La gestion des risques dans les etablissements de microfinance au cameroun( Télécharger le fichier original )par Armel POUGHELA DJOUMBI Université de Yaoundé 2 - SOA (Faculté des Sciences Economiques et de Gestion) - Master 2 en Comptabilité et Finance 2013 |
AVERTISSEMENT « L'université de Yaoundé II n'entend donner aucune approbation, ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire ; celles-ci doivent être considérées comme propres à leur auteur » DEDICACE A MES PARENTS M. DJOUMBI Valentin et Mme DJOUMBI Née NGUEMCHE Clotilde REMERCIEMENTS Je ne saurais commencer la présentation de ce travail sans toutefois remercier les personnes qui m'ont de près ou de loin apporté leur soutien. Je vais citer ici : Ø Pr Henri WAMBA, pour la supervision de ce mémoire ; Ø Dr Jean Marie AYINDA, mon directeur de mémoire, pour son accompagnement, ses conseils et sa disponibilité tout au long de la rédaction de ce mémoire ; Ø Dr Robert BIKOAH, mon deuxième directeur de mémoire, pour sa disponibilité, son accompagnement et ses conseils tout au long de ce travail de recherche ; Ø Pr. Robert WANDA, coordonnateur du Master II option - Comptabilité et Finance, ainsi que tout le corps enseignant de la FSEG qui m'a encadré tout au long de cette formation. Ø Mes parents, Mr & Mme DJOUMBI ; Ø Mes frères et soeurs, pour leur soutien moral et matériel ; Ø Mon épouse, Myriam KEMDJO Epse POUGHELA, pour ses encouragements et sa patience ; Ø Mr Thierry MANGA de la DGTCFM du Ministère des finances, pour son aide en matière de données d'enquêtes ; Ø Mes camarades de promotion pour ce Master 2, qui m'ont beaucoup encouragé dans ce parcours. SOMMAIRE
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES ABREVIATIONS
RESUME La gestion des risques est l'un des défis majeurs actuels dans les Institutions de microfinance. De nombreuses études ont à cet effet traité du sujet dans le sens du « comment » s'effectue la gestion des risques dans les Etablissements de microfinance. Mais force est de constater qu'à ce jour, ces établissements, notamment pour ce qui est du Cameroun, éprouvent d'énormes difficultés relativement aux risques microfinanciers (rapports du Ministère des Finances et de la COBAC). Ce mémoire se propose donc d'aborder le sujet dans le sens du « pourquoi » les Etablissements de microfinance n'arrivent pas à mieux gérer leurs risques. Tel est l'objet de notre travail dont l'étude porte sur 27 Etablissements de microfinance du Cameroun. Les données couvrant la période 2008 à 2012, sont tirées non seulement des rapports du Ministère des Finances et de la COBAC sur le secteur, mais aussi des questionnaires d'enquête que nous avons soumis aux structures de l'échantillon. Il ressort de nos analyses que les Etablissements de microfinance du Cameroun n'arrivent pas à mieux gérer leurs risques d'une part à cause de l'inefficacité de leur dispositif de contrôle interne et d'autre part à cause leur gouvernance insuffisante qui traduit le niveau d'implication des parties prenantes dans la gestion de ces établissements. Ces conclusions sont donc de nature à éclairer les théoriciens et praticiens de la microfinance sur la compréhension des différents problèmes auxquels ces établissements font face. Mots clés : microfinance, gestion des risques, contrôle interne, gouvernance.
ABSTRACT The risk management is one of the current major challenges in the Institutions of microfinance. Many studies have for this purpose treaty of the subject in the direction of «how» the risk management in the Institutions of microfinance is carried out. But force is to note that to date, these Institutions, in particular as regards Cameroon, have enormous difficulties compared to risks of the microfinance sector (reports of the Finance Minister and the COBAC). This memory thus proposes to broach the subject in the direction of «why» Institutions of microfinance do not arrive at better managing their risks. Such is the object of our work whose study relates to 27 Institutions of microfinance in Cameroon. The data covering the period 2008 to 2012 are draw not only in reports from the Finance Minister and COBAC on the microfinance sector, but also from the survey questionnaires which we subjected to the structures of the sample. It comes from our analyses that the Institutions of microfinance in Cameroon do not arrive at better managing their risks on the one because of the inefficiency of their internal control system, and on the other hand because of their insufficient governance which translates the level of implication of the stake holders in management of these institutions. These conclusions are thus likely to inform the theorists and experts of the microfinance on the comprehension of the various problems with which these institutions cope. Keywords : microfinance, risk management, internal control, governance. INTRODUCTION GENERALE I- CONTEXTE DE L'ETUDE ET PROBLEMATIQUE Au fil des siècles, trois (03) grands types de systèmes financiers populaires se sont développés à travers le monde. Le plus ancien, d'inspiration Catholique est « le mont-de-piété » qui est en fait, un système de prêt sur gage pratiquant un taux d'intérêt minimal, destiné uniquement à couvrir les frais de gestion de l'entreprise (Lhériau, 2009) ; le tout premier mont-de-piété a d'ailleurs été créé en Italie en 1468. A partir de la seconde moitié du XIXe siècle, à l'initiative de notables et parfois de l'Etat, un véritable mouvement de bancarisation de masse fait son apparition avec les systèmes de crédit mutuel (qui consistait essentiellement à l'octroi de crédits aux pauvres) et de coopératives d'épargne et de crédit (où l'accent était mis sur la primauté de l'épargne individuelle et collective sur le crédit). C'est d'ailleurs au cours de cette période que les toutes premières mutuelles d'épargne et de crédit ont été créées par Raffaisen en Rhémanie (Cornee, 2006). Dans les années 1970 et au début des années 1980 (notamment en Bolivie, Indonésie, Bangladesh et divers pays en voie de développement), de nouveaux systèmes financiers ont été créés pour lutter contre les pratiques d'usuriers. Garantis par un système de caution solidaire, ces systèmes financiers étaient/sont fondés sur le « microcrédit » destiné aux activités productives. Ils ont par la suite développé divers services financiers, dont la collecte de l'épargne tout en maintenant la priorité du crédit productif sur la thésaurisation. C'est à partir de là qu'on a assisté à la naissance des concepts modernes de « microcrédit », « microfinance » et d'« Institution ou Etablissement de microfinance ». En effet, la microfinance part d'un constat : celui de la dépendance des populations non bancarisées envers les usuriers et prêteurs de gages, dont le but sous couvert de respectabilité sociale, n'en demeure pas moins l'accaparement maximal des biens du débiteur (Lhériau, 2009). Les populations non bancarisées étant constituées des ménages à faibles revenus, la microfinance représente l'intermédiation financière en faveur des pauvres qui sont généralement exclus du système bancaire classique (Kobou et al., 2009). C'est sans doute la raison pour laquelle l'objectif généralement attribué à la microfinance est celui de contribuer à la réduction de la pauvreté (Morduch, 1999 ; Khandker, 2001 ; Morduch et Haley, 2002 ; Vatta, 2003 ; Labie, 2004 ; Hermes et Lensink, 2007 ; Kobou et al., 2009). Et si l'ONU a déclaré l'année 2005 « Année Internationale du Microcrédit » relativement aux Objectifs du Millénaire pour le Développement, c'est parce que la réduction de la pauvreté est l'un des enjeux majeurs pour ce troisième millénaire. Au Cameroun, la microfinance sous sa forme traditionnelle (tontine) date de plus d'un siècle (Creusot, 2006). Elle a démarré sous la forme formelle en 1963 avec la création de la première coopérative d'épargne et de crédit (« Credit Union » ou caisse populaire) en zone anglophone du Cameroun sous l'impulsion de missionnaires hollandais (ces Coopec sont aujourd'hui regroupées au sein de la Cameroon Cooperative Credit Union League (CamCCUL), le plus grand réseau d'Etablissements de microfinance du Cameroun. Ce réseau a même créé en 2000 une banque commerciale : la Union Bank of Cameroon. Mais la microfinance n'a cependant connu un essor remarquable et ne s'est diversifiée qu'à partir du début des années 90 à la faveur des lois n° 90/053 du 19 décembre 1990 sur la liberté d'association, et n° 92/006 du 14 août 1992 relative aux sociétés coopératives et aux groupes d'initiative commune. Il faut également signaler ici, que la crise du secteur bancaire de la fin des années 80 et la restructuration de ce secteur qui a suivi ont entraîné la liquidation de plusieurs banques, la fermeture de la presque totalité des guichets de banques dans les zones rurales et les petites villes, et le licenciement de nombreux cadres de banques. Ces derniers vont se reconvertir en créant de nombreuses coopératives d'épargne et de crédit (Coopec) fonctionnant ou essayant de fonctionner comme des quasi-banques. Il faut dire qu'aujourd'hui la microfinance suscite un grand engouement de la part de plusieurs investisseurs, étant donné la complexité du secteur bancaire en matière d'exigence de fonds propres entre autres d'une part, et d'autre part le coût élevé des services bancaires tels que le crédit, l'épargne, l'assurance-santé qui n'étaient autrefois réservés qu'aux « riches » (moins de 5% des camerounais ont accès au système bancaire classique (Rapport MINFI 2011)). En effet, selon le règlement N°01/02/CEMAC/UMAC/COBAC relatif aux conditions d'exercice et de contrôle de l'activité de Microfinance dans la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC), la microfinance est une activité exercée par des entités agréées n'ayant pas le statut de banque ou d'établissement financier et qui pratiquent, à titre habituel, des opérations de crédit et/ou de collecte de l'épargne et offrent des services financiers spécifiques aux populations évoluant pour l'essentiel en marge du circuit bancaire traditionnel. La dénomination « Etablissement de Microfinance » en abrégé « EMF » désigne les entités qui exercent l'activité de microfinance en zone CEMAC. Dans d'autres pays, on les appelle également « Institutions de Microfinance » en abrégé « IMF ». Depuis une dizaine d'années au Cameroun, un énorme travail est réalisé par les autorités de la CEMAC et la COBAC afin de normaliser l'activité de la microfinance dans le but de sécuriser l'épargne des déposants et de favoriser le financement des microprojets. Mais, des constats de terrain relèvent des insuffisances dans les conditions actuelles de fonctionnement du secteur de la microfinance et une insatisfaction de nombreux acteurs eu égard aux prestations des EMF. Environ 50 Etablissements de microfinance camerounais ont été liquidés depuis 2010, après retrait de leur agrément par la COBAC. Le cas le plus marquant est celui de mars 2011 où l'Etat du Cameroun a assisté à la mise en liquidation de l'un de ses quatre plus grands EMF après la fermeture des portes de ses vingt-sept (27) agences à travers le pays, semant ainsi la panique chez plusieurs milliers d'épargnants : « Ils sont au total 45 000 à travers le pays à avoir appris subitement la liquidation de leur établissement sur demande de la Commission bancaire d'Afrique centrale (Cobac), gendarme financier de la région qui, depuis 2007, avait placé l'établissement sous administration provisoire. "Si la Cobac a pu gérer Cofinest pendant trois ans, ça veut dire qu'elle est responsable quelque part ! Je demande à la Cobac et au gouvernement de tout faire pour que nous retrouvions nos sous", s'exclame un épargnant ». Cet extrait de l'article de Sarah Sakho-RFI1(*) publié le 05 mars 2011, laisse penser que la COBAC est en partie responsable de la liquidation de Cofinest. A cela, nous pouvons ajouter le cas flagrant de la FIFFA en août 2012. Or d'un point de vue professionnel et managérial, cela n'aurait certainement pas eu lieu si ces structures avaient disposé d'un système leur permettant de gérer les risques de façon efficace. En effet, les EMF comme les banques, sont exposés à une pluralité de risques dans l'exercice de leurs activités. Le risque étant pour l'entreprise financière comme pour toute autre, l'amplitude potentielle de la différence entre la valeur effectivement créée et l'objectif de création de valeur qu'on s'était fixé. En d'autres termes, le risque est défini comme étant la probabilité de perte à laquelle est exposée l'entreprise ou l'institution. Cependant, pour atteindre des objectifs qui en valent la peine, la prise des risques est parfois nécessaire. La présence des risques implique donc une gestion de ces derniers en vue de garantir la pérennité de l'entreprise. Le fait pour une IMF de prêter de l'argent à des personnes en vue de créer de la valeur engendre immédiatement un risque de non remboursement de la part des emprunteurs. La gestion du risque, ou la prise de risques calculés, réduit ainsi la probabilité de réaliser des pertes et minimise le degré de la perte au cas où celle-ci venait à être réalisée. Selon les auteurs, la gestion des risques peut être décrite comme un processus itératif 2(*) à trois (03) ou à six (06) étapes ; Toujours est-il qu'elle implique la prévention des problèmes potentiels et la détection anticipée des problèmes réels quand ceux-ci arrivent. « Les résultats des premières enquêtes ont mis en évidence une situation préoccupante marquée par une gouvernance insuffisante, une gestion lacunaire des risques encourus, une organisation peu perfectible et un dispositif de contrôle interne faible. Certains EMF de grande envergure ont été placés sous administration provisoire ». Voici l'extrait d'un rapport3(*) du Ministère des Finances de l'Etat du Cameroun sur l'assainissement du secteur de la microfinance qui met en exergue les principales difficultés rencontrées par les EMF du territoire national et dont les conséquences sont généralement : des montants importants de créances compromises et des provisions inhérentes, les fraudes, les détournements, les résultats déficitaires, les fonds propres négatifs,..., les faillites. C'est au regard de tout cela que notre curiosité intellectuelle nous a permis d'aboutir au choix de ce thème à savoir : « La gestion des risques dans les Etablissements de microfinance au Cameroun ». En effet jusqu'ici, la littérature sur la gestion des risques dans les IMF constituée à la fois des ouvrages et articles de certains auteurs, professionnels de la Microfinance pour la plupart, des travaux universitaires réalisés par des étudiants et chercheurs4(*), s'est toujours articulée autour de la problématique du « comment se réalise la gestion des risques en microfinance ». Les plus marquants sont par exemples : celui de Churchill & Coster (2001) qui montrent comment gérer les risques en microfinance à travers une description des types de risques, du cadre d'évaluation et du processus de gestion des risques, celui de Campion (2000) qui souligne que les institutions de micro-finance doivent lier le contrôle interne à la gestion des risques ; car si par le passé, la plupart des organisations considéraient le contrôle interne comme une composante annexe, distincte des opérations, le cadre de gestion des risques présente une nouvelle approche du contrôle interne, supérieure car intégrée à tous les niveaux de l'institution. Abondant dans le sens de Campion, NDAO (2007) dans son analyse de la gestion des risques dans les IMF souligne que celles-ci, pour remplir leur double mission de pérennisation et d'aide aux populations à faibles revenus, doivent être dotées d'un cadre d'évaluation des risques qui comporte deux composantes majeures à savoir la viabilité financière et le développement institutionnel. Pour NDAO, l'évaluation des risques en microfinance nécessite également la prise en compte des perspectives de développement institutionnel. Notre travail quant à lui s'articule autour de la problématique du « pourquoi l'échec des EMF dans la gestion des risques ». En effet, malgré toutes ces publications et les efforts des autorités de tutelle en matière d'édiction des normes, il se trouve que la gestion des risques est l'un des problèmes majeurs pour les EMF au Cameroun (rapports COBAC et MINFI 2011). D'où la question centrale autour de laquelle s'articulera notre étude, pourquoi les EMF du Cameroun n'arrivent-ils pas à mieux gérer leurs risques ? II- OBJECTIF DE L'ETUDE Ce travail se donne pour objectif de déterminer ce qui explique l'échec des EMF du Cameroun relativement à la gestion des risques. De manière spécifique, il s'agit : Ø D'analyser le dispositif de contrôle interne des EMF du Cameroun afin de déterminer si celui-ci rempli effectivement sa mission là qui est celle de gérer les risques (Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, 2010) ; Ø D'analyser le système de gouvernance au sein des EMF du Cameroun traduisant le niveau d'implication des parties prenantes dans la gestion de ces Etablissements. III- HYPOTHESES Cette étude repose sur les deux hypothèses suivantes : H1 : Les EMF du Cameroun n'arrivent pas à mieux gérer leurs risques à cause de la faiblesse de leur dispositif de contrôle interne. Selon Campion (2000), un système de contrôle interne efficace permet à l'IMF d'assumer les risques de façon mesurée, tout en limitant les mauvaises surprises et en se prémunissant contre des pertes financières importantes. H2 : Les EMF du Cameroun n'arrivent pas à mieux gérer leurs risques à cause leur gouvernance inefficace. Selon WELE I (2009), la littérature microfinancière met en évidence des liens étroits entre la qualité de la gouvernance des IMF et leur performance (Rock & al., 2001 ; Labie, 2001 ; Drake & Rhyne, 2002 ; Mersland & Strøm, 2007). De plus, Le processus itératif de gestion des risques implique le conseil d'administration (élu(e)s) et les autres parties prenantes dans le processus d'identification et d'évaluation des risques, ainsi que dans l'élaboration de politiques, procédures et systèmes opérationnels sains (CERISE - IRAM, 2005). IV- INTERÊT DE L'ETUDE Cette étude présente un intérêt à la fois théorique et pratique. Ø Sur le plan théorique : Depuis près d'une décennie, les études et les écrits sur la microfinance tournent autour de deux thèmes centraux : l'impact (réduction de la pauvreté...) et la pérennité (performances financières et sociales...). Cependant, l'observation faite par nous est que cette littérature n'est pas assez fournie en ce qui concerne l'Afrique Centrale et plus précisément le Cameroun, contrairement à l'Afrique de l'Ouest (Bénin, Mali, Sénégal, ...) par exemple. C'est d'ailleurs ce qui justifie les exploits en matière de microfinance dans ces pays. Ainsi, notre travail se propose non seulement d'enrichir la littérature sur la problématique de la microfinance en Afrique Centrale, mais aussi d'éclairer les lecteurs sur la nécessité de comprendre la liaison entre les principaux problèmes auxquels font face les EMF au Cameroun. Ø Sur le plan pratique : Selon BCAO/BIT (1997), une gestion professionnalisée des structures sans préjudices de l'implication des membres ou des bénéficiaires est l'une des conditions préalables à l'atteinte de la pérennité des IMF. La logique dans laquelle s'inscrit notre travail permettra aux praticiens de la microfinance, dans un pays comme le Cameroun, de mieux s'outiller désormais en matière d'instruments et de mécanismes de gestion des risques, ceci à travers un dispositif de contrôle interne plus efficace et des mécanismes de gouvernance adéquats. V- METHODOLOGIE Parce que la clarification des idées théoriques est indissolublement liée à l'analyse des faits (Thomas Schelling cité par Klitgaard, 2006), nous optons pour une démarche théorique et empirique pour atteindre l'objectif de cette étude. La démarche théorique explore d'abord la relation conceptuelle entre la gestion des risques et le contrôle interne dans les EMF ; ensuite elle s'intéresse à la relation entre la gestion des risques et l'implication des parties prenantes dans la gestion des EMF. S'agissant de la démarche empirique, nous avons réalisé une enquête par questionnaire au sein de 50 EMF agréés ayant leur siège ou leur Direction Générale dans la ville de Yaoundé. Ce qui nous a permis d'avoir à la fin un échantillon composé de 27 EMF répartis en 15 de première catégorie et 12 de deuxième catégorie (soit un taux de réponse de 54% et un taux de représentativité de 5,53% par rapport à l'ensemble des EMF au Cameroun). Les données de l'étude, qui ont d'ailleurs été analysées à l'aide du logiciel SPSS en sa version 16.0, proviennent non seulement du dépouillement des questionnaires, mais également des rapports du Ministère des Finances et de la COBAC. La périodicité étant de cinq (05) ans couvrant les années 2008 à 2012. En ce qui concerne les variables de l'étude, nous nous sommes dans un premier temps inspirés des travaux de Honlonkou (2009), qui a analysé les déterminants de la performance du contrôle interne dans les Institutions de Microfinance à travers une approche par la théorie de l'agence appliquée à l'agence PAPME au Bénin. Dans un second temps, nous nous sommes inspirés de l'indice agrégé de gouvernance des IMF et ses quatre dimensions selon le FMI (2004), Briceno-Garmendia & Foster (2007) et Mbangala (2007) ; variables qui ont d'ailleurs été utilisées par Wele I (2009) pour analyser la qualité de la gouvernance des IMF du Benin. Compte tenu de l'hétérogénéité des EMF de notre échantillon, nous avons ajouté des variables dites « de contrôle » à savoir la forme juridique, la taille du conseil d'administration et la taille de l'EMF. Les EMF de l'échantillon étant tous des EMF indépendants, nous n'avons pas pris en compte la forme organisationnelle. VI- ORGANISATION DU TRAVAIL En harmonie avec l'approche méthodologique que nous retenons, notre travail s'organise en deux parties. Ainsi dans la première partie, à partir des travaux de Campion5(*) (2000), de Churchill & Coster (2001) et du CGAP (2003), nous montrerons que les EMF camerounais n'arrivent pas à mieux gérer les risques micro-financiers à cause de la faiblesse de leur dispositif de contrôle interne. Pour cela, nous établirons d'abord la relation entre la gestion des risques et le contrôle interne dans les EMF tout en montrant que la gestion des risques est une mission du contrôle interne (chapitre 1) ; ensuite nous vérifierons à partir des résultats de l'enquête, que l'échec des EMF camerounais dans la gestion des risques est due à la faiblesse de leur dispositif de contrôle interne (chapitre 2). Par ailleurs dans la deuxième partie et ce à partir des travaux de FMI (2004), Briceno-Garmendia & Foster (2007) et Mbangala (2007), de Clarkson & Deck (1997) et de Campion & Frankiewicz (1999), il sera question de démontrer que les EMF camerounais n'arrivent pas à bien gérer les risques à cause de la mauvaise implication des parties prenantes dans la gestion de ces établissements ; A cet effet, nous établirons dans un premier temps la relation entre la gestion des risques et les parties prenantes dans les EMF tout en montrant que leur bonne implication dans la gestion de l'établissement est une condition pour une gestion des risques efficace (chapitre 3) ; dans un second temps, nous vérifierons à partir des résultats de l'enquête, que la gouvernance insuffisante dans les EMF camerounais est également une cause de leur échec dans la gestion des risques (chapitre 4). PREMIERE PARTIE : CONTRÔLE INTERNE ET GESTION DES RISQUES DANS LES ETABLISSEMENTS DE MICROFINANCE
INTRODUCTION DE LA PREMIERE PARTIE« un système de contrôle interne efficace permet à l'IMF d'assumer des risques supplémentaires de façon mesurée, tout en limitant les mauvaises surprises et en se prémunissant contre des pertes financières importantes ». Cette assertion d'Anita Campion (2000) montre l'importance du contrôle interne face à la gestion des risques. C'est dans cette même logique que s'inscrit cette première partie. En effet, elle a pour objectif de montrer que les EMF camerounais n'arrivent pas à mieux gérer les risques micro-financiers à cause de la faiblesse de leur dispositif de contrôle interne. Il sera donc question dans le premier chapitre d'établir la relation entre la gestion des risques et le contrôle interne dans les EMF tout en montrant que la gestion des risques est une mission du contrôle interne. Dans le second chapitre de cette partie, il sera question de vérifier à partir des résultats de l'enquête, que l'échec des EMF camerounais dans la gestion des risques est dû à la faiblesse de leur dispositif de contrôle interne. CHAPITRE I : LA GESTION DES RISQUES DANS LES EMF, UNE MISSION DU CONTRÔLE INTERNE * 1 Une journaliste de Radio France International. * 2 Car les points de vulnérabilité changent avec le temps. * 3 Conférence des services centraux et extérieurs du Ministère des Finances, « Assainissement du secteur de la microfinance : enjeux et perspectives », Maximin ONGOLO (janvier 2011). * 4 Notamment ceux de Mefo'o, Tchakoute & Lamarque, Belgiith, Schreiner, Soglohoun, Comité de Bâle sur les activités de microfinance... * 5 Anita Campion en 2000, est directrice du MicroFinance Network, une association internationale regroupant des institutions de microfinance expérimentées. En dehors de ses ouvrages à elle-même, elle a participé à la réalisation de plusieurs ouvrages sur la microfinance, notamment avec CARE, MIX, Imp-Act/MicroSave, CGAP. |
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