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Associations paysannes et développement durable: entre discours et réalités. Etude de cas: projet de l'ONG Propetén en partenariat avec 3 associations maya Q'eqchi' du nord du Guatemala.

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par Sandra Benotti
Université Aix Marseille  - Anthropologie et Métiers du Développement durable 2013
  

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1-4-1 Construction contextuelle de ma méthodologie de terrain

- Prise de conscience des tensions ONG/Bénéficiaires et adaptation méthodologique de départ :

Les semaines qui ont suivi mon arrivée se sont déroulées dans un contexte tendu, ce qui m'a permis de comprendre certaines difficultés dans la relation entre les acteurs. J'ai commencé par accompagner l'ingénieur agronome sur le terrain, en observation participante pour me faire connaître par les groupes locaux et pour apprendre à les connaître et comprendre leurs relations avec les membres de l'ONG. La troisième semaine de mon stage, nous sommes allés, avec le coordinateur du projet et l'ingénieur agronome, dans les communautés pour aider à la distribution des plants de cacao (amenés le matin même par le fournisseur).

Ce jour-là, une situation de crise est apparue, concernant l'association de la communauté de La Compuerta (la première ayant commencé le projet cacao avec ProPetén). Lorsque les plants sont arrivés, ils ne correspondaient pas aux normes attendues. En effet, la taille prévue par le contrat signé entre l'ONG et l'association était d'environ 30 cm, mais la majorité des plants reçus ne mesuraient pas plus de 15 cm. De plus, ils devaient être livrés sous forme greffée (cacao injertado)12. Le problème technique lié à ce greffon a été la taille trop petite des plants, qui a empêché les greffons de « coller » (pegar) sur quasiment la moitié des plants reçus. Alors que les plants de cacaoyers étaient déjà arrivés, les bénéficiaires les refusaient et voulaient arrêter complètement le projet cacao. Le coordinateur et l'agronome de ProPetén étant dans une situation d'incompréhension et de stress, ne savaient plus comment gérer la situation. Les populations se sont senties trompées et ont accusé l'ONG de cette faille plutôt que la pépinière.

12 Cette technique de greffage du cacaoyer permet une amélioration des récoltes : des variétés robustes, plus résistantes à la pourriture et aux insectes et plus productives de fèves sont greffées aux plants.

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Benotti. Mémoire de recherche appliquée ETHT7: Associations Paysannes et Développement Durable: entre discours et réalités. (2013)

Un problème technique a donc dévoilé un problème relationnel sous-jacent entre les deux acteurs, que je n'ai pu comprendre qu'ultérieurement sur le terrain.

Finalement, nous avons décidé d'organiser une réunion avec la directrice de l'ONG, son équipe, et les membres de l'association locale, pour discuter du problème et prendre en compte les manifestations des bénéficiaires. Ce débat a partiellement calmé la crise, surtout grâce à la venue de la directrice, qui ne s'était encore jamais présentée dans cette communauté.

Dans ce contexte de crise et de communication tendue entre ces deux acteurs, j'ai dû établir une méthodologie de terrain pour pouvoir garder un rôle neutre par rapport aux deux parties. Cela a d'abord été difficile car les populations me voyaient depuis quelques semaines venir avec l'agronome ou le coordinateur et savaient que je travaillais pour l'ONG. C'est pour cela que j'ai décidé, avec l'accord des conseils administratifs de chaque association locale et de la directrice de l'ONG, de passer quelques semaines seule dans les communautés, pour réaliser l'étude de diagnostic participatif. J'ai donc obtenu l'accord de 7 jours dans chaque communauté (limite de temps fixé par l'ONG).

- Utilisation d'outils ethnographiques et de la MARP :

J'ai eu la possibilité pendant toute ma période de terrain d'être logée dans des familles des communautés. Le fait d'être restée un certain temps dans les communautés sans aucun contact avec l'ONG, mais aussi le fait que je sois étrangère au pays et à la région, a grandement aidé à m'identifier en tant qu'individu isolé plutôt que faisant partie du groupe « ProPetén ».

Cela m'a permis d'avoir une plus grande proximité avec le quotidien des familles et des villageois. J'ai donc pu mieux comprendre les rapports entre acteurs internes, par la pratique de l'observation participante tout au long de mon séjour.

Les familles ont été pour moi des acteurs clés de ma recherche, car grâce à la proximité quotidienne, nous avons rapidement fait connaissance. Elles ont pu chaque semaine être des relais pour me faire connaître d'autres personnes. Je pouvais, dehors comme à la maison, facilement utiliser la méthode d'entretiens individuels, que j'ai rapidement décidé d'effectuer dans le mode informel, plus naturel dans ce contexte. Je pouvais par ce biais amener la discussion sur certains sujets et écouter les personnes exprimer ce qui les préoccupait.

J'ai dû adapter ma méthode aux plannings genrés de la population : Ainsi, pendant la journée, je restais souvent avec les femmes à la maison, chez les voisines, au centre du village, ou à la rivière, pendant que les hommes allaient travailler sur leur parcelle. Puis, en fin d'après-midi,

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je convoquais des groupes d'hommes à leur retour, pour participer à des réunions. Avec eux, c'est surtout sur le chemin d'aller et retour de la salle de réunion que je pouvais faire des entretiens individuels.

Lors des réunions avec les hommes (où certaines femmes assistaient aussi, mais participaient rarement), nous avons abordé les thèmes difficiles par le moyen de discussions, questionnements, débats, et aussi par des outils de la MARP (Méthode Accéléré ou active de Recherche Participative). Ces outils ont aidé à débloquer certaines problématiques et à déclencher des remises en questions et de nouveaux débats. Certaines d'entre elles portaient notamment sur l'utilisation des produits chimiques dans l'agriculture, sur la perte d'identité culturelle, ou encore sur le thème organisationnel.

J'ai utilisé par petits groupes différents outils de la MARP, qui ont été commentés en réunion finale avec tous les membres : la carte sociale, le calendrier des activités, l'horloge des activités journalières pour les hommes et les femmes, le diagramme de Venn, l'arbre à problèmes et l'arbre à solutions pour arriver à une priorisation des problèmes. Ces outils ont surtout un avantage visuel très utile, principalement dans ce contexte où la plupart des membres de ces associations d'agriculteurs sont analphabètes. En décrivant leurs idées par le biais de dessins, schémas, cartes, etc..., les participants avaient plus de facilités à mettre en relation les différents problèmes et solutions. Chaque petit groupe présentait à la fin de la semaine leurs réflexions et conclusions au groupe complet des associés.

Les outils de la MARP ont alors été complémentaires aux outils ethnographiques :

Par exemple, avec l'observation participante, j'ai remarqué les différentes contraintes horaires des hommes et des femmes ainsi que les activités genrées. Cependant, la durée de ma mission ne m'a pas permis de me rendre compte de la régularité de ces contraintes et des écarts tout au long de l'année. En réalisant l'outil de l'horloge des activités journalières et le calendrier des activités saisonnières, j'ai pu obtenir plus de précisions sur ces habitudes de travail et surtout sur leurs changements au cours de l'année. Dans ce cas, les outils de la MARP m'ont permis d'approfondir mes résultats d'observation.

Réciproquement, les outils ethnographiques m'ont aidé à confirmer et à donner du sens à certains résultats obtenus par la MARP qu'il aurait été difficiles d'identifier sans un regard ancré dans la communauté.

L'exemple le plus frappant de ce constat a été celui de l'analyse des acteurs institutionnels. Le diagramme de Venn a été un outil intéressant pour repérer les groupes d'acteurs et leurs

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relations internes et externes à la communauté, mais il n'était pas suffisant pour comprendre la nature de ces relations. En premier lieu, la pudeur et les rapports de pouvoir internes empêchent de tout dire sur les relations entre les groupes communautaires lors de l'activité. De plus, les représentations symboliques de cet outil qui consiste à faire des bulles plus ou moins grosses selon l'importance des groupes cités, ne sont peut-être pas les mêmes que la représentation occidentale où l'importance et la taille sont étroitement liées. Il y a une multitude de critères culturels qui jouent sur cette perception de l' « importance » et de la « relation ». Des questions restent alors en suspens si nous utilisons exclusivement cet outil : l'importance de l'acteur est-elle liée à la connaissance que la population a de celui-ci? Aux ressemblances culturelles ? Au type de projets qu'il mène? A sa reconnaissance médiatique ?

Et les relations entre acteurs sont-elles liées au travail qu'ils effectuent ensemble ? A la fréquence de ses visites dans la communauté ? Au nombre de personnes qui se connaissent entre les deux groupes ?

Pendant mon séjour, trois types d'acteurs extérieurs sont intervenus dans les communautés: l'ONG ProPetén, une entreprise pharmaceutique privée, et un groupe représentant du MAGA (ministère de l'agriculture, de l'élevage et de l'alimentation).

La venue de ces acteurs s'est faite plus ou moins discrètement : le MAGA et l'entreprise pharmaceutique sont venus à l'improviste, en convoquant les villageois au moment même de leur arrivée par alarme et annonces au microphone retentissant dans toute la communauté. L'ONG, elle, est arrivée plus discrètement et avait prévenu par téléphone. Dès leur arrivée, cette différence saisissante reflétait un rapport déséquilibré. Le MAGA travaillait depuis quelques mois avec les associations locales et était déjà venu des années auparavant pour d'autres projets. A chaque fois, sa venue était de courte durée. Cette fois-ci, le prétexte de sa venue était un projet de crédits pour les agriculteurs. Les représentants du MAGA sont venus uniquement pour faire signer l'adhésion à ce projet, déjà formulé sans eux.

Dans le diagramme de Venn, le MAGA était représenté par les agriculteurs comme un acteur important, mais entretenant peu de relations avec les associations locales. L'importance ici n'est donc pas liée aux ressemblances culturelles ou connaissance de l'acteur, mais plutôt à la dépendance au type de projet qu'ils proposent (crédits, aide matérielle à l'agriculture).

En ce qui concerne l'entreprise pharmaceutique, c'était la première fois qu'elle venait dans la communauté lorsque j'ai assisté à cette visite. L'entreprise ne connaissait ni la langue parlée

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localement, ni le nom de la communauté. Pourtant, pratiquement tout le village s'est déplacé pour voir et assister aux diagnostics de santé proposés par celle-ci. Les leaders communautaires ont largement aidé à l'installation du matériel médical, sous les recommandations des « médecins ». Cette situation m'a d'abord surprise, puis j'ai compris que le manque de structure de santé dans les villages et la perte de savoirs locaux concernant ce domaine les rendaient dépendants de ce type d'acteurs qui venaient rarement ; cela expliquait cette réaction et cette relation disproportionnée.

Nous nous rendons bien compte à travers ces exemples que plusieurs critères tels que la dépendance, les besoins, la culture, l'histoire doivent être pris en compte et mis en relation pour comprendre l'importance et les rapports stratégiques entre les acteurs.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon