Cooperation transfrontaliere entre le Cameroun et la Guinee equatoriale( Télécharger le fichier original )par Eric Bertrand BELINGA Universite de yaounde II=Soa, Institut Des Relations Internationales Du Cameroun - Master 2 2013 |
b. La crise de l'environnement internationalCes dernières années, l'environnement international est marqué par des crises autant économiques que financières. La conséquence des ces marasmes économiques est la baisse des flux commerciaux, de l'aide publique au développement, la surliquidité et la faillite des banques. Ces situations ont pour causalité la décision pour les bailleurs de fonds d'imposer à tous les pays et en particulier aux pays en développement une politique d'austérité et d'ajustement structurel et attise la convoitise des pays industrialisés car toutes leurs entreprises sont placées dans la rubrique des sociétés à privatiser, d'où une certaine perte d'autonomie économique et la faiblesse pour eux de pouvoir financer leurs propres projets de développement. Sur un tout autre plan, on assiste dans ces zones transfrontalières un manque d'intérêt ou un intérêt minime du secteur privé. Or le secteur privé peut jouer un double rôle. Primo, il peut contribuer à la prise de décisions politiques aux niveaux national et régional. Un secteur privé bien organisé pourrait participer à l'élaboration des politiques, en prodiguant des conseils aux pouvoirs publics et en militant pour la poursuite du processus de reformes aux côtés de nombreuses autres parties prenantes de la société civile. Secondo, il peut apporter une contribution pratique aux initiatives régionales. C'est un fournisseur potentiel de ressources humaines et financières pour la mise en oeuvre de projets régionaux, notamment le développement des infrastructures. Parmi les avantages économiques découlant du développement des activités régionales des entreprises privées installées dans la zone de Kyé-Ossi-Ebebeyin100(*) on peut citer la création d'emplois, l'élargissement du marché, la mobilisation de l'épargne privé et public, et les effets externes comme la diffusion du savoir, les compétences techniques et les retombées technologiques pour le bien des deux Etats. 2. En politique bilatéraleLes problèmes politiques bilatéraux entre les deux Etats sont nombreux, mais les plus illustratifs se résument à ceux liés aux frontières et l'inefficacité des traités et accords souscrits. Ainsi les tensions régulièrement observées dans les zones frontalières ont beaucoup ralenti les échanges multiformes entre les deux pays. Dans cette optique, plusieurs raisons opposent les deux Etats au plan politique. a. Les ambitions géopolitiques de la Guinée Equatoriale face au leadership du Cameroun dans la sous-régionLa découverte et le début de l'exploitation des puits de pétrole, ajoutée à la forte immigration des Camerounais en Guinée Equatoriale, constituent à ne point douter le début des problèmes entre les deux Etats. En effet, Commencée en 1991 par la découverte d'Alba et renforcée en 1996 avec l'inauguration du champ de Zafiro qui renferme des réserves d'environ 300 millions de barils puis en 1999 par l'exploitation du plus important gisement de Campo Ceiba au large du Rio Muni, la production pétrolière en Guinée Equatoriale s'est accompagnée d'un spectaculaire revirement de sa politique régionale101(*). Le fait marquant dans ce revirement est le déclassement géostratégique du Cameroun au profit du Nigeria. C'est dans ce déclassement, combiné à la construction d'un «péril camerounais», que s'origine la crise diplomatique qui apparaît au grand jour en Mars 2004. En effet, depuis l'établissement des relations diplomatiques entre les deux pays le 27 octobre 1968, le Cameroun s'est toujours montré solidaire et bienveillant à l'égard de son voisin de l'extrême sud 17 fois plus petit. Les deux pays ont entretenu une coopération dense et diversifiée régie par divers instruments juridiques102(*). La fréquence des visites de haut niveau effectuées par les autorités de Malabo à Yaoundé témoignait de l'importance du Cameroun dans la vie nationale équato-guinéenne. Au cours de ses nombreuses visites à Yaoundé, le président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo recourait toujours à l'expression « grand frère » pour désigner son homologue camerounais. Le revirement de la Guinée Equatoriale par l'adoption d'une ligne diplomatique anti-camerounaise sera par conséquent vécu à Yaoundé comme une trahison. Ce sentiment d'ingratitude et de trahison était déjà souligné par le plus grand quotidien indépendant du Cameroun en 2001 : « Il est bien loin, ce temps où la Guinée Equatoriale d'Obiang Nguema Mbasogo mangeait dans la main du Cameroun de Paul Biya. En ce temps là, l'ami Obiang ne pouvait pas passer deux mois chez lui sans venir saluer son "grand frère". En cette occasion alors, en grand seigneur bon prince, [Paul Biya] envoyait gentiment son avion personnel pour les aller et retour de son "homologue". En ce temps-là, tout était prétexte à voyage sur le Cameroun : les salaires des fonctionnaires d'Obiang, les maux de dents de son épouse etc. [...]. Puis est arrivé le pétrole [et] tout a changé. Et l'ami Obiang a soudain réalisé que les Camerounais étaient tous de petits voleurs et de gros salauds. Puis il a commencé à se faire représenter aux manifestations qui avaient lieu dans "son" Yaoundé. On se demandait même si l'ami Obiang était encore en mesure de dire bonjour à notre [Paul Biya] s'il le rencontrait un jour quelque part on route103(*) ». La politique équato-guinéenne du Cameroun depuis son apparition dans le club riche des "Etats hydrocarbures" a pris l'allure d'une diplomatie de la revanche traduisant, comme l'a souligné un politiste camerounais « une expression d'un sentiment de rancoeur longtemps dissimulé104(*) ».La manne pétrolière a en effet donné les coudées franches à la Guinée Equatoriale pour qu'elle puisse « exprimer cette rancoeur refoulée qui avait été manifestée vis-à-vis [du] parrainage du Cameroun, que par contrainte les Equato-guinéens sollicitaient mais qui leur pesait [...] Les Equato-guinéens estiment avoir aujourd'hui les capacités de tenir tête au Cameroun, même si cela peut relever pour les Camerounais d'une espèce de complexe du nouveau riche105(*) ». Ce complexe du nouveau riche est amèrement digéré par le pouvoir de Yaoundé qui s'est pourtant gardé de toute contre action ou récrimination bruyante, car ayant bien compris que lorsqu'un Etat se développe, il redéfinit en même temps sa politique étrangère pour intégrer les enjeux nouveaux liés à l'avènement de son statut nouveau. · Les enjeux sous-régionaux de la Guinée Equatoriale En raison de son poids financier au sein de la CEMAC, la Guinée Equatoriale réclame avec de plus en plus d'impatience, les reformes de cette structure sous-régionale. Cette question figurait en bonne place au menu du 10e sommet de la CEMAC tenue à Bangui le 17 janvier 2010, au cours duquel la Guinée Equatoriale a pesée de tout son poids pour l'admission du principe de rotation des postes au sein des organes de la CEMAC ce qui a d'ailleurs abouti à la nomination d'un ressortissant équato-guinéen, M. Lucas Abaga Nchama au poste de gouverneur de la BEAC en remplacement du gabonais Philibert Andzembe. Dès cet instant, Bien d'autres revendications vont être examinées favorablement pour la Guinée Equatoriale : la présidence de l'Union Africaine en juin 2011, le sommet Afrique-Amérique latine en novembre 2011 et la Co-organisation de la coupe d'Afrique des Nations en 2012. · Une alliance stratégique entre la Guinée Equatoriale et le Nigeria106(*) Le Cameroun, la Guinée Equatoriale et le Nigeria partagent des frontières maritimes communes et font tous partie du Golfe de Guinée. Pour des raisons de sécurité nationale, de puissance et de recherche de l'élargissement de son espace vital à travers l'exploitation conjointe des ressources du sous-sol équato-guinéen. Le Nigeria manifeste depuis un certain temps un intérêt grandissant pour la Guinée Equatoriale (exemple : signature le 06 décembre 2006, d'un accord pour la fourniture du gaz en guinée-équatoriale) pourtant le Cameroun et la Guinée Equatoriale sont tous deux membres de la CEMAC et partagent aussi bien la frontière terrestre que maritime ce que aurait été plus facile à la Guinée Equatoriale d'importer son gaz du Cameroun limitant le coût et les risques liés au transport. D'autre part, la Guinée Equatoriale et le Nigeria entretiennent des bons rapports d'amitié et de coopération qui se sont renforcés à la veille du verdit de la CIJ sur l'affaire Bakassi. Il convient de relever à ce propos qu'en plus des échanges de visites de haut niveau, l'assistance accordée par le Nigeria à la Guinée Equatoriale s'étend dans le domaine médical (construction par le Nigeria d'un hôpital à ANISOK en guinée-équatoriale, ville frontalière avec le Cameroun, fourniture de médecins et d'infirmiers nigérians pour les hôpitaux équato-guinéens) et le secteur de l'éducation (construction d'une école bilingue anglo-espagnole) et offre d'enseignants nigérians pour les lycées et collèges de Bata et Malabo. Bien plus, la Guinée Equatoriale et le Nigeria ont signé récemment en Avril, un protocole d'entente pour l'exploitation en commun des champs pétroliers se situant dans leur frontière maritime commune notamment la zone de Zafiro-Ekenga. * 100 Express union, hôtels, agences de transport... * 101 Y. A. Chouala, 2003, L'interétatisme dans de Golfe de Guinée. Contribution du champ à la sociologie des relations internationales, thèse de Doctorat en Science Politique, Université de Yaoundé II-Soa. * 102 Ces instruments sont : (i) Traité d'amitié et de Bon Voisinage (Yaoundé, 26l01/80), (ii) Accord de Coopération Economique et Technique (Yaoundé, 06/11l80), (iii) Accord aérien (Malabo, 14/Oll74), (iv) Accord Commercial, Malabo, 29l04l83), (v) Accord Agricole et Forestier (Malabo, 29111/81), (vi) Protocole d'Accord de Pêche (Malabo. 26/11/81), (vii) Protocole d'Accord en matière d'Elevage (Malabo 26/11l81), (viii) Protocole d'Accord en Matière des Télécommunications (Yaoundé, 24/4/73 * 103 Mutations, n° 467, mercredi, 28 mars 2001, p.2. * 104 M. E. Owona Nguini, 2004, « Le Cameroun doit assurer son leadership», Mutations, n° 1111, jeudi, 18 mars. * 105 M. E. Owona Nguini, op. cit., 2004, p.5. * 106 Il s'agit pour les deux Etats de définir la coopération qui leur permet de se prémunir de toute riposte éventuelle de la part du voisin camerounais, et permet à la Guinée Equatoriale de réduire sa dépendance à l'égard du Cameroun. |
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