ENSAPVS
Ecole Nationale Supérieure d'Architecture
Paris Val-de-Seine
Master en Architecture
2014
VERS UNE ORGANISATION MONDIALE
POUR LA RECONSTRUCTIONPOST-CATASTROPHE ?
ETUDE CRITIQUE DE L'ORGANISATION DE L'AIDE INTERNATIONALE
POUR LA RECONSTRUCTION POST-CATASTROPHE,PLACE ACTUELLE DE L'ARCHITECTE AU SEIN
DU MÉCANISME, INTÉRÊT D'UNE ORGANISATION MONDIALE AU
TRAVERS DE L'EXEMPLE D'HAÏTI, ET PROPOSITIONS
ÉCHELONNÉES
Candidat :
BORNES Laetitia
Directeurs de mémoire :
COIGNOUX Jean-François
LEGER Pierre
THOMAS Bruno
TITRE DU MÉMOIRE
Vers une organisation mondiale pour la reconstruction
post-catastrophe : étude critique de l'organisation de l'aide
internationale pour la reconstruction post-catastrophe,place actuelle de
l'architecte au sein du mécanisme, intérêt d'une
organisation mondiale au travers de l'exemple d'Haïti, et propositions
échelonnées.
RÉSUMÉ
Le développement croissant des zones urbaines
présentes sur la planète et l'augmentation de l'occurrence de
grandes catastrophes naturelles multiplient les risques majeurs. Suite à
un désastre majeur, l'aide internationale est sollicitée dans le
but de rétablir le secteur affecté. Ce rétablissement
exige notamment le relogement des populations sinistrées, ainsi que la
restauration des équipements et services. Ce document se propose
d'étudier le mécanisme de l'aide internationale post-catastrophe
et la place actuelle de l'architecte au sein de ce mécanisme, avant de
suggérer, à partir d'une étude de cas sur Haïti, des
pistes d'évolution et d'amélioration à diverses
échelles d'action.
SUMMARY
The increasingdevelopment of urban areasall aroundthe planet
andthe growing occurrence ofmajor natural disastersmultiplymajor
risks.Following a majordisaster, international aid is sought inorder to
restorethe affected area. This recoveryrequires, amongst others,the
relocationof affected populations, as well as the reinstatement ofequipment
andservices.Thispaper intend tostudy the mechanismof the international
post-disasteraid and the current roleof the architectinthis mechanism,before
suggesting, based on a case studyonHaiti, courses ofimprovements and changesat
various scalesof action.
THÈMES-CLÉS
Risque / Urgence / Désastre
Reconstruction / Relogement
Haïti / Aide internationale
Contexte / Enjeux
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier chaleureusement mes directeurs de
mémoire, M. Bruno Thomas, M. Jean-François Coignoux et M. Pierre
Léger. Ils ont su me conseiller et me guider dans la réalisation
de ce considérable projet,essentiel tant dans mon parcours
pédagogique que personnel.
J'adresse également mes remerciements à M.
Patrick Coulombel, cofondateur de la fondation Architectes de
l'urgence.Son point de vue franc, vivant et expérimenté,
partagé lors d'un entretien, a largement alimenté et
orienté ma réflexion sur l'aide internationale et la place de
l'architecte au sein de celle-ci.De même, je remercie vivement M. Antoine
Choumoff, président de l'agence Humanitarian Design Bureau,
ainsi que Mme Laetitia Raginel, directrice développement chez Onyx
Développement, et anciennement chez Entrepreneurs du
Monde. Bien que l'architecture et la reconstruction post-catastrophe ne
soient qu'indirectement liées à leurs domaines d'action, les
rencontres et échanges qu'ils m'ont accordés m'ont beaucoup
apporté, notamment dans la compréhension des relations de
coordination entre les différents acteurs de l'aide internationale.
Enfin, je remercie Jean-Marie Tremblay et les Classiques des
Sciences Sociales pour leur autorisation gracieuse d'utilisation de documents,
ainsi que l'ensemble des auteurs des multiples documents, mémoires,
vidéos, articles, etc., qui ont servi de socle à la
réalisation de ce document, et qui m'ont permis, par leur nombre et leur
diversité, de commencer à développer une opinion
personnelle sur de nombreuses thématiques liées à ce
mémoire.
SOMMAIRE
Remerciements
3
Sommaire
7
Table des illustrations
9
Introduction sur le cadre d'étude du
mémoire
13
1 La reconstruction post-catastrophe
15
1.1 Prérequis sur les risques et les
catastrophes
15
1.1.1 Les risques
15
1.1.2 Les catastrophes, les crises
humanitaires
16
1.1.3 L'augmentation de l'impact des
catastrophes
16
1.1.4 Conclusion
17
1.2 La réponse internationale aux
situations de catastrophe
18
1.2.1 Bref historique de l'action
humanitaire
19
1.2.2 Les acteurs de l'aide
internationale
23
1.2.3 Répartition, relations, et
financements de l'aide humanitaire
39
1.2.4 Conclusion
53
1.3 Les facteurs influents : contextes et
enjeux multiples
54
1.3.1 Des contextes d'intervention
très variés
54
1.3.2 Des enjeux multiples et parfois
contradictoires
58
1.3.3 Dimensions spatiale et temporelle
63
1.3.4 Conclusion
64
1.4 Conclusion générale sur
l'aide internationale post-catastrophe
65
2 La place de l'Architecte dans la
réponse aux situations de catastrophe humanitaire
67
2.1 Les réponses
« techniques »
67
2.1.1 Les réponses
« formelles » provisoires
67
2.1.2 Les réponses
« formelles » durables
80
2.1.3 La prévention et la
recherche
86
2.1.4 Conclusion
91
2.2 Les réponses
« actives »
92
2.2.1 La position de l'architecte au sein de
l'aide internationale
92
2.2.2 L'expertise de l'architecte dans la
reconstruction
100
2.2.3 Conclusion
104
2.3 Synthèse et conclusion
105
3 Vers une organisation mondiale pour la
reconstruction post-catastrophe ?
107
3.1 Le cas d'Haïti
107
3.1.1 Haïti avant le séisme de
2010
108
3.1.2 Le séisme de 2010 et ses
conséquences directes
122
3.1.3 L'aide internationale
124
3.2 L'intérêt d'une
organisation mondiale
126
3.2.1 La reconstruction perçue comme
un échec
126
3.2.2 La reconstruction
« physique »
132
3.2.3 Intérêt d'une
Organisation mondiale
154
3.2.4 Conclusion
156
3.3 Pistes vers une organisation mondiale
pour la reconstruction
157
3.3.1 Forme, statut
157
3.3.2 Objectifs, Moyens, outils
159
3.4 Conclusion et limites
162
Conclusion sur l'exercice du mémoire
163
Bibliographie
165
Annexes
171
Sigles et abréviations
171
Les 10 articles de la Charte de Hasselt
175
Les Principes fondateurs de la Fondation
Architectes de l'urgence
177
TABLE DES ILLUSTRATIONS
Figure 1 : L'aléa
3
Figure 2 : L'enjeu1
15
Figure 3 : Le risque1
15
Figure
4 : Nombre de désastres par type entre 1972 et 2005
17
Figure 5 : Le financement des situations d'urgence
complexes et des catastrophes naturelles rapportés dans les appels
consolidés des Nations Unies, 2000-2010
18
Figure
6 : Chronologie synthétique de l'action humanitaire
22
Figure
7 : Organigramme simplifié des relations entre les différents
organes de l'ONU
25
Figure 8 : Organigramme de l'ONU
26
Figure 9 : Budget des cinq premières
organisations multilatérales humanitaires entre 2006 et 2009 (en
milliards de USD)
35
Figure
10 : Organisation de la politique française d'aide au
développement
37
Figure 11 : Evolution des autorisations de
financement du groupe AFD (en millions d'euros)
38
Figure
12 : Aperçu des différentes origines et échelles de
l'aide humanitaire
39
Figure
13 : Relations entre acteurs bi et multilatéraux
40
Figure 14 : Origine des financements de l'aide
humanitaire en 2010
41
Figure 15 : Evolution du partage
public/privé de l'aide humanitaire internationale entre 2006 et
2010
41
Figure 16 : Financement humanitaire de sources
privées entre 2000 et 2010
42
Figure
17 : Volumes des dons des vingt plus importants contributeurs et volumes
reçus par les vingt plus importants bénéficiaires entre
2000 et 2009
43
Figure 18 : Répartition de l'aide
humanitaire par secteur
43
Figure 19 : Bénéficiaires de premier
niveau de l'aide humanitaire internationale entre 2005 et 2009
44
Figure 20 : Distribution du ERF et du CHF en 2009
et 2010
45
Figure 21 : Répartition des dépenses
combinées de MSF en 2012
46
Figure
22 : Synthèse des relations de financements des acteurs de l'aide
humanitaire
47
Figure 23 : Cycle de vie d'un kit modulable
68
Figure
24 : Un module autonome pour l'habitat d'urgence par Clé Millet
International
70
Figure 25 : Habiter dans un cube - les "EXO"
71
Figure
26 : Dome Sweet Home - Structure et matériaux
72
Figure 27 : La maison Lotus - parachutage et
déploiement
73
Figure 28 : Room Room - habitat d'urgence
mobile
74
Figure 29 : Les différents usages du Room
Room
75
Figure 30 : Plan type d'une composition d'habitats
sur une zone de fret
75
Figure 31 : Etapes constructives de l'unité
d'habitation
76
Figure 32 : Adaptabilité de l'unité
selon le type de famille
76
Figure 33 : Low Tech Balloon System
77
Figure 34 : Paper Log House, 1995, Kobe, Japan
78
Figure 35 : Montage de la Paper Log House
79
Figure 36 : Construction d'un
éco-dôme
80
Figure 37 : Eco-dômes de tailles
variables
81
Figure 38 : Plan d'un éco-dôme
81
Figure 39 : Village d'éco-dômes
82
Figure 40 : modèle de construction
intégrant des produits issus du recyclage des débris,
inspiré d'une typologie architecturale locale développée
par CRATerre et ses partenaires haïtiens de la PADED
83
Figure 41 : La Safe(R) House
84
Figure 42 : La modélisation de la Safe(R)
House et ses performances
84
Figure 43 : Plan des fondations de la Safe(R)
House
85
Figure 44 : Les trois stratégies de
prévention contre le risque inondation
89
Figure 45 : Structure de UN Habitat
92
Figure 46 : Le Secrétariat de UN Habitat
93
Figure 47 : Situation géographique
d'Haïti
108
Figure 48 : Topographie d'Haïti
108
Figure 49 : L'eau et le climat en Haïti
109
Figure 50 : Risques naturels en Haïti
110
Figure 51 : Les opérations
étrangères et leur nature en Haïti
112
Figure 52 : L'économie d'Haïti
concentrée sur sa capitale
113
Figure 53 : Un territoire initialement
régionalisé
114
Figure 54 : Un territoire centralisé
115
Figure 55 : Urbanisme et espace social à
Port-au-Prince
116
Figure 56 : La "Ravine Pintade" avant (en haut
à gauche) et après le séisme
117
Figure 57 : à gauche, la résidence de
Patrice Pamphile au 4, rue Casséus, à droite, la Villa Castel
Fleuri dans l'avenue Christophe
118
Figure 58 : Architectures hybrides et toitures des
maisons gingerbread
119
Figure 59 : Le Palais National, construit en
1918
121
Figure 60 : Carte des intensités du premier
séisme de 2010, estimées selon l'échelle de Mercalli
122
Figure 61 : à gauche, nombre de victimes
d'ouragans de 1970 à 2010, à droite, nombre de victimes de
séismes de 1970 à 2010 (estimations des victimes de
séismes réévaluées à la hausse par la
suite)
123
Figure 62 : Bilan des principales aides
financières débloquées fin janvier 2010
124
Figure 63 : Acteurs représentés au
CIRH
125
Figure 64 : La structure de coordination en avril
2010
127
Figure 65 : Evolution du nombre de camps, de
ménages, et de déplacés 2010-2014
133
Figure 66 : Abris et subventions - données
annuelles
135
Figure 67 : Localisation du camp Corail
137
Figure 68 : Camp officiel Corail et camps informels
Canaan, Jerusalem et Onaville
138
Figure 69 : Camp Jerusalem et Onaville
139
Figure 70 : Camp Corail - Emergency Shelters
139
Figure 71 : Le camp Corail trois ans
après
140
Figure 72 : Scénarii de continuum
hébergement / logement dans la reconstruction
142
Figure 73 : La reconstruction d'Haïti, entre
relogement transitoire et relogement durable
143
Figure 74 : Abris provisoires au camp Corail
144
Figure 75 : Localisation de Zoranje
147
Figure 76 : Vue aérienne de Zoranje, janvier
2010
148
Figure 77 : Vue aérienne de Zorange, avril
2013
148
Figure 78 : le Village Lumane Casimir à
Morne à Cabrit
150
Figure 79 : Projet "16/6" - Morne Hecule, phase
pilote
151
Figure 80 : ASF International - à gauche,
pays membres, à droite, activités dans le monde
157
1 INTRODUCTION SUR LE
CADRE D'ÉTUDE DU MÉMOIRE
Les situations de crise humanitaire et d'urgence sont
nombreuses à travers le monde. Aux risques naturels se sont
ajoutés les risques anthropiques. La mondialisation a permis,
initiée par diverses motivations, l'apparition d'actions solidaires,
visant à aider les régions victimes de catastrophes de toutes
sortes. Lorsque tout est à reconstruire, la place de l'architecte, dont
le rôle est de concevoir et organiser des espaces pour l'activité
humaine, semble primordiale.Il s'agit de l'étudier, de la définir
et de l'améliorer au sein del'entraide internationale.
Ce document s'efforce tout d'abord de définir et
d'analyser les situations de catastrophes, ainsi que les réponses
qu'elles provoquent auprès de l'aide internationale : la
« machine humanitaire » est à l'étude. Puis,
l'éveil du lecteur est porté sur la grande multiplicité
des contextes d'intervention et la variété des enjeux qui animent
les différents acteursde la reconstruction post-catastrophe,au travers
d'exemples variés.
Suite à l'étude de l'environnement et des
facteurs influents du relèvement post-catastrophe, la position de
l'architecte est interrogée. Une analyse critique non exhaustive mais
représentative de la place actuelle des architectes dans les processus
de reconstruction post-crise se développe, en regroupant les
propositions et actions sous deux grandes
« familles » : les réponses
« techniques » et les réponses
« actives ».
Une étude de cas orientée sur la réponse
de l'aide internationale en Haïti après le séisme de
2010tâche de mettre en lumièreles possibles intérêts
d'une organisation mondialepour la reconstruction post-catastrophe. Enfin, des
propositions sont imaginées à diverses échelles :
forme, moyens d'action, outils, développements possibles, etc., avant de
conclure sur les avantages et les limites de ces propositions.
Ce mémoire ne prétend pas révolutionner
le monde de l'aide humanitaire, ni inventer ce qui existe déjà.
En revanche, il ne saurait critiquer sans apporter de propositions
personnelles, qu'elles soient idéalistes ou réalistes. C'est
pourquoi le document ne se limite pas à une analyse critique, et
débouche sur une proposition d'organisation mondiale. En revanche, la
faisabilité et la forme de cette proposition nesont que timidement
évoquées, dans la mesure où elles ne constituent pas
l'objet du mémoire, et ne s'appuient que sur des suppositions.
2 LA RECONSTRUCTION
POST-CATASTROPHE
2.1 PRÉREQUIS
SUR LES RISQUES ET LES CATASTROPHES
2.1.1 LES RISQUES
Les différents types de risques sont regroupés
en cinq grandes catégories :
les risques naturels : avalanche, feu de forêt,
inondation, mouvement de terrain, cyclone, tempête, séisme et
éruption volcanique...
les risques technologiques : d'origine anthropique,
ils regroupent les risques industriel, nucléaire, biologique, rupture de
barrage...
les risques de transports collectifs (personnes,
matières dangereuses) sont des risques technologiques. On en fait
cependant un cas particulier car les enjeux (voir plus bas) varient en
fonction de l'endroit où se développe l'accident.
les risques liés aux conflits.
les risques de la vie quotidienne : accidents
domestiques, accidents de la route...
Les risques majeurs englobent les risques des quatre
premières catégories lorsqu'ils sont caractérisés
par :
une faible fréquence : la faible occurrence
d'un événement n'incite pas la société à
prévenir et à se préparer à réagir face
à celui-ci.
une énorme gravité : de nombreuses
pertes humaines, matérielles, patrimoniales, économiques,
environnementales...
Un événement potentiellement dangereux
ALÉA (voir Figure1) n'est un RISQUE MAJEUR (voir Figure 3) que s'il
s'applique à une zone où des ENJEUX humains, économiques
ou environnementaux (voir Figure 2) sont en présence.
Figure 1 :
L'aléa1(*)
D'une manière générale le risque majeur
se caractérise par de nombreuses victimes, un coût important de
dégâts matériels, des impacts sur l'environnement : la
VULNÉRABILITÉ mesure ces conséquences.
Figure 2 :
L'enjeu1
Le risque majeur est donc la confrontation d'un
aléa avec des enjeux.
Figure 3 : Le
risque1
« La définition que je donne du risque
majeur, c'est la menace sur l'homme et son environnement direct, sur ses
installations, la menace dont la gravité est telle que la
société se trouve absolument dépassée par
l'immensité du désastre » Haroun TAZIEFF.
Le risque majeur est la possibilité d'un
événement d'origine naturelle ou anthropique, dont les effets
peuvent mettre en jeu un grand nombre de personnes, occasionner des dommages
importants et dépasser les capacités de réaction de la
société.
L'existence d'un risque majeur est liée :
D'une part à la présence d'un
événement, qui est la manifestation d'un phénomène
naturel ou anthropique ;
D'autre part à l'existence d'enjeux, qui
représentent l'ensemble des personnes et des biens (ayant une valeur
monétaire ou non monétaire) pouvant être affectés
par un phénomène. Les conséquences d'un risque majeur sur
les enjeux se mesurent en termes de vulnérabilité.
Dans une échelle de gravité des dommages
produite par le ministère de l'Écologie et du
Développement durable, une catastrophe est
considérée comme majeure lorsque son bilan humain
s'élève à plus de 1000 morts, et lorsque les dommages
matériels s'estiment à plus de 3 milliards d'euros.2(*)
2.1.2 LES CATASTROPHES, LES CRISES HUMANITAIRES
D'après la Fédération internationale des
Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, une
catastrophe consiste en un événement soudain et
désastreux qui perturbe gravement le fonctionnement d'une
communauté ou d'une société et cause des pertes humaines,
matérielles et économiques ou environnementales dépassant
les capacités de la société ou de la communauté
à faire face à l'aide de ses propres ressources.3(*)
Une crise humanitaire est définie par le
Ministère des Affaires Etrangères et Européennes comme une
situation dans laquelle la vie d'un grand nombre de personnes est
menacée. La mise en oeuvre de moyens extraordinaires est
nécessaire pour éviter une catastrophe ou au moins en limiter les
conséquences. L'action humanitaire intervient dans un contexte de crise
aiguë ou durable consécutive à des catastrophes naturelles
(séismes, inondations, ouragans) ou d'origine humaine (conflits). Elle
s'inscrit dans un contexte d'urgence et de post-urgence immédiate. Elles
sont menées aussi bien en France qu'à l'international, et doivent
respecter les principes fondamentaux d'impartialité, de
non-discrimination et de neutralité, ainsi que le droit international
humanitaire.4(*)
2.1.3 L'AUGMENTATION DE L'IMPACT DES CATASTROPHES
Les catastrophes majeures se multiplient à la surface
du globe, et leurs conséquences sont de plus en plus importantes,
notamment dans les pays en voie de développement. Selon un rapport
d'étude des interventions post-catastrophe de l'AFD (Agence
Française de Développement) publié en janvier 2011,
« cela est dû à la vulnérabilité
croissante de ces pays - en particulier du fait d'une urbanisation croissante
-, mais aussi à une augmentation des catastrophes climatiques. Certaines
ont un impact durable sur les infrastructures et l'économie,
créant un véritable reflux du développement,
altérant la gouvernance et les politiques de développement des
pays concernés. »5(*)
Figure 4 : Nombre de
désastres par type entre 1972 et 2005
La
Figure 4, élaborée par le CRED
(Centre for Research on the Epidemiology of Disasters)6(*)illustre l'augmentation
observée entre 1972 et 2005 de l'occurrence des catastrophes naturelles
liées aux inondations et aux tempêtes, et la relative
stabilité des autres types de désastre.
Cette augmentation de certains aléas se combinant
à une augmentation globale des enjeux, l'importance de l'impact des
catastrophes naturelles et anthropiques est croissant en termes humain,
matériel, économique, mais aussi politique et social. En effet,
le développement de la couverture médiatique, permis par les
nouvelles technologies de communication, joue un rôle important dans
l'implication d'acteurs internationaux. L'interdépendance
constatée entre médias et aide internationale sera
développée dans la partie
1.3.
3 CONCLUSION
Bien que les pays en développement soient
généralement plus vulnérables, les risques majeurs,
lorsqu'on les considère tous (le risque technologique notamment),
concernent l'ensemble des zones urbanisées de la planète (zones
à enjeux). Ceci, associé à l'augmentation de certains
aléas, justifie l'intérêt partagé d'une
solidarité omni-latérale et d'une coopération à
l'échelle mondiale capable de faire face de manière optimale,
efficace et pérenne face à toute catastrophe majeure
potentielle.
3.1 LA RÉPONSE INTERNATIONALE AUX SITUATIONS DE
CATASTROPHE
L'augmentation de l'importance et de l'occurrence des
catastrophes, associée à une diffusion médiatique toujours
plus large, a conduit à l'apparition de mouvements de solidarités
internationale et nationale sous de nombreuses formes très
variées.
L'aide internationale, motivée par l'impact croissant
des situations de crise humanitaire et par l'ampleur de la diffusion
médiatique, reçoit des financements de plus en plus importants,
s'organise, se diversifie, se coordonne. La
Figure 5 : Le financement des situations d'urgence
complexes et des catastrophes naturelles rapportés dans les appels
consolidés des Nations Unies, 2000-2010 montre la croissance du
financement des Nations Unies pour la réponse aux situations d'urgence
complexes et aux catastrophes naturelles entre 2000 et 2010.
Figure 5 : Le financement des situations d'urgence
complexes et des catastrophes naturelles rapportés dans les appels
consolidés des Nations Unies, 2000-20107(*)
L'adjectif « humanitaire » qualifie « ce qui
s'intéresse au bien de l'humanité, qui cherche à
améliorer la condition de l'homme »8(*). L'action humanitaire s'exerce au nom de la
solidarité. Elle est destinée principalement aux populations les
plus défavorisées, mais doit s'inscrire dans une idée
d'échange. Elle doit viser, sans aucune discrimination et avec des
moyens pacifiques, à préserver la vie dans le respect de la
dignité et à restaurer l'homme dans sa capacité de choix.
Il existe un « code de conduite » de l'action humanitaire.9(*)
Dressons un bref historique de l'action humanitaire, une
analyse non exhaustive de ses acteurs, ainsi que de leurs relations.
3.1.1 BREF HISTORIQUE DE L'ACTION HUMANITAIRE
Avant l'époque des Lumières, l'activité
altruiste était connue sous le nom de
« charité ». Cette charité ne
pouvait se dissocier de la dimension religieuse, et représentait un
vecteur de la diffusion du christianisme.La philosophie des Lumières
bouleverse l'ordre établi, et prône un humanisme laïque :
l'Homme est au centre du monde, sa quête du bonheur est légitime.
D'après Voltaire, « la vertu consiste à faire du
bien à ses semblables et non pas dans de vaines pratiques de
mortifications. »10(*)
« La charité, vertu chrétienne,
était compatible avec l'ordre inégal et immuable de la
création. Au contraire, l'humanité prend cet ordre pour cible
lorsqu'elle le considère injuste ou pénible à l'homme.
Cette «vertu sans religion» a pour ambition d'élever l'homme,
tout l'homme et tous les hommes, dans toutes leurs dimensions : politique,
morale, matérielle. »11(*)
La liberté d'association, née de
l'indépendance américaine, permet la création de
nombreuses actions de solidarité, tandis qu'en Europe, il faudra
attendre la sortie de la période napoléonienne.
La colonisation, bien que violente sous de nombreux aspects,
porte également une mission médicale et sociale.
« L'oeuvre sociale, éducative et sanitaire de la
colonisation est à inscrire à son bilan au même titre que
les destructions culturelles et les crimes dont elle s'est rendue coupable. La
médecine tropicale et l'épidémiologie, par exemple, sont
des sous-produits de la conquête coloniale. »12(*)
NAISSANCE DE LA CROIX-ROUGE
Les témoignages reportant l'horreur des conditions de
la bataille de Solférino conduisent, en 1863, à la
création du « Comité international de secours aux
blessés » qui prendra le nom de Croix-Rouge en 1875.
Le mouvement Croix-Rouge repose sur trois principes novateurs
:la neutralité de la victime, une organisation indépendante
permanente des secours, une convention internationale pour la protection des
blessés.13(*)
Le 22 août 1864, la première convention de
Genève « Convention pour l'amélioration du sort des
militaires blessés dans les armées en campagne » constitue
le point de départ du Droit international humanitaire (DIH).
La Croix-Rouge diversifie son emblème en Croissant
Rouge en 1877. Depuis la première guerre mondiale, la ligue des
Croix-Rouge puis la Fédération des sociétés de
Croix-Rouge agissent également en temps de paix et le Comité
Internationauxde la Croix-Rouge, reste responsable desactions menées
lors des conflits.
De nombreuses autres associations humanitaires apparaissent
à l'entre-deux guerres et lors de la seconde guerre mondiale. On peut
citer notamment : International Rescue Committee (IRC), Catholic Relief Service
(CRS) ou Cooperative for American Remmitancies in Europe (CARE).
Des organisations humanitaires liées aux politiques
voient le jour, tandis que d'autres se créent en opposition aux pouvoirs
politiques, comme Oxford Committee for Relief Famine (OXFAM),
créé en 1942.
Puis, l'action humanitaire, orientée vers la cause des
civils, se diversifie et prend de l'ampleur, jusqu'à la création
des premières organisations sans but lucratif qui seront appelées
par la suite Organisation Non-Gouvernementale (ONG).
CRÉATION DE L'ORGANISATION DES NATIONS
UNIES (ONU)
En 1945, à l'issu de la seconde guerre mondiale, les
grands pouvoirs alliés fondent l'Organisation des Nations Unies (ONU).
Elle se substitue à la Société Des Nations (SDN) qui avait
été créée en 1919. L'ONU a pour objectifs
principaux de :
Maintenir la paix dans le monde;
Développer des relations amicales entre les
nations;
Aider les nations à travailler ensemble pour aider les
pauvres à améliorer leur sort, pour vaincre la faim, la maladie
et l'analphabétisme et pour encourager chacun à respecter les
droits et les libertés d'autrui;
Coordonner l'action des nations pour les aider à
atteindre ces buts.14(*)
Les programmes et fonds de l'ONU dédiés à
l'action humanitaire en général sont :
Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF)
Haut-commissariat des Nations Unies pour les
réfugiés (UNHCR)
Le Programme des Nations Unies pour le développement
(PNUD)
Le Programme alimentaire mondial (PAM)
Le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA)
Le Programme des Nations Unies pour les établissements
humains (ONU-Habitat)
La coordination des affaires humanitaires au
Secrétariat des Nations Unies :
Le Bureau des Nations Unies pour laCoordination des Affaires
Humanitaires (OCHA)
Les institutions spécialisées qui traitent
également de problématiques humanitaires sont :
L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et
l'agriculture (FAO)
L'Organisation mondiale de la Santé (OMS)
La Banque internationale pour la reconstruction et le
développement (BIRD)
NAISSANCE DU
SANS-FRONTIÉRISME
La guerre du Biafra, de 1967 à 1970, fait apparaitre un
nouveau genre d'organisations humanitaires. En effet, le
« sans-frontiérisme » naît avec
Médecins sans Frontières (MSF), une organisation fondée
pour rompre avec les principes de neutralité et de silence
caractéristiques des organisations internationales de
l'époque.
Durant les 40 années suivantes, l'humanitaire subira de
nombreuses évolutions, parfois suite à de profondes remises en
question, comme toujours au gré des principaux conflits armés et
des catastrophes naturelles majeures.
« A l'opposé des structures alourdies
officielles de l'action humanitaire traditionnelle, le sans-frontiérisme
est d'abord un retour aux sources : action privée, initiatives
indépendantes, petites associations privées, petites missions,
légèreté, souplesse. À la différence de la
Croix-Rouge qui tire sa puissance de la loi, le mouvement sans
frontières la transgresse [...] Et cherche la seule protection de
l'opinion publique. Le recours aux médias est, dès l'origine,
systématique.»15(*)
Contrairement à la Croix-Rouge, ces nouvelles ONG ne
dépendent pas de l'accord des Etats et des Organisations Internationales
(OI).
Elles communiquent essentiellement par l'intermédiaire
des médias, et gagnent peu à peu la confiance des donateurs
privés commepublics. Le « sans-frontiérisme » se
diversifie par corps de métier : architectes, ingénieurs,
agronomes, secouristes, éducation, reporters, etc.
Ces associations se permettent d'intervenir dans les guerres
civiles, alors que l'ONU reste spectatrice, ne pouvant agir dans le cas de
conflits intérieurs.
Les actions de Bernard Kouchner concernant le Vietnam en 1979
sont même jugées trop médiatiques par certains de ses
confrères, ce qui le pousse à fonder Médecins du Monde
(MDM).
« La médiatisation des interventions d'urgence
durant les années 80 se fera au détriment des actions de
développement qui faute de dons suffisants seront revues à la
baisse. Parallèlement, on découvre l'effet pervers de l'aide qui
alimente l'économie de guerre et qui, tout en soulageant ses victimes,
contribuent à la faire durer. Pire, on s'aperçoit que certains
dirigeants cyniques manipulent l'émotion internationale.
»16(*)
La Communauté Européenne créé en
1992 l'European Commission Humanitarian Office (ECHO) afin de coordonner les
actions humanitaires et leurs financements. Les organisations privées et
les donateurs privés se retrouvent de nouveau sous l'influence de
décideurs politiques.
Le secteur humanitaire se militarise dans les années
1990, en parallèle de la dissolution du bloc soviétique. On note
principalement les interventions en Serbie et au Kosovo en 1999, en Afghanistan
en 2001, et au Darfour en 2002.
« Globalement, le nombre de casques bleus
déployés à travers le monde est passé de 15 300 en
1991 à plus de 80 000 en 2006 et se situe actuellement vers 91 000
hommes ». 17(*)
Le droit d'ingérence,qui est le droit d'une ou
plusieurs nations de violer la souveraineté nationale d'un autre
État, sous condition d'un mandat accordé par l'autorité
supranationale, peut être parfois considéré comme un
instrument permettant aux grandes puissances d'imposer leurs idéologies.
Les ONG se désolidarisent progressivement des actions humanitaires
militarisées, et reprennent peu à peu leur
indépendance.
PROFESSIONNALISATION DU SECTEUR
HUMANITAIRE
En cohérence avec sa montée en puissance, et
afin de répondre au mieux à des problématiques complexes,
le secteur humanitaire se professionnalise à partir des années
1990.
Des efforts en termes de coordination des interventions et
des financements, nécessaires étant donné la
variété et le grand nombre d'acteurs dans ce secteur, sont
également à souligner. Les diverses organisations se regroupent
en réseau, ou s'efforce d'inscrire leur démarche dans un cadre
global défini par des organisations internationales telles que OCHA
(United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs) ou ECHO
(European Community Humanitarian aid Office).
Les mesures facilitant la coordination des acteurs
humanitaires ont été notamment motivées par
l'immensité du flux de dons reçus en réponse au tsunami de
décembre 2004.
Les débuts et les grandes évolutions de l'action
humanitaire coïncident avec les guerres et les bouleversements d'ampleur
mondiale. La
Figure 6 (Chronologie synthétique de
l'action humanitaire) montre que les apparitions et réorganisations des
différents types d'organismes à vocation totalement ou
partiellement humanitaire se sont déroulées aux lendemains des
deux guerres mondiales et de la guerre du Biafra. La création en 2005 du
Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA),
quant à elle, est une conséquence du tsunami de 2004
(difficultés de gestion d'un afflux de dons record).
Le caractère "spontané" de l'apparition des ONG
permet une grande souplesse et un grand dynamisme, mais engendre
également une certaine difficulté de compréhension et de
cohérence globale. C'est la raison pour laquelle on assiste
récemment à de nombreux efforts d'harmonisation, comme la
création d'organismes de coordination, ou les regroupements
d'associations sous un programme commun.
L'indépendance d'action (qui permet également
souplesse et réactivité), et la volonté d'une
cohérence globale, toutes deux légitimement recherchées,
semblent contradictoires, et s'affrontent dans le combat pour une aide
humanitaire plus juste et plus efficiente.
Figure 6 : Chronologie
synthétique de l'action humanitaire
3.1.2 LES ACTEURS DE L'AIDE
INTERNATIONALE
LES VICTIMES
« En référence à la
déclaration des Nations Unies pour les principes fondamentaux de justice
relatifs aux victimes de la criminalité signée le 29 novembre
1985, on entend par victime des personnes qui, individuellement ou
collectivement, ont subi un préjudice, notamment une atteinte à
leur intégrité physique ou mentale, une souffrance morale, une
perte matérielle ou une atteinte grave à leurs droits
fondamentaux, en raison d'actes ou d'omissions qui enfreignent les lois
pénales en vigueur dans un état membre, y compris celles qui
proscrivent les abus criminels de droit. »18(*)
Les victimes de crises humanitaires qui sont concernées
par des programmes d'aide internationale sont appelées «
bénéficiaires ». Leur statut est complexe à
définir car, bien que traumatisées et déstabilisées
par la catastrophe qu'elles viennent d'essuyer et ses conséquences, tout
le monde s'accorde à dire qu'elles doivent au plus tôt tenir un
rôle acteur dans la construction de leur futur. Leur implication dans la
reconstruction peut permettre à différentes échelles :
d'offrir une réponse adaptée au contexte local (implication du
gouvernement local), de relancer l'économie du pays en sollicitant ses
entreprises, de tenir compte au mieux des réels besoins de la population
et de lui permettre de se projeter le futur, de s'approprier sa nouvelle
vie.
D'après Yona Friedman, « l'architecture de
l'environnement individuel, aussi bien que l'architecture relevant de
l'ensemble de la communauté, doivent être l'oeuvre des futurs
utilisateurs, c'est à dire des habitants eux-mêmes
».19(*)
Pourtant, le terme même de «
bénéficiaires » témoigne d'une implication parfois
trop faible ou trop tardive, qui cantonne les victimes à un rôle
spectateur.
Christian Troubé déclare « Etre
désigné comme victime [...] c'est être condamné
à devenir celui qui ne maîtrise plus, provisoirement, son avenir,
celui dont le destin est en d'autres mains. C'est devenir ce «
bénéficiaire », pour reprendre le jargon bureaucratique des
ONG, cet être de chair que l'on soigne mais qui, au bout de la
chaîne humanitaire devient aussi un argument marketing au détour
d'un mailing envoyé aux donateurs, ou un simple chiffre ramené
à l'anonymat et à la massification des statistiques.
»20(*)
On trouve parmi les victimes le cas des réfugiés
et celui des personnes déplacées.
« Les personnes déplacées à
l'intérieur de leur propre pays sont des personnes qui ont
été forcées à quitter leur foyer afin
d'éviter les effets d'hostilités ou d'autres situations de
violence, de violations des droits de l'homme ou de catastrophes naturelles ou
provoquées par l'homme, mais qui restent à l'intérieur de
leur propre pays. »21(*)
« Les réfugiés sont des personnes qui
ont quitté leur pays d'origine et se retrouvent hors de celui-ci
à cause d'une crainte fondée de persécution pour des
raisons basées sur leur race, leur religion, leur nationalité,
leur appartenance à un groupe social particulier ou leur opinion
politique. »22(*)
Le statut de "personne déplacée" donne droit aux
protections accordées aux civils en général, ainsi
qu'à certaines garanties comme la liberté de se déplacer,
de rester regroupés par familles, ou celle d'être informés
du sort des autres personnes déplacées.
LES ORGANISATIONS INTERNATIONALES
Une Organisation Internationale est définie comme un
« groupement composé ou non d'États (organisation
intergouvernementale), à vocation soit universelle, soit
régionale ou continentale (Les organisations internationales ont
notamment pour objet la sécurité collective des États et
la promotion de la condition humaine dans la communauté mondiale)
»23(*) par le
dictionnaire Larousse.
Michel Virally, quant à lui, affirme qu'une
organisation internationale « est l'association d'États
souverains établie par un accord (c'est généralement un
traité international qui devient son statut) entre ses membres et
dotée d'un appareil permanent d'organes communs, chargés de
poursuivre la réalisation d'objectifs d'intérêt commun par
une coopération entre eux. »24(*)
Dans l'usage commun, on assimile "Organisation Internationale"
et "Organisation Intergouvernementale". Citons en particulier l'Organisation
des Nations Unies (ONU), créée le 24 octobre 1945 sous la
ratification par 51 Etats de la Charte qui définit ses objectifs, parmi
lesquels :
le maintien de la paix et de la sécurité
internationale ;
le développement des relations amicales entre les
nations ;
la coopération internationale et le
développement des droits fondamentaux de l'homme.
La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme,
adoptée par l'Assemblée Générale en 1948,
précise son engagement et son attachement aux libertés
fondamentales de l'Homme « sans distinction de race, de sexe, de
langue ou de religion ».
L'égalité souveraine de tous les membres est
garantie, malgré un droit de veto reconnu à chacun des cinq
membres du Conseil de sécurité.
La structure et l'organisation de cette organisation
intergouvernementale sont d'une grande complexité :
L'Assemblée générale,
composée des représentants de tous les États membres, est
le principal organe délibérant, directeur et représentatif
de l'ONU.
Les décisions votées par l'Assemblée
(à la majorité simple en général, et à la
majorité des deux tiers pour les sujets de première importance)
ne constituent pas une obligation juridique pour les gouvernements
nationaux.
Le Conseil de sécurité, composé
de cinq membres permanents (la Chine, les États-Unis, la
Fédération de Russie, la France et le Royaume-Uni) et de dix
autres membres élus tous les deux ans par l'Assemblée
générale, à la fois organe exécutif et organe
d'initiative, assume la responsabilité principale du maintien de la
paix.
Ce Conseil, à la fois organe exécutif et organe
d'initiative, est le seul à pouvoir prendre des décisions que les
membres de l'Organisation sont dans l'obligation d'appliquer.
Le Conseil économique et social, composé
de 54 membres élus pour trois ans par l'Assemblée
générale,traite des questions économiques et sociales
internationales, et réalise des études et des rapports à
ce sujet.
Il est en relation avec 900 organisations non gouvernementales
(ONG), et son autorité est de l'ordre de la recommandation.
Le Conseil de tutelle, composé de
représentants de 7 États membres et des 5 membres permanents du
Conseil de sécurité, avait pour mission de surveiller
l'administration des territoires placés sous le régime de la
tutelle.
Il suspend officiellement ses activités le 1er novembre
1994 avec l'indépendance de Palau, dernier territoire sous tutelle des
Nations unies, mais demeure toutefois un organe de l'ONU à part
entière.
La Cour internationale de justice, composée de
15 magistrats élus indépendamment par l'Assemblée
générale et le Conseil de sécurité, pour une
durée de 9 ans, est l'organe juridictionnel des Nations unies. Elle
appliqueles conventions internationales qui établissent les
règles reconnues par les États nationaux en litige, ainsi que le
droit et les principes généraux de droit reconnus par les
nations.
Le Secrétariat des Nations Unies,
composé d'environ 7500 fonctionnaires internationaux supposés
indépendants de leurs 170 pays d'origine, constitue la partie
administrative de l'ONU.
Le Secrétaire Général, nommé par
l'Assemblée, sur recommandation du Conseil de sécurité,
est décrit par la Charte comme « le plus haut fonctionnaire de
l'Organisation ». Sa mission est d'attirer l'attention du Conseil de
sécurité sur toute potentielle mise en danger de la paix ou de la
sécurité partout dans le monde.
CASQUES BLEUS
COUR INTERNATIONALE de JUSTICE
CONSEIL ECONOMIQUE et SOCIAL
Délibération
Décision
Organes spécialisés
ETATS
SECRETARIAT GENERAL
CONSEIL de SECURITE
supervise
décide
propose
décide
ASSEMBLEE GENERALE
élit
élit
Figure 7 : Organigramme
simplifié des relations entre les différents organes de
l'ONU
L'Assemblée Générale est dotée
d'organes subsidiaires (comités, commissions, groupes de travail, etc.),
ainsi que de programmes et fonds (UNICEF, PNUD, PAM, etc.) et des instituts de
recherche et formation.
Le Conseil de Sécurité est lié à
d'autres organes subsidiaires, et le Conseil économique et social est
rattaché à de nombreux comités, commissions et groupes
d'experts.
Aux organes principaux s'ajoutent des institutions
spécialisées, telles que l'OMS (Organisation Mondiale pour la
Santé), qui sont des organisations internationales disposant d'une
autonomie budgétaire et donc d'une indépendance.
Figure 8 : Organigramme de
l'ONU25(*)
Les Nations Unies fonctionnent, depuis la réforme de
2005 visant à pallier aux déficiences constatées de l'aide
humanitaire, sur le principe de la « cluster approach » :
une agence responsable (« leader ») est
désignée par domaine d'intervention. Cela permet de diriger des
groupes de travail, de coordonner l'ensemble des actions par domaine
d'intervention, d'harmoniser la répartition des financements, et de
définir une responsabilité finale en cas de déficience.
Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires(OCHA)
se positionne en coordinateur général de l'intervention
humanitaire avec une répartition des responsabilités des agences
par domaine d'intervention :
Gestion de camp et coordination : UNHCR
Télécommunications d'urgence : OCHA pour la
supervision, UNICEF pour la collecte de données, PAM pour la
sécurisation des services
Réhabilitation : UNDP
Abris d'urgence : UNHCR et la Fédération
internationale de la Croix-Rouge
Santé : OMS
Logistique : PAM
Nutrition : UNICEF
Protection : UNHCR
Eau et assainissement : UNICEF26(*)
« OCHA vise à mobiliser et coordonner les
efforts collectifs de la communauté humanitaire, en particulier ceux du
système des Nations Unies, et à satisfaire les besoins des
victimes de désastres naturels et d'urgences complexes. La coordination
est l'élément clé du mandat de OCHA, ainsi il organise des
réunions sectorielles, des ateliers pour l'harmonisation des plans de
contingence, des réunions de coordination humanitaire mensuelles sur des
questions prioritaires concernant les acteurs humanitaires et les bailleurs de
fonds en vue de discuter et de trouver des réponses aux situations
d'urgence. OCHA travaille avec ses partenaires pour développer et mettre
en oeuvre une stratégie connue sous le nom de Plan d'Action Humanitaire
Commun (CHAP) et lance des Appels de Fonds Consolidés des agences
humanitaires (CAP Consolidated Appeal Process) afin de plaider pour les causes
humanitaires ainsi que les urgences oubliées et d'établir une
division claire des rôles et des responsabilités dans la
réponse aux besoins humanitaires. »27(*)
En 2000, l'Assemblée générale des Nations
unies a adopté les huit Objectifs du Millénaire pour le
Développement (OMD) à atteindre en 2015 :
Réduire l'extrême pauvreté et la faim
Assurer l'éducation primaire de tous
Promouvoir l'égalité et l'autonomisation des
femmes
Réduire la mortalité infantile
Améliorer la santé maternelle
Combattre le VIH/sida, le paludisme et d'autres maladies
Assurer un environnement durable
Mettre en place un partenariat mondial pour le
développement28(*)
LES ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES
(ONG)
Les Organisations Non Gouvernementales (ONG) s'opposent aux
Organisations Internationales par leur indépendance vis-à-vis des
Etats. Il n'existe aucune définition juridique exacte, bien que
l'essentiel (98% d'après le site Jurisexpert29(*)) de ces organisations soit, en
France, de type association loi 1901 (quelques organisations ont le statut de
fondation).
« En France, la perception la plus répandue
des ONG reste cependant celle de structures non lucratives, issues d'une
mobilisation militante et citoyenne à caractère privé,
agissant pour des causes sociales (généralement dans trois
principaux domaines : solidarité internationale, droits de l'Homme et
environnement), avec une dimension internationale. »30(*)
Selon l'administration de l'ONU, une ONG est « une
organisation qui n'a pas été constituée par une
entité publique ou par voie d'un accord intergouvernemental, même
si elle accepte des membres désignés par les autorités
publiques, à condition que ceux-ci ne nuisent pas à sa
liberté d'expression. Ses moyens financiers doivent provenir
essentiellement des cotisations de ses affiliés. Toute contribution
financière reçue directement ou indirectement d'un gouvernement
doit être déclarée à l'ONU ».31(*)
Philippe Ryfman, quant à lui, attribue aux ONG cinq
caractéristiques principales :
La notion d'organisation de citoyens, c'est-à-dire le
regroupement de personnes privées pour défendre un idéal
ou des convictions et assurer la réalisation d'un dessin commun non
lucratif [...]
La forme juridique particulière qui la symbolise
exprimée le plus souvent à travers les termes d'associations ou
d'organismes non lucratifs au gré des droits nationaux.
Le rapport aux puissances publiques comme privées,
tant au niveau national qu'international. [...]
La référence à des valeurs impliquant,
en même temps qu'un engagement librement consenti, la volonté
affichée d'inscrire l'action dans une dimension insérée
dans un cadre démocratique [...]
Le caractère transnational de son
activité.32(*)
Le nombre exact d'ONG françaises est inconnu, car il
n'existe aucun recensement, étant donné le flou juridique de ce
terme. On estime cependant que ce nombre « est de l'ordre de «
quelques milliers », à mettre en regard des 880 000 associations
loi 1901 recensées en France. »33(*)
Cependant, la répartition des financements entre ces
ONG est très inégale, et l'aide est donc moins fragmentée
qu'il n'y paraît. En effet, « les vingt premières ONG
françaises représentent plus de 75% du budget total des ONG
françaises (dont la moitié seulement sont des ONG intervenant sur
des questions d'urgence). »34(*) Les quatre plus importantes ONG se partagent un
budget supérieur au tiers du budget national : «
Médecins sans Frontières-France à elle seule dispose
d'un budget de près de 100 millions d'euros ; Médecins du monde,
Handicap International et Action contre la faim disposent chacune d'un budget
de l'ordre de 40 à 50 millions d'euros. »
La Commission Coopération Développement (CCD),
dans son enquête sur « L'argent et les ONG »,
copilotée par Coordination SUD et le Ministère des Affaires
étrangères, évalue le budget global de ressources en 2001
à 713 millions d'euros : « le budget des ONG
représentait 15,4% du total de l'aide publique française au
développement et 27% de l'aide bilatérale française en
2001. »35(*)
LE STATUT DES ONG : LES ASSOCIATIONS / LES
FONDATIONS
La différence principale entre ces deux statuts peut
être résumée comme suit : une association est un
regroupement de personnes alors qu'une fondation est l'affectation d'un
patrimoine à une cause par une personne morale ou physique.
ASSOCIATIONS
Le contrat d'association est défini par
l'article 1er de la loi de 1901 comme « la convention par
laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d'une façon
permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que
de partager les bénéfices. Elle est régie, quant à
sa validité, par les principes généraux du droit
applicable aux contrats et obligations ».
« La liberté est très présente
dans le statut associatif : chacun est libre de se constituer en association,
et n'est pas tenu de déclarer sa mise en sommeil ou sa cessation. Le
cadre général de l'association offre une grande souplesse. En
effet, l'objet d'une association est libre, à deux restrictions
près : elle ne doit pas porter atteinte à l'ordre public et le
partage de bénéfice entre les membres est interdit.
»36(*)
On compte trois types d'associations : les associations non
déclarées ou libres, les associations déclarées et
les associations reconnues d'utilité publique.
Une association « à but non lucratif
» doit nécessairement avoir un résultat nul chaque
année, ce qui peut constituer un frein. Patrick Coulombel le
déplore dans son livre « Architectes de l'Urgence »
:
« Une association ne poursuit aucun but lucratif et
ne peut donc générer des bénéfices,
c'est-à-dire que les budgets des associations sont à
dépenser en totalité chaque année afin d'obtenir un compte
de résultat à solde nul ! A plusieurs reprises, nous avons
reçu en fin d'année (le 24 Décembre) des dons importants
que nous devions dépenser en une semaine ! » Il est donc
impossible pour l'association de « par exemple stocker du
matériel pour une intervention à venir ». De plus, il
regrette l'absence de stabilité d'un tel régime dans le temps :
« la pérennité d'un partenariat avec des institutions,
des fondations et même des donateurs privés se complique dans la
mesure où nous ne pouvons pas assurer la stabilité dans le
temps. »
Ce sont les raisons pour lesquelles l'association «
Architectes de l'Urgence » est devenue une fondation reconnue
d'utilité publique par décret du 28 août 2007 : «
La rigidité de cette structure associative imposée par la
législation en vigueur conduit à une gestion financière
annuelle très contraignante. La parade que nous avons trouvée
consiste à créer une fondation reconnue d'utilité
publique. »37(*)
FONDATIONS
La loi n°87-571 du 23 juillet 1987 sur le
développement du mécénat définit le statut de la
fondation, ainsi que son fonctionnement. Il s'agit de « l'acte par
lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales décident
l'affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à la
réalisation d'une oeuvre d'intérêt général et
à but non lucratif ». Contrairement aux associations, les
fondations ne peuvent être créées que dans le cas d'une
autorisation spécifique des pouvoirs publics. Les fondations
d'entreprise doivent être reconnues par le Préfet du
département de leur futur siège, tandis que les fondations
reconnues d'utilité publique nécessitent l'accord du Premier
Ministre.
LE CAS PARTICULIER DE LA CROIX
ROUGE
« Le Mouvement international de la Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge est le plus grand réseau humanitaire du monde
»38(*). On compte
près de 105 millions de volontaires, de membres et d'employés
dans 186 pays. Ce mouvement est composé, depuis 1919 de deux
institutions internationales :
Le Comité international de la Croix-Rouge
(CICR), qui agit en temps de guerre « pour fournir une assistance
humanitaire aux personnes frappées par un conflit ou une situation de
violence armée et faire connaître les règles qui
protègent les victimes de la guerre »,
La Fédération internationale des
Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, qui «
mène des opérations de secours en faveur des victimes de
catastrophes » naturelles ou technologiques, aux
réfugiés et dans les situations d'urgence sanitaire, et «
associe à ces opérations des activités de
développement pour renforcer les capacités des
Sociétés nationales »39(*). Cette Fédération représente
officiellement les Sociétés membres sur le plan international et
encourage leur coopération.
Les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et
du Croissant-Rouge, qui se placent comme « auxiliaires des
pouvoirs publics pour tout ce qui concerne l'humanitaire », et «
mettent en application les buts et les principes du Mouvement international
de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge dans 189 pays ».40(*)
Le Mouvement n'est donc pas une organisation à statut
unique. En effet, chaque entité (le Comité international de la
Croix-Rouge (CICR), la Fédération internationale des
Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et les 189
Sociétés nationales) a sa propre identité juridique et sa
propre mission. Cependant, ces différentes composantes se
réunissent autour de sept Principes fondamentaux.
De plus, tous les deux ans, les Sociétés
nationales et leur Fédération se réunissent en
Assemblée générale et sont immédiatement
après rejointes par le CICR pour le Conseil des
Délégués, qui examine des questions stratégiques
d'importance pour le Mouvement.
La Conférence internationale de la Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge réunit tous les quatre ans l'ensemble du Mouvement et
les représentants de tous les États membres aux Conventions de
Genève. L'organisation revient à la Commission permanente,
composée de neuf membres : cinq membres élus pendant la
Conférence, et quatre membres de droit (deux du CICR et deux de la
Fédération internationale).
L'Accord de Séville définit la
répartition des rôles et des responsabilités au sein du
Mouvement afin d'assurer une cohérence globale « en
éliminant les chevauchements et répétitions inutiles
d'activités. »38
Le CICR(ou ICRC en anglais) est, d'après Gabor
Rona, de la Division juridique de ce Comité, « de nature
hybride. En tant qu'association privée constituée au sens du Code
civil suisse, son existence ne découle pas en soi d'un mandat
conféré par des gouvernements. Par contre, ses fonctions et ses
activités, qui ont pour but de fournir protection et assistance aux
victimes de conflits armés, sont prescrites par la communauté
internationale des États et fondées sur le droit international,
en particulier sur les Conventions de Genève, qui font partie des
traités les plus ratifiés dans le monde.En conséquence, on
reconnaît au CICR, comme à toute organisation
intergouvernementale, une « personnalité juridique internationale
» ou un statut à part. Il jouit donc de privilèges et
d'immunités comparables à ceux dont bénéficient les
Nations Unies, leurs institutions et d'autres organisations
intergouvernementales. L'exonération d'impôts et de droits de
douane, l'inviolabilité des locaux et des documents ainsi que
l'immunité de juridiction sont des exemples de ces privilèges et
immunités. »41(*)
Le CICR emploie quelque 12 000 personnes dans 80 pays.
Principalement financé par des dons provenant de gouvernements et des
Sociétés nationales, son budget annuel a atteint le milliard de
francs suisses (700 millions d'euros environ), au cours de ces dernières
années. Environ 1 400 personnes travaillent avec près de 11 000
employés locaux dans 80 pays, et quelques 800 collaborateurs soutiennent
leurs activités depuis le siège, basé à
Genève.
Les Statuts de la FICR (ou IFRC42(*) en anglais),
révisés et adoptés à la 16ème
session de l'Assemblée générale, Genève (Suisse),
les 20-22 novembre 2007, définissent le caractère de
l'organisation : « La Fédération internationale des
Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge [...]
est une organisation composée de membres, établie par les
Sociétés nationales, qui la composent », et «
une composante du Mouvement international de la Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge ». Elle « agit en tant qu'institution
dotée de la personnalité juridique, conformément à
ses propres Statuts, qui définissent ses droits et obligations.
»
La FICRest constituée de 186 Sociétés
nationales membres, un Secrétariat à Genève et plus de 60
délégations réparties dans le monde entier.
La Croix-Rouge française a également un
statut particulier : une double-identité association-entreprise. En
effet, d'après le site de la Croix-Rouge 43(*): « dans la tradition
du Mouvement Croix-Rouge, la Croix-Rouge française est d'abord une
association de bénévoles. Elle est aussi devenue une entreprise
non profit de services dans les secteurs humanitaire, sanitaire, social,
médicosocial et de la formation. De nombreux éléments
distinguent les univers du bénévolat et du salariat :
motivations, règles juridiques, financements des activités,
organisation... Cependant, la conjonction et la coopération
organisées des bénévoles et des salariés sont un
atout formidable pour la Croix-Rouge française. »
Elle mobilise plus de 53 000 bénévoles et
près de 18 000 salariés sur l'ensemble du territoire. Leurs
rôles sont scindés entre gouvernance et management :
« Les bénévoles sont en charge de la
gouvernance de l'association. Ils composent les conseils qui sont
collégialement responsables, par leurs avis et décisions, pour
fixer les orientations de l'association, contrôler leur bonne mise en
oeuvre et en répondre devant l'ensemble des parties prenantes, internes
et externes.
Les salariés sont en charge du management. Dans les
délégations, ils soutiennent l'action des bénévoles
qu'ils assistent. Aux plans central et régional, ils préparent et
exécutent les décisions des conseils.
Dans les établissements, cette répartition
des rôles se traduit par l'attribution aux directeurs
d'établissements du pouvoir de direction et de gestion, dans le cadre
des politiques de l'association et sous le contrôle des conseils de
surveillance. »
Les instances nationales de la Croix-Rouge française
sont l'assemblée générale, le conseil d'administration, le
président et le bureau national, complétées par la
commission nationale de surveillance et le comité des sages en charge du
conseil et de la surveillance.
LES BAILLEURS DE FONDS
Les bailleurs de fonds sont des entités
rattachées aux institutions publiques, contrairement aux ONG
(associations ou fondations) qui sont privées. Ce sont des organismes
gouvernementaux ou des agences reliées à des institutions
multilatérales (Banque mondiale, Union Européenne). La mission
des bailleurs de fonds est d'attribuer aux différents acteurs un budget
dédié aux affaires humanitaires, l'Aide Publique au
Développement (APD), qui leur a étéconfié par
l'institution à laquelle ils sont rattachés. Ce budget doit
être réparti de manière juste et en fonction de programmes.
Les acteurs qui reçoivent l'aide publique au développement sont
généralement les Etats sinistrés ou leurs institutions
publiques en général, les organisations multilatérales et
les associations à but non lucratif (ou parfois même les
entreprises commerciales).
Disposant des financements, les bailleurs de fonds ont souvent
un rôle de décision ou même de coordination. D'après
le Manuel des acteurs de l'aide, rédigé par la Fondation MSF,
« le caractère politique des organismes délivrant une
aide au développement est à souligner. L'aide publique n'est
qu'une facette de la stratégie d'acteurs institutionnels qui disposent
par ailleurs d'autres moyens pour agir sur les relations internationales. Par
exemple, le gouvernement américain considère que diplomatie,
défense et aide au développement sont les trois piliers de sa
politique étrangère. Toutefois, l'éventail des politiques
de distribution des financements est large, et l'aide au développement
n'est pas systématiquement un levier de la politique
étrangère de telle ou telle institution. En matière d'aide
humanitaire, la démarche politique du bailleur doit être
confrontée à l'impératif d'impartialité et de
neutralité des ONG qui en reçoivent les fonds. Pour s'affranchir
des contraintes que peuvent faire peser sur elles certains bailleurs, les ONG
diversifient leurs sources de financements. »
Certains bailleurs de fonds sont internationaux, d'autres sont
étatiques.Parmi les bailleurs de fonds internationaux, on trouve : La
Banque Mondiale, ECHO (pour l'Union Européenne), EuropAid. On peut
citer, entre les nombreux bailleurs de fonds étatiques : USAID pour le
gouvernement des Etats-Unis, l'AFD (Agence Française de
Développement) pour le gouvernement français, GTZ pour le
gouvernement allemand, le Ministère des Affaires
étrangères du Japon, des Pays-Bas, etc.Les agences de
l'Organisation des Nations unies peuvent également être
considérées comme des bailleurs de fonds.
BAILLEURS INTERNATIONAUX : LA BANQUE MONDIALE
La Banque Mondiale (BM) et le Fonds Monétaire
International (FMI) ont des rôles différents mais
complémentaires :
La BM a pour objectif « d'aider les pays à
s'intégrer dans l'économie mondiale et de promouvoir la
croissance économique à long terme afin de faire reculer la
pauvreté dans les pays en développement ».44(*)
Le FMI « surveille les politiques de change
appliquées dans le monde entier en aidant ses États membres
à maintenir un système de paiement harmonieux, et accorde des
prêts à ses pays membres confrontés à un grave
déficit de la balance des paiements ».44
Donc « le FMI est responsable du dialogue tenu avec
les autorités nationales sur les problèmes
macroéconomiques et les questions structurelles connexes, tandis que la
Banque mondiale est chargée des questions sociales et structurelles
». Le FMI est susceptible de venir en aide ou d'agir en faveur de tous les
pays membres. En revanche, la BM se consacre aux pays en développement
ou en transition.
« L'expression 'Banque mondiale' désigne
uniquement la Banque Internationale pour la Reconstruction et le
Développement (BIRD) et l'Association Internationale de
Développement (IDA). »44
BAILLEURS INTERNATIONAUX : ECHO ET EUROPAID
ECHO(European Community Humanitarian aid Office) est le
service d'Aide Humanitaire de l'Union Européenne, tandis que
EuropAid gère la coopération au développement.
L'Office de Coopération de l'UE (EuropAid) est
le service opérationnel de la Commission Européenne en ce qui
concerne la coopération au développement. « La
Commission a créé EuropeAid Office de coopération, le 1er
janvier 2001, dans le cadre de ses efforts visant à la réforme de
la gestion de l'aide extérieure. EuropeAid Office de coopération
a pour mission de mettre en oeuvre les instruments d'aide extérieure de
la Commission européenne qui sont financés par le budget de la
Communauté européenne et par le Fonds européen de
développement ».45
Les programmes et les projets d'EuropAid sont définis
selon six zones dans le monde, et treize initiatives horizontales, parmi
lesquelles : la Démocratie et Droits de l'Homme, les Migrations, le
Cofinancement des ONG, la Sécurité alimentaire, la
Santé...
La Direction Générale pour l'aide Humanitaire
(ECHO) se consacre aux affaires d'urgence humanitaire, de manière
indépendante aux autres institutions européennes de l'aide
extérieure. Sa mission « consiste à porter assistance et
secours d'urgence aux victimes de catastrophes naturelles ou de conflits en
dehors de l'Union européenne ».45Pour cela :
« il réalise des études de
faisabilité pour ses opérations humanitaires ;
il assure le suivi des projets humanitaires et met en
place des mécanismes de coordination ;
il garantit une préparation préalable aux
risques de catastrophes naturelles, par le biais de trois types d'actions : la
formation de spécialistes, le renforcement des institutions et les
microprojets à effet démonstratif ;
il fournit une assistance technique à ses
partenaires ;
il sensibilise l'opinion publique aux problèmes
humanitaires, en Europe et dans les pays tiers ;
il subventionne des initiatives d'études de
réseaux et de formation dans le domaine humanitaire
»45, comme par exemple le Network on Humanitarian Action
(NOHA).
L'entité nommée « ECHO n'a pas de
structure véritablement opérationnelle. Toutes ses actions sont
mises en oeuvre via des partenaires : des ONG, le CICR ou la FICR, et des
agences spécialisées des Nations unies. Le budget 2005 a
été réparti selon 91 décisions de subventions.
»45(*)
ECHO dispose d'un programme de prévention,
dédié à la préparation aux désastres :
DIPECHO (Disaster Preparedness ECHO). « Les projets financés
par DIPECHO couvrent la formation, le renforcement de capacités, la
sensibilisation, les systèmes d'alerte précoce, et des outils de
planification et de prévision ».45
La Direction Générale pour le
Développement (DG DEV) « consiste à initier et à
formuler la politique de développement communautaire telle que
définie dans le Titre XX du Traité instituant la
Communauté européenne, et de coordonner les relations
communautaires avec les pays de l'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique
(pays ACP) et les Pays et territoires d'Outre-mer (PTOM). La DG DEV assure la
programmation des ressources du Fonds européen de développement
(FED) et des lignes budgétaires »46(*).
Le Fonds Européen de Développement (FED) est la
première entité de la coopération européenne au
développement. Il « est financé par les États
membres et est soumis à ses propres règles financières et
est dirigé par un comité spécifique
».45 La programmation de ce fonds est gérée par
la DG DEV.
BAILLEURS INTERNATIONAUX : AGENCES DE L'ONU
Le Department of Humanitarian Affairs qui devient OCHA
(Office for Coordination of Humanitarian Affairs) a pour mission, entre
autres, de coordonner l'aide humanitaire d'urgence, notamment sur le terrain.
« OCHA a été créé afin de faciliter le
travail des agences opérationnelles chargées d'apporter une aide
humanitaire aux populations et aux communautés nécessiteuses. Le
Coordinateur humanitaire (CH) des Nations unies a pour mission
générale de veiller à la cohérence des actions de
secours sur le terrain. OCHA appuie le CH dans ses tâches
d'évaluation des besoins, de planification opérationnelle et
d'élaboration des programmes humanitaires. OCHA fournit également
des outils de réponse, des services de communication et
d'information »47(*).
En 2006, le budget de OCHA s'élève à plus
de 120 millions de USD : près de 10%, sont issus du budget normal des
Nations Unies, et le reste provient des contributions extrabudgétaires
des Etats Membres et des organismes donateurs.
La coordination est assurée par le IASC (Inter-Agency
Standing Committee) : « OCHA exerce sa fonction de coordination en
premier lieu par l'intermédiaire de l'Inter-Agency Standing Committee,
présidé par l'ERC48(*). Y participe l'ensemble des partenaires humanitaires,
des agences, fonds et programmes des Nations unies à la Croix-Rouge et
aux ONG. »49(*)
L'OCHA, par le biais du Coordinateur humanitaire, peut lancer
des appels aux contributions volontaires des donateurs : les Consolidated
Appeals Process (CAP) pour répondre à des urgences
spécifiques. « Un appel à contribution est lancé
lorsque plusieurs Agences s'unissent pour lever des fonds à destination
d'une même crise. Instantané d'une situation, il permet
d'identifier qui fait quoi et où ». Il ne s'agit pas de
recueillir des financements pour les redistribuer ensuite, mais de mettre en
commun des demandes de fonds : « Le CAP n'est pas un canal de
financement. Toutes les agences émettrices, les Nations unies et les ONG
doivent rendre compte directement à leurs donateurs ».
« Un Flash Appeal (Appel à contribution
Immédiat) est un outil permettant de structurer une réponse
humanitaire coordonnée dans les trois à six premiers mois d'une
situation d'urgence. Le Coordinateur humanitaire des Nations unies le
déclenche après concertation avec l'ensemble des parties
prenantes. Le Flash Appeal est publié dans la semaine suivant le
début d'une situation d'urgence. Il fournit une revue synthétique
des besoins urgents vitaux et peut inclure des projets de réhabilitation
susceptibles d'être mis en oeuvre pendant la période couverte par
l'Appel.»50(*)
Le CERF (Central Emergency Response Fund) est une
réserve d'urgence mise en place dans le but de soutenir des
réponses rapides aux crises humanitaires. Le CERF est géré
par l'ERC pour « encourager une action et une réponse
précoces pour réduire les pertes humaines ;
accélérer la réponse aux situations urgentes ; renforcer
les points essentiels de la réponse humanitaire dans des situations de
crise sous-financées ». Ce financement provient de
contributions volontaires. « Le CERF est destiné à
compléter - et non à remplacer - les mécanismes de
financement humanitaire tels que les Consolidated Appeals des Nations
unies ». « En juin 2006, la possibilité pour les ONG
d'accéder aux fonds CERF n'était pas clairement
établie. »51(*)
Le Programme Alimentaire Mondial (PAM) ou World Food
Program (WFP) est un programme qui « dépend
intégralement de contributions volontaires pour financer ses projets
humanitaires et de développement ». Le PAM fait partie des CAP
et peut recevoir des fonds du CERF.
Le Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR)
est un organe subsidiaire de l'Assemblée générale des
Nations unies. Son budget est financé par les contributions volontaires
des Etats, et il participe aux Consolidated Appeals Process d'OCHA.
Le United Nations International Children's Emergency Fund
(UNICEF) est également un organe subsidiaire de l'Assemblée
générale des Nations unies. Ces ressources proviennent, en 2006,
des gouvernements contributeurs volontaires (50 %), du secteur privé (38
%), d'ONG (4 %), de l'ONU (3 %), d'autres organisations internationales (3 %),
et autres (2 %).
L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) est
une institution spécialisée des Nations unies, qui a deux sources
de financement : d'une part son budget ordinaire (30 % environ) et d'autre part
les contributions volontaires.
Le Programme des Nations Unies pour le Développement
(PNUD) gère le programme des volontaires des Nations unies, l'UNIFEM
(United Nations Development Fund for Women) et l'UNCDF (United Nations Capital
Development Fund). En plus de ces fonds, ses ressources proviennent de :
contributions régulières des Etats donateurs, contributions
volontaires et ponctuelles de ces mêmes donateurs, et ressources locales
des gouvernements des pays où il agit et qu'il est en charge
d'administrer.
Figure 9 : Budget des cinq
premières organisations multilatérales humanitaires entre 2006 et
2009 (en milliards de USD)52(*)
BAILLEURS ÉTATIQUES : LES ETATS-UNIS
Aux Etats-Unis, « la coordination de l'aide a
longtemps été jugée comme un point faible, l'OCDE
relevant, dans sa dernière évaluation de 2006, la dispersion de
l'aide entre cinq administrations principales : Agence pour le
développement international (USAID), Département
(ministère) de la défense, Département (ministère)
de l'agriculture, Département d'Etat (ministère chargé des
affaires étrangères) et Département du Trésor
(ministère des finances). »53(*)
Afin de contrecarrer cette dispersion, le Président des
Etats-Unis a signé en septembre 2010 une directive relative à la
« Global Development Policy », renouvelable tous les quatre
ans, qui définit trois axes principaux d'action. De surcroît, le
secrétaire d'Etat a créé un exercice de revue quadriennale
de la diplomatie et de l'aide au développement (Quadriennal
Diplomacy and Development Review) dans le but d'ajuster les
capacités administratives.
L'Agence pour le développement international (USAID)
reste cependant l'opérateur principal de l'aide civile américaine
: « l'Agence américaine pour le Développement
International (USAID) est une agence indépendante qui apporte une aide
économique, une aide au développement et une aide humanitaire
dans le monde entier pour soutenir les objectifs de politique
étrangère des Etats-Unis. »54(*)
Les intérêts politiques de USAID dans l'action
humanitaire sont affichés. En effet, le rapport « Aide
Internationale au nom de l'Intérêt National (Foreign Aid in the
National Interest) - Promouvoir la liberté, la sécurité et
de nouvelles opportunités » (USAID 2003) déclare que
« l'anticipation des menaces et des catastrophes n'est pas la seule
raison pour laquelle la promotion du développement va dans
l'intérêt américain. Un développement réussi
à l'étranger génère des bénéfices
étendus. Il ouvre de nouveaux marchés plus dynamiques aux
produits et services américains. Il crée des environnements
[...] plus prometteurs pour les investissements américains
[...] et produit des alliés».55(*)
L'Agence USAID joue un rôle complexe mêlant
conception et réalisation En effet, bien que demeurant une agence
d'exécution, elle s'est vu confier « un leadership dans la
formulation de stratégies de pays et sectorielles de
développement ».
« L'Alliance pour le Développement Mondial
(Global Development Alliance - GDA) établit le lien entre l'aide
étrangère apportée par les Etats-Unis et les ressources,
l'expertise et la créativité des entreprises et des organisations
non-gouvernementales (ONG) dont la contribution financière, humaine et
matérielle au développement mondial est de plus en plus forte
[...] USAID accueille les entreprises et les ONG sur un pied
d'égalité au sein du projet de développement
»56(*).
Au sein du bureau 'Democracy, Conflicts and Humanitarian
Assistance', « le Bureau pour les secours d'urgence en cas de
catastrophe à l'étranger (Office of U.S. Foreign Disaster
Assistance - OFDA) est l'office USAID chargé d'organiser et de
coordonner l'aide d'urgence du gouvernement américain à
l'étranger [...] En plus de l'aide d'urgence, l'OFDA finance des
activités destinées à réduire l'impact des
catastrophes naturelles récurrentes et dispense également la
formation permettant de développer la capacité d'un pays à
gérer et répondre localement à une catastrophe
naturelle ».
La Millenium Challenge Corporation (MCC) est une
société publique, créée en 2004 afin d'oeuvrer
« d'une manière différente pour mettre en oeuvre
l'assistance au développement ». Cette société
cible la croissance économique comme moyen de réduction de la
pauvreté et emprunte ses méthodes au secteur privé.
BAILLEURS ÉTATIQUES : LA FRANCE
« Avec près de 10 milliards d'euros par an
(9,348 ME en 2011), la France est le quatrième contributeur mondial
d'Aide publique au développement (APD). »57(*)
L'Aide Publique au Développement française se
répartit de la manière suivante : 65 % d'aide bilatérale
(mise en oeuvre directement par la France via ses opérateurs et l'action
de ses ambassades), 19 % d'aide européenne, et 16 % d'aide
multilatérale (Banque Mondiale, Banque Africaine de
Développement, UNITAID, etc.).
Contrairement à ses principaux partenaires, la France
n'a pas de responsable administratif et budgétaire unique. L'OCDE
observe en 2008 que « le pilotage stratégique de l'aide
apparaît éclaté entre différents lieux ».
« La conduite de l'aide multilatérale est, par exemple,
éclatée entre le ministère de l'économie qui assure
la représentation de l'Etat auprès des institutions
financières multilatérales (Banque mondiale, banques
régionales de développement) [...] et le ministère
chargé des affaires étrangères qui assume les mêmes
fonctions auprès des institutions relevant du système des Nations
unies - ONU, programme des Nations unies pour le développement (PNUD),
programme alimentaire mondial (PAM), etc. »58(*)
Afin de renforcer la cohérence de la politique d'APD
française, le Comité Interministériel de la
Coopération Internationale et du Développement (CICID),
créé en 1998, « définit les orientations de la
politique de coopération internationale et de l'aide publique au
développement ». Devant son efficacité relative,
d'autres instances de coordination se forment en soutien, comme le Conseil
d'Orientation Stratégique (COS).
Malgré ses efforts, d'après la Cour des Comptes,
« l'organisation française souffre pourtant encore d'un
pilotage intermittent, d'une organisation administrative centrale
éclatée et d'un réseau de mise en oeuvre
dispersé. »59(*)
La
Figure 10 (Organisation de la politique
française d'aide au développement)montre la complexité de
la politique française d'APD.
Figure 10 : Organisation
de la politique française d'aide au développement
Le principal opérateur de l'aide bilatérale
dispensée par l'APD est l'Agence Française de
Développement (AFD). « Elle représentait ainsi en 2011
plus de 30 % de l'aide déclarée, soit une part quadruplée
depuis 2005, et elle gère aujourd'hui 66 % de l'aide bilatérale
programmable contre seulement la moitié il y a quelques
années. »60(*)
La complexité de l'APD française se retrouve
dans les ressources publiques de l'AFD :« Les ressources publiques de
l'AFD émanent de ses ministères de tutelle : du ministère
des Affaires étrangères pour financer des projets sous forme de
subventions ainsi que des projets de co-développement sous forme de dons
; du ministère de l'Economie et des Finances pour couvrir la charge des
bonifications des prêts que l'AFD met à disposition de ses
bénéficiaires à l'étranger et en Outre-mer, du
ministère de l'Intérieur pour alléger le coût des
prêts accordés en Outre-mer. »61(*)
La Cour des Comptes déplore dans un rapportle fait que
« l'Agence française de développement conserve une
identité ambiguë »62(*). En effet, l'AFD est à la fois un
établissement public de l'État à caractère
industriel et commercial (EPIC), doté de la personnalité morale
et de l'autonomie financière, et une institution financière
spécialisée (IFS), à savoir un établissement de
crédit remplissant une mission permanente d'intérêt
public.
L'AFD agit au moyen de subventions, de prêts, de fonds
de garantie ou de contrats de désendettement et de développement,
afin de financer des projets, des programmes et des études.
PROPARCO (Promotion et Participation pour la
Coopération économique), créée en 1977, est la
filiale majeure de l'Agence Française de Développement (AFD)
dédiée au financement du secteur privé. A l'origine,
PROPARCO est une institution de capital-risque avec l'AFD pour unique
actionnaire. Puis elle devient société financière en 1990,
et voit son capital réparti entre l'AFD (à hauteur de 57% en
2011) et 39 autres actionnaires, institutions financières
françaises ou internationales et groupes industriels français.
Figure 11 : Evolution des
autorisations de financement du groupe AFD (en millions d'euros)63(*)
Le Centre de Crise, créé en 2008, est le
principal soutien du MAE pour les affaires d'urgence humanitaire, à
travers son Fonds d'Urgence Humanitaire (FUH).
3.1.3 RÉPARTITION, RELATIONS, ET FINANCEMENTSDE L'AIDE
HUMANITAIRE
L'aide humanitaire prend de nombreuses formes pour les «
bénéficiaires » : dons de consommables, de
matériels, interventions de techniciens de tous domaines, transferts de
compétences, mais aussi aides budgétaires, subventions,
prêts concessionnels, etc. Elle se répartit dans l'espace (par
région mondiale), dans le temps (prévention, urgence,
développement) et par secteur (eau/assainissement, santé,
alimentation, logement, éducation, etc.). Cette machinerie d'une grande
complexité fait transiter d'énormes quantités d'argent par
le biais de nombreux acteurs.Cette partie s'efforce de dresser une description
simplifiée des relations qui existent entre ces acteurs
(représentés en
Figure 12 : Aperçu des différentes
origines et échelles de l'aide humanitaire64(*)).
Figure 12 : Aperçu des différentes
origines et échelles de l'aide humanitaire
L'AIDE BILATÉRALE / L'AIDE
MULTILATÉRALE
« On distingue l'aide bilatérale de l'aide
multilatérale : classiquement, l'aide bilatérale est
affectée directement de l'organisme donateur à un Etat
bénéficiaire, et l'aide multilatérale transite par des
institutions intergouvernementales. Cependant, les définitions
diffèrent selon les bailleurs, notamment dans la classification
bilatérale ou multilatérale des subventions destinées aux
ONG. »65(*)
La
Figure 13représente lesrelations entre
acteurs bilatéraux français et partenaires bi et
multilatéraux.
Figure 13 : Relations
entre acteurs bi et multilatéraux
Vecteurs d'influence
Espace de concertation
Circulation de l'information
Implication dans la gouvernance
Détachements d'experts
Accords de partenariats
Fonds fiduciaires
Cofinancements
Financements délégués
MAEE et MINEFI
DGM
Ambassade
AFD
Agence
Institutions Financières Internationales
Banques régionales
Nations Unies
Fonds verticaux
Communauté Européenne
Représentations
Acteurs bilatéraux
Partenaires bi et multilatéraux
Relations opérationnelles de terrain
L'aide multilatérale prend une part de plus importante
dans l'APD totale. En France, elle passe de moins de 10% de l'APD
française totale à plus de 40% entre 1960 et 200866(*). « Pourtant, sur le
terrain, nos ambassades confirment la difficulté persistante d'une
articulation entre les deux formes d'aide : les choix en matière d'aide
bilatérale sont opérés localement sous l'autorité
de l'ambassadeur, alors que ceux en matière d'aide multilatérale
sont effectués par les administrations centrales,
généralement sans consultation préalable des postes.
»67(*)
« Si la plupart des ambassades constatent une bonne
synergie des projets conduits entre la France et l'Union Européenne,
à l'inverse, la concertation est limitée, parfois à
l'extrême, avec les organisations relevant du système des Nations
unies ou de la Banque mondiale. »68(*)
D'OÙ LES FINANCEMENTS PROVIENNENT-ILS ET
COMMENT SONT-ILS UTILISÉS ?
Les financements de l'aide humanitaire sous toutes ses formes
(dons, prêts, interventions, etc.) proviennent des gouvernements, des
entreprises et des particuliers, à travers les bailleurs de fonds
étatiques et internationaux, les organisations internationales, les
organisations non gouvernementales, etc.
Figure 14 : Origine des
financements de l'aide humanitaire en 201069(*)
En 2010, l'aide humanitaire mondiale excède les 16,7
milliards de USD d'aide internationale estimés par le GHA Report 2011.
En effet, il faut ajouter à cette estimation les efforts des pays
concernés (individus, organisations et gouvernement). Par exemple, sur
les cinq dernières années, le gouvernement indien a
dépensé plus de 6,2 milliards de USD pour des urgences survenues
dans son propre pays. Il faut également ajouter l'assistance humanitaire
délivrée par les instances militaires. Le GHA Report 2011 annonce
la contribution record des gouvernements à l'aide internationale de 2010
à hauteur de 12,4 milliards de USD.
Figure 15 : Evolution du
partage public/privé de l'aide humanitaire internationale entre 2006 et
201070(*)
En 2009, sur un total de 11,7 milliards de USD, les trois plus
importants contributeurs sont les Etats-Unis (avec 4,4 milliards de USD), les
institutions européennes (avec 1,6 milliards de USD), et le Royaume-Uni
(avec environ un milliard de USD).
Cette année-là, 61,7 % des fonds gouvernementaux
transitent par le biais des agences multilatérales ou des fonds
internationaux, 17,3 % au travers d'ONG, et moins de 10% par le secteur
public.
Les contributions volontaires privées sont
évaluées à environ 4 milliards de USD par an sur les trois
dernières années.
Les contributions des pays non-membres du Comité d'aide
au développement (CAD) de l'Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE) au fonds humanitaires communs
ont augmenté de 4 millions de USD en 2009 à 98 millions de USD en
2010. Cette explosion résulte de la participation au fonds d'urgence
(ERF) consacrés à Haïti et au Pakistan.
Les dons privés sont également très
variables en fonction des crises et de leur médiatisation, ce qui
mène parfois à des problèmes de gestion et d'organisation.
Le tsunami de décembre 2004 a remis en question le système
humanitaire et a engendré de nombreuses restructurations.
Figure 16 : Financement
humanitaire de sources privées entre 2000 et 201071(*)
D'après le GHA Report 2011, en 2010, Médecins
Sans Frontières (MSF) reçoit 1,1 milliards de USD en
contributions privés (ce qui dépasse la contribution totale du
Royaume-Uni cette année-là).
Le Soudan est le principal bénéficiaire de
l'aide internationale pour la cinquième année consécutive,
avec 1,4 milliards de USD.
Le volume total des financements transitant par les fonds
humanitaires communs, y compris le Common Humanitarian Funds (CHFs), le
Emergency Response Funds (ERFs) et le Central Emergency Response Fund (CERF),
est passé de 583 millions de USD en 2006 à 853 millions de USD en
2010.
72(*)
Figure 17 : Volumes des dons
des vingt plus importants contributeurs et volumes reçus par les vingt
plus importants bénéficiaires entre 2000 et 2009
Globalement, environ la moitié des dépenses
d'aide humanitaire des membres du CAD de l'OCDE au cours des cinq
dernières années a été consacré à
l'aide matérielle et aux services (tels que l'eau et l'assainissement,
les abris d'urgence, et l'assistance médicale). L'aide alimentaire
d'urgence peut augmenter certaines années en réponse à des
crises comme en 2008, et peut représenter une proportion
particulièrement élevée de l'aide humanitaire pour
certains pays. L'Éthiopie, par exemple, a reçu 80,5% de son aide
humanitaire dans le secteur alimentaire au cours des cinq dernières
années.
Figure 18 : Répartition de l'aide humanitaire
par secteur73(*)
On remarque que, malgré une légère
croissance, la prévention et la préparation aux situations
d'urgence humanitaire reste le secteur le moins financé (moins que la
coordination et le soutien des secours). Le total des dépenses de la
Réduction des Risques de Catastrophe RRC atteint seulement 835 millions
de USD en 2009, soit à peine 0,5 % de l'APD totale (et moins de 5 % de
l'aide humanitaire).
Un don peut être distribué de différentes
façons, et transiter par plusieurs organismes avant son utilisation. Les
bailleurs de fonds peuvent :
financer directement les acteurs qui vont offrir des
programmes d'aide humanitaire, comme les ONG et le Mouvement International de
la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, par des accords de financement
bilatéraux ;
répondre aux appels de fonds lancés par les
organisations qui fournissent une aide aux bénéficiaires, ou les
groupes de coordination et les structures représentant les organismes
d'exécution tels que le UK Disasters Emergency Committee ou les appels
humanitaires de l'ONU ;
choisir de financer directement les organisations
multilatérales, y compris les agences des Nations Unies, qui
redistribueront probablement une partie des fonds à des ONG
internationales et nationales capables de fournir des biens et services
humanitaires directement aux communautés touchées ;
fournir des fonds non affectés (sans programme)
directement à des organisations multilatérales, qui pourront en
user à leur convenance, y compris sur les programmes humanitaires
contribuer à des fonds humanitaires communs, qui sont
gérés par des organismes multilatéraux, et
répartissent ces fonds à d'autres organismes
multilatéraux, à des ONG locales ou internationales pour financer
leurs activités.
Figure 19 :
Bénéficiaires de premier niveau de l'aide humanitaire
internationale entre 2005 et 200974(*)
Les choix que font les donateurs sur la façon
d'acheminer leurs fonds reflètent non seulement des
considérations politiques et administratives à l'échelle
mondiale, mais aussi les relations entre les donateurs et les
différents canaux de distribution dans chaque crise. Choisir d'octroyer
des fonds par le biais des agences multilatérales et des ONG
plutôt que par le secteur public, par exemple, peut indiquer que les
bailleurs de fonds ont une plus grande confiance dans la capacité et /
ou la neutralité de ces acteurs que dans celles du gouvernement
concerné par la crise.
Les organisations multilatérales reçoivent la
plus grande part du financement international de la réponse humanitaire.
Entre 2008 et 2009, leur part est passée de 57,1% à 61,7 %. Les
contributions des donateurs aux fonds communs humanitaires
représentaient 9,6% de la totalité des fonds humanitaires
internationaux acheminés via les organismes multilatéraux en
2009.
L'importance d'un certain nombre d'organismes
multilatéraux comme principaux canaux de distribution de l'aide
humanitaire peut être expliquée en partie par le volume des fonds
humanitaires qu'ils acheminent :
le Programme de Développement des Nations Unies (PNUD)
administre le fonds humanitaire de développement (Common Humanitarian
Funds : CHF),
le Bureau des Nations Unies pour la coordination des Affaires
Humanitaires (OCHA) gère les fonds d'intervention d'urgence (Emergency
Response Funds : ERF) et le fonds central d'intervention d'urgence (Central
Emergency Response Fund : CERF),
et la Banque mondiale gère un certain nombre de fonds
de reconstruction d'affectation spéciale multi-donateurs (Multi-Donor
Trust Funds : MDTF).
En 2006, par exemple, sur les 198 millions de USD de fonds
humanitaires transitant par la Banque mondiale, 84 millions de USDont
été acheminés vers l'Indonésie via le MDTF et 21
millions de USDont été attribuésau Sud-Soudan par le
même biais, pour des projets d'aide à la reconstruction.
Les agences des Nations Unies reçoivent tous les fonds
qui transitent par le CERF (même si elles peuvent en sous-traiter une
partie à des ONG), mais ne reçoivent qu'une proportion - 54,8 %
(141 millions de USD) en 2009 et 54,1% (188 millions de USD) en 2010 - de ceux
qui transitent par les CHF et ERF.
Les ONG sont le deuxième plus important
bénéficiaire de premier niveau avec 17,3% (2,1 milliards de USD)
de la réponse humanitaire internationale en 2009. Ceci correspond
à une augmentation de leur part qui s'élevait à 15,2 %
(1,9 milliards de USD) en 2008. Le financement humanitaire fourni par les
gouvernements aux ONG montre une forte préférence pour les ONG
internationales (ONGI).
La part reçue par les ONG locales est restée
stable autour de 5% du volume total acheminé par l'intermédiaire
des fonds communs humanitaires en 2009 et 2010.
Les ONG ne peuvent pas se voir octroyer de fonds directement
par le CERF, et perçoivent moins de la moitié du financement
total distribué par le CHF et le ERF.
Figure 20 : Distribution du
ERF et du CHF en 2009 et 201075(*)
Le troisième plus grand bénéficiaire de
premier niveau en 2009 est le Mouvement International de la Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge, avec 1,1 milliards de USD, soit 8,7% du total. Ce Mouvement
reçoit des fonds provenant de gouvernements et de sources
privées, mais ne reçoit généralement pas les fonds
acheminés par l'intermédiaire des organismes multilatéraux
ou des fonds humanitaires communs.
Selon le GHA Report 2011, l'aide humanitaire d'urgence ne
représente que 8,7 % de l'APD totale, consacrée principalement au
long terme. En effet, la dépense de l'APD sur la gouvernance et la
sécurité est en augmentation, atteignant 16,6 milliards de USD en
2009.
À ce jour, peu de pays montrent une transition claire
entre un contexte de post-conflit et de maintien de la paix, et une paix
établie et une reconstruction réelle : seulement deux des 20
premiers bénéficiaires de l'aide humanitaire internationale sont
clairement sortis de la phase d'urgence dans les cinq dernières
années.
En 2009, plus de 65 % de l'aide humanitaire a
été affectée à des États en situation de
conflit ou post-conflit.
L'aide humanitaire est devenue plus coûteuse : les
coûts des principaux composants de l'aide alimentaire humanitaire sont
à la hausse ainsi que ceux de livraison (entre 2007 et 2011, le
coût des aliments a augmenté de plus de 40%, et le prix du
pétrole de 36 %). Les coûts de coordination et de soutien aux
équipes d'intervention ont également augmenté (cf.
Figure 18 : Répartition de l'aide humanitaire
par secteur).
La professionnalisation du secteur humanitaire, les efforts de
coordination croissants que cette aide requiert, et la multiplication des
intermédiaires engendrent également une augmentation des
coûts. Même à l'échelle des ONG
(généralement dernier maillon, en contact avec les populations
sinistrées), on constate d'importants, bien que légitimes, frais
de fonctionnement et de collecte : en 2012, par exemple, MSF attribue 5,5 % de
son budget au frais de fonctionnement et 5,7 % au frais de collecte.
Figure 21 :
Répartition des dépenses combinées de MSF en 201276(*)
Il semble important de signaler que toutes les statistiques
présentées sont des estimations, et que leur
interprétation est particulièrement complexe, voire dans certains
cas impossible. En effet, sur l'ensemble de l'aide apportée, il est
difficile de distinguer les frais de fonctionnement, de collecte, de
coordination, de livraison (dans le cas d'aide matérielle), etc. De
plus, l'impact sur l'économie d'un pays de services apportés
(médicaux, par exemple) est très différent de celui
généré par le financement d'une entreprise locale pour un
projet de développement. Il est également impossible de mesurer
l'effet d'un transfert de compétences, d'expertise. Enfin, l'aide au
développement sous formes de prêts à taux concessionnels
est difficilement quantifiable et n'apparait pas dans les statistiques du GHA
Report.
LES RELATIONS ENTRE GOUVERNEMENTS, OI, ONG
INTERNATIONALES ET LOCALES
Les relations entre les différents acteurs de l'aide
humanitaire sont très complexes :
« L'aide humanitaire est constituée d'un
ensemble composite d'organismes nationaux ou internationaux (ONG locales,
internationales, institutions des Nations Unies, Croix-Rouge, Croissant-Rouge,
donneurs bilatéraux). Elle peut s'accompagner d'activités
diplomatiques destinées à résoudre le conflit,
menées par des États voisins, des états puissants ou
d'autres médiateurs [...]. Si une opération de maintien
de la paix a été organisée, il faudra ajouter à
cela les forces militaires chargées de la sécurité, du
respect d'un accord de paix ou de la protection des personnels internationaux,
voire des civils. Il va de soi que cette multiplicité des acteurs
internationaux constitue un facteur ultérieur de complexité.
»77(*)
Cependant, les plus lisibles sont les relations de
financement, synthétisées et simplifiées en
Figure 22 : Synthèse des relations de
financements des acteurs de l'aide humanitaire, et les efforts de
coordination sous forme d'organisations, de synergies, et de programmes
communs.
Gouvernements donneurs
Organismes donneurs (USAID, CE...)
Particuliers
(pays donneurs)
ONG internationales
Institutions des NU (HCR, PAM...)
Mouvement de la Croix Rouge
Forces armées de tierce partie
Particuliers (pays bénéficiaires)
Sociétés nationales de la CR des pays
bénéficiaires
Organismes publics des pays bénéficiaires
ONG locales des pays bénéficiaires
Populations touchées («
bénéficiaires »)
Figure 22 : Synthèse des relations de
financements des acteurs de l'aide humanitaire
« Au niveau institutionnel, un premier type
d'innovation nécessaire a été dicté par la
multiplicité des acteurs [...]. En effet, face à cette
présence protéiforme, la question de la coordination des
organisations est vite apparue comme un enjeu essentiel. Pour l'aspect
humanitaire, preuve en est la constitution dès 1992 d'un bureau de
coordination à l'ONU (qui deviendra par la suite le Bureau de
Coordination des Affaires Humanitaires - BCAH/OCHA). Si les Nations Unies se
sont imposées comme le meilleur lieu de coordination humanitaire,
l'harmonie élargie aux autres types d'activité continue en
revanche à être problématique, malgré des efforts et
des progrès réels depuis les années
90.»78(*)
La coordination peut prendre différentes formes
(programmes, conférences, etc.) plus ou moins autoritaires, à
différentes échelles. Voici un aperçu non exhaustif de
celles-ci.
LA COORDINATION INTERNE AU SECRÉTARIAT DE L'ONU
Les principaux départements impliqués dans les
situations de post-conflit au sein du Secrétariat de l'ONU sont les
suivants :
le Département des Opérations de Maintien de la
Paix (DOMP / DPKO), qui est responsable de la planification, de la gestion, du
déploiement et du soutien des opérations de paix.
le Bureau pour la Coordination des Affaires Humanitaires
(OCHA) qui coordonne l'aide humanitaire en situation de conflit, post-conflit,
ou de désastre naturel et est représenté sur le
terrain.
le Département des Affaires Politiques (DAP / DPA) qui
fournit une direction politique globale au
Secrétaire-Général et des directives aux composantes du
Système ONU sur les situations de post-conflit.
LA COORDINATION DU SYSTÈME DES NATIONS UNIES
On peut considérer comme outil de coordination
l'ensemble des fonds, programmes, agences, institutions des Nations Unies
(PNUD, HCR, UNICEF, OMS, PAM, UNIFEM, UNESCO, etc.). Le PNUD est l'acteur
principal des Nations Unies pour les questions d'aide au développement.
Sur le terrain, son représentant est aussi le Résident
Coordinateur du système ONU, responsable des efforts d'harmonisation.
MÉCANISMES DE COORDINATION AU SIÈGE
Depuis 1997, il existe trois comités exécutifs
thématiques qui réunissent les différents
départements et agences concernés, afin de promouvoir une
cohérence globale :
Le ECPS (Executive Commitee on Peace and Security) qui traite
des questions transversales de paix et de sécurité, sous la
responsabilité du DPA.
Le UNDG (United Nations Development Group), tenu par le PNUD,
qui cible les questions de développement.
Le ECHA (Executive Committe on Humanitarian Affairs),
piloté par l'OCHA qui se concentre sur les questions humanitaires. Le
Inter-Agency Standing Committee (IASC), qui y est rattaché, rassemble
également des acteurs non-onusiens (Banque Mondiale, Organisation
Internationale de la Migration, Croix Rouge, et certaines ONG).
INSTRUMENTS DE PROGRAMMATION STRATÉGIQUE
Parmi les deux instruments de programmation stratégique
de l'ONU, l'un traite de l'humanitaire et l'autre de l'aide au
développement :
« OCHA est responsable de la planification et de la
mise en oeuvre des Consolidated Appeals, instruments de programmation pour
l'ensemble des acteurs internationaux en situation d'urgence humanitaire. En
situation post-conflictuelle, les Consolidated Appeals peuvent inclure des
composantes de consolidation de la paix.
Pour le volet d'aide au développement,
l'instrument de programmation onusien est le CCA / UNDAF (Common Country
Assessment ou Evaluation commune de pays, et United Nations Development
Assistance Framework ou Cadre d'assistance au développement des Nations
Unies). Le UNDAF est censé présenter les réponses aux
besoins évalués dans le CCA. Ce processus est coordonné au
siège par UNDG et sur le terrain par le Résident Coordinateur, en
incluant dans la mise en oeuvre les acteurs onusiens et dans la mesure du
possible non-onusiens. »79(*)
La séparation de la coordination en deux phases a
engendré des difficultés de transition, qui seront
traitées dans la suite du document.
LA COORDINATION SUR LE TERRAIN
Dans le cas du déploiement d'une opération de
paix, le Représentant du Secrétaire Général (SRSG)
tient le rôle de coordinateursur le terrain aussi bien à
l'intérieur du système ONU qu'avec l'ensemble des acteurs
engagés. Habituellement, il s'agit du Représentant
Résident du PNUD afin de contribuer à une meilleure coordination
entre l'opération de paix et l'équipe de pays, et à une
meilleure continuité au moment du retrait de l'opération de paix.
« Le concept de mission intégrée s'est par ailleurs
développé comme solution au problème de la coordination
sur le terrain. »79
LES INSTITUTIONS FINANCIÈRES INTERNATIONALES ET PAYS
DONATEURS
La coordination entre l'ONU et la Banque Mondiale,
jugée problématique, repose à présent sur un guide
conjoint ONU-Banque Mondiale sur l'évaluation des besoins en situation
de post-conflit.
LES CONFÉRENCES DE DONATEURS
« Les conférences de donateurs sont une autre
forme de coordination. Elles ont lieu en général après la
signature d'un accord de paix, sous l'autorité d'une organisation
internationale, puis de manière régulière (ainsi dans le
cas de l'Afghanistan, le Pacte signé à Londres en 2006, qui a
suivi la conférence de Bonn de 2001). Cependant, dans la pratique, les
promesses faites lors de ces conférences ne sont pas toujours
respectées. »79
OCDE / CAD
Le Comité d'Aide au Développement de l'OCDE
regroupe les états donateurs. Il formule des lignes directrices, sous
forme de recommandations, en faveur d'une harmonisation des pratiques des
bailleurs de fonds, y compris dans les situations de post-conflit.
LA COMMISSION DE CONSOLIDATION DE LA PAIX
« Créée en 2006, la Commission de
consolidation de la paix est censée assurer ce rôle de
coordination et de suivi, avec une démarche au cas par cas. Pour
l'instant, la Commission traite le Burundi et la Sierra Leone. Sur le papier,
son succès constituerait sans doute une excellente solution au
problème de la coordination, mais il sera soumis au bon vouloir des
acteurs à être effectivement coordonnés par une seule
autorité. »80(*)
EUROPE : LA DIRECTION GÉNÉRALE POUR LE
DÉVELOPPEMENT (DG DEV)
Son rôle « consiste à initier et
à formuler la politique de développement communautaire telle que
définie dans le Titre XX du Traité instituant la
Communauté européenne, et de coordonner les relations
communautaires avec les pays de l'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique
(pays ACP) et les Pays et territoires d'Outre-mer (PTOM). La DG DEV assure la
programmation des ressources du Fonds européen de développement
(FED) et des lignes budgétaires » propres à la
Commission.
EUROPAID : L'OFFICE DE COOPÉRATION DE L'UE
EuropAid est le département opérationnel de la
Commission pour la coopération au développement. « La
Commission a créé EuropeAid Office de coopération, le 1er
janvier 2001, dans le cadre de ses efforts visant à la réforme de
la gestion de l'aide extérieure. EuropeAid Office de coopération
a pour mission de mettre en oeuvre les instruments d'aide extérieure de
la Commission européenne qui sont financés par le budget de la
Communauté européenne et par le Fonds européen de
développement ».
Depuis 2000, « les ONG doivent introduire leurs
propositions de projets pour cofinancement dans le cadre d'appels à
propositions organisés par la Commission [...]. Ce
système, à travers la définition de priorités
politiques, permet aussi à la Commission de mieux cibler les projets
à financer, en tenant compte notamment des priorités et secteurs
de concentration définis par l'Union Européenne, tout en
respectant le principe du droit d'initiative des ONG [...] ».
« En règle générale, 90% des
fonds de ce poste budgétaire sont alloués au cofinancement des
actions diverses entreprises par des ONG et leurs partenaires dans les pays en
développement et 10% sont attribués au cofinancement des actions
d'éducation et de sensibilisation de l'opinion publique
européenne sur les questions de développement
».81(*)
ECHO ET LE CONTRAT CADRE DE PARTENARIAT (CCP)
La Direction Générale pour l'aide Humanitaire :
European Commission Humanitarian Office (ECHO) n'a pas de structure
véritablement opérationnelle. Toutes ses actions sont mises en
oeuvre via des partenaires : des ONG, le CICR ou la FICR, et des agences
spécialisées des Nations unies. Le budget 2005 a
été réparti selon 91 décisions de subventions.
Le Contrat Cadre de Partenariat (CCP) « est
l'instrument qui établit les principes du partenariat entre ECHO et les
organisations humanitaires, définit les rôles, les droits et les
obligations respectifs des partenaires et contient les dispositions juridiques
applicables aux opérations humanitaires financées par ECHO
».82(*)
SYNERGIES D'ONG : INTERNATIONAL COUNCIL OF VOLUNTARY AGENCIES
(ICVA)
L'ICVA est créé en 1962. Il s'agit d' «
une association constituée en vertu du droit suisse, ayant son
siège à Genève, [qui] regroupe des organisations
bénévoles non gouvernementales [...]. L'ICVA n'a aucune
position partisane à défendre et son action est menée sans
considération de race, de nationalité, de sexe, de convictions
politiques ou religieuses ».
68 organisations membres en 2006. Parmi elles, CARE, OXFAM,
MDM, WVI, SCF, IRC, InterAction, Caritas...
Ses objectifs sont :
- Le « Partage des informations (information-sharing)
» : avec l'utilisation de communication par Internet (site web de l'ICVA,
diffusion des rapports de rencontres/débats Inter-ONG).
- Plaidoyer (Advocacy) : à l'aide de la lettre
d'information « Talk Back » et à travers la
représentation de l'ICVA au sein de l'IASC (organisme de coordination
humanitaire des Nations unies).
- Renforcer la communauté des ONG : à
travers des projets inter-agences tels que « Sphère », l'ICVA
entend « permettre aux membres d'augmenter leur qualité et
d'élargir leur responsabilité ».
- Faciliter les relations avec les Nations unies et
accroître la visibilité des ONG ».83(*)
SYNERGIES D'ONG : INTERACTION (AMERICAN COUNCIL FOR VOLUNTARY
INTERNATIONAL ACTION)
InterAction se définit comme « la plus grande
alliance d'ONG humanitaires basées aux Etats-Unis (...), qui ont pour
objectifs : de porter secours à ceux qui sont touchés par les
catastrophes et les guerres, d'entretenir un développement
économique et social, d'aider les réfugiés et les
déplacés, de promouvoir les droits de l'homme, de soutenir
l'égalité des genres, de protéger l'environnement et de
faire pression pour des politiques publiques justes et équitables
».InterAction existe depuis 1984, et compte 165 organisations membres en
2006, parmi lesquels : ACF-USA, MDM, CARE, SCF, IRC, CRS, OXFAM.
Sa mission est « d'accroître les aptitudes
professionnelles de ses membres engagés dans l'effort humanitaire et de
développer des relations de partenariat, de collaboration entre ces
différents membres ».84(*)
CONCORD (CONFÉDÉRATION EUROPÉENNE DES ONG
D'URGENCE ET DE DÉVELOPPEMENT)
Créée en 2003, CONCORD est une «
confédération coordonnant les actions politiques et stimulant
l'échange d'informations des ONG européennes de
développement et d'urgence » qui « remplace le
Comité de Liaison des ONG de Développement de l'UE (CLONGD-UE),
créé en 1976 pour défendre les intérêts des
ONG au niveau européen ».La confédération
réunit, en 2006, 18 réseaux d'ONG et 19 fédérations
nationales représentant 1200 ONG européennes, parmi lesquelles on
trouve WVI, SCF, VOICE, Caritas, Terre des Hommes...
Les Groupes de Travail, qui « constituent la
dynamique principale de CONCORD », sont « chargés de
l'analyse et du suivi des politiques européennes ».85(*)
LE PROJET SPHERE
Le projet SPHERE débute en 1997 à l'initiative
du SCHR et d'InterAction. En 2004, le projet regroupait les ONG
supplémentaires suivantes : SCF, CARE, Fédération
Luthérienne Mondiale (FLM), VOICE, Mercy Corp, Action by Churches
Together (ACT), OXFAM-GB, CICR, Fédération internationale de
Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, ICVA et Caritas
Internationalis.
Les objectifs principaux de ce projet sont : «
améliorer la qualité de l'assistance humanitaire et
responsabiliser les agences vis à vis de leurs
bénéficiaires, leurs membres et leurs donateurs ». Les
ONG membres s'engagent à agir « conformément aux
principes énoncés dans le Code de conduite pour le Mouvement
international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et pour les organisations
non gouvernementales lors des opérations de secours en cas de
catastrophe ».86(*)
Les activités principales sont la création, la
diffusion et l'application du Manuel SPHERE, qui regroupe :
« La Charte Humanitaire [qui] affirme
l'importance fondamentale des principes suivants : le droit de vivre dans la
dignité/la distinction entre combattants et non-combattants/le principe
de non refoulement », et « Les normes minimales à
respecter dans les secteurs de l'approvisionnement en eau et de
l'hygiène, de la nutrition, de l'aide alimentaire, de
l'aménagement des abris et des sites, des services médicaux
».
LA DIRECTION DES NATIONS UNIES, DES ORGANISATIONS
INTERNATIONALES, DES DROITS DE L'HOMME ET DE LA FRANCOPHONIE
« La Direction des Nations unies, des organisations
internationales, des droits de l'homme et de la francophonie (NUOI) est en
charge de la définition, de la mise en oeuvre et du suivi de la
politique de la France dans le domaine des affaires humanitaires menées
par l'Organisation des Nations unies, les institutions et organismes qui lui
sont rattachés, ainsi que par les autres organisations
internationales. »87(*)
4 CONCLUSION
« Aujourd'hui, les urgences humanitaires sont
à la fois multidimensionnelles et complexes et beaucoup d'acteurs tels
que les gouvernements, les Organisations Non Gouvernementales (ONG), les
agences de l'ONU et la société civile recherchent
simultanément à y répondre. »88(*)
Cette cacophonie humanitaire est le résultat :
de l'histoire de l'apparition des différents acteurs
:de nombreux acteurs se sont formés spontanément au gré
des besoins ou de la prise de conscience de ceux-ci,
de la variabilité de leurs enjeux et objectifs :
certains acteurs se sont formés en opposition aux méthodes
existantes,
de la multiplicité des échelles d'existence et
d'intervention de ces acteurs.
Les mécanismes humanitaires, qui semblent
dépendre considérablement des financements, sont peu lisibles.
Au sein même des organismes, associations, bailleurs de
fonds, gouvernements, ou institutions, les mécanismes sont complexes et
variables. Les « revues par les pairs »
régulièrement organisées par l'OCDE affirment par exemple
qu'il n'existe pas de modèle universel d'organisation de l'aide dans un
Etat donateur.
Concernant l'Etat français, la Cour des Comptes
déplore que « le choix d'un partage des responsabilités
entre deux ministères principaux, critiqué par l'OCDE,
s'accompagne de diverses incohérences et conduit à une
présentation de l'effort budgétaire peu lisible ».
« Malgré des améliorations incontestables, ce
modèle continue cependant de souffrir d'une impulsion intermittente,
d'une absence d'identification d'un responsable à compétence
générale, d'une difficulté à raisonner en termes
d'aide pilotable, du poids de cloisonnements administratifs traditionnel et
d'une insuffisante attention portée aux résultats concrets des
projets ».89(*)
La multiplicité des ressources d'une association
donnée, peu favorable à la compréhension et à la
transparence, lui permet pourtant d'agir dans une plus grande
indépendance, et donc parfois de manière plus juste.
Le manque de coordination peut mener à des pertes
inutiles (matérielles, énergie, etc.) ou pire à des
dégradations de situations.
Les efforts de coordination, bien qu'existants,
reflètent la complexité du système : il semble exister
autant d'instruments de coordination que d'acteurs, et ils se déploient
sous toutes les formes, tous les statuts, sans ordre hiérarchique
réellement compréhensible.
Pourtant, la simplification et la hiérarchisation de
l'ensemble ne semble pas être une solution réalisable, ni
nécessairement avantageuse. En effet, la réduction du nombre
d'entités différentes implique une diminution de la
diversité d'acteurs indépendants. De plus, une telle
réorganisation globale devrait être menée par une
autorité supérieure légitime, aujourd'hui inexistante et
que l'on imagine mal s'autoproclamer.
La partie suivante tâche de présenter les
principaux éléments de contextes et enjeux qui peuvent avoir une
grande influence sur l'échiquier humanitaire.
4.1 LES FACTEURS INFLUENTS : CONTEXTES ET ENJEUX MULTIPLES
L'efficience de l'action humanitaire dépend de la
manière et des conditions dans lesquelles elle est apportée,
ainsi que de la façon dont elle est reçue. Les parties suivantes
traitent, pour les pays "bénéficiaires" comme pour les pays
"donneurs", de l'influence et de la variabilité des contextes et enjeux
principaux de l'aide internationale en général, et de la
reconstruction post-catastrophe en particulier.
4.1.1 DES CONTEXTES D'INTERVENTION TRÈS
VARIÉS
Le contexte de l'intervention devrait être finement
analysé avant tout intervention, mais ne l'est
généralement pas, faute de temps et de moyens mis en place.
Pourtant, celui-ci conditionne considérablement les possibilités
d'intervention et leurs conséquences.
La situation d'un pays touché avant la survenue de la
catastrophe est un élément aussi crucial que la catastrophe et
ses conséquences dans la recherche de solutions adaptées. En
effet, un séisme survenu en Haïti ne demandera pas la même
réponse qu'un séisme survenu au Pérou ou au Japon. Tout
d'abord, les techniques de construction et les édifices à
restaurer y sont très différents, en raison de la
diversité des conditions climatiques, de la densité de
population, du contexte sociologique, etc. Mais l'aidediffère
également en fonction de la vulnérabilité (due ou non
à la catastrophe) économique et politique du secteur
affecté : elle peut varier d'un simple apport de fonds à un
ensemble d'interventions techniques et matérielles, jusqu'à un
soutien au niveau politique, voire même militaire.
Malgré une volonté (discutable) de
séparation franche entre l'action d'urgence et celle de
développement, les interventions d'urgence, qui concernent les
conséquences directes de la catastrophe, ont bien souvent un impact
pérenne sur les conditions sociales, économiques et culturelles
des régions en crise. Une compréhension fine du contexte d'action
est indispensable afin d'éviter un bouleversement des marchés
locaux, des habitudes sociales, et des structures hiérarchiques.
Parmi les principaux éléments de contexte, on
trouve : la nature de la catastrophe et l'ampleur de ses conséquences,
le contexte architectural et urbanistique, mais aussi la situation politique
(à l'échelle nationale et à l'international) de la zone,
le contexte économique et sociologique, la situation géographique
et climatique, les ressources...
LA NATURE DE LA CATASTROPHE ET L'AMPLEUR DE SES
CONSÉQUENCES
La nature de la catastrophe est assurément un
élément de contexte crucial pour toute intervention. En effet,
les dégâts causés par un désastre varient suivant sa
nature et demandent une réponse adaptée. L'échelonnage
temporel des actions, à commencer évidemment par le secours des
victimes, dépend également de la nature de la catastrophe.
Par exemple, un séisme nécessitera, avant toute
éventualité de reconstruction, l'évacuation des
décombres, ce qui peut s`avérer considérablement long et
coûteux (d'après la BBC, un an après le séisme en
Haïti, seulement 20% des débris ont été
dégagés).Cette étapene concernera pas une inondation
modérée. Une catastrophe technologique de type nucléaire,
exigera des mesures de décontamination, etc.
Ces différences d'intervention liées à la
nature de la catastrophe et à ses conséquences directes
impliquent le recours à des techniciens spécialisés dans
chaque cas. L'expertise de l'urgence ne suffit pas, il faut développer
une expertise de chaque type d'urgence, au moins sur les premières
phases.
D'après Patrick Coulombel, cofondateur de la fondation
Architectes de l'Urgence, « le déploiement des secours
s'avère conséquent, mais assez souvent
inadapté. »90(*)
Afin de déterminer les réels besoins, et une
hiérarchie d'intervention, un bilan de l'étendue et de la
gravité des dégâts est nécessaire. Cette
évaluation ne doit cependant pas se vouloir trop précise,
risquant ainsi de retarder inutilement le début des
opérations.
LE CONTEXTE ARCHITECTURAL ET
URBANISTIQUE
Toute opération de reconstruction doit bien
évidemment tenir compte du contexte architectural et urbain de la zone
affectée, du déblaiement à la reconstruction effective.
Concernant le séisme de décembre 2003 en Iran,
Patrick Coulombel déplore les conséquences des
« informations imprécises » concernant
« la nature de l'aide demandée ». En effet,
« la terre constitue le matériau utilisé dans la
grande majorité des constructions détruites ou fortement
endommagées » et « les moyens de
déblaiements sont complètement différents de ceux à
déployer quand il s'agit de constructions en
béton ». D'après lui, une évaluation rapide
et efficace des typologies de bâtis aurait pu permettre d'éviter
ce « type d'erreur inacceptable » induisant
« des finances, de l'énergie et des heures de travail
inutilisées... »91(*)
La reconstruction doit respecter le contexte architectural du
secteur touché (typologies de constructions, matériaux, etc.),
ainsi que son contexte urbanistique. Trop nombreux sont les exemples de
bouleversement de l'urbanisme de villes suite à une reconstruction
massive, avec souvent pour conséquence la création de
bidonvilles. A Haïti, l'absence de cadastre a mené à de
nombreux litiges fonciers, affectant la reconstruction.
Une importante destruction devrait pouvoir être saisie
comme une opportunité de « reconstruire meilleur »,
mais la pression de l'urgence ne le permet pas. D'après Marc Jalet,
« plus l'espace est construit dans l'urgence, moins les projets
sont déclencheurs de développement. »92(*)
LA SITUATION GÉOGRAPHIQUE ET CLIMATIQUE,
LES RESSOURCES DE LA RÉGION AFFECTÉE
Le contexte géographique de la région
affectée doit être pris en compte dans la réflexion sur les
typologies de constructions et sur l'urbanisme de la reconstruction. Il s'agit
d'analyser les causes du désastre et de prévenir les risques
futurs par une reconstruction adaptée et justement répartie. Par
exemple, dans le cas d'un séisme, les nouveaux édifices devront
être bâtis dans les règles de l'art, équipés
de dispositifs parasismiques, et éviter les zones fragilisées.
La reconstruction pérenne ainsi que le relogement
provisoire doivent être pensés en fonction des conditions
climatiques. L'urgence ne saurait justifier la construction d'abris
« provisoires » inadaptés aux conditions
climatiques, d'autant plus que la notion de « provisoire »
peut être très variable.
Enfin, il est essentiel d'analyser et de se servir des
ressources locales disponibles. Il faut comprendre le terme
« ressources » au sens large : matériaux
locaux, matériels disponibles, savoir-faire local, techniques locales,
main-d'oeuvre locale, experts et techniciens locaux, entreprises, etc. Il
s'agit de veiller à ne pas se substituer aux instances locales, de
n'apporter que le nécessaire, afin de favoriser l'économie locale
et d'éviter le « néocolonialisme architectural, en
important des concepts occidentaux »93(*).
Après le séisme de juin 2006 à Java,
« la phase d'urgence passée, la priorité revient
à l'étude typologique permettant de concevoir une maison selon
les standards UN, en tenant compte des typologies d'habitat
locaux », afin de reconstruire « des maisons et
pas dans des cabanes en bambous ou des cases faites en tôles,
inhabitables compte tenu de la chaleur. »94(*)
LA SITUATION SOCIOLOGIQUE ET
DÉMOGRAPHIQUE
Les reconstructionsmassives post-catastrophe concernent les
équipements publics, mais aussi les logements d'une grande population.
La réponse à apporter varie en fonction de la densité de
population à reloger. De même, les caractéristiques
sociologiques et la démographie sont d'importantes composantes à
ne pas sous-estimer. En effet, le relogement, même provisoire, doit
éviter de bouleverser des relations sociales déjà
fortement fragilisées.
D'après un récent rapport sur la gestion des
risques d'événements extrêmes et de catastrophes en vue
d'une meilleure adaptation aux changements climatiques [Managing the Risks of
Extreme Events and Disasters to Advance Climate Change Adaptation (SREX)] du
Panel intergouvernemental sur le changement climatique, au-delà des
pertes financières, « les évènements
extrêmes ... peuvent entraîner la perte de ce que les individus,
les communautés et les groupes ont de plus précieux, y compris la
perte d'éléments du capital social, par exemple le sentiment
d'appartenance à un lieu ou une communauté, l'identité ou
la culture ».95(*)
A Java, après le tremblement de terre au pied du
Mérapi en juin 2006, la fondation Architectes de l'urgence
installe des « tentes familiales de dimensions importantes - 25m
- permettant de garder le lien familial. »96(*)
On notera que d'intéressantes tentatives de
reconstruction participative ont déjà été
menées dans différentes situations, qu'elles soient concluantes
ou non. Il semble que la participation active des
« victimes » dans la reconstruction de leurs espaces
(logement et équipements), à toutes les échelles, ne peut
qu'améliorer leur future appropriation de ces espaces.
LA SITUATION POLITIQUE ET
SOCIO-ÉCONOMIQUE
La situation politique du ou des pays affecté(s) par un
désastre majeur est un élément de contexte primordial, qui
conditionne considérablement les possibilités d'intervention. En
effet, il est très délicat d'intervenir dans une zone de grande
instabilité politique, que cette instabilité soit due ou non
à la catastrophe.
On parle de situation d' « urgence
complexe » dans le cas d' « une crise humanitaire
dans un pays, une région ou une société dans laquelle on
constate un effondrement substantiel ou total de l'autorité à la
suite d'un conflit interne ou externe, et qui demande une réaction
internationale dépassant le mandat ou la capacité d'un seul
organisme » (Groupe de travail de l'IASC, 1998).97(*) Dans ce contexte, toute
intervention entraîne des risques de substitution des politiques et de
mise en état de dépendance. On questionne même la part de
responsabilité de l'aide internationale dans l'évolution de
certains conflits. Mary B.Anderson affirme que « Quand
l'assistance internationale est distribuée dans le contexte d'un conflit
violent, elle devient une partie de ce contexte et donc également une
partie de ce conflit. »
Mais même lorsque l'aide internationale n'alimente pas
un conflit, elle reste épineuse : d'après Éric
Goemaere et François Ost, la présence de politiques
« impuissants, vulnérables, dépendants et
corrompus » peut engendrer « l'intervention
d'acteurs multiples sans tiers arbitre, et l'émergence d'actions
inspirées tantôt par la logique économique, tantôt
par un sursaut éthique, mais, encore une fois, sans que se dégage
un projet politique susceptible d'articuler ses différentes dimensions.
Tout se passe alors comme si la fonction politique était remplie
tantôt par les opérateurs économiques (FMI, par exemple),
tantôt par les associations à vocation
morale. »98(*)
Pourtant, l'intrusion de l'aide internationale dans les
opérations et les décisions d'ordre politique ne permet pas un
retour à la normale sain et pérenne. Dans de telles situations,
« les agences sont prises dans les contradictions des limites de
l'ingérence et de la prise en charge, de devoir mais ne pas pouvoir
dépasser leur mandat, ni leur moyens. Elles sont à la fois dans
une position externe qui garantit leur crédibilité tout en devant
impulser des réformes qui devraient être endogènes pour
être durables ».99(*)
De même, il peut s'avérer complexe d'apporter une
aide extérieure à un territoire soumis à un ordre
politique fort, si celui-ci refuse toute intervention extérieure
malgré son incapacité à gérer la situation. Il peut
s'agir d'un repli causé par de mauvaises relations à
l'internationale, ou même d'un protectionnisme d'intérêt.
Lors des inondations de 2002 en Europe de l'Est, les autorités refusent
l'aide extérieure, pressées par un « puissant lobby
des ingénieurs locaux, ne voulant absolument aucune intervention
étrangère dans la gestion de cette
crise. »100(*)
Ce refus peut également s'expliquer par une
fierté « mal placée ». Après le
tsunami de 2004, engendrant un bilan de seize mille victimes, l'Inde refuse
l'aide extérieure, y compris la visite sur le terrain du
secrétaire général des Nations unies Kofi Annan. Aux
Etats-Unis, l'exemple du cyclone Katerina prouve, selon Patrick Coulombel, que
« même la Nation la plus développée au Monde
[peut] être dépassée par les
événements. » Pourtant, les Etats-Unis refuseront
l'aide de la fondation Architectes de l'urgence, prétextant que
« vue la spécificité de ce pays, ils pouvaient
gérer eux-mêmes le problème. »101(*)
Enfin, si la structure politique du pays est restée
stable et semble parfaitement capable de mener à bien sa reconstruction
(au sens large), il convient de n'apporter que le soutien nécessaire
(fonds), ou de ne pas agir du tout.En 2006, au Pakistan, « Pour
éviter des inégalités entre les
bénéficiaires, le gouvernement, appuyé par la banque
mondiale, a décidé d'indemniser les familles pour qu'elles
puissent reconstruire des maisons plus solides. Les ONG n'ont pas
été autorisées à participer à la
reconstruction. Le gouvernement a uniquement demandé leur appui pour
former les habitants à reconstruire parasismique selon les techniques
locales améliorées. »102(*) De même, à la
suite du tsunami de 2004, la fondation Architectes de l'urgence n'a
« aucune intention de travailler à des reconstructions,
car les Thaïlandais sont tout à fait capables de répondre
à la demande en interne. »103(*)
Cette immense variabilité des contextes rend
délicate toute intervention extérieure, bien que parfois
nécessaire. La bonne analyse et la bonne compréhension de toutes
les facettes du territoire concerné par la reconstruction permet de
mesurer et de limiter ses impacts politiques, sociologiques,
économiques, et ses conséquences sur l'urbanisme, sur
l'environnement, etc.
4.1.2 DES ENJEUX MULTIPLES ET PARFOIS CONTRADICTOIRES
Les différentes dimensions du contexte d'intervention
de l'aide internationale sont inhérentes au territoire affecté
par le désastre et conditionnent considérablement la
reconstruction. Parmi les facteurs influents majeurs, on compte
également les enjeux de chaque acteur. Afin de saisir les rouages de
l'aide internationale post-catastrophe, il s'agit d'identifier les craintes et
les intérêts de chaque acteur et à toutes les
échelles : les gouvernements des pays qui apportent leur aide, les
bailleurs de fonds, les membres des organisations internationales, les membres
des petites ONG, les autorités locales, les entreprises locales, les
habitants, etc. On peut regrouper cette multitude d'enjeux, parfois
contradictoires, sous un ensemble de catégories principales : les
enjeux humains et sociologiques, les enjeux architecturaux et urbains, les
enjeux environnementaux, les enjeux économiques, les enjeux politiques,
et les enjeux médiatiques.
LES ENJEUX HUMAINS ET
SOCIOLOGIQUES
Le premier enjeu à considérer lors d'une
catastrophe et après celle-ci devrait être les vies des
populations touchées : sauvetage et « retour à la
normale » le plus rapide possible. Pour chaque victime, les pertes
possibles sont colossales : leur vie, les vies de leurs proches, leur
liens sociaux, leur santé, leur logement, leur biens, leur futur
(éducation, emploi), etc.
On peut déjà constater des conflits
d'intérêts entre les victimes, au sujet de la hauteur de l'aide
apportée à chacun. Au Pakistan, « Les
autorités ont pris soin d'essayer de contrôler la reconstruction
en finançant en fonction du degré de démolition, famille
par famille. L'évaluation faite dans les premiers jours d'Octobre est
devenue complètement obsolète dans les mois qui ont suivi, et
surtout très incohérente. »104(*)En Indonésie,
« L'enquête de ciblage des bénéficiaires joue
un rôle déterminant dans l'attribution des constructions, mais
elle demande aussi une investigation particulièrement fine sur la
propriété foncière, ce qui n'est pas toujours aisé
à mener. »105(*) Il en est de même pour les conflits d'ordre
foncier à Haïti, particulièrement délicats en
l'absence de cadastre.
D'autres enjeux peuvent concerner et mettre en opposition les
populations différemment affectée par une catastrophe (habitants
et propriétaires, par exemple). Après la catastrophe d'AZF,
Patrick Coulombel dénonce « des propriétaires
malintentionnés [qui] profitent de ce que la catastrophe a
rendu leur logement complètement insalubre pour récupérer
le terrain dans le seul but de pratiquer une opération
immobilière, jetant ainsi à la rue des travailleurs
immigrés. »106(*)
On note malheureusement parfois également un
désengagement des politiques vis-à-vis des populations
lorsqu'eux-mêmes se sentent en danger, comme dans le cas du cyclone
à Grenade, où « les représentants officiels
de l'Ile de Grenade, partis quelques heures avant l'arrivée du cyclone,
laissent la population livrée à
elle-même. »107(*)
Enfin, les enjeux des différents acteurs d'une
reconstruction sont tellement nombreux et d'influence tellement variable, que
certains prennent parfois le pas sur l'enjeu humain, comme expliqué par
la suite.
LES ENJEUX ARCHITECTURAUX ET
URBAINS
Suite à de massives destructions, le patrimoine
architectural d'un territoire est menacé, ainsi que son urbanisme. Il
s'agit de reconstruire en respectant au maximum l'identité
architecturale du secteur. Les réhabilitations doivent être
privilégiées et, lors de nécessaires reconstructions, il
convient d'utiliser les éléments de langage architectural local,
le savoir-faire local, les techniques locales, et les matériaux locaux,
etc.La résistance aux risques des nouveaux édifices et de ceux
réhabilités doit être néanmoins renforcée.
Ces conditions nécessitent un partenariat solide et efficace avec les
professionnels locaux de la construction.
L'urbanisme d'une zone est également en grand
péril après une catastrophe majeure, dès la
première phase d'urgence. En effet, le relogement de populations dans
des camps, en marge des villes, a bien souvent des conséquences aussi
néfastes que pérenne, avec notamment la création,
spontanée et hors de contrôle, de bidonvilles aux alentours. De
nombreux camps de réfugiés perdurent, après la phase
d'urgence et se retrouvent parfois même englobés au sein de
villes, dont ils deviennent des quartiers. « Espaces de transit
et d'attente, [les camps] s'organisent comme des «villes»
sans pour autant être dotés d'un projet urbain dans la mesure
où tout est conçu pour ne pas durer. Ils se stabilisent et
durent. »108(*) Pourtant, « Sous prétexte de
l'urgence, la construction en dur est interdite. Rien ne doit être fait
pour ancrer les populations dans les camps. Le retour n'est pas une option,
c'est une obligation. Au nom de cela on propose des services inadaptés,
dont les bailleurs se réjouissent mais dont la réalité est
parfois absurde. »109(*) A Haïti, le camp Corail-Cesselesse,
appelé également « Canaan » ou « Jérusalem
» qui abrite environ 10 000 personnes, a involontairement mené
à la création d'un bidonville alentour d'une population
évaluée entre 65 000 et 100 000 habitants, sur une surface de 11
kilomètres carrés.
LES ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX
Les enjeux environnementaux ne doivent pas être
négligés sous couvert d'une intervention d'urgence. La
reconstruction doit être menée en considérant l'impact
environnemental qu'elle induit. En 2002, en Afghanistan, le cofondateur
d'Architectes de l'urgence constate de nombreuses négligences
de cet ordre : « non-intégration du
développement durable dans les reconstructions »,
« inexistence du traitement des déchets et du tri
sélectif ».110(*) Cet également bien souvent le cas des
installations de camps de réfugiés : « on ne
peut nier les dégradations sur l'environnement (pollution,
épuisement des ressources en eau,
déforestation,...) ».111(*)
LES ENJEUX ÉCONOMIQUES
Une reconstruction post-catastrophe, surtout si elle est
très médiatisée, peut brasser des sommes d'argent
colossales. Chaque parti, même bien intentionné, tente de tirer
son épingle du jeu. Les enjeux économiques concernent donc tous
les acteurs qui prennent part à cette reconstruction : bailleurs de
fonds, organisations internationales, ONG, autorités et entreprises
locales...
Pour les bailleurs de fonds, il s'agit tout d'abord de
s'assurer que l'argent « investi » est correctement
utilisé, et qu'il donne des « résultats
satisfaisants ». Plus courants dans le cas de l'aide au
développement, des engagements lient les bénéficiaires,
sous peine de se voir retirer les aides futures. C'est ainsi que les bailleurs
de fonds tentent d'éviter le détournement de leurs subventions.
Les ONG et autres organisations recevant des fonds européens sont
contrôlées par audits, afin de maintenir la confiance des
donateurs.
Bien que cette pratique soit de moins en moins courante, les
bailleurs de fonds étatiques peuvent exiger des
bénéficiaires de réintroduire les fonds dans leur propre
économie : « on parle d'aide bilatérale
liée ou non liée. Elle est non liée lorsque l'aide fournie
par un Etat donateur est sans condition d'utilisation en retour. On parle
également d'aide désintéressée. Alors que, l'aide
bilatérale est dite liée si le pays donateur soumet l'octroi de
l'aide à des conditions préalables, telle l'obligation de lui
acheter en retour. » 112(*) Entre 1999-2001 et 2008, la part de l'aide
bilatérale non liée a progressé de 46 % à 82 %,
113(*) mais l'existence
de ce système permet de saisir les enjeux économiques des pays
donateurs. Certains bailleurs usent de moyens plus détournés, en
allouant les fonds distribués à la construction d'abris
provisoires préfabriqués chez eux, par exemple.
Les ONG et les organisations internationales partagent
également des enjeux économiques, dans la mesure où leur
existence même dépend des fonds qui leur sont attribués et
servent en partie à leurs frais de fonctionnement. En effet, comme le
fait remarquer Patrick Coulombel, « la vie d'une ONG - bien que
ses interventions soient gratuites - est subordonnée à ses
propres limites logistiques et financières ».114(*) Il témoigne,
concernant les reconstructions en Indonésie : « nous
n'avons pas eu accès à la manne d'argent qui est tombée
dans les caisses des grandes ONG. Celles-ci, contrairement à nous, ont
éprouvé de grosses difficultés pour dépenser des
fonds très importants ; si nous avions disposé rapidement de
fonds importants, nous aurions pu lancer sans trop de difficultés
plusieurs centaines de constructions... »115(*) Il réalise
également sur place que « même dans l'humanitaire,
la concurrence s'impose et les scrupules apparaissent peu
nombreux ».116(*)
La reconstruction post-catastrophe peut être une
véritable aubaine pour les entreprises engagées dans la
reconstruction. La catastrophe de AZF à Toulouse en 2001
génère une commande de 1 000 modules
préfabriqués, soit environ 15 000m² : « un
fructueux marché de plusieurs millions de francs qu'Algéco se
partage avec de nombreuses entreprises. »117(*)
Pourtant, l'aide internationale devrait savoir parfois se
limiter à un apport de fonds lorsque c'est possible. Ces fonds investis
entrent alors réellement dans l'économie du pays affecté,
par le biais de ses propres entreprises de reconstruction. Mais si l'argent ne
transite pas du tout par les ONG, celles-ci n'en retirent aucun
bénéfice, et le contrôle de l'usage des fonds peut se
révéler encore plus complexe.
Un excès d'offre et une clémence des bailleurs
peuvent également mener à une mise à profit et une
installation de cette offre dans le temps. « Les gouvernements
ont alors des anticipations tout à fait rationnelles les incitant
à reporter les réformes, et ils disposent d'une information
complète sur la compétition entre bailleurs et sur leur
réticence à laisser le champ libre en cas de retrait. C'est la
définition de l'aide comme rente, pour les gouvernements, et
désormais, pour les ONG. [...] Reports et ruses des
gouvernements sont alors des stratégies d'optimisation de l'aide
rationnelles du point de vue microéconomique, même si elles ont
pour effet de diminuer le bien-être général.
L'asymétrie intrinsèque de la relation d'aide renforce ces effets
de contournements. »118(*)
LES ENJEUX POLITIQUES
L'aide internationale peut parfois être
instrumentalisée à des fins politiques, aussi bien de la part des
gouvernements pays donneurs que de ceux des pays bénéficiaires.
Certains pays peuvent « profiter » d'un désordre
humanitaire pour intervenir dans un secteur donné
considéré de grande importance géostratégique, afin
d'y asseoir leur autorité : « De plus en plus
souvent, les gouvernements conditionnent l'aide humanitaire à des
objectifs politiques, militaires ou à des objectifs liés à
la lutte contre le terrorisme. C'est notamment le cas en Afghanistan, au
Yémen, en Lybie, au Soudan, en Somalie et dans les Territoires
palestiniens occupés. »119(*)
D'autres interventions
« intéressées » peuvent viser à se
protéger d'une immigration massive, comme l'action de l'OTAN en Serbie
et au Kosovo : « Un des motifs de cette intervention est de
protéger l'Europe d'une entrée massive de réfugiés.
Parallèlement, les financements massifs des actions humanitaires
d'urgence de développement ont favorisé l'intervention de
centaines d'ONG. »120(*)
Les termes de « droit d'ingérence »
et de « devoir d'ingérence », bien que n'ayant pas
de réelle existence juridique (les expressions « droit d'assistance
» ou « principe de libre accès aux victimes » sont plus
conventionnelles), désignent la reconnaissance du droit de violer la
souveraineté nationale d'un État, dans le cadre d'un mandat
exceptionnel accordé par une autorité supranationale. Ces notions
doivent être manipulées avec précaution, dans la mesure
où elles peuvent donner légitimité à des
abus : « derrière les bonnes intentions
affichées [...] les prétentions
hégémoniques des grandes puissances et des grands
marchés [n'hésitent] pas à avancer leurs pions
sous la couverture de l'alibi humanitaire. »121(*) Finalement,
l'ingérence sert parfois de prétexte à « la
volonté des plus puissants de régenter le nouvel ordre mondial en
vue d'y préserver leurs marchés et leurs zones
d'influence. »122(*)
Les autorités des pays bénéficiaires
peuvent également manipuler l'aide internationale pour des raisons
d'ordre politique. Après la seconde guerre mondiale, le pouvoir
soviétique instrumentalise l'aide humanitaire destinée aux
personnes atteintes de disette et obtient ainsi « une
reconnaissance de son régime politique par l'établissement de
relations internationales et un levier de contrôle de la population par
la gestion des approvisionnements qu'il détournait en partie de ses
bénéficiaires. »123(*) C'est alors que « Les philanthropes
découvrent que l'aide humanitaire est susceptible d'être
utilisée à des fins politiques. »124(*) En Éthiopie, la
famine de 1984 devient l'opportunité d'organiser, à l'aide des
acteurs humanitaires, un déplacement massif forcé de populations.
« MSF refusera de cautionner la politique du gouvernement
éthiopien et sera expulsé du pays. »125(*)
L'aide internationale ne semble pas pouvoir se détacher
totalement de la dimension politique, comme elle a prétendu le faire par
la passé, notamment avec la montée en puissance des ONG. Elle
doit prendre conscience du contexte politisé dans lequel elle
évolue, et se positionner par rapport à celui-ci. Selon R.
Brauman, « l'acteur humanitaire doit apprendre à se
défaire de sa blouse blanche pour revêtir son costume de citoyen,
c'est-à-dire apprendre à distinguer les ordres. Il doit retrouver
le sens du politique, s'interroger sur le sens global de son
action. »126(*)
LES ENJEUX MÉDIATIQUES
L'opinion internationale exerce une influence colossale sur
les interventions d'aide internationale, puisqu'elle agit aussi bien sur les
bailleurs étatiques que sur les dons privés. Elle dépend
évidemment considérablement des médias. C'est ainsi que
les catastrophes humaines fortement médiatisées peuvent parfois
recevoir une aide démesurée, comme lors du tsunami de 2004, alors
que des situations plus discrètes mais non moins désastreuses
restent sans secours. « Les ONG humanitaires sont très
dépendantes de l'intervention des médias : d'eux dépendent
souvent la mobilisation de l'opinion publique et donc le sursaut de
solidarité qui permet de rassembler les capitaux nécessaires aux
interventions sur le terrain. »127(*) C'est l'image et
l'émotion qui régissent le « marché de
l'humanitaire » : « il faut émouvoir pour
mobiliser les gens ».128(*)
Dès la famine de 1984 en Ethiopie,
« entre médias et humanitaire, la confusion des genres
commence... », pour que dans les années 90,
« la confusion des genres soit totale entre politique, militaire,
humanitaire, et média. »129(*)L'influence entre
média et humanitaire est bilatérale : « Pour
le Rwanda, c'est déjà trop tard : on est en juillet et le signal
des massacres a été donné en avril. La presse a peu
relaté ces meurtres planifiés [...], elle calque son
action sur l'aide humanitaire. »130(*)
En 1994, le Secrétaire d'Etat Américain, Warren
Christopher, s'indigne : « La politique
étrangère des Etats-Unis ne doit pas être faite par
CNN. » Mais l'influence des images des médias sur
l'opinion publique est irrévocable, et la politique
étrangère est soumise à l'opinion publique :
« pourtant ces images vont modifier l'opinion des
Américains : les sondages montrent un revirement. Deux semaines
après, l'OTAN lance un ultimatum aux Serbes de
Bosnie. »131(*)
D'après le cofondateur d'Architectes de
l'urgence, « Au Sri Lanka, un afflux d'aide humanitaire est
parvenu du Monde entier dès l'annonce de la catastrophe. Des
équipes de sauveteurs - parfois complètement inadaptées -
se sont rendues au Sri Lanka, informées par les flots d'images
déversés par les médias sans
discontinuer... »132(*)
En revanche, alors que l'argent avait afflué
après le tsunami de 2004, l'aide tarde à venir en 2006 au
Pakistan, pays « réputé comme une des bases du
terrorisme international ». En effet, « Pendant
les premiers mois, le financement manque cruellement, car les bailleurs de
fonds et la communauté internationale ne se sont vraiment émus
que lorsque la neige a commencé à
tomber... »133(*)
Etant donné l'influence qu'exercent les médias
sur les financements de l'aide internationale, il semble légitime de
s'interroger sur l'origine et le contrôle de ces médias, ainsi que
sur les moyens de lutter contre la saturation et l'effet
« sensationnel » qui nuisent à une juste
répartition des fonds et à une efficacité rationnelle.
Les enjeux sont aussi nombreux que les acteurs
impliqués directement ou indirectement dans une reconstruction
post-catastrophe. Ils peuvent être différents, voire même
contradictoires. Cette multiplicité des enjeux, d'une grande
complexité, doit être appréhendée dans sa
globalité pour comprendre les mécanismes à l'oeuvre dans
la reconstruction. L'exercice est difficile, mais permet d'optimiser son
positionnement et ses relations au sein du système.
4.1.3 DIMENSIONS SPATIALE ET TEMPORELLE
Pour clore cette description du décor de l'action
internationale post-catastrophe, voici une réflexion sur la
spatialité et la temporalité : deux dimensions dont les
différentes échelles sont liées.
ECHELLE TEMPORELLE
On échelonne usuellement la reconstruction
post-catastrophe en différentes phases, qui mettent en jeu
différents acteurs. Le découpage le plus grossier consiste
à opposer « l'aide d'urgence » à
« l'aide au développement ». L'aide dite
« d'urgence » peut être définie comme
« L'action humanitaire d'urgence s'organise dans des situations
de crises, généralement conflits ou catastrophes naturelles.
[...] Ces actions s'inscrivent généralement sur du court ou
moyen terme, contrairement aux actions humanitaires de développement.
Elles peuvent être suivies d'actions de post-urgence et de
réhabilitation, qui participent à la reconstruction de la
région ou du pays. » L'aide au développement,
quant à elle, s'inscrit dans le long terme : « Les
thématiques sont souvent liées à des aspects
économiques, sociaux et culturels : éducation, santé,
droits de l'homme et renforcement institutionnel (bonne gouvernance et bonne
gestion financière), etc. »134(*) Cette dichotomie un
problème de transition entre la phase d'urgence et celle de
développement : il existe une zone de flou, de creux,
surnommée « gap », « continuum »
ou « contiguum », et les acteurs de l'urgence et du
développement se trouvent souvent en désaccord. Christian
Troubé dépeint ce « débat sans
fin » qui oppose « urgentiste » et
« développeurs » : « Les
premiers reprochant aux seconds la faillite des actions de développement
(la preuve, c'est que, eux, ONG d'urgence devaient intervenir) tandis que les
seconds reprochaient aux premiers de n'être que des cow-boys aux gros
sabots réinventant chaque matin la
solidarité. »135(*)
Malgré les réflexions sur la transition
urgence-développement, que l'on peut appeler de
« réhabilitation », des difficultés
méthodologiques et opérationnelles majeures persistent. Les
programmes d'aide d'urgence et de soutien au développement sont de
natures différentes. « La finalité de l'action, les
mandats, les savoirs faire et les objectifs sont distincts. De même, les
instruments et les méthodes de travail diffèrent sur de nombreux
points (lien avec les partenaires, rôle des autorités nationales,
etc.) ».136(*) Le problème réside déjà
dans la considération selon laquelle les crises évolueraient de
manière linéaire : aide d'urgence pour secourir les
populations affectés, reconstruction et réhabilitation
jusqu'à « un retour à la normale »,
permettant la reprise des programmes de développement. Il existe
indéniablement un « chevauchement entre les actions de
court et de long terme, et des dynamiques spatiales
différentes. »137(*)
En ce qui concerne les situations de risques, l'action peut
débuter avant même qu'un désastre ne survienne. Il s'agit
d'identifier les risques, de les mesurer, et de favoriser leur mitigation. Il
est également possible de s'efforcer de se préparer à
réagir en cas de catastrophe (recherche).
On peut échelonner l'intervention post-catastrophe
à l'aide d'un phasage plus découpé dans le temps :
prévention, première urgence, reconstruction d'urgence
(provisoire), reconstruction pérenne, retour à la
« normale », bilan (retour sur expérience). Mais il
faut garder à l'esprit que ces phases ne sont que virtuelles :
elles se chevauchent, et interagissent. Il est essentiel de mesurer les
conséquences (souvent importantes) du « provisoire »
sur le « pérenne ». Difficile alors de segmenter
l'intervention post-catastrophe dans le temps, et d'accepter que les programmes
et les acteurs des différentes phases soient si distincts.
ECHELLE SPATIALE
Le découpage de la reconstruction post-catastrophe dans
l'espace est moins théorisé. Pourtant, comme pour tout projet de
construction, elle s'inscrit dans différentes échelles spatiales,
qui correspondent à différentes échelles de temps.
Usuellement, en construction, l'échelle du logement est
considérée comme la plus petite échelle d'action, tandis
que celle de l'urbanisme est la plus grande.
Le relogement temporaire, « provisoire »
est souvent la priorité de la phase d'urgence, ainsi que la
relocalisation des équipements d'urgence (hôpitaux, etc.). Puis,
après des études plus approfondies et des réflexions sur
l'urbanisme, viennent les réhabilitions et les reconstructions
définitives, « pérennes », lors de la phase
de réhabilitation. Elles correspondront à un nouveau
déplacement de personnes : de leur logement
« provisoire » à leur logement
« pérenne ». Cependant, cette transition peut
parfois s'avérer très délicate, la phase
« provisoire » peut être amenée à durer
bien plus longtemps que prévu. En outre, une nouvelle phase
intermédiaire peut faire son apparition, comme dans le cas d'Haïti,
avec les abris de « transition ». Les acteurs de l'urgence
n'accompagnent généralement pas leur projet jusqu'à la
phase durable.
Pourtant, le relogement d'urgence créé bien
souvent des camps qui deviennent durables et ont un impact sur l'urbanisme
« pérenne ». C'est ainsi qu'il faut mesurer leurs
conséquences dès la phase d'urgence, on procédant à
un « urbanisme d'urgence », selon le terme de
Patrick Coulombel. Là encore, les échelles se mélangent et
interagissent : il faut appréhender la reconstruction dans son
ensemble, sans la segmenter.
5 CONCLUSION
La reconstruction post-catastrophe est un exercice
particulièrement complexe, qui se pratique dans un contexte difficile,
et sous l'influence de nombreux acteurs, aux enjeux variés. Afin de la
mener dans les meilleures conditions, il convient de saisir les multiples
facettes du contexte (la nature de la catastrophe et l'ampleur de ses
conséquences, le contexte architectural et urbanistique, mais aussi la
situation politique de la zone, le contexte économique et sociologique,
la situation géographique et climatique, les ressources...) et
d'appréhender le positionnement de chaque acteur suivant ses enjeux (les
enjeux humains et sociologiques, les enjeux architecturaux et urbains, les
enjeux environnementaux, les enjeux économiques, les enjeux politiques,
et les enjeux médiatiques). Il est également important,
malgré un éventuel découpage pratique, de
considérer la reconstruction comme un tout, une globalité
où les différentes échelles d'espace et de temps
interagissent.
6 CONCLUSION GÉNÉRALE SUR L'AIDE INTERNATIONALE
POST-CATASTROPHE
L'augmentation des risques majeurs, qui concernent l'ensemble
des zones urbanisées de la planète, est indéniable. La
mondialisation a permis l'émergence d'une solidarité d'aide
internationale à plusieurs visages.
Les mécanismes de l'aide internationale sont
très complexes, car ils mettent en jeu de très nombreux acteurs,
dont les relations sont peu lisibles, et sans réelle hiérarchie.
Cette multiplicité des acteurs, bien que parfois contre-productive,
permet tout de même à l'aide internationale de s'émanciper
des politiques, dans une certaine mesure. On oppose souvent les agences de
coordination, dépendantes de politiques et sujettes aux lenteurs
administratives, aux Organisations Non Gouvernementales, réactives et
plus indépendantes, mais qui manquent de vision globale et de projection
dans le futur.
Cependant, on constate que les relations entre les
différents acteurs, les programmes, et les priorités sont souvent
régies par l'argent. M. El Hillo. Déclare à l'IRIN :
« Les discussions devraient davantage porter sur les partenariats
stratégiques et moins sur l'argent... Mettre au point des partenariats
judicieux et stratégiques est une manière pour la
communauté humanitaire internationale de mieux répondre à
l'accroissement des défis humanitaires d'aujourd'hui
».138(*)
La reconstruction post-catastrophe ne peut être comprise
qu'en étudiant à la fois les spécificités du
contexte d'action, ainsi que les multiples enjeux des différents
acteurs.
La décision d'action en elle-même peut être
un sujet délicat, lors de situations d'urgence complexe : entre
l'ingérence et le devoir d'intervenir, entre le secours et les possibles
instrumentalisations. De même, il est nécessaire de s'interroger
sur la sensible limite qui fait basculer de l'aide à l'assistanat. Il
convient d'aider un pays à se restructurer, plutôt que l'installer
dans une situation de dépendance. Cette volonté passe par
l'implication et l'éventuelle formation d'acteurs locaux.
Les acteurs nationaux et locaux souhaitent prendre davantage
de responsabilités dans la réponse aux crises, ce qui permet un
« retour à la normale » plus sain et pérenne.
Selon l'ambassadeur Manuel Bessler, Vice-directeur,
délégué à l'aide humanitaire et chef du Corps
suisse d'aide humanitaire (CSA), « la communauté
internationale devrait s'en réjouir ».139(*) L'aide financière
simple a fait ses preuves dans certaines situations de développement,
comme en Somalie, et l'Agence suisse pour le développement et la
coopération (SDC) tente désormais de trouver un moyen de mener
ces actions dans les situations d'urgence.140(*)
Enfin, il est essentiel de mener toute intervention de
reconstruction comme une unité indivisible par échelle de temps
et d'espace, afin d'en garantir la cohérence.
7 LA PLACE DE L'ARCHITECTE DANS LA RÉPONSE AUX
SITUATIONS DE CATASTROPHE HUMANITAIRE
Après avoir décrit le décor de l'action
de reconstruction post-catastrophe, ce document s'interroge sur la place de
l'architecte, en tant que professionnel, parmi les acteurs de l'aide
internationale. Il s'agit dépeindre le ou les positionnement(s) de
l'architecte au sein de ce système.
Les réponses de l'architecte face aux situations
d'urgence humanitaire sont variées, aussi, nous les regrouperons en deux
grandes « familles » : les réponses
« techniques », et les réponses
« actives ».
7.1 LES RÉPONSES
« TECHNIQUES »
Voici une description non exhaustive de différentes
réponses « techniques ». Il s'agit de propositions
faites par des architectes en amont d'une situation de catastrophe humanitaires
ou en réponse à celle-ci. Elles sont regroupées en
sous-catégories : les réponses
« formelles » provisoires, les réponses
« formelles » durables, et la prévention et la
recherche liées aux risques.
7.1.1 LES RÉPONSES
« FORMELLES » PROVISOIRES
Les réponses « formelles »
proposent des solutions d'abris temporaires plus ou moins
évolués, qui répondent à certaines des exigences du
relogement provisoire post-catastrophe dont, essentiellement, la
rapidité et la facilité d'installation.
UN CAHIER DES CHARGES
UNIVERSEL ?
La plupart des situations de relogement d'urgence
possèdent des caractéristiques communes, qui entraînent des
critères exigeants, mais souvent semblables. Un Cahier de charges
pour un habitat d'urgence modulaire a par exemple été
développé par Joaquim Do Nascimento et Bernard Duprat dans le
cadre et suivant le programme d'un concours d'idées organisé par
la FABRIQUE d'architecture, d'urbanisme, de paysage de l'Ecole d'architecture
de Lyon. Ce concours d'idées, ouvert à tous les professionnels du
monde du bâtiment (architectes, ingénieurs, entreprises,
fabricants, etc.), avait pour objectif de récolter un maximum de
solutions, afin de les stocker, les classer et de les proposer aux
organisations humanitaires : « Plus nous aurons de concepts
plus nous saurons certains d'avoir la solution la plus adaptée à
chaque crise ! »141(*)
Il s'agit de proposer un « concept de
fabrication d'unité d'habitation mono-familiale ou multi-individus,
utilisant des matériaux standards et répandus, de taille
réduite pour un transport aisé et facile d'assemblage afin
d'être montées et démontées sur place par les
populations blessées. »142(*)
Les performances attendues concernent donc : le
transport, le coût de fabrication et d'acheminement, la facilité
et le temps de montage et de démontage. Le programme est
chiffré :
Montage en moins de 6 heures par deux personnes adultes sans
aucune qualification particulière
Dimensions des éléments constructifs
empaquetés inférieures à 5m x 2,5m x 3m
Surface maximale au sol de 56m² avec façade
principale inférieure à 7,5m
Le concours impose également un système
d'ancrage au sol, un sol auto-structurant pouvant supporter des efforts de
porte-à-faux et dégager un vide sanitaire, le raccordement
électrique en façade, un système de ventilation et de
chauffage, deux points d'alimentation en eau, alimentés par une citerne
extérieure bi-thermo-compartimentée, un système de fosse
septique pouvant être couplé ou remplacé par un
système d'évacuation des eaux usées située sous le
plancher, etc.
L'équipe de Joaquim Do Nascimento et Bernard Duprat
recadre sa réponse, en redéfinissant leurs objectifs par
« huit principes constructifs simples » :
Préfabrication des différents composants, pour
« un niveau de fabrication élevé »,
et peu coûteux.
Stockage à proximité des zones à
risques, pour un acheminement plus rapide et moins coûteux.
Système livrable en kit, monté par
l'utilisateur : « Cette participation de l'occupant à
l'acte de construction pourra représenter la première
étape vers une appropriation. Autre avantage du Kit notamment pour les
zones difficilement accessible, sa possibilité d'être
héliporté ou parachuté. »
Facilité de montage avec outillage simple, faibles
dimensions des éléments (manu portables).
Différents systèmes d'adaptation au sol.
Modularité du système : logements de
différentes tailles, équipements, etc.
Architecture neutre, plus
« appropriative ».
Abri de crise à vocation provisoire de quelques
semaines à quelques mois.143(*)
Figure 23 : Cycle de vie
d'un kit modulable144(*)
Cette équipe donne des éléments de
réponse techniques :
ossature périphérique en bois,
éléments de support de section carrée de
10cm x 10cm,
éléments de franchissement de section de 10cm x
12cm,
assemblage des éléments par mortaisage et
boulonnage,
repères de couleur aux noeuds d'assemblage,
façades et plancher en panneaux-cassettes
emboîtables de 70cm x 70cm ou 70cm x 140cm,
liaison au sol par système de leste en sac de nylon
rempli de tout-venant, ou pieds métalliques articulés et
réglables avec ancrage par chevillage chimique ou par sangles et
piquets,
couverture de type légère en membrane textile,
de type « parapluie » ou « parasol »
selon les conditions climatiques.
L'établissement d'un « cahier des charges de
l'urgence », qui rassemble les caractéristiques communes
requises dans la majorité des situations d'urgence (courts
délais, main-d'oeuvre non expérimentée, etc.), peut
permettre la création d'un portefeuille de solutions astucieuses et
adaptées. En revanche, il n'existe évidemment pas de solution
universelle capable de répondre à toutes les situations d'urgence
de manière optimale. En ce sens, le programme du concours impose
peut-être des contraintes trop précises, qui excluent de
nombreuses propositions possibles appropriées à certaines
situations d'urgence et à certains contextes.
L'utilisation d'éléments
préfabriqués pose la question de la production : quels
acteurs (quelle entreprise, quelle nationalité) seraient chargés
de la réalisation des éléments préfabriqués,
et avec quel budget ? En effet, les premiers bénéficiaires
(économiques) de l'opération sont les producteurs.
Ce type de solutions préfabriquées n'a
d'intérêt que si les éléments sont effectivement
fabriqués en amont de la catastrophe (contrairement à des
techniques d'auto construction, par exemple). Il convient donc de
définir la quantité de production, ce qui n'est pas aisé
en raison du caractère souvent (mais pas systématiquement)
imprévisible des catastrophes.
Le stockage est également une question de taille :
que signifie « près des zones à risque »,
lorsque tout espace urbanisé et soumis à des risques ? A
partir du moment où l'on définit un lieu de stockage, il devient
possible d'adapter les éléments stockés au contexte
(notamment) climatique de la zone.
Enfin, les solutions préfabriquées ne tiennent
pas compte des ressources locales (matériaux), et présupposent
(du moins dans le cahier des charges présenté)
l'établissement de camps délocalisés en marge des
villes.
HABITATS PROVISOIRES
PRÉFABRIQUÉS
La nature « préfabriquée »
de ses solutions les pousse à tendre à l'universalité
d'usage : la réalisation en amont exclue le
« sur-mesure », et impose l'adaptabilité. Voici un
échantillon non exhaustif de propositions.
UN MODULE AUTONOME POUR L'HABITAT D'URGENCE
Ce projet a été développé par le
cabinet d'architectes Clé Millet international. L'objectif était
de créer un habitat léger, indépendant des réseaux
de distribution et facilement relocalisable.Les dimensions
extérieures sont de 5m x 3m x 3m.145(*) Le coût, la fabrication, le montage et le
stockage ne sont pas précisés.
Figure 24 : Un module
autonome pour l'habitat d'urgence par Clé Millet
International
HABITER DANS UN CUBE - « EXO »
Ces modules en forme de cubes, crées par Michael
Daniel, un designer de chez Frog Design, sont des habitats d'urgence
composés de fer et d'aluminium. Leurs dimensions sont de 4m x 4m. Le
coût d'une unité est inférieur à 5000 USD.
Chaque module bénéficie du chauffage et d'une
réserve d'eau potable. En théorie, une équipe de quatre
personnes peut aisément déplacer et assembler une unité de
logement en moins de deux minutes, sans outils et sans machines. Les EXO
peuvent se combiner entre eux.
Pour le stockage et l'acheminement, les
« EXO » peuvent être empilés les uns sur les
autres.
Figure 25 : Habiter dans un
cube - les "EXO"146(*)
Les deux exemples présentés ici sont
entièrement préfabriqués (ou presque), ce qui leur
confère un caractère relativement figé et peu adaptable.
Ils constituent une forme d'habitat provisoire particulièrement
élaboré. Leur coût, leurs caractéristiques
techniques, leurs matériaux, leurs lieux de fabrication et de stockage
ne semblent pas adaptés à une utilisation dans un contexte
tropical. En revanche, leur utilisation pour une situation d'urgence proche du
lieu de fabrication peut s'avérer plus cohérente.
DÔME SWEET DÔME - HABITAT DE CRISE EN BAMBOU - MODULE
EN FORME DE DÔME
L'objectif est de proposer une solution évolutive qui
pourra se consolider avec le temps. Ce dôme géodésique de
20m² de surface au sol est destiné à une famille de 6
personnes, dans un contexte climatique tropical ou doux. Il est
conditionné dans un caisson en bambou de 1,2m x 1,2m (standard des
palettes de manutention). Les parois de la caisse de conditionnement peuvent
être réutilisées comme mobilier ou plancher. Une porte et
deux ouvertures sont protégées par une moustiquaire.L'abri peut
être monté en deux heures par deux personnes non
qualifiées, après arasage préalable du sol.
Figure 26 : Dome Sweet Home
- Structure et matériaux
147(*)
Le système d'assemblage du dôme se compose
d'étoiles moulées par injection de polyéthylène.
L'étoile clef-de-voûte, dont le centre est évidé,
permet de faire passer un conduit de cheminée. La couverture du
dôme est une toile naturelle (bambou ou coton) enduite. Tous les
éléments en bambou et plastique biodégradable sont
voués à être fabriqués dans les zones où
pousse le bambou (Amérique du sud, Afrique et Asie), développant
ainsi une industrie locale spécialisée. Le bambou a
été choisi tant pour ses caractéristiques techniques que
pour son haut rendement en culture et ses performances écologiques
(production d'oxygène).
LA MAISON LOTUS - HABITAT D'URGENCE PARACHUTABLE
La Maison Lotus, développée par l'agence
d'architecture « ô Architectes », est conçue
de manière à pouvoir être aisément stockée,
tractée et/ou parachutée sur place.
« Arrivée à son emplacement,
touchant le sol, la maison s'ouvre, telle la fleur de LOTUS au soleil, offrant
à son utilisateur les éléments indispensables à sa
survie : abri contre les intempéries, confort thermique, couvertures et
rations alimentaires, récupération d'énergie solaire et
stockage de cette énergie en batteries, médicaments,
hygiène de première
nécessité. »148(*)
Figure 27 : La maison Lotus
- parachutage et déploiement149(*)
Les problématiques de coût, de fabrication et de
stockage ne sont pas abordées. Comme pour les exemples
précédents, il semblerait que le projet soit resté
à l'état de proposition et n'ait jamais été
réalisé et utilisé.
Ces nouveaux exemples, de par leurs caractéristiques
techniques (et leur lieu de production, pour le dôme), semblent
destinés à être utilisés dans des zones climatiques
chaudes. L'habitat est plus sommaire, mais ne semble pas beaucoup plus
modulable.
On constate que les questions épineuses du coût,
du financement, des responsables de la fabrication (à part pour le
dôme), du lieu stockage (évoqué dans le projet issu du
concours de la Fabrique de Lyon), de la quantité de production, etc.
sont rarement abordées. La plupart des projets d'habitat d'urgence
préfabriqués sont de belles intentions qui ne voient jamais le
jour. On peut s'interroger sur la pertinence de ces solutions dans la mesure
où elles semblent souvent être proposées de manière
spontanée, sans répondre à une réelle commande (par
exemple concours lancé par un organisme spécialiste de l'urgence,
disposant de fonds dédiés avec un programme orienté vers
des situations d'urgence probables données).
HABITATS PROVISOIRES MOBILES
Certaines propositions d'habitat d'urgence s'offrent sous la
forme d'habitats « mobiles ». Le caractère
« relocalisable » déjà présent dans
les autres solutions s'exprime et se revendique ici de manière formelle
(présence de roues). L'avantage est le déplacement de l'abri sans
intervention de véhicules supplémentaires, mais ces solutions,
encore plus figées que les précédentes, conservent leurs
principaux inconvénients. Voici deux exemples d'habitats d'urgence
mobiles.
ROOM-ROOM
Ce projet conçu et développé par les
architectes ENCORE HEUREUX et G. studio, est une réponse à une
invitation de réflexion sur l'architecture d'urgence,
présentée dans le cadre d'une exposition pour commémorer
le tremblement de terre du Sichuan du 12 mai 2008.
Le budget est de 1000€, pour une surface de 2,50m².
Figure 28 : Room Room -
habitat d'urgence mobile150(*)
Le caractère mobile et les dimensions réduites
de ce projet lui permettent d'être utilisé dans des espaces
urbains (lieux de stationnement). « Parce qu'il est mobile,
Room-Room est un abri urbain acceptable par ceux qui possèdent un toit
et sont intégrés socialement. Sa mobilité signifie sa
réversibilité dans l'espace public. RR est ainsi conçu
pour s'inscrire temporairement dans l'espace du flux urbain, mais aussi
ponctuellement sur des espaces de stationnement. » Cet abri ne
propose pas de sanitaires ou de cuisine, il faudra chercher ces services
« dans l'espace métropolitain ».151(*)
Figure 29 : Les
différents usages du Room Room152(*)
Cet objet (puisqu'il est difficile de le considérer
comme un habitat à proprement parler) est relativement coûteux au
vu de ses fonctions : manque d'intimité, pas de sanitaires ni
d'espace pour cuisiner, pas de chauffage possible, etc. Il semble plus
adapté à une utilisation ponctuelle, dans le cadre d'une vie
nomade volontaire et non subie, que dans une situation de relogement massif
d'urgence.
HABITATS MOBILES D'URGENCE SUR SITE FERROVIÉ
Ce Projet de fin d'études, présenté en
2007 par Sébastien Poupeau, propose l'installation de modules
d'habitations de 12 à 24 m² de surface habitable par unité.
L'originalité réside dans la localisation de ces abris
d'urgence : des voies ferrées de stationnement.
Figure 30 : Plan type d'une
composition d'habitats sur une zone de fret153(*)
Figure 31 : Etapes
constructives de l'unité d'habitation154(*)
Figure 32 :
Adaptabilité de l'unité selon le type de famille155(*)
« Sur un réseau ferré
européen dense, le déploiement d'habitations d'urgence sur des
voies ferrées de stationnements, est possible dans les milieux les plus
reculés, ainsi qu'au coeur des villes. »156(*)
La mise en place d'un système d'alimentation en
énergie serait ainsi simplifiée. De plus, les modules, de
dimensions variables, s'adaptent à leurs usagers.
Cette proposition, dont le coût n'a pas
été évalué, est clairement conçue pour
être fabriquée, stockée et utilisée en Europe. La
mobilité appliquée à ce projet prend tout son sens. Le
sujet de l'assainissement n'est pas évoqué. On peut
également interroger la durée d'utilisation visée par ce
projet. Malgré les avantages qu'on peut lui accorder, il s'agit encore
une fois d'une proposition restée à l'état de concept.
La préfabrication comporte des inconvénients
inévitables tels que le stockage, l'acheminement, les inconnues
liées à la production (quantités, financements), à
la future utilisation (adaptabilité requise), etc. Pourtant, dans
certains cas d'urgence, l'utilisation d'éléments
préfabriqués pourrait être une solution optimale, de par
son coût, sa rapidité et sa facilité de mise en oeuvre. Les
propositions sont nombreuses : parfois astucieuses et innovantes, elles
réduisent les contraintes liée à la préfabrication
(fabrication et stockage près des zones à risque visées,
utilisation des ressources locales, grande adaptabilité, cycle de vie
complet : réutilisation ou transformation, etc.). Malheureusement,
les propositions impliquant des éléments
préfabriqués restent souvent de simples projets, puisqu'elles ne
trouvent pas d'écho dans le monde réel de l'humanitaire
d'urgence.
HABITATS PROVISOIRES
RECYCLÉS
L'utilisation de matériaux recyclés dans la
reconstruction possède l'avantage d'une disponibilité
quasi-immédiate (si le matériau recyclé est présent
en quantité suffisante sur le site), et d'un coût réduit.
Comme toute action de recyclage, la nouvelle vie donnée à un
matériau déjà utilisé a également un impact
positif sur l'environnement.
LOW TECH BALLOON SYSTEM
Le Low Tech Balloon System a été
développé en 1999 par Technocraft, en réponse à un
concours organisé par Architecture for Humanity, dans le but de
concevoir un logement transitoire de cinq ans pour les personnes
déplacées du Kosovo.
L'idée est de se servir de sacs de chanvre
réutilisés, comme les sacs d'aliments pour animaux, et de les
coudre ensemble pour former une structure en forme de dôme. Ensuite,
viennent se connecter différents « life
elements » : une porte, une fenêtre, une installation de
cuisson, d'assainissement, de stockage...
Figure 33 : Low Tech
Balloon System157(*)
La construction se compose essentiellement
d'éléments préfabriqués qui peuvent être
assemblés hors site ou par une industrie d'artisanat locale. La
séparation du processus de production garantit des délais plus
courts, et n'exige pas de réseau électrique sur le site de
construction.
La couverture tissée en chanvre est maintenue tenduepar
remplissage de ballons gonflables, avant d'être recouverte de mortier
pulvérisé. Le résultat obtenu est une mince coquille
bétonnée, à l'image du papier-mâché.
Le coût du prototype d'origine est d'environ 8000 USD.
Avec l'apport et les conseils du HCR (Haut-Commissariat des Nations Unies pour
les réfugiés) et le Japon Peace Winds Japan (une ONG japonaise),
l'équipe a réalisé quatre autres prototypes en y apportant
des modifications. Le coût final d'un logement est d'environ 1800 USD.
PAPER LOG HOUSES
Shigeru Ban, conseiller du HCR (Haut-Commissariat des Nations
Unies pour les réfugiés), conçoit et finance le projet de
Paper Log House en 1995, suite au tremblement de terre de Kobe au Japon. Cet
abri, qui utilise des tubes creux de papier recyclé et comprimé,
est économique, léger et résistant : environ 300 kg
par unité, pour un coût inférieur à 500 USD.
Figure 34 : Paper Log
House, 1995, Kobe, Japan158(*)
NB : Shigeru Ban Architects a été
nommé lauréat du Pritzker Architecture Prize 2014.
L'architectecontrôle le collectage des matériaux
recyclables donnés par les entreprises et organise les chantiers de
construction. Le montage d'une maison nécessite la mobilisation de dix
personnes(réfugiés, étudiants en architecture,
bénévoles), mais six unités peuvent être construites
en huit heures.
Les murs en tubes de carton sont construits sur des casiers
à bière en plastique remplis de sacs de sable qui en assurent
l'étanchéité, et reliés par des tiges
métalliques boulonnées. Ils portent une simple charpente
soutenant une toile.
Figure 35 : Montage de la
Paper Log House
Les tubes de carton recyclable sont très
résistants et faciles à manipuler, et possèdent en outre
de très bonnes caractéristiques thermiques. Les matériaux
préfabriqués sont facilement transportables et l'utilisation
d'éléments constructifs locaux permet une réduction du
coût. Les modules peuvent s'associer à l'horizontale comme
à la verticale (les tubes peuvent porter un étage). L'ensemble de
l'abri est recyclable.
Ces propositions sont destinées à un usage de
transition. Elles conservent des éléments
préfabriqués, mais possèdent les avantages du
recyclage : coût réduit, impact environnemental positif, etc.
En revanche, elles sont plus complexes à mettre en oeuvre que les
solutions préfabriquées classiques.
7.1.2 LES RÉPONSES
« FORMELLES » DURABLES
D'autres propositions, généralement plus souvent
réalisées, concernent le relogement définitif des
sinistrés d'une catastrophe. Ces solutions pérennes sont
proposées en aval du désastre, et sont donc adaptées
à chaque situation (moins faciles à décontextualiser,
moins « universelles »). On trouve parmi ces projets aussi
bien du logement que des équipements. Ils concernent une phase
ultérieure à l'urgence immédiate : la phase de
transition, de réhabilitation ou de « retour à la
normale ».
De par leur conception post-catastrophe, ces projets peuvent
mieux tenir compte des ressources locales (matériaux, techniques,
compétences, ressources humaines) et les exploiter. En revanche,
même s'ils s'efforcent de faire participer les
« bénéficiaires », la mise en oeuvre est plus
complexe que dans le cas d'unités préfabriquées.
HABITATS DURABLES - MATÉRIAUX
LOCAUX
Les « éco-dômes » sont des
abris en sacs de sable et de terre conçus par l'architecte
irano-américain Nader Khalili. Il a développé une
technique appelée « Super Adobe » pour
réaliser ces « Sandbag shelter » (abris de sacs de sable) dans
des contextes d'urgence. Mais rapidement, le concept s'est
révélé tout à fait adapté à la
réalisation de véritables habitations durables.
La terre, extraite du lieu même de construction, est
humidifiée et utilisée pour remplir des sacs de
polypropylène,qui sont empilés de façon à dessiner
la forme de ces « éco-dômes ». Du fil de fer
barbelé placé entre chaque couche de sacs assurent leur
adhérence, puis le séchage naturel de la terre solidifie
l'ensemble. Pour un séchage optimal, un feu peut être
allumé à l'intérieur.
Figure 36 : Construction
d'un éco-dôme159(*)
Les hautes performances de l'éco-dôme
résident dans sa géométrie et sa composition. Son rapport
surface des murs / volume intérieur est plus faible que celui d'une
structure carrée ou rectangulaire. Cette faible surface d'enveloppe
réduit la consommation de matériaux de construction ainsi que les
échanges thermiques.
Figure 37 : Eco-dômes
de tailles variables160(*)
« Ce type de volume offre une extraordinaire
résistance aux tempêtes, ouragans et tremblements de terre. Il
présente l'avantage d'être particulièrement
économique en énergies de chauffage ou de climatisation et c'est
en plus un volume très agréable à vivre
».161(*)
La terre est disponible sur place à un coût nul.
Ces matériaux sont résistants aux attaques d'insectes, aux
moisissures et aux incendies. En cas d'incendie, la combustion du
polypropylène ne dégage pas de substances toxiques, seulement de
l'eau et du gaz carbonique. Une ouverture est placée au sommet du
dôme pour assurer un renouvellement naturel de l'air intérieur par
convection. Il convient de réaliser un bon revêtement externe
contre les précipitations et afin de protéger le plastique des
ultraviolets (le polypropylène est très résistant mais
supporte mal les UV). L'ajout de paille dans la terre renforce l'isolation
thermique des murs.
Figure 38 : Plan d'un
éco-dôme162(*)
La réalisation de ces maisons peut varier en fonction
de leur taille et de leur complexité de quelques jours à quelques
semaines. Une équipe de 3 à 5 personnes sans qualification
particulière peut s'en charger. Un coordinateur peut se charger de la
construction de plusieurs maisons en même temps et former en
parallèle de nouveaux coordinateurs. L'auto construction présente
l'avantage de limiter le coût de main d'oeuvre et de mobiliser les
« bénéficiaires » : elle peut se
révéler une véritable thérapie pour les victimes
d'un désastre.
Un éco-dôme complet pouvant abriter une famille
de 5 personnes coûte environ 10 000 € et peut être construit
en quelques jours.
Le déploiement est particulièrement rapide et
efficace : acheminement d'un rouleau de sacs en polypropylène par
éco-dôme, de rouleaux de fil de fer barbelé et de quelques
outils de base (brouettes, pelles, masses,etc.).
Figure 39 : Village
d'éco-dômes163(*)
« Mes maisons sont construites avec de la terre
ou du sable. Elles ne coûtent presque rien. Elles ne peuvent pas prendre
feu, elles résistent aux cyclones et aux séismes car elles
reposent sur un système d'arcs et n'ont pas d'étage. Un petit
dôme en terre peut être construit en trois jours [...].
Rien de pire que les maisons carrées en cas de catastrophe
naturelle ! »164(*)
Cette proposition est adaptable à de nombreuses
situations et contextes climatiques, en combinant un maximum d'avantages.
Cependant, on peut lui reprocher une forme « forte », qui
ne respecte pas l'architecture locale de son lieu d'implantation. Le
modèle est personnalisable à volonté, et même si les
performances peuvent en être diminuées, la technique est
applicable à d'autres formes très variées.
HABITATS DURABLES - MATÉRIAUX
RECYCLÉS
D'après BBC News, le 12 janvier 2011, un an
après le séisme survenu à Haïti, seulement 20% de la
totalité des décombres (estimée à 10 millions de
m3) a été dégagé. En parallèle,
plus de 810 000 personnes vivent encore dans des bidonvilles, sans compter
les personnes relogées dans des « shelters »
provisoires.
Entrepreneurs du Monde, association française
créée en 1998, le laboratoire de recherche CRATerre et ses
partenaires haïtiens de la PADED, ont développé un
modèle de construction parasismique et para-cyclonique en ossature bois
et remplissage maçonnerie qui a été validé par le
Ministère des Travaux Publics haïtien. Ce modèle peut
être construit à partir de débris recyclés.
L'association forme des maçons et des charpentiers
à ce mode de construction para-sinistre, respectueux de l'architecture
traditionnelle haïtienne, et forme également des artisans pouvant
fabriquer des matériaux de construction à partir des gravats
laissés par le séisme. Elle accompagne ces artisans
«construction» et «recyclage» dans la création de
leur entreprise, et la promotion et la commercialisation de leurs produits.
Figure 40 : modèle
de construction intégrant des produits issus du recyclage des
débris, inspiré d'une typologie architecturale locale
développée par CRATerreet ses partenaires haïtiens de la
PADED165(*)
« Le programme Recyclage des débris a
été mis en place par Entrepreneurs du Monde, avec le BIT (Bureau
International du Travail). Il fait partie du projet Gestion des Débris,
validé par la CIRH (Commission Intérimaire pour la Reconstruction
d'Haïti) et mis en place par le PNUD dans la zone de Carrefour Feuilles,
l'un des quartiers les plus touchés par le séisme, recouvert de
300 000m3 de débris. Il forme des artisans, confirmés
ou débutants, à la fabrication de matériaux de
construction innovants en débris recyclés au sein d'ateliers
conçus comme de véritables incubateurs d'entreprises. [...]
L'objectif du programme est de développer une filière de
matériaux de construction à forte valeur ajoutée qui
favorisera la création d'emplois tout en contribuant à la
réutilisation des gravats qui occupent l'espace public et freinent la
reconstruction. Par la suite, les entrepreneurs continueront leur
activité en utilisant les matières premières classiques
dans ce secteur. »166(*)
HABITATS DURABLES - PRÉVENTION DES
RISQUES
La Safe(R) House est un autre exemple de projet de
reconstruction durable, développé en 2005 par l'école de
Design de Harvard en collaboration avec le SENSEable City Laboratory du MIT.
L'objectif était de concevoir un logement durable et résistant
à moindre coût pour reloger les personnes victimes du tsunami.
Guidés par des systèmes de modélisation
de haute technologie, l'équipe a développé la Safe(R)
House, unemaison conçue pour résister à la force d'un
tsunami ainsi qu'aux inondations. Les concepteurs se sont efforcés
d'utiliser des matériaux locaux et des méthodes de construction
peu coûteuses et facile à reproduire.
Figure 41 : La Safe(R)
House167(*)
La maison se compose de quatre éléments
principaux : une plate-forme surélevée qui facilite le
drainage de l'eau, une structure de base en béton qui offrent une
résistance élevée sans bloquer l'écoulement de
l'eau en cas de tsunami, des cloisons en bambou ou en tissage traditionnel pour
une bonne ventilation et une structure de toit classique à base de
poutres en bois de noix de coco.
Figure 42 : La
modélisation de la Safe(R) House et ses performances168(*)
La structure porteuse a été
modélisée, analysée et testée. La division de la
structure en petits blocs a permis de multiplier la résistance par cinq,
comparée à celle des structures traditionnelles. L'équipe
a également utilisé ce système pour créer une
série de déclinaisons du modèle simple pour la
création de bâtiments communautaires.
Figure 43 : Plan des
fondations de la Safe(R) House169(*)
Le coût final de construction est d'environ 1 500
USD, pour une surface de quasiment 50m². La durée des travaux n'est
pas précisée et la mise en oeuvre semble nécessiter
l'intervention de professionnels.
Les réponses « formelles » durables
montrent que l'architecte peut proposer des projets innovants et adaptés
dans la reconstruction post-catastrophe. L'intervention d'architectes, en
partenariat avec professionnels de la construction locaux, peut apporter des
solutions optimales en termes de délais, de résistance et de
coût, tout en utilisant les ressources locales et en respectant les
traditions architecturales locales. Sur de telles interventions, l'auto
construction est naturellement plus délicate, mais il convient de faire
appel aux professionnels locaux. Il est également conseillé de
les former aux techniques anti-sinistres développées.
7.1.3 LA PRÉVENTION ET LA
RECHERCHE
La première action à mener dans la lutte contre
les destructions dues aux désastres majeurs se situe en amont de
l'événement : il s'agit de la mitigation
(atténuation) des risques. Dans le cas des catastrophes naturelles, il
est difficile d'agir sur l'occurrence : la prévention consiste donc
à réduire la vulnérabilité. Cela se traduit
par :
La surveillance : certaines catastrophes sont
prévisibles, comme les inondations dues à de fortes
précipitations, ou les cyclones, d'autres ne le sont toujours pas. La
mise en place de systèmes de surveillance et d'alerte est primordiale
dans la prévention des catastrophes prévisibles.
Selon Patrick Coulombel, « Contrairement aux
séismes, les inondations sont prévisibles »170(*), pourtant (concernant les
inondations à Bab el Oued) « Force est de constater
également qu'un système d'alerte, inexistant encore aujourd'hui,
aurait permis de sauver de nombreuses vies. [...] bon nombre de pays
sont dans la même situation et [...] des milliers et même
des dizaines de milliers de vies pourraient être sauvées
annuellement, en utilisant tout simplement les moyens techniques
élaborés tels que l'imagerie satellite associée à
des systèmes d'alerte des populations. »171(*)
Le contrôle de l'urbanisation par des règles
d'urbanisme : planification, définition de niveaux de risques par
zonage, plans de prévention des risques.
La résistance des édifices et des ouvrages
d'art aux sinistres : conception architecturale, réalisation
rigoureuse et utilisation de technologies anti sinistres (élaboration de
normes).
« Les séismes ne tuent pas. Ce sont les
maisons qui font des victimes lorsqu'elles s'effondrent. Si nous construisons
des maisons capables de résister aux séismes dans les
régions sensibles, les gens auront davantage de chances de survivre si
un séisme survient ».172(*)
LES ACTEURS DE LA PRÉVENTION ET LA
RECHERCHE
Les acteurs de la prévention et de la recherche sur les
risques naturels et autres sont nombreux, publics ou privés, et agissent
à différentes échelles. Les entités
présentées ci-dessous font partie des principaux acteurs
français de la recherche et de la prévention dans le domaine des
risques majeurs.
AFPS
L'Association Française du Génie Parasismique
(AFPS) est une association (loi 1901) qui se consacre à l'étude
des tremblements de terre, leurs conséquences sur le sol, sur les
constructions et sur leur environnement, et la recherche et la diffusion de
mesures tendant à minimiser ces conséquences et à
protéger les vies humaines. Elle se compose de plus de 750 membres dans
26 pays, dont les spécialités sont variées :
ingénieurs, géophysiciens, architectes, spécialistes de la
gestion de crise, sociologues, etc.
L'AFPS bénéficie du soutien de l'Etat
français, et le MEDDE (Ministère de l'Écologie, du
Développement durable et de l'Énergie) la consulte
régulièrement sur la connaissance scientifique des séismes
et de leurs conséquences, et sur les moyens de prévention, au
travers de l'évolution de la réglementation parasismique.
L'association assure : le partage et la capitalisation des
connaissances, leur diffusion au travers notamment de guides techniques, le
développement et la diffusion des bonnes pratiques, la formation, la
participation à des programmes de recherche, la coopération
internationale et le retour d'expérience sur séismes
majeurs.173(*)
BRGM
Le BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et
Minières) est le service géologique national
français : il s'agit de l'établissement public de
référence dans les applications des sciences de la Terre pour
gérer les ressources et les risques du sol et du sous-sol.
Ses principaux objectifs sont : l'étude des
phénomènes géologiques et des risques associés, le
développement de méthodologies et de techniques nouvelles, la
production et la diffusion des données pour la gestion du sol, du
sous-sol et des ressources, la mise à disposition des outils
nécessaires à leurs gestion, à la prévention des
risques et des pollutions, aux politiques de réponse au changement
climatique. Les missions de ce Bureau sont notamment la recherche, l'appui aux
politiques publiques, et la coordination internationale.
IRSN
L'IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté
nucléaire) est un établissement public à caractère
industriel et commercial français (EPIC), expert en matière de
recherche et d'expertise sur les risques nucléaires et radiologiques,
fonctionnant sous la tutelle conjointe des ministres chargés de la
Défense, de l'Environnement, de l'Industrie, de la Recherche et de la
Santé.
CRATERRE
CRAterre, Centre international de la construction en terre,
est une association et un laboratoire de recherche de l'Ecole Nationale
Supérieure d'Architecture de Grenoble qui constitue une
référence mondiale dans le domaine de l'architecture de terre. Le
laboratoire, mène notamment des actions de recherche autour de l'habitat
: Habitat économique, habitat éco-responsable, gestion des
risques et reconstruction, économie de la production et
développement local.
Parmi les trois principales directions de recherche
scientifique qu'il suit, on trouve : « Développer en réseau
international (scientifique et professionnel) des recherches sur les cultures
locales du risque afin de mieux valoriser les ressources patrimoniales et
culturelles des territoires pour apporter des réponses situées et
économiques (accessibilité) à la reconstruction
post-catastrophes naturelles (séismes, inondations, cyclones) ou civiles
(conflits) ; développer des méthodes, outils et stratégies
permettant de mieux anticiper sur les aléas (prévention) et de
mieux gérer la post-urgence en trajectoire de reconstruction et de
développement local. »
LE RISQUE SISMIQUE
La construction parasismique est l'étude du
comportement des bâtiments et structures sous un chargement dynamique de
type sismique et la conception de bâtiments et infrastructures
résistant aux tremblements de terre.Il s'agit de comprendre
l'interaction entre les bâtiments et le sol, prévoir les
conséquences potentielles des séismes et développer des
structures résistantes aux séismes, conformément aux
normes de construction locales.
Une structure ne doit pas nécessairement être
extrêmement résistante : une méthode de construction
parasismique très efficace et économique consiste à
désolidariser l'édifice du sol sur lequel il repose par isolement
bas.
En Europe, l'Eurocode 8 est consacré à la «
Conception et dimensionnement des structures pour leur résistance
aux séismes174(*)» : il vise à ce que les
bâtiments et d'ouvrages de génie civil en zone sismique ne mettent
pas en danger les vies humaines, limitent les dommages matériels, et
à ce que les structures importantes pour la protection civile restent
opérationnelles.
Au Japon, les promoteurs et les architectes utilisent des
systèmes toujours plus sophistiqués dans la protection des «
IGH » (immeubles de grande hauteur) : vérins, ressorts, rails,
cuves d'eau, haubans, boudins en caoutchouc, etc. Le coordinateur de recherches
de l'Institut de recherche sur les immeubles (BRI), Mitsumasa Midorikawa
explique : « Beaucoup de leçons ont été
tirées de la catastrophe imprévisible de Kobe
».175(*) Selon
Yoshiki Ikeda, ingénieur de l'entreprise de BTP Kajima, le
désastre coïncide avec le développement de nouvelles
technologies : « 1995 marque l'entrée dans une nouvelle
ère où des techniques permettent de contrôler
semi-activement le comportement des constructions ».176(*)
Mais la mise en place de technologies parasismiques telles que
l'isolement bas n'est pas le seul moyen de protéger les édifices
contre les risques sismiques : la conception architecturale (forme,
structure, organisation) et même l'aménagement intérieur
des édifices sont d'une importance considérable. Yoshiki Ikeda
affirme : « Il est désormais nécessaire de penser
simultanément l'architecture et la technologie pour que les effets
antisismiques des deux s'additionnent, plutôt que de compenser les
faiblesses de la première par la seconde ».177(*)
En France, quatre grands principes de conception sont mis en
avant 178(*):
Privilégier les formes simples et compactes :
limiter les décrochements en plan ou en élévation, et
fractionner les édifices complexes en blocs homogènes
reliés par des joints parasismiques continus.
Limiter les effets de torsion : équilibrer la
distribution des masses et des raideurs (structure : murs, poteaux,
voiles...).
Assurer la reprise des efforts sismiques : garantir le
contreventement horizontal et vertical de la structure, superposer les
éléments de contreventement et créer des diaphragmes
rigides à tous les niveaux.
Appliquer les règles de construction : mise en
oeuvre aux normes, suivi de chantier rigoureux.
LE RISQUE INONDATION
La première prévention contre l'inondation
concerne l'urbanisme : planification et zonage (SCOT, PLU et carte
communale),et traitement de l'espace public(notamment avec l'installation de
bassins de collecte et de rétention et la plantation de
végétaux consommateurs d'eau).
Le plan de prévention du risque inondation (PPRI) est
un document issu de l'autorité publique, destiné à
évaluer les zones pouvant subir des inondations et à offrir des
propositions techniques, juridiques et humaines pour s'en prévenir. Ce
document stratégique cartographique et réglementaire, dont les
dispositions sont codifiées dans le code de l'environnement,
définit les règles de constructibilité dans les secteurs
susceptibles d'être inondés. La délimitation des zones
s'appuie sur les crues de référence. Bien que cette directive ne
soit pas toujours suivie, chaque commune est tenue d'élaborer un plan de
prévention des risques d'inondation depuis 1995.
Cependant, la conception architecturale d'un édifice
est également primordiale dans la prévention contre le risque
inondation. Trois principales stratégies peuvent être
envisagées au niveau du bâti pour prévenir le risque
inondation :
Eviter l'inondation : se mettre hors d'atteinte de l'eau
(en s'implantant hors zone inondable ou en surélevant l'habitation de
telle sorte que le plancher soit au-dessus de la cote de
référence).
Résister à l'assaut de l'eau : mise en
oeuvre de protections soit collectives (digue, barrière
périphérique), soit individuelles (batardeaux, clapets
anti-retour sur réseaux d'eaux usées,...). Ces dispositifs
permanents ou temporaires de protection ne permettent de protéger les
bâtiments que jusqu'à un certain niveau d'agression.
Céder : laisser pénétrer l'eau dans
le bâtiment et limiter les dommages par anticipation. Cette
stratégie est recommandée pourles pièces enterrées
des bâtiments courants :le faitde laisser une cave se remplir permet
d'assurer l'équilibre des pressions d'eau de partet d'autre des murs
enterrés, ce qui limite lerisque d'effondrement.
céder
éviter
résister
Figure 44 : Les trois
stratégies de prévention contre le risque inondation179(*)
De plus, l'Union Régionale des CAUE (Conseils
d'Architecture, d'Urbanisme et de l'Environnement) donne des prescriptions pour
les constructions en zone inondable qui concernent aussi bien les choix
d'implantation, constructifs et matériaux 180(*):
choisir la meilleure implantation du bâti sur la
parcelle,
bannir les constructions sur remblai,
privilégier une construction sur pilotis ou
prévoir un vide sanitaire important,
prévoir une zone refuge, facile d'accès, dont
la hauteur est située au-dessus de la cote « plancher »
fixée par le PPRI (Plan de Prévention du Risque Inondation),
envisager des possibilités d'évacuation
(balcon, ouverture, toiture...),
veiller à l'accessibilité de la zone de
stationnement,
éviter les clôtures qui peuvent retenir
l'eau,
prévoir un clapet anti-retour aux sorties des
évacuations d'eaux usées,
privilégier une structure susceptible de sécher
rapidement,
éviter les cloisons légères,
remplacer les sols collés (moquettes, parquets,
plastique..) par du carrelage,
surélever les coffrets électriques, installer
des dispositifs de sécurité des personnes (disjoncteurs
différentiels) et installer les prises à un niveau situé
au-dessus du niveau des plus hautes eaux,
installer les équipements sensibles
(chaudières, appareils ménagers) dans des zones moins
vulnérables.
En ce qui concerne l'existant, le MEDDE (Ministère de
l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie) a
développé et mis à jour en août 2012 un document
guide : le référentiel de travaux de prévention de
l'inondation dans l'habitat existant.
« Ségolène Royal a lancé le
10 juillet la stratégie nationale de gestion des risques d'inondation
pour mieux anticiper et s'organiser en amont des aléas. Les objectifs
poursuivis par cette politique impliquent directement ou indirectement les
secteurs de la construction et de l'aménagement du territoire. Un
concours international d'architecture devrait notamment être lancé
prochainement. »181(*)
« Le Fonds de Prévention des Risques
Naturels Majeurs (fonds Barnier) sera désormais mieux ciblé vers
les communes qui font des efforts en prenant des mesures de prévention :
pose de repères de crues, élaboration des plans communaux de
sauvegarde, réalisation d'exercices réguliers par les
maires. »182(*)
LE RISQUE CYCLONIQUE
Une construction paracyclonique est un bâtiment
conçu pour résister au mieux aux effets directs imposés
par un cyclone tropical : les rafales de vent, la pluie diluvienne, les
inondations, les débris transportés par le vent ou les
rivières, les glissements de terrain, l'onde de tempête
près des côtes... Elles ne résistent pas à tous ces
phénomènes (l'accent est surtout mis sur la protection aux effets
du vent, aux débris aériens, et à la pluie), mais
garantissent un niveau de solidité suffisant pour assurer la survie des
populations affectées et, dans une moindre mesure, préserver les
biens et les équipements vitaux.
Il n'existe pas de norme unique synthétisant toutes les
spécificités des constructions anticycloniques. En
général, les normes définissent une échelle des
niveaux de sollicitation ou de résistance, avec éventuellement
des préconisations sur le choix du niveau en fonction de l'exposition,
définie par une carte des vents.
La protection aux effets du vent (efforts de
soulèvement et horizontaux) se réalise par lestage ou ancrage et
par contreventement :
Couverture : resserrement des espaces entre pannes et
chevrons, augmentation des fixations ;
Façade et menuiserie : montants et vitrages plus
épais ;
Contreventement : murs de refend répartis
régulièrement sur chaque façade ;
Soulèvement : lestage des poteaux, ancrage de la
structure de la toiture dans celle du bâtiment ;
Prise au vent : éviter les grands débords de
toiture, à moins de les lester.
La protection contre les impacts de débris
aériens cible :
Les murs extérieurs : réalisation en
matériau assez solide, des maçonneries ou des planches en bois
;
Les vitrages des menuiseries : protection par des volets ou
utilisation de vitres feuilletées ;
La végétation : absence d'arbre
susceptible d'être arraché à proximité des
bâtiments.
La protection à l'eau de pluie, qui peut être
projetée à grande vitesse sur des trajectoires horizontales ou
même ascendantes impose une grande étanchéité
du bâtiment :
Utilisation de matériaux peu sensibles à l'eau
;
Imperméabilisation des couvertures et façades
;
Limitation des passages potentiels d'eau (recouvrements) ;
Récupération de l'eau infiltrée et
évacuation.
LES FORMATIONS LIÉES AUX RISQUES EN
ARCHITECTURE
Certaines écoles d'architecture françaises
dispensent une formation parasismique dans le programme du cursus initial. Le
degré d'approfondissement et les thèmes abordéssont
très variables d'une école à l'autre. De plus, l'absence
d'application en « projet » ne permet pas de réelles
mises en pratique et mise en mémoire.
Deux écoles proposent une formation post-diplôme
spécialisée : ENSA-Marseille (DPEA183(*) « Construction
parasismique », formation d'un an) et ENSA-Paris-Belleville (DSA184(*) « Architecture et
risques majeurs », formation de deux ans).
L'École Spéciale des Travaux Publics et du
Bâtiment (ESTP), en partenariat avec la Fondation Architectes de
l'Urgence, propose un mastère spécialisé : «
Urgentiste Bâtiment et Infrastructures » (UBI).
8 CONCLUSION
On constate un certain investissement de la profession
d'architecte dans les problématiques de la prévention des risques
et de la reconstruction post-catastrophe, même si la formation est encore
légère dans ce domaine.
Dans la prévention, des architectes et urbanistes
participent à la mise en place de réglementations, de plans de
prévention, ou encore diffusent des guides de préconisations.
Certains architectes, bien que rares en France, tiennent compte de la
prévention des risques dès le début de la conception de
leurs projets. D'autres encore participent à la recherche de nouveaux
procédésvisant à accroître la résistance des
édifices du futur.
Dans la gestion des crises, de nombreux architectes se
proposent d'élaborer en amont des solutions de logements d'urgence
(provisoires ou transitoires) particulièrement optimale en termes de
coût, de délai, de performances, et d'adaptabilité.
Certaines solutions préfabriquées proposées sont
très astucieuses, même si l'exercice de départ, en raison
de la grande variété des situations qu'il cherche à
couvrir, impose d'inévitables inconvénients. Pourtant, il semble
que très peu d'entre elles dépassent le stade théorique ou
de prototype. Il convient alors d'interroger l'origine de ces
propositions : la plupart sont spontanées, ou ne répondent
qu'à un concours d'idées sans projet de fabrication. En effet,
les décisionnaires et les bailleurs de fonds spécialisés
dans la reconstruction post-catastrophe laissent peu de place aux propositions
des architectes. Peut-être faudrait-il s'imposer en forçant les
places parmi ces décisionnaires, ou encore en créant un propre
organisme disposant de fonds...
Les situations d'urgence sont très variées, mais
possèdent souvent des caractéristiques et des contraintes
communes. Il semble difficile d'élaborer un cahier des charges englobant
toutes les situations de crise, mais la création d'un ensemble de cahier
de charges répondant chacun à un sous-groupe (type de
catastrophe, contexte climatique, démographique, etc.) paraît plus
acceptable. Les solutions proposées à chaque catégorie de
situations pourraient alors être stockées dans une base de
données, et diffusées et utilisées en cas de besoin. Il
faut cependant garder à l'esprit que le stockage de propositions
préfabriquées est inutile si les éléments
préfabriqués (ou du moins les machines de production) ne sont pas
effectivement fabriqués avant la catastrophe. En revanche, le stockage
de solutions techniques à mettre en oeuvre rapidement après le
désastre peut s'avérer utile et ne nécessite pas de
financement spécifique.
Le succès des projets d'architectes dans la
reconstruction durable post-catastrophe (avec transfert de compétences)
est une preuve de l'intérêt d'une généralisation de
leur intervention.
8.1 LES
RÉPONSES « ACTIVES »
Les réponses « actives » regroupent
les actions menées « sur le terrain » en
réponse à une catastrophe. Il s'agit d'essayer
d'appréhender la place de l'architecte dans la reconstruction effective
et sa position dans les rouages de l'aide internationale post-catastrophe, et
de déterminer ce que ses compétences peuvent apporter à
chaque étape de la reconstruction.
8.1.1 LA POSITION DE L'ARCHITECTE AU
SEIN DE L'AIDE INTERNATIONALE
On trouve des architectes dans plusieurs entités
« actives » de l'aide internationale à la
reconstruction. Certaines d'entre elles accueillent quelques architectes afin
d'exploiter leurs compétences et expertise, d'autres les regroupent et
les représentent.
ONU HABITAT
Le Programme des Nations unies pour les établissements
humains (PNUEH), également appelé ONU-Habitat, est une agence
spécialisée de l'ONU, créée en 1978. Sa mission est
de « de transformer les villes pour en faire des lieux plus
sûrs, plus sains et plus verts offrant davantage d'opportunités et
où chacun peut vivre dans la dignité. 185(*)»
ONU Habitat est un organisme reconnu, qui trouve ses
partenaires à toutes les échelles : gouvernements,
autorités locales, ONG, secteur privé, etc. Il s'efforce de se
positionner comme un catalyseur, afin de garantir une cohérence globale
d'action sur les questions de l'urbanisation.
Figure 45 : Structure de UN
Habitat186(*)
ONU-Habitat se compose de trois organes principaux:
le Conseil d'administration (CA), dont le rôle est de
définir les grandes orientations stratégiques et politiques de
l'ONU-Habitat et d'approuver ses programmes et du budget. Il est composé
de 58 Etats membres qui sont élus par le Conseil économique et
social de l'Assemblée générale des Nations Unies (ECOSOC)
et se réunit tous les deux ans.
le Secrétariat, qui est l'organe
exécutif : il traduit les décisions du CA en
stratégies et programmes concrets, et veille à leur
exécution.
le Comité des représentants permanents (CRP),
qui a un rôle de supervision : il veille à ce que les
objectifs définis par le CA soient bien atteints par les
stratégies du Secrétariat.
Figure 46 : Le
Secrétariat de UN Habitat187(*)
Les missions du Secrétariat de l'ONU Habitat se
déclinent sous sept thématiques principales :
La législation urbaine
L'urbanisme et le design
L'économie urbaine
Les services urbains de base
Le logement et l'amélioration des conditions de
logement
La réduction des risques et la reconstruction
La recherche urbaine et le développement des
capacités
Le département« Réduction des risques
et Reconstruction » vise à accroître la
résilience des villes face aux impacts des crises naturelles et
anthropiques. Il aide aussi les gouvernements et les autorités locales
dans la gestion des catastrophes à travers ses services d'intervention
en cas de catastrophe. Les principaux domaines d'activité sont la
prévention, la protection et la reconstruction d'urgence des services de
base et des infrastructures essentielles, pour permettre une restauration
rapide des transports, de l'accès à l'eau et des systèmes
d'assainissement en cas de catastrophe. Ce département se compose de
trois sous-unités :
Logement : Shelter Rehabilitation Unit (ShRU)
Urbanisme : Settlements Rehabilitation Unit (SRU)
Prévention : Risk Reduction Unit (URRU)
Les responsabilités de l'ONU-Habitat dans les
situations d'urgence humanitaire, et de reconstruction post-crise sont le
soutien des gouvernements, des autorités locales et de la
société civile dans la gestion de la crise. L'agence tire parti
de son expertise dans les programmes de développement à long
terme dans le soutien des premiers efforts de relèvement et de
reconstruction, afin de réduire au maximum la période d'urgence.
L'ONU Habitat s'efforce de tendre à une reconstruction durable
dès la phase d'urgence : les efforts d'urgence doivent être
considérés dès le début comme une passerelle vers
la reconstruction à long terme, et les acteurs locaux doivent être
impliqués dans le processus le plus tôt possible.
L'ONU Habitat agit donc dans les situations de reconstruction
post-catastrophe comme un coordinateur entre les différents acteurs de
l'aide internationale et locaux. Il apporte son soutien au gouvernement local
dans la définition d'une politique de reconstruction concernant le
logement et le développement urbain.
En l'absence de statistiques d'emploi spécifiques, il
est impossible de déterminer le nombre d'architectes travaillant au sein
de l'ONU Habitat. Pourtant, au vu des offres d'emplois de 2014, il semble que
la profession soit peu représentée (un poste sur 17 offres).
L'UNION INTERNATIONALE DES
ARCHITECTES
L'Union Internationale des Architectes (UIA), est une
organisation non gouvernementale (ONG), qui fédère à
l'échelle mondiale un ensemble d'organisations nationales d'architectes
membres : « elle rassemble aujourd'hui les organisations
professionnelles de 124 pays et territoires et regroupe, à
travers-elles, plus d'un million trois cent mille architectes dans le
monde. »188(*) Elle est née, à Lausanne, le 28 juin
1948, de la fusion du Comité permanent international des architectes
(CPIA fondé en 1867 à Paris), des Réunions internationales
des architectes (RIA, tenues depuis 1932) et des Congrès internationaux
d'architecture moderne (CIAM inaugurés en 1928).189(*)
Elle se compose de :
Une assemblée générale, qui
réunit, tous les trois ans, les délégués de toutes
ses Sections membres afin d'examiner les propositions et le bilan du Conseil,
de procéder à l'élaboration des stratégies futures
de gouvernance de l'Union, et d'élire les membres du Bureau et du
Conseil.
Un Conseil, constitué de quatre représentants
de chacune des cinq Régions de l'UIA, qui se réunissent deux fois
par an.
Un Bureau, dont les membres (le Président, le
Président sortant, le Secrétaire général, le
Trésorier et les cinq Vice-présidents) siègent
également au Conseil et se réunissent deux fois par an, entre les
sessions du Conseil de l'UIA.
« L'UIA se consacre à l'évolution
et à la promotion de la profession ainsi qu'à celles de la
qualité de l'architecture dans le monde, grâce aux travaux
effectués par des experts mondiaux, au sein de trois commissions
dédiées à la formation de l'architecte, l'exercice de la
profession et les concours d'architecture. »190(*)
« La Section membre de l'UIA est l'organisation
professionnelle la plus représentative des architectes d'un pays.
L'ensemble de ses membres constitue l'UIA, le seul réseau mondial des
professionnels de l'architecture. »191(*)
Pourtant, certains architectes ne se sentent pas
représentés, et interrogent la légitimité et
l'efficacité de l'organisation : selon Christine Desmoulins, du
magazine D'Architectures « On entend souvent dire que l'UIA ne
sert à rien... »192(*). Albert Dubler, président sortant (2011-2014)
de l'UIA, explique : « Le défaut de reconnaissance n'est
pas le fait des seuls architectes français. C'est aussi le
résultat de nos faibles moyens financiers, des urgences qui attirent la
presse et les médias. »193(*)
En réalité, les principales fonctions de l'UIA
sont :
La défense de la profession d'architecte : l'UIA
a notamment apporté son soutien aux architectes espagnols en janvier
2013, dans la lutte contre l'ouverture du marché des architectes aux
ingénieurs (quelle que soit leur spécialité)
proposée par le gouvernement espagnol.
Le contrôle de la formation d'architecte :
« Concernant la formation, le travail d'experts
désignés par l'UIA et l'Unesco a débouché sur la
mise au point d'une charte approuvée en 1996, actualisée en 2005
et révisable tous les six ans. L'objectif est de former des architectes
capables de faire face aux défis professionnels, culturels et
sociaux. »194(*)
La mise à disposition d'informations concernant la
profession et la formation d'architecte, notamment par le biais du site
internet.
La défense du patrimoine architectural, en partenariat
avec l'UNESCO : c'est, par exemple, grâce à leur intervention
conjointe, que la tour Gazprom de 300m de haut n'a pas été
construite dans le centre historique de Saint-Pétersbourg.
L'organisation de Congrès tous les trois ans
« qui réunissent plusieurs milliers de participants,
[et] sont des lieux d'échanges entre architectes de tous les pays.
D'éminentes personnalités de la communauté architecturale
internationale, de l'aménagement et de la construction y
interviennent. »195(*)
L'ONU Habitat et l'UIA signent un accord de coopération
le 3 octobre 2005. « Il est le premier d'une série que
l'UIA souhaite conclure avec d'autres agences internationales afin d'accroitre
la portée et l'efficacité' de ses décisions et de ses
actions sur la scène internationale. »196(*)
Il s'agit de mettre en commun l'expertise technique des deux
organisations dans le but de mener des actions concrètes dans:
La reconstruction et le développement, à la
suite d'un conflit ou d'une catastrophe, en particulier dans les secteurs de
l'accès au droit du sol et aux ressources, du relogement, des moyens de
subsistance, de la gestion des ressources naturelles et les mesures
d'urgence;
Les ressources en eau et les services en faveur des
populations les plus démunies;
L'environnement urbain durable ;
L'éradication de la pauvreté ;
La formulation et l'évaluation de projets et
d'activités de reconstruction et de développement
consécutifs à des conflits ou des catastrophes.197(*)
Les « actions concrètes »
visées par cette collaboration sont :
Générer et diffuser l'information et les
connaissances dans les domaines précédents afin de permettre aux
différents partenaires d'apporter des solutions adéquates
à des problèmes qu'ils auraient eux-mêmesidentifiés
;
Encourager les compétences au niveau local,
régional et national pour faire face à la reconstruction et au
développementconsécutifs à des conflits ou des
catastrophes ;
Promouvoir une meilleure formulation des projets, de leur
exécution et de leur gestion;
Promouvoir la formation, la connaissance des processus de
construction et le transfert des savoir-faire.198(*)
Concernant les catastrophes en milieu urbain, l'objectif est
d'améliorer la prévention, les secours et les services d'urgence
lors de désastres, ainsi que les capacités en matière de
planification et de conception, au sein de la profession à travers les
Sections membres de l'UIA. Les moyens d'action proposés sont :
Publication de documents de référence
déjà existants pouvant aider à diffuser les connaissances
sur ce sujet.
Préparation de programmes et de cours pour des
Institutions liées à la formation architecturale.
Création d'un site web et publication d'une
e-newsletter.
Définition d'un modèle-type d'intervention en
cas de désastres pour sensibiliser les architectes et les aider à
organiser la coordination de programmes de ce type dans leurs régions
respectives.
Développement du renforcement des capacités au
niveau local et international afin d'aider les communautés à
bénéficier des expertises disponibles au sein de la profession,
c.à.d. des sections membres et autres institutions
concernées.199(*)
C'est certainement dans cette optique que l'UIA
décerne, le 6 août 2014, le prix Vassilis Sgoutas à la
fondation Architectes de l'urgence200(*), alors que celle-ci n'avait trouvé que peu
d'écho à sa demande de soutien et à ses propositions au
Congrès de juillet 2002 à Berlin. Patrick Coulombel regrettait
alors : « l'UIA représente 110 pays, mais ne dispose pas
de moyens financiers permettant d'être réellement
opérationnelle. »201(*)
ARCHITECTURE ET
DÉVELOPPEMENT
Architecture et Développement (A&D) est une
Association de Solidarité Internationale, créée à
Paris en 1997, qui agit dans l'urgence et le développement : elle
« conçoit et réalise des projets d'Habitat durable
intégré et fournit de l'appui technique aux acteurs de la
(re)construction dans les situations de post-crise ou de
développement. »202(*)
A&D regroupe un ensemble de professionnels du cadre de vie
bâti : architectes, ingénieurs, géographes,
anthropologues, qui s'efforcent de produire des processus et des
réponses concrètes aux demandes de partenaires locaux ou de
programmes de bailleurs en formant des Groupes de Travail
bénévoles autour de projets ou de missions. Certains projets de
recherche font l'objet de conventions (thèses). Lorsque des membres de
A&D sont contractualisés pour des missions de prestations d'appui ou
de mise en oeuvre de projet auprès de Maitres d'Ouvrages, une part de
leur rémunération revient en tant que "mécénat de
compétence" dans un fond de solidarité de projets.
« A&D ne finance pas de projet et fonctionne
sur la base de bénévolat, de mécénat de
compétence ou de prestations de services. »203(*)
Les différents domaines d'intervention de l'association
sont :
L'architecture appropriée, qui s'engage dans la
recherche et le développement de solutions techniques employant les
ressources locales (matériaux, énergies renouvelables).
Le développement urbain et rural, par la
réalisation d'études de faisabilité, de diagnostiques, de
montages de projets de logements, d'équipements sociaux,
éducatifs et culturels.
L'humanitaire et la post-urgence, en proposant conseils et
expertise aux ONG pour les programmes de reconstruction, de
réhabilitation et de prévention des risques climatiques.
« Afin de porter les valeurs de nos engagements
professionnels au service de la solidarité internationale, A&D est
devenu membre fondateur du réseau Architecture Sans Frontières et
signataire de la Charte de Hasselt204(*) pour un "développement humain" qui milite
pour la fonction sociale, équitable, culturelle et environnementale de
l'Architecture, la Construction, la Restauration du patrimoine historique et de
l'Urbanisme. »205(*)
L'association A&D dénonce « une
dispersion de moyens et des lacunes dans la
réalisation »206(*) de certains projets menés par l'aide
internationale post- catastrophes.« Les interventions
humanitaires post-crise ou post-catastrophes peinent à répondre
efficacement et durablement aux besoins essentiels des populations
précarisées » 207(*)en négligeant la prise en compte de nombreux
critères dans leur globalité et sur le long terme. L'association
s'engage dans la lutte contre ces lacunes :
« Les compétences des opérateurs
de la (re)construction, souvent des ONG généralistes, sont en
décalage avec la réalité des pratiques constructives
locales, sous estiment l'impact des programmes d'urgence sur le cadre
bâti, maitrisent mal les enjeux de qualité et de sureté des
bâtiments, prennent difficilement en compte les usagers et se comportent
finalement en prestataires de mètres carrés au lieu de
s'insérer dans une vision de (re)construction globale, multisectorielles
intégré à d'autres objectifs sociaux, économiques
et culturels, garants d'un développement plus viable et plus
durable. »208(*)
ARCHITECTES SANS
FRONTIÈRES
L'association Architectes Sans Frontières est une
association Loi 1901 à but non lucratif, fondée en 1979 dans le
but de donner une dimension sociale à l'architecture :
« Proposer des formes de pratiques professionnelles
adaptées, ouvertes à la diversité des cultures et des
sociétés qui intègrent la parole des exclus ou des
démunis et qui répondent à un partage plus
équitable de cet espace. »209(*)
Cette association, entièrement bénévole,
se compose de quatre délégations : Paris, Lyon, Grenoble et
Toulouse, et possède un Conseil d'Administration unique.
Après avoir suspendu ses activités en 1996,
l'ASF est reprise en 2002 par un groupe d'étudiants en architecture de
Strasbourg, avec l'aide d'anciens membres.
« Aujourd'hui Architectes Sans Frontières
développe ses projets avec les autres partenaires de l'action solidaire
à l'international ainsi qu'en France. Elle s'appuie sur une dynamique
décentralisée en réseau de délégations
régionales favorisant la mobilisation des compétences et des
énergies. »210(*)
L'association participe à la fondation de Architecture
Sans Frontières International (ASF-Int), aux côtés de
A&D, en 2007. Ce réseau international d'associations, et ONG
d'architectesest soumis à la charte de Hasselt,qui synthétise
leurs principes éthiques.
ARCHITECTES DE L'URGENCE
Architectes de l'urgence est une Organisation de
Solidarité Internationale française créée sous le
statut d'association en 2001, en réponse aux inondations dans la
Vallée de la Somme, et reconnue fondation d'utilité publique par
la suite. Cette organisation, composée d'architectes,
d'ingénieurs, planificateurs, etc., est spécialisée dans
l'urgence et la reconstruction post-catastrophe.
Le Conseil d'Administration réunit le président
(Dominique Alet, architecte), un représentant du Ministère de
l'Intérieur, un représentant du Ministère des Affaires
Etrangères et du Développement International, un
représentant du Ministère de la Culture et de la Communication,
et huit architectes et membres de la société civile.
La fondation propose des contrats Volontariat de
Solidarité International (VSI), des stages, et des Missions Courtes pour
professionnels expérimentés.
Les VSI, dont la durée minimale d'un an est
renouvelable jusqu'à un total de 6 ans, sont destinés aux
architectes, ingénieurs, urbanistes, géographes, planificateurs
et administrateursde tous horizons.
Les missions courtes, d'une durée comprise entre 2
semaines et 3 mois, ciblent les professionnels expérimentés
(architectes, ingénieurs, psychologues, etc.), et concernent les besoins
ponctuels d'interventions immédiates suite à une catastrophe
(évaluation ponctuelle d'un projet en cours ou à venir, formation
spécifique du personnel local, etc.).
Tous les intervenants (volontaires ou salariés) de la
fondation s'engagent à respecter les principes fondateurs de la
FAU211(*), ainsi que sa
Charte de bonne conduite.
La Charte de bonne conduite concerne le respect total des lois
et règles des pays dans lesquels la Fondation oeuvre, l'interdiction
d'actes de nature délictueux ou criminels, mais aussi les conflits
d'intérêt, le principe de confidentialité, les principes de
neutralité, de respect, de non dénigrement et de
discrétion, la propriété intellectuelle, et la protection
de la marque, des symboles, des signatures, des logos et tout signe distinctif
de la FAU.
La Fondation des Architectes de l'urgence a pour objectif
de :
« Apporter un soutien adapté à
chaque étape de la situation de crise; de l'évaluation des
dommages (mise en sécurité) à la première
assistance d'urgence;
Garantir le respect de la dignité humaine et
conserver le patrimoine architectural, culturel et historique mondial;
Utiliser un support financier de façon
professionnelle afin de mettre en place des reconstructions de qualité
et des programmes de formation. »212(*)
Elle veille à n'agir que lorsque nécessaire, et
à intégrer ses partenaires locaux dans chaque projet :
« Tout au long de notre action, agir en
concertation avec les bénéficiaires, en respectant
l'autorité des lois et réglementations locales, en associant les
acteurs locaux à nos actions. »213(*)
Ses compétences et son expertise de l'urgence lui
permettent, en situation d'urgence de :
Mener une évaluation cartographique préalable
rapide des dégâts par le biais de UNOSAT GPS technologies ;
Faciliter des partenariats éthiques avec les acteurs
présents sur place : les communautés et gouvernement locaux
et les organisations humanitaires ;
Evaluer sur le terrain les besoins réels des
populations et l'état des bâtiments ;
Evaluer les risques immédiats qui menacent les
populations et identifier les mesures stratégiques de mise en
sécurité afin de permettre un rapide « retour à
la normale » ;
Apporter un soutien à la gestion des populations
déplacées : mise en place d'abris temporaires,
réparation des infrastructures, etc.214(*)
La FAU dispose de sections nationales en Australie et au
Canada, et possède un vaste réseau international de
partenaires : organisations internationales (parmi lesquelles UNOSAT, UN
Habitat, UNICEF, UNHCR, PNUD, UIA, ECHO, etc.), institutions (par exemple,
l'AFD, diverses ambassades, le CIAF, le CNOA, etc.), organismes de
solidarité (MSF Suisse, CICR, Fondation Abbé Pierre, Fondation de
France, Fondation Rainbow Bridge, International Rescue Committee, etc.), et
entreprises (Bouygues, ArchiBat, AutoDesk, Somfy, Veolia, Crédit
Agricole, Crédit Mutuel, etc.).
Même si de nombreux architectes proposent leurs services
et leurs compétences dans les situations de reconstruction
post-catastrophe, la profession semble sous-représentée dans le
milieu. En effet, seules les petites structures de type association ou
fondation se montrent réellement actives et permettent aux architectes
d'apporter leur expertise en matière de relogement et de reconstruction.
Tout se passe comme si le caractère « urgent » des
situations post-catastrophe justifiait de se passer des conseils et de
l'expertise des architectes en matière de logement et de construction.
C'est à ceux-ci de s'imposer, de se forcer une place dans la
reconstruction, en créant leurs propres structures. Ce paradoxe pourrait
s'expliquer en partie par l'image que peut parfois produire l'architecture dans
les esprits : conception « artistique » des
édifices, vue comme un « luxe » superflu en cas
d'urgence.
8.1.2 L'EXPERTISE DE L'ARCHITECTE DANS
LA RECONSTRUCTION
Pourtant, l'expertise de l'architecte peut s'avérer
essentielle, voire indispensable, à une réponse optimale à
une situation de crise post-catastrophe, et ce, à toutes les
étapes de la réponse (secours des survivants, évaluation
des dégâts et des besoins, relogement provisoire, reconstruction
durable...) et à toutes les échelles. Les exemples qui suivent
sont essentiellement basés sur l'expérience de la fondation
Architectes de l'urgence.
SECOURS DES SURVIVANTS
Aussi étonnant que cela puisse paraître, les
compétences d'un architecte peuvent être utiles dès
l'étape de secours qui suit un désastre. En effet, dans le cas
d'un séisme, ce sont les effondrements d'édifices ou d'ouvrages
d'art qui causent de nombreuses victimes. La connaissance du comportement des
édifices à une stimulation de type sismique peut permettre de
cibler les recherches et d'optimiser les chances de trouver des survivants.
Pour Patrick Coulombel, directeur général et directeur technique
de la FAU, « Il parait évident, à termes, que des
architectes spécialisés dans les actions après
catastrophes, notamment les séismes, devront intervenir conjointement
avec les équipes de sauvetage et de déblaiement pour sauver des
vies. »215(*)
EVALUATION DES DÉGÂTS ET DES
BESOINS
De même, le recours à des spécialistes du
bâtiment est essentiel dans l'évaluation des dégâts
et des besoins réels. Il s'agit d'élaborer une cartographie de
manière rapide et efficace, de manière à pouvoir produire
au plus vite une stratégie de restauration optimale et adaptée.
Les Architectes de l'urgence, de par leur expérience des situations
d'urgence, ont développé une méthode qui combine la
cartographie satellite (en partenariat avec UNOSAT) et l'évaluation de
terrain au moyen de « codes couleurs ». Le cofondateur de
la FAU explique :
« En partenariat avec deux agences des Nations Unies
- « UN Habitat » et « UNOSAT » - nous [avons
travaillé] à un programme nous permettant de sortir des
évaluations de terrain incontestables dans les jours et les semaines
suivant une catastrophe. Cet objectif commun - donner une information fiable
émanant de professionnels du traitement de ce type de catastrophes -
s'avère capital pour ne pas perdre de temps, d'énergie et surtout
d'argent à cause d'évaluations erronées
générant des programmes inadaptés à la
réalité de terrain. » 216(*)
A Toulouse déjà, dans la gestion de la crise
provoquée par l'explosion de AZF, les Architectes de l'urgence avait
travaillé aux côtés des pompiers de la ville. Patrick
Coulombel témoigne : « un responsable des pompiers de la
ville de Toulouse [...] souhaite travailler avec nous. Il avoue que,
techniquement, il n'est pas compétent pour les constructions
nécessitant une expertise et qu'il ne veut pas prendre de risques pour
les habitants des bâtiments qu'il suppose dangereux.
»217(*)
RELOGEMENT PROVISOIRE
Cela peut sembler encore une fois surprenant, mais
l'intervention d'architectes et d'urbanistes pour le relogement, même
provisoire,des populations sinistrées peut s'avérer
particulièrement fructueuse. En effet, même les décisions
de cette étape d'urgence doivent être considérées au
regard de la reconstruction globale, car elles ont des conséquences
considérables sur le long terme : choix de l'établissement
de camps ou non, dimensionnement, choix du site, organisation, choix des
solutions techniques concernant l'habitat provisoire, prise en compte du
risque, utilisation des ressources locales (matériaux, main d'oeuvre,
expertise), participation maximale des partenaires locaux et des
« bénéficiaires », etc. Dans de tels
contextes, des experts de ces thématiques, spécialisés
dans la situation d'urgence spécifique, peuvent apporter beaucoup dans
la prise de décisions, à l'échelle « du
terrain », comme à l'échelle de la stratégie
d'ensemble.
En 2006, au Pakistan, les Architectes de l'urgence
intègrent la reconstruction durable dans la réalisation des abris
temporaires : « En partenariat avec UN Habitat, l'agence des
Nations Unies spécialisée dans le logement, nous travaillons
à la réalisation d'un abri permettant aux sinistrés de
passer l'hiver et ensuite de récupérer ces matériaux pour
un habitat pérenne. »218(*)
Après le séisme de Juin 2006 à Java, la
dimension sociale est considérées dans la réalisation des
abris d'urgence, des « tentes familiales de dimensions importantes -
25m - permettant de garder le lien familial. »219(*)
La réflexion à l'échelle urbaine est
indispensable dès la phase d'urgence, ce qui implique l'intervention
d'architectes et d'urbanistes dans l'élaboration d'une stratégie
globale. La FAU s'efforce de développer un « urbanisme
d'urgence » participatif en amenant « la
population des zones d'intervention à formuler un plan de
développement local pour appréhender, orienter et maîtriser
les projets de reconstruction et de développement sur son
territoire »220(*). Cet accompagnement passe par la définition
d'un « profil de quartier » (données
foncières, institutionnelles, géographiques et
socio-économiques, cartographie des risques, diagnostic d'impact de la
catastrophe), des exercices d'énumération, élaboration
d'un plan de restructuration du quartier (services de base, services sociaux,
espaces publics, espaces verts, zones d'activités, etc.), et une
campagne d'information communautaire. A propos de Haïti, Patrick
Coulombel, déplore l'absence de réflexion à
l'échelle urbaine : « la stratégie
adoptée n'est pas la bonne, on est en train de pérenniser une
situation précaire et de réintroduire du bidonville au lieu de
favoriser la construction permanente »221(*). Selon lui,
« L'exemple de l'urbanisation du camp Corail est le
contre-exemple d'une urbanisation non maîtrisée loin des
infrastructures économiques et de transports. C'est une urbanisation du
type camp de réfugiés traitée comme un camp militaire,
alors que c'est la ville que l'on doit construire »222(*).
L'absence d'architectes et d'experts compétents en
matière de construction peut également prolonger le relogement
« provisoire », ou de « transition », ce qui n'est
évidemment pas souhaitable. En 2012, deux ans après le
séisme d'Haïti, l'IASC (Inter Agency Standing Committee)
prévoit de continuer à produire plus de 20 000 abris de
« transition » (Transitional Shelters) dans son rapport
« Shelter & CCCM Needs Analysis and Response Startegy ».
D'après le cofondateur de la FAU, « c'est une erreur
magistrale qui va générer du bidonville au lieu de favoriser la
reconstruction de la ville », que l'on peut expliquer par
« l'autosatisfaction de bon nombre d'organisations qui oeuvrent
dans la production d'abris a volontairement occulté [le] volet
de reconstruction permanente »223(*), faute de compétences techniques dans ce
domaine.
Si le relogement dans des abris temporaires et dans des camps
est à éviter ou à limiter dans le temps, il est parfois
inévitable. Les organisations « actives », qui ont
le sens de la réalité du terrain, peuvent également mener
des projets de recherche dans le but de réaliser des solutions d'abris
temporaires performantes en termes techniques, de coût, d'acheminement,
de délai, de montage, etc. C'est le cas de « Abri d'Urgence
»,un projet de recherche mené par la FAU dans le but de
« se substituer aux abris transitoires lourds, coûteux,
dont le montage requiert électricité et équipements
spéciaux, et généralement non démontables qui
constituent une perte importante de temps, de ressources et
d'énergie»224(*).
RECONSTRUCTION DURABLE
La réhabilitation et la reconstruction durable
nécessitent les compétences liées aux professions de
l'architecture et de l'urbanisme de manière plus évidente.
Après une phase d'analyse de critères variés, il s'agit de
mettre en place une stratégie de mitigation des risques tout en veillant
à intégrer les spécificités locales, utiliser les
ressources locales, favoriser l'économie locale et le transfert de
connaissances, et respecter l'environnement.
Une reconstruction pérenne ne peut être
menée sans « valoriser les savoir-faire de chacun, former
la population pour qu'elle soit apte à assurer sa propre reconstruction,
créer de l'emploi, utiliser le matériel local et intégrer
les principes de développement durable dans tout le
procédé de reconstruction. »225(*)
Malgré la bonne volonté des ONG
« généralistes », seuls des experts de la
construction spécialisés dans les risques sont capables de
prendre la responsabilité de constructions et de transférer leurs
connaissances en matière de mitigation des risques aux professionnels
locaux. En 2002 en Afghanistan, Patrick Coulombel constate avec stupeur que des
constructions sont réalisées dans l'ignorance des règles
de l'art les plus basiques (« réalisation d'une
école sans appliquer les règles élémentaires :
surcharge de construction, vérification des portances,
etc. », « construction de bâtiments sans
mesures parasismiques adaptées »226(*)...) :
« Je constate que n'importe qui construit un peu
n'importe comment : d'évidence lorsqu'il n'y a pas d'architectes ou
d'ingénieurs, on sait s'en passer... L'argent publique - celui du
contribuable - est dépensé, sous couvert de l'urgence, sans la
moindre garantie technique. Il m'apparaît ainsi que le « business
humanitaire » permet parfois de faire n'importe quoi en n'ayant que peu de
comptes à rendre. Par voie de conséquence, l'intervention de
professionnels compétents dans l'humanitaire devient tout à fait
indispensable. »227(*)
Le manque de compétences techniques implique non
seulement des risques de malfaçons, mais aussi de possibles lenteurs,
inadmissibles en situation de reconstruction. Au sujet de l'intervention
internationale en Indonésie : « D'une façon
générale, la reconstruction aurait pu aller beaucoup plus vite si
elle avait été entreprise par des professionnels - pas des
professionnels de l'humanitaire uniquement, mais bien par des professionnels de
la construction... » 228(*)
Il peut s'agir également de choix peu pertinents dans
la conception même des édifices de la reconstruction :
respect des traditions locales, prise en compte du contexte climatique, etc. A
Java en 2006, après la phase d'urgence, la FAU mène une
« étude typologique permettant de concevoir une maison
selon les standards UN, en tenant compte des typologies d'habitat
locaux » afin de concevoir « des maisons et pas dans
des cabanes en bambous ou des cases faites en tôles, inhabitables compte
tenu de la chaleur ».229(*) L'objectif est de se montrer
« performants dans la gestion de l'urgence, [...] de
répondre intelligemment en apportant de réelles solutions dans le
cas d'un développement durable et cela en utilisant des matériaux
locaux ainsi que le savoir-faire incontestable des
populations »230(*).
L'intervention de professionnels du bâtiment dans
diverses situations d'urgence nourrit également leurs connaissances, et
permet de développer une expertise de la reconstruction
post-catastrophe. Il affirme, à propos du tremblement de terre survenu
en Algérie en 2003 : « Forts de cet enrichissement
technique et humain et de l'analyse des catastrophes comme celles-ci, nous
avons acquis au fur et à mesure des séismes une réelle
expertise, une connaissance du comportement des constructions.
»231(*)
PARTICIPATION ET FORMATION
Le succès d'une reconstruction durable réside
dans la participation des acteurs locaux : d'une part, des victimes du
désastre de manière générale, d'autre part, des
professionnels de la construction locaux. Il s'agit de progressivement
« passer le relais » à la population locale, pour
qu'à terme, elle conduise sa propre reconstruction.
Tout d'abord, cette implication permet aux victimes de la
catastrophe de se reconstruire un futur et de se l'approprier. Cette
démarche peut être considérée comme
psychologiquement bénéfique : elle rompt avec l'assistanat,
et évite que les « bénéficiaires » ne
soient spectateur de leur reconstruction, ne se sentent exclus des
décisions qui concernent leur propre avenir.
De plus, l'implication et la rémunération des
acteurs locaux injecte les financements et dons directement dans
l'économie du pays : les acteurs de l'aide internationale doivent
éviter, dans la mesure du possible, de se positionner comme des
entrepreneurs.
Il existe différents moyens de faire participer la
population locale, plus ou moins adaptés aux différentes
situations et contraintes : le « cash for work »,
l'appel aux « contractors » en font partie. Ce sont les
moyens qu'ont utilisé les Architectes de l'urgence en
Indonésie :
« Toute la partie construction est effectuée
selon deux grands principes : le « cash for work » (argent contre
travail) ou l'utilisation de « contractors » (entreprises).
[...] Si l'on tient compte de la qualité du travail à
réaliser, des délais de fabrication ou de mise en oeuvre ainsi
que du coût final des constructions, contrairement à ce que l'on
pourrait penser, faire travailler directement des entreprises - après un
appel d'offres - se révèle une solution tout à fait
acceptable. Toutes les entreprises travaillant pour nous ont l'obligation
d'embauche du personnel local directement touché par le tsunami. Cette
constante nous permet, au-delà de l'aspect constructif, de faire vivre
les gens en leur donnant du travail. Techniquement et en termes
d'approvisionnements en matériaux, faire travailler des ouvriers sous
notre responsabilité directe constitue un travail
considérable. »232(*)
C'est également dans cet esprit qu'intervient
l'association Entrepreneurs du monde : ses missions
d' « entreprenariat social » ont pour vocation de
former des artisans, de les accompagner dans la création de petites
entreprises et dans la commercialisation de leurs produits, afin de leur
permettre d'accéder à l'indépendance financière.
Enfin, plus loin que la formation de nouveaux artisans ou
professionnels du bâtiment, il s'agit de compléter les
connaissances des professionnels locaux aux techniques de réduction des
risques :
Sensibilisation aux risques et formation aux techniques
anti-sinistres éprouvées.
Accompagnement dans le développement de nouvelles
techniques de construction qui intègrent la réduction des risques
tout en tenant compte des traditions et ressources locales.
9 CONCLUSION
Parmi les grands organismes internationaux, une agence de
l'ONU, UN Habitat, traite de l'urbanisation ainsi que de la question du
logement. Les membres de son Conseil d'Administration, qui définit les
stratégies et politiques de l'organisme, sont élus par l'ECOSOC
(Conseil économique et social de l'Assemblée
générale des Nations Unies). Parmi les sept missions principales
de UN Habitat, qui concernent majoritairement le développement, on
trouve la réduction des risques et la reconstruction. Parmi les acteurs
qui opèrent dans ce domaine, on doit probablement trouver des
architectes... L'ONU Habitat se positionne dans les situations de
reconstruction d'urgence comme un coordinateur entre les différents
acteurs de l'aide internationale et locaux. Cette entité, dont
l'influence est considérable, donne une place à la
réflexion sur l'urbanisme et l'architecture en situation
post-catastrophe, mais ne peut être considérée comme
l'incarnation de la profession d'architecte.
L'Union Internationale des Architectes est une organisation
internationale qui regroupe un ensemble d'organisations nationales
d'architectes : on peut la considérer comme l'organisation qui
représente le plus la profession à l'échelle mondiale.
Cependant, de nombreux architectes interrogent son utilité. En
réalité, ses principales activités sont la défense
de la profession d'architecte, le contrôle de la formation et
l'organisation de rencontres internationales tous les trois ans. Elle
s'intéresse, depuis 2005, aux problématiques de l'aide
internationale à la reconstruction post-catastrophe et au
développement avec la signature d'un accord de coopération avec
l'ONU Habitat. Pourtant, elle ne semble pas avoir engagé d'actions
concrètes dans cette direction depuis lors.
Les petites structures (associations, fondations),
fondées par des architectes et d'autres professionnels de l'urbanisme et
de la construction, prouvent par leurs activités leur grande
utilité en situation de reconstruction d'urgence. Elles forment entre
elles des partenariats internationaux afin de se rendre plus efficaces.
Néanmoins, bien que pertinentes sur les sujets de logement et de
construction, elles ne sont, de toute évidence, pas assez
écoutées et considérées, au sein d'un
« marché de l'humanitaire » colossal et
pluridisciplinaire.
9.1 SYNTHÈSE
ET CONCLUSION
Certaines propositions de solutions techniques
formulées de manière spontanée par des architectes,
malgré d'inévitables imperfections liées à de
fortes contraintes, sont astucieuses et innovantes. Pourtant, elles restent,
pour la grande majorité, à l'état de projet. Cela
s'explique par la spontanéité de ces propositions, qui, sans
commande particulière, se trouvent sans financements. Les solutions
d'hébergements d'urgence préfabriqués peuvent permettre,
dans certains cas, d'offrir une réponse optimale en termes de
coût, de délai, de facilité de montage, etc.
Malheureusement, elles perdent tout leur intérêt si elles n'ont
pas été réalisées en amont de la catastrophe.
De nombreuses propositions « techniques »
et « actives » développées par des
architectes et autres professionnels de la construction et de l'urbanisme en
réponse à une situation particulière de crise sont
réalisées et se révèlent particulièrement
pertinentes. Elles démontrent la légitimité de ces
professions dans les situations de reconstruction post-catastrophe. Pourtant,
elles ne sont généralement pas assez entendues, pas assez
suivies : on constate un manque de reconnaissance de l'expertise de
l'architecte, surtout lors de la phase d'urgence. Cela se traduit
également par des financements légers (donnés en
priorité aux ONG « généralistes » ou
spécialisées dans d'autres domaines), et un manque d'écho
dans l'élaboration des stratégies globales.
Jusqu'à récemment, la notion d'habitat
était négligée dans la gestion des situations d'urgence,
car la priorité absolue était donnée à
l'alimentation, l'accès aux soins, l'approvisionnement en eau, et la
sécurité. Depuis peu, on assiste à une prise de conscience
progressive de son importance.
Comment introduire l'expertise de la construction, et donner
une place réelle à l'architecte, dans un système d'aide
internationale post-désastre déjà très complexe et
congestionné ? C'est ainsi que naît l'idée d'une
organisation mondiale pour la reconstruction post-catastrophe.
10 VERS UNE ORGANISATION MONDIALE POUR
LA RECONSTRUCTION POST-CATASTROPHE ?
Les parties précédentes pointent le manque de
considération des notions d'architecture et d'urbanisme dans l'aide
internationale post-catastrophe. Pourtant, la prise en compte de ces
thématiques s'avère indispensable à une reconstruction
pérenne, depuis les premiers stades de l'urgence.
De plus, les associations de professionnels de la construction
oeuvrant dans les situations d'urgence montrent que l'expérience permet
de développer une véritable expertise de l'urgence, et de rendre
ainsi l'aide apportée plus efficace. Patrick Coulombel affirme, au sujet
de l'intervention de la FAU en Indonésie : « Notre
habitude d'intervenir dans les contextes difficiles nous permet d'être
opérationnels très vite et de communiquer au mieux les
informations nécessaires au bon déroulement des missions
» et « nos compétences accrues également au cours
des catastrophes nous amènent aujourd'hui à argumenter
très largement sur des choix techniques permettant aux populations
vulnérables de profiter de cette expertise lors de la mise en oeuvre de
nos programmes. »233(*)
C'est ainsi que la question d'une organisation mondiale pour
la reconstruction post-catastrophe se pose, quelle que soit la forme qu'elle
puisse emprunter.Selon Patrick Coulombel « une organisation
mondiale peut répondre immédiatement à une catastrophe
d'une telle ampleur »234(*), en parlant du tsunami de 2004. Sa mise en place
peut certes entraîner des « difficultés juridiques,
comptables, de communication, sans oublier les conflits de
compétence »235(*), mais il reste optimiste : «
l'organisation d'un réseau international est complexe mais
possible »236(*).
Dans cette partie, l'intérêt que pourrait avoir
une organisation mondiale est étudié au regard de l'exemple
d'Haïti. Puis, des propositions sont développées concernant
sa mise en place et sa forme éventuelle, ses moyens d'action à
diverses échelles, ainsi que ses possibilités d'évolution,
avant de conclure sur les limites de ces propositions.
10.1 LE CAS D'HAÏTI
Le cas d'Haïti est particulièrement
intéressant dans la mesure où il illustre diverses
problématiques actuelles de l'aide internationale. En effet, il met en
exergue les difficultés auxquelles celle-ci peut se confronter,
malgré sa professionnalisation récente, son expérience
croissante des situations d'urgence et de reconstruction, et ses efforts de
coordination.
Ce mémoire n'étant pas exclusivement
consacré à l'analyse de la catastrophe à Haïti, cette
étude de cas ne saurait se prétendre complète et
exhaustive. Il s'agit simplement, à travers une mise en contexte globale
et une analyse orientée sur le domaine de la reconstruction à
proprement parler (logements, équipements, etc.), de mettre en
lumière les avantages probables d'une organisation mondiale pour la
reconstruction.
Il est important de souligner que cette étude de cas ne
fait pas le procès des organisations ayant intervenu en Haïti pour
sa reconstruction, mais qu'elle tente simplement de dégager de cette
expérience des conclusions pour le futur.
10.1.1 HAÏTI
AVANT LE SÉISME DE 2010
CONTEXTE GÉOGRAPHIQUE
Haïti est un pays des Grandes Antilles, situé sur
la partie occidentale de l'île d'Hispaniola (environ un tiers de
l'île, soit près de 28 000 km²), que l'on appelle «
Grande terre » ou « Terre Montagneuse ». Le territoire
d'Haïti compte également d'autres îles telles que : La
Gonâve, l'île de la Tortue, Les Cayemites,
l'Île-à-Vache.
De par sa position géographique, Haïti se trouve
dans la sphère d'influence des États-Unis et des puissances
régionales que représentent le Brésil, l'Argentine, le
Venezuela et le Chili. Ce paysfrancophone (langue officielle avec le
Créole), ancienne colonie française, etse situeen outre non loin
des territoires français de Guadeloupe et de Martinique, ce qui explique
ses liens avec la France.
Figure 47 : Situation
géographique d'Haïti
Le relief de la « Terre montagneuse » est
majoritairement composé de montagnes escarpées avec de petites
plaines côtières et des vallées. On distingue deux bandes
montagneuses principales séparée par la Plaine du Cul-de-Sac :
l'une au Nord, où s'élèvent la chaîne du Haut-Piton,
le massif des Montagnes Noires et la chaîne des Matheux ; l'autre au Sud,
constituée par le massif du pic la Selle et le massif de la Hotte.
Figure 48 : Topographie
d'Haïti237(*)
CONTEXTE CLIMATIQUE ET RISQUES
Le climat en Haïti est tropical. La saison des pluies
s'étend d'avril à juin puis d'octobre à novembre. Le pays
subit régulièrement des précipitations importantes.
province climatique
réseau hydrographique
zones irriguées
saisons
précipitations annuelles
Figure 49 : L'eau et le
climat en Haïti238(*)
Le territoire d'Haïti est particulièrement
exposé aux ouragans. Chaque année, de juin à novembre, le
pays est balayé par des vents violents et des pluies torrentielles. En
2008, quatre tempêtes et ouragans successifs ont causé la mort de
près d'un millier de personnes et laissé des centaines de
milliers de personnes sans-abri.
De plus, une large déforestation du pays a
entrainé une forte érosion et un ravinement des sols aux pluies
torrentielles à l'origine de glissements de terrain.
Haïti se trouve à la limite de la plaque
Caraïbe et de la plaque Nord-Américaine, qui se déplacent
à une vitesse relative de 2 cm/an. Le seul séisme majeur des 50
dernières années s'est produit au nord-est de la
République Dominicaine. Les séismes destructeurs historiques ont
été oubliés, ce qui engendre une baisse de la vigilance,
et donc une augmentation de la vulnérabilité.
Ainsi, le pays est soumis à des risques naturels forts
et variés : ouragans, séismes, inondations, glissements de
terrain...
Figure 50 : Risques
naturels en Haïti239(*)
CONTEXTE HISTORIQUE ET POLITIQUE
L'histoire d'Haïti alimente la fierté des
haïtiens : Haïti est le premier pays au monde issu d'une
révolte d'esclaves. En effet, la révolte de Saint-Domingue est
à l'origine de la création de la République d'Haïti
qui devient en 1804 la première république indépendante de
population majoritairement noire. Il s'agit du seul territoire francophone
indépendant des Caraïbes.
Le premier gouverneur, Dessalines, réalise des
exécutions massives parmi les blancs restés sur l'île avant
d'être assassiné à son tour en 1806. Le pays se trouve
divisé : un royaume au nord commandé par le noir Henri
Christophe, et une république au sud avec le mulâtre Alexandre
Pétion. En 1822, le président Jean Pierre Boyer réunifie
les deux parties Nord et Sud et conquiert la partie espagnole de l'île
d'Hispaniola pendant 22 ans, avant que la République dominicaine ne se
déclare à nouveau indépendante en 1844.
Une longue série de coups d'État se
succèdent après le départ de Jean Pierre Boyer. Le pays
s'appauvrit, et peu d'hommes politiques se préoccupent réellement
de son développement. Les intérêts personnels
prévalent, et des révoltes armées soutenues par les
candidats à la succession se déclenchent à chaque fois que
le pouvoir en place se fragilise. Le pays est même transformé en
empire entre 1849 et 1859.
Au début du XXe siècle, Haïti est en
état d'insurrection quasi permanente, ce qui favorise son occupation par
les États-Unis de 1915 à 1934 : assainissement des finances
publiques, restructuration de l'armée, construction d'écoles, de
routes, etc. L'instabilité politique reprend après le
départ des Américains, jusqu'à la dictature des Duvalier
qui durerade 1957 à 1986.
Jean-Bertrand Aristide remporte les élections de
décembre 1990, mais un coup d'État le pousse à s'exiler
aux États-Unis. Pendant trois ans, les milices intimident la population
et assassinent les meneurs syndicaux. En 1994, Aristide est rétabli au
pouvoir par l'administration de Bill Clinton, lors de l'opération «
Rétablir la démocratie », mais sous un programme
néolibéral qui divise. René Préval succède
à Aristide en 1996.Aristide est réélu en 2000, mais sous
le taux d'abstention record de 90%, ce qui indigne la communauté
internationale. Il quitte le pays sous la révolte populaire de 2004, et
Boniface Alexandre, président de la Cour de cassation, assure ensuite le
pouvoir par intérim. René Préval retourne au pouvoir en
février 2006, à la suite d'élections jugées
douteuses.
Depuis mai 2011, le président de la république
d'Haïti est Michel Martelly.
L'histoire du pays explique sa fragilité et sa
difficulté à se développer : pillages des ressources,
occupations militaires, soutiens aux dictatures, liquidation des
économies rurales par la libéralisation des marchés
agricoles...
L'AIDE INTERNATIONALE
CONTROVERSÉE
La nouvelle instabilité politique du pays qui
succède le départ d'Aristide en 2004 entraîne la mise en
place par l'ONU de la Mission des Nations unies pour la stabilisation
d'Haïti (MINUSTAH), car le Conseil de sécurité
considère la situation en Haïti comme une menace à la paix
et la sécurité dans la région. Les objectifs
annoncés sontle renforcement de la sécurité et la
protection durant la période électorale, et l'aide à la
restauration et au maintien de l'état de droit, de la
sécurité publique et de l'ordre public.
Cette Mission de l'ONU, prévue pour durer le temps de
l'élection, a été prolongée et les forces
armées de la MINUSTAH sont actuellement toujours présentes en
Haïti. Cette présence a suscité de nombreuses controverses.
Notamment dès 2004, lorsque des organisations indépendantes pour
la protection des Droits de l'Homme ont accusé la MINUSTAH et la Police
nationale d'Haïti (PNH) de commettre conjointement de nombreuses
atrocités contre les civils.
Selon un journaliste d'Haïti Liberté,
« depuis 2004 les terroristes conventionnels avec l'aval de l'ONU
portant le casque de la Minustah, n'ont fait que violer les fillettes et les
adolescents et assassiner les militants proches des masses populaires. La
grande presse ne parle même pas des indescriptibles exactions de ces
tueurs à gages qui ont perpétré plusieurs massacres dans
les quartiers à forte concentration
populaire ».240(*)
De toute évidence, toute intervention venant de la
communauté internationale dans le pays est délicate, et
susceptible de se confronter à une grande méfiance.
Déjà avant le séisme, l'aide
internationale est implantée dans le pays, sous la forme d'une aide au
développement, et mobilisant d'importants financements. Des
mécanismes complexes de coordination et de gouvernance sont en place et
rassemblent les différentes familles d'acteurs (donateurs, ONG
internationales et nationales, agences des Nations unies, acteurs
multilatéraux, gouvernement d'Haïti, etc.).
entreprises multinationales privées
ONG religieuses humanitaire
assistance bi et multilatérales
Figure 51 : Les
opérations étrangères et leur nature en
Haïti241(*)
Les principaux groupes de coordination présents en
Haïti avant le séisme sont :
Le Groupe des 11 (G11), qui facilite le dialogue entre les 11
principaux donateurs et le gouvernement.
Le Groupe d'Appui de la Coopération Internationale
(GACI), qui inclut les agences de l'ONU, la MINUSTAH, les agences de
développement internationales, les bailleurs et les ONG
internationales.
Le Comité Permanent Inter-organisations (CPIO), qui
est le lieu de coordination entre agences humanitaires.
la MINUSTAH, qui gère la coordination interne aux
Nations unies.
Le Comité de Liaison des ONG (CLIO), qui réunit
ONG nationales et internationales.
Le Système National pour la Gestion et la
Réponse aux Désastres (SNGRD), créé en 1999 par le
Ministre de l'Intérieur, et animé par la Direction de la
Protection Civile (DPC).
CONTEXTE DÉMOGRAPHIQUE ET
ÉCONOMIQUE
La population d'Haïti est estimée à plus de
10 000 000 d'habitants en 2012242(*), dont plus de 43% seraient citadins243(*). La grande majorité
de la population est de religion chrétienne. La plus grande
agglomération est la capitale, Port-au-Prince, avec une population
estimée à 2 300 000 habitants en 2009, suivie du Cap-Haïtien
avec environ 250 000 habitants.
Environ 75 % des Haïtiens vivent en dessous du seuil de
pauvreté, et 50 % de la population est en situation d'extrême
pauvreté : c'est le pays le plus pauvre du continent
américain. Selon un rapport du Conseil national de la
sécurité alimentaire (CNSA) haïtien, plus d'un Haïtien
sur trois est sous-alimenté.Le taux de chômage
s'élève à plus de 40% de la population active en
2010244(*). Il existe de
très grandes inégalités sociales, dues en partie à
la colonisation et au système économique postcolonial.En 2007,
les taux de couverture des besoins en eau potable sont estimés à
54 % à Port-au-Prince, 46 % dans les villes secondaires, 48 % en milieu
rural. De plus, les systèmes d'eau potable installés en milieu
rural, et mis en place dans les années 1980 se dégradent faute
d'entretien.
Figure 52 :
L'économie d'Haïti concentrée sur sa capitale245(*)
CONTEXTE URBANISTIQUE
Le territoire d'Haïti est composé de 10
départements, 42 arrondissements, 140 communes et 570 sections
communales.
densité de population
structure dominante régionalisée
indices d'activité régionale
Figure 53 : Un territoire
initialement régionalisé246(*)
L'administration de chaque département est
gérée par un Conseil de trois membres élus pour quatre ans
par l'Assemblée départementale. Le pouvoir exécutif
désigne un délégué départemental,
chargé d'administrer les différents ministères
déconcentrés en collaboration avec l'assemblée
départementale.
La commune dispose de l'autonomie administrative et
financière. Chaque commune est administrée par un Conseil de
trois membres élus au suffrage universel.
La capitale d'Haïti est Port-au-Prince :il s'agit de
la plus grande ville du pays. A la suite d'un considérable exode rural,
l'ensemble des flux du pays converge vers sa capitale. Le territoire devient
nettement centralisé sur cette métropole, qui concentre
également plus d'un cinquième de la population.
le carrefour Port-au-Prince
flux de convergence
villes régionales
marchés régionaux
petites villes
transferts extérieurs
structure dominante centralisée
Figure 54 : Un territoire
centralisé247(*)
La ville de Cap-Haïtien est la seconde ville du pays.
Ancienne capitale, elle demeure un emblème de l'histoire
haïtienne,par son architecture et son rôle dans les combats pour
l'indépendance. Pourtant, sa population est environ dix fois
inférieure à celle de la capitale actuelle.
Le « onzième département »
représente les Haïtiens expatriés, dont le nombre est
estimé à deux millions.
L'exode rural vécu par Haïti peut s'expliquer
partiellement par la libéralisation des marchés agricoles, qui
expose sans protection les produits haïtiens à la
compétition internationale, etdiminue ainsi considérablement les
recettes des modes de vie ruraux. Le phénomène est
encouragé par la centralisation des dépenses publiques et des
services : l'éducation, la santé, les loisirs, etc. La
capitale accueille la moitié des équipements hospitaliers, les
2/3 des banques et les ¾ de l'enseignement supérieur. Elle
représente 80% de l'énergie consommée dans le pays.
Une grande partie de la population est contrainte de
s'installer dans les nombreux bidonvilles qui se répandent
anarchiquement autour et dans toute la ville. Ainsi, les quartiers informels de
Port-au-Prince représentent 20% de la surface bâtie, mais
concentrent 80 % de la population. Ces quartiers précaires, nouvellement
construits ou issus de la dégradation de quartiers anciens, se
développent sur les terrains peu attractifs et dangereux,
phénomène aggravé par le vide institutionnel,
l'indifférence des autorités, et le manque de structuration des
espaces urbains.
taudis
résidentiel moyen
résidentiel haut
industriel
industriel
densité de population croissante et typologies
Figure 55 : Urbanisme et
espace social à Port-au-Prince248(*)
Une analyse de la densité démographique et des
typologies de bâti permet d'identifier trois grandes zones urbaines,
différentes par leurs caractéristiques socio-économiques,
culturelles, et géographiques :
La bande littorale : située à
proximité des zones de déversement des eaux usées, elle se
trouve dans une situation particulièrement vulnérable. En
revanche, elle est directement reliée au centre et aux principaux lieux
d'activité de la ville et permet aux habitants de développer de
nombreux commerces informels répartis le long des grands axes routiers.
On y trouve principalement des commerces et du logement résidentiel
moyen.
La zone centrale : elle s'insère dans la trame
même de la ville, ses axes principaux constituent d'importants corridors
économiques. Ces quartiers accueillent une très grande
concentration d'habitants et d'activités économiques. C'est une
zone intermédiaire, une zone de transition, malgré son
caractère informel, marginal et insalubre (logements de type
« taudis »).
La partie haute de la ville : elle regroupe quelques
centres urbains privilégiés, ainsi que de nombreux quartiers
informels qui se développent le long d'accidents topographiques (mornes
et ravines). Le développement de réseaux viaires est très
délicat dans cette zone, et l'exposition aux risques naturels y est
maximale.
Selon Jean Marie Théodat, agrégé de
géographie et enseignant à La Sorbonne à Paris, né
à Port-au-Prince et retourné en Haïti après le
séisme : « Le tissu urbain est constitué aux deux
tiers de quartiers non planifiés, pas forcément des bidonvilles,
mais à la disposition anarchique. Cette agglomération a
prospéré comme un chancre sur les piémonts du morne
l'Hôpital et dans les gras sillons de la plaine du Cul-de-Sac, elle a
avalé peu à peu, faubourg après faubourg tout le terrain
accessible autour d'elle. Depuis Bon Repos à Mariani, de
Pétion-Ville à Cité Soleil, c'est une seule et même
agglomération de tôles et de ciment qui se poursuit d'un seul
tenant, avec ici et là des îlots de verdure qui résistent
encore à la pression immobilière. »249(*)
La « Ravine Pintade », par exemple, est
l'un des bidonvilles les plus anciens de Port-au-Prince. Les premières
constructions de ce bidonville sont des habitations basses, dotées de
toits en tôle. Puis, on assiste progressivement à l'apparition de
constructions bétonnées, et d'étages,
réalisés sans recours à quelque expertise que ce soit, et
dans l'ignorance totale des règles de l'art. Les nouvelles constructions
prennent appui sur les précédentes, et aucune d'entre elles ne
possèdent de véritables fondations. C'est ainsi que s'entassent
les structures peu fiables, pour former « un seul
tenant », susceptible d'être emporté au moindre
glissement de terrain. Le quartier est devenu surpeuplé : sa
densité de population était de 75 000 personnes par
km²250(*)avant le
séisme, deux fois supérieure à la concentration urbaine
moyenne de Hong Kong.
Figure 56 : La "Ravine
Pintade" avant (en haut à gauche) et après le
séisme251(*)
Un des problèmes majeurs concernant l'urbanisme en
Haïti est l'absence d'une réelle infrastructure des droits
fonciers. Cette infrastructure, qui rassemble les données cadastrales,
est nécessaire à la sécurité des droits fonciers,
et constitue une base équitable et transparente pour l'impôt
foncier, un soutien pour l'aménagement et la gestion des terres, et la
réduction des conflits liés à la terre.
CONTEXTE ARCHITECTURAL ET
RESSOURCES
Le patrimoine architectural d'Haïti est riche mais
très vulnérable, car Haïti « terre
glissée » ne cesse d'essuyer séismes, cyclones et
incendies. Ainsi, la colonisation a laissé très peu de traces
monumentales, à l'exception de l'architecture industrielle : les
ruines grandes sucreries et caféteries.
Il faut cependant souligner les efforts d'enracinement que
constituent les nombreuses fortifications, telle la citadelle Henry, ou la
reconstruction en dur de Cap-Haïtien après le séisme de
1842. Les fortifications côtières sont très nombreuses dans
les principales villes-ports.
Parmi les éléments notables du patrimoine
architectural d'Haïti, on compte les maisons gingerbread :
« ce style est à la fois un mélange d'influences
internationales et typiquement haïtien. »252(*)
Figure 57 : à
gauche, la résidence de Patrice Pamphile au 4, rue Casséus,
à droite, la Villa Castel Fleuri dans l'avenue Christophe253(*)
Les maisons de style gingerbread d'Haïti ont
été ajoutées en octobre 2009 à la World Monuments
Watch List afin d'attirer l'attention de l'opinion internationale sur ce
patrimoine architectural unique. « Parmi ces constructions qui
datent du début du siècle dernier, autrefois
élégantes, décorées de panneaux de bois
chantournés et de claustras ouvragées, nombreuses sont celles qui
sont tombées en décrépitude »254(*). Mais l'instabilité
politique et les conflits d'ordre économique rendent les efforts de
préservation secondaires.
Le tremblement de terre dévastateur du 12 janvier 2010
a mobilisé de nombreuses organisations de protection du patrimoine
culturel, dont le World Monuments Fund (WMF). « De nombreuses
maisons gingerbread ont certes subi des dommages importants, toutefois ce type
de construction traditionnelle s'est révélé
particulièrement apte à absorber le choc sismique et en
conséquence rares sont celles à s'être effondrées.
Le Gouvernement haïtien a donc souhaité que ces quartiers, dont
l'architecture est emblématique, bénéficient en
priorité de l'assistance internationale de
préservation. »253
Le mouvement gingerbread débute en 1881 en
Haïti par la construction du Palais National. Il a « servi
de modèle et établi de nouvelles normes de construction à
Port-au-Prince : une charpente en bois, garnie de briques et
décorée de bois sculpté sur les façades et les
bords des toitures, avec de hauts plafonds et de grandes baies ouvrant sur de
vastes galeries ».255(*)
Moins de 15 ans plus tard, trois jeunes Haïtiens
étudient l'architecture à Paris et font évoluer ce
mouvement architectural naissant au regard du style contemporain des maisons de
villégiature françaises, tout en l'adaptant au climat tropical
d'Haïti : un style purement haïtien de maisons en treillis est
ainsi créé.
Cette grande période de l'architecture haïtienne
prend fin en 1925 sur décision du maire de la ville, qui exige que
toutes les nouvelles constructions soient en maçonnerie, béton
armé ou en fer pour réduire les risques d`incendies.
Conçues pour le climat tropical d'Haïti, les
maisons gingerbread jouent sur la ventilation et l'ombre, tout en
limitant l'humidité : « Les hauts plafonds et les
vastes greniers pourvus de volets d'aération permettent à l'air
chaud de monter avant d'être expulsé. Les grandes galeries qui
s'étendent de la façade principale jusqu'aux murs latéraux
fournissent ombrage aux fenêtres et permettent de prolonger l'espace de
la maison au-delà de ses murs. Les lourds volets posés aux
fenêtres peuvent être fermés rapidement et
hermétiquement en cas de tempête tropicale ou de cyclone. Le
rez-de-chaussée surélevé contribue à empêcher
que l'humidité n'atteigne les encadrements en bois et les espaces
intérieurs et protège contre les insectes. Les toits en pente
permettent à l'eau de pluie de s'écouler facilement lors des
fréquentes averses. »256(*)
Figure 58 : Architectures
hybrides et toitures des maisons gingerbread257(*)
Les trois principales techniques de construction des
maisonsgingerbread sont :
Les charpentes en bois entretoisé
Les colombages (charpentes en bois entretoisé avec
hourdage en maçonnerie)
Les murs porteurs en maçonnerie
Ces constructions n'utilisent que très rarement une
seule de ces techniques : en général, toutes les
méthodes de construction sont combinées pour former des
typologies hybrides.
Les toitures sont inclinées en pente raide, avec des
flèches et des tourelles. Leurs charpentes sont en bois
entretoisés, habillées de feuilles de tôles ondulées
au-dessus des pannes sablières ou, dans le cas du Manoir (illustration
58, en bas à droite), de tôles décoratives embouties.
MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION
LE BOIS
A l'origine, l'île d'Haïti possédait une
végétation luxuriante, composée de conifères et
d'arbres à feuilles larges (noyer, acajou, etc.). Malheureusement,
l'absence de protection du patrimoine environnemental et la surexploitation des
forêts pour l'exportation du bois vers l'Europe et l'Amérique du
Nord a provoqué leur disparition vers la fin du XIXème
du siècle. Le bois ne peut plus être considéré comme
un matériau local en construction, car il n'est plus disponible sur
l'île et doit être importé.
L'ARGILE (BRIQUES, TORCHIS, PLÂTRE ET STUC)
On trouve des sédiments d'argile relativement pure
à Port-au-Prince et aux alentours. Au début du
XXème siècle, les sédiments d'argile calcaire
servaient à la production des briques de couleur ocre et ceux d'argile
ferrugineuse à la fabrication des briques de couleur rouge. Ces briques
étaient largement employées en construction et existent
désormais sous forme rectangulaire et décorative utilisées
comme ornements architecturaux. L'industrie de fabrication de tuiles a
cessé depuis longtemps en Haïti.L'argile a également
été utilisée dans la fabrication des mortiers pour la
construction des parties maçonnées.
LA CHAUX (TORCHIS, PLÂTRE ET STUC)
La chaux (ingrédient essentiel dans la fabrication du
sucre)existe en abondance en Haïti. Cependant, cette matière
première doit être transformée en chaux vive pour la
préparation de torchis de chaux. Depuis l'introduction du ciment, la
fabrication de chaux vive a cessé en Haïti, et les torchis de chaux
ne sont plus utilisés en construction.
Actuellement, l'exploitation des carrières se limite
aux pierres calcaires (principalement pour la fabrication du ciment) et aux
différents types d'argile, au sable, au gravier et au marbre.
« Les sédiments de pierres calcaires
présents sur les versants des montagnes haïtiennes, [...], ont
été profondément détériorées en
raison d'une complète déforestation ayant entrainé une
forte érosion et un ravinement des sols aux pluies
torrentielles. »258(*)
LE FER ET L'ACIER DE CONSTRUCTION
Le fer et l'acier utilisés pour la construction des
charpentes des maisons gingerbread a été importé de France
et de Belgique.
LE BÉTON
Le béton armé a été introduit en
Haïti au début du XXème siècle. Le
béton armé et des blocs de béton deviennent
progressivement les matériaux de construction de prédilection
pour les trois raisons principales suivantes :
L'utilisation du bois dans la construction est
défendue à partir de 1925, à la suite de plusieurs
incendies dévastateurs.
Le béton et les blocs de béton,
considérés comme des matériaux plus résistants,
plus avancés technologiquement et plus modernes, deviennent un symbole
de statut élevé dans la société.
Le béton et les blocs de béton semblent mieux
résister aux cyclones : vents violents et pluies torrentielles.
Figure 59 : Le Palais
National, construit en 1918259(*)
« Le Palais National, construit en 1918, donne
un exemple de l'utilisation précoce du béton armé en
Haïti. Ces constructions se sont tout ou partie
effondrées. »260(*)
10.1.2 LE
SÉISME DE 2010 ET SES CONSÉQUENCES DIRECTES
Le 12 janvier 2010, un tremblement de terre d'une magnitude de
7,3 survient à proximité d'Haïti : son épicentre
se situe approximativement à 17km de Port-au-Prince, la capitale. Ce
séisme est suivi d'une douzaine de secousses secondaires de magnitude
comprises entre 5,0 et 5,9.
Le 20 janvier 2010, Haïti essuie un second séisme
d'une magnitude de 6,1 : son épicentre se trouve à environ
59km à l'ouest de Port-au-Prince, et à moins de 10
kilomètres sous la surface.
Figure 60 : Carte des
intensités du premier séisme de 2010, estimées selon
l'échelle de Mercalli261(*)
Les deux derniers séismes de grande importance à
avoir touché Haïti datent de 1946 et 1952. Le pays essuie plus
fréquemment des ouragans ou des pluies torrentielles entraînant
des inondations. En 2008, quatre ouragans traversent le pays, et en 2009, de
fortes précipitations inondent la commune de Carrefour, mais leurs
conséquences sont incomparables à celles du séisme de
2010.
Cette catastrophe est d'une ampleur sans
précédent avec un bilan qui s'élève à plus
de 220 000 morts et plus de 300 000 blessés. Le tremblement de terre
affecte environ 60% des infrastructures administratives et économiques,
20% des écoles et 50% des hôpitaux. En outre, ce séisme
cause la destruction de 105 369 habitations et l'endommagement de 208 164
autres,délogeant près de 1,7 millions de personnes.
2636
2000
100 000
80 000
Figure 61 : à
gauche, nombre de victimes d'ouragans de 1970 à 2010, à droite,
nombre de victimes de séismes de 1970 à 2010 (estimations des
victimes de séismes réévaluées à la hausse
par la suite)262(*)
Au-delà du séisme, l'ensemble du pays est
impacté par la récurrence de crises multifactorielles. A la suite
de cette catastrophe, deux épidémies de choléra (octobre
2010 et mai 2011) se sont ajoutées. Au 14 octobre 2011, un bilan fait
état de 473 649 cas recensés pour 6 631 décès. Deux
ans après la déclaration de la maladie, le bilan
s'élève à 7 550 morts pour 685 000 personnes
infectées.En 2012, les ouragans Isaac et Sandy s'abattent sur
Haïti, causant des inondations et provoquant des vents violents notamment
dans les régions affectées par le séisme.
Entre les conséquences du tremblement de terre, de
l'épidémie de choléra, la vulnérabilité du
pays face aux phénomènes cycloniques, et les problèmes
antérieurs au séisme, la reconstruction promet d'être
particulièrement laborieuse.
« Le séisme du 12 janvier 2010 a battu
les records des catastrophes naturelles qui ont frappé Haïti depuis
les dix dernières années. [...] Un gigantesque mouvement
de population s'est ensuivi : déplacements de population (500,000 vers
les provinces), déstabilisation du tissu social (deuil et
désolation, orphelins, rupture familiale, départ à
l'étranger, perte de revenus et de richesses accumulées, litiges
et contentieux potentiels), désorganise l'habitat (250,000 maisons
détruites). L'ampleur des dégâts est estimée
à 56% du PIB : destruction des réseaux de services publics Ed'H,
Teleco, SNEP ; destruction des infrastructures et des entreprises) et
exacerbation de la fragilité du pays (dramatique affaiblissement de ses
institutions et structures étatiques et un accroissement
accéléré de sa dépendance aux points de vue
économique (CCI, DSNCRP, dette), financier (transferts de la diaspora,
dette publique externe), alimentaire et politique
(MINUSTAH). »263(*)
L'instabilité politique initiale et le
décès de nombreux membres du gouvernement porte à croire
que celui-ci est inapte à gérer seul la situation.
Le drame d'Haïti émeut la communauté
internationale, et celle-ci se mobilise en conséquence.
10.1.3 L'AIDE
INTERNATIONALE
L'aide internationale se traduit immédiatement par des
financements et des promesses de dons de nombreux bailleurs très divers,
ainsi que des appels aux dons de différentes ONG et organismes :
MSF lance un appel aux dons de 250 000€,
Action contre la faim lance un appel aux dons de
500 000€,
Certaines célébrités s'engagent
également : Angelina Jolie et Brad Pitt promettent 1 million de
USD, George Clooney organise un téléthon en faveur des victimes
d'Haïti,
De nombreux gouvernements annoncent également des
promesses de dons colossaux : la somme record de 930 millions de USD pour
le Venezuela, 914 millions de USD pour les Etats-Unis, 307 millions de USD pour
l'Espagne, 256 millions de USD pour le gouvernement canadien, 200 millions de
USD pour le gouvernement français, 100 millions de USD pour le
Brésil et le Japon, 54,8 millions de USD pour l'Allemagne, 40 millions
de USD pour la Suisse, 20 millions de USD pour le Qatar, etc.,
La Banque Mondiale promet un budget de 227 millions de
USD,
Le Fond Monétaire Internationale engage la somme de
147 millions de USD...
En tout, les promesses s'élèvent à 5
milliards de USD sur 18 mois et 11 milliards de USD sur 5 ans.
Figure 62 : Bilan des
principales aides financières débloquées fin janvier
2010264(*)
Afin d'assurer la gestion de ces financements et de coordonner
les opérations, une nouvelle institution consacrée est
créée : la Commission Intérimaire pour la
Reconstruction d'Haïti (CIRH). Cette commission ne voit le jour que le 21
avril 2010, soit 3 mois et 9 jours après la catastrophe.
Dans le documentaire Assistance Mortelle de Raoul
Peck, Jean-Max Bellerive, ancien premier Ministre d'Haïti, explique que
les structures de ce type conduisent généralement des
opérations sectorielles, régionales, alors que dans le cas
d'Haïti, il s'agit de refonder tout le pays.
Autour de la table des décisionnaires, seuls les plus
grands bailleurs, ceux qui ont promis plus de 100 millions de USD, et les
représentants d'Haïti sont autorisés :
Les représentants du gouvernement haïtien
Les représentants de la société civile
haïtienne
La Banque Mondiale
La Banque Interaméricaine de Développement
L'Organisation des Nations Unies
L'Union Européenne
Les gouvernements du Venezuela, des Etats-Unis, de l'Espagne,
du Canada, de la France, du Brésil, du Japon et de la Norvège
La Communauté caribéenne (CARICOM)
Cette alliance en faveur d'Haïti, composée de 13
membres haïtiens et 13 membres internationaux, se forme en dépit de
contradictions géopolitiques, d'intérêts économiques
divergents, et de rivalités institutionnelles. La présidence est
confiée à Jean-Max Bellerive, ancien premier Ministre
d'Haïti, et Bill Clinton.
Figure 63 : Acteurs
représentés au CIRH265(*)
La réponse à la catastrophe se présente
comme une opportunité pour Haïti de se reconstruire
« mieux », et de solutionner par la même les
problèmes antérieurs au séisme : il s'agit d'une
« nouvelle chance ».
Le CIRH a pour mission d'assurer la coordination et le
déploiement efficace de l'aide, tout en faisant preuve de transparence.
Le fonds fiduciaire, dépôt de l'argent des pays donateurs, est
sous la responsabilité de la Banque Mondiale, agent fiscal, en
collaboration avec les Nations Unies et la BID. La coopération
opérationnelle s'organise autour de cinq
« clusters » clés : Aide alimentaire,
Eau-assainissement et Hygiène, Santé, Abris et Biens non
alimentaires, Logistique.
Arrive rapidement un flux massif d'ONG très diverses en
taille et en professionnalisme. Jean Max Bellerive qualifie ces quelques 4000
ONG dépêchées de « magma
humanitaire »266(*). Certains
« clusters »réunissent alors plus de 200
participants.
10.2 L'INTÉRÊT D'UNE ORGANISATION MONDIALE
La reconstruction d'Haïti est perçue comme trop
lente, ou même comme un échec sous de nombreux points, pour de
nombreux acteurs locaux, internationaux, et selon de nombreuses analyses.
Les principaux reproches adressés à l'aide
internationale sont : le manque de dialogue avec les partenaires locaux, le
fréquent manque de connaissance des aspects politiques et culturels du
pays et donc des besoins de la population, la
« cacophonie » des organisations d'entraides mal
coordonnées, la présence d'organisations qui ne servent que leurs
propres intérêts, l'étalement sur des années de
situations prétendues « provisoires », et finalement
le manque de résultats concrets après des années de
reconstruction.
10.2.1 LA
RECONSTRUCTION PERÇUE COMME UN ÉCHEC
Cette partie décrit, de manière
synthétique, les principales difficultés d'ordre
général qui sont venues entraver la reconstruction, et qui ont
causé lenteurs, gaspillage de financements et méfiance de la
population locale. Les problèmes qui concernent la reconstruction
« physique » à proprement parler,
c'est-à-dire la réhabilitation et la reconstruction des
équipements et logements, seront développés dans la partie
suivante.
COORDINATION DE L'AIDE
INTERNATIONALE
Le documentaire Assistance Mortelle de Raoul Peck, ancien
ministre de la Culture d'Haïti, dénonce des problèmes de
coordination entre les acteurs de la reconstruction, responsables de pertes de
temps et d'argent. Jean Max Bellerive, ancien premier ministre haïtien
illustre ces problèmes par l'exemple du canal de l'Orphelin.
D'après lui, ce seul canal était l'objet de quatre projets
différents, distribués sur différents segments du canal.
Chaque équipe de travail, payée par chacune des quatre ONG en
charge, devait extraire les détritus sur un tronçon du canal
obstrué, mais laissait les détritus au bord du canal, qui y
étaient ramenés par la pluie quelques jours plus tard. Les
différentes ONG payaient donc, à l'aide des financements des
donateurs, des équipes pour évacuer les mêmes
détritus du même canal plusieurs fois. En parallèle, un
autre canal obstrué ne bénéficie pas de financements.
Le témoignage de Vincent Grammont, agent humanitaire
vivant en Haïti depuis 2005 à Delmas, un quartier des faubourgs de
Port-au-Prince, donne un exemple de perte de temps par manque de coordination
et d'entente entre ONG : « Dans un autre bidonville
où je travaille, "Bristou et Bobin", nous avons effectué avec la
communauté un recensement des personnes sinistrées. Nous avons
marqué toutes les tentes, pour savoir qui est où, et qui a besoin
de quoi. Et bien une ONG est arrivée après nous, et elle a refait
ce même recensement dans son intégralité. Elle n'a pas
voulu de nos chiffres et elle a re-marqué toutes les tentes une à
une. Je trouve cette attitude méprisante pour les gens de la
communauté locale. Sans compter que c'est une perte de temps
ridicule. »267(*)
Il ajoute un autre exemple qui illustre le manque
d'efficacité par empiètement de projets :
« dans ce même quartier, plusieurs projets liés
à l'approvisionnement en eau sont menés en même temps par
plusieurs organisations, mais sans concertation. Il y a une petite ONG qui
vient et qui installe une citerne. Quand je dis à ses membres que ce
n'est pas la peine de le faire ici parce qu'une autre ONG intervient
déjà, qui a reçu de l'argent de l'Union européenne,
ils me disent que "ça ne peut pas faire de mal". C'est vrai, mais est-ce
qu'ils ne devraient pas plutôt aller sur des sites de regroupement
où personne n'est encore intervenu ? »268(*)
Le manque de coordination entre la multitude d'acteurs
présents en Haïti a parfois mené à ce type
d'absurdités, de contre-productivités.
On explique ce manque de coordination par l'absence d'une
réelle autorité de coordination, et ainsi par l'absence de plan
de stratégie clair. François Grünewald explique :
« la faiblesse du leadership humanitaire a eu un impact
dramatique : pas de stratégie claire, faible capacité de
plaidoyer auprès du gouvernement, positionnement insuffisant face
à des déploiements militaires très puissants. La
coordination humanitaire des Nations unies à New York n'a compris que
tard l'importance de cet enjeu. Il a ainsi fallu quatre semaines pour qu'un
adjoint à la Coordinatrice Humanitaire n'arrive à Port-au-Prince,
alors que cette dernière donnait sa démission. La nomination du
Coordinateur Humanitaire (ou HC) (qui combine en plus les fonctions de
Représentant spécial adjoint du Secrétaire
général (DSRSG) et de Coordinateur Résident) s'est faite 3
mois après. Face à l'immensité des tâches, tous
s'accordent à dire qu'il y aurait dû avoir un adjoint. Mais
Haïti a souffert du flou de la politique sur la question des adjoints des
HC. La coordination humanitaire est restée assez faible face aux grands
défis de la phase de reconstruction, de la saison des cyclones et des
élections. »269(*)
Figure 64 : La structure de
coordination en avril 2010270(*)
En l'absence de leadership fort, la MINUSTAH et l'armée
américaine, sur lesquelles reposait une forte pression politique et
médiatique pour l'obtention de résultats, ont établi leur
propre système, avec des niveaux stratégique, tactique et
opérationnel : le Coordination Support Committee (CSC), incluant le
Gouvernement d'Haïti, les forces armées étrangères,
la MINUSTAH, l'ambassade des USA et le OCHA, seul représentant de la
communauté humanitaire.
« Les acteurs humanitaires ont eu de grandes
difficultés à s'imposer dans cette structurede prise de
décision dans laquelle leur participation était limitée
à la seule présence duOCHA. »271(*)
Le CIRH, formé trois mois après le
désastre, présente une équipe technique incomplète
trois après sa création. De plus, son autorité effective
est limitée, car il ne dispose pas des fonds apportés par les
donateurs : « Cet outil original cherche encore ses marques,
son âme et son style. Fonctionnant sur la base de réunions
d'enregistrement des projets, réunissant des haïtiens, des
représentants des bailleurs de fonds envoyés par les capitales et
des membres de la société civile nationale et internationale, il
a en fait peu de moyens car les ressources pour la reconstruction sont
théoriquement déposées dans un fond fiduciaire
géré par la banque Mondiale. »272(*)
Sur le terrain, les acteurs s'affranchissent des lourdeurs
administratives, opérant ainsi de leur initiative, de manière
spontanée et sans cohérence, sans s'inscrire dans une
stratégie globale. En effet, dans le système des clusters des
Nations Unies, les relations entre les différents acteurs sont
standardisées : le financement et les directives vont du sommet
vers la base, tandis que les rapports sur les « réalisations »
et les « expériences acquises » circulent de la base au
sommet. Chaque prise d'initiative nécessite un changement concomitant
des accords entre acteurs et bailleurs. Ce mécanisme entraîne des
paralysies et un manque de flexibilité : il n'est ni
évolutif, ni efficace dans l'urgence. En outre, lors d'un
dysfonctionnement ou d'un échec, la responsabilité se dissout
dans la masse : personne ne peut être accusé à titre
personnel, et l'ensemble des acteurs se sent responsable.
Raoul Peck parle également dans son documentaire de
« manque de mémoire institutionnelle »273(*) : la plupart des
acteurs de l'aide internationale sont en mission sur de courtes durées
(au regard de l'ensemble de la reconstruction), et se succèdent sans
continuité des connaissances et de l'expérience.
IMPLICATION DE LA SOCIÉTÉ
CIVILE
Même si des efforts ont été faits dans
cette direction, l'implication des haïtiens dans leur propre
reconstruction a tardé à venir. Plusieurs témoignages
relatent d'un sentiment d'exclusion partagé.
D'après Marie-Carmelle Laurenceau de l'Institut Karl
Levêque, « Les organisations internationales ont envoyé
des «experts» qui ne connaissent pas Haïti alors que, avec nos
petits moyens, nous avions réussi à aider les paysans à
porter assistance aux déplacés, à accueillir leurs enfants
dans nos écoles communautaires. Au lieu d'encourager cette
solidarité entre Haïtiens, ils ont préféré
plaquer une structure artificielle coûteuse».274(*)
Philippe Mathieu, directeur de l'Oxfam Québec,
ajoute : « Beaucoup de rapport d'évaluation, disons
des 6 premiers mois, étaient clairs : on aurait dû laisser
plus de place aux acteurs locaux, tenir compte de leur culture, tenir compte
des efforts qu'ils étaient en train de faire, de cette solidarité
haïtienne... »275(*)
La mise à l'écart de la population locale et des
entreprises locales nuit à la reconstruction de multiples façons.
Tout d'abord, elle installe un climat de méfiance entre acteurs locaux
et acteurs internationaux.
De plus, elle peut nuire au relèvement
économique du pays : lorsque des entreprises locales qui peuvent
apporter leur participation sont court-circuitées, les fonds
utilisés retournent dans l'économie du pays qui les
court-circuite. Selon Jean-Max Bellerive, environ « 60% de l'argent
donné par un pays retourne dans ce pays ».
Enfin, tout produit importé en Haïti par un acteur
international, depuis un pays dont la monnaie est plus forte, représente
un coût considérablement supérieur à celui du
même produit acheté à une entreprise haïtienne, en
raison de son coût d'origine et du coût d'acheminement. René
Préval, ancien président d'Haïti, donne un exemple
éloquent dans le documentaire de Raoul Peck : « Toute
la nourriture qu'on donne dans les camps, toute l'eau qu'on donne dans les
camps, provient de l'étranger : alors je dis aux blancs
d'arrêter ça. Il vaut mieux donner de l'argent aux gens : les
marchés sont pleins de provisions. Une bouteille d'eau, vous la mettez
dans un avion : elle coûte cinquante fois plus cher qu'une bouteille
fabriquée ici. Or, ceux qui produisent de l'eau ici ont des
problèmes : ils ne peuvent pas vendre. »276(*)
INGÉRENCE OU FAIBLESSE
GOUVERNEMENTALE
Les autorités haïtiennes sont également
mises à l'écart des processus de décisions, et
court-circuitées dans le système de financements. Selon le
rapport de l'Envoyé spécial des Nations unies en Haïti,
seuls 8,5% des promesses de dons de l'aide internationale faites lors de la
conférence de New York en mars 2010 étaient destinées
à l'appui budgétaire, i.e. à être versées
directement au gouvernement haïtien.
Les premières réunions, organisées dans
l'urgence, se mènent principalement en anglais, excluant ainsi les
membres représentants les autorités locales. Avec la
création de la CIRH, la question de leur implication est
considérée. Pourtant, le sentiment d'exclusion ne disparaît
pas tout à fait.S.P. Filippini, représentante du pouvoir
exécutif Haïtien au CIRH déclare lors d'une
réunion : « Les douze membres de la partie haïtienne
ici présents, se sentent complètements débranchés
de l'avis de la CIRH. En dépit de notre fonction, nous n'avons à
ce jour, reçu aucun rapport de suivi des activités de la CIRH. Le
contact s'établit seulement à la veille des conseils
d'administration. Le conseiller n'a le temps ni de lire, ni d'analyser, ni de
comprendre et encore moins de réagir intelligemment aux projets qui lui
sont soumis, à la dernière minute, malgré toutes les
doléances formulées et les promesses qui lui sont faites à
ce sujet. [...] En réalité, les membres Haïtiens du
conseil ne remplissent qu'un rôle de figurant. »277(*)
La quasi-totalité des financements transite par des
organisations de l'aide internationale avant de bénéficier
à la population locale, principalement sous forme de biens et de
services. D'après Jean-Max Bellerive, ancien premier ministre
haïtien, « on préfère donner à
l'UNICEF, on préfère donner à l'OMS, on
préfère donner à MSF, mais pas au ministère de la
santé publique... » Les organisations de l'aide internationale
se substituent aux autorités locales, ou pire, entrent en litige avec
celles-ci. C'est ainsi que la situation dégénère, par
exemple, concernant le projet de construction d'un hôpital «
sous couvert d'une demande globale du gouvernement haïtien
». Jean-Max Bellerive explique : « Nous avons dû nous
battre pendant 3 ou 4 mois avec une agence qui avait l'argent et qui essayait
de construire un hôpital à 300 mètres d'un hôpital
qui était déjà reconstruit par la santé publique,
alors que peut-être 6 km plus loin, il n'y avait aucune structure de
santé. »278(*) Le dialogue est devenu tellement
altéré que le gouvernement haïtien se voit dans l'obligation
d'envoyer des bulldozers sur le site pour empêcher la construction de
l'hôpital jugé inutile. L'ancien premier ministre met en
garde : « Je suis dans un pays où 80 % de l'aide, ou
plutôt du financement du pays, est financé par la
communauté internationale. Je suis dans un pays où 70% du secteur
privé, de la société civile qui agit est lié, ou
appartient à la communauté internationale. Donc la ligne entre
ingérence, appui et support est très fine »279(*).
Les principales causes de la réticence de la
communauté internationale à confier d'importants financements au
gouvernement haïtien sont : sa faiblesse, son instabilité, et
les soupçons relatifs à sa possible corruption.
L'ex-dictateur Jean-Claude Duvalier, alors qu'il était
au pouvoir, entre 1971 et 1986, aurait détourné 100 millions de
dollars des fonds publics haïtiens, sous couvert d'oeuvres sociales, avant
de les transférer sur des comptes à l'étranger, aux
États-Unis et en Suisse.280(*)
Selon Joël Boutroue, ex-coordonnateur et résident
humanitaire de l'ONU, conseiller du Premier Ministre, Haïti est toujours
« victime des préjugés » de corruption.
François Grünewald, quant à lui, condamne : «
La faiblesse des institutions haïtiennes a trop souvent servi d'alibi
pour les court-circuiter ». Au-delà de la confiance
concernant les financements, il interroge le respect et la
légitimité des ONG : « Combien d'ONG ont fait
la démarche d'enregistrement à l'unité en charge des ONG
au ministère du Plan ou dans les services municipaux des régions
où elles travaillent ? Combien y envoient leurs rapports
d'activité ? Face à cette intrusion des « blancs » qui,
dans les grandes lignes, ne respectaient pas certaines règles de base,
la méfiance s'est progressivement installée et le sentiment
« anti-ONG » classique a commencé à prendre des
proportions inquiétantes. »281(*)
Pourtant, le « prétexte » de la
faiblesse gouvernementale haïtienne semble parfois fondé.
L'instabilité politique et la corruption sont historiques en Haïti.
De plus, la structure du gouvernement, déjà vulnérable, a
été fragilisée par la survenue du séisme. Enfin,
certains agents humanitaires accusent un désinvestissement du
gouvernement de Préval, en place lors du séisme, qui se trouvait
alors en fin de mandat.
Les élections de novembre 2010 se déroulent dans
de très mauvaises conditions : accusations de fraudes et
manipulation. L'aide internationale, qui finance les trois quart du budget de
ces élections est accusée d'avantager certains candidats. Michel
Martelly est finalement élu avec 67% des suffrages, mais avec un taux
d'abstention record de trois électeurs sur quatre. Albane Veuve,
architecte intervenue en Haïti pour la FAU, témoigne :
« il a mis six mois à avoir un gouvernement et un premier
ministre. Du coup, deux ans après le séisme l'état peut
commencer à se préoccuper un peu des
choses. »282(*) Selon Barbara Stocking d'Oxfam Grande-Bretagne,
« La crise électorale de 2011, puis la crise politique qui a
retardé la nomination du Premier ministre [...] ont
constitué autant d'obstacles à la reconstruction
»283(*).
CONFLITS D'INTÉRÊTS
Certains acteurs haïtiens considèrent que les
raisons de la mise à l'écart de la population locale dans la
reconstruction est, dans certains cas, volontaire. Ils dénoncent la
concurrence des organisations de l'aide internationale avec les entreprises
locales par intérêts financiers.
Selon l'ingénieur Joséus Nader, responsable
travaux publics de toute la ville de Port-au-Prince, «
l'étranger vient chercher son propre intérêt
»284(*). Raoul Peck
ajoute : « la question essentielle sur la répartition de
l'aide n'est jamais posée » et « les organismes
internationaux ont cessé depuis longtemps, d'être des
intermédiaires impartiaux. Ils se battent tout aussi férocement
que les autres pour l'argent des donateurs. Malgré le conflit
d'intérêt évident, ils interviennent en tant
qu'entrepreneur, à leur profit, évinçant les acteurs
locaux. »285(*)
FINANCEMENTS
La répartition des financements entre les
différents acteurs est cause de litiges, mais pas seulement : la
distribution des financements entre les différents clusters
(thématiques) et entre les différentes missions est
également problématique. L'exemple le plus représentatif
est certainement celui du budget alloué au ramassage des débris.
En effet, les décombres constituent un obstacle de taille à toute
opération de reconstruction : il s'agit donc d'une priorité.
Selon Raoul Peck : « Très vite, il devient clair que
la priorité la plus urgente est, non pas la santé,
l'éducation, ou l'agriculture, mais le ramassage des
débris. »286(*) Le déblaiement des 24 millions de
m3de décombres laissés par le séisme est
estimé à environ un milliard de USD. Pourtant, les financements
accordés à cette tâche ne dépassent pas les 80
millions de USD.Laura Graham, directrice de cabinet de Bill Clinton,
explique que, pour les bailleurs de fonds, les décombres sont
« peu séduisants », puisque
« les résultats ne sont pas assez
visibles »287(*).
On constate donc que l'enjeu médiatique, la
détermination des bailleurs de fonds à obtenir des
résultats chiffrés, « visuels », influencent
la répartition des financements parfois plus que les besoins
réels de la reconstruction.
Enfin, certaines promesses de dons n'ont pas été
honorées dans les délais. Quelques semaines après le
séisme, les promesses de dons de la communauté internationale
sont colossales. Selon le bureau du délégué spécial
des Nations unies pour Haïti, un an plus tard, seulement 42 % des sommes
promises ont réellement été versées. Les donateurs
internationaux s'étaient engagés à verser 2,12 milliards
de USD une fois déduits les allégements de la dette de
l'État haïtien et le financement des mesures d'urgence. De cette
somme, moins de la moitié (soit environ 897 millions de USD) ont
réellement été versés à la fin du mois de
novembre 2010.
« Des représentants de quatre donateurs,
interrogés par Oxfam, affirment que les données publiées
par les Nations unies sont «incorrectes» ou «non
pertinentes», puisque les engagements portent sur plusieurs années
et non pas sur 2010 seulement. »Oxfam déclare que ce
malentendu « souligne bien les problèmes d'envergure en
matière de coordination globale et de transparence des donateurs
». Selon l'organisme, «En l'absence d'informations
précises sur les apports de l'aide, leur finalité et
l'échéance des versements, il sera extrêmement difficile
pour l'État haïtien de planifier et de prendre des décisions
clés au sujet de la reconstruction, ou pour les donateurs de coordonner
leurs politiques ».288(*)
L'objet de ce rapport n'est pas l'étude de la
coordination de l'aide internationale globale en réponse au
séisme d'Haïti : c'est pourquoi cette partie
synthétique se contente d'énoncer les principaux points de
difficulté, en relatant les propos des acteurs concernés, et sans
prise de position personnelle. On constate seulement que la reconstruction
d'Haïti se déroule dans un contexte particulièrement
délicat sous de multiples aspects.
Le document présent concentre son étude de la
reconstruction d'Haïti dans la partie suivante sous l'angle de la
reconstruction « physique », des moyens
déployés en faveur du relogement des haïtiens, et de la
réhabilitation et de la construction des équipements.
10.2.2 LA
RECONSTRUCTION « PHYSIQUE »
La reconstruction « physique », i.e. le
relogement d'urgence et la reconstruction ou réhabilitation des
édifices et ouvrages d'art, s'est par ailleurs confrontée
à des difficultés spécifiques. C'est l'un des aspects les
plus critiqués et les plus commentés de la reconstruction
post-séisme d'Haïti. Le relogement des personnes
déplacées, en particulier, est sans doute le plus
« gros échec » de la reconstruction.
CHRONOLOGIE DES
ÉVÉNEMENTS
JANVIER 2010 |
|
Le séisme cause la destruction de 105 369 habitations
et l'endommagement de 208 164 autres289(*) et on évalue le nombre de sans-abris entre
1,5 millions et 1,7 millions (selon les différentes sources).
|
MARS 2010 |
|
On estime que plus de 40 000 personnes sont
menacées par les glissements de terrain et les inondations.
|
AVRIL 2010 |
|
Création de la CIRH (Commission intérimaire pour
la reconstruction d'Haïti).
Création du CampCorail-Cesselesse.
|
JUILLET 2010 |
|
Le président Préval annonce que la phase
d'urgence est terminée et que la phase de reconstruction commence.
7 000 abris provisoires en bois ont été
livrés, et seuls 40% des bâtiments scolaires endommagés ont
été déblayés.
|
DECEMBRE 2010 |
|
Seulement 5% des décombres sont dégagés,
la reconstruction commence à peine.
Plus de 800 000 Haïtiens vivent toujours dans des camps
humanitaires ou des campements de fortune.
|
|
44 000 personnes ont été expulsées de
camps en mars 2011 et 166 000 sont alors menacées de
l'être290(*).
|
MARS 2011 |
|
Plus de 680 000 personnes s'abritent toujours dans des camps
de tentes.
|
JUILLET 2011 |
|
Lancement de l'Expo-Habitat du « projet
Zorange », financé par la BID.
|
SEPTEMBRE 2011 |
|
Mise en place du « projet 16/6 » sur
initiative du gouvernement haïtien : Réhabilitation de seize
quartiers et retour volontaire des familles des six camps associés, afin
d'améliorer les conditions de vie à travers la participation
communautaire.
Mise en place du « Programme d'appui à la
reconstruction du logement et des quartiers » du système des
Nations Unies.
|
OCTOBRE 2011 |
|
Environ 40% des décombres ont été
évacués.
|
FEVRIER 2012 |
|
Près de 500 000 personnes vivent toujours dans des
camps291(*). Environ
100 000 abris temporaires ont été mis en place.
|
JANVIER 2013 |
|
Près de 358 000 personnes vivent toujours dans 496
campements de tentes, et les bidonvilles sont repartis à l'assaut des
collines.
D'après la FIDH, 20 % des réfugiés sont
menacés d'expulsion par les propriétaires privés des
terrains, parfois soutenus par les autorités municipales. Depuis juillet
2010, 65 000 personnes auraient déjà été
expulsées des camps par la force.
|
MARS 2013 |
|
Plus de 113 000 abris transitoires construits, environ
8 500 abris transitoires améliorés, quasiment 20 000
logements réhabilités et mis aux normes, et plus de 7 000
logements reconstruits.
|
OCTOBRE 2013 |
|
Environ 172 000 personnes déplacées, soit 45 000
ménages, vivent toujours dans 306 sites et camps en Haïti.
Lancement de la Politique Nationale du Logement et de
l'Habitat (PNLH) : cadre de référence de tous les acteurs
intervenant dans le secteur du logement et de l'habitat en Haïti.
|
JANVIER 2014 |
|
La majorité des décombres a été
débarrassée. Environ 1,35 million de personnes (soit environ 89%
des réfugiés) ont quitté les camps de
déplacés, mais 145 000 personnes, soit 29 000 familles, vivent
toujours dans 306 sites.
77 564 de ces personnes, soit 20 671 familles, sont
menacées d'expulsions forcées. Des organisations non
gouvernementales affirment que les conditions de vie dans certains de ces camps
sont tout à fait insalubres et se détériorent.
|
« Neuf ménages sur dix ayant
séjourné dans un camp n'ont toujours pas encore trouvé un
logement adéquat. Seulement 2% des ménages dont le logement a
été fortement endommagé ont reçu une aide au
déblaiement, et 7% une aide à la reconstruction. L'aide
institutionnelle a largement ignoré la population en dehors de
l'agglomération de Port-au-Prince, alors qu'un peu plus de six
ménages sinistrés sur dix se trouvaient hors de la
capitale ».292(*)
Figure 65 : Evolution du
nombre de camps, de ménages, et de déplacés
2010-2014293(*)
ORGANISATION DE L'AIDE
Les acteurs internationaux dépêchés sur
Haïti pour répondre à l'urgence se sont organisés
autour de cinq « clusters », i.e. thématiques
clés, par le biais de l'IASC (Inter-Agency Standing Committee). Mais de
nombreuses contraintes et incidents ne leur ont pas permis, dans un premier
temps, d'installer unleadership humanitaire fort.Ainsi, lerelogement d'urgence
ad'abord été pris en charge par les forces militaires, et les
ONG, sans organisation, coordination, et cohérence globale. C'est dans
ces conditions que le camp Corail a été mis en place.
LE « SHELTER CLUSTER »
Le « CCCM Cluster », i.e. le
« Groupe Sectoriel Coordination et Gestion des Camps »,
créé en janvier 2010, devient en septembre 2011 le
« Shelter & CCCM Cluster », i.e.le « Groupe
Sectoriel Abris d'Urgence, Biens Non-Alimentaires et Coordination et Gestion
des Camps ».
L'agence de file du « Groupe Sectoriel Abris d'Urgence,
Biens Non-Alimentaires » est la Fédération
Internationale de la Croix Rouge, et l'agence de file du « CCCM Cluster
», puis du « Shelter & CCCM Cluster » est l'OIM
(Organisation Internationale pour les Migrations).
Les organisations membres du cluster sont : ACTED, ACDI,
Action Aid, AECID, America Continental 2000, American Friends Service
committee, American Red Cross, APRODEMI, ARC, Architectes de l'Urgence,
Architecture for Humanity, AVSI, British Red Cross, CARE, Caricom, Cartias
Autriche, Caritas Allemagne, CHF International, Christian Aid, Concern
Worldwide, CordAid, Croix-Rouge Canadienne, Croix-Rouge Espagnole, Croix-Rouge
Française, Croix-Rouge Suisse, CRS, Diakonie, DPC, Fada Haiti, FICR,
GOAL, Good Neighbors, Habitat For Humanity, Handicap International, HAP, Haven,
HelpAge, HELP-EV, IDEA Relief, OIM, Islamic Relief, Medair, MdM, MINUSTAH,
OCHA, PADF, PAHO, Première Urgence, SASH, Shelter Box, Tearfund, UCLBP,
UJDHRD, UMCORE, UTPMP, PNUD, UNICEF, UNOPS, USHAHIDI, Viva Rio, WHH, World
Concern, World Service of Mercy, WVI.
En dehors de quelques exceptions (Architectes de l'Urgence,
Architecture for Humanity...), il s'agit principalement d'ONG, d'agences de
l'ONU et d'organismes internationaux généralistes, ou
spécialisés dans des thématiques autres que l'habitat
(santé, enfance, etc.). On note que l'agence UN Habitat ne fait pas
partie du cluster.
Ce cluster s'occupe de la gestion des personnes
déplacées (IDP) : gestion des camps et livraison de shelters
(abris d'urgence) et relogement.
LACIRH
La CIRH est créée par arrêté
présidentiel le 21 avril 2010 suite au séisme de janvier 2010. La
CIRH procédait à l'examen des projets et programmes
financés par les bailleurs de fonds bilatéraux et
multilatéraux, les ONG et le secteur privé.
Priscilla Phelps, la responsable du secteur
« logement » au CIRH, est spécialisée en
finances municipales et logements abordables. Dans le documentaire de Raoul
Peck, elle condamne le camp Corail : elle espère un
« mea culpa » de la communauté
internationale, mais selon elle, « le mal est
fait ».
Le mandat de la CIRH, d'une durée de 18 mois, prend fin
le 21 octobre 2011. Un an après, une nouvelle institution est
créée sous le nom de Cadre de Coordination de l'aide externe au
Développement (CAED) : ce nouveau mécanisme officiellement
présenté le lundi 26 novembre 2012 est intégré au
Ministère de planification et de la Coopération externe
(MPCE).
Figure 66 : Abris et
subventions - données annuelles294(*)
Jusqu'en 2011, la réponse de la communauté
internationale et du gouvernement haïtiens aux problématiques de
relogement s'est présentée comme un ensemble de projets divers et
variés, impliquant un certains nombres d'interventions éparses,
et répondant à l'urgence.
« La critique adressée aux ONG par
certains experts est d'avoir axé l'aide sur la construction d'abris
temporaires, qui ont engouffré la majeure partie des fonds versés
au pays pour sa reconstruction (80% jusqu'en mai 2012). Or, ces associations
agissaient dans l'urgence, pour sauver les plus démunis. Elles se sont
à présent engagées à promouvoir la construction de
bâtiments permanents ».295(*)
Au cours de l'année 2011, on assiste au
développement de nouveaux projets et nouvelles d'initiatives, que l'on
peut regrouper sous deux catégories :
Les initiatives de reconstruction propre : le projet d'appui
à la reconstruction du logement et des quartiers (UN Habitat), le projet
Zorange (BID), le projet Morne à Cabri, Delmas 32, Carrefour-Feuilles,
le projet de réhabilitation « 16/6 »...
Les élaborations de plans de reconstruction de la zone
métropolitaine de Port-au-Prince.
Le projet d'appui à la reconstruction du logement et
des quartiers, en plus de ses objectifs de reconstruction, se positionne comme
un nouveau coordonnateur, afin d'accompagner le gouvernement haïtien dans
une politique globale de reconstruction et de relogement cohérente.
Certains projets concernant la reconstruction durable donnent
de l'espoir par leur succès, d'autres se présentent comme de
nouveaux « échecs ».
Les points suivants s'efforcent de pointer et de comprendre
les principales difficultés rencontrées dans la reconstruction
globale, de l'hébergement d'urgence à la reconstruction
durable :
L'urbanisme et l'urgence
Le relogement provisoire
La reconstruction durable
L'URBANISME ET L'URGENCE
Les deux concepts d'urbanisme et d'urgence peuvent sembler
contradictoires. En effet, l'urbanisme implique analyse, planification sur le
long terme, prise de recul, réajustements, etc. : autant de notions
qui semblent perdre leur sens dans les contraintes pragmatiques de l'urgence.
Pourtant, l'exemple de la reconstruction d'Haïti démontre
l'intérêt et même le caractère indispensable des
réflexions urbanistiques dans l'élaboration d'une
stratégie globale de réponse à une catastrophe, et ce
dès la phase d'urgence.
François Grünewald insiste sur l'importance de
l'urbanisme dans la stratégie globale de relèvement :
« Plus grave, la mise en place des mécanismes de
coordination clusters n'a pas pris en compte les enjeux particuliers du
contexte urbain. Dans un contexte de désastre urbain majeur, où
les enjeux de synergie entre secteurs sont essentiels et au coeur de l'action
intégrée des services municipaux, il aurait fallu que l'ensemble
de la stratégie soit coordonné par des spécialistes des
questions urbaines qui puissent influencer avec force la stratégie de
chacun des secteurs. Hélas, au contraire, chaque cluster a
fonctionné en total indépendance et les réunions
inter-cluster étaient tout sauf
stratégiques. »296(*)
LES CAMPS INFORMELS
Suite à la destruction massive de logements, plus d'un
millier de campements de survie précaire se sontformés
spontanément, par auto-installations, dans laville de Port-au-Prince et
sur l'ensemble des zones urbanisées du littoral haïtien sud-ouest.
Ces campements de survie ont envahi tous espaces libres publics ou
privés (rues, places, terre-pleind'avenues, jardins publics, terrains
privés, zonesinconstructibles pentues côté montagne ou
zones de détritus côté mer).
Leur existence, inévitable, pose la question de leur
durée. Les conditions de vie y sont précaires, et la
reconstruction est impossible sur les zones occupées. Cependant, leur
localisation à proximité ou au coeur de zones urbanisées
permet l'accès aux services encore présents dans ces zones.Les
camps situés sur des espaces publics symboliques, tel que le palais
présidentiel, sont les plus visibles, et permettent d'attirer
l'attention des médias. Les habitants savent qu'ils devront quitter les
lieux et ne s'installent donc pas définitivement. En revanche, les
grands camps situés en périphérie de la ville sont de
réels enjeux de la lutte contre la
« bidonvilisation ».
Il est donc nécessaire d'établir une
stratégie « d'urbanisme d'urgence », afin de
contrôler la création et la localisation de ces camps, d'en
améliorer les conditions, d'en limiter la durée par la
proposition rapide d'alternatives, et de rendre possible la reconstruction dans
des conditions optimales.
LE CAMP CORAIL
« Les réponses humanitaires, comme
logiques autonomes non contextuelles, peuvent participer malgré elles
à l'amplification des problèmes comme ici des mécanismes
de pression d'une urbanisation non
contrôlée. »297(*)
Le camp Corail-Cesselesse est créé le 10 avril
2010 pour déplacer des sinistrés qui s'étaient
installés spontanément dans le camp de Pétion ville, un
bassin versant, particulièrement vulnérable aux inondations. Ce
camp est installé sur un vasteterrain
désertique« disponible » de 25.000 hectares,
à 18km au nord de la ville de Port-au-Prince, afin d'accueillir environ
7000 personnes déplacées.
Le choix de ce camp « officiel » permet
à la population « volontaire » d'être moins
exposée aux risques d'inondations, mais révèle rapidement
de nombreux défauts :
les occupants sont déracinés,
le site est extrêmement exposé au vent et au
soleil(aucune ombre),
il est situé très loin du lieu de travail ou de
potentiel travail (Port-au-Prince) de la plupart des résidents,
la configuration de style militaire, est pratique mais
très rigoureuse,
son manque d'infrastructures et de réseaux (eau,
assainissement, voirie, électricité) entraîne la
dépendance à l'égard des services des ONG,
les abris transitoires qui y seront construits sont
inadéquats (cf. point « Relogement provisoire »),
il est créé sans réelle stratégie
de développement futur.
Corail
Figure 67 : Localisation du
camp Corail298(*)
Philippe Mathieu, directeur de l'Oxfam Québec
déplore dans le documentaire Assistance
Mortelle :« il n'y a pas de route, pas
d'accès », « on est en train de
créer, dans un terrain où l'on pourrait faire un exemple, le plus
grand bidonville de Port-au-Prince ». Pour lui, le camp, dans
l'urgence, s'est créé sans planification, sans
« aucun plan pour dire : voilà les rues, voilà le
terrain, voilà une titre de
propriété ».299(*)
Selon Richard Pool, « L'ARC n'a pas été
consulté lors de la planification du Camp Corail
[...]relocaliser des camps loin de Port-au-Prince, où les
perspectives économiques sont à peu près nulles,
était une erreur ... Sans base économique, le plan était
voué à l'échec. »300(*)
De plus, le 29 juillet 2010, l'Organisation Internationale
pour les Migrations (OIM) émet un rapport déclarant que la zone
du camp Corail est « propice aux inondations et aux rafales. Comme
signalé plus tôt, elle est régulièrement
inondée, au moins une fois par année. » Le document
conclut : « comme les inondations y sont fréquentes et
intenses, le site ne devrait pas servir au transfert et à la
réinstallation » des déplacés
internes.301(*)
L'ancien premier ministre redoute l'inéluctable futur
démantèlement du camp, car le gouvernement ne dispose pas de
financements pour proposer une meilleure alternative aux habitants. Les
réfugiés se sont installés dans ce camp
« officiel » dans l'espoir de devenir propriétaires
et, Raymond Lafontan, économiste conseiller du Président,
souligne « après ce 12 janvier, qui peut chasser un
haïtien qui dit que cette partie de terre de l'Etat lui appartient
? »302(*)
La création du camp Corail a résoluun
problème tout en en provoquant un autre. Rapidement, le camp, qui
était destiné à une population de 7000 habitants, attire
dans ses environs plus de 200 000 personnes, qui s'installent en
créant de nouveaux bidonvilles informels :« Un
véritable appel d'air s'est produit pour de nombreuses familles,
sinistrées ou pas, qui se sont installées au fur et à
mesure tout autour de ce camp squattant les terrains environnants. Cette
attraction ne s'est pas seulement opérée en faveur de
ressortissants des quartiers affectés de Port-au-Prince, mais de
très nombreuses familles de régions très pauvres. Ainsi le
processus d'assistance à une population par la création d'un camp
d'hébergement, facilitant les distributions pour les acteurs de l'aide,
a provoqué un phénomène d'urbanisation spontané
illégal. »303(*)
Canaan
Jerusalem
Onaville
Secteur 4
Secteur 3
Figure 68 : Camp officiel
Corail et camps informels Canaan, Jerusalem et Onaville304(*)
Brian Castro, gestionnaire du site CORAIL pour l'ONG ARC,
explique que les secteurs 3 et 4 devaient être un espace de transition
vers les secteurs 1 et 2, regroupant les abris provisoires finis. Mais les
secteurs 1 et 2 ont été envahis, ce qui rend les transferts
très compliqués.
Progressivement, et comme redouté, avec notamment la
construction d'abris de transition, le camp Corail et ses alentours se
rigidifient, s'éternisent, et finissent par être
considérés comme définitifs : le
« provisoire » est devenu « durable ».
En effet, en 2014, « Le gouvernement a obtenu de l'Organisation
internationale pour les migrations de ne plus comptabiliser parmi les
résidents des camps 54 000 personnes des camps de Canaan,
Jérusalem et Onaville, arguant que « la zone est devenue un
quartier où les gens ont l'intention de rester ». Dans la capitale,
près d'une personne sur dix réside encore dans un camp. De ce
fait, le logement doit être l'une des priorités des actions de
reconstruction, afin d'inverser la tendance réelle à la «
bidonvilisation » des camps des déplacés, qui engendre des
carences sévères et rend la population encore plus
vulnérable à l'épidémie de choléra qui
sévit actuellement. »305(*)
Trois ans après la création du camp, Frandcise
Levoy, infirmière qui travaille dans un centre de santé qui
dessert aussi les habitants des camps informels alentours, affirme que le
problème majeur reste l'approvisionnement en eau : «
Depuis le départ gradué des organisations non
gouvernementales (ONG) en 2011, il faut parcourir des kilomètres pour
aller chercher de l'eau ou payer 5 gourdes le seau à la citerne
»306(*).
Figure 69 : Camp Jerusalem
et Onaville
Figure 70 : Camp Corail -
Emergency Shelters307(*)
Figure 71 : Le camp Corail
trois ans après308(*)
En revanche, selon un article de MINUSTAH,
« contre toute attente, l'activité économique s'y
est peu à peu développée. L'allée centrale est
bordée de boutiques colorées, quincailleries, salons de
beauté ou points de recharge téléphonique. A
l'entrée du site, un marché permet aux paysans du coin
d'écouler leurs produits. »309(*) L'école nationale
accueille plus de 1000 élèves (pour 10 000 habitants environ
dans le camp Corail).
Puisque la situation semble se pérenniser, il s'agit
maintenant d'apporter infrastructures et réseaux à cette zone
esseulée.
L'URBANISME PRÉ-CATASTROPHE
La complexité de la reconstruction réside en
partie dans l'absence de contrôle de l'urbanisation en Haïti avant
la catastrophe. Les instabilités gouvernementales et les nombreuses
difficultés passées qu'a rencontré le pays ont
placé l'urbanisme comme une problématique
« secondaire ». Le manque de continuité dans les
politiques successives a engendré l'absence de véritable cadre
légal. Ainsi, deux problèmes majeurs ont entravé la
reconstruction : l'absence d'infrastructure des droits fonciers
(cadastre), et la forte densité de la ville de Port-au-Prince, y compris
sur des zones à hauts risques (qui auraient dû être non
constructibles).
En raison de l'exode rural, ce territoire a connu ces
dernières décennies des processus exponentiels de densification
et d'étalement du bâti. Sans investissements financiers et
politique, ni aménagement urbain, ces densifications et
étalements ont envahi des zones à risques et ont produit
principalement des taudis et des bidonvilles.Mososah, le mouvement de
solidarité avec les sans-abri d'Haïti, estime qu'il manquait
déjà plus de 200 000 logements avant le tremblement de
terre.310(*)
Philippe Lévêque, directeur de CARE France
explique : « Le contexte haïtien est compliqué. Les
cadastres inexistants ou manquants sont un sérieux problème.
Plusieurs familles peuvent disposer d'un titre de propriété pour
une même maison. Les ONG et les autorités ont très souvent
du mal à s'y retrouver ».311(*)
Selon Béatrice BOYER, « Les situations
foncières - la plupart du temps inextricables - non seulement bloquent
tout développement rationnel mais créent des zones urbaines
extrêmement vulnérables. »312(*) En effet, « si
les reconstructions ou réparations sur place peuvent s'amorcer pour le
retour de propriétaires de terrains bien identifiés, les
situations sont beaucoup plus compliquées pour reloger des locataires
qui n'ont pas de terrain en propre ou pour les habitants de zones
illégales ou à risque. »313(*)
Le projet « Foncier Haïti: Modernisation du
cadastre et de l'infrastructure des droits fonciers » est une
initiative commune du gouvernement haïtien et de l'OEA (Organisation des
États Américains). Cette opération, qui était
déjà à l'étude avant le séisme (octobre
2009) est primordiale : « La modernisation de
l'infrastructure du cadastre et des droits fonciers en Haïti est
probablement l'investissement qui offre le taux de rendement le plus
élevé étant donné ses effets transversaux positifs
sur tous les aspects du développement
socio-économique. »Il est difficile de prévoir le
nombre de propriétés qui devront être cadastrées et
inscrites, mais l'expérience du Programme d'universalisation de
l'identité et de la citoyenneté dans les Amériques (PUICA)
mené en Haïti permet d'espérer la mise en oeuvre du projet
en sept ans environ.
En attendant, plusieurs petits projets d'urbanisme
« participatif » ont prouvé leur efficacité
(cf. point « Reconstruction durable »).
LE RELOGEMENT PROVISOIRE
Selon Ian Davis, professeur en gestion des risques liés
aux catastrophes pour le développement durable à
l'université de Lund (Suède), « l'histoire de la
reconstruction post-catastrophe est une galerie riche en échecs et
pauvre en réussites »314(*). Il décrit deux scénarii envisageables
dans continuum hébergement / logement dans la reconstruction,
représentés dans la
Figure 72.
Figure 72 : Scénarii de continuum
hébergement / logement dans la reconstruction315(*)
LE CHOIX DES ABRIS TRANSITOIRES
Le choix s'est porté en Haïti sur le
scénario 1, avec la construction de 110 000 abris « transitoires
». En effet, le Groupe Sectoriel de l'ONU « Abris et Articles non
Alimentaires » a été très actif sous la direction de
la Fédération Internationale de la Croix-Rouge dans la
première phase des longs mois post-crise, dans la fourniture
coordonnée d'abris d'urgence (bâches, tentes), puis dans un second
temps sur la fabrication d'abris de transition. Dans un premier temps, la
fourniture d'abris d'urgence rencontre des difficultés
d'approvisionnement. Puis, la fabrication d'abris transitoires (plus
élaborés, durables) prend beaucoup de retard :selon
Béatrice Boyer,« Cette action rencontre en effet de nombreuses
difficultés parallèlement à un très gros effort de
recherche de qualité technique en termes de résistance
para-cyclonique, parasismique, adaptables à différents terrains
... »316(*)
Cette solution, qui implique déjà de nombreux
inconvénients dans le cas général, s'est
révélée particulièrement inadéquate dans le
cas d'Haïti. Elle a pourtant été maintenue sur une longue
période : des T-shelters étaient encore en construction plus
de deux ans après la catastrophe.
Figure 73 : La
reconstruction d'Haïti, entre relogement transitoire et relogement
durable317(*)
Le choix de la construction d'abris transitoires comporte de
nombreux inconvénients au regard du relèvement global :
Selon Priscilla Phelps « une somme énorme a
été investie dans les logements temporaires, principalement au
bénéfice de propriétaires existants de logements en milieu
urbain. Au moins 500 millions de dollars auront été
dépensés lorsque tous les travaux seront
achevés. »318(*)
Il semble qu'il aurait été plus judicieux de
consacrer cette vaste somme à la construction d'habitations permanentes,
légèrement plus coûteuses que les abris : le
coût moyen d'un abri est de 138,8 USD/m², alors que celui d'une
habitation permanente est d'environ 166 USD/m² (Selon Haven). Cependant,
la Banque mondiale (PREKAD) et le Bureau de monétisation
prévoient que les habitations permanentes coûteront 7 000 dollars
par unité de 18 m², soit 388 USD/m².319(*)
Les abris sont également un frein physique à la
construction de logements permanents : ils occupent souvent des terrains
en zone urbaine densément peuplée qui sont nécessaires
pour la reconstruction d'habitations.
Ces abris sont difficilement évolutifs et
améliorables en habitations permanentes : leur structure
légère en bois diffère de l'ossature en béton
armé avec remplissage de blocs de béton que l'on utilise pour les
maisons permanentes. De plus, ils ne sont pas transportables.
Selon Ian Davis, « À en juger par
l'expérience acquise au plan international, ces abris de qualité
médiocre ne seront pas démolis mais utilisés comme
habitations pendant des années, piteux héritage de cette
catastrophe »320(*). C'est l'instrument de la pérennisation des
camps.
La construction des abris n'a pas permis de nourrir
l'économie du pays et de créer des emplois au niveau local et
aucune formation spécialisée n'a jamais été
dispensée dans le cadre des programmes de construction d'abris.
Béatrice Boyer synthétise : « Les
approvisionnements en matériaux, tardifs et bloqués en douane, la
préfabrication étrangère des pièces à
monter, la production d'unités uniformes rarement modulables, la
formation d'équipes spécialisées dans le montage, n'ont
pas donné le dynamisme attendu pour la reconstruction, d'autant que les
installations de ces abris en milieu urbain posent de nombreux problèmes
de légitimation foncière. De plus le modèle d'un habitat
répétitif constitué de volumes type maisons
installées horizontalement côte à côte ne correspond
pas aux volumes d'habitations urbaines qui ont tendance à s'imbriquer
verticalement du fait de la densification. »321(*)
Patrick Coulombel s'insurge dans un Communiqué de
presse du 9 janvier 2011 : « Je m'oppose fortement à
ce type d'intervention, ce n'est pas une bonne solution car il est possible de
construire des maisons pérennes, ce n'est qu'une question de
volonté. » D'après lui,
« l'importation d'abris à monter sur place en Haïti
est commercialement intéressant pour les vendeurs, mais cela n'aide pas
Haïti à créer du savoir-faire constructif. Cela ne favorise
pas non plus la mise en place de filières économiques de
matériaux de construction. »322(*) Ne trouvant pas
d'écho à son indignation, il reformule son opposition à la
construction de nouveaux abris transitoires dans un Communiqué de presse
du 14 mars 2012, en réponse au rapport de l'IASC (Inter Agency Standing
Committee), le « Shelter & CCCM Needs Analysis and Response Startegy
pour Haïti 2012 », quipréconise la production de plus de
20 000 nouveaux T-shelters.
Figure 74 : Abris
provisoires au camp Corail
PERFORMANCES TECHNIQUES DES ABRIS
La stratégie de la construction d'abris transitoires en
elle-même est un frein à la reconstruction durable : perte de
financements, perte de temps, absence de production de savoir-faire et de
redynamisation de l'économie du pays, importation de matériaux
non locaux et impact environnemental négatif, etc. De plus, les
performances techniques de ces abris transitoires sont critiquées.
Selon Patrick Coulombel, ces abris « sont en
réalité « des cabanes » d'une vingtaine de
mètres carrés. Ils sont majoritairement faits en ossature bois
habillés de contreplaqué et d'une couverture en tôles
ondulées. Ils n'ont pas vocation à durer ; d'autant moins que les
haïtiens vivaient déjà auparavant dans des maisons de
mauvaise qualité, certes, mais en maçonnerie, en
dur. »323(*)
Les abris ne disposent d'aucun aménagement
intérieur, ni de sanitaires, de cuisine, d'électricité,
etc. Ils ne sont pas non plus résistants aux cyclones.
Les standards que l'Organisation internationale pour les
Migrations (OIM) a tenté d'imposer (une surface minimale de 18 m²,
une dalle en ciment, une couverture en contreplaqué ou panneaux de
ciment) ne sont pas respectés par les multiples agences et ONG.
De plus, de nombreux abris comportent des malfaçons, ou
sont mal adaptés : chaleur insupportable, inondations... Un
habitant du camp de Corail Cessellesse déplore : «L'eau
s'infiltre quand il pleut, car il n'y a pas de joint entre les panneaux de
contreplaqué ». Une habitante de la côte sud-est
critique : «Chez nous, les animaux peuvent entrer en se glissant
sous la bâche plastique qui n'est pas solidement fixée au
sol ».324(*)
Pourtant, ces abris, qui ne sont ni techniquement performants,
ni améliorables ou reconvertibles, sont très coûteux.
Patrick Coulombel déclare : « le coût d'un abri
d'une vingtaine de mètres carré est de 3 360 euros en moyenne
(soit 4 386 USD), selon les chiffres de l'Interim Haïti Recovery
Commission basés sur les 114 000 abris déjà
réalisés. Le prix d'une maison en maçonnerie avec des
renforts parasismiques est d'environ 4000 euros pour une surface
équivalente, soit 20 % de plus. Hors, cette maison a des
possibilités d'extension, ce qui ne peut être le cas d'un
abri. »325(*)
LE MANQUE DE STRATÉGIE ET DE COMPÉTENCES
Les raisons qui ont conduite l'aide internationale à
continuer de fabriquer et livrer les produits d'une solution si
critiquée sont diverses.
Tout d'abord, le relèvement manque de clarté sur
la stratégie de reconstruction globale. Un membre du « Shelter
& CCCM Cluster » déclare à Ian Davis :
« Je note les effets désastreux de l'absence
de politique et stratégie de reconstruction sur l'avancement des
travaux, dont la responsabilité incombe à tous ceux qui n'ont pas
répondu aux attentes du pays. Aucun accord n'a été conclu
à ce jour (18 janvier 2012) sur les plans, l'ampleur et la
méthodologie détaillée de la reconstruction de logements
permanents (échelonnements : combien? supervision : par qui?).
De plus, aucune politique n'a été
établie pour déterminer qui a droit à une maison
permanente. Aucune estimation globale n'a été entreprise pour
évaluer les besoins, les coûts et le calendrier du processus de
reconstruction et aucune étude n'a été menée sur la
disponibilité des ressources humaines qualifiées et non
qualifiées et des matériaux.
Enfin, on ne s'est pas clairement entendu sur le montant
réel alloué à la reconstruction. Le Gouvernement
haïtien a à maintes reprises sollicité une assistance pour
pouvoir développer ces paramètres et clarifier cette information
mais la communauté internationale a jusqu'à présent
échoué à répondre à ses requêtes. Si
les bailleurs de fonds se sont abstenus d'investir dans la reconstruction de
logements permanents, c'est essentiellement en raison de l'absence d'approche
clairement définie. »326(*)
De nombreuses difficultés entravent la reconstruction
durable. Celle-ci étant retardée, les bailleurs
préfèrent investir en priorité dans les abris
« transitoires ». Certains évoquent même un
intérêt financier de certains bailleurs ou des fournisseurs de
shelters.
Enfin, la plupart des organisations présentes en
Haïti, à qui sont attribués les financements des bailleurs,
n'ont pas les compétences techniques pour engager une opération
de reconstruction durable.
Selon Gwendoline Mennetrier, adjointe au coordinateur des
programmes d'ONU-Habitat en Haïti, « en 2010, 2011, 2012, la
plupart des ONG qui étaient sur place étaient des organisations
d'urgence ». Ces organisations ne disposent d'aucune expertise
en matière de constructions. Elles ne sont pas qualifiées pour
faire de la formation de maçons, d'ingénieurs, ni même la
sensibilisation des particuliers à la qualité de la construction.
Elle déclare : «Nous avons commencé à passer
à des équipes qui peuvent vraiment travailler sur le
développement, avec du personnel qualifié, des urbanistes, au
cours du dernier trimestre 2012.»327(*)
C'est ce qui explique également les pauvres
performances techniques des abris de transition. Selon Raymond
Lafontan,économiste et conseiller du président Haïtien:
« Les ONG qui disent qu'ils allaient construire ces fameux
T-shelters, ils n'ont pas ces compétences, c'est simple. Tu sais, une
ONG, c'est un organisme pour les interventions d'urgence. Le T-shelter c'est un
stade déjà un peu plus avancé. »328(*)
LA RECONSTRUCTION DURABLE
D'après Samuel Pierre, ingénieur et
président du Groupe de réflexion pour une Haïti
nouvelle : « En 2014, les grands édifices de l'Etat
ne sont toujours pas reconstruits. Il en est de même pour le Palais
National ». C'est également le cas de certains
ministères, l'université d'Etat, l'ENS...329(*) Pourtant, de nombreuses
infrastructures ont été réédifiées, et de
véritables projets de reconstruction concernant le logement ont
été mis en place depuis 2012.
L'actuel président, Michel Joseph Martelly, a
défini les grands axes de la reconstruction comprenant :
la reconstruction des quartiers précaires avec une
amélioration du cadre de vie
la densification de la trame urbaine formelle
la préparation d'extensions urbaines.
La création de l'Unité de Construction du
Logement et des Bâtiments Publics (UCLBP) s'efforce d'offrir un
leadership gouvernemental clair à la Primature pour la
reconstruction.330(*)
Selon Ayiti Kale Je, quatre ans après le séisme,
les projets ont permis de construire 3 588 nouvelles maisons ou appartements,
pour un coût total avoisinant 88 millions de USD (sur les 9 milliards
engagés dans la reconstruction, dont 500 millions ont été
dépensés dans la mise en place des abris transitoires).331(*)
Certains projets, parmi les premiers concernant la
reconstruction durable sont qualifiés de « fiascos »
(Zorange, Lumane Casimir), mais d'autres sont de véritables
succès « à leur échelle », porteurs
d'espoir.
LE SITE DE ZORANGE
Trois projets de logements sont regroupés dans la zone
de Zoranje, en périphérie nord, sur la frontière communale
de Cité Soleil et de Croix-des-Bouquets :
l' « Expo Habitat » (60 prototypes d'habitat,
2 millions de USD)
les « maisons de Chavez » (128
appartements, 4,9 millions de USD)
le projet « 400% » (400 maisons en 100
jours, 30 millions de USD)
Zoranje
Figure 75 : Localisation de
Zoranje332(*)
Selon Ayiti Kale Je,un partenariat établi notamment
entre AlterPresse, la Société pour l'Animation de la
Communication Sociale, les radios communautaires et des étudiants de la
Faculté des Sciences Humaines d'Haïti,« certains de
ces projets sont caractérisés par la quasi inexistence des
services de base, des actes de vandalisme, des vols et des soupçons de
gaspillage. »333(*)
Figure 76 : Vue
aérienne de Zoranje, janvier 2010
Figure 77 : Vue
aérienne de Zorange, avril 2013334(*)
Le 21 juillet 2011, le président Martelly, Bill Clinton
et l'ancien premier ministre Jean Max Bellerive inaugurent l'Expo Habitat : une
exposition d'une soixantaine de maisons, dont l'architecture est variée
et les modes de construction non-traditionnels, répondant aux normes
parasismiques et anticyclonique, et destinées aux moyennes bourses
(à la classe moyenne).
Cette exposition,l'un des premiers projets approuvés
par la CIRH, coûte plus de 2 millions de USD en termes de financement
public, et les compagnies étrangères et haïtiennes venues
exposer leurs modèles dépensent environ 2 millions de USD
supplémentaires. L'intention est de « mettre en évidence
les pratiques optimales pour la reconstruction de logements en encourageant des
idées novatrices pour le secteur du logement haïtien »
avec l'exposition et par la construction d'une « communauté
exemplaire ».335(*)
Michel Martelly déclare « Cette expo de
l'habitat haïtien mérite notre admiration pour l'effort qu'elle
symbolise, à toutes celles et ceux qui ont mis le meilleur d'eux
même, à toutes les entreprises locales et étrangères
qui s'y sont dédié au nom du peuple haïtien, mes plus vifs
remerciements. »336(*)
Pourtant, le projet, aussi connu sous le nom de
« Building Back Better Communities Project » (BBBC),
connaît un échec retentissant. David Odnell, directeur de la
division logement à l'Unité de Construction de Logements et de
Bâtiment Public (UCLBP), critique lors d'une entrevue en novembre
2013 : « Nous avions vu des solutions très atypiques, qui
certaines fois ne correspondaient pas à notre manière de vivre.
En tant qu'Haïtien, nous ne voyons pas la question de logements de cette
manière. C'était des trucs importés »337(*).
De manière générale, les projets
proposés pour la reconstruction sont souvent déconnectés
de la réalité. Priscilla Phelps déclare dans le
documentaire de Raoul Peck : « Les gens considèrent
Haïti comme une ardoise vierge sur laquelle on peut projeter les
idées les plus folles. Quelqu'un m'a appelé l'autre jour pour me
parler de ses maisons en plastique. Il voudrait venir pour vendre ses maisons
en plastique. Il les importerait sous forme de petits éléments,
puis ils engageraient des Haïtiens pour assembler ces maisons. Il est
convaincu que ça créerait des emplois. Il y a des milliers
d'idées farfelues en matière de logement, mais aussi de
santé, d'éducation, de tout. »338(*)
Quatorze mois après l'inauguration de l'Expo Habitat,
la plupart des maisons modèles sont toujours vides et plusieurs d'entre
elles ont été sévèrement saccagées. Le prix
moyen des modèles est de 21 000 USD(pouvant atteindre 69 000 USD), un
budget conséquent dans un pays où plus des deux-tiers de la
population gagne moins de 2 USD par jour, et plusieurs de ces maisons sont
faites de matériaux importés. Le site, remblayé à
grands frais, est sur une plaine inondable.
Le manque d'accompagnement de la suite du projet après
l'exposition révolte certains exposants. John Sorge, d'Innovative
Composites International (ICI), l'une des firmes participantes
déclare :« C'était un écran de
fumée pour promouvoir le gouvernement... toute cette expo était
une farce. » Selon lui, ICI a dépensé
« beaucoup de temps, beaucoup d'argent » et
d'énergie pour participer à l'Expo et proposer des maisons
à 12 050 USD, mais la compagnie n'a jamais eu de retour : «
Le silence total. »339(*)
« Selon au moins quatre sources, des
évidences sur le terrain et un consultant dans un projet de
l'État, ce sont des personnes déjà locataires dans le
secteur de Zoranje qui ont saisi la grande majorité des maisons de
l'Expo tout en mettant quelques-unes en location. » L'architecte
Odnell de l'UCLBP admet que c'est possible, « Parce qu'il y a un vide.
C'est parce qu'il y a absence de l'État. Je n'appellerai pas cela
`gaspillage', mais plutôt mauvaise planification, parce qu'on pourrait
les récupérer dans l'avenir. » Patrick Anglade, de
l'agence gouvernementale Fonds d'Assistance Économique et Sociale
(FAES), explique : « En dehors de la semaine où les gens
lui rendaient visite, l'Expo est tombée à l'eau. Personne ne va
là-bas. Personne ne la maintient en vie. Les entrepreneurs partent et ne
font pas la promotion de leur logement. »340(*)
Les financements s'orientent finalement plus vers des projets
classiques, similaires aux autres projets domiciliaires haïtiens
construits dans la dernière décennie,comme le projet
financé par la BID intitulé « 400% » pour 400
maisons en 100 jours : « des rangées de petites
maisons, de minuscules espaces verts, un drainage inadéquat et,
jusqu'ici, aucun système d'eau courante. »341(*) En réalité,
l'eau a enfin été installée, plus d'un an après
l'inauguration du projet, mais pas le reste des équipements promis.
Odnell admet : « Il existait de l'espace pour
tous les services. Tout ceci était dans le plan de base. Mais
malheureusement on n'est pas arrivé à les implémenter.
Donc, finalement, ce sont uniquement les logements qu'on a
érigés. Et, l'eau, ce n'est que récemment que ça a
commencé à fonctionner après avoir trouvé du
financement pour le faire ». Il ajoute :« Le projet est
inachevé », « Les gens vont y rester, c'est à
l'Etat de le continuer. Il faut améliorer le cadre de vie des occupants.
Il faut leur donner les infrastructures nécessaires. Dans la
réalisation d'un projet d'habitat, les infrastructures publiques
précèdent les logements. Quand on planifie, les services doivent
être déjà disponibles. Dans le cas de 400%, c'est le
contraire. » 342(*)
Les prêts hypothécaires sont entre 1 500 (39 USD)
et 2 000 gourdes (46 USD) par mois. Il est stipulé dans le contrat que
« le non-paiement par le locataire-acquéreur de trois
mensualités consécutives entraine l'application d'une
pénalité de 5% du montant de la mensualité
impayée » et que le « non-paiement pourrait
entraîner l'expulsion. » « Le taux de
récupération n'atteint pas 100%. Il n'atteint même pas 70%.
Ce qui veut dire que nous avons 30% de personnes qui sont en retard de
paiement »343(*), explique Anglade.
En ce qui concerne les « maisons Chavez »
parasismiques, financées par le Venezuela, comportant chacun deux
chambres à coucher, une salle de bain, un salon, une salle à
manger et cuisine, la majoritéest «
squattérisée ». Sur les 128 appartements, seulement
42 sont légalement occupés. Les autres sont restés vides
pendant 15 mois, avant de connaitre l'invasion, ou d'être
vandalisés.
LE VILLAGE LUMANE CASIMIR DE MORNE À CABRIT
Le projet de logement Village Lumane Casimir, financé
par les fonds de Petro-Caribe,se situe dans une région désertique
au pied du Morne à Cabri. Ilprévoit 3 000 logements locatifs,
dont quelques 1 300 sont déjà prêts. Le village,
inauguré en mai 2013, reste vide jusqu'en octobre 2013 : depuis,
plus de 200 logements sont attribués.Plusieurs des maisons non encore
occupées sont saccagées : « Entre 120 et 150
logements ont été vandalisés », admet Odnell de
l'UCLBP.
Figure 78 : le Village
Lumane Casimir à Morne à Cabrit344(*)
Toutes les maisons prêtes sont dotées d'une
alimentation en eau et électricité, d'un réchaud à
gaz, d'un récipient à traiter l'eau, de végétation
avec un service d'arrosage des parcelles de jardin, et d'une promesse de
transport automobile aller-retour à la capitale pour 20 gourdes. Le
village devrait se doter en outre d'équipements : « un
système d'assainissement, un commissariat, un centre de santé, un
réservoir d'alimentation en eau potable, une place publique, un terrain
de football, une ligne électrique, un pôle commercial, une
école professionnelle, un marché public et une école
fondamentale », et « Il y aura un mini parc industriel qui
aura toutes les facilités visant à créer des emplois pour
sédentariser les bénéficiaires »345(*), promet Odnell.
Le problème réside dans le loyer, qui doit
être compris entre 7 000 (163 USD) et 10 000 gourdes (233 USD) :
l'opération ne peut pas vraiment être qualifiée de
« logements sociaux ».
LE PROJET 16/6
D'autres projets sont, au contraire,
« couronnés de succès », et poursuivent leurs
avancées. C'est le cas du projet « 16/6 » :
seize quartiers pour six camps. Ce projet est mis en place le 30 septembre
2011, par le gouvernement haïtien en collaboration avec le Programme des
Nations Unies pour le Développement (PNUD), l'Organisation
Internationale du Travail (OIT), l'Organisation Internationale pour les
Migrations (OIM), et le Bureau des Nations Unies pour les Services d'Appui aux
Projets (UNOPS).
« Outre la réhabilitation des quartiers
meurtris de la Capitale et la provision d'une offre de logements
améliorée, ce projet pilote financé par le Fonds de
reconstruction d'Haïti et le Gouvernement canadien cherche à
améliorer les conditions de vie des habitants des zones
concernées, en favorisant la mise en place de services sociaux de base
et la création d'activités génératrices de revenus.
Une solution intégrée qui inclut la fermeture de six camps, la
relocalisation et l'amélioration de la qualité de vie des
personnes déplacées tout en répondant aux besoins urgents
en matière d'infrastructures physiques et aux problèmes sociaux
des communautés sélectionnées. »346(*)
Figure 79 : Projet "16/6" -
Morne Hecule, phase pilote347(*)
Le projet, qui se veut un modèle d'intervention pour
bien d'autres futurs, opère de manière intégrée et
participative : « Les responsables du projet 16/6 de concert avec
la population de la zone ont identifié des projets prioritaires parmi
lesquels l'électricité, le besoin en eau, et l'assainissement
dans la zone »348(*), explique Theodore Achille, chargé de
projet-infrastructures communautaires UNOPS.
« MTPTC a déjà évalué
toutes les maisons, nous allons réparer celles qui sont marquées
en jaune, pour les maisons marquées en rouge, une subvention de 3500 USD
sera donnée par famille ; et enfin les débris seront
enlevés »349(*), déclare Clément Bélizaire,
directeur du projet 16/6.
Le projet intégré, d'un coût total
estimé à moins de 80 millions de USD, est
subventionné à hauteur de 30 millions de USD par le FRH, et
ses dépenses s'élèvent à moins de 28 millions
de USD en décembre 2013. Le budget raisonnable du projet pilote lui a
tout de même permis d'atteindre de nombreux objectifs, parmi
lesquels :350(*)
Fermeture de 50 camps de déplacés : 24
dans les quartiers prévues, et 26 sur le Champ de Mars.
Retour accompagné de 44 000 personnes
déplacées (11 000 familles) dans leur quartier d'origine.
Formation de 63 formateurs certifiés.
Formation de 279 ouvriers et contremaîtres.
Réparation de 939 maisons.
Accès amélioré au logement pour 1 410
familles.
Construction en cours de 136 maisons avec les ouvriers
nouvellement formés.
Création de 8 plateformes communautaires
validées, formées et légalisées.
Plan de prévention de risques élaboré
pour les 8 quartiers ciblés.
Réalisation de délimitation cartographique et
de planification communautaire dans 8 quartiers.
Mise en place de 14 infrastructures d'eau mises en
place,trottoirs reconstruits et murs de soutènement
réalisés.
Réhabilitation de routes et de caniveaux
réalisés.
Création et mise en place d'un modèle logique
d'intervention exemplaire applicable par le gouvernement (national ou local),
agences, et autres acteurs impliqués dans les efforts de reconstruction
nationale.
300 micro entreprises formées en marketing, business
management et Comptabilité.
4473 emplois créés avec 75% de femmes.
75% de la main d'oeuvre recrutée provient des
quartiers ciblés.
Renforcement de l'économie locale grâce à
l'achat de matériaux de construction dans les commerces des zones du
16/6...
D'autres projets fonctionnant sur un modèle d'urbanisme
participatif, et avec comme nouvel outil de densification la création de
copropriétés à étages, se développent. C'est
le cas de celui de Carrefour-Feuilles, qui compte également un
mécanisme communautaire afin de résoudre les conflits de droits
fonciers, mais aussi de Nazon, Chrit-Roi, Avenue Pouplard,
Simon-Pelé...
LE DÉMANTÈLEMENT DES CAMPS
Ces nouvelles initiatives permettent de relocalisées
les réfugiés « en douceur », mais sont
relativement lentes et de petites tailles. Malheureusement, les
démantèlements de camps massifs depuis juillet 2010 se sont
parfois réalisés au détriment des intérêts
des réfugiés, ou même avec violence.
Les municipalités, harcelées à la fois
par les voisins des campements qui exigent leur démantèlement et
par les réfugiés qui réclament un toit, sont dans les
premiers temps les seules autorités publiques à s'efforcer de
régler la situation. L'administration communale de Port-au-Prince a
ainsi élaboré un projet de nouveau pôle urbain à
Morne-à-Cabrit afin d'y relocaliser les déplacés du
Champ-de-Mars,mais cette opération de 6 000 constructions vouées
à la location-vente nécessite alors un budget de 76 millions de
dollars, que la municipalité peine à trouver.
La mairie de Pétion-Ville essaie, pour sa part,
d'obtenir le départ des réfugiés de la place Saint-Pierre,
en échange d'un versement de 500 USD par famille. Les
réfugiés sont alors réticents à partir, car ils
craignent que cette somme ne leur permette pas de payer une année de
loyer dans un logement salubre, et encore moins de financer une
construction.
« À Delmas, l'action de la
municipalité a été plus radicale. Au motif que ces lieux
serviraient à la prostitution et au banditisme, le maire a
ordonné, en mai 2011, la destruction de trois camps de tentes,
détruisant du même coup les maigres biens de certains
déplacés, qui ne reçurent aucun dédommagement.
Cette initiative déclencha les protestations des réfugiés,
d'organisations de défense des droits de l'homme, de parlementaires
étasuniens et de la mission de l'ONU ».351(*)
De nombreuses victimes du séisme vivent toujours dans
des camps, ou dans les trois zones informelles que sont Canaan, Onaville et
Jérusalem. La moitié des camps n'a pas des services sanitaires,
et seulement 8% sont approvisionnés en eau, d'après un rapport de
l'UCLBP et le « CCCM Cluster » d'octobre 2013. Les 7 et 9
décembre 2013, 126 familles ont été forcées de
quitter les habitations qu'elles avaient auto construites à Canaan, sans
propositions de meilleure alternative.
Le déficit de logements d'Haïti,
déjà estimé à 200 000 logements avant le
séisme, s'accroît avec l'exode rural, et selon la Politique du
logement et de l'habitat (PNLH) de l'UCLBP, publiée en octobre 2013, le
pays doit renforcer ses efforts dans cette direction : «
Haïti devra faire face au défi de construire 500 000 nouveaux
logements pour répondre au déficit actuel et aux besoins
jusqu'à 2020 ».
10.2.3
INTÉRÊT D'UNE ORGANISATION MONDIALE
Après avoir questionné la place de l'architecte
dans les mécanismes de l'aide internationale post-catastrophe et mis en
évidence l'intérêt de son expertise en deuxième
partie, ce document s'efforce de démontrer les avantages potentiels
d'une organisation mondiale de la reconstruction post-catastrophe, à
l'aide de réflexions basées sur le cas d'Haïti.
De nombreuses difficultés rencontrées dans la
gestion de la crise en Haïti renforcent encore l'affirmation de la
nécessité d'intégrer les problématiques d'urbanisme
et d'architecture au sein des stratégies de reconstruction dès la
phase d'urgence.
Dans le cas d'Haïti, les acteurs qui disposent de
compétences en matière d'urbanisme et d'architecture, tels que la
fondation Architectes de l'urgence ou l'agence UN Habitat ont, par exemple,
très tôt tenté d'exprimer leur désaccord sur la
poursuite de livraisons de T-Shelters. Cependant, leurs recommandations n'ont
pas été entendues par les décideurs, ou seulement
très tardivement. Peut-être en aurait-il été
autrement si une organisation, rassemblant ces compétences, d'envergure
mondiale et dotée de financements (puisque ce sont manifestement les
financements qui font les décideurs) s'était
présentée comme véritable interlocuteur dans la
reconstruction.
Cette partie a pour objectif d'imaginer les
bénéfices qu'aurait pu idéalement apporter une telle
organisation dans la reconstruction d'Haïti. On suppose ici qu'il s'agit
d'une organisation d'échelle mondiale rassemblant les professions et
compétences de l'architecture et de l'urbanisme, disposant de
financements et d'expérience de l'urgence, et mise en place bien avant
le séisme d'Haïti.Il convient d'insister sur le caractère
idéaliste de ces suppositions, que l'on tentera, par la suite, de
confronter aux limites du cadre réel.
La réflexion s'organise dans un développement
chronologique, qui débute avant le désastre, et continue
après le relèvement complet espéré.
PRÉVENTION
Le séisme en Haïti a été d'autant
plus destructeur que l'urbanisme et les normes de constructions
n'étaient absolument pas maîtrisés dans le pays. Selon
Béatrice Boyer, « L'imbrication de volumes bâtis mal
construits et de fonctions urbaines mal, pas gérées du tout ou
quasi inexistantes, a provoqué des conséquences en chaîne,
tant du fait des secousses que du fait de l'irresponsabilité de la
gestion du bâti haïtien. Ces secousses ont détruit de
très nombreux bâtiments non parasismiques dont des
ministères, des écoles, des
habitations... »352(*) Finalement, « L'absence de
maîtrise du tissu urbain haïtien, les faiblesses en matière
de réglementation constructive sont autant de causes de la
démultiplication des impacts destructeurs du
séisme. »353(*)
Le scénario suivant est imaginé dans le cadre
idéal de l'existence d'une Organisation Mondiale pour la Reconstruction
(OMR) post-catastrophe forte, active, et implantée dans le monde entier,
capable d'agir en prévention, notamment en Haïti :
L'OMR avertit le gouvernement haïtien sur les risques
encourus par les constructions non parasismiques et non para cycloniques, ainsi
que sur les risques de l'urbanisation de zones à hauts risques
(inondations, glissements de terrains...).
L'OMR suggère au gouvernement haïtien de
moderniser son infrastructure du droit foncier, et de développer des
plans d'urbanisme d'urgence, définissant des zones d'évacuation
d'urgence, basées sur différents scénarii de
catastrophes.
Le gouvernement haïtien, en partenariat avec l'OMR et
éventuellement des ONG de développement, modernise son cadastre,
prend des mesures de contrôle de l'urbanisation des zones à
risques, définit des plans d'urbanisme d'urgence, et réhabilite
les équipements publics aux normes parasismiques et anti cycloniques
(avec l'appui technique de l'OMR).
Il encourage également la mise aux normes
anti-sinistres dans le secteur privé à travers la formation des
professionnels du bâtiment et la sensibilisation de la population (auto
construction).
Ces mesures permettent progressivement de faire croître
la résilience du pays, et limitent les effets destructeurs de la
catastrophe.
URGENCE ET RECONSTRUCTION
« D'une manière générale,
le secteur de l'aide a montré qu'il est mal équipé en
compétences et outils relatifs aux problèmes et enjeux urbains:
en cartographie des plans urbains, en diagnostics multidisciplinaires
socio-urbains, en capacité de conseil auprès des institutionnels
locaux pour aider à établir des schémas d'orientation
stratégique urbaine - extension - rénovation - logements -
égouts - transports ...-, en planification évolutive, en
approches par échelles de périmètres administratifs, en
processus et procédures d'aménagements, de financements, de
coordinations stratégiques ou opérationnelles. Si une agence de
l'ONU, UN-Habitat, était bien en capacité et très active
sur ce type d'analyses, les travaux de cette agence n'ont eu ni l'écho
ni la reconnaissance nécessaire parmi ses pairs. Il a fallu des mois
pour que la valeur de leurs recommandations soit enfin reconnue ! On a alors vu
le groupe de travail «Quartier logement» prendre enfin toute son
importance stratégique, mais que de retard et que de gâchis dans
la réponse .... »354(*)
« A côté des activités des
autres acteurs humanitaires, l'important travail de réflexion
élaboré au sein d'UN-HABITAT, en lien avec les institutions
haïtiennes concernées et sur des objectifs structurels de la
reconstruction, commence à porter ses fruits. Mené par des
acteurs compétents en questions urbaines, cet apport est longtemps
resté en retrait de l'opérationnalité visible de l'aide,
pour des raisons de culture et mécanismes onusiens humanitaires, des
raisons organisationnelles et même de concurrence inter-agences avec ses
conséquences (manque de moyens, de personnels, de
locaux). »355(*)
L'exemple d'Haïti, et notamment du camp Corail,
démontre l'importance des conséquences sur le long terme des
stratégies de relogement d'urgence, en particulier concernant
l'urbanisme.
La gestion du continuum hébergement d'urgence -
relogement durable par une étape intermédiaire,
« transitoire », se révèle, dans ce contexte
et dans ces conditions, contre-productive. De plus, même dans le cas
hypothétique d'une nécessité absolue de recourir aux abris
de transition, de bien meilleures solutions peuvent être proposées
(meilleures performances techniques, possibilités d'évolution,
recours aux ressources locales).
Enfin, en janvier 2013, « sur les quelque 9
milliards de dollars engagés dans la reconstruction, seuls 70 millions
ont été décaissés pour un programme concernant le
logement. Encore, décaissé ne signifie-t-il pas
dépensé, mais simplement transféré à
l'organisation qui exécutera le programme...Et même si l'on ajoute
à ces 70 millions les 112 millions de dollars consacrés par le
Fond de reconstruction d'Haïti, administré par la Banque mondiale,
on est très loin de pouvoir apporter au secteur l'impulsion
nécessaire pour construire des logements en
nombre. »356(*)
Le scénario suivant est, dans la continuité du
précédent,pensé en supposant l'existence d'une
Organisation Mondiale pour la Reconstruction post-catastrophe (OMR),reconnue
comme un véritable pilier de la reconstruction :
Le relogement d'urgence se réalise dans des conditions
d'efficacité optimale grâce aux plans d'urbanisme d'urgence
préalables, bases de la réflexion. De plus, l'OMR,
réactive, met à disposition du processus de relogement d'urgence
ses compétences et outils relatifs aux problèmes et enjeux
urbains.
Les Emergency Shelters, également préalablement
développés en partenariat avec l'OMR, sont optimaux en termes de
coût, de stockage et acheminement, et de performances techniques.
Avec la présence d'un système cadastral plus
clair, et la définition d'une stratégie globale, la
reconstruction peut être mise à l'oeuvre plus rapidement et
efficacement, évitant le recours à une étape de
transition.
Si cette étape est inévitable, les abris de
transition sont développés localement, en partenariat avec les
professionnels locaux, et sont réalisés de manière
à pouvoir évoluer en construction durable.
Les professionnels locaux, membres du réseau de l'OMR,
sont impliqués dès les premiers temps du processus de
reconstruction, et l'OMR n'intervient qu'en soutien, accompagnement. La
reconstruction durable permet la formation de nouveaux professionnels et la
création d'emplois.
Concernant les financements, le poids de l'OMR dans
l'élaboration de la stratégie globale lui facilite la confiance
des bailleurs et permet une plus juste répartition des fonds.
11 CONCLUSION
L'intérêt potentiel d'une forme d'organisation
mondiale pour la reconstruction post-catastrophe, capable de s'imposer comme
véritable interlocuteur dans la reconstruction, est indéniable.
Il est démontré dans cette partie que, dans des circonstances
idéales, une telle organisation aurait permis une reconstruction plus
rapide, efficace et dynamisante en Haïti. Néanmoins, la question de
la généralisation, de la forme, et des financements se pose.
Ainsi, la partie suivante se propose de développer des
pistes de réflexion sur les moyens de mise en place et outils possibles
d'une organisation mondiale de la reconstruction, sur son éventuelle
forme, statut, et sur ses possibilités de financements. Il ne s'agit
là que de modestes réflexions personnelles, disposant de peu
d'expérience, et de bien peu de connaissances en droit international.
L'intention est essentiellement de ne pas se réduire à la simple
critique.
11.1 PISTES VERS UNE ORGANISATION MONDIALE POUR LA
RECONSTRUCTION
11.1.1 FORME,
STATUT
La mise en place d'une Organisation Mondiale pour la
Reconstruction post-catastrophe pourrait s'effectuer de trois principales
manières :
La création d'une nouvelle institution,
La création d'un réseau d'entités
existantes,
Le renforcement d'une entité existante.
LA CRÉATION D'UNE NOUVELLE
INSTITUTION
La création d'une nouvelle institution « de
toutes pièces », sans matière initiale, semble se
heurter à deux difficultés majeures. En effet, elle pose tout
d'abord la question des acteurs de sa mise en place : qui peut
prétendre fonder une nouvelle entité qui aurait autorité
sur les autres (déjà existantes), ou qui engloberait les
autres ?
En outre, les acteurs de l'aide internationale
post-catastrophe sont déjà très nombreux et variés,
mêlant des statuts, relations d'autorité, de financements peu
lisibles... La confusion est déjà grande, et les projets de
coopération / coordination sont également très nombreux,
se recoupent... La création d'un nouvel acteur supplémentaire
dans ce « fourmillement » de l'aide internationale
étudié en partie
1.2 ne semble pas être une solution
parfaitement satisfaisante.
LA CRÉATION D'UN RÉSEAU
D'ENTITÉS EXISTANTES
Plusieurs associations, fondations, ONG s'efforce de se
rassembler en réseaux ou de créer des antennes à travers
le monde.
C'est le cas, par exemple des Architectes Sans
Frontières, avec ASF International (ASF Int), qui regroupe 27 ONG
membres à travers le monde, agissant surtout sur les
problématiques de développement.
Figure 80 : ASF
International - à gauche, pays membres, à droite,
activités dans le monde357(*)
La Fondation Architectes de l'urgence, quant à elle,
compte trois antennes à l'international : en Suisse, au Canada et en
Australie, et s'efforce de créer des partenariats, d'élargir son
réseau, à chacune de ses nouvelles interventions à
l'international.
On peut qualifier leur résonnance d' «
internationale », mais non de « mondiale ». La création
de tels réseaux permet de renforcer les actions de solidarité
internationale, mais pas de disposer d'une véritable organisation
commune : élaborations de stratégies, répartition des
financements, des moyens...
LE RENFORCEMENT D'UNE ENTITÉ
EXISTANTE
Le renforcement et la diversification d'une entité
internationale existante peut constituer une solution intéressante. Deux
entités semblent se prêter à l'opération : le
Programme des Nations Unies pour les Etablissements Humains(PNUEH ou UN
Habitat), et l'Union Internationale des Architectes (UIA).
UN Habitat a montré, dans la reconstruction
post-séisme d'Haïti, le grand intérêt de ses
compétences et de son intervention, mais aussi son manque
d'autorité, le faible impact de sa voix au sein de l'aide
internationale, du moins lors de la phase d'urgence. Il s'agirait donc de
développer sa branche « Réduction des risques et
reconstruction », et de l'orienter également davantage vers
des fonctions de relogement d'urgence. De par son rattachement à l'ONU,
elle rassemble 193 Etats à travers le monde, et peut être
qualifiée de « mondiale ». Néanmoins, l'ONU
est une institution relativement politisée, et l'UN Habitat ne
rassemble, ni ne représente l'ensemble des professionnels de la
construction et de l'urbanisme. Elle n'a par exemple pas vocation à
intervenir sur les formations de ces domaines dans ses pays membres.
L'UIA, quant à elle, répond tout à fait
absente dans la réponse internationale à Haïti. En effet,
même si elle rassemble 124 pays et territoires et peut être
qualifiée de « mondiale », elle ne dispose que de
très peu de financements, et se consacre principalement à la
défense de la profession d'architecte ou au soutien de certaines
initiatives d'architectes (défense du patrimoine, etc.). Jusqu'à
présent, l'Union se préoccupe peu des problématiques de
développement ou de la reconstruction d'urgence. En revanche, elle
s'implique dans le domaine de la formation, et regroupe potentiellement tous
les architectes.
Un renforcement, une diversification et un partenariat des
deux entités pourrait constituer se révéler
particulièrement efficace, et envisageable, dans la mesure où un
accord de coopération a déjà été
signé en 2005. Enfin, ce rassemblement pourrait également
intégrer l'Association Internationale des Urbanistes (AIU).
EVOLUTION
L'Organisation Mondiale pour la Reconstruction pourrait en
réalité, de par les conditions de sa formation, et par extension,
étendre son domaine d'action à la construction en
général. Elle deviendrait la référence mondiale
dans les domaines de l'architecture, du génie civil, de l'urbanisme et
de la construction, tout en concentrant son action sur les situations
problématiques, à l'image de l'Organisation Mondiale pour la
Santé (OMS).
11.1.2 OBJECTIFS,
MOYENS, OUTILS
Les objectifs de l'OMR, référence mondiale et
autorité coordinatrice dans les domaines de la construction, seraient
d'agir dans la recherche, dans la prévention, et dans la formation pour
accroître la résilience des zones urbanisées du monde
entier, ainsi que de créer une expertise de la reconstruction d'urgence,
et d'accompagner de manière efficace les gestions de crises.
Elle serait chargée de définir les programmes de
recherche dans les domaines de l'urbanisme et de la construction, de fixer des
normes et des critères, de présenter des options politiques
fondées sur des données probantes, de fournir un soutien
technique aux pays et de suivre et d'apprécier les tendances en
matière d'architecture et d'urbanisme.
RECHERCHE
En matière de recherche, l'OMR définirait les
orientations générales et les programmes :
recherche matériaux,
recherche de solutions techniques anti-sinistres,
recherche de solutions techniques d'urgence (shelters,
techniques d'auto construction...)
Et, plus généralement :
développement d'outils dans le domaine de l'urbanisme
(cartographie, pratiques innovantes, etc.),
développement d'outils dans le domaine de l'architecture
et du génie civil (matériaux, innovations techniques, etc.),
Ainsi, les propositions « formelles »
spontanées étudiées en partie
2.1 pourraient s'inscrire dans un cadre
fixé, répondre à une réelle demande ciblée.
Elles en seraient plus cohérentes, plus proches de la
réalité des besoins, et plus probablement
développées, réalisées.
CONNAISSANCES ET
RÉFÉRENCES
L'OMR pourrait s'efforcer de regrouper l'ensemble des
connaissances, techniques et pratiques relatives à l'urbanisme et
à la construction à travers le monde, afin de créer un
patrimoine des savoirs dans ces domaines, dont le contenu serait
évolutif et consultable.
L'OMR pourrait également définir des outils, des
normes et standards, des bonnes pratiques dans ces domaines, qui serviraient de
référence à l'échelle mondiale.
L'ensemble de ces informations pourrait prendre la forme d'une
banque de données et d'une « boîte à
outils ».
URBANISME D'URGENCE
L'OMR pourrait, par exemple, développer un outil
d' « urbanisme d'urgence » : le « Plan
Local d'Urbanisme d'Urgence » (PLUU). Cet outil consisterait à
définir des scénarii d'urgence probables, et à
élaborer des plans de stratégie qui y répondent :
définition de zones de dégagement, de lieux d'évacuation
non constructibles, et disponibles en cas d'urgence, définition de lieux
stratégiques d'hébergement d'urgence (en fonction des risques,
des accès aux services, réseaux, équipements, etc.)...
Cela permettrait d'éviter les situations de relocalisation de
réfugiés en zone à risque.
PRÉVENTION
De par son réseau mondial, l'OMR aurait un rôle
de surveillance et d'avertissement concernant les pratiques de l'urbanisme et
de la construction. Il s'agirait d'alerter les gouvernements des situations
dangereuses (urbanisation non contrôlée, constructions
dangereuses, etc.), et de les aider à agir au moyen, par exemple, d'un
soutien stratégique, de l'intervention d'ONG de
développement...
L'OMR encouragerait et agirait en partenariat avec les
systèmes de surveillance et d'alertes relatifs aux catastrophes
naturelles.
L'OMR pourrait également préparer les situations
d'urgence, en réalisant des « projets d'urgence »,
développés dans le cadre de la recherche. On pourrait imaginer un
découpage par zones géographiques, climatiques et par type de
risque. Dans chaque zone, une initiative de recherche en matière
d'hébergements d'urgence est encouragée et financée. Puis,
ces solutions techniques sont développées localement, produites
à partir des ressources locales (entreprise de préfabrication,
matériaux, etc.), et stockées localement. Cette mesure concerne
toute les régions urbanisées du monde, car elles sont toutes
soumises à des risques (naturels comme technologiques).
Ainsi, ces solutions bénéficieraient des
avantages de la préfabrication (réduction des délais, des
coûts de fabrication, facilité de montage), tout en favorisant les
économies locales, en réduisant les délais et coût
d'acheminement, en limitant l'impact environnemental... On éviterait
ainsi l'absurdité des solutions préfabriquées à
grands frais dans des pays à forte économie et livrées
(délai et coût) dans des pays en développement. De
même, les solutions pourraient être bien mieux adaptées, car
elles viseraient un cadre d'utilisation plus restreint.
URGENCE ET RECONSTRUCTION
En réponse à une catastrophe, l'OMR s'imposerait
comme un véritable interlocuteur dans l'élaboration des
stratégies de relèvement, dès la phase d'urgence. Elle
apporterait ses compétences relatives à l'urbanisme et à
la construction, ainsi que son expertise de l'urgence dans le débat. En
partenariat avec ses membres locaux, elle disposerait rapidement d'une analyse
efficace et d'une compréhension du contexte d'intervention.
Grâce aux « projets d'urgence »,
elle pourrait proposer des solutions techniques d'hébergement d'urgence
optimales.
Enfin, elle pourrait accompagner les autorités locales
des zones affectées dans l'élaboration et la mise en oeuvre de la
reconstruction (répondant à des critères et standards de
référence), en mobilisant tout d'abord et principalement les
professionnels locaux, membres de l'organisation.
RETOUR SUR EXPÉRIENCE
L'OMR pourrait s'alimenter des diverses situations d'urgence,
qui sont souvent soumises à des contraintes communes, afin de
développer une véritable expertise de la reconstruction
d'urgence, et accroître son patrimoine de connaissances.Elle
s'assureraitde maintenir une « mémoire institutionnelle »
tangible à l'aide, par exemple, de dispositifs innovants. Elle augmente
ainsi son efficacité dans l'accompagnement à la gestion de
situations d'urgence futures.
FORMATION
L'OMR lutterait également à travers le monde
pour la formation des métiers de la construction, de l'architecture, et
de l'urbanisme aux problématiques des risques (et en particulier aux
principaux risques locaux), ainsi que pour la sensibilisation des populations
aux risques (notamment en cas d'auto construction).
En outre, elle favoriserait et soutiendrait la création
de formations complémentaires spécifiques à l'urgence
reconnues.
FINANCEMENTS
L'OMR veillerait à limiter au maximum son coût de
fonctionnement propre, en ayant recours à un minimum de postes fixes.
Par exemple, en cas de situation d'urgence qui nécessiterait une
mobilisation importante, elle pourrait faire appel à des professionnels
formés à l'urgence et disponibles sur un fonctionnement
d' « astreinte ». Elle fonctionnerait également
en partenariat avec les ONG de professionnels de la construction ou de
l'urbanisme reconnues par elle.
Les financements des stratégies de prévention
pourraient être présentés auxbailleurs étatiques
comme des « investissements ». En effet, il est bien
souvent plus efficace et moins onéreux d'agir en prévention,
plutôt qu'en réponse.
Enfin, la légitimité que l'OMR aurait dans
l'élaboration des stratégies de relèvement lui accorderait
la confiance des bailleurs, et permettrait un financement justement
réparti entre les différents domaines d'intervention de l'aide
internationale.
12 CONCLUSION ET LIMITES
L'aide internationale en réponse aux situations
d'urgence post-catastrophe se heurte à de nombreuses difficultés,
et présente de nombreux points d'obscurités qui sont soumis
à la critique. Mais de nombreux efforts sont engagés dans les
domaines de la coordination et de la transparence. L'aide internationale, bien
que critiquée, est indispensable dans certaines situations. Il ne s'agit
pas de condamner l'ensemble du système en place et de ne proposer aucune
alternative, mais plutôt de l'orienter, de le faire évoluer pour
l'améliorer.
La proposition d'Organisation Mondiale pour la Reconstruction
post-catastrophe présente sans doute de nombreuses limites :
difficultés de mise en place, possibilités de certaines lenteurs
administratives, inévitables frais de fonctionnement, manque de
clarté dans les relations d'autorité avec les autres
entités, potentielle instrumentalisation sous des enjeux politiques,
médiatiques, risques de dérives, d'ingérence... Mais il
s'agit-là de difficultés qui concernent l'ensemble des acteurs de
l'aide internationale, et qui suscitent déjà l'attention de la
communauté internationale et des efforts d'amélioration de la
part des acteurs de l'aide internationale.
Cette organisation permettrait néanmoins d'offrir une
position reconnue et légitime aux professionnels de la reconstruction
(professionnels de la construction spécialisés dans l'urgence et
la reconstruction) dans le système d'aide internationale
post-catastrophe, et d'imposer les thématiques de l'urbanisme et de la
construction dans l'élaboration des stratégies globales de
relèvement, dès la phase d'urgence. Elle permettrait de lutter
contre la contradiction qui existe actuellement entre urgence et urbanisme.
La difficulté majeure résiderait certainement
dans la mise en oeuvre des actions de prévention (mettre en place un
système de plans d'urbanisme d'urgence, obtenir des réactions et
résultats dans le cas d'une mise en garde sur une situation de risques,
s'assurer que les standards minimums définis sont respectés dans
la construction, etc.), et dans la mobilisation de financements pour la
recherche et la prévention. Il en va de l'engagement et de la
volonté de tous les membres.
La mise en place d'une telle organisation pourrait faire
évoluer également les métiers de l'architecture et de
l'urbanisme, et de les diversifier vers des spécialisations encore peu
explorées et reconnues.
Enfin, la généralisation de l'OMR en
organisation de référence de la construction (et non seulement de
la reconstruction), et la centralisation du patrimoine des connaissances,
pratiques et techniques de l'architecture et de l'urbanisme aurait certainement
un impact très positif sur ces professions.
13 CONCLUSION SUR L'EXERCICE DU
MÉMOIRE
Le choix de l'objet de ce mémoire s'est fait en rapport
à mes projets professionnels et personnels. Le cadre du mémoire
n'était sans doute pas assez restreint, le sujet à traiter trop
vaste...
En effet, il est très difficile, et même
réducteur, de traiter de la reconstruction
« physique » post-catastrophe sans appréhender
l'ensemble des problématiques du relèvement. De même, il
m'était impossible d'étudier la place de l'architecte dans l'aide
internationale post-catastrophe sans étudier les autres acteurs et les
mécanismes de cette aide. Il semblait également crucial
d'interroger les principaux facteurs influents de la reconstruction
post-catastrophe.
L'exemple d'Haïti est particulièrement
édifiant : il a mobilisé une aide internationale
exceptionnellement importante, organisée de manière
inédite, et a pointé les faiblesses du système actuel. De
par les nombreuses critiques, éloges, controverses qu'il suscite, il
permet de se forger une opinion personnelle nuancée sur le
fonctionnement et les rouages de l'aide internationale.
La proposition est modeste, mais le travail de documentation,
de recherche, de compréhension, de comparaison, de positionnement
personnel, etc. est conséquent. L'exercice qu'a constitué la
réalisation de ce mémoire, en dépassant le cadre des
disciplines strictement reliées à l'architecture, m'a beaucoup
apporté. Il a développé et fait évoluer mon opinion
sur l'aide internationale et humanitaire, ainsi que mes ambitions de projets
professionnels.
14 BIBLIOGRAPHIE
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15 ANNEXES
SIGLES ET
ABRÉVIATIONS
A&D : Architecture et Développement
ACTED : Agence d'aide à la coopération
technique et au développement
AFD : Agence Française pour le Développement
AFPS : Association Française du Génie
Parasismique
AID : Association internationale de
développement
AIU : Association Internationale des Urbanistes
APD : Aide publique au développement
ARC : American Refugee Committee
ASF : Architectes sans frontières
ASI : Association de Solidarité Internationale
AZF : Usine chimique (AZote Fertilisants) à
Toulouse qui explose le 21 septembre 2001
BCAH : Bureau de la coordination des affaires humanitaires des
Nations unies
BID : Banque interaméricaine de développement
BIRD : Banque internationale pour la reconstruction et le
développement
BRGM : Bureau de Recherches Géologiques et
Minières
CA : Conseil d'administration
CAD : Comité d'Aide au Développement
CARE : Cooperative for Assistance and Relief Everywhere
CARICOM : Caribbean Community (Communauté
caribéenne)
CAUE : Conseils d'Architecture, d'Urbanisme et de
l'Environnement
CCCM : Camp Coordination and Camp Management
CERF : Central Emergency Response Fund
CIAF : Conseil International des Architectes
Français
CIAM : Congrès internationaux d'architecture
moderne
CICID : Comité Interministériel de la
Coopération Internationale et du Développement
CICR : Comité international de la Croix-Rouge
CIRH : Commission intérimaire pour la reconstruction
d'Haïti
CLIO : Cadre de Liaison Inter ONG
CNOA : Conseil National Français des Architectes
Français
CNSA : Coordination Nationale de la
Sécurité Alimentaire
COMPAS : Système commun d'évaluation des
performances
COS : Conseil d'Orientation Stratégique
CPIA : Comité permanent international des
architectes
CPIO : Comité Permanent Inter-organisation
CRAterre : Centre international de la construction en
terre
CRP : Comité des représentants
permanents
DGM : Direction Générale de Migration
DOMP-ONU : Département des opérations de
maintien de la paix des Nations unies
DPC : Direction de la Protection civile
DSRSG : Deputy Special Representative of the
Secretary-General of United Nations
ECHO : European Commision Humanitarian Office
ECOSOC : Conseil économique et social des Nations
unies
FAU : Fondation des Architectes de l'urgence
FED : Fonds européen de développement
FICR : Fédération internationale des
Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge
FMI : Fonds monétaire international
FRH : Fonds de Reconstruction d'Haïti
FUH : Fonds d'urgence humanitaire
GACI : Groupe d'Appui de la Communauté
Internationale
HC : Humanitarian Coordinator
HCR : Haut-Commissariat des Nations unies pour les
réfugiés
IASC : Inter-Agency Standing Committee
IDA : Association internationale de développement
IDP : Internally Displaced Persons
IGH : Immeubles De Grande Hauteur
IRIN : Réseaux d'information régionaux
intégrés
IRSN : Institut de radioprotection et de sûreté
nucléaire
MAEE : Ministère français des Affaires
étrangères et européennes
MdM : Médecins du Monde
MEDDE : Ministère de l'Écologie, du
Développement durable et de l'Énergie
MINEFI : Ministère français de
l'Économie, des Finances et de l'Industrie
MINUSTAH : Mission des Nations unies pour la stabilisation
d'Haïti
MOPAN : Réseau pour l'évaluation des
performances des organisations multilatérales
MSF : Médecins sans frontières
OCDE : Organisation de coopération et de
développement économiques
OCHA : Bureau de la coordination des affaires humanitaires des
Nations Unies
OI : Organisation Internationale ou Organisation
Intergouvernementale
OIM : Organisation internationale pour les migrations
OMR : Organisation Mondiale pour la Reconstruction
post-catastrophe
OMS : Organisation mondiale de la santé
ONG : Organisation non gouvernementale
ONU : Organisation des Nations Unies
Oxfam : Oxford Committee for Famine Relief
PAM : Programme alimentaire mondial
PDNA : Évaluation des besoins après la
catastrophe
PLU : Plan local d'urbanisme
PNUD : Programme des Nations Unies pour le
Développement (UNDP : United Nations Development Program)
PNUEH : Programme des Nations unies pour les
établissements humains
PPM : Partenariats et programmes mondiaux
PPRI : Plan de Prévention du Risque Inondation
SCOT : Schéma de cohérence territoriale
SdN : Société des Nations
SNGRD : Système national de gestion des risques et
des désastres
UIA : Union Internationale des Architectes
UE : Union européenne
UNESCO : Organisation des Nations unies pour
l'éducation, la science et la culture
UN-Habitat : Programme des Nations unies pour les
établissements humains (PNUEH)
UNHCR : Haut-Commissariat des Nations-unies pour les
réfugiés
UNICEF : Fonds des Nations unies pour l'enfance
UNITAR : Institut des Nations unies pour la formation et
la recherche
UNOSAT : Programme opérationnel pour les
applications satellitaires de l'UNITAR
USAID : United Sates Agency for International Development
USD : United States Dollar, code ISO 4217 de la monnaie
des États-Unis
WMF : World Monuments Fund
LES 10 ARTICLES DE LA
CHARTE DE HASSELT
1. Coopérer à des initiatives justes et
équitables pour un développement durable en collaboration
effective avec les personnes ou communautés défavorisées.
Ce processus devra respecter les principes de solidarité humaine, de
non-discrimination, avec comme objectif ultime l'autosuffisance des
bénéficiaires ;
2. Promouvoir la responsabilité sociale des
professionnels du cadre bâti favorisant les pratiques sociales avant les
intérêts spéculatifs du marché ;
3. Inciter un `professionnalisme éthique' qui
privilégie particulièrement la coopération et la pratique
ensemble avec le commerce éthique, les institutions financières
qui oeuvrent pour la paix ;
4. Identifier, promouvoir et travailler auprès
d'institutions publiques, organisations multilatérales et le secteur
privé sur des politiques, des programmes et des systèmes
socio-économiques durables pour l'éradication des
inégalités sociales et de l'exclusion ;
5. Faciliter l'usage de technologies appropriées, de
matériaux écologiques et main d'oeuvre adaptés aux valeurs
et identités culturelles de chaque situation tout en respectant
l'environnement ;
6. Partager les connaissances, promouvoir le dialogue et la
réflexion, sensibiliser et collaborer pour favoriser une production
sociale de l'habitat ;
7. Promouvoir le dialogue et la consolidation de partenariats
transnationaux durables avec et entre les pays moins
développés.
8. Soutenir les processus participatifs, démocratiques,
multi-culturaux et interdisciplinaires dans le renforcement solidaire des
communautés comme facteur de développement social rural ou urbain
;
9. Intégrer une stratégie de
développement durable dans les programmes de post-urgence ;
10. Défendre, fournir et améliorer un habitat
digne et adéquat pour tous comme un « Droit Universel
Fondamental ».
LES
PRINCIPES FONDATEURS DE LA FONDATION ARCHITECTES DE L'URGENCE
Architectes de l'urgence est une fondation reconnue
d'utilité publique.
Elle rassemble majoritairement des architectes et des
professionnels du bâtiment, et est ouverte à toutes les autres
professions utiles à sa mission.
Tous souscrivent sur l'honneur aux principes suivants :
1. Sa vocation est de mobiliser les compétences des
architectes et de l'ensemble des techniciens du bâtiment, au secours des
populations en détresse, aux victimes des catastrophes naturelles,
technologiques, des situations de belligérance, sans aucune
discrimination de race, de religion, politique ou philosophique.
2. Architectes de l'urgence intervient dans tous les pays du
monde, rassemblant sur ses principes fondateurs l'ensemble des architectes
internationaux.
3. Tous s'engagent à respecter les principes
déontologiques de leur profession, et en particulier à ne
percevoir aucune contribution financière autre que celle octroyée
par l'association pour le service rendu.
4. Les prestations des architectes de l'urgence sont gratuites
pour les sinistrés, indépendantes à l'égard de tout
pouvoir et de toute force économique, politique ou religieuse.
5. Ils interviennent à la demande des services
responsables de la sécurité, des personnes sinistrées
elles-mêmes, et de leur propre initiative quand leur conscience et leur
professionnalisme en matière de sécurité des personnes,
l'imposent.
6. Les architectes de l'urgence s'interdisent de faire de la
maîtrise d'oeuvre dans le cadre de la mission qui leur est confiée
par l'association.
Leur intervention consiste principalement :
DANS L'URGENCE :
1. à définir la nature et l'ampleur des travaux
de première urgence nécessaires àassurer la
sécurité des personnes,
2. à définir les conditions techniques et
architecturales de mise en sécurité desimmeubles et des lieux
publics,
3. à procurer aide, conseils et assistance techniques
aux personnes sinistrées afinde leur permettre de
réintégrer leur logement au plus tôt, dans de
bonnesconditions de sécurité,
4. à promouvoir des solutions techniques et
architecturales transitoires permettant aux personnes sinistrées de
vivre dignement,
5. d'aider les personnes sinistrées à
définir la nature et l'ampleur des travaux nécessaires à
la remise en état définitif de leur logement.
DANS LA PREVENTION DES RISQUES :
1. à contribuer à la mise en évidence des
risques par l'analyse des facteurs environnementaux, urbanistiques,
technologiques et architecturaux,
2. à apporter des solutions novatrices en termes
d'aménagement du territoire, de réglementation, d'urbanisme et de
construction contribuant à la sécurité des personnes.
DANS L'ACCUEIL DES GRANDS MOUVEMENTS DE POPULATION :
1. à définir les conditions sanitaires et de
sécurité des populations accueillies,
2. à établir les plans d'aménagement des
terrains d'accueil,
3. à coordonner les travaux d'équipement,
d'adduction, d'implantation de l'hébergement provisoire.
7. Les architectes de l'urgence se réservent le droit
de témoigner publiquement, librement et en toutes circonstances,
dès lors que cette action peut contribuer à préserver des
populations en danger, ou améliorer leur sort.
8. Les architectes de l'urgence s'engagent dans leur action
à respecter les principes de la déclaration universelle des
droits de l'Homme de 1949 et du droit humanitaire international :
· Devoir de respecter les libertés fondamentales
de chaque individu.
· Droit des organisations humanitaires de porter
assistance aux victimes.
9. Face aux risques potentiels, les architectes de l'urgence
se doivent de mobiliser les architectes et toutes les professions du
bâtiment. Recherchant le maximum de compétences et
d'efficacité, architectes de l'urgence doit également
développer ses moyens financiers.
L'association se doit d'utiliser au mieux les
compétences et les moyens dont elle se dote. Elle rendra ainsi compte
annuellement et dans la plus grande transparence de l'utilisation des fonds et
de leur efficacité, tant aux populations bénéficiaires
qu'aux donateurs.
10. Architectes de l'urgence est une organisation
professionnelle humanitaire et de solidarité basée sur le
volontariat. Chaque volontaire est aussi un membre actif de l'association ;
Cela suppose une adhésion aux principes fondateurs, un engagement une
indépendance et une responsabilité personnels.
Volontaires et responsables, les membres de l'association
mesurent les risques et périls des missions qu'ils accomplissent et ne
réclameront pour eux ou leurs ayants droit aucune compensation, autre
que celle que l'organisation sera en mesure de leur fournir.
* 1 Source :
http://www.risquesmajeurs.fr/definition-generale-du-risque-majeur
* 2 Source :
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net bancaire du groupe AFD)
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