1-2-2 Les 3 associations communautaires
Dans trois communautés, La Compuerta (appartenant
à la commune municipale de Poptún), San Lucas
Aguacate et Poité centro (appartenant à la commune municipale de
San Luis), ProPetén travaille avec des associations locales
d'agriculteurs. Celles-ci sont composées de 26 membres dans la
communauté de San Lucas Aguacate, de 36 à la Compuerta, et de 40
membres à Poité Centro. Les membres de ces associations sont de
tous âges, principalement des hommes (ce qui oriente les principaux
objectifs vers des intérêts masculins, comme l'agriculture dans la
culture locale). Ces associations sont présidées par un conseil
d'administration de 7 associés et un président. Les objectifs des
associations sont la représentation des intérêts des
producteurs, la promotion de culture Maya Q'eqchi', la communication avec les
institutions extérieures, la gestion des ressources naturelles ainsi que
la gestion du développement local.
Les associations se sont formées dans les années
1970 après l'installation des villageois migrants qui ont fondé
ces communautés. Elles étaient d'abord informelles, puis elles se
sont jointes à la fédération COACAP (Coordination des
associations de paysans dans le sud du Petén et appui au renforcement
organisationnel et à la commercialisation de leurs produits) qui les a
soutenues dans le processus de reconnaissance légale de leur statut au
niveau municipal. En effet, cette fédération d'associations les a
aidées à former les premiers conseils d'administration (junta
directiva) en 1999. Elle a ensuite réajusté leur statut
légal en 2012 au début du projet de production de cacao avec
ProPetén. COACAP a aussi formé les premiers leaders à des
techniques de gestion de projet au début des années 2000. Depuis,
tous les quatre ans, des élections internes permettent le renouvellement
des leaders des conseils d'administration.
En plus de cette fédération, les trois
associations travaillent en collaboration ponctuelle ou de longue durée
avec quelques autres institutions régionales d'appui aux organisations
communautaires spécialisées dans la gestion de projet. Cependant,
depuis quelques années, ces institutions se sont majoritairement
dirigées vers des communautés novices dans le domaine
organisationnel, déduisant que les trois associations soutenues par le
COACAP
8 Voir Annexe 1 : Organigramme de ProPetén
2012
18
Benotti. Mémoire de recherche appliquée ETHT7:
Associations Paysannes et Développement Durable: entre discours et
réalités. (2013)
étaient assez formées après quelques
années d'expérience. C'est l'un des problèmes
rencontrés aujourd'hui par ces associations, car après plusieurs
élections et changements des leaders au sein conseils administratifs,
seuls les leaders du premier mandat de 2000 ont effectivement été
formés par les institutions d'appui.
Ces associations d'agriculteurs ont néanmoins acquis
depuis quelques années une expérience significative de
collaboration et de dialogue, avec différents acteurs institutionnels
publics et privés. Ces derniers proposent souvent le même type de
projets : productifs et culturels. Les associations locales sont conscientes
des modes de fonctionnement des institutions de développement, ainsi que
des discours sur la participation employés de manière
récurrente. Nous approfondirons ces derniers points dans les deux autres
parties du mémoire.
Les trois associations se connaissent du fait de leur
proximité géographique et de leur parcours auprès de
COACAP. Par ailleurs, les leaders des conseils administratifs participent
souvent avec d'autres associations et organisations paysannes de la
région à des réunions dans les municipalités de San
Luis et de Poptún, auxquelles les communautés sont
rattachées. Certains leaders associatifs sont aussi des leaders
communautaires traditionnels et organisent régulièrement des
cérémonies mayas entre les communautés, ce qui renforce
leurs liens.
Par rapport au projet cacao, j'ai pu observer une certaine
ambiguïté dans les rapports entre les trois associations. En effet,
elles peuvent à certains moments se montrer solidaires face à un
problème concernant le rapport à un acteur extérieur (ici
l'ONG ProPetén), mais dans d'autres situations devenir concurrentes. Ce
phénomène est qualifié pour la première fois de
«coopétition » par Ray Noorda(1992)9. Ce
néologisme qui est né de la combinaison des mots
compétition et coopération, est surtout connu pour les analyses
de commerce international. Nous pouvons néanmoins très bien
l'appliquer à la situation des associations communautaires de notre
étude. Nous approfondirons cette réflexion dans les
deuxième et troisième partie de ce mémoire.
1-2-3 Les relations entre l'ONG et les associations
au travers du projet de cacao En 2007, ProPetén a
lancé un programme de diversification des cultures dans les
communautés rurales défavorisées des zones voisines des
forêts comme solution à la déforestation. En effet, la
situation économique pousse beaucoup de familles à chercher des
terres de culture dans l'aire protégée de la région.
9 In LE ROY F. et YAMI S., 2007, «
Les stratégies de coopétition », Revue française
de gestion, n° 176, Lavoisier : p. 83-86.
19
Benotti. Mémoire de recherche appliquée ETHT7:
Associations Paysannes et Développement Durable: entre discours et
réalités. (2013)
La zone du programme a été définie suite
à un diagnostic socio-économique général du sud de
la région10. La mise en relation avec les communautés
a été faite par le biais de la COACAP. Des réunions
participatives ont permis d'évaluer l'intérêt des
associations pour ce projet productif. ProPetén a alors proposé
la culture de cacao biologique : ce projet leur est apparu comme étant
le plus viable aux niveaux économique, social et environnemental, en vue
d'une commercialisation de la récolte à l'international sous
forme de commerce équitable (à partir de l'année 2015). Ce
projet est pour le moment financé par un bailleur de fond des Etats-Unis
qui en assurera les financements jusqu'à fin 2013, à mi-chemin du
projet. L'ONG ProPetén est actuellement en recherche de financement pour
finaliser son objectif, qui consiste en l'organisation sous forme de
coopérative des associations locales et la commercialisation des
récoltes à l'international.
En 2009, le projet a d'abord été
expérimenté dans la communauté de la Compuerta, avec 16
familles, puis il a été étendu aux deux autres
communautés. Aujourd'hui, un total de 102 familles
bénéficient du projet, cultivant chacune 2 hectares de cacao. La
plupart des familles se sont motivées en voyant l'expérience de
deux personnes des communautés qui ont planté 1 hectare de cacao
chacune pour leur propre culture, avant ce projet. Ces deux initiatives locales
ont soulevé un intérêt dans plusieurs communautés,
qui ont sollicité la fédération COACAP pour la recherche
de fonds afin de réaliser des projets de même type.
Les rapports entre ProPetén et les associations
paysannes locales ont donc été facilités par
l'organisation fédératrice COACAP qui est le médiateur le
plus important dans ce projet. La confiance entre COACAP et les associations
s'est installée grâce au temps passé à travailler
ensemble et grâce au fait que la moitié du personnel et le
directeur de COACAP sont d'origine Q'eqchi' et parle cette langue, ce qui
facilite le dialogue.
Avec ProPetén, une relation privilégiée
s'était établie par l'intermédiaire de l'ancienne
directrice de l'ONG qui était très proche des populations et
connues des associations locales. Elle était venue dans les villages
à plusieurs reprises et les habitants lui accordaient beaucoup de
confiance. Cependant, depuis février 2012, elle a quitté l'ONG et
laissé sa place à la nouvelle directrice.
Depuis le début du projet de production de cacao, des
réunions avec ces trois principaux acteurs sont organisées tous
les trois mois pour le suivi et l'échange d'informations. Chaque fois,
ce sont l'agronome et le coordinateur de projet de ProPetén qui y
assistent.
10 PROPETEN, 2011, Diagnostico Territorial Tomo 1.
Petén Proceso de actualización del Plan de desarrollo Integral.
Secretaría de Planificación y Programación de la
Presidencia, Guatemala: 219 p.
20
Benotti. Mémoire de recherche appliquée ETHT7:
Associations Paysannes et Développement Durable: entre discours et
réalités. (2013)
Pourtant, lorsqu'il y a eu des problèmes ou des doutes,
les populations se sont directement adressées à COACAP
plutôt qu'à ProPetén, ce qui nous fait penser que le niveau
de confiance est différent entre ces acteurs.
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