CONCLUSION
La fin de la guerre froide ne permet pas la mise en place d'un
« nouvel ordre mondial » (Brett Scrowcroft, conseillé de Bush
senior, avril 90) mais plutôt d'un désordre mondial
provoqué par les replis identitaires qui sont à l'origine d'une
multiplication des conflits et de nouvelles menaces pesant sur les grandes
puissances.
La fin de la guerre froide a réveillé les
identités culturelles - religieuses, nationales, linguistiques - aux
quatre coins de la planète. La confrontation idéologique entre
libéralisme et socialisme avait fait passer au second plan ces
identités, qui reviennent sur le devant de la scène et se
prêtent à toutes les manipulations politiques. La mondialisation,
avec les craintes d'uniformisation culturelle qu'elle peut susciter, a aussi
favorisé ces replis identitaires.
Le nationalisme fait un retour spectaculaire en Europe (pays
basque, Ulster, Corse, unité de la Belgique et du Royaume-Uni). En
Afrique, les ethnies constituent souvent la base de mouvements politiques qui
luttent pour le pouvoir (presque un coup d'Etat par an entre 1960 et 1990), la
religion peut aussi être instrumentalisée enfin les grandes
puissances y jouent souvent un rôle actif.
L'islamisme, qui s'est développé depuis 1970,
prétend revenir aux sources de l'islam en renversant des régimes
jugés trop éloignés de la vraie foi et trop conciliants
avec l'Occident. En Inde, le communautarisme engendre de nombreuses violences,
surtout entre hindouismes et musulmans.
Ce réveil des identités tend à affaiblir
les Etats en multipliant les tensions internes et les guerres civiles. En 2000,
68 conflits ont éclaté contre une moyenne annuelle de 35 conflits
depuis 1945.
C'est le cas en Europe, avec l'implosion des Etats
multiethniques qu'étaient l'URSS (guerres de Tchétchénie
en 94-96 et depuis 99), la Tchécoslovaquie (scission le 31/12/92) et la
Yougoslavie (90-95 guerre entre la Croatie, la Serbie et la Bosnie
Herzégovine s'achevant avec les accords de Dayton ; 99 guerre pour le
Kosovo).
C'est aussi nettement visible en Afrique, dans des Etats issus
de la décolonisation, où le processus de construction nationale
n'est pas encore achevé Les conflits interethniques se sont
multipliés (Sierra Leone, Libéria, Côte d'Ivoire... faisant
7,5 millions de morts depuis 45), embrasant parfois toute une région
comme celle des Grands Lacs. La lutte entre les Hutus et les Tutsis, en effet,
a ensanglanté le Burundi, engendré un génocide au
Rwanda
Le monde à l'aube du XXIe siècle
paraît particulièrement divisé et l'on peut se demander si
la dernière grande puissance, les Etats-Unis, va réussir
à
101
(1994), puis contribué à la
déstabilisation de la République Démocratique du Congo
(ex-Zaïre), (1996-1998).
La communauté internationale est restée
relativement passive face à ces guerres, pour deux raisons. D'abord
parce qu'elle peut difficilement intervenir : la plupart de ces conflits ont
lieu à l'intérieur d'un Etat, alors que le droit international
reste fondé sur la souveraineté nationale. Ensuite, parce qu'elle
ne veut pas forcément agir : les grandes puissances ne
s'intéressent plus qu'aux régions jugées vitales pour leur
sécurité, alors qu'au temps de la guerre froide elles
étaient obligées de maintenir partout un certain équilibre
des forces.
C'est souvent dans ces Etats en décomposition ou
failed states (Soudan, Somalie, Afghanistan), dans les « zones
grises » de la planète, que les réseaux terroristes ou
mafieux trouvent refuge. Ils savent utiliser les moyens modernes de
communication. Le narcotrafic dégage d'énormes profits qui
permettent de corrompre les gouvernements, de financer les guerres, de
gangrener les économies (blanchiment de l'argent « sale »).
Al Qaida est un réseau terroriste qui maîtrise les
techniques de médiatisation ; il peut frapper l'Etat le plus puissant du
monde, comme l'ont montré les attentats du 11 septembre 2001 contre le
World Trade Center à New York et contre le Pentagone à
Washington.
Certains redoutent que des armes de destruction massive
(nucléaires, chimiques ou bactériologiques) et des missiles ne
tombent aux mains d'un mouvement terroriste ou d'Etats bellicistes.
Ainsi, on assiste à une prolifération
nucléaire en Asie : le Pakistan et l'Inde sont devenus des puissances
nucléaires en 98. Un Etat, comme la Corée du Nord, utilise
d'ailleurs le chantage nucléaire pour obtenir une aide américaine
(93-94) puis pour se protéger contre une éventuelle attaque des
Etats-Unis (2003-2005). Le premier acte de terrorisme chimique est l'attentat
au gaz sarin contre le métro de Tokyo perpétré en 1995 par
le secte Aum. Les principales menaces, dans le monde actuel, ne sont plus les
guerres « classiques » entre Etats.
La disparition du monde bipolaire et l'échec du «
nouvel ordre mondial » américain permettent l'apparition de
nouvelles menaces qui posent la question de l'avenir de la planète d'un
point de vue politique.
102
imposer sa domination ou si la direction du monde va
être partagée entre plusieurs puissances.
La multiplication des conflits locaux, le développement
de nouvelles menaces comme le terrorisme rendent nécessaire de repenser
les questions de sécurité à l'échelle mondiale. Il
faut aussi élargir la notion même de sécurité, en
prenant en compte tous les problèmes qui pèsent sur l'avenir de
l'humanité.
Mais pour imposer des règles aux Etats, il faut
dépasser la souveraineté nationale, qui est encore la base du
droit international. Cela n'est possible que si l'on parvient à
définir des valeurs universelles, communes à une humanité
ainsi considérée comme supérieure aux Etats.
Par ailleurs, la démocratie libérale est loin
d'être considérée partout comme un modèle. Le
marxisme inspire encore des Etats comme Cuba et la Corée du Nord.
Engagée depuis la fin des années 1970 dans un
processus de modernisation, la Chine s'est ouverte aux investissements
étrangers et a récupéré les enclaves capitalistes
de Hong-Kong (1997) et de Macao (1999).
Mais le régime est toujours aux mains du parti
communiste et refuse toute ouverture politique, comme l 'a montré la
répression du « Printemps de Pékin » en 1989. Cette
puissance nucléaire, spatiale, économique, marquée par un
passé impérialiste, peut représenter une menace à
la domination mondiale des Etats-Unis.
Les tensions Nord-Sud n'ont pas disparu. La domination des
pays riches sur l'économie mondiale, à travers le G7 notamment,
est dénoncée par les altermondialistes. Ils accusent l'OMC
d'organiser la mondialisation au seul bénéfice du « club
» des pays occidentaux. Beaucoup d'Etats du Sud refusent d'accepter des
normes « universelles » qu'ils considèrent comme «
occidentales ».
Cette méfiance à l'égard de l'Occident,
en général, se double d'une peur des Etats-Unis, en particulier.
Aucune puissance n'est capable aujourd'hui de rivaliser avec les Etats-Unis. On
peut donc parler d'un monde unipolaire, dominé par l'hyperpuissance
américaine.
Le « nouvel ordre mondial » est d'ailleurs une
expression inventée par George Bush (père) en 1990 pour
légitimer l'intervention contre l'Irak, coupable d'avoir annexé
le Koweït. Cette guerre du Golfe s'est faite en janvier 1991 avec l'accord
de l'ONU et la participation de nombreux Etats.
103
Mais ce relatif consensus s'est vite dissipé. Jusqu'en
1992, les Etats-Unis veulent rester une grande puissance au milieu des petites
nations et cherchent à observer une certaine retenue. Clinton
(1991-2001) est partisan de la sécurité collective du monde mais
sa volonté de préserver les intérêts
américains provoque une évolution vers un «
multilatéralisme dégradé » : il intervient au Kosovo
malgré l'opposition de la Chine et de la Russie et opte pour une
politique d'élargissement - promotion de la démocratie
et de l'économie de marché.
Cependant, la population américaine est
réticente à ses interventions coûteuses,
financièrement et humainement, ce qui pousse les Etats-Unis à
utiliser leurs alliés (financement de la guerre en Irak par le Japon et
les pétromonarchies ou intervention militaire au Rwanda pour la France).
Les attentats du 11 septembre changent la donne. Les Américains
acceptent les sacrifices pour préserver leur territoire («
America first ») en développant une puissance militaire
suffisante pour lutter contre le terrorisme et les Etats voyous («
Rogue state ») dans des guerres asymétriques (entre des
puissances de forces inégales). Les Etats-Unis sont prêts à
se passer de l'ONU quand celle-ci ne veut pas autoriser leur action.
L'opération militaire menée en 2003 en Irak pour renverser le
régime de Saddam Hussein est un exemple de cet unilatéralisme.
Beaucoup d'Etats qui se sont opposés à cette
intervention souhaitent préserver le multilatéralisme et sortir
l'ONU de la crise où elle est plongée. Une fois
réformée, l'ONU pourrait représenter l'humanité et
faire appliquer un droit d'ingérence qui lui permettrait d'intervenir
dans une guerre civile.
Mais les Etats ne peuvent plus régler seuls tous les
problèmes à l'heure de la mondialisation. Ils doivent prendre en
compte les autres acteurs des relations internationales.
C'est l'idée d'une gouvernance globale, qui permettrait
de régler les problèmes de la planète d'une manière
plus démocratique. Les ONG sont en effet de plus en plus
étroitement associées au fonctionnement des organisations
internationales. Les organisations régionales semblent appelées
à jouer un rôle croissant et l'ONU pourrait se «
décentraliser » en s'appuyant dans chaque continent sur une
organisation régionale qui disposerait d'une force militaire permanente,
ce qui n'est pas le cas actuellement avec les Casques bleues.
104
C'est peut-être aujourd'hui la solution la plus efficace
pour assurer la paix dans une partie du monde : l'Europe en apporte la preuve.
De la même façon, l'action de l'AIEA (Agence Internationale de
l'Energie Atomique), dans le cadre du contrôle de la prolifération
atomique (prix Nobel de la paix en 2005), montre l'utilité d'agences
spécialisées. Enfin, l'espoir d'une justice internationale,
capable de traquer les criminels contre l'humanité par-delà les
frontières, s'est concrétisé avec la CPI (Cour
pénale internationale) fondée en 1998 mais non ratifiée
par les Etats-Unis, la Chine et les Etats du Proche-Orient.
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TABLE DES MATIERES
EPIGRAPHE I
IN MEMORIAM II
DEDICACE III
AVANT-PROPOS IV
INTRODUCTION 1
1. PROBLEMATIQUE 1
2. HYPOTHESES DU TRAVAIL 1
s. METHODE ET TECHNIQUE DU TRAVAIL 2
4. CHOIX ET INTERET DU SUJET s
5. DELIMITATION DU SUJET s
6. SUBDIVISION DU TRAVAIL 4
CHAPITRE I : HÉRITAGE DE LA GUERRE FROIDE 5
SECTION 1. LA CARACTERISTIQUE GENERALE DE LA GUER 5
FROIDE 5
§1. La naissance des deux blocs 7
§2. L'évolution de la guerre froide et les
conflits localisés : 10
§3. La première phase de la guerre froide : 10
SECTION 2. LA PREMIERE CRISE DE BERLIN 10
SECTION s. LA CRISE DE LA COREE 12
SECTION 4. LA DEUXIEME CRISE DE BERLIN 14
SECTION 5. LA CRISE DU CUBA 15
SECTION 6. L'ECHEC DU MARXISME LENINISME ET LA FIN DE
LA GUERRE FROIDE 17
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