La francophonie et la prévention des conflits post électoraux en Afrique:cas de la Côte -d'Ivoire( Télécharger le fichier original )par Stéphane Aloys MBONO Université de Lyon 3 - Master 2011 |
B- L'incapacité de la Francophonie à mener une diplomatie préventiveLa Francophonie n'a pas joué un rôle important dans la prévention du conflit qui a eu lieu en Côte d'Ivoire, mieux, elle a joué un rôle minimum. Ce rôle minimum peut se vérifier aussi au niveau de sa diplomatie préventive. Pourtant la diplomatie préventive s'inscrit dans le cadre d'une culture de la paix en ceci qu'elle a pour finalité ultime de préserver le monde du fléau de la guerre et des souffrances éventuelles dues à celle-ci. Ainsi, du fameux « qui veut la paix prépare la guerre », la culture de la paix a épousé cette nouvelle ligne de conduite pour se confondre avec la célèbre formule de Gaston Bouthoul, selon laquelle « qui veut la paix connait la guerre112(*) ». C'est que, au vu du caractère inéluctable de l'évolution de la crise en conflit armé, il est plus que nécessaire d'opter pour une diplomatie préventive. En général, celle ci cherche à atteindre au moins trois objectifs principaux. « Elle cherche d'abord à prévenir les disputes naissant entre acteurs, ensuite, elle vise à empêcher un différend en passe d'évoluer en conflit ouvert ; et enfin, si un conflit éclate, elle veille à ce qu'il s'étende le moins possible » 113(*). Ainsi, la diplomatie préventive s'attèle à identifier les éventuelles zones d'ombre qui méritent d'être éclairées afin d'éviter des potentielles disputes au cours ou à l'issue du processus électoral. Dans le cas de la Côte d'Ivoire, la Francophonie aurait pu faire tout pour que les différentes parties prenantes au processus électoral donnent des gages par rapport au respect du verdict des urnes, ceci avant même que les élections aient lieu. Ensuite, il aurait été question pour la Francophonie d'agir dans le sens d'empêcher une évolution du différend en conflit ouvert, c'est-à-dire ici armé. En clair, le simple fait de proclamer qu'elle reconnait comme Président le candidat proclamé par la CEI et certifié par le RSSG, apparait insuffisant pour dissuader les acteurs en présence d'aller vers un affrontement armé. Enfin, étant donné l'inéluctabilité de l'affrontement armé, le fait que la confrontation ait débuté le 28mars et ce soit symboliquement achevé le 11 avril 2011, soit 14 jours, on ne peut pas dire que cela soit un délai raisonnable. Cela peut se justifier par les nombreuses populations qui ont souffert de cet affrontement, mais aussi de l'importance des morts qu'on n'a pas encore pu décompter jusqu'alors114(*). La diplomatie préventive ne saurait être comprise que sur le seul prisme normatif, prescriptif ou mieux, diplomatique, elle a également comme modalité d'action l'interposition. En effet, il est possible d'avoir recours à la force pour montrer la détermination. L'élément dissuasif est donc important, car une force opérationnelle militaire permet aussi de montrer qu'il y a cette capacité de nuisance. C'est pourtant un domaine dans lequel la Francophonie a encore beaucoup du chemin à faire pour pouvoir avoir un peu plus d'autorité et de consistance dans le domaine de la prévention des conflits post électoraux. On peut donc conclure que dans le domaine de la diplomatie préventive, tout au mois dans le volet diplomatique, la Francophonie n'a pas brillé par sa présence. Même s'il faut reconnaitre qu'il ne s'agit pas d'affaires qui sont très souvent mises sur la place publique, car ne font pas toujours l'objet de communiqué ou d'interview, il est tout au moins possible d'analyser le résultat. Cela permet de dire : soit la Francophonie n'a pas agit dans ce sens, soit alors elle l'a fait, mais avec un résultat similaire, à savoir un échec, puisque nous avons bel et bien assisté à un conflit armé à la suite des élections en Côte d'Ivoire. Cette réalité peut se comprendre par le fait que le principal porte-voix de l'OIF qui est son Secrétaire Général ne dispose pas de suffisamment de poids pour pouvoir agir dans ce sens. Il est certes à la tête de la Francophonie, mais il est lié par les Chefs d'Etats et de Gouvernements qui ne veulent visiblement pas faire de lui un homme tout puissant disposant de pouvoirs poussés lui permettant d'agir véritablement pour faire respecter et écouter la position de l'organisation. Il est donc nécessaire pour la Francophonie de palier à cette insuffisante autorité de son Secrétaire général afin qu'elle puisse jouer son rôle de véritable acteur de prévention des conflits post électoraux. CONCLUSION DU CHAPITRE Au total, force est de reconnaitre que l'action de la Francophonie souffre d'un certain nombre de limites qui rendent son action inefficace dans la prévention des conflits en général et en particulier celui post électoral ivoirien. Cette réalité peut se voir au travers de ses limites sur le plan structurel qui mettent en lumière la flexibilité de l'Organisation quant au suivi de tout le processus électoral ivoirien. Cette flexibilité s'est aussi manifestée par le rôle limité qu'a joué la Mission d'information et de contact qui met en exergue le faible encrage dans l'évolution de la crise qui débute depuis plus d'une décennie. Les limites structurelles se voient aussi par le caractère subsidiaire que joue la Francophonie à travers son rôle d'appui et de relais à d'autres acteurs partenaires présents dans le pays. A l'inefficacité structurelle s'ajoute une inefficacité opérationnelle qui peut se voir à travers la quasi subordination de l'Organisation aux partenaires présents en Côte d'Ivoire à l'instar de l'ONU et de la France dont les positions se confondent. De plus, la Francophonie fait montre d'un déficit d'autorité à même de lui permettre de prévenir efficacement ce type de conflit. En effet, on a pu observer de la part de la Francophonie un retrait dans le processus électoral ivoirien et dans la crise en général, retrait qualifié de coupable quand bien même elle disposait de plus d'avantages et de crédibilité par rapport aux autres acteurs en présence. Enfin, elle n'a pas joué un rôle véritable dans le domaine de la diplomatie préventive de par une absence coupable dans la diplomatie à proprement parlé. Cette situation vient du fait que son Secrétaire Général ne dispose pas de coudées franches pour mener à bien et surtout efficacement cette mission. Il est cantonné dans un simple rôle d'exécutant des décisions et volontés des Chefs d'Etats et de Gouvernements. A cela doit s'ajouter la non disposition par elle d'une capacité militaire opérationnelle montrant qu'elle a une capacité de dissuasion, mais aussi de nuisance quant aux acteurs qui ne veulent pas entendre raison. Il est donc plus que nécessaire d'envisager des mesures à prendre pour l'amélioration du modèle de prévention des conflits post électoraux en Francophonie, ce qui fera l'objet du prochain moment de cette réflexion (chapitre 4). * 112 Ango Ela (Paul), La prévention des conflits en Afrique centrale, prospective pour une culture de la paix, Paris, éditions Belin, 2001,p 30 * 113 Boutros ghali(B), Agenda pour la paix, 17 juin 1992, UN Document A/47277-S/24111, cité par Cahill (Kevin), La diplomatie préventive, Paris, NiL édition, novembre 2005,P56. * 114 A ce jour, il n'est pas possible d'avoir un bilan exhaustif des personnes tuées, mais on peut quand même se référer au charnier découvert à Duékoué pour comprendre l'apprêté des violences. |
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