La francophonie et la prévention des conflits post électoraux en Afrique:cas de la Côte -d'Ivoire( Télécharger le fichier original )par Stéphane Aloys MBONO Université de Lyon 3 - Master 2011 |
B- La confusion entre la position de la France et celle de la FrancophonieUn des reproches qui a toujours été fait à la Francophonie, c'est sa présumée proximité avec la France qui, au demeurant, est le principal acteur qui permet de financer l'Organisation. Certains esprits critiques estiment à tort ou à raison que cette proximité nuit à la raison d'être de l'OIF qui est perçue parfois comme un paravent de la France. L'observation du financement de l'Organisation qui est supporté en grande partie par ce pays en fait un élément incontournable pour comprendre les griefs qui sont portés contre la Francophonie et sa supposée proximité avec la France. En effet, il est connu que la contribution de la France au fonctionnement de la Francophonie est très importante comparée aux autres contributions d'Etats et gouvernements membres de l'Organisation. L'analyse du tableau qui va suivre nous donnera une idée plus claire de la participation de la France au budget de l'OIF de 2008 en 2010. Tableau 1 : Contribution de la France au financement de la Francophonie multilatérale (En millions d'euros)
Source : Ministère des affaires étrangères et européennes101(*). La seule observation du financement ne saurait être pertinente pour montrer qu'il existe une confusion entre la position de la France et celle de la Francophonie. Il est possible de rechercher cette confusion au niveau de la diversité des réseaux dont bénéficie la Francophonie du fait de la présence de certains de ses membres à des sphères décisionnelles importantes. En effet, la Francophonie a souvent tôt fait de s'approprier les positions de certains membres comme la France pour envisager un quelconque poids à l'international. Ainsi en est -il de la position de la France quant à la réforme de la gouvernance mondiale. Si on se réfère au discours du Président français Nicolas Sarkozy lors du sommet de Montreux en 2010, on pourrait être davantage édifié notamment lorsqu'il affirme : « le troisième chantier que la France souhaite faire progresser et je ne me lasserai pas de plaider en faveur de ce chantier, c'est celui de la gouvernance mondiale, dont nous avons déjà parlé au sommet de Québec(...)est-il normal qu'il n'y ait aucun membre permanent du conseil de sécurité émanant de l'Afrique ? » 102(*) . Mais pour mieux percevoir ce qui a été avancé plus haut, il convient de compléter avec cette affirmation de Dominique Trinquand103(*) qui avance qu' « en effet, la Francophonie dispose d'un certain nombre d'atouts(...) elle est représentée au Conseil de sécurité, par un membre permanent, la France » 104(*).On peut voir là comme un dédoublement entre France et Francophonie, qui est de nature à créer la confusion entre les deux. En ce qui concerne sa position en Côte d'Ivoire, la Francophonie s'est alignée à la position française. La question n'est pas de savoir si elle a eu raison ou pas, car à ce niveau, au vu de l'évolution de la crise et des perceptions imposées par les acteurs105(*), la Francophonie se trouve en difficulté avec sa position. Ceci s'explique dans la mesure où du point de vue de certains acteurs directs ou indirects de la crise, la décision qui a été prise de reconnaitre les résultats tels que proclamés par la CEI et certifiés par le RSSG ne répondait à aucune volonté de prévenir un éventuel conflit post électoral. La Francophonie n'a pas par elle-même et par ses propres canaux obtenus les procès verbaux des résultats afin de prendre « sa » propre position, elle s'est contentée de reprendre celle de la CEI et celle de L'ONU, corroborée par la France. De plus, elle a soutenu la position de la France quant à sa volonté poussée de faire respecter le verdict des urnes, même s'il faille arriver à l'extrême, c'est-à-dire à l'utilisation de la force, car comme on le sait, la France dispose de troupes positionnées en Cote d'Ivoire depuis au moins 2002106(*). De plus, une analyse poussée et sérieuse doit conduire à l'évidence suivant laquelle la Francophonie peut difficilement prendre une position qui aille à l'encontre des intérêts directs de la France en Côte d'Ivoire ou encore au sein de la Francophonie. Cela relève tout simplement du réalisme, étant entendu que c'est bien la France qui est la locomotive de la Francophonie du point de vue non seulement de son financement, mais aussi de son poids politique indéniable par rapport aux autres membres. Le rapport de force convoqué ici peut permettre de constater que la balance penche plus du coté de la France. * 101 « Contribution de la France au financement de la Francophonie multilatérale »disponible sur le lien www.senat.fr/rap/a08-100-2/a08-100-212.htlmL. Consulté le 29 novembre 2012. * 102 Discours prononcé par le Président français Nicolas Sarkozy à l'occasion du XIIIe Sommet de la Francophonie à Montreux le 23.10.2010. * 103 Général, (2S), consultant, chargé de mission auprès de l'OIF * 104 Trinquand (Dominique), « La contribution de la Francophonie aux opérations de maintien de la paix », La Revue internationale des mondes francophones, no2.printemps-été 2010. * 105 Pour le candidat Ouattara, ce qui se joue c'est bien sa légitimité qui est confisquée, or pour Gbagbo, il ne s'agit plus d'une question électorale, mais d'une question de souveraineté de la Cote d'Ivoire. * 106 La Force Licorne est un détachement de militaires français en Cote d'Ivoire arrivés en 2002 dans le cadre de l'application des accords de défense liant les deux pays depuis le 24 avril 1961. |
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