organes de presse débrouillards
et ceux relativement bien organisés.
Les organes de presse débrouillards
De façon générale, ils sont
sous-équipés et ne disposent guère d'un budget de
fonctionnement ni d'un fonds de roulement, ce qui explique
l'irrégularité de parution de certains périodiques qui
participent de cette catégorie. Ces organes de presse, en dépit
de la rédaction présentée dans l'ours, ne dispose pas d'un
organigramme. Ce qui traduit combien le fonctionnement de ces organes reste
simplement une aventure. Car, non seulement les effectifs du personnel aussi
bien administratif que rédactionnel permanents dépassent rarement
une dizaine d'employés, mais également le promoteur et/ou
propriétaire cumule les fonctions de directeur de publication, d'agent
commercial ou de chargé de marketing et de directeur
général. Il s'agit en gros soit des organes d'information
à propriété déguisée ou des titres
créés presque de façon spontanée contrairement
à d'autres issus d'un projet éditorial et économique. Dans
cette catégorie, on peut classer les organes suivants : les
périodiques Vision Nouvelle et Boponami qui sont
respectivement animés par une et trois personnes. Dans les deux cas,
aucun de ces périodiques ne dispose d'un siège social : les
adresses indiquées sur les bandeaux des imprimés étant les
domiciles de chacun des directeurs de publication. Si Vision Nouvelle
est une initiative « individuelle », Boponami
quant à lui est le fruit d'une « mutualisation des
fonds »;
Talassa : à la différence des deux
périodiques cités supra, ce bihebdomadaire né d'une
ambition personnelle dispose au moins d'un siège social et compte 19
agents dont neufs journalistes sur trois permanents. Ce bi hebdo ne dispose ni
d'un organigramme ni d'un budget, deux facteurs clés pour une meilleure
gestion et organisation. Par ailleurs, l'Observateur est
animé par deux journalistes qui sont les hommes à tout faire.
Quant à La Nouvelle République, organe de presse de
service public comptant un personnel de plus 50 agents (journalistes et autres
confondus), ni son nouveau siège inauguré le 10 août 2012
ni son budget annuel, « versé à compte
goûte » et passé de dix-huit millions en 2008 à
dix millions en 2012, ne lui permettent de paraître de façon
régulière pour rivaliser avec les médias privés.
Cet organe est pourtant bien organisé de par son organigramme, mais sa
forte dépendance à l'égard du ministère de la
communication semble le rendre contre-productif.
Les organes de presse relativement bien
structurés
C'est le trio constitué par des entreprises de presse
dont l'équipement, la qualité physique et le prix de vente des
imprimés, comparé au prix des consommables, tranchent avec le
reste des périodiques congolais. Dans cette galaxie, à la
singularité des trois entreprises de presse dont il est question ici
s'ajoute l'opacité avec laquelle sont financées certaines d'entre
elles. Les dépêches de Brazzaville sont à ce jour
l'unique quotidien congolais qui propose depuis bientôt un an des pages
en quadrichromie grâce à son imprimerie ultramoderne. Avec le
bihebdomadaire catholique La Semaine africaine, ce quotidien ayant un
statut juridique de Société anonyme à
responsabilité limitée (SARL), est le seul journal
possédant une imprimerie et employant plus de 25 personnes ; ce qui
sous-entend un important financement à leur disposition.
La semaine africaine est propriété
de l'Église catholique nantie d'une grande expérience et d'une
notoriété acquise grâce à son ancienneté. Ce
périodique dont le prix de vente est passé de 500 à 250,
et puis de 250 à 350 F CFA en moins de dix ans (signe de changement de
stratégie ou de difficulté face à la concurrence du
quotidien Les Dépêches de Brazzaville ?), a su
rester une référence de la presse écrite congolaise avec
une ligne éditoriale « sociale ». Enfin, Le
Patriote, se révèle également être une
société anonyme à responsabilité limitée
pourvue d'un budget mensuel de 6.000.000 FCFA avec un site Web, au même
titre que Les dépêches de Brazzaville et La semaine
africaine dont les contenus sont régulièrement
actualisés.
Moyens de survie d'une presse en proie aux
difficultés
Le caractère faible ou inexistant de l'apport de l'une
ou l'autre source de financement permet de se faire une idée sur la
nature de l'entreprise de presse et son contenu. À la fois entreprise
commerciale et vecteur de biens culturels, la presse écrite, vendue sur
deux marchés (lecteurs et annonceurs publicitaires), de par cette
caractéristique de son économie, comporte des risques
énormes qui pèsent sur l'orientation éditoriale des
publications. D'autant plus qu'en principe la presse papier est vendue à
un prix inférieur au coût de revient. Cette
précarité économique n'est pas sans conséquence sur
le contenu des journaux. D'où la production de supports de relations
publiques pour survivre et subsister financièrement grâce à
des mains bienfaitrices invisibles.
Dans la mesure où le marché de la
publicité est réduit, ce sont des articles orientés ou
partisans qui aident certains organes, voire la majorité, à faire
face aux difficultés qui sont les leurs. Si dans la presse proche de la
majorité présidentielle bénéficiant un peu plus
facilement des quelques rares annonces, la pratique éditoriale invite
à l'admiration et à l'adhésion aux « efforts du
gouvernement », la presse dite d'opposition avec laquelle les
annonceurs préfèrent ne pas s'afficher, a opté pour un ton
contestataire et polémique. Ainsi, nous avons pu observer que les scoops
à scandale dans la presse dite d'opposition émanent
généralement des milieux politiques (opposition et pouvoir en
place) qui n'hésitent pas à alimenter la presse (en informations
et financièrement) par achat d'espaces dans l'intention de
détruire un adversaire ou de se faire bonne presse. Ce qui a pour
conséquences des titres sensationnels, le journalisme assis, la
précarité et la mendicité du journaliste, le chantage,
l'information orientée, désorientée, une presse partisane
ou militante.
L'analyse des sources de financement de la presse au Congo
débouche sur une réalité qui autorise à
considérer que la presse congolaise est alimentée
financièrement par des milieux politiques. On observe des pratiques
éditoriales dictées par une recherche effrénée du
profit, et cela même par l'utilisation de méthodes peu
déontologiques sacrifiant l'intérêt du public pour le
profit financier. Le machiavélisme est ainsi érigé en
règle du jeu. Face au manque de financement, les journalistes vont
jusqu'à réaliser des interviews facturées sous forme de
publi-infos. Pierre Nzissi-Bambi, directeur de publication du quinzomadaire
Vision Nouvelle, avoue que l'interview du président fondateur
de l'association politique Mbongui le jeune, publiée dans le
N°001 à la page 4 de son journal, a rapporté 100.000 F CFA.
Par ailleurs, Pierre Nzissi-Bambi soutient que « la presse
écrite congolaise est inféodée aux partis
politiques »99(*).Pour être convaincant, il a
révélé que Le Flambeau, premier hebdomadaire
qu'il a animé, avait été financé par un Ministre et
que Vision Nouvelle attendait des financements d'une personne
influente au sein du pouvoir en place. Ce qui explique pourquoi quelquefois, il
arrive qu'une édition soit discrètement financée par un
homme politique qui veut régler des comptes à un adversaire ou se
faire bonne presse. Cette débrouillardise fait de la presse congolaise
une presse sous perfusion soumise quelquefois aux caprices extérieurs
à la rédaction, au point de voir une édition du journal
retardée pour attendre un publireportage ou une insertion. D'ailleurs,
dans une interview, Souleyman cortodin Nzélangani, Directeur de
publication du journal Droit de cité, un hebdomadaire
privé d'informations générales créé depuis
2005, est formel : « À vrai dire, la presse privée
n'est pas indépendante au Congo ».
Un autre moyen utilisé pour faire face aux
difficultés par la presse est la « per-diemisation »
de l'activité journalistique ou le journalisme mendiant ou
alimentaire, ainsi que l'indique l'OCM : « il arrive
souvent qu'on assiège un cabinet ministériel ou une direction
d'entreprise, après y avoir effectué un reportage, une interview.
Lorsqu'on est à court d'argent, on improvise un reportage. On
n'hésite pas à demander à un ministre, un directeur
d'entreprise ou un représentant d'une institution les frais de
reportage ; des volontaires ou des stagiaires non
rémunérés sont envoyés couvrir des
événements et [...] se font payer par celui ou ceux qui
convoquent la presse. Ces stagiaires ou volontaires reverseraient une partie de
la somme à celui qui les a désignés. Il existerait des
personnalités, chasse gardée de certains journalistes
influents ; des personnes sélectionnées en fonction de leur
"générosité100(*)"».
Analysant la situation des médias écrits en
Afrique centrale, Marie-Soleil Frère pense qu'en période
électorale, les allégeances de la presse aux politiciens sont
encore plus visibles. Ainsi écrit-elle : « Au
Congo-Brazzaville également, l'argent récolté à
l'occasion de la campagne a permis de renflouer les caisses des médias
en difficulté »101(*). Pour étayer son propos, l'auteur cite le
directeur de publication de La Semaine africaine qui avoue que les
élections sont un moment faste à l'égard de la presse pour
des communiqués rentables. Ce qui explique, en partie, l'apparition
et/ou la réapparition de certains titres à l'orée des
échéances électorales. Un constat étaye ce point de
vue. Lors des élections législatives de 2012 par exemple, plus
d'un nouveau titre a vu le jour dans le paysage médiatique congolais. Le
cas de Boponami, Vision Nouvelle ou Le Troubadour (bimensuel
satirique d'information) dont le N°00 a été mis sur le
marché le 11 juillet 2012 et de L'oeil Neuf, tous nés en
réalité pour servir de supports de campagne. Dans la
foulée des échéances électorales, on a vu
réapparaître des titres comme Echos-News 777, un
« hebdomadaire » du Groupe Talassa, après
plus de deux ans d'éclipse.
Le rôle de l'État versus le rôle
des organisations professionnelles
L'État est un des acteurs majeurs dans le secteur de la
presse. Le potentiel de production de la presse, les obstacles à sa
viabilité économique ainsi que les conséquences (fastes et
néfastes) qui résultent de la débrouillardise de la presse
congolaise pour le développement et la démocratie posent le
problème du rôle de l'État. Celui-ci doit à ce
titre :
- Organiser la formation (initiale, continue). À notre
sens, la formation sur le tas devrait être réservée
à une certaine élite pour éviter de profaner le
métier du journalisme. Il conviendrait alors d'exiger au futur
journaliste un niveau d'étude supérieur ou égal au Bac
+ 5 ;
- Rendre effective l'aide (directe ou indirecte) à la
presse modulée en fonction de la périodicité, la
régularité du titre, du tirage, du nombre des journalistes
professionnels employés dans un organe, de la diffusion, des charges
sociales et du respect du cahier des charges et du dépôt
légal, ceci après au moins deux ans de parution à la suite
de la création d'un titre. Au regard de l'expérience du Tchad ou
du Burkina Faso (Serge Théophile Balima et Marie- Soleil
Frère, 2003), il serait préférable d'envisager une
aide indirecte à la presse pour éviter que l'aide directe
(financière) ne serve à d'autres fins et ne profite aux
journalistes et à leur rédaction ;
- Exiger des organes d'information d'indiquer, à chaque
parution, le nombre d'exemplaires totaux imprimés de l'édition
précédente dans l'ours de leur journal, et exiger plus de
transparence sur leurs activités en leur imposant des rapports mensuels
sur leurs recettes ; supprimer les organes de presse écrite de
service public en raison d'une absence de rentabilité et de
productivité. Si ce n'est pas le cas, l'État consentirait-il une
part de l'aide à la presse si un jour cette aide devenait
effective ?
- Délivrer la carte professionnelle aux journalistes
pour protéger la corporation des brebis galeuses et fixer un
capital nécessaire pour la création d'un titre pour ne pas
saturer inutilement le paysage médiatique et veiller au respect du
SMIC dans le traitement des journalistes;
Par ailleurs, les associations des professionnels de
l'information et des éditeurs ne sont pas dynamiques et unies. Par
manque de soutien interne et externe, les groupements professionnels ne sont
pas en mesure, non seulement de jouer le rôle de dialogue avec les
pouvoirs publics pour défendre la corporation des journalistes, mais
également de rendre service à leurs membres confrontés aux
menaces des milieux politiques et exploités par des promoteurs. Et
éditeurs ou promoteurs des organes de presse demeurent quant à
eux dans une posture de concurrence sans se soucier des intérêts
communs. Pour cela, ils doivent demander :
- L'application et le respect de la convention collective pour
un meilleur traitement des journalistes par les employeurs et
définir le prix d'une rémunération à la
pige ;
- Plaider pour une centrale d'achat pour s'approvisionner en
consommable ou grouper les achats et privilégier une concentration
des organes de presse selon les tendances ou orientations éditoriales
(pour ou contre le pouvoir en place), avec un conseil d'administration
regroupant éditeurs de même tendance éditoriale en vue de
bénéficier des économies
d'échelle liées aux coûts d'impression toujours
croissants et valoriser une audience plus importante auprès des
annonceurs et garantir un meilleur traitement aux journalistes afin d'exiger
d'eux un travail rigoureux et professionnel.
4 Quelques pistes pour renforcer la qualité et
indépendance des média
À travers ce chapitre seront exposés un
idéal et non une recette toute faite grâce à laquelle la
situation de la presse écrite congolaise pourrait s'améliorer. En
clair, il s'agit ici d'une esquisse de pistes de solutions pour aider les
organes d'information congolais à aller vers une autonomie
financière, à trouver un modèle économique pour se
viabiliser économiquement. Ainsi, une action doit être
envisagée à deux niveaux, à savoir du côté
des pouvoirs publics et du côté des promoteurs des
médias.
4.1
Théorisation
« Des médias libres et indépendants
sont un instrument important du développement. Ils favorisent une
évolution positive en ce qui concerne les pratiques économiques
et sociales, la bonne gouvernance, la lutte contre la corruption et
l'accès aux services sociaux essentiels [...].»102(*). À notre sens,
l'importance de l'indépendance de la presse ne réside pas
seulement dans le développement économique, mais également
dans la stabilité sociale. Raison pour laquelle le développement
des médias de la société civile peut constituer un motif
d'espoir pour une information neutre et dépassionnée. Cependant,
il convient de définir et circonscrire les contours de ce qu'on entend
par indépendance de la presse et/ou du journaliste.
Forgée par la philosophie libérale anglaise au
XVIIIe siècle, la liberté de la presse s'appuie sur trois
piliers essentiels : l'indépendance d'un média par rapport
à l'État, le pluralisme de l'information et l'autonomie
financière d'une entreprise médiatique (Oloyode 2005, p.102).
Sous cet angle, une presse libre correspond à une presse privée
qui ne dépend pas financièrement ou économiquement de
l'État. En 1991 à Windhoek, l'Unesco avait, dans l'article 2 de
sa déclaration, approuvé cette vision libérale de la
liberté de presse en précisant qu'une presse indépendante
est « une presse sur laquelle le pouvoir public n'exerce ni emprise
politique ou économique, ni contrôle du matériel et des
équipements nécessaires à la diffusion des journaux,
magazine et périodiques ». Consacré au pluralisme
médiatique, l'article suivant (Art.3) définit la presse
pluraliste comme « la suppression des monopoles de tous les genres et
l'existence du plus grand nombre possible de journaux, magazine et
périodiques reflétant l'éventail le plus large possible
des points de vue de la communauté ». Aujourd'hui toutefois,
le champ de cette indépendance ne se limite plus à la seule
opposition au pouvoir politique. Une liberté vis-à-vis du cordon
de la bourse des lobbies économiques complète la
définition de l'indépendance des médias et
l'élargit aux différentes contraintes (économiques et
sociales) auxquelles les chevaliers de la plume sont souvent soumis.
Au regard de ce prologue, l'indépendance de la presse
congolaise et de ses acteurs n'est pas chose évidente pour deux raisons
principales. D'abord, pour un journaliste professionnel qui ne « tire
pas l'essentiel de ses revenus de l'exercice de son
métier »103(*), l'intégrité morale n'est pas
garantie. Car une indépendance d'esprit pour un journaliste passe par un
salaire décent qui le met tant soit peu à l'abri du besoin.
Ensuite, quelle que soit la bonne volonté des journalistes ou des
éditeurs, le modèle économique construit sur le
« per diem » ou celui ayant la publicité comme
principale source de financement expose malheureusement aussi bien
l'éditeur que les chevaliers de la plume et du micro à une
dépendance, pour des raisons économiques, vis-à-vis des
principaux annonceurs ; en l'occurrence, les institutions publiques et les
sociétés de téléphonie mobile. Or, comme nous
l'avons vu supra, certaines entreprises privées craignent de s'afficher
dans les médias dits de l'opposition (ou indépendants) pour ne
pas être taxées de soutien à l'opposition. Dès lors,
l'indépendance à l'égard des pouvoirs publics n'existe
plus. C'est en fait l'indépendance dans la multidépendance. On
peut simplement parler d'une indépendance d'esprit dont les contours
définitionnels et l'effectivité sont des questions
d'éthique individuelle.
Car, « la presse est entièrement
dépendante de forces extérieures »104(*). Cette conception cadre
avec la démonstration faite par Jérémie Nollet, en
référence à la théorie de la double
dépendance des médias [aux pouvoirs politiques et
économiques] de Patrick Champagne, quand il soutient que « le
journalisme doit ses conditions d'existence (et donc une partie de ses
modalités de fonctionnement) aux champs politiques et économiques
(et donc à leurs logiques) : l'indépendance gagnée
sur l'un des deux l'étant très souvent au prix d'une
dépendance accrue à l'autre ».105(*) Dans le cas du Congo, le
champ politique est presque indissociable du champ économique
étant donné que le secteur économique est sous
développé, faisant des milieux politiques des potentiels pouvoirs
économiques.
En réalité, malgré
« l'indépendance » proclamée des
médias sous les termes de liberté d'expression et/ou pluralisme
de l'information, les pouvoirs publics tiennent toujours la presse entre leurs
mains, puisqu'ils peuvent la priver de subsides sans toutefois demander la
fermeture ou la suspension d'un titre. Ce qui sous-entend que la situation
pléthorique dans laquelle patauge la presse congolaise, outre mesure,
profite au pouvoir public. Cette pléthore de titres peut paradoxalement
se révéler dangereuse en ce que chaque nouveau titre
représenterait une menace au pluralisme de l'information (plutôt
que le contraire), donc à la démocratie. Ainsi, le pluralisme
médiatique de notre presse comporte des dangers qui lui sont propres. Ce
qui signifie que le fait qu'il existe plusieurs journaux ne garantit pas
nécessairement le pluralisme de l'information qu'il convient de
distinguer du pluralisme médiatique. Par exemple, il existait bel et
bien un pluralisme médiatique entre 1963 et 1990, mais cela n'a
nullement occasionné le pluralisme de l'information. Exerçant le
monopole de l'information, le parti-Etat avait en même temps le monopole
de la vérité : l'information officielle relayée par
tous les médias de l'époque était considérée
comme vérité officielle. Et cette pratique peut donc s'exercer au
mépris de la clause de conscience.
La clause de conscience
Considérée comme la garantie par excellence de
l'indépendance professionnelle du journaliste vis-à-vis de son
employeur, la clause de conscience est le premier levier susceptible de
libérer le professionnel de la presse du joug patronal. Grâce
à cette disposition offrant au journaliste la possibilité de
quitter une rédaction lorsqu'une nouvelle orientation éditoriale
heurte sa conscience ou sa morale, chaque professionnel, théoriquement,
peut se prévaloir d'une indépendance ou autonomie
d'esprit106(*).
Seulement, comment soutenir et tenir pareille insoumission quand il est
établi que le journaliste est avant tout un être humain,
c'est-à-dire, un être appartenant à une race, une ethnie,
un clan, une confession religieuse ou une religion ; un père (une
mère) de famille, ou du moins un être ayant une sensibilité
politique/idéologique et/ou un être soumis à des pressions
sociales, économiques voire familiales ? Si le journaliste peut se
placer au-dessus de toutes ces forces extérieures, comment doit-il en
revanche réagir au devoir de subordination que lui impose le droit du
travail ?
Il convient de bien situer le lien de subordination, indique
Jean Marie Tchakoua en distinguant d'un côté l'idée selon
laquelle un contrat de travail suppose la subordination du salarié
à son employeur et, de l'autre l'inaliénabilité de la
liberté du journaliste dans l'exercice de son métier. D'où
l'on retient de sa conclusion qui se fonde sur « une liberté
dans ou malgré la subordination »107(*), que ces deux contraintes ne
sont pas inconciliables. L'interdépendance entre ces différentes
variables n'est pas à notre avis de nature à dédouaner le
journaliste du poids de toutes les sources de pression. Dans un article
consacré à la Crise de l'indépendance de la presse au
Congo108(*),
Nadège Ela pose un diagnostic intéressant en distinguant des
journalistes employés du secteur public et ceux du secteur
privé.
«Dans le premier cas, les professionnels de la
communication sont des fonctionnaires et des apparentés, donc soumis au
statut de tout employé de l'État. En l'absence de toute autre
législation protégeant sa liberté de conscience, il
obéit aux injonctions de son employeur - l'État -
propriétaire de son outil de travail et détenteur du cordon de la
bourse. Jusqu'à ce jour, la démocratie n'a pas constitué
à ce sujet une garantie. Bien au contraire, le contrôle des
médias d'État s'est toujours renforcé. La politisation des
communicateurs n'est pas désaccélérée, le
traitement "orienté" de l'information reste de mise, la tendance
à la légitimation de la pensée unique, celle des partis au
pouvoir et des lobbies a toujours été forte. Le pluralisme s'est
sitôt rétréci au bénéfice de
"l'idéologie dominante" du régime en place : ici toute
"bonne" vérité est officielle. » Ce qui
expliquerait, en partie, pourquoi la plus grande partie de sujets
traités par la presse congolaise porte sur la couverture des
activités institutionnelles (voyages du chef de l'État, des
ministres, députés, sénateurs ; séminaires de
renforcement de capacité à gauche et coupure d'un ruban
symbolique à droite) tant dans les médias publics que
privés.
Pour le cas du secteur privé, l'influence des milieux
politiques est plus qu'avérée par le fait que les acteurs
politiques représentent environ plus de la moitié des
commanditaires ou promoteurs des entreprises/organes médiatiques.
L'universitaire Nadège Ela affirme d'ailleurs que la création
d'un organe n'a, ici, jamais été innocente. Ceci est d'autant
plus vrai qu'on assiste souvent à la mise en ondes de nouvelles stations
de radio télédiffusion et à la publication de nouveaux
périodiques à la veille des échéances
électorales.
La piste de l'indépendance de la presse congolaise se
referme finalement sur une impasse dont l'issue serait la voix de la
neutralité, de l'objectivité ou de l'impartialité.
Neutralité, impartialité ou
objectivité ?
Dans un contexte comme celui de la presse congolaise, il n'y a
pas d'indépendance sans autonomie financière et le prix à
payer pour rester neutre est coûteux. D'autres auteurs, comme
Marie-Soleil Frère, en soulignent la portée : « le
coût est double : au sens propre, l'équilibre et la
neutralité nécessitent que l'on dispose des moyens qui
garantissent l'indépendance. Au sens figuré, les médias
peuvent se heurter à la désapprobation des pouvoirs en
place »109(*).
Si l'on considère ces contraintes politiques auxquelles il convient
d'ajouter des contraintes sociales (préservation de l'emploi pour un
journaliste), économiques (maintien d'un partenaire publicitaire) et
religieuses, il est clair que la neutralité ou l'impartialité
restent un idéal, voire n'existent pas en journalisme. Car, vivant dans
la société, le journaliste a des convictions, appartient à
un sexe autant que les opérateurs économiques ont un penchant
pour la recherche du profit et la sauvegarde d'un certain nombre
d'intérêts. C'est sans doute ce que voulaient dire Bill Kovach et
Tom Rosenstiel lorsqu'ils soulignent que « l'impartialité
et la neutralité ne sont pas des principes essentiels au
journalisme »110(*). Cela va de soi, avec la publicité ou les
milieux publics comme principale source de financement, la presse congolaise
peut difficilement prétendre à l'impartialité. Et puis, le
principe professionnel qui oblige à trouver un angle d'attaque à
chaque sujet, restreint considérablement l'objectivité dans le
travail du journaliste. Choisir un seul aspect pour traiter un
événement permet certes de ne pas faire d'un reportage un
fourre-tout, mais il n'en demeure pas moins que cette exigence professionnelle
offre des possibilités de traiter un sujet sous un angle favorable aux
sensibilités politiques ou religieuses d'un journaliste. Qui plus est,
la définition des angles dépend souvent de la ligne
éditoriale d'un média. L'exemple de la devise de Paris
Match nous paraît édifiant : « le poids des
mots, le choc des photos ». Cet exemple illustre comment un journal
peut volontairement opter pour le sensationnalisme, la spectacularisation de
l'information, voire la propagande ou l'invective, au détriment de la
recherche de l'objectivité à travers une relation factuelle de
l'actualité. Dans cette optique, on note l'apparition des nouvelles
formes de subordinations dans la pratique du journalisme au Congo où
l'on assiste à la "faillite d'un contre-pouvoir". Désormais, les
pouvoirs politiques considérés de tout temps comme principaux
oppresseurs de la liberté de presse font recours à des
méthodes bien plus subtiles que la censure, l'assassinat ou
l'emprisonnement des journalistes. Certes, les intimidations n'ont pas disparu
et la dépénalisation des délits de presse est un acquis.
Cependant, le contrôle exercé sur l'information a pris des formes
bien plus insoupçonnables.
4.2 Eléments
de référence concrets
Ces éléments tiennent, dans le cas des
médias africains en général et ceux du Congo en
particulier, à la viabilité économique et
financière des médias. C'est un maillon important sans lequel les
valeurs de neutralité, d'impartialité, d'objectivité et
d'indépendance ne peuvent émerger comme nous allons le voir par
la suite. Demander une information pluraliste, neutre et honnête au
journaliste suppose du professionnalisme et des ressources
considérables.
Viabilité des entreprises
médiatiques
Par rapport à l'environnement économique, le
marché congolais est peu favorable à la consolidation des
véritables entreprises médiatiques ou d'une industrie
médiatique. Le marché de la publicité, difficile à
évaluer, ne constitue guère un levier économique pour la
presse congolaise, si l'on s'en-tient à ce qu'il peut représenter
sur les 20 % des flux publicitaires pour toute l'Afrique. Qui plus est, sa
domination par des sociétés de téléphonie mobile
et, pour le moins par les brasseries, expose les médias à une
concurrence sauvage à laquelle seuls les annonceurs sont gagnants. On
constate une inégale répartition de l'offre publicitaire entre,
d'une part médias chauds (notamment la télévision)
jugés plus prestigieux et les médias froids (la presse
écrite), et d'autre part entre médias publics
[subventionnés par l'État et bénéficiant d'une
grande notoriété due à leur ancienneté] et les
médias privés, selon qu'ils sont favorables ou non au
régime au pouvoir.
Par rapport à cette réalité, les
entreprises de presse restent tributaires des financements de leurs
commanditaires ou promoteurs (les hommes ou milieux politiques
généralement) et s'en départirent difficilement. Si les
médias implantés dans les grandes agglomérations
(Brazzaville et Pointe-Noire), où est concentrée la
majorité de la population (60 %) et l'essentiel de
l'activité économique et médiatique, peuvent se
prévaloir des rentes publicitaires dans le financement de leurs
activités, la réalité pour l'audiovisuel installé
dans les localités secondaires est loin d'être la même.
En effet, les chaînes de télévision et de
radios rurales (ou de proximité) qui représentent une part
importante de l'audiovisuel national, ne survivent que grâce aux moyens
financiers de ceux qui en sont les commanditaires. Or, dans la plupart des cas,
quand il ne s'agit pas des entités administratives (ministère de
l'agriculture, collectivités locales), il s'agit des hommes
politiques : députés, ministres, sénateurs ou autres
potentiels candidats à la recherche des suffrages. La publicité
n'y a pas droit de cité du fait de la large couverture dont
bénéficient les produits des sociétés de
téléphonie mobile sur les ondes de la radio et la
télévision nationales. Pour ces médias de campagne au
statut flou, le communiqué divers est l'espoir d'une recette mensuelle
d'au moins 50.000 Fcfa (72£)111(*). De plus, le recours aux bénévoles et
volontaires qui représentent plus de 80 % du personnel est une
constante qui traduit les limites financières de ces médias
à engager des professionnels. Même pour les stations radio
télédiffusion appartenant aux collectivités locales
(Télé-Dol, RTNK, Radio du conseil départemental du Niari),
les subsides ne viennent qu'occasionnellement : les médias et leurs
acteurs demeurent en proie aux difficultés et sous l'emprise de la
précarité.
Tout compte fait, la multiplication de titres, de radios ou de
télévisions, nonobstant la pluralité médiatique, se
révèle suicidaire en ce qu'elle réduit les parts
potentielles de revenus publicitaires de chaque entreprise médiatique.
Ce qui accentue la fragilité économique des médias
dépourvus de modèle économique soutenable.
La restriction de l'accès aux médias
C'est l'un des maux qui minent les médias publics
congolais. Ici, les opinions fortement représentées sont celles
des politiciens. Le pouvoir en place se taille la part du lion et
l'équilibre de l'information n'est pas souvent une règle
journalistique observée. Lors des élections
présidentielles, le monitoring de l'Union européenne au Congo en
2002 (cité par Marie-Soleil Frère) indique que les
activités du Président Sassou-Nguesso n'ont pas reçu le
même traitement que celles des autres candidats. "L'analyse du ton de la
couverture radiophonique montre que le Président a toujours
été présenté d'une manière extrêmement
positive (71 % du temps d'antenne qui lui a été
consacré), tandis que les autres candidats font l'objet d'une couverture
neutre. Une tendance analogue est évidente à la
télévision, où la tonalité de la couverture de la
campagne du Chef de l'État sortant, M. Sassou Nguesso a
été positive à 72 %". Cette dernière a
été systématiquement associée à la certitude
du maintien de la paix dans le pays et aux évaluations positives, voire
enthousiastes, par les journalistes, de son action à la tête de
l'État112(*).
Dans une certaine mesure, le verrouillage de l'espace
médiatique s'étend jusqu'aux médias privés, surtout
dans le cas de l'audiovisuel. En réalité, il est
préférable pour les médias de ne pas inviter l'opposition
à s'exprimer et de ne pas critiquer le gouvernement. Seul quotidien du
pays, Les dépêches de Brazzaville sont réputées pour
son prosélytisme zélé en faveur du pouvoir, contrairement
au bihebdomadaire Talassa ou encore au site d'informations en ligne Mwinda.
"Protégée" par son impact limité dû à la
faiblesse du lectorat, la presse écrite ose dénoncer les
malversations et la mauvaise gouvernance des Forces démocratiques
unifiées, la coalition présidentielle. Un terrain sur lequel ne
s'aventurent pas les radios et télévisions, beaucoup plus
suivies113(*). Du
coup, l'autocensure est érigée en règle dans un paysage
médiatique largement dominé par des chaînes de radios et
télévisions privées dont les
commanditaires/propriétaires sont proches au pouvoir en place. Mais cela
ne signifie nullement que l'audiovisuel privé est libre d'inviter les
personnes-ressources de son choix. En 2007, selon des organisations de
défense des droits de l'homme au Congo, Christian Perrin, directeur de
l'information à TPT (Télévision Pour Tous), chaîne
privée, fut arrêté "pour avoir donné la parole
à Aimée Mambou Gniali, une opposante, afin qu'elle
exprime son avis sur les désordres ayant accompagné les
obsèques de Jean-Pierre Thystère Tchicaya"114(*).
Sur le terrain politique, la bataille pour l'accès aux
médias est capitale. Certes, la répartition du temps d'antenne en
période électorale pour tous les candidats est une bonne
initiative, mais permet-elle de veiller à la diversité d'opinions
au regard d'une "propagande inlassable" à laquelle se livrent certaines
classes politiques par la voie des médias ? Or la psychologie, la
sociologie de la communication et de l'information soulignent que la
visibilité à travers les médias renforce, mais ne
crée pas, la popularité d'un leader politique. L'occupation de
l'espace médiatique peut également aider à la construction
de la crédibilité des uns tandis que l'invisibilité peut
plonger les autres dans l'oubli. Dans certains cas, la discrimination en
matière d'accès aux médias touche des couches sociales
rurales, vulnérables et défavorisées. C'est le cas des
peuples autochtones victimes d'une discrimination géographique (les
médias étant un phénomène urbain) et
socio-économique (l'usage des langues comme le français et la
faiblesse de leurs revenus pour se procurer un ordinateur, un poste
télé ou radio) pour l'accès aux médias.
De la cooptation à la corruption
Elle concerne les journalistes jugés intègres ou
à la plume critique sur lesquels les pouvoirs politiques n'ont pas
d'emprise. Ce stratagème aboutit à terme à la
domestication des journalistes voire à un bâillonnement des
médias. En 2013, la nomination du directeur/propriétaire du
mensuel Maintenant en qualité de conseiller à
l'ambassade du Congo au Gabon est un exemple de "mise hors d'état de
nuire" mais aussi la fin d'un journal jugé
dérangeant. Réputé pour ses articles critiques
à l'égard du régime en place, John Ndinga Ngoma,
journaliste à Talassa, nous a révélé qu'il
lui avait été demandé de quitter cet organe de presse pour
servir aux Dépêches de Brazzaville avec à la
clé une meilleure rémunération.
Selon les circonstances, ce stratagème peut varier
d'une rédaction à une autre au point de se manifester sous le
couvert du communautarisme. Quelquefois, les journalistes jugés ou
soupçonnés peu favorables à un régime au pouvoir
sont de moins en moins utilisés, responsabilisés et promus
à des postes de responsabilité. Outre ces pratiques, le jeu de la
corruption peut aussi être aussi discret qu'insoupçonnable.
D'ailleurs, cette forme de subordination des journalistes se confond avec la
cooptation. L'établissement des preuves confirmant cette pratique dans
les milieux de la presse est difficile, voire impossible par rapport à
l'indisponibilité des éléments probants susceptibles
d'étayer une telle hypothèse. Mais dans la
précarité, comment garder son intégrité morale sans
se plier à la corruption comme moyen de survie financière ?
La précarité des journalistes porte à croire que de la
cooptation à la corruption, il n'y a qu'un pas à franchir. Et la
situation alarmante115(*) dans laquelle patauge la presse renforce le risque
pour les acteurs des médias de succomber à la corruption (passive
ou active) dans laquelle patauge les médias renforce le risque pour les
acteurs des médias de succomber à la corruption (passive ou
active).
Les conflits d'intérêt dans l'exercice du
journalisme
Faute de dispositions réglementaires, beaucoup de cas
de conflit d'intérêt sont observables dans la pratique du
journalisme au Congo. Le cas des journalistes mariés aux dirigeants
politiques, s'il peut faire objet de polémique surtout en période
électorale en France, ne saurait être le plus grave dans la presse
congolaise.
En effet, la corporation des journalistes se trouve investie
par des professionnels qui, tout en servant dans des rédactions, sont
attachés de presse ou conseillers en communication dans des cabinets
ministériels ou dans les directions des entreprises privées et/ou
para-étatiques qui ne s'empêchent pas souvent de présenter
l'actualité des structures considérées même quand
cela est moins évident que sous des meilleurs jours sur les
médias publics. Est-il compatible de travailler comme
conseiller/chargé de communication ou attaché de presse dans un
cabinet tout en continuant à pratiquer le journalisme dans une
entreprise médiatique ? Si l'on considère la
définition que Le Figaro.fr propose : un conflit
d'intérêts est toute situation qui peut susciter un doute sur
l'impartialité et l'indépendance d'un journaliste professionnel,
il est évident que toute connivence avec des institutions ou les
politiques expose le journaliste à des soupçons de complaisance,
ce qui entame la crédibilité de l'information, du journaliste et
du média qu'il représente puis engendre une "confusion
déontologique".
En mi-février 2013, une journaliste de
Télé Pointe-Noire (média public) a présenté
le journal de 19 heures 30, habillé en camisole estampillée de
l'image de Sassou116(*)
tandis que sur Télé Congo, Niama-Ibouili animait Le
Foncier dans l'uniforme des agents du ministère des affaires
foncières. L'article 97 portant sur les droits et devoirs du journaliste
reconnaît que le journaliste a le droit de refuser toute subordination
qui serait de nature contraire à la ligne générale de son
entreprise [...]. Lorsqu'il est lié par le statut
général de la fonction publique, il est tenu au respect
scrupuleux de la neutralité politique, de l'obligation de réserve
et de l'impartialité dans l'exercice de sa profession. Pour le cas
de la journaliste présentatrice de Télé Pointe-Noire, son
engagement affiché et assumé suscite des interrogations sur la
compatibilité entre militantisme politique et l'exercice d'un
métier qui repose sur les notions d'indépendance et
d'impartialité de la part des journalistes. Certes, les textes
déontologiques congolais semblent souffrir d'un vide en matière
de conflits d'intérêts, mais il n'en demeure pas moins vrai que
les comportements de nature à décrédibiliser aussi bien un
média qu'un journaliste sont prohibés en journalisme.
Ainsi, les nominations aux postes de responsabilité
dans les médias (d'État) devraient cesser de faire l'objet de
pacte politique tacite. Une telle disposition épargnerait journalistes
et médias du piège des relations publiques qui renforcent la
confusion entre la communication et l'information (au sens journalistique du
terme). Sur les antennes de la télévision nationale par exemple,
la reprise du nom du programme de société du président de
la République, « Le Chemin d'avenir »,
comme titre d'une émission télévisée ayant servi de
tribune de visibilité aux membres du gouvernement ne saurait être
anodine. Traitant des cas de conflits d'intérêts en Italie,
Reporters Sans Frontières (RSF) souligne qu'ils constituent
« une menace potentielle pour la liberté
d'expression » (Enquête : conflit d'intérêts
dans les médias : l'anomalie italienne, avril 2003). Il est
évident que « le droit du public à une information de
qualité, complète, honnête, libre, indépendante et
pluraliste contenu dans la Déclaration des droits de l'homme, guide le
journaliste dans l'exercice de sa mission ». Cette
responsabilité vis-à-vis du citoyen passe avant toutes autres
pour éviter des pertes de crédibilité et d'audience.
La sédentarisation du journaliste
Un autre cas de figure qui menace l'indépendance des
journalistes est ce qu'on peut aussi désigner comme des chasses
gardées. Il s'agit en fait de la couverture médiatique de
certaines activités organisées par différentes
institutions (publiques et privées) assurée essentiellement ou
généralement par un seul journaliste sur la base de ses
affinités avec les organisateurs ou d'un contrat tacite. À titre
d'exemple, figure en bonne place la couverture des activités
organisées au ou par le Mémorial Pierre Savorgnan de Brazza par
un seul et unique journaliste de la télévision nationale et celle
des voyages du Président Denis Sassou Ngesso par « La presse
présidentielle ».
Le relais de l'information
institutionnalisée
Beaucoup plus que des sources d'information pour la presse,
les conférences, dîners et points de presse sont des outils entre
les mains des communicateurs habiles. La diffusion des informations issues de
ces sources nécessite le recoupage et l'équilibrage de
l'information. « Or, la recherche de l'équilibre entre
l'information et l'opinion est une des principales difficultés de la
presse africaine actuelle partagée trop souvent entre propagande
gouvernementale et l'opposition systématique »117(*). Ces difficultés sont
sans doute tributaires du manque de moyens (financier, logistique et humain),
de volonté pour enquêter, croiser et vérifier
l'information. Conséquences : «...Bien des articles et
reportages sont désormais de véritables lieux de faire-valoir et
de promotion, voire de communication ou de publicités à peine
déguisées »118(*).
Par ailleurs, à cause du financement douteux de la
presse, les communicateurs peuvent facilement la soumettre. La reprise presque
en intégralité des communiqués de presse dans les journaux
donne la mesure d'une telle inquiétude dans un univers médiatique
caractérisé par la couverture quasi quotidienne des
séminaires de renforcement de capacités, ateliers de formation ou
conférences de presse. À cela s'ajoute l'infiltration des milieux
de la presse par des journalistes zélés qu'on peut qualifier de
griot ou propagandiste. Les journalistes s'affrontent indirectement, chacun
défendant son commanditaire ou la cause politique à laquelle il
est acquis. Une émission a d'ailleurs servi de tribune de
règlement de compte pour le directeur de publication du magazine
AfriquEducation. C'était sur le plateau de Télé-Congo.
De toutes les valeurs précitées, il reste
l'objectivité. Malheureusement, l'objectivité n'est qu'un
idéal. Myriame El Yamani, après l'étude sur la
classification des faits et l'analyse de contenu des journaux féministes
français et canadien, conclut pour sa part que
« L'objectivité comme telle n'existe pas »119(*).En journalisme, le fait de
choisir un angle est déjà une opération subjective autant
que le choix des sujets à traiter. De plus, le côté
très relationnel du journalisme fait de lui un métier
porté et fondé sur le subjectivisme malgré les techniques
rédactionnelles ou les critères institutionnalisés de
sélection de l'information en vigueur. Qui plus est, la presse
congolaise est en général une presse d'opinion. Or, les opinions
sont de nature subjective.
Certes, le commentaire est libre, mais les faits et la
vérité sont sacrés. C'est dire que l'objectivité ne
doit pas être considérée dans ce cas comme synonyme
d'impartialité, mais comme une fidélité sans concession
aux faits. À ce titre, à la différence d'un propagandiste
ou manipulateur, est journaliste celui qui veille aux respects de la
vérité et de l'intérêt de la
société.
La manipulation de l'information
À tous égards, il existe certainement plusieurs
méthodes utilisées par les acteurs des médias pour
manipuler des informations avec la bénédiction des milieux
politiques. Mais, nous notons particulièrement une stratégie de
manipulation de l'information : le diktat des médias.
Le diktat des médias consiste à offrir aux
auditeurs, téléspectateurs ou lecteurs une information secondaire
en vue d'éloigner leur attention des questions vitales et essentielles.
Cette pratique consiste à dissimuler des détails susceptibles de
susciter une opposition bureaucratique ou politique dans la diffusion d'une
information. Eu égard à cela, le contenu des médias est
dominé par des généralités et l'information
réchauffée. Nous constatons aussi que les acteurs des
médias se servent du choix de l'angle d'attaque pour manipuler
l'information. En effet, la possibilité de choisir un angle de
traitement de l'information offre aux journalistes le loisir d'omettre
volontairement certains faits significatifs ou peu favorables à la
thèse défendue par un régime au pouvoir. Pour des
journalistes acquis à une cause politique ou idéologique
donnée, l'argument relatif à la liberté de choisir un
angle d'attaque sert à la fois de prétexte et d'alibi pour
justifier le manque d'équilibre dans le traitement d'un sujet
d'actualité qui engage au moins deux protagonistes
(généralement deux clans politiques). Seulement, au-dessus de
l'angle d'attaque, la ligne éditoriale sert de facteur qui concoure
à la fragilisation de la « sacralité des
faits ».
En période électorale ou non, toutes ces
tactiques de manipulation sont utilisées par les médias congolais
inconsciemment ou consciemment. Cette dangereuse pratique ne permet pas
malheureusement aux citoyens se construire soi-même une opinion objective
lui permettant de prendre activement par au jeu démocratique.
Conclusion
Dans le paysage médiatique national congolais, les
médias n'existent pas en dehors de la sphère politique,
détentrice, directement ou indirectement, à la fois du pouvoir
économique et administratif/judiciaire. L'appartenance des médias
aux hommes politiques ou leur proximité avec ceux-ci ainsi que leurs
lignes éditoriales rapprochent le système politique de
communication de la République du Congo à celui des États
où les médias fonctionnent dans un vaste mécanisme
politique au sien duquel la liberté de presse ne possède aucune
pertinence. Dans la pratique, c'est la classe politique qui se sert des
médias en vue de rallier l'opinion publique à sa cause. Se
faisant, la pratique journalistique au Congo place ce pays en marge de la norme
internationale, beaucoup plus libérale, qui voudrait que tous les faits
en rapport avec la gestion de la chose publique soient rapportés et que
toutes les opinions soient placées sur le « marché des
idées ». Les médias restent ainsi malheureusement
beaucoup plus des supports d'orientation que d'information.
Ainsi, dans un contexte de crise sociopolitique et
économique, les années 1990 avaient laissé espérer
l'émergence d'une presse « indépendante » en
République du Congo. Malheureusement, les conjonctures
économico-politiques ont vite douché l'espoir de cette
indépendance adoubée par l'ouverture politique. Les médias
nés sans autre ambition que la propagande disparaissent aussi rapidement
qu'ils sont apparus, faute de moyens (humain, financier, logistique) et de
modèle économique construit et réfléchi sur la base
d'une étude de marché avant leur lancement. Sur le marché
des médias congolais on note une inégalité dans la
diffusion et la réception des contenus médiatiques. Ce qui creuse
ou approfondit le déséquilibre entre différentes
catégories sociales : analphabètes et alphabètes,
citadins et ruraux, riches et pauvres. C'est ce que Fouad Benhalla entend par
"inégalité socioculturelle".
Au regard de ce qui précède, il n'est pas
hasardeux d'affirmer que le mode de financement, le statut social du
journaliste voire aussi la forte appartenance des médias aux acteurs
politiques peuvent contribuer (s'ils ne le font pas déjà) au
musellement, ou déboucher sur le contrôle des médias.
Certes, la démocratie peut souffrir de la mort d'une presse d'opinion,
mais l'information nuancée et moins passionnée de la part des
médias d'une société civile non militante serait un
produit de substitution idéale.
Dynamiques et pléthoriques, les médias congolais
permettent la construction et l'affirmation de l'existence d'un État de
droit démocratique grâce par exemple à des titres au ton
polémique, revendicateur et contestataire. Des titres qui, pour
certains, ne se conforment pas à la législation,
c'est-à-dire, ne respectent pas le dépôt légal, le
cahier de charges et sont publiés sans autorisation officielle, mais
surtout fonctionnent avec des moyens rudimentaires dont l'origine reste floue
et difficile à établir. Ce qui rend délicate la
clarification des sources de financement de la presse congolaise, confirmant
ainsi l'hypothèse selon laquelle cette presse a recours aux financements
occultes. Ainsi, au terme de cette étude, il faut retenir comme
principaux modes de financement des médias : le financement dans
l'ombre, le modèle du communiqué final (le
phénomène du coupage en RDC, le gombo au
Burkina Faso ou la camorra à Brazzaville) et les ventes (des
imprimés et de l'espace publicitaire). Cependant, qu'il s'agisse des
rentes publicitaires, des recettes de vente au numéro et d'autres
sources de financement, l'opacité dans laquelle opèrent les
médias nous autorise à penser que malgré tous les
écueils auxquels les acteurs des médias doivent faire face et
malgré l'exiguïté du marché de la publicité,
il existe des possibilités d'affaires dans ce secteur
présenté peu ou pas rentable. Dans ces conditions, peut-on parler
d'indépendance de la presse en République du Congo ? De
toute évidence, il s'agit plus clairement d'une indépendance dans
la multidépendance.
Or, il est évident qu'on ne peut parler
d'indépendance sans autonomie financière dans quelques domaines
que ce soit. Dès lors, le financement des médias congolais
étant une nébuleuse, leur implantation en ville semble être
dictée par des facteurs sociodémographiques, économiques,
politiques et infrastructurels. En campagnes, bien que présents, les
médias chauds peinent à s'imposer faute de productions
conséquentes et attrayantes, mais aussi de desserte en
électricité souvent cantonnée dans les grands centres
urbains. Au demeurant, l'intérêt et l'enjeu des médias sur
toute l'étendue du territoire national vont de cesse grandissant. L'on
doit simplement retenir que l'entreprise médiatique au Congo-Brazzaville
est malade. Les difficultés de ces entreprises de presse sont d'ordre
conjoncturel et organisationnel (ou financier). D'où une presse de
qualité douteuse et incapable de s'ériger en groupe de
pression. Par manque de moyens pour encourager les journalistes à
enquêter, croiser et vérifier les sources d'information, les
journaux se transforment en « de véritables lieux de
faire-valoir et de promotion... » (Sarah Finger & Michel
Moatti ; 2010). Ainsi, la qualité doit également
être recherchée en amont, c'est-à-dire à travers une
rigueur dans la formation initiale des journalistes dans une
société qui attend beaucoup des médias. Autrement, le tort
des médias congolais est imputable, d'une part, à un
déficit organisationnel qui se traduit par le mode de fonctionnement de
plus d'un organe de presse où le personnel et/ou le propriétaire
est polyvalent. Ce qui affecte la qualité du travail. Car, la
répartition des tâches devrait l'emporter sur la personnalisation
ou la concentration des pouvoirs. L'absence d'organigrammes constitue
également, de ce point de vue, un des axes sur lesquels des efforts
d'amélioration doivent être envisagés. Parce que cette
absence d'organigrammes est une composante non négligeable d'une triste
réalité renforcée par un statut flou (pour la plupart des
organes de presse écrite) généralement synonyme
d'amateurisme.
Par ailleurs, le fait que depuis l'indépendance
jusqu'à ce jour, la majorité des médias parus au Congo est
née dans une ambition partisane et propagandiste, sans réel
projet éditorial n'a pas changé la perception du mode de
financement des médias souvent sujet à caution. Ces derniers
accordent presque exclusivement la parole à ceux qui ont un pouvoir
économique important, des couches sociales dépourvues de moyens
pour acheter l'espace dans les colonnes d'un journal ou sur la voix des ondes
demeurent sans voix. Autrement dit, l'action sociale de la presse profite
à la classe politique et/ou aisée. Le pluralisme de l'information
se trouve ainsi mis à mal. L'arrivée de la
société civile comme acteur médiatique est peut-être
un signe salutaire. Mais, encore faut-il que la qualité et/ou la
quantité des journalistes devant produire une information de grande
facture, la capacité de distribution, l'équipement technique et
logistique ainsi que les fonds de fonctionnement mis à la disposition
d'une équipe donnée soient à la hauteur de la mission des
médias. C'est dire que, dans le contexte qui est celui des médias
congolais le financement est une des clés du succès, voire de
l'indépendance des médias. Sans nier l'importance de l'aide
publique à la presse, on peut observer qu'elle n'est pas la
panacée pour le salut des médias... Il reste que son
effectivité au même titre que la distribution de la redevance
audiovisuelle et la mise en place d'un fonds pour la production audiovisuelle
devraient participer au renforcement d'un objectif difficile
d'indépendance. De plus, en tant que levier pour l'emploi,
l'intervention des pouvoirs publics dans ce secteur aura également
l'avantage de contribuer à la diversification de l'économie. Car,
les médias sont des gisements inépuisables au même titre
que les industries culturelles/créatives. Aussi, le souci d'une
information pluraliste, indépendante et honnête impose une
modification des dispositions légales afin que soit substituée
à l'idée que l'État peut financer les médias
l'impératif pour l'État de financer les médias.
Sinon, la pénurie ou rareté des finances conduira toujours
à des dérives aux conséquences parfois fâcheuses.
C'est le cas pour la plupart des périodiques ayant une parution
sporadique tributaire de la recherche des moyens financiers adéquats
pour supporter la facture de l'impression. Ce qui génère, dans la
presse congolaise, des journalistes vivants et travaillant dans la
précarité et des publicistes au détriment des journalistes
capables de jouer les rôles de garant et de régulateur de la
démocratie. Cela à cause du recours aux financements peu
orthodoxes pour pallier les difficultés...
Pour prévenir ces dérives, l'implication des
pouvoirs publics est fortement sollicitée en vue de sauver et
sauvegarder la liberté de presse et surtout le pluralisme de
l'information et des opinions. Au niveau des questions éthiques et
déontologiques, la réponse idoine réside dans la formation
(initiale et continue) et non dans la répression. Car, un pluralisme
imparfait est toujours préférable à une presse conformiste
et alignée120(*). À la vérité, la crise
(éthique ou déontologique et économique ou
financière) qui frappe les médias n'est pas propre au Congo. Elle
est internationale, du moins sur son aspect économique, et n'augure pas
de solutions miracles depuis que le géant Google se taille la part du
lion des annonces publicitaires. La réalité est
inquiétante dans le contexte congolais, mais la solution n'est pas
à portée de mains. Trouver un nouveau modèle
économique - capable d'assurer à un média les moyens de
ses missions pour garantir sa place dans le paysage médiatique - devrait
être un défi pour les entreprises médiatiques qui
désirent rester présentes et compétitives. Si, comme
l'annoncent certaines études121(*), le journal papier dans les pays du nord n'a plus de
longs jours, l'Afrique en général et le Congo en particulier
peuvent par exemple encore se réjouir de la longévité
avérée des imprimés en attendant que le tout
numérique s'y répande largement.
Références bibliographiques
Ouvrages de référence
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de la presse de l'Afrique subsaharienne, 1995 ;
Bill Kovach & Tom Rosenstiel ; Principes du
journalisme ; Paris, 2004
Françis Balle, Médias &
Sociétés, 2007
Fanelly Nguyen-Thanh, La communication : une
stratégie au service de l'entreprise, Paris, 1991
François Jost. 50 fiches pour comprendre les
médias, septembre 2010 ;
Guy-Noël Sam'ovhey-Panquima, Les questions de
population et de développement dans la presse écrite
congolaise, 2007
Jean Gabszewicz & Nathalie Sonnac, L'industrie des
médias, Paris, 2006 ;
Jean-Claude Gakosso, La nouvelle presse congolaise :
Du goulag à l'agora, Paris, 1997
Jocelyne Arquembourg. L'évènement et les
médias, 2011
Louis Guéry et Pierre Lebedel; Comment créer
et animer une publication, Paris, 1991
Marie-Soleil Frère. Presse et démocratie en
Afrique francophone, les mots et les maux de la transition au Bénin et
au Niger, 2000 ;
Marie-Soleil Frère, Médias et
élections en Afrique centrale, Paris, 2009
Myriame El Yamani, Médias et féminismes,
minoritaires sans paroles, 1998 ;
Nadine Toussaint-Desmoulins, L'économie des
médias, 2006
Roger Yenga, Connaître le Conseil Supérieur
de la Liberté de Communication, Paris, 2007;
Observatoire de l'information. L'information dans le
monde : 206 pays au microscope, avril 1989 ;
Sarah Finger & Michel Moatti, l'Effet-média,
pour une sociologie critique de l'information, 2010 ;
Secrétariat du Gouvernement, Livre d'or du
cinquantenaire de l'indépendance du Congo, Inédit,
Brazzaville 2010
Serge Théophile Balima et Marie- Soleil
Frère, Médias et communications sociales au Burkina Faso ;
2003,
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quotidienne : observer, analyser, comprendre, 2007 ;
Sous la direction de Leteinturier et Remy Le Champion,
Médias, information et communication, 2009 ;
Thierry Perret, Le temps de journalistes :
L'invention de la presse en Afrique francophone, 2005 ;
Tidiane Dioh, Histoire de la télévision en
Afrique noire francophone, des origines à nos jours ; Paris,
2009
Articles, rapports, mémoire et autres
Carmella Dorelle Ngouloubi Mpou, La place de la femme dans
la presse écrite Brazzavilloise, Brazzaville, 2011
Conseil Supérieur de la Liberté de
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en République du Congo, février 2008
Direction de la presse et de l'édition,
répertoire de la presse écrite du Congo en 2011, 12
décembre 2011
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Afrique francophone, in Les Cahiers du journalisme n°9 Automne
2001
Nathalie Sonnac ; L'économie de la presse:
vers un nouveau modèle d'affaires in Les Cahiers du journalisme
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Observatoire congolais des médias, Etat de la
presse en 2005, Brazzaville, mai 2006
Profil culturel national de la République du
Congo; document Programme d'identification des industries culturelles,
OIF, Paris, SD
Renaud de la Brosse. Afrique subsaharienne en transition
: des journaux nécessairement engagés, Les Cahiers du
journalisme N° 6 octobre 1999
* 1 Louis Guéry et
Pierre Lebedel; Comment créer et animer une publication, Paris,
1991; P.12
* 2 Hervé Bourges in
Géopolitique africaine N°37 de Juillet-septembre 2010,
P.340
* 3 Jean Gabszewicz &
Nathalie Sonnac, L'industrie des médias ; Paris, 2006 ;
P.26
* 4 François Jost,
50 fiches pour comprendre les médias ; 2010, fiche
n°2
* 5 Nathalie Sonnac ;
Economie de la presse, Les cahiers du journalisme N°20_Automne 2009, P.22
* 6 Fanelly Nguyen-Thanh,
La communication : une stratégie au service de l'entreprise,
Paris, 1991 ; P.9
* 7 Leteinturier &
Rémy Le Champion ; Médias, information et communication,
2009 ; P.95
* 8 Loïc Jofredo,
Eduquer aux médias, ça s'apprend ; ebook,
2012 ; P.6
* 9 Frédéric
Bardier & Cathérine Bertho Lavenir, Histoire des médias,
de Didérot à Internet, Paris, 2011 ; P.8
* 10 Gabszewicz &
Nathalie Sonnac, Industrie des médias, Paris, 2006 ;
P.26
* 11 Jean Gabszewicz &
Nathalie Sonnac, L'industrie des médias ; Paris, 2006 ;
P.26
* 12 Ndiaga Loum ;
Les médias et l'Etat sénégalais : l'impossible
autonomie, Paris, 2003 ; P.5
* 13 Renaud de la Brosse,
Afrique subsaharienne en transition : des journaux
nécessairement engagés, Les cahiers du journalisme, N°6
d'octobre 1999 ; P.112
* 14 Nadine
Toussaint-Desmoulin, L'économie des médias, Paris, PUF,
2006 ; P.27
* 15 Guy-Noel
Sam'ovhey-Panquima, Les questions de population et de développement
dans la presse écrite congolaise, Brazzaville, Editions
Hémar, 2007, P.92
* 16 CIRTEF, Produire
plus et mieux Les défis des Radios Télévisions
Africaines, Bruxelles, septembre 2011; p.9
* 17 « Si la
tendance à la monopolisation de la relation « presse-publics »
par les acteurs de l'action gouvernementale influe fortement sur
l'appropriation professionnelle des dispositifs d'interactivité au
niveau des journaux congolais, c'est parce que ces dispositifs sont porteurs
d'un contrat de conversation (Granier, 2011). Ce contrat de conversation
s'appuie sur « une idéologie, une vision des rapports humains et
sociaux, en affinité avec les mythes fondateurs d'Internet tels que
l'horizontalité, la réciprocité, la liberté »
(Pynson, 2011, p. 64). L'horizontalité de la relation est bel et bien
une caractéristique des interactions sociales promues par le mythe de la
« société de l'information », en s'appuyant sur le type
de relation ayant caractérisé « les pionniers de l'internet
qui se considéraient comme "une communauté d'égaux
où le statut de chacun repose sur le mérite évalué
par les pairs" » (Granjon, 2001, p. 11). La mise en oeuvre d'une
horizontalité de la relation dans
les interactions sociales induit donc une remise en cause du
mode de fonctionnement « traditionnel » de la société,
qui est plutôt fondé sur la verticalité de la relation
qu'implique la hiérarchisation des statuts, rôles et fonctions
dans les différentes organisations sociales. Et c'est sous ce mode
d'organisation sociétale fondée sur la verticalité de la
relation dans les interactions sociales que s'inscrit le fonctionnement «
traditionnel » de la presse. Aussi la relation « presse-publics
» était-elle une relation verticale, voire surplombante, les
professionnels de la presse se présentant comme des experts
(pédagogues) d'un savoir à transmettre à un public
supposé être en situation d'apprentissage (Mehl, 1996). Ce qui
plaçait les professionnels de la presse dans une position dominante
hégémonique (Hall, 1994) qui, du reste, renvoyait à la
supposée omnipuissance des médias. Or, cette position dominante
hégémonique se trouve aujourd'hui contestée par les
publics ».
Pierre MINKALA-NTADI, L'appropriation
professionnelle d'Internet dans la presse congolaise, Article
inédit. Mis en ligne le 9 avril 2013, Les Enjeux de l'information et de
la communication http://w3.u-grenoble3.fr/les_enjeux 2013 Vol. 14
* 18 Pierre MINKALA-NTADI,
L'appropriation professionnelle d'Internet dans la presse congolaise,
Article inédit. Mis en ligne le 9 avril 2013, Les Enjeux de
l'information et de la communication http://w3.u-grenoble3.fr/les_enjeux 2013
Vol. 14
* 19 Opcite
* 20 « Tous les
autres journaux que nous avons abordés et qui diffusent actuellement en
ligne, connaissent presque le même fonctionnement, tout au moins en ce
qui concerne l'écriture de l'actualité mise en ligne et le mode
d'accès : uniquement centré sur le texte et l'image fixe, le
contenu est partout offert gratuitement aux publics. La seule différence
que nous avons pu observer se situe au niveau des modalités de mise en
ligne : si Les Dépêches de Brazzaville et La Semaine Africaine
ont opté pour une transposition intégrale sur le Web du
fichier PDF de l'édition papier, les autres journaux, tels que Le
Patriote et Talassa, se limitent simplement à la transposition des
rubriques papier sur le Web. Ainsi, au niveau du Patriote, par exemple, on ne
trouvera pas en ligne toute la maquette du journal tel qu'il se présente
en imprimé, mais plutôt toutes les rubriques du journal
correspondant à l'ensemble des rubriques de l'édition papier en
cours, avec le même contenu. En ce qui concerne Talassa, l'information
mise en ligne ne semble pas suivre la même périodicité que
l'édition papier, qui se présente tantôt comme un
hebdomadaire, tantôt comme un bihebdomadaire ; on n'y retrouve pas non
plus d'illustration, contrairement à l'édition papier qui associe
le texte à l'image ».
Pierre MINKALA-NTADI
* 21 OMC, Etat de la
presse en 2005, Brazzaville, mai 2006, P.6
* 22 Idem, P.4
* 23 Roger Yenga,
Connaître le conseil supérieur de la liberté de
communication, Publibook, Paris, 2007, P.33
* 24 Roger Yenga,
Connaître le conseil supérieur de la liberté de
communication, Publibook, Paris, 2007, P.40
* 25 Roger Yenga, Idem,
P.48, 49
* 26 Placide Moudoudou &
Jean-Paul Markus, Droit des institutions administratives congolaises,
Paris, L'Harmattan ; 2005, P.133
* 27 Roger Yenga,
Connaître le conseil supérieur de la liberté de
communication, Publibook, Paris, 2007, P.53, 54
* 28 Entretien avec Bernard
Makiza, Brazzaville le, 11 septembre 2012
* 29 www.ifex.org
* 30 Dans la
délibération n°006-2013 du CSLC étaient contenues les
accusations portées contre trois périodiques suspendus pour
quatre mois (L'Observateur, Talassa et Le Trottoir) :
« manipulation de l'opinion », « incitation
à la violence et à la division » et
« diffamation ou atteinte à l'honneur et à la
considération de certaines autorités de l'Etat ». Le
journal « Le Glaive » était accusé de
« refus répété d'obtempérer et de
répondre aux interpellations du Conseil ».
* 31 Amicale : suspendu
pour six mois en décembre 2010 pour « Incitation à la
haine tribale et ethnique ». la même année,
« La Voix du peuple a écopé trois mois de suspension
pour « Incitation à la haine tribale et ethnique et
violation des normes juridiques, professionnelles, éthiques et
déontologiques qui régissent l'exercice de la profession de
journaliste»
* 32 Rémy RIEFFEL,
Sociologie des Médias, Paris, Ellipses, 2010
* 33 Thierry Perret, Le
temps des journaliste, l'invention de la presse en Afrique francophone, Paris,
Karthala ; 2005, P.58
* 34 Livre d'or du
cinquantenaire de l'indépendance du Congo, Inédit, Brazzaville,
2010, P.105, 106
* 35 Jean Claude Gakosso,
La nouvelle presse congolaise, du goulag à l'agora ; 1997,
P.121, 122, 123
* 36 OMC, La presse
congolaise en 2005, Brazzaville, mai 2006
* 37 CSLC,
Régulation de la communication et des médias en
République du Congo, Février 2008, P.8-9
* 38 Entretien avec Auguste
Louviboudoulou, Directeur de la presse et de l'édition ;
Brazzaville 22 juin 2012
* 39 Carmella Dorelle
Ngouloubi, mémoire sur La place de la femme dans la presse
écrite brazzavilloise
* 40 JC Gakosso, La
nouvelle presse congolaise, du goulag à l'agora, L'harmattan, 1997,
P.31
* 41 Guy-Noël
Sam'Ovhey-Panquima, Les questions de population et de développement
dans la presse écrite congolaise ; Brazzaville, 2007, P.75
* 42 Guy-Noël
Sam'Ovhey-Panquima, Idem
* 43 JC Gakosso, Opcit
* 44 Entretien avec Auguste
Louviboudoulou, Brazzaville, 22 juin 2012
* 45 François Jost,
50 fiches pour comprendre les médias ; septembre 2010, P.17
* 46 Jean Gabszewicz &
Nathalie Sonnac, L'industrie des média ; Paris, La
découverte, 2010, P.26
* 47 JC Gakosso,
Opcit ; P.54
* 48 André-Jean
Tudesq, Feuilles d'Afrique : une étude de la presse de
l'Afrique subsaharienne, MSHA, 1995, P.91
* 49 Hebdomadaire congolais,
L'Observateur n°520, P.6
* 50 Profil culturel des
pays du sud membres de la Francophonie ; Un aperçu de trois
pays de la CEMAC : Cameroun, Congo-Brazzaville, Gabon ; OIF, Paris,
2012, P.48
* 51 Entretien avec Marien
Nzihou MASSALA, Brazzaville le 18 août 2012
* 52 Secrétariat du
gouvernement; Livre d'or du cinquantenaire de l'indépendance du
Congo ; Brazzaville, 2010 P.102
* 53 Voir : Les
origines de la radio Brazzaville, article paru dans Espoir n°54, mars
1986, publié sur
www.charles.de.gaulle.org
* 54 Idem
* 55 Livre d'or du
cinquantenaire de l'indépendance du Congo, P.111
* 56 OCM, Opcit, P.3
* 57 CSLC, régulation
des médias en République du Congo, février 2008 ;
P.8,9
* 58 Gilbert Maoundonodji
& Pascal Berqué, Afrique centrale, cadres juridiques et
pratiques du pluralisme radiophonique, Karthala, Paris, SD; P.129
* 59 Gilbert Maoundonodji
& Pascal Berqué, Idem, P.130
* 60 André-Jean
Tudesq, L'Afrique parle, l'Afrique écoute : les radios en
Afrique subsaharienne, Karthala, Paris, 2002 ; P.285
* 61 Sophie Moirand, Les
discours de la presse quotidienne: Observer, analyser, comprendre; P.U.F,
Paris, 2007; P.70
* 62 Le cas de Radio
Télévision Nkayi et Radio Solidarité
* 63 Entretien avec Bill
Thierry, chargé des programmes, de la production et des ressources
humaines à DVS+
* 64 Tidiane Dioh,
Histoire de la télévision en Afrique noire francophone, des
origines à nos jours ; Paris, 2009 ; P. 93
* 65 Bekombo Manga; Brazzaville
à l'heure de la télévision congolaise. In: Revue
française de sociologie ;
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/;
* 66 Tidiane Dioh, Histoire de
la télévision en Afrique noire francophone, des origines à
nos jours ; précité P. 226,
* 67 Idem; P.97
* 68
http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAJA2646p096.xml0/
* 69 Hervé Bourges in
Géopolitique africaine n°37 de juillet-septembre 2010;
P.338
* 70 Jocelyne Arquembourg,
L'événement et les médias; Paris; 2011, P.6
* 71 Le Conseil
International des Radios Télévisions d'Expression
française - CIRTEF en collaboration avec le secteur de l'information et
de la communication de l'Unesco; Produire plus et mieux Les défis
des Radios Télévisions Africaines, Bruxelles, Septembre
2011, p.17
* 72
http://www.mwinda.org/using-joomla/extensions/components/content-component/article-categories/158-l-upads-aux-prises-avec-la-corruption-du-pouvoir
* 73 Entretien avec Bill
Thierry, chargé des programmes, de la production et des ressources
humaines à Diamasco Vidéo et Son Plus en signe DVS+ (chaîne
de télévision commerciale créée le 1er
mai 2006 par Martin Diafouka)
* 74 Idem
* 75
http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAJA2646p096.xml0/
* 76 Entretien avec Charles
OBASSA, Directeur départemental de Télé Pointe-Noire
* 77 Discussion libre avec
Ede Chevry Diazz, journaliste animateur de l'émission Art & Ames
à la télévision nationale
* 78 Entretien avec Bill
Thierry, chargé des programmes, de la production et des ressources
humaines à DVS+
* 79
http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAJA2646p096.xml0/
Si d'autres chaînes comme Réhoboth, DVS Plus
Télé, Canal Bénédiction Plus, Canal Océan,
Canal 7 TV animent le paysage audiovisuel congolais, elles sont toutes
confrontées à la même difficulté :
l'étroitesse du marché publicitaire. Un spot d'une minute
coûte entre 40 000 et 45 000 F CFA à peine, quand les clients ne
marchandent pas !
* 80 Michael Schudson,
Le Pouvoir des médias; Paris, 2001; P.252
* 81 Mectar Silla, Le
paria du village planétaire ou l'Afrique à l'heure de la
télévision; p.86, NEAS, 1994.
* 82Profil culturel
national de la République du Congo; document «Programme
d'identification des industries culturelles», OIF, Paris,
SD; P.53.
* 83 Au terme de l'article
87 de la loi organique N°4-2003 du 18 janvier 2003 déterminant les
mission du CSLC, le journaliste non professionnel est toute personne non
qualifiée dans le traitement de l'information, mais qui travaille tout
de même dans une entreprise d'information.
* 84 Petit per-diem remis
aux journalistes par la personne ou institution qui convoque la presse pour une
manifestation
* 85 L'hebdomadaire
L'Observateur n°520 du 22 novembre 2013, p.7, Brazzaville
* 86 Idem
* 87 OCM, rapport sur
l'état de la presse en 2005, Brazzaville, mai 2006; P.6
* 88 La convention
collective cadre des journalistes dans l'espace CEEAC; document
édité avec l'appui financier de l'OIF, Brazzaville,
décembre 2008; P.82
* 89 Le bihebdomadaire La
semaine africaine n° 3237 du vendredi 26 octobre 2012 - page 3
* 90 La convention
collective cadre des journalistes dans l'espace CEEAC; document
édité avec l'appui financier de l'OIF, Brazzaville,
décembre 2008; P.75
* 91 Des journalistes sont
envoyés couvrir des événements et se font payer par celui
qui convoque la presse
* 92 C.D Ngouloubi Mpou,
La place de la femme dans la presse écrite Brazzavilloise ;
Brazzaville, 2011, P.XX- XXII
* 93 Profil culturel
national de la République du Congo; document Programme
d'identification des industries culturelles, OIF, Paris, SD; P.53-61
* 94 Index de
viabilité des médias 2006-2007,
www.irex.org/system/files/MSI07-Congo-FR-2.pd
* 95 La « camorra
» c'est la pratique du per diem qui gangrène la presse congolaise.
Les journalistes n'étant pas payés pour la plupart, ils vivent
des per diems que paient les organisateurs de manifestations. Ce per diem varie
entre Cinq mille (5 000) francs CFA et Dix mille (10 000) Francs CFA,
d'où une chasse aux per diems à laquelle se livrent des
journalistes.
* 96 CIRTEF, Produire plus
et mieux Les défis des Radios Télévisions Africaines,
Bruxelles, Septembre 2011; p.49
* 97 Enquête personnelle
et Place de la femme dans la presse écrite brazzavilloise;
Brazzaville, 2011, P.XVI
* 98 Marie Soleil
Frère, Médias et élections en Afrique centrale;
Paris, 2009 ; P.58
* 99 Entretien personnel avec
Pierre Nzissi-Bambi; Brazzaville, 18 juillet 2012
* 100 L'OCM, Etat de la
presse en 2005, Brazzaville, mai 2006; P.11
* 101 Marie-Soleil
Frère, Élections et médias en Afrique centrale; Paris
2009, P.242.
* 102 Luc Grégoire,
économiste principal, PNUD, «Pourquoi le bon journalisme est
indispensable au développement», journée mondiale de la
liberté de la presse (2005)
* 103 Articles 3 et 19 de
la Convention collective cadre des journalistes dans l'espace CEEAC.
* 104 Michael Schudson,
Le Pouvoirs des médias; Paris, 2001; P.253
* 105 Sous la direction de
Ivan Chupin et Jérémie Nollet, Journalisme et
dépendances, Paris, 2006; P.16
* 106 C'est la formule de
la Convention collective cadre des journalistes de l'espace CEEAC; Art.14
* 107 Convention collective
cadre des journalistes dans l'espace CEEAC, document édité avec
l'appui de l'OIF; Brazzaville, Décembre 2008;p.76
* 108 In Le Creima
N°11 de 2006, La crise de la liberté de la presse au Congo,
p.3
* 109 Marie -Soleil
Frère, Elections et médias en Afrique centrale; Paris,
2009, P.236
* 110 Bill Kovach & Tom
Rosenstiel ; Principes du journalisme ; Paris, 2004,
P.100,
* 111 C'est le cas de Radio
Solidarité et Radio Télé Nkayi (RTNK) à Nkayi dans
le département de la Bouénza, au sud du Congo
* 112 Marie -Soleil
Frère, Elections et médias en Afrique centrale; Paris,
2009, P.193
* 113
http://fr.rsf.org/report-congo,12.html
* 114
http://www.rpdh-cg.org/news/2011/08/18/congo-brazzaville-restrictions-des-libertes-syndicales-et-de-linformation
* 115 Selon les
résultats du contrôle administratif et technique des entreprises
de presse, d'imprimerie et du recensement des médias lancés par
le conseil supérieur de liberté de la communication (CSLC), la
situation administrative des médias est alarmante au Congo. Il ressort
de ce contrôle que cinq (5) chaînes de radio seulement sont en
situations régulières (Radio-Congo, Radio-Brazza, Radio Rurale,
Radio Magnificat et Radio Mucodec) contre 56 en situation
irrégulière, pour absence d'autorisation d'exploitation, manque
de convention conclue avec le Cslc et inexistence de cahier des charges. Dans
le cas de la télédiffusion, sur 29 chaînes de
télévision existantes, à peine deux (Télé
Congo et Télé Pointe-Noire, toutes des médias de service
public) sont en situation régulière. Les 27 autres chaînes
sont classées en situation d'irrégularité pour
non-autorisation d'exploitation, manque de conventions conclues avec le CSLC et
inexistence de cahiers des charges.
* 116 Article paru dans
Econews 777 n°60 2013 à la page 3
* 117 André-Jean
Tudesq, Feuilles d'Afrique: Etude de la presse de l'Afrique
subsaharienne, Paris, 1995; P.145
* 118 Sarah Finger &
Michel Moatti, L'Effet-Médias: Pour une sociologie critique de
l'information, Paris, 2010, P.191
* 119 Myriame El Yamani,
Médias et féminismes minoritaires sans parole, 1998,
P.198
* 120 Hervé Bourges
in Géopolitique africaine n°37 de juillet-septembre 2010;
P.340
* 121Newspaper extinction
time line
www.futureexploration.net
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