Vers une organisation mondiale pour la reconstruction post-catastrophe ?( Télécharger le fichier original )par Laetitia Bornes ENSAPVS - Architecture 2014 |
7.1.2 LES RÉPONSES « FORMELLES » DURABLESD'autres propositions, généralement plus souvent réalisées, concernent le relogement définitif des sinistrés d'une catastrophe. Ces solutions pérennes sont proposées en aval du désastre, et sont donc adaptées à chaque situation (moins faciles à décontextualiser, moins « universelles »). On trouve parmi ces projets aussi bien du logement que des équipements. Ils concernent une phase ultérieure à l'urgence immédiate : la phase de transition, de réhabilitation ou de « retour à la normale ». De par leur conception post-catastrophe, ces projets peuvent mieux tenir compte des ressources locales (matériaux, techniques, compétences, ressources humaines) et les exploiter. En revanche, même s'ils s'efforcent de faire participer les « bénéficiaires », la mise en oeuvre est plus complexe que dans le cas d'unités préfabriquées. HABITATS DURABLES - MATÉRIAUX LOCAUX Les « éco-dômes » sont des abris en sacs de sable et de terre conçus par l'architecte irano-américain Nader Khalili. Il a développé une technique appelée « Super Adobe » pour réaliser ces « Sandbag shelter » (abris de sacs de sable) dans des contextes d'urgence. Mais rapidement, le concept s'est révélé tout à fait adapté à la réalisation de véritables habitations durables. La terre, extraite du lieu même de construction, est humidifiée et utilisée pour remplir des sacs de polypropylène,qui sont empilés de façon à dessiner la forme de ces « éco-dômes ». Du fil de fer barbelé placé entre chaque couche de sacs assurent leur adhérence, puis le séchage naturel de la terre solidifie l'ensemble. Pour un séchage optimal, un feu peut être allumé à l'intérieur. Figure 36 : Construction d'un éco-dôme159(*) Les hautes performances de l'éco-dôme résident dans sa géométrie et sa composition. Son rapport surface des murs / volume intérieur est plus faible que celui d'une structure carrée ou rectangulaire. Cette faible surface d'enveloppe réduit la consommation de matériaux de construction ainsi que les échanges thermiques. Figure 37 : Eco-dômes de tailles variables160(*) « Ce type de volume offre une extraordinaire résistance aux tempêtes, ouragans et tremblements de terre. Il présente l'avantage d'être particulièrement économique en énergies de chauffage ou de climatisation et c'est en plus un volume très agréable à vivre ».161(*) La terre est disponible sur place à un coût nul. Ces matériaux sont résistants aux attaques d'insectes, aux moisissures et aux incendies. En cas d'incendie, la combustion du polypropylène ne dégage pas de substances toxiques, seulement de l'eau et du gaz carbonique. Une ouverture est placée au sommet du dôme pour assurer un renouvellement naturel de l'air intérieur par convection. Il convient de réaliser un bon revêtement externe contre les précipitations et afin de protéger le plastique des ultraviolets (le polypropylène est très résistant mais supporte mal les UV). L'ajout de paille dans la terre renforce l'isolation thermique des murs. Figure 38 : Plan d'un éco-dôme162(*) La réalisation de ces maisons peut varier en fonction de leur taille et de leur complexité de quelques jours à quelques semaines. Une équipe de 3 à 5 personnes sans qualification particulière peut s'en charger. Un coordinateur peut se charger de la construction de plusieurs maisons en même temps et former en parallèle de nouveaux coordinateurs. L'auto construction présente l'avantage de limiter le coût de main d'oeuvre et de mobiliser les « bénéficiaires » : elle peut se révéler une véritable thérapie pour les victimes d'un désastre. Un éco-dôme complet pouvant abriter une famille de 5 personnes coûte environ 10 000 € et peut être construit en quelques jours. Le déploiement est particulièrement rapide et efficace : acheminement d'un rouleau de sacs en polypropylène par éco-dôme, de rouleaux de fil de fer barbelé et de quelques outils de base (brouettes, pelles, masses,etc.). Figure 39 : Village d'éco-dômes163(*) « Mes maisons sont construites avec de la terre ou du sable. Elles ne coûtent presque rien. Elles ne peuvent pas prendre feu, elles résistent aux cyclones et aux séismes car elles reposent sur un système d'arcs et n'ont pas d'étage. Un petit dôme en terre peut être construit en trois jours [...]. Rien de pire que les maisons carrées en cas de catastrophe naturelle ! »164(*) Cette proposition est adaptable à de nombreuses situations et contextes climatiques, en combinant un maximum d'avantages. Cependant, on peut lui reprocher une forme « forte », qui ne respecte pas l'architecture locale de son lieu d'implantation. Le modèle est personnalisable à volonté, et même si les performances peuvent en être diminuées, la technique est applicable à d'autres formes très variées. HABITATS DURABLES - MATÉRIAUX RECYCLÉS D'après BBC News, le 12 janvier 2011, un an après le séisme survenu à Haïti, seulement 20% de la totalité des décombres (estimée à 10 millions de m3) a été dégagé. En parallèle, plus de 810 000 personnes vivent encore dans des bidonvilles, sans compter les personnes relogées dans des « shelters » provisoires. Entrepreneurs du Monde, association française créée en 1998, le laboratoire de recherche CRATerre et ses partenaires haïtiens de la PADED, ont développé un modèle de construction parasismique et para-cyclonique en ossature bois et remplissage maçonnerie qui a été validé par le Ministère des Travaux Publics haïtien. Ce modèle peut être construit à partir de débris recyclés. L'association forme des maçons et des charpentiers à ce mode de construction para-sinistre, respectueux de l'architecture traditionnelle haïtienne, et forme également des artisans pouvant fabriquer des matériaux de construction à partir des gravats laissés par le séisme. Elle accompagne ces artisans «construction» et «recyclage» dans la création de leur entreprise, et la promotion et la commercialisation de leurs produits. Figure 40 : modèle de construction intégrant des produits issus du recyclage des débris, inspiré d'une typologie architecturale locale développée par CRATerreet ses partenaires haïtiens de la PADED165(*) « Le programme Recyclage des débris a été mis en place par Entrepreneurs du Monde, avec le BIT (Bureau International du Travail). Il fait partie du projet Gestion des Débris, validé par la CIRH (Commission Intérimaire pour la Reconstruction d'Haïti) et mis en place par le PNUD dans la zone de Carrefour Feuilles, l'un des quartiers les plus touchés par le séisme, recouvert de 300 000m3 de débris. Il forme des artisans, confirmés ou débutants, à la fabrication de matériaux de construction innovants en débris recyclés au sein d'ateliers conçus comme de véritables incubateurs d'entreprises. [...] L'objectif du programme est de développer une filière de matériaux de construction à forte valeur ajoutée qui favorisera la création d'emplois tout en contribuant à la réutilisation des gravats qui occupent l'espace public et freinent la reconstruction. Par la suite, les entrepreneurs continueront leur activité en utilisant les matières premières classiques dans ce secteur. »166(*) HABITATS DURABLES - PRÉVENTION DES RISQUES La Safe(R) House est un autre exemple de projet de reconstruction durable, développé en 2005 par l'école de Design de Harvard en collaboration avec le SENSEable City Laboratory du MIT. L'objectif était de concevoir un logement durable et résistant à moindre coût pour reloger les personnes victimes du tsunami. Guidés par des systèmes de modélisation de haute technologie, l'équipe a développé la Safe(R) House, unemaison conçue pour résister à la force d'un tsunami ainsi qu'aux inondations. Les concepteurs se sont efforcés d'utiliser des matériaux locaux et des méthodes de construction peu coûteuses et facile à reproduire. Figure 41 : La Safe(R) House167(*) La maison se compose de quatre éléments principaux : une plate-forme surélevée qui facilite le drainage de l'eau, une structure de base en béton qui offrent une résistance élevée sans bloquer l'écoulement de l'eau en cas de tsunami, des cloisons en bambou ou en tissage traditionnel pour une bonne ventilation et une structure de toit classique à base de poutres en bois de noix de coco. Figure 42 : La modélisation de la Safe(R) House et ses performances168(*) La structure porteuse a été modélisée, analysée et testée. La division de la structure en petits blocs a permis de multiplier la résistance par cinq, comparée à celle des structures traditionnelles. L'équipe a également utilisé ce système pour créer une série de déclinaisons du modèle simple pour la création de bâtiments communautaires. Figure 43 : Plan des fondations de la Safe(R) House169(*) Le coût final de construction est d'environ 1 500 USD, pour une surface de quasiment 50m². La durée des travaux n'est pas précisée et la mise en oeuvre semble nécessiter l'intervention de professionnels. Les réponses « formelles » durables montrent que l'architecte peut proposer des projets innovants et adaptés dans la reconstruction post-catastrophe. L'intervention d'architectes, en partenariat avec professionnels de la construction locaux, peut apporter des solutions optimales en termes de délais, de résistance et de coût, tout en utilisant les ressources locales et en respectant les traditions architecturales locales. Sur de telles interventions, l'auto construction est naturellement plus délicate, mais il convient de faire appel aux professionnels locaux. Il est également conseillé de les former aux techniques anti-sinistres développées. * 159 Source : greenlines.wordpress.com * 160 Source : greenlines.wordpress.com * 161Source : association Dhomus, oser.wordpress.com * 162Source : greenlines.wordpress.com * 163 Source : oser.wordpress.com * 164 Source : Nader Khalili, oser.wordpress.com * 165Source : haiti-entrepreneursdumonde.blogspot.fr * 166 Source : www.entrepreneursdumonde.org * 167 Source : openarchitecturenetwork.org * 168 idem * 169 Source : senseable.mit.edu |
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