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Le projet géostratégique des Etats-unis d'Amérique dans le golfe de Guinée: analyse de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013

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par François Xavier NOAH EDZIMBI
Université de Yaoundé II (Cameroun) - Master II en Sciences politiques 2014
  

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Mémoire en Master II Science Politique François Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 1

Le projet géostratégique des États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse de
l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013

SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE 7

PREMIERE PARTIE : LES ETATS-UNIS : UNE GRANDE PUISSANCE A LA CONQUETE DU

CAMEROUN 30

CHAPITRE I : 32

LA DEPENDANCE DES ETATS-UNIS EN RESSOURCES ENERGETIQUES 32

SECTION I : L'INCAPACITE DES ETATS-UNIS A COUVRIR LEURS BESOINS ENERGETIQUES 33

SECTION II : LA MONTEE DE L'INSECURITE AU MOYEN-ORIENT : RAISON D'UN DESENGAGEMENT POTENTIEL DES ETATS-UNIS ET D'UNE RECHERCHE DE MARCHES

PETROLIERS ALTERNATIFS 42

CONCLUSION DU CHAPITRE 44

CHAPITRE II : 45

LES ATOUTS DU CAMEROUN DANS LE GOLFE DE GUINEE : OBJET DE CONVOITISE POUR LES

ETATS-UNIS 45

SECTION I : LES MOTIVATIONS DE LA PRESENCE SANS CESSE GRANDISSANTE DES

ETATS-UNIS AU CAMEROUN 46

SECTION II : LES MOTIVATIONS STRATEGIQUES DE LA RUEE AMERICAINE AU

CAMEROUN 51

CONCLUSION DU CHAPITRE 58

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 59

DEUXIEME PARTIE : LE PROJET GEOSTRATEGIQUE DES ETAS-UNIS AU CAMEROUN 60

CHAPITRE III : 62

LE DEPLOIEMENT AMERICAIN AU CAMEROUN 62

SECTION I : L'EXPRESSION DE LA MANOEUVRE AMERICAINE DANS SES RELATIONS

BILATERALES AVEC LE CAMEROUN 63

SECTION II : LA MANOEUVRE AMERICAINE DANS LE CADRE MULTILATERAL 84

CONCLUSION DU CHAPITRE 88

CHAPITRE IV : 89

LES MENACES FRANÇAISE ET CHINOISE AU PROJET AMERICAIN 89

SECTION I : LA REPONSE FRANCAISE AU PROJET AMERICAIN AU CAMEROUN 90

SECTION II : LA MENACE CHINOISE AU PROJET AMERICAIN AU CAMEROUN 106

CONCLUSION DU CHAPITRE 115

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 116

CONCLUSION GENERALE 117

Mémoire en Master II Science Politique François Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 2

Le projet géostratégique des États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse de
l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013

SIGLES ET ABREVIATIONS

AIA : Association Internationale Africaine

AIF : Agence Intergouvernementale de la Francophonie

AIMF : Association Internationale des Maires Francophones

APD: Aide Publique au Développement

AGOA: African Growth Opportunity Act

AOPIG: African Oil policy Initiative Group

BEI: Banque Européenne d'Investissement

BM : Banque Mondiale

D : Contrat Désendettement Développement

CAPED : Centre Africain d'Études stratégiques pour la Paix et le Développement

CEEAC : Communauté Économique des États de l'Afrique Centrale

CEMAC: Communauté Économique et Monétaire des États de l'Afrique Centrale

CNN : Cable News Network

CSID : Cours Supérieur Interarmées de Défense

DSCE : Document de Stratégie pour la Croissance et l'Emploi

EIA : Energy Information Administration

EMIA : École Militaire Inter Armées

ESIGY : École Supérieure Internationale de Guerre de Yaoundé

FCFA: Franc de la Communauté Financière Africaine

FED : Fonds Européen de Développement

FMI: Fond Monétaire International

GAFC : Groupe d'Amitié France-Cameroun

GSP: Système Généralisé de Préférence des États-Unis

GSPC : Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat

Mémoire en Master II Science Politique François Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 3

Le projet géostratégique des États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse de
l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013

IFES: International Foundation for Election System

INS: Institut National de la Statistique

IPPTE : Initiative des Pays Pauvres et Très Endettés

IWCA: International Women of Courage Awards

MINEREX: Ministère des Relations Extérieures

MINEPAT : Ministère de l'économie, de la Planification et de l'Aménagement du Territoire

NDI : National Democratic Institute

OIF: Organisation Internationale de la Francophonie

OMD: Objectifs du Millénaire pour le développement

ONU : Organisation des Nations Unies

OPEP : Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole

ONG : Organisation Non Gouvernementale

OUA : Organisation de l'Unité Africaine

PAS : Programme d'Ajustement Structurel

PPTE : Pays Pauvres Très Endettés

RDC : République Démocratique du Congo

REDEEU : Revue Électronique du Département d'État des États-Unis

RECAMP : Renforcement des Capacités Africaines de Maintien de la Paix

RFI : Radio France International

SIDA: Syndrome Immunodéficience Acquise

UA : Union Africaine

UE : Union Européenne

US-AFRICOM: United States African Command

US-EUCOM: United States European Command

USAID: Agence Américaine pour le Développement International

VIH: Virus de l'Immunodéficience Humaine

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Le projet géostratégique des États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse de
l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013

ILLUSTRATIONS

A. LES CARTES

Carte 1 : localisation de la région du Golfe de Guinée 19

B. LES TABLEAUX

Tableau no 1 : Les réserves prouvées de pétrole brut par région du monde en 2009 39

Tableau no 2 : La production de pétrole brut par région du monde en 2009 40

Tableau no 3 : Les exportations de pétrole brut par région du monde en 2009 41

Tableau no 4 : Les importations américaines de pétrole brut au Moyen-Orient entre 1993 et

2008 ..43

Tableau no 5 : La production et les réserves d'hydrocarbures en Afrique fin 2006 56

Tableau no 6 : Les importations américaines au Cameroun dans le cadre de l'AGOA et du GSP, entre 2007 et 2009 ..78

Tableau no 7 : Les accords et conventions militaires établis entre le Cameroun et la France de

1960 à

1974 105

Mémoire en Master II Science Politique François Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 5

Le projet géostratégique des États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse de
l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013

RESUME

La fin du Communisme correspond aussi, pour les États-Unis d'Amérique, à l'arrêt de la tutelle stratégique exercée par leurs alliés, particulièrement la France, sur le Continent africain. En effet, la situation plutôt tumultueuse au Moyen-Orient, leur principale zone d'approvisionnement en ressources stratégiques, importantes pour leur sécurité nationale de même que pour leur rayonnement économique mondial, conduit les américains à s'intéresser à cette partie du monde longtemps considérée comme sans intérêt. L'une de ses régions, le Golfe de Guinée, présentant une production pétrolière sans cesse croissante, fait l'objet d'une plus ample attention. Principalement l'État le plus producteur où ils possèdent d'importants investissements : le Nigeria. Mais les soubresauts qui entachent la stabilité de ce pays amènent, une fois de plus, les États-Unis à trouver un État qui leur soit favorable et leur permet de se projeter facilement dans d'autres pays de la région. Le Cameroun, pays économiquement et politiquement stable, possédant aussi une façade maritime importante pour les américains, dans leur but de contrôler les carrefours maritimes mondiaux, entre aujourd'hui dans leur projet géostratégique dans le Golfe de Guinée. Cela s'affirme par leur engagement économique, politique et militaire auprès de cet État pour l'accompagner dans son émergence en 2035. Mais l'ancienne puissance tutrice, la France, qui possède d'énormes intérêts dans ce pays, ayant fait partie de son pré-carré, essaie de les préserver en mettant en place des stratégies de blocage, et de destruction, du projet américain. Elle est concurrencée, dans cette lancée, par la Chine. En effet, puissance économique, dont l'industrie est énergivore en ressources stratégiques indispensables à sa survie, la Chine trouve nécessaire de se rapprocher du Cameroun faisant preuve de stabilité dans une sous-région victime de multiples conflits et limitant de ce fait la volonté américaine de le quadriller.

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Le projet géostratégique des États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse de
l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013

ABSTRACT

For the United States of America (USA), end of Communism means the end of strategic guardianship which was used by their allied, like France, in Africa. Disturbances which happened in the Middle East pushed their interests in others areas which were considered as not important. In spite of the fact that it was their main zone for supplying in strategic resources, which contribute in their national security and economic reliance, they started coveting Gulf of guinea which has an increasing important petroleum production. So, they had full investments in States as Nigeria but, it appears many difficulties which annoy its security and stability. In fact these problems lead USA to find another partner which can make their deployment easier in the Gulf of Guinea. So, Cameroon is seen as their best choice for achieving their strategic goals. This country is well known because of its economic and politic stability. Also, its maritime facade is an advantage for USA in controlling of different flux and maritime crossroads in the world. Therefore, they are investing in politic, economic, and military domains which can help Cameroon to emerge 2035. But, the crux of the matter is that: others countries like France, which has an old relationship with Cameroon, continue to pursue their multidimensional undertakings. So, they put all in place to destroy American's plans. In addition, Asiatic States like China which need more strategic resources for their developing industries, try to improve their cooperation with Cameroon which stay an opportunity in a part of the world where conflicts are recurrent. Finally, many countries are jeopardizing American's blueprints in Cameroon which is however an asset to reach in Gulf of Guinea resources and it is why they are on their way of reinforcing their initiatives.

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Le projet géostratégique des États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse de
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INTRODUCTION GENERALE

Les États-Unis d'Amérique font leur apparition sur la scène africaine dès le XIXème siècle, par l'intermédiaire de l'Association Internationale Africaine (AIA). Cette association accorde une aide à Léopold II, roi des belges, le 22 avril 1884. Ce dernier a pour ambition de fonder un État libre autour du fleuve Congo. Ils participent aussi à la conférence de Berlin qui se tient du 15 novembre 1884 au 26 février 1885, destinée à limiter les futurs conflits à des négociations diplomatiques entre les grandes puissances européennes et américaines1. Bien que participant au partage de l'Afrique, leur présence sur le terrain reste limitée jusqu'à la fin de la guerre froide, conflagration les opposant à l'ex-URSS. C'est pour cela qu'Henry Kissinger a affirmé qu'en l'absence d'adversaire stratégique menaçant le Continent, ou d'État africain inamical nourrissant des ambitions hégémoniques, une nouvelle politique africaine n'a aucune justification stratégique2.

Il a donc été observé un désintérêt américain pour cette partie du monde. Ce sentiment est confirmé par les allégations de l'ancien président américain, Georges WALKER BUSH qui, avant son accession au pouvoir en janvier 2001, déclarait sans ambages ne pas intégrer l'Afrique dans la stratégie globale des États-Unis3. Mais, un regain d'intérêt porté au Continent par ces derniers se fera ressentir dès la fin du communisme. Il s'exprime par le désir de ne plus laisser les puissances européennes exercer, à elles seules, une tutelle politique sur l'Afrique4. En effet, en visite à Johannesburg en Afrique du Sud, le 12 octobre 1996, le secrétaire d'État américain, Warren CHRISTOPHER, déclarait : « le temps est fini où l'Afrique pouvait être divisée en sphère d'influences, où les puissances extérieures pouvaient considérer des groupes entiers de pays comme leur domaine réservé5 ». Par la suite, ce regain d'intérêt pour l'Afrique s'est accentué avec l'importance accordée au continent après les attentats du 11 Septembre 2001. Selon le document de stratégie de sécurité nationale des États-Unis d'Amérique de septembre 2002, l'Afrique revêt une grande importance pour la

1 Péan P. 2010, « Carnages: les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique », pp.132-133.

2 Henry Kissinger, « La nouvelle puissance américaine », Paris, Fayard 2003, p.223.

3 P. N. Lyman, « A strategic approach to terrorism », in Rotchild, D. and Keller, J. E. Africa-US relations: strategic encounters, Reinner Publishers, 2006, p.49 ; Servant J. C. « Offensive sur l'or noir africain: une priorité géostratégique » in Le Monde Diplomatique, janvier 2003.

4 Alain Fogue T. « Enjeux géostratégiques et conflits politiques en Afrique noire », Paris, L'Harmattan 2008, p.287.

5 Ibid., p.292.

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paix et la sécurité mondiale6. Les attentats du 11 Septembre 2001 ont relevé que la menace à grande échelle ne vient plus uniquement des grandes puissances, mais davantage des États en faillite, faibles, des acteurs et facteurs internationaux de nuisance, qui trouvent en Afrique un terrain fertile à leur épanouissement7. Cet intérêt porté à l'Afrique est d'une grande importance dans la région du Golfe de Guinée où se trouve le Cameroun.

I- HISTORIQUE DES RELATIONS AMERICANO-CAMEROUNAISES ET
RAISONS DE LEURS INTENSIFICATIONS

« In May 1957, Robert C. Foulon was appointed Consular Officer to Cameroon, and a U.S. Consulate was opened at Yaounde on July 5, 1957. On April 10, 1959, the Consulate became a Consulate General. According to a U.S. Department of State press release issued on January 5, 1960, the American Consulate General at Yaounde, Cameroun, was elevated to an Embassy on January 1, 1960, upon formal attainment of independence by the former United Nations Trust Territory under French administration8. » En d'autres termes, en mai 1957, Robert C. Foulon avait été nommé consul au Cameroun. Mais c'est seulement le 05 juillet 1957 que le consulat américain fut ouvert à Yaoundé. Plus tard, le 10 avril 1959, il devint consulat général. Dans ce sens, le département de la presse d'État américain observe : « le consulat général américain à Yaoundé au Cameroun a été élevé au rang d'ambassade le 01 janvier 1960 dans la mouvance de l'indépendance sous l'administration française ». C'est dire que les relations entre les deux États ont été établies bien avant la vague d'indépendances africaines. Elles ont toutefois connu une évolution en dents de scie.

Entre 1960 et 1989, ces relations américano-camerounaises se caractérisent par le désintérêt qu'affichent les États-Unis à l'Afrique, l'important pour eux se trouvant en Asie et au Moyen-Orient. Ils préféreront accorder la tutelle politique de cette zone du monde à leurs alliés européens. Mais cette situation a changé après leur victoire sur le communisme. La deuxième phase, qui se situe entre 1990-1996, sera tendue. En effet, les États-Unis d'Amérique exigent des réformes en faveur de la démocratie que la jeune République du Cameroun ne maitrise pas suffisamment. Cette situation conduira à la détérioration des rapports entre les deux États. Les États-Unis remettent en cause à la fois l'organisation

6 Alexis Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique après le 11 septembre 2001 : dynamiques locales d'une puissance globale. » Thèse de doctorat/Ph.D en science Politique, Université de Yaoundé II, 2009/2010, p.11.

7 Ibid.

8 Document internet sur les Relations bilatérales entre le Cameroun et les USA sur Google.com, p.9.

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gouvernementale et celle du régime politique camerounais. L'autorité représentative des États-Unis au Cameroun de l'époque, l'ambassadeur Frances Cook, apportera même son soutien à « l'opposition radicale », pendant la période de fortes tensions politiques de 1991 à 1992.

Aussi, les rapports d'Organisations non-gouvernementales américaines sont sévères sur l'état de la démocratie au Cameroun. La National Democratic Institute (NDI), dans son rapport de 1992, affirme que la République du Cameroun est une « République multipartite seulement de nom. Le Cameroun continue à être gouverné en réalité par le président Biya et son cercle de conseillers, issus principalement de son groupe ethnique et de son parti le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais »9. Cette tension trouvera son point d'orgue avec la suspension de l'aide de l'Agence Américaine de Développement International (USAID) au Cameroun, le 19 novembre 1993. Mais par la suite, il se présentera une accalmie et un renforcement des relations entre les deux pays, vers la fin des années 199010.

L'accalmie dans les relations américano-camerounaises est le fait de deux évènements. En premier, l'élection de Kofi ANNAN, candidat favori des Américains à la tête de l'Organisation des Nations Unies (ONU), avec le soutien du Cameroun. En second, l'élection présidentielle au Cameroun en 1997 qui fut présentée, par l'organisme américain International Foundation for Election System (IFES), comme exemplaire. Elle conduira à la publication, par cet organisme, d'un rapport positif sur l'avancée démocratique du Cameroun. Ce temps de grâce pour le Cameroun sera ponctué en juillet et novembre 1998 respectivement par la visite du ministre américain des transports, Rodney SLOTER, et d'une délégation importante conduite par le maire de New York C. M. Mario BARRYERE. Il se poursuivra après les attentats du 11 septembre 2001, grâce au passage du Cameroun à la présidence tournante du conseil de sécurité de l'ONU, sustenté par la visite du président Paul Biya à Washington à la veille de l'« opération liberté pour l'Irak ». Ce moment marquant l'âge d'or de la relation américano-camerounaise11.

À partir de ces relations cordiales entre les deux États, grâce aux richesses du Cameroun et à ses avantages géographiques et géostratégiques, se développera un intérêt

9 M. D. Ebolo, 1998, « L'implication des puissances occidentales dans le processus de démocratisation en Afrique : analyse des actions américaines et françaises au Cameroun, 1989-1997 », in Polis, Vol.6, no 2, pp.19-55.

10Alexis Nzeugang, « Une lecture de la coopération américano-camerounaise depuis 2001 : contribution à l'étude des dimensions pétrolières et militaires. » Master II en Science Politique, Université de Yaoundé II, 2005/2006, Pp.2-3.

11 Nzeugang, « Une lecture de la coopération américano-camerounaise depuis 2001... », pp. 2-3.

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Le projet géostratégique des États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse de
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grandissant de Washington pour Yaoundé. La stabilité du Cameroun dans le Golfe de Guinée, région assez instable, est l'une des qualités appréciées par les États-Unis, comme sa richesse en ressources naturelles stratégiques. Ces atouts sont une particularité qu'utilisent les américains pour atteindre leurs objectifs.

Plusieurs raisons sont à l'origine de la convoitise américaine pour le Cameroun. Sur le plan politique, Il fait preuve d'une stabilité en Afrique et dans la région subsaharienne12. Ensuite, dans l'Afrique Centrale, spécifiquement dans la sous-région CEMAC constituée de six États (le Cameroun, le Tchad, la République Centrafricaine, le Gabon, le Congo et la Guinée-Équatoriale)13, Il s'impose comme leader sur le plan économique. Concernant les atouts socioculturels, le Cameroun est un pays bilingue dont les langues officielles sont le français et l'anglais14. L'usage de l'anglais fait de lui un enjeu non négligeable pour les États-Unis, tant il est vrai que la culture, voire la langue, participe des critères qui justifient l'orientation géographique des investisseurs15. Dans un autre registre s'apprécie la multiplicité de ses groupes ethniques (plus de 250) et de ses langues nationales chiffrées à 270 environ16.

La diversité religieuse n'est pas en reste, les plus en vue étant le christianisme (53%), l'islam (22%) et les cultes africains (25%)17. Cette diversité présente, pour les Américains, une richesse et un avantage pour son développement. Le « paradigme américain de la diversité dans l'union »18, est de ce fait loué et mis en évidence par les États-Unis qui voient, en cette diversité culturelle et religieuse, un terrain fertile, un véritable catalyseur pour la promotion de la démocratie et des droits de l'homme ; lesquels principes sont officiellement présentés comme raisons d'être de la présence américaine au Cameroun19.

La position géographique du Cameroun est aussi d'un intérêt certain pour les États-Unis à cause de son ouverture maritime dans le Golfe de Guinée, région importante dans l'agenda géopolitique et géostratégique des États-Unis. La région n'est pas aisée à délimiter parce qu'elle dépend de la configuration que lui donnent différents États et institutions

12 GAFC, 2003. Rapport d'information présenté par le groupe d'amitié France-Cameroun, du 2 au 8 février.

13 Ibid., p.19.

14Article 1 alinéa 3 de la Loi no 96/06 du 18 janvier portant révision de la constitution du 02 juin 1972, modifiée et complétée par la loi no2008/001 du 14 avril 2008.

15 Nzeugang Op.cit., p.20.

16 Ibid.

17 Ibid.

18 L. Sindjoun, 2000, « La démocratie est-elle soluble dans le pluralisme ? Éléments pour une discussion politiste de la démocratie dans les sociétés plurales », in Introduction inaugurale au colloque international Francophonie-Commonwealth Démocratie et société plurielle, Yaoundé, 24-26 janvier.

19 Nzeugang, « Une lecture de la coopération américano-camerounaise depuis 2001... », p.20.

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internationales ou régionales. D'un point de vue géographique, le Golfe de Guinée est situé dans la zone que la FAO (Food and Agriculture Organisation) désigne par l'expression Atlantique Sud-est20, c'est-à-dire la bordure occidentale du continent africain, du détroit de Gibraltar au Cap de bonne espérance. Sur le plan institutionnel, elle peut être circonscrite au domaine maritime des huit États adhérents à la Commission du Golfe de Guinée (CGG) que sont l'Angola, le Cameroun, le Gabon, la Guinée-Équatoriale, le Nigeria, la République Démocratique du Congo et Sao-Tomé et Principe. Pour un travail efficient, nous utiliserons ici la délimitation géographique faite par le professeur Joseph Vincent NTUDA EBODE, qui considère que la région du Golfe de Guinée va de la Côte d'Ivoire à l'Angola21.

La région est convoitée par les États-Unis parce qu'elle regorge de nombreuses matières premières vitales pour son industrie en générale et sa sécurité en particulier. En effet, la région du Golfe de Guinée est l'une des régions d'Afrique dont la production et les réserves en pétrole ont le plus augmenté depuis une dizaine d'années22. Avec une production de plus de quatre millions de barils par jour23, dont l'essentiel provient du Golfe de Guinée, l'Afrique subsaharienne affiche une capacité de production égale à celle de l'Iran, du Mexique et du Venezuela réunis, soit 6% des extractions mondiales24. De plus, en dix ans cette production aura augmenté de 36%, contre 16% seulement pour les autres continents25. Pour parvenir à exploiter ces différentes richesses, les États-Unis ont besoin d'un partenaire stable dans la région d'où le dévolu jeté sur le Cameroun.

Pour les États, la position stratégique d'un pays ne se réduit pas uniquement à son emplacement géographique mais dépend aussi de l'enjeu géopolitique voire géostratégique que l'on lui porte, notamment dans la réalisation des objectifs escomptés26. Les côtes du Sud-ouest du Cameroun, qui s'ouvrent dans l'océan Atlantique, lui octroient de nombreuses facilités aux échanges de toutes natures sur le continent, lui procurant une position stratégique27. Selon les analyses de Damien AWOUMOU28 et NTUDA EBODE29 dans leurs

20 Come Damien George Awoumou, « Le Golfe de Guinée face aux convoitises », in Enjeux n° 22, janvier-mars 2005, p.15.

21 J. V. Ntuda Ebodé, « Les enjeux pétroliers du Golfe de Guinée », in Diplomatie Magazine, no 7, février-mars 2004, p.44.

22 Michel KOUNOU, « Pétrole et pauvrette au sud du Sahara : analyse des fondements de l'économie politique du pétrole dans le Golfe de Guinée », Yaoundé, éditions Clé, 2006, p.33.

23 Bernath, « Le pétrole africain dans la ligne de mire des Etats-Unis » in Eco Finance, no 48, octobre 2005, p.4.

24 Ibid.

25 Wullson MVOMO ELA, « Pétro stratégie et appel d'empire dans le Golfe de Guinée », in Enjeux n°22, janvier-mars 2005, p.7.

26 Nzeugang, « Une lecture de la coopération américano-camerounaise depuis 2001... », p.21.

27 J. V. Ntuda Ebodé, « Géopolitique des régions africaines : quel destin pour l'Afrique médiane latine ? », in Diplomatie, affaires stratégiques et culture internationale, no 11, novembre-décembre 2004a, p.38.

28 Come Damien George Awoumou, Op. Cit, pp.15-20.

29 J. V. Ntuda Ebodé, Op. Cit.

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Le projet géostratégique des États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse de
l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013

travaux respectifs, le Golfe de Guinée, et notamment sa composante Afrique centrale, bénéficie d'une position privilégiée, qui le met en contact avec toutes les autres régions d'Afrique. À partir de l'Afrique centrale, plusieurs opérations sont possibles : l'accès à Afrique de l'Ouest et la remontée du Sahel, l'accès à la Corne de l'Afrique, (considérée comme la porte d'entrée et le poste avancé des terroristes en Afrique) en passant par la Centrafrique, le Tchad et le Soudan ; puis la descente vers les pays des grands lacs dont bon nombre sont membres de la communauté économique des États de l'Afrique centrale (CEEAC)30.

Présenté comme hégémon de l'Afrique centrale par le premier analyste, le Cameroun apparait, à la fois comme le leader potentiel du Golfe de Guinée et le heartland africain. Et d'après NTUDA EBODE, qui tient le Golfe de Guinée tient l'Afrique31. C'est à partir de cette position que les États-Unis apprécient le « leadership » du Cameroun et pensent que ce pays est un « partenaire de choix » sur lequel ils peuvent compter dans la sous-région32.

II- INTERETS DU SUJET

L'étude du projet géostratégique des États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013 nous a permis de déceler différents intérêts dont les plus pertinents sont l'intérêt scientifique d'une part et d'autre part, l'intérêt stratégique.

1- L'intérêt scientifique

Il s'agira sur plan scientifique de démontrer que la présence de l'État américain sur le sol Camerounais a pour préoccupation principale la recherche de son intérêt. En effet, En tant que fournisseur non négligeable de pétrole des États-Unis dans le Golfe de Guinée après le Nigéria, le Cameroun se retrouve au centre du projet de sécurisation énergétique par l'Afrique du premier consommateur mondial de pétrole33. Ce dernier fait alors l'objet d'un déploiement de la part des américains, d'un arsenal de moyens aussi divers que variés pour aboutir à leur

30 Nzeugang, « Une lecture de la coopération américano-camerounaise depuis 2001... », p.22.

31 Ibid.

32 S. Zinga, « Géostratégie : que recherche les américains au Cameroun ? », La Nouvelle Expression, 21 août 2005 ; N. Amayena, « Dr. Jendayi E. Frazer : Cameroon must preserve its stability » in www.rdpcnrw.org, 17 février 2006.

33 Fabrice Noah Noah, « Enjeux énergétiques et insécurité dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des menaces liées à la ruée vers le pétrole au Nigéria » Master II en Science Politique, Université de Yaoundé II, 2011/2012, p.100.

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Le projet géostratégique des États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse de
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objectif qui est son encerclement. Ce raisonnement sera étayé par l'usage des théories réaliste et transnationaliste.

2- L'intérêt stratégique

Au plan stratégique, notre sujet veut démontrer que la présence américaine au Cameroun est faite de considérations géostratégiques. En effet, les différents chocs pétroliers ont permis aux grands consommateurs de voir les risques d'un marché trop dominé par les producteurs du Golfe persique. Ces derniers ayant fait étalage de leur puissance pendant les crises de 1973 et 1979, il fallait, pour les grands consommateurs de pétrole, trouver un moyen d'amenuiser leur capacité de « nuisance » et penser à trouver des marchés alternatifs34, qui se retrouvent en Afrique.

Le Nigeria, premier producteur pétrolier d'Afrique et principal fournisseur des États-Unis dans la région du Golfe de Guinée, n'est plus à même de jouer totalement ce rôle à causes de différents soubresauts qu'il connait. En effet, la corruption et le détournement des revenus du pétrole, l'incurie des compagnies pétrolières internationales et l'immaturité des dirigeants politiques nigérians contribuent au « paradoxe de l'abondance », c'est-à-dire à une paupérisation sans cesse grandissante des populations nationales riches en ressources naturelles35. Cette situation délétère pousse des groupes de militants dans le delta du Niger et des islamistes radicaux, comme ceux de la secte Boko Haram, à rendre incertain le projet géostratégique des États-Unis dans ce pays et dans la région. D'où la recherche d'un État dans la région qui lui permettra de réaliser ses objectifs d'approvisionnement en pétrole. Ce dernier se présente comme étant le Cameroun.

III- CLARIFICATION CONCEPTUELLE ET DELIMITATION

SPATIO-TEMPORELLE

A- Clarification conceptuelle

Pour une meilleure compréhension de cette étude, il est judicieux de clarifier les concepts fondamentaux de notre thème à savoir : projet et géostratégie.

34 Ibid., p.42.

35 Noah Noah, « Enjeux énergétiques et insécurité dans le golfe de Guinée... », p.34.

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1- Projet

Expression polysémique, il a comme synonymes dessein, plan. Il exprime en premier lieu une idée formée soit par une personne physique, soit par une personne morale ou encore, un ensemble d'actions conçues pour atteindre un but. Par la suite, il représente la description de ces actions, opérations et travaux accomplis pour la réalisation de ce même objectif36.

2- Géostratégie

Il n'existe pas à ce jour un contenu arrêté et unanimement partagé de la notion de géostratégie37. Néanmoins, l'on peut partager cette ébauche de définition proposée par Hervé COUTAU-BEGARIE pour qui, « la géostratégie est une stratégie fondée sur l'exploitation systématique des possibilités offertes par les grands espaces en termes d'étendue, de forme, de topographie, de ressources de tous ordres »38.

En utilisant le terme géostratégie comme adjectif, on peut ainsi définir le projet géostratégique des Etats-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée comme le quadrillage de cette région en zone d'importance stratégique et à un déploiement de forces et de moyens pour la mettre sous contrôle politique, économique, diplomatique et stratégique dans le but d'une exploitation systématique des possibilités qu'elle offre.

3- Action

Une action peut être définie comme une manière particulière d'agir, d'opérer ou encore, elle est présentée comme une succession d'évènements constituant une manoeuvre39. L'analyse de l'action américaine au Cameroun exprime dont ici l'ensemble des réalisations concrètes et ordonnées mises en oeuvre par les Etats-Unis dans leur volonté de mettre le Cameroun sous leur giron stratégique.

36 Dictionnaire Encarta 2009.

37 De MONTBRIAL T. et KLEIN J., Dictionnaire de stratégie, Paris, PUF, 2000, p.263.

38 H. COUTAU-BEGARIE, Traité de stratégie, Paris. Economia, 1999, p.367.

39 Dictionnaire Encarta 2009.

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B- Délimitation spatio-temporelle 1- Délimitation spatiale

Il est question de présenter en premier les deux États en relation à savoir tout d'abord les États-Unis et par la suite la République du Cameroun, mais aussi la région dans laquelle s'exprime ce lien : le Golfe de Guinée.

Encore appelé États-Unis d'Amérique, les États-Unis sont un État Fédéral à régime présidentiel, situé en Amérique du Nord. Avec une superficie de 9 629 048 km2, ils sont le quatrième pays le plus vaste du monde, derrière la Russie, le Canada et la Chine. Indépendant depuis le 04 juillet 1776, ce pays, qui ne comptait que treize colonies au départ, est aujourd'hui une union de 50 États. De plus, il est composé de quatorze territoires insulaires disséminés dans la mer des Caraïbes et le Pacifique. Les États-Unis sont limités au Nord par le Canada, au Sud par le Mexique, à l'Est par l'océan Atlantique, et à l'Ouest par l'océan Pacifique .Washington est la capitale des États-Unis et se situe dans le district de Colombia.

Avec 305 683 227 millions d'habitants en 2009, les États-Unis constituent le troisième pays le plus peuplé du monde derrière la Chine et l'Inde. Sa population compte parmi les plus diversifiées du monde sur les plans ethniques et culturels. Par ailleurs, avec un PIB chiffré à 14 264 milliards en 2008, Ils constituent le pays le plus riche de la planète. Il est également la première puissance culturelle, politique, technologique, militaire et économique du monde40. Ils possèdent à peu près les 22 % du PIB mondial. Leur immense production les oblige à consommer en moyenne les 25% des matières premières dites stratégiques produites dans le monde.

Les États-Unis sont enfin un pays laïc et multiculturel, ce qui justifie le fait qu'ils accueillent de nombreuses religions dont les principales sont : le protestantisme (58%), le catholicisme (26%), le judaïsme (2%), et l'islam (14%).

Quant à la République du Cameroun, c'est un État de l'Afrique Centrale d'une superficie de 475 442 km2, soit environ les trois quarts de la France41. Il a une population de

40 Henry Kissinger, « La nouvelle puissance américaine », Paris, Fayard 2003, pp.14-15 ; A. Kapsi, « Comprendre les Etats-Unis d'aujourd'hui », Edition Perrin, 2008, p.213.

41 Doing Business in Africa, Groupe Jeune Afrique: INVESTIR CAMEROUN 2012, pp.8-10.

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19 406 100 d'habitants42. Long territoire en forme de triangle, il s'ouvre au Sud-ouest du Golfe de Guinée, sur l'océan Atlantique et s'étend sur 1200 km vers le Nord pour aboutir au Lac Tchad. Il est limité au Nord par le Tchad, au Sud par la Guinée-Équatoriale, le Gabon, et le Congo Brazzaville, à l'Est par la République Centrafricaine et à l'Ouest par le Nigeria. Pays de diversité, il présente environ 250 groupes ethniques et 270 langues nationales. Sa diversité religieuse n'est pas en reste. Nous avons le christianisme (53%), l'islam (22%) et les cultes africains (25%). Sa densité de population est de 41 habitants/km2, son produit intérieur brut PIB est, pour lui, de 21 milliards de dollars et son PIB/habitant/an, de 1114 dollars43. Il est classé au rang des PPTE, pays pauvres très endettés en 2000, appartenant à la sous-région de la Communauté Économique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC).

Le Golfe de Guinée peut être considéré comme une des régions pétrolières les plus stratégiques d'Afrique et du monde. Géographiquement, il couvre toute la zone côtière allant du cap des Palmes entre le Libéria et la Côte d'ivoire au nord, et le cap Santa Maria sur le littoral sud de l'Angola44. Le Nigéria, Sao tomé et principe, le Gabon, le Cameroun, la Guinée-Équatoriale, le Congo, l'Angola et la République Démocratique du Congo constituent, dans le cadre de la Commission du Golfe de Guinée (CGG), les limites institutionnelles de cet espace géographique45.

Pour des raisons pragmatiques, nous nous attacherons à la réalité géographique du Golfe de Guinée, plutôt qu'à son aspect politique et institutionnel. Cette partie de l'Afrique compte alors, en son sein, de grands producteurs de pétrole (Nigéria, Angola, Guinée-Équatoriale), des producteurs moyens (Ghana, Côte d'ivoire), des futurs producteurs (Sao-Tomé et principe), et d'anciens producteurs aux réserves déclinantes, mais tout aussi importantes (Gabon, Cameroun, Congo).

42 Ibid.

43 Ibid.

44 Etanislas Ngodi, « Pétrole et géopolitique en Afrique centrale », L'Harmattan, 2008, p.13.

45 Come Damien George Awoumou, « Le Golfe de Guinée face aux convoitises », in Enjeux n° 22, janvier-mars 2005.

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Selon Yate Douglas A., sur huit milliards de barils découverts en 2001, sept l'ont été dans le Golfe de Guinée46. Les réserves prouvées de pétrole y étaient estimées en 2003 à 24 milliards de barils47 faisant de lui « le premier pôle mondial de production en offshore très profond »48.

Carte du Golfe de Guinée, Source : Microsoft® Encarta® 2009, Microsoft corporation, 2008.

2- Délimitation temporelle

Notre exposé est délimité de 1997 à 2013. En effet, l'année 1997 correspond à la date marquant le début de l'établissement de relations stables et cordiales entre l'État américain et l'État camerounais. À cela s'ajoute aussi la volonté américaine de trouver un État alternatif au géant pétrolier nigérian, et d'accompagner le Cameroun dans son évolution démocratique.

46 Yate Douglas A. « Nouvelles tendances des investissements directs étrangers dans les pays pétroliers du Golfe de Guinée », conférence sur le pétrole dans le Golfe de Guinée, Friedrich Ebert Stifüng, Yaoundé, octobre 2003.

47 J. Christophe Servant, « offensive sur l'or noir Africain : une priorité stratégique » in le Monde diplomatique, Paris, janvier 2003.

48 Idem.

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3- Délimitation thématique

Notre thème porte sur le projet géostratégique des États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013. Nous insisterons sur l'instrumentalisation du Cameroun comme allié de revers et État pivot par la projection des États-Unis au Cameroun qui se révèle par l'usage de moyens politique, diplomatique, économique, culturel et stratégique en vue de le mettre sous contrôle géostratégique.

IV- REVUE DE LA LITTERATURE

Notre recherche s'inscrit dans la continuité de travaux antérieurs traitant, pour l'essentiel, de la situation stratégique de la région du Golfe de Guinée dans la géopolitique pétrolière mondiale. L'étude minutieuse des nombreux ouvrages lus nous a permis de faire ressortir les principaux thèmes abordés. Il s'agit, pour l'essentiel, de richesse grandissante de la région du Golfe de Guinée en ressources énergétiques comme le pétrole ; du caractère conflictuel de la région en raison de sa richesse pétrolière et de la volonté des grandes puissances consommatrices de la mettre sous encerclement et contrôle géostratégique ; de la pauvreté dans les pays producteurs du Golfe de Guinée ; du projet des États-Unis de trouver une alternative à l'Arabie Saoudite, principal fournisseur de pétrole de ces derniers au Moyen-Orient ; de l'encerclement militaire de la région du Golfe de Guinée par ces derniers ; de leurs difficultés rencontrées au Nigeria à cause du militantisme dans le Delta du Niger et de l'anti-américanisme des islamistes radicaux, rendant incertains leur projet géostratégique dans ce pays.

Côme Damien AWOUMOU49 procède à la délimitation précise de la région du Golfe de Guinée autant sur le plan géographique, culturel qu'institutionnel. Il étudie les raisons de sa convoitise par les grandes puissances et sa nécessaire régulation. Il le fait à partir de différentes questions qu'il se pose à savoir : qui convoite le Golfe de Guinée ? Pourquoi ? Comment se manifeste cette convoitise ? Avec quelle résistance ? Aussi les réponses de l'auteur sont précises et édifiantes. À la question de savoir qui convoite, l'auteur estime que le Golfe de Guinée est convoité à la fois par les occidentaux (États-Unis, France, Grande-

49 Come Damien George Awoumou, « Le Golfe de Guinée face aux convoitises », in Enjeux n° 22, janvier-mars 2005.

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Bretagne, Belgique, Espagne), les orientaux (Chine, Japon, Inde, Israël), les pays du Sud (Brésil) et les africains (Afrique du Sud, Nigéria, Libye, Maroc). Mais aussi par les acteurs de toutes natures : multinationales, institutions internationales. La ruée de ces différents acteurs, vers le Golfe de Guinée, est perçue pour une zone jusqu'ici négligée, comme pour son contrôle en raison de sa richesse en matières premières notamment en pétrole. La convoitise se manifestant par des investissements politiques, militaires et économiques.

Joseph Vincent NTUDA EBODE50 a aussi mené une étude sur la sous-région en raison de sa géopolitique pétrolière. Pour lui, le Golfe de Guinée apparait, depuis quelques années, comme une zone pivot du jeu géopolitique mondial. Ainsi, son érection en zone d'intérêt stratégique majeur le met au centre d'un certains nombres d'enjeux, notamment sécuritaire, développemental, économique et géostratégique.

Cédric De LESTRANGE, Paillard C.A et ZELENKO P.51 quant à eux, insistent, entre autres, sur l'importance du pétrole pour la satisfaction des besoins énergétiques des grandes puissances. Ils présentent les grandes zones pétrolifères mondiales et l'assaut qu'elles subissent de la part des grandes puissances consommatrices. Ils s'attardent également sur la question du conflit d'intérêt et celle du redéploiement des principales puissances industrielles autour de l'enjeu pétrolier.

Wullson MVOMO ELA52 s'intéresse à la place centrale qu'occupe le pétrole dans la sécurité énergétique mondiale (40% de la production mondiale d'énergie). Le Golfe de Guinée est présenté comme un « espace-enjeu » de la géopolitique du pétrole en ce début du XXIème siècle. Le recul de la France sur le théâtre africain, en même temps que la montée en puissance de nouveaux acteurs étatiques sur le continent (États-Unis, Chine, Inde...) corrobore l'idée qu'il se fait de la place du pétrole dans la sécurité énergétique mondiale. L'auteur propose enfin une logique de gouvernance collective de cette région par les différents pays qui la composent.

A la question de savoir quelle est la raison d'une considération sans cesse importante de l'Afrique et du Golfe de Guinée par les États-Unis, Alain FOGUE TEDOM53 pense qu'au lendemain de l'effondrement du communisme, survenu en fin 1989, il est désormais

50 J. V. Ntuda Ebodé, « Les enjeux pétroliers du Golfe de Guinée », in Diplomatie Magazine, no 7, février-mars 2004.

51 Cédric De Lestrange, Christophe-Alexandre Paillard, Pierre Zelenko, « Géopolitique du pétrole », Paris, éditions Technip, 2005.

52 Wullson MVOMO ELA, « Pétro stratégie et appel d'empire dans le Golfe de Guinée », in Enjeux n°22, janvier-mars 2005.

53 Alain Fogue T. « Enjeux géostratégiques et conflits politiques en Afrique noire », Paris, L'Harmattan 2008.

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anachronique, pour une puissance même alliée, de tenter de garder un monopole politique et surtout économique sur une partie du monde.

C'est partant de cette réalité que la diplomatie américaine lance en Afrique noire une vaste offensive basée sur la défense de la démocratie et la responsabilisation de l'élite africaine, l'Afrique devenant une terre de convoitise de tout temps. En effet, les ressources du Golfe de Guinée (hydrocarbures en l'occurrence) y sont importantes, de bonne qualité et à l'abri des tensions sociales. La ruée américaine vers ce pétrole s'explique, à la fois, par les atouts sus évoqués mais surtout par l'incapacité des autorités politiques à protéger cette ressource rare en raison de leur cécité stratégique et du faible niveau de développement industriel des pays de la région.

Pascal LOROT54 décrypte les répercussions de la rareté, avérée ou attendue, de la ressource stratégique qu'est le pétrole. Pour l'analyste, son pic de production (Peak Oil) c'est-à-dire le moment à partir duquel sa production mondiale va entamer son déclin, se situe entre 2010, 2030 voire 2050. Ainsi, la disparition de cette ressource ne pourra en tout état de cause que renforcer la confrontation entre acteurs et grandes puissances consommatrices, pour la sécurisation de cette matière stratégique qui est appelée à devenir toujours plus convoitée. Surtout pour les États-Unis, conséquence du caractère très fortement énergivore de son économie et son opposition à toute maitrise de la consommation énergétique55.

La phase de déclin certainement irréversible des provinces pétrolières américaines et leurs incidences sur la géopolitique mondiale sont présentées par Pierre NOEL56. En effet, la production des États-Unis baisse au rythme de 2% par an par moyenne -un peu moins- depuis 199057. C'est cette déréglementation pétrolière qui est à l'origine de sa réintégration complète dans le marché mondial par l'option libérale préconisée par l'administration Reagan qui, pour y parvenir, a établi des politiques publiques spécifiques.

Tout d'abord la sécurisation du marché par la mise en place de la Strategic Petroleum Reserve (SPR) ayant pour objectif le remplissage de la réserve pétrolière américaine d'une part et d'autre part, la création d'un dispositif militaire d'intervention rapide au Moyen-

54 Pascal Lorot, « Géopolitique des hydrocarbures » in Questions Internationales no 24- Mars-Avril 2007.

55 Ibid.

56 Pierre Noel, « Les États-Unis et le pétrole : de Rockefeller à la guerre du Golfe » in Questions Internationales no 2- Juillet-Aout 2003.

57 Ibid.

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Orient58 et dans d'autres régions du monde riches en hydrocarbures. Ces politiques publiques consistent à améliorer l'accessibilité des ressources pétrolières mondiales aux capitaux privés d'exploration et de production américains59. Elles proviennent de la politique de l'Open Door (porte ouverte) au Moyen-Orient, ayant l'objectif de favoriser la diversification durable de l'offre pétrolière mondiale, donc d'affaiblir le pouvoir de marché de l'OPEP60.

Pierre PEAN61 pense que l'engagement des États-Unis dans la région des Grands-Lacs et dans le Golfe de Guinée répond aux questions de sécurité, de stratégie, de contrôle et de sécurisation du pétrole contre les velléités de la Chine. Pour ce qui est de la sécurité, elle répond à la protection de leur allié israélien encerclé par des régimes musulmans ayant leur épicentre au Soudan. En ce qui est du contrôle et de la sécurisation du pétrole, il part du constat fait par les États-Unis que la Chine est l'État qui a le plus de chance de se poser comme leur rival à un moment quelconque du siècle nouveau62. D'où la nécessité de trouver dès à présent des stratégies de blocage en contrôlant et en sécurisant les principales zones pétrolières du globe63 dont l'une des plus importantes se trouve dans le Golfe de Guinée.

Alexis NZEUGANG64 pense pour sa part qu'afin de trouver une alternative à sa situation de plus en plus délicate au Moyen-Orient, du fait de la montée de l'islamisme et de la haine envers leur culture, les États-Unis se tournent vers l'Afrique et le Golfe de Guinée en particulier à cause des qualités d'ordre politique, culturel, économique, géographique que présente cette région.

Fabrice NOAH NOAH65 met en exergue les effets de la ruée des grandes puissances consommatrices (États-Unis et Chine) vers le pétrole du Nigéria, premier producteur d'Afrique. Elle a d'abord comme conséquence première une insécurité à la fois politique, économique, énergétique et sociale dans l'État le plus peuplé d'Afrique. Et en second, un risque de déstabilisation du Golfe de Guinée, partant des différents risques répertoriés dans l'État cité plus haut.

58 Pierre Noel, « Les États-Unis et le pétrole... ».

59 Ibid.

60 Ibid.

61 Péan P. 2010, Carnages: les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique.

62 Henry Kissinger, « La nouvelle puissance américaine », Paris, Fayard 2003, p.159.

63 T. Ngongang, « Golfe de Guinée : la grande croisade américaine », Mutation, 5 mars 2004.

64 Nzeugang, « Les Etats-Unis en Afrique... »

65 Fabrice Noah Noah, « Enjeux énergétiques et insécurité dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des menaces liées à la ruée vers le pétrole au Nigéria » Master II en Science Politique, Université de Yaoundé II, 2011/2012.

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Philippe COPINSCHI66 montre quant à lui que les grandes puissances occidentales ont toujours cherché à utiliser les compagnies pétrolières internationales à des fins politiques, comme l'illustre le rôle longtemps joué par Elf en Afrique francophone (Gabon, Congo-Brazzaville, Cameroun, etc.)67. Les compagnies pétrolières, acteurs essentiels du marché mondial, ont toujours la capacité de se ménager des marges de manoeuvres face aux stratégies politiques d'un État, les intérêts économiques et pétroliers d'un pays (exportateur ou importateur) pouvant parfaitement s'accommoder d'un engagement idéologique contraire. L'atypisme du pétrole venant justement du fait qu'il est à la confluence des logiques économiques et des logiques politiques68.

Si notre recherche s'est grandement inspirée des travaux évoqués plus haut, elle s'en démarque à plus d'un titre. En effet, l'objectif de notre travail est de démontrer que le projet géostratégique des États-Unis au Cameroun consiste à l'instrumentaliser tout d'abord comme un allié de revers, mais aussi comme un État pivot dans le Golfe de Guinée. Il s'agit de montrer qu'après la région du Moyen-Orient devenue dangereuse pour eux, les États-Unis ont pensé urgent de trouver une zone alternative à leur problème d'approvisionnement en pétrole. Elle s'est présentée comme étant le Golfe de Guinée et particulièrement l'État du Nigéria, premier producteur de pétrole dans la région et en Afrique. Toutefois, la mauvaise répartition des retombées de cette ressource par l'État Nigérian conduit à une radicalisation de certains groupes militants et extrémistes qui menacent les intérêts américains dans des zones importantes comme le Delta du Niger. Les États-Unis se retrouvent une fois de plus dans l'obligation de trouver un État allié qui lui permette de réaliser ses objectifs stratégiques.

V- PROBLEMATIQUE

La géopolitique pétrolière a été pendant longtemps animée par la zone du Moyen-Orient. Cette dernière a toujours été l'objet de convoitises de la part des puissances occidentales dont la plus engagée, et la plus influente, se trouve être les États-Unis d'Amérique. Elle est considérée comme d'importance cruciale pour sa puissance et sa sécurité énergétique.

66 Philippe Copinschi, « Rente pétrolière, géopolitique et conflits » in Questions Internationales no 2- Juillet-Aout 2003.

67 Ibid.

68 Ibid.

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La dépendance des États-Unis envers les ressources du Moyen-Orient débute à partir de la signature le 14 février 194569, du Pacte de l'USS QUINCY entre le président Américain Franklin ROOSEVELT et le Roi d'Arabie Saoudite Ibn SAOUD ABDELAZIZ, ceci pour une protection militaire contre l'exploitation des richesses.

Toutefois, cette présence américaine a toujours été perçue par les populations musulmanes, de cette région, comme néfaste pour plusieurs raisons. Tout d'abord, elles considèrent leur politique comme étant impérialiste. Aggravée par la domination, elle est perçue comme usurpatrice, humiliante et très douloureuse70. Aussi la culture américaine est considérée comme mauvaise par ces populations qui plus est, la rejettent. C'est dans cette atmosphère délétère qu'ont été commis les attentats du 11 septembre 2001 revendiqués par des groupuscules islamiques. Depuis ceux-ci, le gouvernement américain cherche à trouver une zone plus calme et propice à leur politique ; l'insécurité galopante, en rapport notamment avec l'islamo-terrorisme, l'antiaméricanisme croissant, la crise de confiance à l'égard des régimes amis et les crises sociales et politico-religieuses, ne le permettant plus assez au Moyen-Orient.

Cette région se trouve être l'Afrique. Les États-Unis se trouvent cependant devancés dans cette zone du monde par d'autres puissances dont la plus importante est la Chine. En effet, les ambitions pétrolières de la Chine au Nigéria, de même qu'au Soudan, constituent un pan de la géopolitique du pétrole menée par les grandes puissances dans le Golfe de Guinée71. Le second consommateur de pétrole au monde a fait de sa présence en Afrique une question stratégique. La grande industrialisation de la Chine et son essor économique font de lui un véritable consommateur d'énergie.

L'engagement de l'empire du milieu, dans l'univers pétrolier nigérian, est alors dicté non seulement par les besoins de son industrie, mais aussi par sa volonté de revêtir les attributs d'une puissance globale. Devenue deuxième plus gros consommateur de pétrole dans le monde, après les États-Unis, cette dernière a amorcé une fulgurante percée économique et ne peut plus se limiter uniquement à des approvisionnements en provenance des pays voisins. Elle a trouvé la solution à cette préoccupation dans le Golfe de Guinée, réputé pour la qualité de son pétrole et sa relative stabilité.

69 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique... », p.241.

70 Ibid.

71 Noah Noah, « Enjeux énergétiques et insécurité dans le golfe de Guinée... », p.101.

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Pour pouvoir aussi profiter au maximum des avantages de la sous-région, comme sa concurrente, les États-Unis ont établi une stratégie qui leur permet de profiter de la zone à partir d'un pays qui se présente comme étant le Nigeria. Or, comme le dit Michael KLARE, toutes les régions désignées comme source potentielle de pétrole sont instables ou entretiennent des forts sentiments anti-américains, quand ce n'est pas les deux72. Ainsi au Nigeria, des groupes de militants dans le delta du Niger et des islamismes radicaux rendent incertain le projet géostratégique des États-Unis. Ces derniers se trouvent encore une fois de plus dans l'obligation, comme dans le Moyen-Orient, de trouver un allié de revers dans la région du Golfe de Guinée. D'où l'intérêt porté au Cameroun, qui peut aussi par sa position, lui permettre de se propulser dans d'autres pays de la région. C'est de cette quête américaine portée sur le Cameroun qu'émergent certaines interrogations.

Quelles sont les raisons de l'attraction sans cesse grandissante des États-Unis vers le Cameroun ? Autrement dit, quelles sont les motifs profonds du dessein américain pour ce pays du Golfe de Guinée ? Au-delà des raisons clairement exprimées, l'agenda caché des États-Unis pousse à avoir des réticences envers des propos avancés par les canaux des medias, sur la question du Cameroun. Qu'est ce qui justifie depuis quelques années le renforcement de la coopération dans différents aspects (diplomatique, économique, politique, culturel, militaire etc.) entre États-Unis et le Cameroun, ce dernier étant dans le passé, présenté comme un mauvais élève de la démocratie ? La réponse à ces questions passe par l'énonciation des hypothèses de travail.

VI- HYPOTHESES

Une hypothèse est une proposition provisoire faite par le chercheur à partir de l'observation des faits, dont la démonstration se fera dans le corps du travail73. Autrement dit, c'est une tentative de réponse à une ou plusieurs questions théoriques ou observations empiriques, l'explication provisoire d'une réalité. Elle doit être confirmée ou infirmée à la fin,

72 Ibid., p.100.

73 cf. document « A la recherche d'une définition de l'Epistémologie » distribué dans le cadre des cours d'Épistémologie des Sciences Sociales, dispensés par le professeur Louis-Paul Ngongo, Université de Yaoundé II, année académique 2011-2012, p.2.

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par les résultats de l'étude. C'est un outil de sélection pour le chercheur, car elle permet le choix des faits, de les interpréter et de suggérer les procédures de recherches74.

L'hypothèse principale de notre travail de recherche est la suivante : partant de leur volonté qui serait de limiter leur quasi dépendance vis-à-vis des ressources pétrolières du Moyen-Orient, Le Golfe de Guinée, espace possédant un potentiel énergétique important, ferait l'objet de convoitise des Etats-Unis et particulièrement le Cameroun qui disposerait d'un emplacement géographique avantageux. De cette « macro-hypothèse » dérive cette « micro-hypothèse »75 :

- Le rôle du pétrole dans le dynamisme diplomatique et son statut

d'énergie de la « puissance » constituerait, pour la majorité de pays africains, l'ultime étape vers la reconnaissance et la considération internationales. Dans bien des cas, la simple présence du pétrole dans le sous-sol ou les fonds marins d'un pays africain le ferait passer du statut de pays inconnu, déconsidéré ou jugé infréquentable, à celui de nation amie des grandes puissances76. Le Cameroun n'échapperait pas à cette réalité.

VII- METHODOLOGIE

Il s'agit ici de présenter les lieux de recherche, la collecte et l'analyse des données de même que leur interprétation.

1- Lieux de recherche

La Science Politique faisant partie des sciences sociales, nous avons trouvé efficient d'utiliser, comme technique de recherche, l'enquête documentaire. Celle-ci a débuté au niveau des bibliothèques telles que la fondation Paul ANGO ELA de la Géopolitique en Afrique Centrale, le Centre Africain d'Études Stratégiques pour la promotion de la Paix et du Développement (CAPED), les bibliothèques centrales des Universités de Yaoundé II et de Yaoundé I, le Centre Culturel américain, le Centre Culturel français. Par la suite, elle a été

74 E. S. BOKALLI, « L'action internationale du Chef de l'Etat camerounais. Itinéraires et enjeux de ses déplacements à l'étranger entre 1996 et 2006 », 2005/2006, p.10.

75 L. Sindjoun, Sociologie des relations internationales africaines, Paris, Karthala, 2002, p.20.

76 Noah Noah, « Enjeux énergétiques et insécurité dans le golfe de Guinée... », p.42.

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faite par le biais d'internet, la collecte et l'analyse des articles scientifiques de même que des propos exprimés dans les médias par les officiels américains et camerounais.

2- Cadre théorique

S'intégrant dans le champ des relations internationales, notre travail nous oblige à faire recours à deux théories à savoir : le Réalisme et le Transnationalisme.

2.1- Le Réalisme

Tel que défini par Thucydide, Morgenthau Hans, Kennan ou encore Henry Kissinger, le Réalisme est une théorie qui privilégie la dimension conflictuelle des relations internationales77. Elle s'appuie sur le postulat selon lequel l'anarchie manifeste du système international est liée à l'absence d'une autorité capable d'imposer, à ses membres, un ordre contraignant. Les États, qui sont les principaux acteurs du système, agissent avant tout pour le maintien et l'accroissement de leur puissance au détriment des autres. Ainsi, la politique internationale peut être définie comme un effort continu pour maintenir et accroitre la puissance de sa propre nation et pour restreindre ou réduire la puissance des autres nations78. Tel est l'exemple de l'administration américaine de Ronald Reagan de 1981 à 1984 qui fit son possible pour que les Américains dominent autant que faire se peut la géopolitique pétrolière, par la mise en place de la Strategic Petroleum Reserve (SPR) et de la création d'un dispositif militaire d'intervention rapide au Moyen-Orient.

En effet pour le président américain de l'époque, la libéralisation et la sécurisation ne s'opposent pas mais constituent deux faces d'une même politique79. Raymond ARON pour sa part, à travers sa théorie « diplomatico-stratégique », fait du diplomate et du soldat les principaux acteurs chargés de mettre en application la politique internationale des États. La survie des unités politiques dépend, en dernière analyse, de l'équilibre des forces et les hommes d'État qui ont le devoir d'être soucieux d'abord de la nation dont le destin leur est confié80.

77 P. BRAILLARD ; M. REZA DJALILI, Les relations internationales, Paris, PUF, 2002, p.10.

78 H. MORGENTHAU, Politics among Nations. The struggle for power and peace, 6e édition, New York: Alfred A. Knopf Publisher, 1985, p.221.

79 Pierre Noel, « Les États-Unis et le pétrole... », p.36.

80 R. ARON, Paix et guerre entre les nations, Paris, Calmann-Lévy, 1968, p.71.

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Dès lors, pour les réalistes, c'est le rapport de force, la lutte pour la consolidation et la préservation des intérêts nationaux qui dictent la conduite des États sur la scène internationale. Aussi, le précepte réaliste selon lequel les États n'ont pas d'amis, mais seulement des intérêts, reste-t-il d'actualité. Cette théorie réaliste nous permettra de montrer qu'au-delà des « bonnes intentions » affichées des États-Unis, il ressort que seule la quête de leurs intérêts explique leur déploiement au Cameroun.

2.2- Le Transnationalisme

Après la victoire de la théorie libérale, l'État a perdu son statut d'acteur principal de la vie internationale du fait de l'intensification des échanges économiques et culturels et de l'émancipation des acteurs non étatiques. Ce ne sont plus aux seules nations que les relations internationales se rapportent mais à des types de groupes très divers : nations, États, gouvernements, peuples, organisations internationales, et même organisations industrielles, culturelles, religieuses qu'il faut s'intéresser dans l'étude des relations internationales si l'on veut que cette étude soit réaliste. Le transnationalisme rend compte de la présence d'acteurs infra étatiques sur la scène internationale, qui s'accompagne d'un processus de déterritorialisation des relations internationales conforté par le phénomène de mondialisation.

Marcel MERLE parle de « forces transnationales »81, au rang desquelles se retrouvent les firmes multinationales, qui sont une illustration de l'économie capitaliste et de la place de la géo économie dans les relations internationales post-guerre froide. Le transnationalisme permet de comprendre l'intrusion des acteurs transnationaux dans les relations internationales. Il nous permettra d'étudier le rôle croissant que jouent les firmes multinationales pétrolières américaines, implantées au Cameroun, dans la réalisation des objectifs géopolitiques américains. Les frontières entre les services de renseignement de l'État et ceux des multinationales pétrolières étant de nos jours poreux.

En effet, les grandes puissances occidentales ont toujours cherché à utiliser les compagnies pétrolières internationales à des fins politiques comme l'illustre le rôle longtemps joué par Elf en Afrique francophone (Gabon, Congo-Brazzaville, Cameroun, etc.)82. Les compagnies pétrolières, acteurs essentiels du marché mondial, ont toujours la capacité de se

81 M. MERLE, Sociologie des relations internationales, 3e Edition, Paris, Dalloz, 1962, p.359.

82 Philippe Copinschi, « Rente pétrolière, géopolitique et conflits... », p39.

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ménager des marges de manoeuvres faces aux stratégies politiques d'un État, les intérêts économiques et pétroliers d'un pays (exportateur ou importateur) pouvant parfaitement s'accommoder d'un engagement idéologique contraire. Tel est l'exemple du télégramme de WIKILEAKS, datant du 2 février 2009, qui fait état des liens étroits entre Shell et les autorités politiques du Royaume-Uni et des Pays-Bas83, ou encore du câble de WIKILEAKS datant du 20 octobre 2009, faisant état de télégrammes de diplomates américains rapportant les propos d'un représentant de Shell qui affirme que la compagnie a, au Nigéria, « des gens dans tous les ministères intéressants » et qu'elle sait ainsi tout ce qui s'y passe84.

Ces exemples montrent l'importance qu'occupent les multinationales dans la réalisation des objectifs géostratégiques des grandes puissances consommatrices en Afrique. Il sera davantage question de montrer comment ces deux entités distinctes travaillent en synergie pour l'exécution et la réalisation de la politique étrangère des États-Unis.

3- Interprétation des données collectées

Pour une meilleure analyse de notre thème de travail, nous avons trouvé efficient d'utiliser deux approches de recherche à savoir l'approche géopolitique et l'approche stratégique. L'approche géopolitique est une méthode qui nous apprend à déchiffrer l'actualité et à rechercher les motivations profondes des acteurs internationaux85. Cette approche nous permettra de décrypter l'agenda caché des États-Unis, de décrire ses ambitions, d'analyser sa démarche, de repérer les alliances en gestation ou au contraire, les alliances en voie de déconstruction.

François THUAL pense qu'à chaque fois qu'il y a tension, conflit, guerre, négociation, crise, il faut se poser les questions suivantes : qui veut quoi ? Avec qui ? Comment ? Et pourquoi ? Les États-Unis dont la sécurité dépendrait de la ressource pétrolière, sont dans l'obligation de trouver un autre moyen d'alimentation en cette ressource stratégique. Cette solution se trouve dans le Golfe de Guinée. Dans le cadre de ce travail, nous nous attèlerons à présenter comment les États-Unis se servent du Cameroun pour y parvenir. L'approche géopolitique a aussi pour but d'apprendre à échapper à l'événementiel fourni par les medias, pour accéder à l'explicatif. L'esprit géopolitique reconstitue le squelette des

83 Noah Noah, « Enjeux énergétiques et insécurité dans le golfe de Guinée... », p.55.

84 Ibid., p.57.

85 F. THUAL, Méthodes de la géopolitique : apprendre à déchiffrer l'actualité, Paris, Ellipses, 1996, p.4.

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enjeux où se déploient ces évènements. Il arrive ainsi à transcender, démystifier les apparences, les discours officiels pour accéder à la réalité ; identifier les démarches, les intentions réelles même si celles-ci sont ensevelies au plus profond des attitudes des États.

L'approche stratégique est une méthode organisée autour d'actions finalisées et calculées. Elle a pour but de permettre aux acteurs engagés, dans une entreprise quelconque, de minimiser les pertes tout en maximisant les profits. Il s'agira alors de voir comment les États-Unis d'Amérique dans le souci d'accéder aux différentes matières premières du Cameroun mobilisent des stratégies pouvant leur permettre d'atteindre ses objectifs86.

VIII- PLAN DU TRAVAIL

S'étant inspiré d'un cadre théorique, de techniques de collecte de données et de l'analyse de celles-ci, nous avons procédés à une subdivision du travail en deux parties, chacune comprenant deux chapitres. La première partie porte sur les motivations profondes de l'offensive américaine au Cameroun. Il est question de présenter, dans un premier temps, l'offensive des États-Unis dans ce pays comme conséquence de leur dépendance en ressources énergétiques, du pétrole en particulier, couplée de l'instabilité croissante au Moyen-Orient (Chapitre I).

Et dans un second temps, des atouts qu'offre le Cameroun dans la région du Golfe de Guinée, raisons expliquant le déploiement des Américains dans cet État (chapitre II). La deuxième partie, quant à elle, s'intéresse au déploiement stratégique des États-Unis au Cameroun. Il s'agit de présenter les diverses stratégies mises en oeuvre par Washington pour s'implanter dans ce pays (chapitre III). Ce nouvel intérêt des Américains pour le Cameroun ne va sans affecter les intérêts d'autres puissances, la France et la Chine à l'occurrence, qui s'organisent individuellement pour limiter, voire détruire, ce déploiement (chapitre IV).

86 Severin TCHETCHOUA TCHOKONTE « Enjeux et jeux pétroliers en Afrique : étude de l'offensive chinoise dans le Golfe de Guinée », Master II en Science Politique, option Relations Internationales, Université de Yaoundé II, 2008, p.13.

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PREMIERE PARTIE : LES ETATS-

UNIS : UNE GRANDE PUISSANCE A

LA CONQUETE DU CAMEROUN

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L'intérêt des États-Unis pour le Cameroun s'accentue dès la fin de la guerre froide. Car bien avant, la conflagration les opposant à l'ex-URSS a influencé leur idée sur cet État. En effet, à cette période, les États-Unis entretiennent des relations assez timides avec le Cameroun, confiant sa tutelle stratégique à la France, allié européen. C'est pour cette raison qu'Henry KISSINGER a affirmé qu'en l'absence d'adversaire stratégique menaçant le continent, ou d'État africain inamical nourrissant des ambitions hégémoniques, une nouvelle politique africaine n'a aucune justification stratégique87. Mais par la suite, on observera un regain d'intérêt des États-Unis pour ce pays, après leur victoire sur le bloc communiste.

Dès le 12 octobre 1996, en visite à Johannesburg en Afrique du Sud, le secrétaire d'État américain, Warren CHRISTOPHER, déclare que le temps est fini où l'Afrique pouvait être divisée en sphères d'influence, où les puissances extérieures pouvaient considérer des groupes entiers de pays comme leur domaine réservé88. Cet attrait américain sera plus perceptible après les attentats du 11 Septembre 2001. Il s'explique par une production sans cesse croissante, au Cameroun, des ressources stratégiques comme le pétrole, l'incapacité du régime politique de les utiliser à bon escient pour sa population et de la volonté américaine de trouver des marchés alternatifs au Golfe persique. Il est question, dans cette partie, de présenter la dépendance des États-Unis vis-à-vis de ressources énergétiques (chapitre I). Et ensuite de présenter les atouts et les nombreux avantages du Cameroun dans le Golfe de Guinée ayant poussé les États-Unis à s'intéresser à cet État (chapitre II).

87 Henry Kissinger, « La nouvelle puissance américaine », Paris, Fayard 2003, p.223.

88 Alain Fogue T., « Enjeux géostratégiques et conflits politiques en Afrique ... », p.292.

CHAPITRE I :

LA DEPENDANCE DES

ETATS-UNIS EN RESSOURCES

ENERGETIQUES

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Les Américains font preuve d'ingéniosité pour expliquer leur présence au Cameroun. Ils tentent, en premier, de séduire une opinion camerounaise en quête d'émancipation politique en invoquant un droit d'inventaire dans les affaires camerounaises. Aussi critiquent-ils la politique et les réalisations françaises dans cet Etat qu'ils réduisent à des « rituels d'émerveillement89 », ayant pour seul but d'avoir « une incidence sur les systèmes de pensée, d'action et de représentation des autochtones et sur la manière de fonctionner90 » des Camerounais. En effet, les États-Unis accordent un grand intérêt au Continent depuis les attentats du 11 septembre 2001. Bien qu'étant la troisième région mondiale productrice de pétrole, détenant 10% des réserves mondiales, l'Afrique était jusque-là marginalisée par ces derniers. Elle a été, pendant longtemps, écartée des enjeux de puissance. Mais depuis quelques temps, l'Afrique en générale et le Golfe de Guinée en particulier, où se situe le Cameroun, sont devenus l'objet de convoitises de puissances91.

La raison de cet intérêt se trouve dans les ressources énergétiques qui y abondent. Les grandes puissances, en effet, se servent du Continent Africain comme d'un immense réservoir de main d'oeuvre et de matières premières, mais aussi de clientèle pour maintenir ou développer leur grandeur nationale ou impériale92. L'objectif des États-Unis est de quadriller le Golfe de Guinée à partir d'un État ami comme le Cameroun, pays qui présente une certaine stabilité politique et économique. Aucune nation n'étant crue au-delà de son intérêt93, l'intérêt qu'accordent les États-Unis au Cameroun sera analysé à travers leur dépendance énergétique et leur incapacité à couvrir leurs besoins d'alimentation (section I), mais aussi à cause de l'instabilité croissante qui sévit au Moyen-Orient qui ne leur permet plus d'acquérir des approvisionnements (section II).

SECTION I : L'INCAPACITE DES ETATS-UNIS A COUVRIR LEURS

BESOINS ENERGETIQUES

89 Achille Mbembe cité par W. Mvomo Ela dans « Le concept de « mise en valeur » dans la politique de développement colonial de la France : cas du Cameroun » cf. Repenser le développement à partir de l'Afrique, sous la direction de Jean-Emmanuel Pondi, Afrédit, Africaine d'Edition, Yaoundé, mai 2011, p.314.

90 Ibid.

91 M. Kounou 2006, « Pétrole et pauvreté au sud du Sahara : analyse des fondements de l'économie politique du pétrole dans le Golfe de Guinée », Yaoundé, éditions Clé, p.15.

92 Péan P., « Carnages: les guerres secrètes des grandes puissances... », p.128.

93 Voir Georges Washington cité par Alain FOGUE TEDOM dans : « Histoire diplomatique, extraversion étatique et conflits politiques en Afrique noire », Thèse de Doctorat, 2002.

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L'intérêt des États-Unis pour le Cameroun part de l'important besoin de ce pays en ressources stratégiques indispensables pour son économie (paragraphe 1), et de leur volonté de réduire leur dépendance vis-à-vis du Moyen-Orient (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : l'insuffisance de réserves liée à une exploitation très élevée

Il importe de souligner en premier que le pétrole a été, et demeure, d'une importance capitale et stratégique pour la survie des États-Unis en tant que première puissance économique et militaire. Cette énergie joue un rôle crucial dans la vie des Américains au point où il influence leur politique intérieure et extérieure94. Le développement de l'industrie pétrolière gagne les États-Unis vers 1850 à Titusville en Pennsylvanie. Le 27 août 1859, une compagnie fait jaillir du pétrole à seulement vingt-trois mètres de profondeur : c'est le premier puits pétrolier de l'histoire95 qui va structurer la politique économique et surtout sécuritaire des États-Unis. En effet, en son absence, l'économie des États-Unis s'effondrerait et partant leur sécurité ainsi que leur rang international96.

Il se trouve que les États-Unis ont intensément exploité leurs réserves de pétrole qu'elles sont aujourd'hui menacées d'épuisement97. Les données relatives aux réserves de pétrole des États-Unis ne sont jamais fiables à cause de la réserve dont fait montre les institutions américaines d'informations. La différence que l'on observe dans les chiffres publiés par les rapports internationaux sont illustratifs à cet égard. Il s'agit en réalité des marges relatives ne pouvant influencer fondamentalement les tendances générales.

De ce fait, en prenant compte des chiffres fournis par les experts d'une part, l'OPEP et l'administration en charge de l'information sur les questions énergétiques des États-Unis d'autre part (EIA), il est aisé de se rendre compte que les capacités productrices des États-Unis sont menacées. En effet, selon les estimations de l'OPEP, les États-Unis disposaient en 2002 d'une réserve de 21.891 millions de barils de pétrole contre un total mondial de 1.157.610 million de barils correspondant à une capacité de 1,89% du total.

94 A. NOUSCHI, Pétrole et relations internationales depuis 1945, Paris, Armand Colin, 2003, pp.9-10.

95 Kounou 2006, « Pétrole et pauvreté au sud du Sahara... », p.19.

96 De LESTRANGE, ZELINKO et PAILLARD, Géopolitique du pétrole, un nouveau Marché, de nouveaux risques, de nouveaux Mondes, Paris, Techniq, 2005, p.87.

97 Pierre Noel, « Les États-Unis et le pétrole du Moyen-Orient » in Les Cahiers de l'Orient, août 2005.

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Le rythme d'exploitation du pays a naturellement entrainé la chute de ce volume qui ne s'élevait plus en 2008 qu'à 21.317 million de barils sur 1.295.085 million pour le reste du monde. Ce qui correspondait cette fois à 1,64% du total98. Avec une consommation estimée à 20,7 millions de barils de pétrole par jour en décembre 2007, les États-Unis se situaient-et c'est encore le cas aujourd'hui- en tête des pays consommateurs. Or, lorsqu'on fait le ratio production/consommation, on se rend rapidement compte qu'ils produisent quotidiennement 10% du pétrole mondial et en consomment 24%.

En fait, avec une production nationale de 5,1 millions99 de barils par jour, à laquelle s'ajoutent d'autres liquides de diverses natures, les États-Unis parviennent à couvrir à peine les 42% de leurs besoins journaliers. Ce qui suppose plus concrètement qu'ils ont encore besoin d'environ 13,5 millions de barils de pétrole qu'ils devraient importer tous les jours. Cependant, lorsqu'on soustrait à cela le volume des produits pétroliers exportés chaque jour par les États-Unis (soit 1,4 million de barils par jours), on se rend compte qu'au final, les besoins américains en importations s'élèvent plutôt à 12,0 millions de barils chaque jour. Par conséquent, on estimait à 58% de leurs besoins nationaux, le taux net des importations américaines en 2007100.

A ce rythme, les experts estiment qu'en 2025, les États-Unis importeront 70% de leur pétrole et 23% de leur gaz naturel101. Concrètement, la demande américaine de pétrole devrait passer d'environ 19,7 millions de barils en 2002, à environ 26 millions de barils par jour dans un contexte de stagnation de la production intérieure des États-Unis102. Ce qui ferait alors passer leur dépendance à l'égard de cette matière première stratégique à 66%103. En outre, certains experts estiment que des gisements actuels des États-Unis risquent de s'épuiser vers la période 2015104.

Toutefois, ces chiffres contrastent légèrement avec les prévisions des experts américains. En effet, l'Energy Information Administration (EIA) projette que les importations

98 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique après le 11 septembre 2001... », p 238.

99 Ibid., pp.232-234.

100 Ibid, p.231.

101 G. CARUSO et L. DOMAN, « L'offre mondiale d'énergie et le Marché des Etats-Unis » in Foreign Policy, Vol. 9, no 2, 2004, p.31 ; T. Z. COLLINA, « Oil dependence and U.S. Foreign Policy : real dangers, realistic solutions », Testimony before the Committee on Foreign Relations, Subcommittee on Near Eastern and South Asian Affairs, United States senate executive director, 2005, October 19.

102 T. L. Karl et G. Ian, « Le fond du baril, boom pétrolier et pauvreté en Afrique », publié par Catholic Relief services, juin 2003, p.14. ; D. VOLMAN and M. T. KLARE, « Africa's oil and American national security » in Current History, 2004, p.226.

103 W. Mvomo Ela, « L'Irak : « pas décisif » vers l'empire ? » in Une lecture africaine de la guerre en Irak, sous la direction de Jean-Emmanuel Pondi, Maisonneuve et Larose/ Afredit, Paris, décembre 2003, p.51.

104 De LESTRANGE, ZELINKO et PAILLARD, Géopolitique du pétrole, un nouveau Marché, de nouveaux risques, de nouveaux Mondes, Paris, Techniq, 2005, p.158.

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américaines de pétrole brut devront, au contraire, chuter d'ici 2030 passant ainsi de 12,1 millions de barils par jour à 8,8 millions105. Évaluée en pourcentage, il s'agira de passer d'une dépendance de 58% à 41%. Les États-Unis comptent sur plusieurs sources d'énergies parallèles pour pallier à cette situation. Il s'agit d'augmenter les capacités de production du Golfe du Mexique à laquelle s'ajoutent d'autres sources telles les biocarburants106. L'incapacité des États-Unis de satisfaire leurs besoins les conduit à s'approvisionner au Moyen-Orient.

Paragraphe 2 : la dépendance énergétique des États-Unis vis-à-vis du

Golfe Persique

Le Moyen-Orient a toujours été considéré comme une région d'importance cruciale pour la puissance et la sécurité énergétique américaines. Cette région correspond à un ensemble géographique regroupant les pays asiatiques situés au Nord-Ouest de l'Océan Indien. Selon le Bulletin Statistique de l'OPEP comptant pour l'année 2009, l'ensemble Moyen-Orient renvoie aux pays suivant : Bahreïn, République Islamique d'Iran, Irak, Jordanie, Koweït, Liban, Oman, Qatar, Arabie Saoudite, Syrie, Yémen et les Émirats Arabes Unis107.

Selon l'Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP), le Moyen-Orient a longtemps occupé et maintient toujours une position hégémonique sur l'échiquier du pétrole en raison du poids de ses réserves prouvées, de sa capacité de production et du poids de ses exportations par rapport aux autres régions du monde. Concernant les réserves, les données montrent que le Moyen-Orient est la région du monde la plus dotée par la nature en pétrole avec une estimation de 728.957 millions de barils contre un total mondial de 1.157.610 million en 2002. Il disposait alors d'environ 62,97% de réserves prouvées du monde108. Ces chiffres ont évolué dans le temps puisqu'en 2008, cette région disposait de 752.258 millions de barils de pétrole contre un total mondial de 1.295.085 million de barils, ce qui correspond cette fois à 58,08%.

105 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique après le 11 septembre 2001... », p 238.

106 EIA, 2009.

107 Organization of the Petroleum Exporting Countries, Annual statistical bulletin 2008, Austria, Ueberreuter print und Digimedia, 2009, p.127.

108 Ibid., pp.232-234.

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Tableau 1 : Les réserves prouvées de pétrole brut par région du monde en 2009 (en millions de barils).

2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

North

27,167

26,954

26,243

26,599

26,699

25,872

26,217

America

 
 
 
 
 
 
 

Latin

117,528

117,045

118,978

118,455

124,252

137,398

210,507

America

 
 
 
 
 
 
 

Eastern

123,312

126,694

126,095

127,266

128,852

128,979

128,979

Europe

 
 
 
 
 
 
 

Western

18,309

16,923

17,174

16,952

15,369

14,913

14,805

Europe

 
 
 
 
 
 
 

Middle

728,957

744,815

748,423

751,690

754,616

750,619

752,258

East

 
 
 
 
 
 
 

Africa

101,889

112,170

113,184

117,372

118,794

121,349

122,041

Asia and

40,448

40,221

40,640

40,640

40,964

40,223

40,278

Pacific

 
 
 
 
 
 
 

Total

1 157

1 184

1 190

1 198

1 209

1 219

1 295

World

610

823

338

953

545

351

085

OPEC

895,639

915,457

921,161

928,453

940,204

952,048

1,

 
 
 
 
 
 
 

027,383

OPEC percentage

77,4

77,3

77,4

77,4

77,7

78,1

79,3

Source: Organization of the Petroleum Exporting Countries, 2009, Annual Statistical Bulletin 2008, Austria, Ueberreuter Print und Digimedia, p18.

En ce qui concerne le niveau de production, les chiffres montrent, une fois de plus, que le Moyen-Orient passe devant toutes les autres régions du monde. Avec une capacité de production de 18.618.300 barils de pétrole sur un total mondial de 63 980 800 de barils de pétrole par jour en 2002, le Moyen- Orient est passé à 23.125.500 de barils par jour contre 72.028.300 pour le reste du monde en 2008. Ce qui correspond concrètement à un taux global de 29,09 % en 2002 contre 32,10% en 2008 ; soit une augmentation de 3,01%109.

109 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique après le 11 septembre 2001... », pp.232-234.

Mémoire en Master II Science Politique François Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 38

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l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013

Tableau 2 : Production de pétrole brut par région du monde en 2009 (En milliers de barils par jour).

2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

North America

7,191.3

7,140.1

6,538.9

6,583.3

6,447.8

6,489.5

6,303.5

Latin America

9,474.5

9,549.4

9,961.8

10,130.3

10,077.8

9,765.6

9,811.1

Eastern America

9,040.0

9,960.9

10,745.7

11,083.2

11,532.4

11,996.7

12,028.9

Western America

5,951.6

5,628.2

5,374.9

4,905.1

4,501.5

4,319.9

4,037.9

Middle East

18,618.3

20,408.5

21,981.5

22,722.0

22,900.8

22,362.0

23,125.5

Africa

6,429.2

7,246.4

8,276.9

8,815.7

8,958.4

9,103.7

9,323.7

Asia and Pacific

7,275.9

7,287.7

7,347.1

7,445.9

7,310.7

7,319.5

7,397.7

Total world

63,980.8

67,221.1

70,511.7

71,640.5

71,729.3

71,386.9

72,028.3

OPEC

25,595.3

28,187.9

31,076.8

32,305.7

32,448.6

31,928.6

33,093.0

OPEC percentage

40.0

41.9

44.1

45.1

45.2

44.7

45.9

Source: Organization of the Petroleum Exporting Countries, 2009, Annual Statistical Bulletin 2008, Austria, Ueberreuter Print und Digimedia, p22.

Quant aux exportations, les données font aussi remarquer que le Moyen-Orient est le premier fournisseur du monde en pétrole brut. En effet, sur un total de 35.704.900 de barils de pétrole exportés en 2002, le Moyen-Orient en avait fourni 13.799.600 soit un taux annuel de 38,64%. Ces chiffres ont connu un accroissement ces dernières années puisqu'en 2008 le ravitaillement du Moyen-Orient est passé à 17.439.300 de barils par jour sur un total de 40.114.400, soit un taux annuel de 47,47%110.

110 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique après le 11 septembre 2001... », pp.232-234.

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l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013

Tableau 3 : Exportation de pétrole brut par région du monde en 2009 (en milliers de barils par jour).

2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

North America

1,174.5

1,251.7

1,375.9

1,378.2

1,393.4

1,422.1

1,554.1

Latin america

4,477.7

4,523.1

4,605.7

4,739.1

4,900.2

4,727.2

4,378.8

Eastern America

3,970.5

4,626.2

4,827.0

5,344.4

5,542.7

5,878.7

5,658.2

Western America

4,822.8

4,502.0

4,354.8

3,740.1

3,443.2

3,222.2

2,785.6

Middle East

13,799.6

14,591.4

16,370.0

16,896.9

16,893.7

16,776.1

17,439.3

Africa

5,127.2

5,763.3

6,380.3

6,481.5

6,582.9

6,883.2

6,343.9

Asia and Pacific

2,332.6

2,095.1

2,005.8

1,961.1

1,876.6

1,923.0

1,954.6

Total world

35,704.9

37,352.7

39,919.5

40,541.3

40,632.7

40,832.6

40,114.4

OPEC

18,845.1

20,228.4

22,903.9

23,690.3

23,866.8

24,352.2

24,189.9

OPEC percentage

52.8

54.2

57.4

58.4

58.7

59.6

60.3

Source: organization of the Petroleum Exporting Countries, 2009, Annual Statistical Bulletin 2008, Austria, Ueberreuter Print und Digimedia, p34.

Ainsi le Moyen-Orient, bien qu'alimentant considérablement le monde, demeure la région la plus dotée en ressource pétrolière. C'est aussi la raison de la dépendance des États-Unis envers cette région.

L'on situe cette dépendance dès l'accord formel signé entre le Royaume d'Arabie Saoudite et les États-Unis111. Au début du XXème siècle, Abdelaziz Ben Abdel Rahman AL SAOUD, fondateur du Royaume d'Arabie Saoudite moderne, voulant protéger l'indépendance du pays décida de prendre le premier contact avec les États-Unis, seule puissance non colonisatrice de la région. Ainsi, le 14 février 1945, le président Delano ROOSEVELT et Abdelaziz Ibn SAOUD signèrent le « Pacte de l'USS QUINCY ». Par ce pacte, l'Arabie Saoudite concédait aux États-Unis un privilège au pétrole du Royaume pendant une période de 60 ans en échange de leur protection militaire. Certains chercheurs prétendent toutefois que cet accord recouvrait un contenu implicite bien connu de ses signataires. Ce non-dit aurait été exprimé en ces termes : « vous nous laissez appliquer la loi

111 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique après le 11 septembre 2001... », p.240.

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islamique et régner en Arabie Saoudite selon nos valeurs antioccidentales et nous coopérons économiquement avec vous »112.

Si l'on considère les années 1920 comme marge supérieure, on pourrait se rendre compte qu'en 1928, les États-Unis prenaient déjà des parts dans la Turkish Petroleum Compagny, devenu entre-temps Irak Petroleum Compagny, s'agissant d'une société au sein de laquelle la France et l'Angleterre étaient actionnaires113. Jusqu'en 1933, les compagnies pétrolières américaines présentes au Moyen-Orient étaient des associées minoritaires auprès des compagnies européennes, ce qui changera avec la signature des accords de l'USS QUINCY. Pendant les années 1950 et 1960, de nombreuses sociétés américaines investissent énormément dans le secteur pétrolier au Moyen-Orient. Jouissant parfois des parts de marchés très alléchantes, les pourcentages des Majors et Super-Majors américains oscillaient entre 23% et 100% des concessions de certains pays. Il s'agit entre autres de : Musul Petroleum Compagny, Basrah Petroleum, Iranian Oïl Participants, Kuwait Oil Compagny, Aramco, Qatar Petroleum Compagny, Yemen Development Compagny, Dhofar Cities Service Petroleum, Bahrein Petroleum Compagny, Independent Oil, Petroleum Development114.

112 A. De VALLE, « De la stratégie pro-islamiste des Etats-Unis au « paradigme du 11 septembre », chronique d'une liaison dangereuse annoncée », in Revue Outre-Terre, juillet 2002.

113 A. NOUSCHI, Pétrole et relations internationales depuis 1945, Paris, Armand Colin, 2003, p.49.

114 Ibid., p.64.

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l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013

Tableau 4 : Les importations américaines de pétrole brut au Moyen-Orient entre 1993 et 2008 (en milliers de barils par jour).

Date E.A.U Bahreïn Oman Syrie Yémen Irak Koweït Qatar Arabie

Saoudite

1993

8

 

41

24

14

 

353

1

1413

1994

10

 

51

11

26

 

312

0

1402

1995

4

 

22

7

5

 

218

0

1343

1996

-4

 

36

0

2

1

236

0

1362

1997

-4

 

11

0

1

89

253

4

1407

1998

0

 

3

0

6

336

301

4

1491

1999

-1

 

0

3

2

725

248

10

1478

2000

13

 

2

2

27

620

272

9

1571

2001

38

 

20

3

25

795

250

13

1662

2002

12

 

17

11

27

459

228

15

1551

2003

19

 

35

13

6

 

220

3

1774

2004

18

3

10

10

5

656

250

5

1557

2005

16

0

24

12

13

531

243

4

1536

2006

7

0

34

8

20

553

184

2

1462

2007

9

0

32

4

13

484

181

2

1483

2008

3

0

18

6

0

627

210

0

1529

Source : Energy Information Administration, Statistiques officielles du gouvernement américain, publié sur www.cia.doe.gov, année 2009.

C'est à partir de cette forte dépendance que les États-Unis sont amenés à s'impliquer diplomatiquement et stratégiquement dans les affaires de la région. Ils se trouveront dans la quasi-obligation de sacrifier, sur l'autel des intérêts stratégiques, les nobles valeurs qu'ils prétendent incarner à l'étranger115. C'est ainsi que la démocratie, l'un des sacro-saints principes prônés par les États-Unis, a été rétrogradée au second plan dans le but de ne pas froisser les régimes alliés, parfois au mépris grave des libertés, des droits de l'Homme et de la démocratie.

L'on a pu constater que l'Arabie Saoudite et même des régimes qui n'avaient pas signé le pacte, tel que celui du Shah d'Iran, se trouvaient libres de gouverner suivant leur propre idéologie. Ceci parce que la démocratie est considérée comme un véritable instrument de politique étrangère pour les États-Unis, de même que de pour la paix et la sécurité. En effet, elle est plus importante pour la conquête des marchés et du pétrole116. L'usage à géométrie variable de la démocratie conduira à l'établissement du côté des populations

115 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique après le 11 septembre 2001... », p.241.

116 Ibid., p.15.

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musulmanes d'une image péjorative des États-Unis, et d'une insécurité à dominance islamo-terroriste et antiaméricaine.

SECTION II : LA MONTEE DE L'INSECURITE AU MOYEN-ORIENT : RAISON D'UN DESENGAGEMENT POTENTIEL DES ETATS-UNIS ET D'UNE RECHERCHE DE MARCHES PETROLIERS ALTERNATIFS

Certains occidentaux, comme l'ancien président américain Bill CLINTON, soutiennent que l'Occident n'a pas de problème avec l'Islam mais, seulement, avec les extrémistes islamistes violents117. L'usage de l'islamisme envers les États-Unis au Moyen-Orient trouve son explication dans les actions américaines.

L'instrumentalisation de l'islam, contre les activités politiques américaines, part du soutien accordé à Israël et sa politique, certes de survie, considérée comme impérialiste par nombre de pays arabo-musulmans118. État modeste aussi bien sur le plan spatial que démographique, Israël est, de par ses capacités militaires, technologiques et économiques, l'une des plus grandes puissances de la région119. Ce statut repose essentiellement sur le soutien diplomatique et l'importante aide que lui offrent annuellement les États-Unis afin de s'en servir comme marchepied de leur politique sous régionale120. Israël apparait par conséquent comme une place forte, une sorte de base arrière au service de la politique régionale des États-Unis. C'est, selon les islamistes, un État-à l'image de la Turquie, qui contrôle militairement le Moyen-Orient dans l'intérêt des États-Unis121.

Ainsi, qu'ils l'aient planifié ou non, le soutien des États-Unis à l'État d'Israël contribue ipso facto à l'affaiblissement des régimes arabes de la région et ce faisant tient, d'une certaine manière, les dirigeants arabes en sujétion, humilie les habitants et menace les pays limitrophes. Aussi nombre d'experts s'accordent sur le rôle que jouent ces activités dans la colère des islamistes qui, à travers le monde, se soulèvent contre les États-Unis et leurs

117 Huntington S. (1997-2000) Le choc des civilisations, Paris, Odile Jacob, Avril, p 306. L'Islam en effet est une religion monothéiste qui consiste à répondre à la volonté ou à la loi de Dieu, tandis que l'Islamisme ou Islam politique se définit comme un ensemble de courants politico-religieux de contestation, nés dans des contextes de crise socio-économique et de malaise identitaire, qui présentent de l'Islam une lecture éminemment idéologique. Ou désigne des utilisations politiques de l'Islam. Il doit aussi, par nécessité, être distingué du fondamentalisme qui peut être défini comme un retour aux textes fondateurs, le Coran et la tradition prophétique de Mohammed.

118 T. RAMADAN et GRESH, L'Islam en questions, Nina Berberova, Actes Sud, 2002, p.94.

119 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique après le 11 septembre 2001... », p.246.

120 B. LEWIS, L'Islam en crise, Paris, Gallimard, 2003, p.23. ; N. CHOMSKY, Dominer le monde ou sauver la planète : l'Amérique en quête d'hégémonie mondiale, Paris, Fayard, 2003b, p.105.

121 N. CHOMSKY, ibid.

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intérêts122. Au niveau culturel, les extrémistes remettent en cause le mode de vie occidental. Les organisations islamistes, à travers le monde, sont convaincues que la culture et la politique de l'Occident, particulièrement celles des États-Unis, corrompent l'Islam123. Ces valeurs sont considérées comme pernicieuses et ceux qui les pratiquent des ennemis de Dieu124. Pour les extrémistes, la libre orientation sexuelle des individus, de leurs pratiques sexuelles, du statut de la femme dans la société, des modes vestimentaires, du capitalisme suivi de la recherche effrénée du profit, de l'égoïsme, de l'individualisme, qui envahissent le quotidien des sociétés musulmanes, sont remis en cause. Ils condamnent l'art, la poésie, la littérature, la musique, le théâtre, le cinéma, la créativité et l'humour. Face à cet état de fait, c'est l'authenticité, la survie, voire la dignité de ce que les islamistes ont de plus cher qui est en jeu : leur culture. Il serait donc important pour eux de se battre au nom de la dignité du peuple musulman qu'ils veulent restaurer125, d'où l'islamisme.

Pour ce qui est des activités stratégiques, c'est la projection de puissance et les activités militaires, qu'ils considèrent comme un moyen de mettre leurs intérêts à l'abri de toute menace, qui exacerbent la colère des organisations islamistes. Ces derniers considèrent que les Américains exploitent les richesses de la terre d'Islam126. Plus globalement, nombre d'islamistes soutiennent que depuis la période coloniale jusqu'à nos jours, l'occident a pillé les richesses de l'Islam, détruit ses traditions et laissé des déserts127. Les choix stratégiques des États-Unis pour accéder aux richesses du Moyen-Orient, les exploiter et les acheminer sur le marché international, attisent de plus bel leur colère.

En effet, le maintien des forces militaires Etats-uniennes sur les lieux saints de l'Islam (en Arabie Saoudite), après la fin de la première guerre du Golfe, a suscité la colère des islamistes et notamment des moudjahidin à travers le monde128. De ces différentes raisons, présentées par les extrémistes, il s'en est suivi des attaques aux intérêts américains dans toutes les zones du monde, à l'exemple des attentats terroristes contre les installations américaines en Afrique en Nairobi (Kenya) et à Dar Es-Salaam (Tanzanie) de même qu'au Moyen-Orient. Le point d'orgue de ces attentats fut celui perpétré le 11 septembre 2001, où les États-Unis

122 G. F. GAUSE III, « Can democracy stop terrorism ? » in Foreign Affairs, September-october 2005 ; D. SOURDEL, L'Islam, Paris, PUF, 21e édition, 2002, p.116.

123 M. MANDANI, Good Muslim, Bad Muslim : America, the Cold War, and the roots of Terror, Three Leaves Publishing, 2005.

124 B. LEWIS, L'Islam en crise, Paris, Gallimard, 2003, p.49.

125 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique après le 11 septembre 2001... », p.248.

126 C. SAINT-PROST, « Géopolitique des Etats-Unis au Moyen-Orient » in Chauprade, (dir.) A., 2003, Revue française de Géopolitique, Paris, Ellipses, p.235.

127 M. GOZLAND, Pour comprendre l'intégrisme islamiste, Paris, Albin Michel, 2002, p.100.

128 M. ZEGHAL, « Les Etats-Unis et l'Islamisme politique », publié par le centre disciplinaire des faits religieux, octobre 2002, p.27.

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furent frappés de plein fouet chez eux, entraînant tout d'abord une riposte directe de leur part envers les États dits voyous par l'administration américaine pendant le régime républicain de l'ancien président Georges Walker BUSH en 2003 avec l'aide de certains États amis. Il s'agit de l'invasion de l'Irak par une coalition constituée de Georges W. BUSH, alors président des États-Unis, et de l'ancien premier ministre britannique de l'époque Tony BLAIR (qui a gagné le sobriquet de caniche du président américain129). L'objectif déclaré de l'opération baptisée « liberté pour l'Irak » était de renverser Saddam HUSSEIN et d'y réaliser un changement de régime par la force des armes130. Il s'agira aussi du changement de leur politique internationale, recherchant une alternative à leur désengagement potentiel au Moyen-Orient, en raison tout d'abord de son coup en terme de dépenses et de pertes en vies humaines américaines (2000 milliards engloutis dans l'invasion irakienne et 5000 Marines, soldats américains, morts en Irak131). Cette alternative est le Cameroun, pays du Golfe de Guinée.

CONCLUSION DU CHAPITRE

Les États-Unis ont besoin, pour leur rayonnement économique mondial et leur sécurité nationale, de satisfaire leur approvisionnement en ressources stratégiques. Bien qu'étant le troisième producteur mondial de pétrole, l'exploitation considérable de cette ressource au niveau national ne permet plus de combler les exigences sécuritaires et économiques. Les Américains se voient dans l'obligation, pour limiter ce déficit, d'aller trouver fortune dans le Golfe persique, première région productrice d'or noir. Toutefois, ils sont combattus sur le terrain par des groupes extrémistes qui n'apprécient guère leur présence dans la région. Les États-Unis se tournent donc vers le Golfe de Guinée où se situe le Cameroun. Dans le chapitre suivant, nous montrerons pourquoi les États-Unis s'intéressent de plus en plus à cette région et particulièrement au Cameroun qui offre un nombre considérable d'avantages.

129 Jeune Afrique, Hebdomadaire International Indépendant no 2725 du 31 au 6 avril 2013, p.3.

130 Ibid.

131 Ibid.

Le projet géostratégique des États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse de
l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013

CHAPITRE II :

LES ATOUTS DU CAMEROUN

DANS LE GOLFE DE GUINEE :

OBJET DE CONVOITISE POUR LES

ETATS-UNIS

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Les États-Unis font face à un dilemme qui consiste à ménager leurs réserves pétrolières tout en restant compétitif sur le marché mondial. Ne pouvant plus subvenir à leurs besoins de consommation pétrolière nationale et se heurtant, pour nourrir leur machine industrielle, à des obstacles dans le Moyen-Orient, les Américains trouvent en la région du Golfe de Guinée, surtout au Cameroun, une alternative à leurs préoccupations énergétiques. Occupant depuis un certain temps une place de plus en plus importante dans la géopolitique pétrolière mondiale, notamment dans la politique de diversification des sources d'approvisionnement énergétique, le Golfe de Guinée est désormais un point névralgique pour les États-Unis. Aussi, pour pouvoir bénéficier de l'important potentiel énergétique de la région, et des nombreux avantages de son pétrole, les Américains ont besoin de l'aide d'un État ami, comme le Cameroun, qui possède de multiples atouts. Il sera question de présenter les motivations de la présence grandissante des États-Unis au Cameroun (section I) dont l'objectif ultime est le quadrillage du Golfe de Guinée pour un rééquilibrage du marché pétrolier mondial à partir de cet État (section II).

SECTION I : LES MOTIVATIONS DE LA PRESENCE SANS CESSE

GRANDISSANTE DES ETATS-UNIS AU CAMEROUN

Le Cameroun va acquérir une place importante dans l'agenda des États-Unis à partir des attentats du 11 septembre 2001. En effet, contrairement à l'ignorance132, à la marginalisation133, ou à la négligence134 qu'il a subie de leur politique étrangère, le Cameroun va acquérir un intérêt stratégique135. Selon le document de stratégie de sécurité nationale, publié par l'ancien président Georges BUSH, le 20 septembre 2002, l'Afrique revêt une grande importance pour la paix et la sécurité mondiale136 .

Elle occupe le premier plan dans la nouvelle stratégie de sécurité nationale des États-Unis137. Car, le 11 septembre a révélé que dans le système international actuel, la

132 P. J. SCHRAEDER, United States foreign policy toward Africa : incrementalism, crisis and change, Cambridge University press, 1994, p.1.

133 M. AICARDI De SAINT-PAUL, La politique africaine des Etats-Unis : mécanismes et conduites, Paris, Economia et Nouveaux Horizons, 3e Edition, 1989 ; F. CHERU, « Aid and trade policy : shifting the debate », in Rothchild, Africa-US relations : strategic encounters, Lynne Reinner, 2006, p.217.

134 Henry Kissinger, « La nouvelle puissance américaine », Paris, Fayard 2003, p.232. ; P. N. LYMAN, « A strategic apporach to terrorism » in Rothchild, Africa-US relations : strategic encounters, Lynne Reinner, 2006, p.49.

135 F. CHERU, Op. Cit.

136 J. F. THOMSON, « L'Afrique occupe une place de premier plan dans la nouvelle stratégie de sécurité nationale » in Foreign Policy, Vol. 7, no 4, 2002, p.30.

137 Ibid.

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l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013

menace à grande échelle ne tient plus uniquement des grandes puissances mais davantage des États en faillite, des États faibles, des acteurs et des facteurs transnationaux de nuisance138. Ainsi, depuis peu, l'attrait des États-Unis pour le Cameroun, pays faible mais riche en matières premières et en ressources stratégiques, est avéré. Il sera question de présenter les motivations de la ruée américaine partant de la situation géographique du Cameroun (paragraphe 1), et ensuite de ses atouts internes faisant l'objet de convoitise des États-Unis (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : l'argument géographique comme l'une des raisons de

la ruée américaine

La position d'un pays ne se réduit pas uniquement à son emplacement géographique. Tout dépend de l'enjeu géopolitique voire géostratégique que l'on lui porte, notamment dans la réalisation des objectifs escomptés139. Partant de cette assertion, les États-Unis apprécient la position géographique du Cameroun dans le Golfe de Guinée.

Les États-Unis en effet, puissance maritime, ont comme objectif, pour des raisons stratégiques, économiques et militaires, de contrôler tous les carrefours maritimes les plus stratégiques du globe. Le Cameroun n'échappe pas à cette logique. Cet intérêt des États-Unis tient à son ouverture maritime mais aussi à la position centrale qu'il occupe dans le Golfe de Guinée. Ce dernier est présenté comme zone stratégique en Afrique140, amenant parfois certains analystes à penser que celui qui tient le Golfe de Guinée tient l'Afrique141.

À partir de ses côtes sud-ouest, le Cameroun s'ouvre sur l'océan Atlantique. Jouissant de plusieurs façades maritimes (plusieurs centaines de kilomètre de côte), le Cameroun favorise les échanges de toute nature sur le Continent. Cette position a été parfois présentée par les autorités camerounaises pour séduire les investisseurs, tout comme elle a été évoquée par certains officiels américains pour justifier leur intérêt à renforcer leur coopération avec le Cameroun. Cette ouverture permet par ailleurs aux zones géographiquement peu avantageuses

138 F. FUKUYAMA, State building, Gouvernance et ordre du monde au XXIe siècle, Paris, La Table Ronde, 2004-2005, p.13.

139 Alain Fogue T. « Enjeux géostratégiques et conflits politiques... », p.21.

140 P. HUGON, « l'Afrique subsaharienne : un visage contrasté », in L'année stratégique, Paris, Armand Colin, 2005.

141 Come Damien George Awoumou, « Le Golfe de Guinée face aux convoitises », in Enjeux n° 22, janvier-mars 2005.

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l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013

d'écouler leurs produits142. Elle profite principalement au Tchad, au Niger et à la République Centrafricaine qui n'ont pas de façade maritime.

La façade maritime met davantage en exergue l'importance du Cameroun dans une projection des puissances en Afrique. En effet, elle favorise plusieurs opérations : l'accès en Afrique de l'ouest, la remontée du sahel, l'accès à la corne de l'Afrique (considérée comme porte d'entrée et poste avancé des terroristes en Afrique) en passant par la Centrafrique, le Tchad et le Soudan, puis la descente vers les pays des grands lacs dont certains sont membres de la Communauté Économique des États de l'Afrique Centrale (CEEAC). Le Cameroun se présente aussi, par ses atouts d'ordre politico-économiques et socioculturels, comme un îlot de paix dans une zone caractérisée par une instabilité politique. Raisons pour lesquelles Les États-Unis pensent qu'il est un partenaire de choix sur lequel ils peuvent compter dans la sous-région143.

Paragraphe 2 : les atouts internes du Cameroun : fondements d'une

convoitise américaine

Les mots ou expressions généralement employés à l'intérieur ou à l'extérieur pour désigner le Cameroun sont nombreux. Pour exprimer la vision qu'ils ont de ce pays, les observateurs ont l'habitude d'utiliser des expressions comme : pays béni des dieux, un havre de paix dans un îlot tourmenté, Afrique en miniature, plate-forme en Afrique ou hégémon de l'Afrique centrale144. Le Cameroun présente sur le plan interne de nombreux avantages qui seraient à la base de sa convoitise par les États-Unis. Il s'agit entre autres des atouts politico-économiques et socio-culturels145.

Sur le plan politique, le Cameroun brille par sa stabilité en Afrique Centrale et cet aspect séduit l'observateur146. Le Cameroun est aux yeux des Américains un pays stable, un îlot de paix dans une sous-région tourmentée147, une destination essentielle pour leurs investissements étrangers. Depuis son indépendance, obtenue le 1er janvier 1960, le Cameroun a connu deux régimes politiques. Il a essuyé une tentative de coup d'État en 1984 mais aucun

142 Rapport GAFC, 2003.

143 S. Zinga, « Géostratégie : que recherche les américains au Cameroun ? », La Nouvelle Expression, 21 août 2005 ; N. Amayena, « Dr. Jendayi E. Frazer : Cameroon must preserve its stability » in www.rdpcnrw.org, 17 février 2006.

144 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique après le 11 septembre 2001... », p.18.

145 Ibid.

146 Rapport GAFC, 2003.

147 S. ZINGA, Op. Cit.

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changement anticonstitutionnel au sommet de l'État. Cette stabilité semble avoir été renforcée sous le régime de Paul BIYA, président de la République en exercice148. Cette situation est appréciée par les États-Unis qui y trouvent une raison pour renforcer leur coopération avec cet État. Cette situation fait l'affaire des États-Unis car leur conception de la démocratie et de la stabilité est à géométrie variable. Pour les États-Unis, en effet, la stabilité est liée à la capacité de l'État et de ses institutions à garantir par le droit l'absence de menace envers les personnes et leurs biens. Or en Afrique comme au Cameroun, les États-Unis réduisent ce concept à l'aptitude des régimes à contrôler l'espace politique et la société civile149.

C'est dans ce sens que Jendayi FRAZER, secrétaire d'État américain aux Affaires africaines, soutient que les États-Unis s'intéressent fortement à l'Afrique centrale et surtout au Cameroun parce que ce dernier présente une stabilité politique exceptionnelle150. Le Cameroun n'a connu aucune guerre civile ni interétatique. La crise frontalière qui l'opposait au voisin Nigeria est aujourd'hui résolue. Le vent de la démocratisation, du début des années 1990, a suscité quelques agitations civiles mais la vague a été maîtrisée et le régime maintenu. Depuis lors, le Cameroun a organisé des élections qui se sont déroulées avec plus ou moins de transparence malgré quelques contestations sans soulèvement notable151.

Aussi, la venue des chefs d'entreprises ayant fui la Côte d'Ivoire confirme que la stabilité politique dont bénéficie le Cameroun crée un climat propice aux affaires152. Cette stabilité politique se précise dans le Document de Stratégie pour la Croissance et l'Emploi (DSCE), instrument de développement camerounais qui se décline en trois axes : la croissance, l'emploi et la bonne gouvernance de l'État. Pour ce qui est du dernier point, il s'agit de garantir l'application des principes démocratiques, les droits individuels et les libertés publiques et renforcer la transparence dans la gestion des affaires publiques.

Sur le plan économique, le Cameroun se présente comme l'hégémon de l'Afrique Centrale153. Il fournit à lui seul la moitié de la population et du PIB de toute l'Afrique Centrale154. Son économie est en pleine croissance avec un taux qui oscille entre 4 et 5 %

148 P. HUGON, Op. Cit., p.402.

149 Alain Fogue T. « Enjeux géostratégiques et conflits politiques en Afrique noire », Paris, L'Harmattan 2008.

150 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique après le 11 septembre 2001... », p20.

151 Rapport GAFC, 2003.

152 Ibid.

153 Par Afrique centrale nous faisons allusion aux pays membres de la CEMAC : Cameroun, Tchad, République Centrafricaine, le Gabon, le Congo et la Guinée-Équatoriale.

154 Rapport CEMAC, 2005.

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depuis une dizaine d'années155. Complété par la diversification économique et l'implantation de certaines industries de base156, le dynamisme économique dont jouit le Cameroun fait de ce pays un vaste marché dans la sous-région. Ainsi, Jendayi FRAZER déclare que le Cameroun a une économie forte qui renforce sa place de leader en Afrique. Cela était apprécié par l'ancien président BUSH qui lui avait recommandé de se rendre au Cameroun157. Cette stabilité participe dans le DSCE, boussole d'orientation conceptuelle et de programmation financière à moyen terme, à la mise en oeuvre de stratégies sectorielles par le gouvernement camerounais.

La prévision de croissance de l'économie camerounaise s'articule sur cinq points : la modernisation de l'appareil de production, le développement humain, l'intégration régionale, la diversification des échanges régionaux et le financement de l'économie. Au niveau des atouts socioculturels, L'article1 alinéa 3 de la loi N° 96-06 du 18 janvier 1996, portant révision de la constitution du 02 juin 1972, fait du Cameroun un pays bilingue. Le français et l'anglais sont les langues officielles de la République. Elles sont d'égale valeur et bénéficient d'une égale protection constitutionnelle. La langue anglaise présente une importance tant il est vrai qu'elle participe, avec la culture, à l'orientation géographique des investisseurs d'où la promotion du Commonwealth. L'anglais est un enjeu non négligeable pour les États-Unis dans leur projet au Cameroun158.

Le Cameroun rassemble la quasi-totalité des cultures d'Afrique noire et compte une multitude de groupes ethniques et de langues nationales. En outre, le Cameroun est caractérisé par une diversité de religions. Les plus en vue sont le christianisme (53 %), l'Islam (22 %) et les cultes africains (25 %). Toutes ces cultures se dissolvent et s'interpénètrent pour ne former qu'un seul peuple, mieux, une même Nation vivant pacifiquement sur le même territoire. Selon le paradigme américain de la diversité dans l'union159, le multiculturalisme dont jouit le Cameroun est un terrain fertile, un véritable catalyseur de la promotion de la démocratie et du

155 P. HUGON, Op. Cit.; Rapport GAFC, 2003.

156 Y. A. CHOUALA, « La crise diplomatique de Mars 2004 entre le Cameroun et la Guinée Equatoriale : fondements, enjeux et perspectives », in Polis, 2005.

157 Cameroon Tribune no 9732/5934- 37e année, du mardi 30 novembre 2010, p.5.

158 M. D. Ebolo, 1998, « L'implication des puissances occidentales dans le processus de démocratisation en Afrique : analyse des actions américaines et françaises au Cameroun, 1989-1997 », in Polis, Vol.6, no 2, pp.19-55.

159 L. SINDJOUN citant P. Raynaud (1997 :152-157), in « La démocratie est-elle soluble dans le pluralisme ? Éléments pour une discussion politiste de la démocratie dans les sociétés plurales », in Introduction inaugurale au colloque international Francophonie-Commonwealth Démocratie et société plurielle, Yaoundé, 24-26 janvier 2000, p.4.

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l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013

respect des droits de l'Homme lesquels sont officiellement présentés comme raisons de leur présence au Cameroun.

Ces atouts expliquent l'appétence des États-Unis pour cette Entité étatique. Toutefois, ces avantages ne peuvent qu'en partie expliquer cette ruée. La dépendance énergétique (pétrolière en l'occurrence) des États-Unis et leur volonté de rééquilibrer le marché pétrolier mondial, tout en profitant des facilités du Golfe Guinée, expliquent profondément cet attrait américain.

SECTION II : LES MOTIVATIONS STRATEGIQUES DE LA RUEE

AMERICAINE AU CAMEROUN

La présence de plus en plus visible des États-Unis au Cameroun s'inscrit dans la nouvelle stratégie de sécurité nationale définie par l'administration BUSH en septembre 2002. Les objectifs officiellement affichés sont la promotion de la démocratie, des droits de l'Homme et la lutte contre certaines maladies chroniques160. La présence américaine a comme objectif l'usage du Cameroun comme allié et État pivot dans le Golfe de Guinée161.

On peut l'affirmer au regard des réalisations américaines dans le pays à l'exemple de leur nouvelle chancellerie inaugurée en février 2006. Cette dernière a coûté la bagatelle de 24 milliards de FCFA, ce qui conduira l'ancien Ambassadeur américain, Niels MARQUARDT, à déclarer que les États-Unis ont l'intention d'être au Cameroun pour toujours162. L'explication de cet intérêt provient de la production sans cesse croissante de l'or noir et d'autres ressources dans le Golfe de Guinée et leur volonté de trouver des marchés alternatifs au Golfe persique. Nous présenterons la production croissante des ressources du Golfe de Guinée (paragraphe 1), conduisant une conceptualisation de mobiles pour la conquête et le quadrillage de cette région à partir de cet Etat camerounais (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : la production croissante en ressources stratégiques

du Golfe de Guinée

160 Alain Fogue T. « Enjeux géostratégiques et conflits politiques... », p.86.

161 Un Allié de revers se présente comme un État à qui les États-Unis font recours, du moment où ils se trouvent dans une situation défavorable au Nigeria, dans cette région du Golfe de Guinée. Un État pivot quant à lui est, pour les américains, un État d'appui par lequel ils arrivent à se projeter vers d'autres États, ceci à partir de la position d'axe stratégique occupée par le premier dans la même région.

162 Nzeugang, « Une lecture de la coopération américano-camerounaise depuis 2001... », p.15.

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Les États-Unis sont l'un des acteurs clés de la géopolitique énergétique163. Malgré leur statut de troisième producteur mondial et en dépit de réserves conséquentes, les États-Unis importent près de la moitié de leur consommation en pétrole164. Ce phénomène s'explique par le tarissement croissant de leurs réserves.

En effet, Les provinces pétrolières américaines historiques sont en phase de déclin quoique leurs productions soient partiellement compensées par celles des compagnies industrielles, qui parviennent encore à renouveler les réserves (en particulier le Golfe du Mexique)165. Au total, la production des États-Unis baisse au rythme de 2% par an en moyenne- un peu moins- depuis 1990. Les importations ont progressé de plus de 5% par an en moyenne sur 15 ans, pour atteindre leur maximum historique en 2000166.

Elles s'élevaient alors à 11 Mb/jr, soit 54% de la consommation totale167. En 2020, ces chiffres pourraient passer à 19 Mb/jr et 66%168. Ainsi, l'économie américaine présentée comme énergivore, doublée par l'opposition des États-Unis de maitriser leur consommation en ressources énergétiques, le pétrole en l'occurrence, les poussent à se projeter là où se situent les réserves pétrolières essentielles à la poursuite de leurs activités économiques169. Cette politique a débuté, au Moyen-Orient, par la sécurisation du marché, à travers la mise en place de la Strategic Petroleum Reserve (SPR) ayant pour objectif le remplissage de la réserve pétrolière américaine d'une part et d'autre part, la création d'un dispositif militaire d'intervention rapide au Moyen-Orient170.

Mais aussi par leur investissement politique dans d'autres régions jusque-là délaissées par eux à savoir l'Afrique du Nord, l'Afrique subsaharienne, notamment dans le Golfe de Guinée171 où se trouve le plus grand producteur africain de pétrole, le Nigéria. La production pétrolière nigériane est importante. Celle-ci l'a propulsé, depuis quelques années, dans le cercle des quinze premières nations productrices de pétrole au monde172. La place du pays, dans l'équilibre du marché, s'en est trouvée renforcée. En effet, les différents chocs pétroliers ont permis aux grands consommateurs de voir les risques d'un marché trop dominé

163 Pascal Lorot « Géopolitique des hydrocarbures », p.40.

164 Ibid.

165 Pierre Noel, « Les États-Unis et le pétrole... », p.36.

166 Ibid.

167 Ibid.

168 Ibid.

169 Pascal Lorot, Op.cit.

170 Pierre Noel, Op.cit.

171 Ibid., p.36

172 Noah Noah, « Enjeux énergétiques et insécurité dans le golfe de Guinée... », p.42.

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par les producteurs du Golfe persique. Ces derniers ayant fait étalage de leur puissance pendant les crises de 1973 et 1979, il fallait, pour les grands consommateurs de pétrole, trouver un moyen d'amenuiser leur capacité de nuisance et penser à trouver des marchés alternatifs173. C'est pour cette raison qu'à partir de la fin des années 1990, l'Afrique connaitra un redéploiement stratégique des grandes puissances à la recherche d'alliés de revers aux producteurs du Moyen-Orient. Le Nigéria, comme d'autres marchés pétroliers marginaux, se retrouve alors au centre des enjeux de puissance des grands consommateurs.

Ceux-ci tendent de se servir de lui comme une vitrine de leur assise géostratégique dans le Golfe de Guinée, région pétrolière la plus dynamique d'Afrique174. Confrontés à une insécurité de plus en plus grandissante au Moyen-Orient, les États-Unis se voyaient dans obligation de trouver une région de substitution à leurs préoccupations en ressources stratégiques que sont le pétrole et d'autres matières premières.

Doté d'un potentiel énergétique important et de sources d'énergies diverses et variées (pétrole, gaz, biomasse etc.), le Golfe de Guinée, jadis réputé pour la qualité de ses produits agricoles, est devenu depuis quelques années un véritable eldorado pétrolier175. Il regorge de pétrole non seulement réputé pour sa qualité, mais aussi des réserves en pleine croissance et d'un volume de production élevé. Pour ce qui est des réserves, la région du Golfe de Guinée où se concentre l'essentiel des réserves d'Afrique subsaharienne est devenue depuis quelques années l'une des zones-phares de la scène pétrolière mondiale. N'étant pas comparable au Moyen-Orient, ces réserves sont toutefois revues à la hausse.

Elles s'élèvent aujourd'hui à 55 milliards de barils, soit 4,8% des réserves mondiales176. Le Golfe de Guinée compte de grands États détenteurs de pétrole comme le Nigeria (ses réserves prouvées sont passées de 31,5 milliards de tonnes en décembre 2002 à 35,2 milliards en avril 2005177. Elles sont si importantes qu'elles représentent plus du double des réserves des autres États africains détenteurs178. En fin 2006, les réserves du Nigeria s'élevaient à environ 36,2 milliards de barils179 et celles de l'Angola à 9 milliards de barils180.

173 Ibid.

174 Ibid., p.43.

175 J. V. Ntuda Ebodé, « Les enjeux pétroliers du Golfe de Guinée », in Diplomatie Magazine, no 7, février-mars 2004, p.44.

176 M. Kounou 2006, « Pétrole et pauvreté au sud du Sahara : analyse des fondements de l'économie politique du pétrole dans le Golfe de Guinée », Yaoundé, éditions Clé, p.33.

177 Ibid.

178 Ibid.

179 Poissonnier H., HUISSOUD J.M, « Vers de nouvelles stratégies de rente : pourquoi le pétrole ne suffit pas... » in Enjeux, no 36, juillet 2008, p.20.

180 Ibid.

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Selon les dernières évaluations, les réserves angolaises s'élèvent à 12 milliards de barils et celles de la Guinée-Équatoriale à 1,8 milliards de barils181.

Tableau 5 : Production et réserves d'hydrocarbures en Afrique fin 2006.

PETROLE GAZ

Pays

Réserves
en mds
de barils

%

Mondial

Réserves
en années
de
production

Production en milliers de barils par jour

%

mondial

Réserves
(mds de
M3)

%

mondial

Réserves
en
années

Production
en
milliards
de M3

%

mondial

Algérie

12,

3

1,00

16,8

2005

2,20

4,5

2,50

53,2

84,5

2,90

Angola

9

0,70

17,6

1409

1,80

 
 
 
 
 

Autre

0,6

0,10

24,6

68

0,10

1,21

0,70

100+

8,2

0,30

CMR

 
 
 

63

0,10

 
 
 
 
 

Egypte

3,7

0,30

15

678

0,80

1,94

1,10

43,3

44,8

1,60

Gabon

2,1

0,20

25,3

232

0,30

 
 
 
 
 

Guinée Eq

1,8

0,10

13,8

358

0,50

 
 
 
 
 

Libye

41,

5

3,40

61,9

1835

2,20

1,32

0,70

88,9

14,8

0,50

Nigeria

36,

2

3,00

40,3

2640

3,00

5,21

2,90

100+

28,2

1,00

Congo

1,9

0,20

19,9

262

0,30

 
 
 
 
 

Soudan

6,4

0,50

44,23

397

0,50

 
 
 
 
 

Tchad

0,9

0,10

16,1

153

0,20

 
 
 
 
 

Tunisie

0,7

0,10

27,5

69

0,10

 
 
 
 
 

Total

117

,2

9,70

32,1

9990

12,10

14,18

7,80

78,6

180,5

6,3

Source : Enjeux no 36 Juillet 2008, p20.

D'après le tableau, en 2006, l'Afrique produisait un peu plus de 12% du pétrole mondial et 6,3% de gaz. Les réserves de pétrole s'élevaient quant à elles à 117,2 milliards de barils soit 9,70% des réserves mondiales. Pour ce qui est du gaz en cette date, les réserves

181 Tchetchoua Tchokonté, « Enjeux et jeux pétroliers en Afrique... », pp.28-29.

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africaines s'élevaient à 14,18 millions de M3 soit 7,80% des réserves mondiales182. Ces potentialités du Golfe de Guinée s'expriment aussi par une production sans cesse croissante. En effet, avec une production de 4 millions de barils par jour dont l'essentiel provient du Golfe de Guinée, l'Afrique subsaharienne affiche une capacité de production qui s'élève à 6% des extractions mondiales. Davantage, dans 10 ans cette production aura augmenté de 30% contre 16% seulement pour les autres continents183. D'autre part, il faut relever que les réserves avérées sur l'ensemble du continent africain représentent environ 100 milliards de barils alors que sa production actuelle n'est que de 9 millions de barils par jour dont 5 millions sont tirés du Golfe de Guinée184 où se trouve le Cameroun.

Cet État, bien qu'étant un producteur marginal, voit son crédit s'agrandir auprès des États-Unis. En effet, d'après le câble diplomatique, du 22 avril 2009, révélé par le site WIKILEAKS, l'ancienne ambassadrice des États-Unis au Cameroun, Janet GARVEY, pense que le secteur pétrolier camerounais est porteur d'espérance185. Classé septième producteur d'Afrique subsaharienne186, le Cameroun voit sa production régulièrement augmenter depuis 2011187.

D'après les statistiques de la SNH, 65 puits d'exploration et d'appréciation ont été forés entre 2008 et 2013. En 2012, la production a culminé à 22,3 de barils pour atteindre la barre, en 2013, de 28,8 millions de barils fournissant 705 milliards de FCFA (1,41 milliards USD)188. Avec l'entrée en production des champs pétroliers de Mvia, situé en on shore, dans le bassin Douala-Kribi-Campo, et de Dissoni189, de même que la découverte de nouveaux gisements (en octobre 2012, Addax Petroleum découvre un gisement estimé à 20 millions de barils de brut et 5,7 milliards de m3 de gaz dans le bassin offshore de Rio Del Rey)190, le Cameroun, en 2014, projette une production d'un peu plus de 30 millions de barils pour des recettes devant atteindre, d'après le ministre des Finances, Alamine OUSMANE MEY, 718

182 Tchetchoua Tchokonté, « Enjeux et jeux pétroliers en Afrique... », pp.28-29.

183 Ibid.

184 Alain Fogue T. « Enjeux géostratégiques et conflits politiques... », p.259.

185 Selon ses propos : « Depuis 2007, le gouvernement camerounais a manifesté de l'intérêt pour l'exploration du pétrole, et du gaz, dans les blocs de Bakassi (752 km2), Bolongo (462 km2), Lungahe (84 km2) et Mokoko Ouest (18 km2). Sur la base de tests géologiques préliminaires, la SNH pense qu'il y a du pétrole dans l'Extrême Nord (le bassin du Logone Birmi, 27 000 km2), dans le Nord (Garoua, 7800 km2) et dans le Sud-ouest (le bassin de Mamfé, 1775 km2) » in La Météo, no 557 du 05 décembre 2013, p6.

186 Ibid., p5.

187 Ibid.

188 Ibid.

189 Ibid., p.6.

190 Jeune Afrique, no 2750 du 22 au 28 septembre 2013, p.59.

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milliards de FCFA191. Toutes ces potentialités amènent les États-Unis à s'intéresser, de plus en plus, au Cameroun.

Ces différents facteurs expliquent le regain d'intérêt actuel porté au Cameroun par les États-Unis. Le secteur pétrolier camerounais en pleine croissance, de même que celui de l'ensemble du Golfe de Guinée, acquière un poids stratégique pour les États-Unis dans leur volonté de rééquilibrage du marché pétrolier mondial.

Paragraphe 2 : les mobiles américains : rééquilibrage du marché

pétrolier mondial et quadrillage du Golfe de Guinée

La dépendance énergétique des États-Unis vis-à-vis du Moyen-Orient est une réalité, l'Arabie Saoudite fournie à elle seule 15% des importations américaines de brut. Un réexamen de leur politique énergétique s'imposait192. Ce réexamen les a conduits à la conclusion que l'Afrique subsaharienne doit leur servir d'allier de revers par rapport à l'Arabie Saoudite leur partenaire traditionnel, en qui ils n'ont plus totalement confiance. C'est ainsi que le pétrole africain est déclaré stratégique pour la sécurité nationale américaine par les experts américains193. La région du Golfe de Guinée étant la plus riche en hydrocarbures en Afrique subsaharienne, elle devient rapidement l'objet de convoitises de l'administration américaine, pour différents avantages :

- Situés en mer et donc offshore, les gisements du Golfe de Guinée sont

en principe à l'abri des turbulences politiques ;

- Grâce aux supers tankers, le pétrole du Golfe de Guinée se trouve à
seulement deux semaines environ des principaux ports américains ;

- A part le géant nigérian, les autres pays producteurs de brut du Golfe de
Guinée ne sont pas membres de l'OPEP et, par conséquent, il est plus facile d'agir sur le prix de leur pétrole. Les États-Unis découvrent ainsi un avantage perçu très tôt par la France qui agissait à travers la société Elf en 1967, par et pour l'État français194.

191 La Météo, no 557 du 05 décembre 2013, p6.

192 Alain Fogue T., « Le Mythe de la marginalisation stratégique de l'Afrique : Analyse de la dynamique américaine et chinoise autour du pétrole africain » in L'Afrique dans un monde en mutation : dynamiques internes ; marginalisation internationales ? 2010, pp.257-258.

193 Ibid, p.258.

194 Ibid.

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L'importante place du Golfe de Guinée dans le monde se remarque par l'intense déploiement politique et diplomatique des puissances consommatrices de pétrole dans la région. Ainsi, les États-Unis s'activent depuis 2000 sur le Continent à travers un intense déploiement politique et diplomatique : visite du sous-secrétaire d'État américain à Sao Tomé et Principe en 2003 ; mise sur pied à Washington d'un groupe de travail Administration-Congrès, grandes compagnies pétrolières à l'origine de la mise sur pied de la commission du Golfe de Guinée ; implication et pression accrue des États-Unis pour la résolution rapide des guerres civiles par les accords de paix au Soudan, au Tchad et au Congo Brazzaville ; diner de travail entre le chef de la Maison Blanche et les Chefs d'États africains pétroliers en marge de l'Assemblée générale des Nations Unies en septembre 2002 ; organisation d'un symposium à Washington au début 2002 sur l'importance du pétrole africain pour la sécurité nationale américaine visant à développer une stratégie pour protéger cette production (africaine) du terrorisme ; visite du secrétaire d'État américain au Gabon et en Angola en septembre 2002 ; voyage africain du chef de l'Exécutif américain en juillet 2003 au Nigeria et en Afrique du Sud notamment ; tournée du commandant adjoint de l'EUCOM au Ghana, au Nigeria, en Angola, en Afrique du Sud, au Gabon, à Sao Tomé et Principe en mars 2004, les entreprises militaires avec le soutien direct de Washington sous prétexte de lutter contre le terrorisme195.

Il s'agit visiblement, pour les américains, d'établir une structure politico-militaire rigide, répressive et oppressive qui leur permettrait d'avoir librement accès aux ressources stratégiques africaines196 et camerounaises. C'est pour cette raison que le Golfe de Guinée est une zone d'importance stratégique pour les États-Unis. C'est la publication d'un livre blanc d'African Oil Policy Initiative Group (AOPIG) intitulé African Oil, A priority for US National Security and African Development, qui met en garde les États-Unis sur le fait qu'importer du pétrole du Moyen-Orient revient indirectement à financer le terrorisme197.

Aussi invite-t-il l'administration américaine à faire du Golfe de Guinée une zone d'importance stratégique et à y trouver des pays amis prêts à fournir le pays en hydrocarbures. Les États-Unis s'appuieront en premier sur le Nigeria. Mais l'instabilité du delta du Niger, en rapport avec les islamismes radicaux, rendra incertain leur projet géostratégique dans le pays.

195 M. Kounou, 2006, « Pétrole et pauvreté au sud du Sahara... », p.23.

196 Ibid.

197 Alain Fogue T., « Le Mythe de la marginalisation stratégique de l'Afrique... », pp.257-258.

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En outre, la corruption et les détournements des revenus du pétrole, l'incurie des compagnies pétrolières internationales et l'incompétence de dirigeants politiques nigérians contribuent au paradoxe de l'abondance c'est-à-dire une paupérisation des populations malgré les richesses nationales.

Cette situation délétère pousse ces derniers à orchestrer des actions hostiles aux activités occidentales, variant entre le sabotage d'installations pétrolières, la prise d'otages avec demandes de rançons ou encore des attentats terroristes. Les États-Unis se retrouvent à chercher dans la région un pays qui leur sert d'allié de revers. Ce dernier est le Cameroun, pays possédant une certaine stabilité politique et économique.

C'est à partir des qualités du Golfe de Guinée que le Cameroun fait l'objet d'intérêt pour les États-Unis.

CONCLUSION DU CHAPITRE

Le Cameroun constitue un important enjeu pour les États-Unis dans le Golfe de Guinée en raison du déficit énergétique auquel ils font face mais aussi en raison de l'insécurité grandissante dans la région du Moyen-Orient qui ne leur permet plus de satisfaire leurs besoins. Du fait de la situation géographique et des atouts internes du Cameroun, les États-Unis trouvent nécessaire de renforcer leur présence dans cet État du Golfe de Guinée, région dont le secteur et la production pétrolière sont en pleine croissance. Il sera question dans la partie suivante d'exposer et d'analyser le projet géostratégique des États-Unis au Cameroun.

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CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

Rendu au terme de la première partie, il était question de montrer les raisons de la conquête du Cameroun par les États-Unis. Le premier chapitre nous a permis de constater que la dépendance énergétique, l'incapacité à couvrir des besoins énergétiques et l'instabilité croissante au Moyen-Orient sont à l'origine de l'intérêt qu'accordent les États-Unis au Cameroun. Aussi, les atouts de divers ordres que présente cet État du Golfe de Guinée, présentés dans le chapitre II, renforcent la détermination américaine à le mettre sous son influence géostratégique. La deuxième partie de notre travail consistera donc à illustrer effectivement la mise en oeuvre de différents procédés américains pour mettre le Cameroun sous quadrillage géostratégique.

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DEUXIEME PARTIE : LE

PROJET GEOSTRATEGIQUE

DES ETAS-UNIS AU CAMEROUN

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L'intérêt des États-Unis pour le Cameroun, d'après l'analyse de leur politique étrangère, est de plus en plus grandissant. En effet, leurs objectifs géopolitiques et géostratégiques dans ce pays, depuis la fin du communisme, ont pour seul but de s'accaparer des richesses dont il regorge tout en luttant par tous les moyens contre toutes reformes politiques susceptibles de profiter au concurrent fut-il allié198. Le Cameroun est victime d'un jeu entre grandes puissances indifférentes à son sort mais intéressées par ses richesses naturelles, minières et agricoles199. C'est ainsi que l'ancien président français, François MITTERRAND, lors de la réception de son hôte soviétique, le ministre soviet des Affaires Étrangères, Andrei Gromyko, le 9 septembre 1983 à Paris, soutiendra au sujet du Continent africain que la France ne risquera pas son existence pour obéir à des stratégies qui lui seraient étrangères200.

On peut définir le projet géostratégique, des États-Unis au Cameroun, comme le quadrillage de cet État en zone d'importance stratégique et à un déploiement de forces et de moyens pour le mettre sous contrôle politique, économique, diplomatique et stratégique201. Le déploiement des États-Unis au Cameroun se joue sur différents échiquiers aussi bien politique et économique, que diplomatique, militaire et culturel. Il est question, dans cette partie, de présenter ce projet géostatique américain (chapitre III). Toutefois, les États-Unis font face, sur le terrain, à la présence d'autres puissances n'ayant aucunement l'intention de faciliter leur installation dans ce pays, mais plutôt la détruire. Nous présenterons donc comment ces puissances, la France et la Chine à l'occurrence, s'organisent chacune pour contrecarrer le projet américain tout en préservant leurs intérêts (chapitre IV).

198 Alain Fogue T. « Enjeux géostratégiques et conflits politiques... », p.86.

199 Nous empruntons les propos de De Lestrange C. Zélinko P. et Paillard A. 2005, « Géopolitique du pétrole, un nouveau Marché, de nouveaux risques, de nouveaux Mondes », Paris, Technip, p.153.

200 Alain Fogue T. Op. Cit, p.277.

201 Séverin Tchokonté « Le projet géostratégique de la Chine en Afrique » in Géostratégie no 33, 4etrimestre 2011, p.121.

CHAPITRE III :

LE DEPLOIEMENT

AMERICAIN AU CAMEROUN

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La forte économie des États-Unis génère une demande en hydrocarbures que la production nationale n'est pas à même de satisfaire. Ainsi, les Américains font preuve d'un dynamisme impressionnant pour mettre en oeuvre une stratégie leur permettant, pour importer la différence nécessaire à leurs besoins, de profiter pleinement des ressources énergétiques dont regorge le Cameroun. Les États-Unis exploitent, par exemple, l'incapacité politique et technologique des dirigeants camerounais à contrôler et à exploiter les richesses que possède l'État. Les États-Unis, pour quadriller le Cameroun, se déploient à la fois dans le cadre bilatéral (section I) que multilatéral (section II).

SECTION I : L'EXPRESSION DE LA MANOEUVRE AMERICAINE DANS SES

RELATIONS BILATERALES AVEC LE CAMEROUN

Afin de mieux dérouler son projet géostratégique au Cameroun, les États-Unis font appel à la fois aux acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux. Ceux-ci utilisent différents moyens, structurant la politique étrangère américaine202, pour arriver à leurs fins dans cet État du Golfe de Guinée. Il s'agit des procédés politico-diplomatiques, socio-économiques et militaires. Ainsi, pour une meilleure compréhension et une lisibilité de notre travail, nous présenterons en premier les moyens politico-diplomatiques (paragraphe 1) et par la suite ceux socio-économiques et militaires (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : les moyens politico-diplomatiques utilisés par les

États-Unis

a- Le pilier politique : usage géopolitique de principes démocratiques et du droit international

Les États-Unis font usage de procédés tant officiels qu'officieux203 au Cameroun. Parmi ceux-ci, les programmes d'aide économique et sociale de même que des équipes d'observation de scrutins électoraux sont usités. L'invitation de délégations comme l'attribution de récompenses aux personnes ou organismes camerounais, s'étant distingué par

202 Nzeugang, « Les Etats-Unis en Afrique après le 11 septembre 2001... », p.46. Pour Susan B. Epstein, Nina M. SERAFINO et Francis T. MIKO-2007-la démocratie en termes d'essence de la politique étrangère des États-Unis, est la pierre angulaire, l'élément structurant de la politique étrangère et partant africaine des États-Unis.

203L. DIAMOND, « An American Foreign Policy for Democracy » in Policy Report, july 1991.

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des activités en faveur de la démocratie et du respect des droits et libertés fondamentaux204, participent aussi à une politique de charme déployée par les États-Unis205.

Cette manière d'agir provient de l'histoire vécue par les États-Unis qui durent batailler avec la puissance colonisatrice anglaise pour accéder à l'indépendance. Ils trouvèrent nécessaire et indispensable d'établir la démocratie dans laquelle les individus, plus précisément les citoyens, ont le pouvoir de décider par le moyen des élections compétitives et par la préservation des droits et libertés du citoyen. Pour les États-Unis, la démocratie libérale, encore appelée démocratie de marché, se particularise par une large participation-plus ou moins directe-des citoyens à la vie publique. Les libertés politiques comme celles de la presse, l'association de conscience et d'expression sont garanties par un système politique représentatif c'est-à-dire par une Constitution et un Congrès où siègent les représentants élus de la nation. Pour eux, les libertés économiques côtoient les libertés politiques, l'État protège l'initiative individuelle, la propriété privée et l'égalité des citoyens206.

Ce principe d'égalité ne s'oppose évidemment pas aux inégalités économiques où les plus riches côtoient les plus démunis. Ces principes sont utilisés par les Américains au Cameroun en vue de promouvoir un État démocratique. Ils se réfèrent aux propos du président de la République Paul BIYA dont l'ambition est de léguer à ses compatriotes, notamment aux jeunes générations, une Nation démocratique, forte, unie, pacifique et prospère. Les États-Unis offrent ainsi, pour la promotion de cet État démocratique, des aides en formes d'assistance, de prise en charge et d'observation de scrutins électoraux au Cameroun. Tel a été le cas des élections présidentielles de 2011 où l'ancien ambassadeur américain, Robert P. JACKSON, s'est félicité de l'aide américaine pour les programmes d'inscription sur les listes électorales207.

Du côté de l'attribution de récompenses, l'exemple de reconnaissance par les États-Unis à un individu pour son engagement, en ce qui est de lutte contre les atteintes à la démocratie, est Henriette EBONGO EKWE, journaliste, femme politique et militante pour les droits de l'Homme. Elle est la première africaine à avoir reçu l'IWCA208, prix du Courage Féminin décerné par le département d'État américain et reçue des mains d'Hilary CLINTON

204 Ibid.

205 Ibid., p.105.

206 A. TOCQUEVILLE, De la démocratie en Amérique, Paris, Gallimard, 1961.

207 Cameroon Tribune no 9732/5934- 37e année, du mardi 30 novembre 2010, p.5.

208 International Women of Courage Awards ou Prix Internationaux pour Femmes engagées.

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en présence de la première dame américaine, Michelle OBAMA209. Selon Robert JACKSON ancien ambassadeur des États-Unis au Cameroun, elle a été choisie en raison de son courage exceptionnel, son engagement et son leadership dans la promotion de la démocratie, de la transparence, des Droits de l'Homme et de l'État de droit au Cameroun. Elle a été, à la demande d'Hilary CLINTON, auteure du discours d'acceptation des lauréats210. L'attachement des États-Unis au Cameroun, pour la promotion d'un État fort, s'exprime aussi par des programmes d'aide en matière de santé. Selon Robert JACKSON, le gouvernement américain va continuer de soutenir le Ministère de la Santé et les différents centres médicaux camerounais spécialement dans la lutte contre le choléra et le VIH/Sida. Cette aide se situait au-dessus des 14 millions de dollars (environ 7 milliards de FCFA) en 2010. Aussi le gouvernement américain cherche-t-il d'autres moyens qui permettront de renforcer le partenariat entre le Cameroun et les États-Unis211.

Moins visible, la dimension propagandiste figure parmi des moyens usités par les États-Unis pour promouvoir la démocratie au Cameroun. La promotion de la démocratie apparaît dans les discours d'officiels américains que ce soit aux États-Unis ou lors de leurs tournées camerounaises. Ceux-ci condamnent les violations de droits de l'Homme, dénoncent les insuffisances observées en matière de démocratie ou encouragent le pays à s'engager sur ce chemin. Les États-Unis promeuvent l'égalité de genre, les droits de la femme, la liberté d'expression et de religion. C'est le cas de la lettre du président américain Barack OBAMA à son homologue Camerounais, son excellence Paul BIYA, à l'occasion de la fête nationale de la République du Cameroun du 20 mai 2012, dans laquelle le président OBAMA le félicitait pour les relations amicales et de coopérations pacifiques consolidées par les avancées considérables en termes de respect de principes de démocratie212.

Cette entente entre les deux États s'affirme à travers les condoléances du chef de l'État camerounais à son homologue américain, Barak Hussein OBAMA, après le double attentat survenu au cours du marathon de Boston, le mardi 16 avril 2013, provoquant des pertes en vie humaines (03 morts), de nombreux blessés (140 blessés) et des pertes matérielles213. Ces évènements lui ont permis de réaffirmer sa détermination à ne ménager aucun effort pour que le Cameroun demeure une terre d'hospitalité, de tolérance, de stabilité

209 Jeune Afrique Économique édition africaine no 384 d'août et septembre 2011, p.368.

210 Ibid.

211 Cameroon Tribune no 9732/5934- 37e année, du mardi 30 novembre 2010, p.5.

212 Hot News, Hebdomadaire Bilingue- 2e année no 065 du mardi 22 mai 2012, p.3.

213 Cameroon Tribune, no 10328/6529, p2.

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et de paix214, assurant les investisseurs américains de la sauvegarde et de la préservation des principes démocratiques contre des fléaux tels que le terrorisme ou les prises d'otages.

La promotion d'un État démocratique au Cameroun, par les États-Unis, ne souffre d'aucune contestation. Toutefois, si pour les Camerounais les relations de coopération avec les Américains se limitent à un élan humaniste, tel n'est point le cas chez les Américains. Pour eux en effet, la coopération est utilisée dans une géométrie variable. Elle sert les intérêts des deux parties et n'est pas une faveur qu'un pays concède à un autre215. Ainsi, la dialectique des intelligences216 qui prévaut dans les relations entre États nous commande une démarche ponctuée de réserve. La coopération des États-Unis avec le Cameroun n'a pour seul objectif que l'exécution de leurs entreprises géopolitiques. Elle leur permet, en effet, de mettre en oeuvre une stratégie de « shaping », consistant à façonner l'environnement camerounais afin de parvenir à leurs objectifs217, par la diffusion des normes, des valeurs et des standards américains218.

Les États-Unis ont prévu la participation des populations camerounaises pour la mise en oeuvre de cette stratégie. Le processus débute par une assimilation de l'opinion nationale, nommée allié silencieux, par des moyens médiatiques américains qui diffusent des programmes scrupuleusement choisis219. Ces programmes, définis comme diplomatie publique par des stratèges américains220, permettent aux États-Unis de présenter et d'expliquer leur culture aux populations camerounaises. Les rapports publiés annuellement, par le gouvernement américain et certains organismes privés, font aussi parties de cette stratégie. Ils exposent l'État camerounais aux critiques de l'opinion publique et de la communauté internationale sur des sujets comme le respect de la démocratie.

Ces rapports visent l'assimilation des populations camerounaises afin qu'elles se soulèvent et réclament des reformes profitables aux États-Unis221. Ces arguments sus cités peuvent être confirmés par les propos de l'ancien ambassadeur américain, Frances COOK, qui, en période de fortes tensions politiques entre 1991 et 1992, apporta son soutien à l'opposition radicale. Ses critiques sur la gestion de l'État et le respect des droits de l'Homme

214 Cameroon Tribune, no 10327/6528, p.5.

215 Henry Kissinger, « La nouvelle puissance américaine », Paris, Fayard 2003, p.63.

216 H. COUTAU-BEGARIE, Traité de stratégie, Paris. Economia, 1999, p.70.

217 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique après le 11 septembre 2001... », pp.129-130.

218 NGHERMANI, « Les Etats-Unis et l'Europe en Afrique subsaharienne, rivaux ou partenaires ? », 10 mars 2006.

219 Ibid.

220 Ibid.

221 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique après le 11 septembre 2001... », pp.129-130.

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par le régime politique camerounais en place à cette période ont, d'une certaine manière, poussées les populations du Nord-Ouest Cameroun, favorables à la culture américaine à s'opposer au régime. La répercussion des rapports d'ONG, qu'elles soient américaines ou ayant des financements américains, est aussi décelable. La condamnation, par certaines ONG, des carences démocratiques, des violations des droits et libertés fondamentaux de minorités sexuelles camerounaises constituent également un stratagème. Le rapport d'Amnesty International, publié le mercredi 23 janvier 2012, sur l'égalité des droits de l'Homme au Cameroun en est un exemple. Ce rapport dénonce les conditions d'incarcération, les procès politiques et surtout la pénalisation des rapports entre des personnes de même sexe222.

Malgré ces condamnations, les relations entre les régimes Camerounais et Américains sont toutefois cordiales. En effet, pour les États-Unis, la démocratie est considérée comme un véritable instrument de politique étrangère, au service de la paix et de la sécurité de même que de la conquête des marchés et du pétrole. Les régimes occidentaux ont une conception des droits de l'Homme à géométrie variable. Ils jugent la politique des autres États, dits non-démocratiques, à l'aune de leurs intérêts223. Ainsi, du moment où le régime politique en place au Cameroun sauvegarde les intérêts américains, il peut gouverner sans être inquiété.

Cette collaboration américano-camerounaise est aussi perceptible au niveau diplomatique.

b- Les moyens diplomatiques de l'offensive américaine au Cameroun

Pour mener une politique camerounaise susceptible de lui garantir un fort ancrage et un maximum de succès, les États-Unis font usage du soft et du hard power que des auteurs tels que Joseph NYE et ARMITTAGE224 qualifient de smart power225. Pour eux, à la différence de MACHIAVEL qui pensait qu'il est plus sûr d'être craint qu'aimé, les tenants américains du smart power pensent qu'il est plus sage et intelligent aujourd'hui d'être craint et aimé à la fois226. Dans son ambition de renforcer des liens de solidarité avec le Cameroun, les États-Unis d'Amérique pratiquent une diplomatie à géométrie variable. Elle est, en effet,

222 Cameroon Tribune, no 10267/6468, p.2.

223 Tchetchoua Tchokonté, « Enjeux et jeux pétroliers en Afrique... », pp.49.

224 Joseph NYE et R. ARMITTAGE, « How America can become a smarter power », in Smarter, more secure America, published by the Center for strategic and international studies, commission on smart power, Washington DC, 2007, pp.6-13.

225 Ibid.

226 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique après le 11 septembre 2001... », p.72.

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parfois sévère sur les avancées démocratiques ou parfois détendue, amicale et fructueuse en termes de coopération. Les relations diplomatiques entre les deux États sont caractérisées par des visites de responsables gouvernementaux, des relations amicales entre autorités politiques des deux pays de même que des représentations diplomatiques de choix. Le poids de la représentation diplomatique américaine au Cameroun tient à la nouvelle orientation donnée à la stratégie de sécurité nationale américaine par l'ancien Président George W. BUSH, en Septembre 2002.

Celle-ci consistait à quadriller les régions africaines riches en ressources stratégiques. A partir de cette orientation, les États-Unis ont inauguré en février 2006 leur nouvelle chancellerie au Cameroun. Des autorités politiques des deux pays, le président Paul Biya pour le Cameroun et le secrétaire d'État américain aux Affaires africaines, Jendayi E. FRAZER, ont assisté à l'inauguration de cette ambassade. La nouvelle chancellerie, l'une des plus grandes en Afrique subsaharienne, reflète le niveau d'excellence des relations américano-camerounaises, d'après le communiqué de presse du jeudi 16 février 2006. Elle est la preuve d'un engagement clair et ferme des Américains au Cameroun227. L'Ambassadeur en exercice à cette époque, Niels MARQUARDT, soulignait ainsi que les États-Unis ont l'intention d'être au Cameroun pour toujours228.

La nouvelle ambassade américaine est surtout l'expression d'une préservation, par les États-Unis, de leurs intérêts stratégiques vis-à-vis des menaces sécuritaires enregistrées au Cameroun et dans le Golfe de Guinée en général. Selon le général James Clapper, directeur du renseignement national américain : « Toute la zone sahélienne et même au-delà, jusqu'à la RD Congo en passant par la Centrafrique, forme un immense incubateur pour les groupes rebelles, extrémistes et terroristes en 2014229 ». Le général conseille ainsi Washington de mobiliser d'importants moyens financiers et matériels pour protéger leurs intérêts dans cette région de l'Afrique.

Le Cameroun, pays partageant des frontières communes avec le Tchad, le Nigeria et la Centrafrique où se concentrent certaines activités terroristes et des prises d'otages, n'échappe pas à cette stratégie. Par ailleurs, entre le mois de février 2004 et août 2006, on

227 Citation tirée du communiqué de presse publié le jeudi 16 février 2006 sur www.french.cameroon.usembassy.gov

228 Citation tirée du discours prononcé par l'ambassadeur des États-Unis lors de l'inauguration de la nouvelle chancellerie sur www.french.cameroon.usembassy.gov

229 Jeune Afrique, no 2769 du 2 au 8 février 2014, p.6.

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peut dénombrer près d'une dizaine de visites de hauts responsables américains au Cameroun. Il s'agit entre autres de sénateurs, de diplomates, d'officiers supérieurs de l'armée voire des conseillers à la sécurité de l'ancien Président George BUSH. On peut aussi mentionner celle du secrétaire d'État aux Affaires africaines, Jendayi E. FRAZER, en Février 2005, qui prit l'engagement de renforcer les relations entre les deux États au niveau militaire. De celle de monsieur Johnnie CARSON, sous-secrétaire d'État américain aux affaires africaines, émissaire spécial du président OBAMA auprès du président Paul BIYA230.

Ou encore celle de monsieur Carter F. HAM, général d'armée, commandant des forces américaines en Afrique reçu par le président Paul BIYA231, sans oublier celles de potentiels investisseurs et hommes d'affaires. Bien qu'elles montrent l'intérêt des États-Unis à accompagner le Cameroun dans ses projets de développement et de démocratisation, ces visites ont pour but de permettre un accès aux marchés camerounais et d'influencer l'appareil politique et administratif. L'existence de relations amicales, entre différents responsables politiques camerounais et américains, de même que le rôle indéniable qu'ont joué d'anciens ambassadeurs américains, vient renforcer cette idée.

Deux anciens ambassadeurs américains, Niels MARQUARDT et Janet GARVEY, qui se succédèrent à Yaoundé entre 2006 et 2010 (période couverte par les câbles WIKILEAKS), ont eu de rapports étroits avec de responsables politiques camerounais qui se confiaient à eux et leur faisaient part de leurs ambitions politiques. Il s'agit de l'ancien ministre de la Justice, vice-premier ministre, Amadou ALI, et de l'ancien ministre de l'Administration Territoriale et de la Décentralisation, aujourd'hui aux arrêts, Marafa HAMIDOU YAYA. D'après un câble du site WIKILEAKS, datant de début 2007, l'ancien ministre de la Justice aurait confié à l'ancien ambassadeur Niels MARQUARDT, selon une dépêche confidentielle rédigée par ce dernier au gouvernement américain, qu'il apparaissait en bonne place dans la liste des « successeurs possibles du président Biya232 ».

Avant de confier quelques années par la suite, à la veille des élections présidentielles de 2011, toujours selon un câble diplomatique de mars 2009, que le Nord soutient Paul Biya, mais ne soutiendra ni un autre Béti ni un Bamiléké233. Marafa HAMIDOU YAYA, quant à

230 Cameroon Tribune, no 9875/6076, p.2.

231 Ibid., no 10065/6266, p.2.

232 Jeune Afrique, no 2644 du 11 au 17 septembre 2011, p.29.

233 Ibid.

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lui, confiera à Janet GARVEY, d'après un câble diplomatique de 2007, qu'il a des ambitions présidentielles234. Il lui dira par la suite, selon un câble diplomatique publié par le site WIKILEAKS en février 2010, qu'il peut se retrouver en prison235. Ces relations particulières permettent aux américains d'avoir une mainmise sur l'appareil gouvernemental et de se donner la possibilité d'anticiper sur les décisions de responsables politiques camerounais. La lutte contre la corruption par l'engagement de l'ancien ambassadeur, R. Niels MARQUARDT, auprès du chef d'État camerounais a été remarqué.

À la sortie d'une audience que lui avait accordée le Président de la République le 24 février 2006, il déclarait : « J'ai dit au chef de l'État qu'il peut compter sur le soutien moral et matériel des États-Unis dans ce sens »236. Ce soutien sera poursuivi avec l'ancien ambassadeur Janet Elisabeth GARVEY ou encore de Robert P. JACKSON qui, rendu en fin de séjour au Cameroun, s'est félicité des relations cordiales entre les deux États, et a réaffirmé l'engagement de son pays d'accompagner le Cameroun dans son développement avant de soutenir que le Cameroun a fait une grande avancée démocratique237. Les visites des différents membres du gouvernement renforcent les relations entre ces deux États.

Ces visites trouvent leur point d'orgue avec des rencontres entre les chefs d'États des deux pays. La plus importante a eu lieu après les attentats du 11 septembre 2001 lors du passage du Cameroun à la présidence tournante du conseil de sécurité de l'ONU. Au cours de cette rencontre, il y a eu un tête-à-tête entre Georges BUSH et Paul BIYA. L'appui aux institutions démocratiques Camerounaises est un des axes de la diplomatie américaine.

La stratégie des États-Unis pour promouvoir la démocratie et les droits de l'homme est focalisée sur le renforcement des institutions nécessaires à la stabilité démocratique. Cela s'effectue par la transparence et la liberté dans les processus électoraux mais également à travers une presse plurielle et professionnelle238. Ces relations diplomatiques montrent l'engagement américain auprès des responsables politiques camerounais. Elles sont un reflet du projet géostratégique des États-Unis pour le Cameroun. Selon Henry KISSINGER, citant André KAPSI, d'un côté, Bill CLINTON, ancien président américain, était très préoccupé par les droits de l'Homme. De l'autre, il voulait des succès politiques. Aussi, quand les deux

234 Ibid., no 2670 du 11 au 17 mars 2012.

235 Ibid.

236 N. AMAYENA, « Lutte contre la corruption : soutien total des Etats-Unis », Cameroon Tribune, 17 février 2006.

237 Cameroon Tribune, no 10440/6641 du lundi 07 octobre 2013, p.4.

238 Voir sur le site internet www.french.cameroon.usembassy.gov

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objectifs étaient en conflit, il choisissait la politique239. Lorsqu'on se réfère à ces propos, il apparait que la diplomatie américaine au Cameroun n'a pour objectif que la projection de puissance et l'accroissement de l'influence américaine. Pour ce faire, renforcer les liens qui existent entre les deux pays, au détriment de l'ancienne puissance tutrice, est une nécessité. En effet, au sortir de la colonisation, à la fin des années 1950, la France a obtenu du jeune État camerounais des accords de coopération stratégiques qui lui assurent une influence sur ses ex-colonies240. La division idéologique du monde a favorisé cette stratégie française puisque les Super grands ne traitaient généralement avec leurs partenaires africains que par alliés interposés241.

Mais depuis la fin de la guerre froide, au début des années 1990, on assiste à un redéploiement spectaculaire des grandes puissances en Afrique. Cette période marque le repositionnement de la France inquiète du déploiement des autres puissances dont les États-Unis242. A en croire Clara PULIDO ESCANDELL, la France serait en perte d'influence, déclassée au profit des États-Unis dans son pré-carré243 d'Afrique Centrale. Elle serait réduite à une phase essentiellement défensive244 et, d'après un ambassadeur américain, n'est plus capable de s'imposer en Afrique. D'ailleurs, en 2002, les États-Unis ont déclaré le Golfe de Guinée zone d'intérêt vital pour leur sécurité nationale245. L'on ressent une préoccupation française face à la présence américaine au Cameroun qui menace ses intérêts246.

Yves Alexandre CHOUALA247, quant à lui, soutient que la coopération avec le Cameroun permettrait aux États-Unis d'utiliser ce pays comme contre balancier de l'influence Française dans la sous-région. C'est dire la valeur du Cameroun dans le jeu d'influence des États-Unis dans la sous-région. Cette manière de procéder des États-Unis se ressent aussi dans les cadres socio-économiques et militaires.

239 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique après le 11 septembre 2001... », p.149.

240 A. FOGUE T. : « Histoire diplomatique, extraversion étatique et conflits politiques en Afrique noire. Approche stratégique des conflits politiques africains et analyse des enjeux autour de la sécurité en Afrique noire », Thèse de Doctorat, 2002.

241 M. S. AICARDI, La politique Africaine des Etats-Unis, 3e Edition, Paris, Nouveaux horizons, 1989, p.139. ; J. V. NTUDA E., « La politique étrangère des Etats Africains : rupture et continuité d'une diplomatie contestée », in Revue juridique et politique, no 2, 2003, pp.131-154.

242 Voir ESCANDELL, 1997.

243 Un pré-carré est une zone d'influence politico-économique et culturelle, composée d'un ou de plusieurs pays, et généralement acquise à une puissance étrangère.

244 ESCANDELL, Op. Cit.

245 De LESTRANGE, ZELINKO et PAILLARD, Géopolitique du pétrole, un nouveau Marché, de nouveaux risques, de nouveaux Mondes, Paris, Techniq, 2005, p.159.

246 J. F. THOMSON, « L'Afrique occupe une place de premier plan dans la nouvelle stratégie de sécurité nationale » in Foreign Policy, Vol. 7, no 4, 2002, p.30.

247 Y. A. CHOUALA, « La crise diplomatique de Mars 2004 entre le Cameroun et la Guinée Equatoriale : fondements, enjeux et perspectives », in Polis, 2005.

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Paragraphe 2 : les moyens socio-économiques et militaires utilisés

par les américains dans l'espace camerounais

Nous présenterons en premier les procédés socio-économiques (a) pour énoncer par la suite les moyens militaires (b).

a- Les moyens socio-économiques

a- 1- Les moyens culturels usités par les États-Unis au

Cameroun

Entendue comme un ensemble de manière de voir, de penser et de sentir propre à un groupe248, la culture constitue un élément déterminant de la stratégie de puissance des États-Unis au Cameroun au travers d'institutions de langue anglaise et d'expéditions de voyages culturelles.

a- 1- 1-Les institutions de langue anglaise

La mobilisation de la culture en tant qu'élément de politique étrangère et de puissance, est l'une des caractéristiques des États stratégiquement matures249. A la fois matérielle et immatérielle, la puissance culturelle250 est un ensemble de moyens matériels et symboliques permettant à un État de réaliser ses ambitions géopolitiques. C'est l'idée de la culture comme véhicule de la puissance. Elle devient un moyen d'influence exercé sur l'autre de telle sorte que la relation ne soit pas ressentie comme contraignante (hard power) mais comme désirable et désirée par l'autre (soft power)251. Les États-Unis d'Amérique déploient au Cameroun des instruments d'influence pour créer des passerelles culturelles nécessaires pour initier, renforcer et pérenniser leur présence au Cameroun.

Les États-Unis ont choisi dans leur stratégie de faire de la langue anglaise un véritable outil de politique étrangère. Il est important de rappeler que l'anglais, après la

248 L. Sindjoun, « A la recherche de la puissance culturelle dans les relations internationales : essai de caractérisation du concept et d'appréhension du phénomène », in Revue camerounaise de politique internationale, no 001, 1er semestre 2007, p.2.

249 Séverin Tchokonté « Le projet géostratégique de la Chine en Afrique » in Géostratégie no 33,4e trimestre 2011, p.132.

250 L. Sindjoun, Op. Cit., p.8.

251 Séverin Tchokonté, Op. Cit.

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victoire des alliés, est une langue internationale et diplomatique. C'est la langue la plus utilisée sur le web et elle est une des langues officielles du Cameroun. Cette langue est un sésame pour les américains car, elle permet de renforcer leur domination culturelle grâce à l'adaptation des consciences camerounaises aux normes américaines. L'enseignement de l'anglais dans les écoles, les universités et certaines institutions assimile les populations camerounaises aux standards américains.

La langue anglaise et la civilisation anglo-saxonne américaine a pour effet l'exportation de la culture américaine au Cameroun. Elles contribuent à l'édification d'une façon de voir, de concevoir, de penser et d'agir des camerounais profitable aux américains. Cette manière d'importer la culture américaine fait la fierté des États-Unis dans un environnement historiquement considéré comme zone d'influence des ex-puissances coloniales.

L'implantation des États-Unis se renforce par la présence sur le sol camerounais d'institutions d'enseignement de langue anglaise à l'exemple du Centre Linguistique Américain dans le quartier résidentiel de Bastos. Selon certaines statistiques, les tests de compétence d'expression en langue anglaise se concluant par l'obtention d'un TOEFL, ont augmenté de 40 à 50% ces dix dernières années252. En plus de l'enseignement des langues et des manifestations culturelles, ces institutions forment également des consultants pour des entreprises et les organisations locales désireuses de faire des affaires aux États-Unis. L'enseignement de cette langue constitue ainsi une part importante du dispositif mis en place par les États-Unis pour conquérir le Cameroun. En outre, l'octroi de bourses d'études aux étudiants camerounais et les rencontres à caractère culturels vise à consolider les liens et permettre une adhésion volontaire des populations camerounaises aux politiques américaines. Les États-Unis utilisent aussi, pour s'introduire au Cameroun, des manifestations et des expéditions culturelles.

a- 1 -2- Les manifestations et expéditions culturelles américaines comme moyen pour conquérir le Cameroun

252 Voir Michael BARR, 2010, p.511.

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Les États-Unis participent, et organisent, sur le sol camerounais, à plusieurs manifestations culturelles. Nous avons, comme exemples, la soirée organisée à l'occasion de la journée internationale du Jazz, style musical américain, le 05 mai 2013, où multiples artistes, à la fois camerounais résidant aux États-Unis et artistes américains, ont presté devant des milliers d'invités parmi lesquels des personnalités diplomatiques et administratives, à l'exemple du vice-premier ministre chargé des Relations avec les Assemblées Amadou ALI, Ama TUTU MUNA, ministre des Arts et de la Culture et l'ambassadeur des États-Unis au Cameroun, Robert E. JACKSON253. L'association ARK JAMMERS qui a établi l'ANCESTRY RECONNECTION PROGRAM, permettant aux Africains-Américains de connaitre leurs origines africaines, est à suggérer dans le projet américain par la variable culturelle. Mise au point en 2003 par le biologiste africain-américain Rick KITTLES, la méthode, par un prélèvement buccal analysé en laboratoire, permet d'établir la carte d'identité génétique du demandeur. Celle-ci est ensuite comparée à une banque de données constituée grâce aux ossements d'un demi-millier d'esclaves africains morts aux États-Unis et issus de différentes ethnies du Continent.

Des correspondances sont ensuite recherchées avec une marge d'erreur. Grâce aux progrès scientifiques, ces hommes et femmes dont les aïeux sont arrivés en Amérique il y a plusieurs siècles, au fond des cales des négriers, retrouvent ainsi le berceau de leurs ancêtres254. Pour la première expédition camerounaise, quelques 54 Africains-Américains ont foulé, dès 2010, le sol du Cameroun et ont parcouru quelques localités et sites touristiques du pays. Ils sont arrivés au Cameroun et ont été reçus le vendredi 31 Décembre 2010 par le Premier ministre chef du gouvernement, Philémon YANG. Selon Gina PAGE, présidente et cofondatrice d'AFRICAN ANCESTRY, 6000 à 8000 Africains-Américains ont découvert leurs racines camerounaises : BAMILEKE, BASSA, EWONDO, FOULANI, KOTOKO, MASSA, TIKAR etc.

Ces frères et cousins d'Amérique souhaitent s'impliquer dans le développement du pays de leurs ancêtres255. D'illustres personnalités du monde du cinéma, de la musique et d'autres domaines, désireuses de connaître l'origine de leurs ancêtres africains, ont eu à se soumettre à ces examens D'ADN : le musicien et arrangeur Quincy JONES qui appartiendrait

253 Cameroon Tribune no 10336/6537- 39e année, du lundi 06 mai 2013, p.15.

254 Article du mercredi 20 juin 2012 de la Rédaction de Cameroon-Info. Net sur www.Google.com

255 Article à retrouver sur la page Cameroun24.net sur www.Google.com

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à la lignée des TIKAR, comme Condoleezza RICE, première femme noire ayant accédé au poste de secrétaire d'État américain, sous le président Georges W. Bush. Les acteurs et réalisateurs Spike LEE et Forest WHITAKER auraient eux aussi, d'après leurs propres recherches, des origines camerounaises.

L'ANCESTRY RECONNECTION PROGRAM permet aux États-Unis d'amener les populations camerounaises à préférer, à partir d'une douloureuse expérience esclavagiste vécue par elles, de même que celles afro-américaines, la présence américaine. Par ce lien, les États-Unis possèdent une certaine avance sur les autres puissances. L'influence des chaines d'informations américaines, privées ou publiques, telles CNN, ENEWS, Music Télévision MTV, Trace Tv, sur les habitudes vestimentaires et sociétales adoptées par les populations camerounaises est indéniable. Leur transmission sur l'ensemble du territoire camerounais a permis de constater qu'à partir d'elles aujourd'hui, les aspirations des jeunes se portent sur la formation et l'emploi mais également sur la sexualité et sur les nouvelles valeurs, de nouveaux codes moraux256.

Ainsi selon l'info dominance, qui est un processus d'exercice et de diffusion des catégories de pensées spécifiquement américaines qui procède de la capacité de contrôle du sens, des valeurs, des normes et de l'esthétique de nature à assurer la consolidation, la reproduction et l'extension du pouvoir hégémonique américain257, théorisée par Saïda Bédar258, ces jeunes camerounais aspirent souvent à des modèles occidentaux véhiculés par des images suscitant des frustrations quant à leur succès259, revendiquant par la suite des modifications dans les contextes sociaux et politiques, profitable aux États-Unis, en vue de la réalisation de leur projet géostratégique.

a- 2- Les moyens économiques utilisés par les États-Unis dans l'espace camerounais

256 Philippe Hugon, Géopolitique de l'Afrique, Éditions Sedes, 2007, p.165.

257 Michel TJADE EONE, « Journalisme Embedded et info dominance américaine » in Une lecture africaine de la guerre en Irak, sous la direction de Jean-Emmanuel Pondi, Maisonneuve et Larose/ Afredit, Paris, décembre 2003, p.131.

258 Nous sommes redevables à Saïda Bédar dans son analyse du paradigme stratégique américain de dominance informationnelle et son rapport avec la globalisation, conçue comme une projection de puissance. Cf. « Info dominance et globalisation », in Les cahiers du numérique, vol. 3, no 1-2002, « Guerre et stratégie », pp. 43-60.

259 Ibid.

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Les relations économiques entre le Cameroun et les États-Unis trouvent leurs sources dans l'AFRICAN GROWTH AND OPPORTUNITY ACT (AGOA)260, loi ayant pour objectif d'accroitre le volume et la diversité d'échanges commerciaux entre les deux partenaires261. Entre aussi dans ces relations les importations hors taxes grâce au Système généralisé de préférence des États-Unis (GSP) avec le Cameroun.

Tableau 6 : Les importations américaines au Cameroun dans le cadre de l'AGOA et du GSP, entre 2007 et 2009.

Country Total

2007

Total Total

2008 2008

YTD

Total

2009
YTD

AGOA
including

GSP
provisions

2007

AGOA
including

GSP
provisions

2008

AGOA

including GSP

provisions

2008
YTD

AGOA

including GSP

provisions

2009
YTD

CMR

306,742

626,414

158,764

133,435

172,903

447,267

57,408

90,078

Note: Ce tableau a été conçu par nous à partir de sources tirées du document : « Compiled by the U.S. International Trade Commission from official statistics of the U.S. Department of Commerce ».

Les importations américaines au Cameroun sont sans cesse évolutives. Elles s'apprécient à travers l'AGOA et la GSP. Les États-Unis, pays par excellence du libéralisme économique, sont présents au Cameroun à travers des entreprises industrielles et leurs aides financières. Dans le domaine agro-industriel, la percée des entreprises américaines est remarquée. Nous avons HERAKLES CAPITAL CORPORATION qui déploie ses activités dans l'énergie, les mines et les ressources naturelles, l'agriculture, les infrastructures et les télécommunications.

Aussi, HERAKLES FARMS et la SG SUSTAINABLE OILS CAMEROON PLC exploitent une vaste exploitation commerciale de palmier à huile depuis septembre 2009262 dans la région du Sud-ouest Cameroun. Les États-Unis participent, à travers leurs industries pharmaceutiques, à la lutte contre différentes maladies au Cameroun. Le gouvernement américain a fait des dons de médicaments, en ce qui est du choléra et du VIH/SIDA, d'un

260 Elle est une loi adoptée par le congrès américain et signée par le président Bill CLINTON le 18 mai 2000 pour une durée de 15 ans. Elle a été renforcée par le président Georges BUSH par l'AGOA ACCELERATION ACT encore appelé AGOA III (CHERU, 2006 : 219-220), ayant pour objet essentiellement d'exonérer des droits de douane les produits d'Afrique subsaharienne qui arrivent sur le marché américain.

261 D'après une déclaration de la représentante adjointe des États-Unis pour le commerce extérieure, Mme Florizelle Liser, devant une commission parlementaire, publié sur www.america.gov, le 30 juin 2009.

262 Cameroon Tribune no 10093/6294- 38e année, du lundi 14 mai 2012, p.2.

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montant de 14 millions de dollars. De même annonce-t-il le retour de l'Agence américaine pour le développement international (USAID), suspendue depuis 1992263.

Concernant l'industrie militaire, l'on peut évoquer la signature de deux accords entre les États-Unis et le Cameroun pour financer l'acquisition de matériel de génie civil. Ce matériel est destiné au Génie militaire camerounais et à l'accroissement de ses capacités pour une somme de 45 millions de dollars, soit quelques 25 milliards de FCFA162. Au niveau des industries pétrolières, les échanges entre le Cameroun et les États-Unis s'accélèrent à partir de 2011. Ces échanges pétroliers trouvent leur point d'orgue avec l'inauguration du pipeline Tchad-Cameroun, gigantesque investissement ayant coûté environ 3,5 milliards de dollars, soit un peu plus de 2500 milliards de francs CFA264. Celui-ci permet d'acheminer le pétrole exploité dans 300 puits situés à Doba (Sud du Tchad), jusqu'au terminal de Kribi situé au sud du Cameroun.

Ce dernier fut inauguré par le président de la République camerounaise, son excellence Paul Biya, en présence de son homologue de la République tchadienne, Idriss DEBI ITNO, le 12 juin 2004. Le pipeline permet au Tchad, État n'ayant pas d'ouverture maritime, de profiter de l'avantage camerounais. Le Tchad sera suivi par le Niger ne possédant pas d'ouverture maritime. En effet, le mercredi 30 octobre 2013, un accord bilatéral fixant les conditions de transits en terre camerounaise des hydrocarbures produits au Niger, et leur évacuation jusqu'à la côte atlantique camerounaise à travers le pipeline Tchad-Cameroun, a été signé entre le Cameroun et le Niger265.

Le pipeline qui traverse le Cameroun sur une longueur de 890 km est assurément l'un des plus coûteux d'Afrique subsaharienne266. Il est exploité par plusieurs sociétés dont la société Malaisienne PETRONAS. Mais le gros du pourcentage revient aux géants américains Exxon-Mobil Corporation (40 %) et Chevron Corporation (25 %). L'examen des relations commerciales entre ces deux États montrent, en Afrique Centrale, l'importance du Cameroun dans le projet géostratégique des États-Unis.

263 Ibid, no 10084/6285, p.2. 162 Ibid, no 10137/6338, p.9.

264 N. TSAfACK, « The Chad-Cameroon Pipeline and employment, what lessons ? », Yaoundé presse universitaire d'Afrique, 2003, p.17.

265 Cameroon Tribune, no 10456/6657 du jeudi 31octobre 2013, p.8.

266 N. TSAfACK, Op. Cit.

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Elles permettent en effet aux Américains de sécuriser et de conquérir les marchés camerounais et ceux du Golfe de Guinée, courtisés par d'autres puissances étrangères. Ces échanges commerciaux aident aussi les États-Unis à détourner l'attention des camerounais, de même que celle d'autres puissances, sur les objectifs économiques et stratégiques qu'ils poursuivent en toile de fond267 dans le pays. Mais, le fait de tenir compte que de leurs intérêts, tout en manifestant une indifférence aux souffrances des africains, porte un sérieux coût à l'image des États-Unis268. Les Américains mettent ainsi en oeuvre d'une politique destinée à soigner leur image269 par la collaboration économique exprimée à divers aspects comme présentés plus haut dans le contexte des relations avec le Cameroun.

Les États-Unis utilisent ainsi différents procèdes, au niveau socio-économique, pour introduire le Cameroun dans leur giron stratégique. Cette manière d'agir se retrouve aussi dans le cadre militaire.

b- Les moyens militaires

Être une grande puissance implique un rôle subtil, changeant, ambigu et parfois cynique270. Les États-Unis mobilisent d'importants moyens militaires au Cameroun comme instruments au service de la réalisation d'ambitions géopolitiques271. Ils constituent des outils de projection et d'installation concourant à la transformation de l'espace camerounais au mieux de leurs intérêts. Nous ferons part des moyens déployés dans la formation militaire en vue de lutter contre la piraterie et l'insécurité transfrontalière (b-1), et par la suite contre le terrorisme (b-2).

b- 1- L'appui à la lutte contre la piraterie et l'insécurité transfrontalière

Les variables qui figuraient dans l'agenda des États-Unis avant le 11 septembre en 2001, à savoir la démocratie et le pétrole, ont été modifiés. En effet, après les attentats du 11

267 N. CHOMSKY, Dominer le monde ou sauver la planète : l'Amérique en quête d'hégémonie mondiale, Paris, Fayard, 2003.

268 Pascal Boniface, « Les leçons du 11 septembre 2001 » in Pascal Boniface, les leçons du 11 septembre, Paris, PUF, 2001, p.10.

269 J-E. PONDI (dir.), « L'Irak : « pas décisif » vers l'empire ? » in Une lecture africaine de la guerre en Irak, Maisonneuve et Larose/ Afredit, Paris, décembre 2003, pp.17-22.

270 Huntington S. (1997-2000) Le choc des civilisations, Paris, Odile Jacob, Avril, p.345.

271 Ibid.

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septembre en 2001, qui étaient principalement du ressort des forces asymétriques, l'islamisme prendra une place importante dans la diplomatie américaine.

La force militaire, pour eux, demeure le fondement de l'ordre international. Elle n'est ni partout ni en toutes circonstances décisives272, mais nécessaire pour la lutte contre le terrorisme. Incapable de compter uniquement sur ses forces nationales, et n'étant pas assez formées et équipées contre les menaces provenant de forces asymétriques, le Cameroun trouve un soutien auprès des États-Unis d'Amérique. Les officiels américains pour ce faire insistent sur l'importance qu'ils attachent au consentement des dirigeants camerounais quant à leur présence militaire et sur la nature coopérative de leurs structures. L'engagement militaire des États-Unis sur les côtes camerounaises part donc d'une coopération entre les deux États.

Les États-Unis n'ont pas cessé depuis le 11 septembre 2001 de renforcer leur présence militaire au Cameroun par l'United States African Command (US-AFRICOM) qui coordonne, depuis son entrée en vigueur le 1er octobre 2008, l'ensemble des activités militaires et civiles des États-Unis en Afrique. La coopération militaire entre le Cameroun et les États-Unis a commencé par une formation de forces militaires camerounaises pour plus d'efficience. Cette coopération s'applique sur le sol américain dans les domaines terrestre, aérien ou maritime, ou dans la lutte contre le terrorisme, les trafics de tout genre, la piraterie, les prises d'otages et le sabotage des plates-formes pétrolières. Il est nécessaire pour les États-Unis, comme l'a souligné le Général James (2006), d'aider le Cameroun à assurer sa sécurité. Le Cameroun a ainsi honoré l'invitation du Président BUSH, en 2002, en prenant part à la conférence de Naples qui s'est tenue en Italie au mois d'Octobre 2004273.

Cette coopération se manifeste au niveau national par la visite d'officiers de l'armée américaine dans le cadre de la protection des ports, aéroports, côtes274 et la mise en place de programmes d'interventions académiques et militaires en ce qui est des questions de défense. L'on peut mentionner l'exercice militaire multinational Central Accord 13, exercice conjoint annuel mené par le commandement militaire des États-Unis pour l'Afrique (AFRICOM) dans la continuité des exercices Atlas et Med Accord qui se déroulent depuis 1996275. L'exercice a été marqué par un déploiement de trois avions C130, deux hélicoptères (Puma, Bell), un

272 Ibid.

273 Come Damien George Awoumou, « Le Golfe de Guinée face aux convoitises », in Enjeux n° 22, janvier-mars 2005, pp.15-20.

274 Nzeugang, « Une lecture de la coopération américano-camerounaise depuis 2001... », p.35.

275 Cameroon Tribune no 10287/6488- 38e année, du vendredi 22 février 2013, p.6.

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Antonov, des groupes électrogènes, du matériel de transmission, et une équipe médicale américaine et près de 800 militaires.

L'exercice militaire international « OBANGAME EXPRESS » dont l'édition 2013 visait à élaborer une stratégie commune contre la piraterie maritime, le kidnapping, les trafics d'armes, de drogue et stupéfiants, de détournement de pétrole brut et tous les autres fléaux, organisé sous l'égide de l'USAFRICOM, est une autre illustration de cette coopération américaine au Cameroun276. La collaboration d'experts militaires américains pour la formation d'officiers dans les écoles spécialisées, comme le Cours Supérieur Interarmées de Défense (CSID) formant l'élite des armées régionales rebaptisée École Supérieure Internationale de Guerre de Yaoundé (ESIGY)277, est aussi un exemple de la coopération américano-camerounaise.

La signature de deux accords entre Yaoundé en Washington, portant sur l'équipement et l'acquisition par les forces armées et la gendarmerie camerounaise de matériels de génie civil militaire (36 engins de travaux publics pour le 21e régiment du génie militaire de Douala), est aussi un autre axe de cette coopération278. Étant donné que les États-Unis n'ont pas le droit d'accéder aux eaux territoriales camerounaises, la coopération via la marine nationale permet aux États-Unis de sécuriser l'espace maritime camerounais, et, pour les États-Unis, de bénéficier de l'appui des forces camerounaises dans le Golfe de Guinée. Le Cameroun a pris une part active à la mise en oeuvre en 2004 d'une brigade régionale en attente de l'Afrique Centrale279. Cette initiative vise à maintenir la paix et à prévenir les conflits dans la région.

C'est ce qui ressort des propos du sénateur James INHOFE qui, en visite au Cameroun au mois d'octobre 2005, se confiait à la presse. Le sénateur de l'État américain d'Oklahoma précisait que sa visite rentre dans le cadre d'une mission du comité des services de la marine, services que les États-Unis veulent développer en Afrique en comptant sur le leadership du Cameroun280. Les relations militaires entre le Cameroun et les États-Unis d'Amérique sont ainsi fructueuses. Mais le Cameroun est fortement désavantagé. D'après l'ancien président américain en effet, William Bill CLINTON, il n'existe pas de mission

276 Ibid, n° 10288/6489, p.5.

277 Cameroon Tribune, n° 10329/6530, p.4.

278 Ibid., no 10339/6540, p.28.

279 F. NJAKO, « La coopération militaire : l'ère de la réforme », in Honneur et fidélité, no spécial, 2006, p.32.

280 N. AMAYENA, « Un sénateur américain chez le président Paul Biya » in www.rdpcnrw.org, 10 octobre 2005.

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purement humanitaire dans le déploiement d'une puissance à l'étranger281. Ainsi, la présence américaine au Cameroun a comme principale raison la lutte contre le terrorisme et ses corollaires. Le terrorisme est devenu un problème mondial282. La menace terroriste plane sur tous les continents et sur tous les États du monde283. L'Afrique n'en est pas épargnée. Bien plus, elle connaît un lot quotidien de problèmes qui peuvent faciliter l'implantation des terroristes. Au nombre de ces maux, on peut citer les maladies chroniques, la pauvreté galopante, le fondamentalisme religieux, le dysfonctionnement des États, la corruption, le trafic d'enfants, de femmes, d'organes, de drogue, le blanchiment d'argent, faiblesse du contrôle policier et frontalier, circulation mafieuse des capitaux284. Cette menace est d'autant plus sérieuse que certains pensent que les raisons qui auraient justifié l'installation du terrorisme en Asie sont réunies en Afrique.

b - 2 - Les moyens utilisés pour lutter contre le terrorisme

Al-Qaïda semble avoir déjà implanté une de ses antennes en Afrique. Se revendiquant d'Al-Qaïda du Maghreb, le réseau algérien dit Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC) sème depuis quelques années la terreur dans certains pays de la région, notamment au Maroc et en Algérie. L'on peut parler du terrorisme au Nigeria avec la secte Boko Haram, ayant ses répercussions au Cameroun.

D'où le projet de création d'un centre autonome de commandement africain des forces américaines stationnées sur le Continent (US-AFRICOM). La lutte contre le terrorisme au Cameroun s'organise à partir de l'imbrication entre terrorisme, la bonne gouvernance et la pauvreté. La bonne gouvernance suppose la démocratie, le respect des droits et libertés de l'Homme et une gestion saine et transparente des ressources publiques. Alan LARSON mentionne dans la REDEEU285 que les terroristes financent leurs opérations par le biais d'activités criminelles courantes, comme la fraude, l'extorsion, les enlèvements et la corruption286.

281 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique après le 11 septembre 2001... », p.220.

282 Voir REDEEU, 2002.

283 Voir CEREMS, Géopolitique de l'énergie, risques et enjeux pour la défense, juillet 2006.

284 S. MAIR, « Terrorism and Africa, on the danger of further attacks sub-saharan Africa », in African Security Review, Vol. 12, no 1, 2003 ; R. ESPOSTI, « Du terrorisme international en Afrique, de ses manifestations et de ses conséquences », in Défense nationale, Paris, avril 2004, p.139.

285 Voir REDEEU, Décembre 2002, pp.19-23.

286 Nzeugang, « Une lecture de la coopération américano-camerounaise depuis 2001... », pp.37-38.

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Ainsi compris, la lutte contre la corruption et le détournement des deniers publics tout comme la promotion de la démocratie viserait d'abord à lutter contre le terrorisme et donc à protéger les intérêts américains. Cet idéal n'est pas totalement nouveau ; car quelques années auparavant il avait déjà été soutenu par l'ancien président Bill CLINTON en ces termes: « La défense de la liberté et la promotion de la démocratie dans le monde entier ne sont pas seulement le reflet de nos valeurs les plus profondes, elles sont aussi d'une importance vitale pour nos intérêts nationaux287 ». L'ancien président George BUSH, dans ses propos tenus septembre 2002 dans un rapport gouvernemental, corroborera les affirmations de son prédécesseur en estimant que la pauvreté ne transforme pas les pauvres en terroristes et en meurtriers. Cependant, la pauvreté, la faiblesse des institutions et la corruption peuvent rendre les États faibles vulnérables à l'égard des réseaux terroristes et des Cartels de la drogue se trouvant sur leur territoire288. Blaise Pascal TALLA quant à lui, soutient dans Jeune Afrique Économie289 que c'est la pauvreté qui fait le lit de la désespérance et de la colère fournit des recrues potentielles aux organisations terroristes290. Or, les États-Unis ont fait de la lutte contre le terrorisme leur cheval de bataille. L'on comprend ainsi pourquoi ils s'engagent à lutter contre la pauvreté au Cameroun. C'est dans cette logique qu'en 2002, l'AOPIG propose après étude que les États-Unis oeuvrent en faveur de l'annulation de la dette des pays les plus pauvres291.

Ces arguments témoignent à suffisance de l'intérêt qu'ont les États-Unis à lutter contre la pauvreté au Cameroun. La lutte contre le Sida participe aussi de la stratégie américaine de lutte contre le terrorisme. Dans un article qu'il a consacré à la place de la coopération internationale dans la stratégie de sécurité nationale292 soutient que les États-Unis ont augmenté leur aide dans le cadre de la lutte contre le Sida pour éviter l'impact que ce fléau risque d'avoir sur les pays et leurs populations. Une analyse similaire est faite par le général James JONES293 dans le rapport qu'il présentait devant le comité des services armés du sénat le 07 mars 2006.

287 M. D. Ebolo, 1998, « L'implication des puissances occidentales dans le processus de démocratisation en Afrique : analyse des actions américaines et françaises au Cameroun, 1989-1997 », in Polis, Vol.6, no 2, pp.19-55.

288 Nzeugang, « Une lecture de la coopération américano-camerounaise depuis 2001... », pp.37-38.

289 Jeune Afrique Économie, Novembre 2004, p.108.

290 Nzeugang, Op. Cit., p.38.

291 J. C. Servant, « Offensive sur l'or noir africain : une priorité géostratégique », in Le Monde Diplomatique, Janvier 2003.

292 Richard ARMITAGE, « La place de la coopération internationale dans la stratégie de sécurité nationale », in REDEEU, Vol. 7, no 4, 2002, p.10.

293 L. J. James, « Déclaration du général James L. Jones, Commandant des forces des Etats-Unis en Europe devant le comité des services armés du Senat », 7 mars 2006.

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Le Sida serait donc d'après cette lecture une cause éventuelle du terrorisme. Blaise Pascal TALLA, dans Jeune Afrique Économie294 leur emboîte le pas lorsqu'il relève le lien qu'il peut avoir entre le Sida et le terrorisme. En fait, La désespérance qui anime le malade du Sida qui s'estime condamné à mort est bien de nature à justifier son adhésion aux organisations de malfaiteurs. Ainsi compris, le Sida serait favorable aux réseaux terroristes dans la mesure où il leur fournit d'éventuelles recrues295. Cette coopération met en exergue la visée hégémonique américaine au Cameroun. Si l'on en croit les propos du professeur Joseph Vincent NTUDA EBODE, la domination est davantage culturelle aujourd'hui. Elle s'inscrit dans la dialectique des intelligences296.

Les programmes militaires des États-Unis au Cameroun visent à moderniser et à adapter aux normes américaines, les forces armées locales. Qui plus est, les États-Unis ont créé à l'école Militaire Inter armées (EMIA) un laboratoire de langue anglaise destiné à améliorer le niveau des officiers camerounais et l'usage des standards américains. Il s'agit au mieux d'enseigner aux officiers camerounais l'Anglais opérationnel tel qu'il est utilisé par les forces américaines. A l'analyse, le Cameroun s'intègre dans ce que Philippe HUGON297 appelle les deux principes guidant l'aide américaine au Cameroun c'est-à-dire le « shaping » et la civilisation (développer les forces démocratiques)298.

Par ailleurs, la formation des officiers camerounais dans les écoles Américaines aurait pour effet l'exportation de la culture stratégique américaine. Ils rentrent nantis d'une façon de voir, de concevoir, de penser et d'agir proprement américain. Cette manière d'importer la culture stratégique américaine peut faire la fierté des États-Unis dans un environnement considéré comme zone d'influence des ex-puissances coloniales. Cette relation permet aux Américains, dans la lutte de leadership qui les oppose aux autres puissances, de gagner au maximum des marchés dans les domaines de l'armement et de la formation d'officiers.

L'engagement militaire américain a pour but d'instrumentaliser l'Etat bien qu'ayant officiellement pout but de sécuriser le Cameroun. Cette stratégie s'observe aussi dans le cadre des relations multilatérales.

294 Jeune Afrique Économie, Novembre 2004, p.109.

295 Nzeugang, Op. Cit., p.39.

296 Ibid., p.42.

297 Philippe HUGON, « L'Afrique subsaharienne : un visage contrasté », in L'année stratégique, Paris, Armand Colin, 2005, p.405.

298 Nzeugang, « Une lecture de la coopération américano-camerounaise depuis 2001... », p.42.

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SECTION II : LA MANOEUVRE AMERICAINE DANS LE CADRE

MULTILATERAL

La fin du communisme, confirmée par la chute du mur de Berlin, a établi la victoire du libéralisme qui remet en question le statut traditionnel de l'État comme unique acteur sur la scène internationale. Ce ne sont plus aux seules entités étatiques que les relations internationales se rapportent mais aussi à des types de groupes très divers (nations, États, gouvernements, peuples, organisations internationales, et même organisations industrielles, culturelles, religieuses) qu'il faut s'intéresser dans l'étude des relations internationales si l'on veut que cette étude soit réaliste. Cet élan sera perceptible tout d'abord par la création de l'Organisation des Nations-Unies en 1945 et, après, de ses différentes institutions et services spécialisés ayant comme fondement premier le développement harmonieux en assurant et en préservant la paix et la sécurité dans le monde.

Par la suite, se développera d'autres types d'organisations dites non-gouvernementales, dont l'existence de même que les objectifs sont reconnus à la fois par les États souverains et les organisations intergouvernementales dont la plus imminente est l'ONU. Étant l'acteur le plus influent, voire le principal, ayant participé à la création de l'ONU, les États-Unis passent par ces différentes organisations pour prendre part au développement du Cameroun. L'influence américaine est perceptible au niveau politico-diplomatique (paragraphe 1) et économique (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : l'influence des États-Unis au niveau politico-

diplomatique

Sur l'aspect politique, selon le chapitre IX de la Charte des Nations-Unies relatif à la coopération économique, sociale et internationale, dans son article 55, il est stipulé qu'en vue de créer des conditions de stabilité et de bien-être, les Nations-Unies favorisent :

- a) le relèvement des niveaux de vie, le plein emploi et des conditions

de progrès et de développement dans l'ordre économique et social,

- b) la solution des problèmes internationaux dans les domaines
économique, social, de la santé publique et autres problèmes connexes, et la

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coopération internationale dans les domaines de la culture intellectuelle et de l'éducation,

- c) le respect universel et effectif des droits de l'Homme et des libertés
fondamentaux pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue et de religion. C'est à partir de ces objectifs affichés qu'ont été établis et adoptés le 21 septembre 2010 les Objectifs du Millénaire.

Un programme consensuel en huit points étalé jusqu'en 2015, dénommé Objectifs Du Millénaire pour le développement, a été mis en oeuvre299. Prenant la parole le 22 septembre 2010 au pupitre de l'ONU à l'occasion de la 65e session de l'Assemblée Générale de l'ONU sur ces OMD, le président de la République du Cameroun a rappelé l'importance de l'application de ces objectifs en insistant sur le numéro 8 qui s'appesanti sur le partenariat mondial. En parallèle à la session, il a honoré plusieurs tête-à-tête avec différents dirigeants : le Secrétaire général des Nations-Unies Ban KI MOON, le 25 septembre 2010 qui, auparavant, a réalisé une visite officielle au Cameroun300.

Le président a accordé une audience au sous-secrétaire américain chargé des affaires africaines, Johnnie CARSON301, de même qu'à Eileen Chamberlain DONAHOE, représentante des États-Unis auprès du Conseil de l'ONU pour les droits de l'Homme à Genève302. Les Nations-Unies est un lieu où s'affrontent les États selon leur puissance et où l'autorité de chacun s'érode en fonction d'un siège permanent ou non au conseil de sécurité303. Dans le jeu diplomatique, les discours sur l'amitié et l'ancienneté des relations de coopération entre États tendent à masquer les intérêts et à occulter les mémoires304. Chaque État ayant comme ultime objectif la préservation de ses intérêts.

L'espace international étant structuré politiquement par des rapports de puissance entre les États hégémoniques disposant des forces militaires, technologiques et économiques par le biais de firmes oligopolistiques et d'actionnaires institutionnels305. Par leur influence et leurs représentants diplomatiques, Les États-Unis parviennent à avoir une influence dans la

299 Il s'agit de l'éradication de l'extrême pauvreté et de la faim, éducation primaire pour tous, promotion de l'égalité de sexes et de l'autonomisation des femmes, réduction de la mortalité infantile, amélioration de la santé maternelle, lutte contre le VIH-sida, le paludisme et d'autres maladies, d'un environnement durable et enfin ,la mise en place d'un partenariat mondial pour le développement.

300 Cameroon Tribune, no 9617/5818- 36e année, du vendredi 11 juin 2010, pp.2-12.

301 Ibid, no 9688/5889, p.2.

302 Cameroon Tribune, no 10038/6239, p2.

303 Philippe Hugon, Géopolitique de l'Afrique, Editions Sedes, 2007, p.195.

304 Ibid, p.194.

305 Ibid, p.196.

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sphère politico-diplomatique camerounaise. La résolution pacifique du différend sur la paternité de la presqu'ile de BAKASSI, entre le Cameroun et le Nigeria, en est une illustration. À titre de rappel historique, entre décembre 1993 et février 1994, plusieurs localités de la péninsule de BAKASSI dans l'extrême sud-ouest du Cameroun sont envahies par l'armée nigériane. Face à l'absence de réponse du Chef de l'État nigérian au message du président Paul BIYA suggérant de résoudre paisiblement le problème, voire juridiquement, le Cameroun soumet dans un premier temps le cas au Conseil de Sécurité des Nations-Unies et à l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA). Le 29 mars 1994, le Cameroun se réfère à la Cour Internationale de Justice (CIJ) de la Haye qui, sous la présidence du juge Guillaume, rend son jugement de fond le 10 octobre 2002. Celui-ci dispose que la péninsule de BAKASSI et la région contestée du Lac Tchad relèvent de la souveraineté camerounaise306. L'influence américaine débute dès l'accord dit de GREENTREE. Un accord relatif au transfert d'autorité sur la presqu'ile, s'inspirant de l'arrêt de la Cour Internationale de Justice de la Haye, du 10 octobre 2002, sera signé par le président Paul Biya du Cameroun et le président Olusegun OBASANJO du Nigeria.

Le secrétaire général des Nations-Unies de l'époque, Kofi ANNAN, et les représentants des quatre États témoins, l'Allemagne, le Royaume-Uni, la France, et les États-Unis d'Amérique307 seront présents. Ce processus s'est concrétisé par la cérémonie de transfert d'autorité à AKWA, chef-lieu de l'arrondissement de KOMBO ABEDIMO dans le nord de la presqu'ile, entre les autorités camerounaises et nigérianes au Cameroun. La présence américaine s'apprécie à travers l'affrontement diplomatique feutré qui avait opposé les États-Unis à la France dans le choix du secrétaire général des Nations-Unies. En effet, Boutros-Boutros GHALI, secrétaire général de l'institution internationale entre 1992-1996, soutenu par l'ancien président de France, Jacques CHIRAC, voit le poste lui échapper en faveur de Kofi ANNAN, candidat au fauteuil en 1997 avec le soutien de l'ancien président américain, Bill William CLINTON308.

Le Cameroun avait octroyé, pour l'élection du SG de l'époque, sa voix au candidat américain, Kofi ANNAN. L'importante contribution de ce dernier pour la résolution pacifique du différend de BAKASSI, en faveur du Cameroun, peut donc être analysée comme le retour

306 Cameroon, Tribune Edition spéciale no 9161/5360- 35e année, du jeudi 14 août 2008, p.23.

307 Ibid., p.29.

308 Péan P. 2010, Carnages: les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique, pp.373-374.

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d'ascenseur de la part des États-Unis. L'influence américaine dans la diplomatie camerounaise permet aux États-Unis d'avoir une crédibilité auprès du régime politique camerounais et, si possible, le contrôler. Cette influence se ressent aussi dans les affaires économiques.

Paragraphe 2 : la présence des États-Unis dans le domaine

économique

Sortant du Plan d'Ajustement Structurel (PAS) et de l'Initiative des Pays Pauvres Très Endettés (IPPTE), le Cameroun, qui s'est donné comme objectif l'émergence en 2035, a besoin de l'aide de partenaires internationaux pour financer ses projets de développement. Les États-Unis lui apportent leur contribution en facilitant l'octroi, par les institutions de Brettons Wood, le FMI et la BM, de financements par des investissements économiques et financiers. Le FMI a pour mission de faciliter l'expansion et l'accroissement harmonieux du commerce international et de contribuer au maintien et au développement d'un niveau élevé d'emploi et de revenus réels.

Ses actions sont perceptibles en Afrique depuis 1980 où il cherche à normaliser les sociétés d'Afrique dès la crise de l'endettement et à lancer des programmes sous conditionnalité d'ajustement et de stabilisation réduisant les déséquilibres financiers. La BM, quant à elle, prête à des taux bonifiés et doit financer des projets de développement de ces États. Ces institutions arrivent au Cameroun en 1988 quand les autorités politiques acceptent la mise en place d'un programme d'ajustement structurel, après l'essoufflement des plans quinquennaux. Elles mettront successivement en application les Programmes d'Ajustement Structurels (PAS), l'Initiative des Pays Pauvres Très Endettés (IPPTE) qui se termineront par l'atteinte du point d'achèvement en 2006.

Les États n'ayant point d'amis mais des intérêts, l'aide américaine au financement de projets camerounais par les institutions internationales n'est pas sans intérêt. Il est question pour les États-Unis de préserver une influence au Cameroun. En effet, s'inscrivant dans la dialectique des intelligences, les États-Unis ont mis en place des mécanismes qui leurs permettent, au niveau des organisations internationales, de posséder un important statut et d'influencer le comportement des autres partenaires dans la négociation.

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L'accord tacite sur l'occupation de postes stratégiques dans les institutions de Brettons Wood, entre les États-Unis et l'Europe, permet aux américains d'influencer l'économie et la gestion des finances camerounaises.

De cette entente apparait un double discours et une pratique de pouvoir à géométrie variable par les États-Unis sur la mise en oeuvre, par ces institutions, de mesures d'accompagnement au développement. En conclusion, les États-Unis instrumentalisent ces différentes institutions, internationales et non gouvernementales, pour servir leurs intérêts au Cameroun. L'implication des États-Unis, par les moyens politiques, économiques et diplomatiques, pour quadriller le Cameroun et le mettre sous son giron géostratégique est donc perceptible au niveau international.

CONCLUSION DU CHAPITRE

L'ensemble d'opérations coordonnées, tant au niveau national qu'international, mise en oeuvre par les États-Unis au Cameroun montre l'importance de cet État dans la stratégie de puissance des États-Unis en Afrique Centrale et dans le Golfe de Guinée en particulier. S'inscrivant dans une dialectique d'intelligence, les Américains font usage, dans ce pays, de procédés politiques, diplomatiques, militaires, économiques et culturels. Les rencontres entre les responsables politiques des deux États illustrent, dans le cadre diplomatique, l'objectif des États-Unis qui est de quadriller le Cameroun à partir d'un établissement de rapports cordiaux. Le Pipeline Tchad-Cameroun, symbole de l'engagement des États-Unis d'accompagner cet État du Golfe de Guinée vers le développement, présente aussi la stratégie américaine dans le domaine économique. Les institutions de langue anglaise de même que les expéditions de voyage d'africains-américains, dans le pays de Roger MILLA et de Samuel ETO'O, concourent enfin à la mise en place d'une stratégie américaine au niveau culturel.

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l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013

CHAPITRE IV :

LES MENACES FRANÇAISE ET

CHINOISE AU PROJET

AMERICAIN

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Pendant la guerre froide, Washington ne s'est pas opposé aux intérêts de la France et de la Grande-Bretagne, partenaires lors de la confrontation avec l'Est, au Cameroun. Mais la donne change dès la fin de la confrontation entre l'Est et l'Ouest. Dès cet instant, les puissances se livrent dans une bataille pour de s'accaparer des biens dont regorge cet État du Golfe de Guinée. La France, ancienne puissance tutrice, élabore des stratégies en réponse au projet géostratégique américain. Elle n'est pas l'unique force étatique présente dans ce pays.

La Chine, deuxième consommateur mondial de pétrole, utilise quant à elle une stratégie différente de celle des autres puissances309 qui consiste, au Cameroun, à un contournement et un affaiblissement des États-Unis à partir des failles créées lorsque les Américains subordonnent leurs aides à des conditionnalités démocratiques310. La Chine voit au Cameroun une alternative d'approvisionnement à son économie en ce qui est des ressources énergétiques. Il est question dans ce chapitre de montrer comment ces deux États s'organisent pour contrecarrer les velléités des États-Unis. Nous présenterons le contre-projet français aux initiatives américaines (section I) de même que celui de la Chine (section II).

SECTION I : LA REPONSE FRANCAISE AU PROJET AMERICAIN AU

CAMEROUN

Pour garder une influence au Cameroun, tout en prenant en compte l'âpreté de la compétition qui l'oppose aux États-Unis, la France utilise des recettes qui, depuis l'indépendance de cet État, lui ont permis de transformer cet espace aux mieux de ses intérêts. Il s'agit de la diplomatie, de la politique, de l'économique et du militaire. Nous l'illustrerons sur le plan politico-diplomatique (paragraphe 1) et par la suite socioculturel et économico-militaire (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : l'usage de la politique et de la diplomatie par la

France

L'intérêt porté par l'État français à la politique et à la diplomatie nous amène à les développer chacune dans un cadre spécifique. Nous présenterons d'abord dans un aspect bilatéral (a) puis multilatéral (b).

309 Pierre Péan 2010, Carnages: les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique, p.488.

310 Ibid.

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a- L'emploi de la politique et de la diplomatie dans le cadre des relations bilatérales

a- 1- L'utilisation de la politique contre les intérêts américains

Les richesses naturelles dont regorge le Cameroun sont d'un intérêt vital pour la France311. Aussi son sursaut d' « orgueil national » se renforce du moment où le rôle moteur du Cameroun, pays laboratoire de sa politique de « mise en valeur312 » des Etats d'Afrique Centrale, est menacé par l'intérêt que lui portent les Etats-Unis et la Chine. Dans la confrontation qui oppose la France aux États-Unis se mêlent en effet enjeux politiques, stratégiques et commerciaux. Ancienne puissance tutrice, la France, depuis l'indépendance camerounaise, s'appuie sur les régimes en place pour défendre ses acquis313 et garder la mainmise sur ses exploitations314. Contrairement aux États-Unis qui, voulant avoir droit au chapitre315, tentent de séduire une opinion camerounaise en quête d'émancipation politique316.

A travers l'extraversion politique dont souffriront les États Africains après leurs indépendances, la France va, au Cameroun, s'appuyer sur le régime politique d'Ahmadou Ahidjo pour préserver ses intérêts. Remarqué par Foccart317, ce dernier va parvenir au pouvoir frauduleusement318. Aussi, à travers la confiance qu'elle met en la personne du président Biya pour préserve ses intérêts319, cette situation d'extraversion sera maintenue. En effet, dans le but de conserver le pouvoir politique, qu'il détient depuis 32 ans, le président Paul Biya reçoit le soutien et l'aide de conseillers français, formels ou informels, constituant son proche entourage.

311 Tchetchoua Tchokonté, « Enjeux et jeux pétroliers en Afrique... », p.58.

312 W. Mvomo Ela, « Le concept de « mise en valeur » dans la politique de développement colonial de la France : cas du Cameroun » in Repenser le développement à partir de l'Afrique, sous la direction de Jean-Emmanuel Pondi, Afrédit, Africaine d'Edition, Yaoundé, mai 2011, p.299.

313 Alain Fogue T., « Enjeux géostratégiques et conflits politiques en Afrique... », p.292.

314 Tchetchoua Tchokonté, Op.Cit.

315 Idem.

316 Alain Fogue Tedom, Op.Cit.

317 Foccart parle, I, p 87 et 95 in La FRANÇAFRIQUE, le plus long scandale de la République, François-Xavier Verschave, p.99.

318 Selon l'ambassadeur Guy Georgy, qui commanda la région du nord Cameroun de 1951 à 1955, des paquets de faux bulletins, à la faveur du candidat Ahidjo, ont été mis dans l'urne. In La FRANÇAFRIQUE, le plus long scandale de la République, François-Xavier Verschave, p.98. De même, bien avant son accession à l'indépendance, le ministre français d'Outre-mer, monsieur Jacquet, répète à trois reprises au premier ministre camerounais André-Marie Mbida que l'indépendance du Cameroun annoncée le 1er Janvier 1960, sera une indépendance fictive. In Jeune Afrique Économique, février 1992, p.37, Déclaration en date du 27/02/1958. Citée par Dieudonné Oyono, Avec ou sans la France ?...

319 Cette idée est soutenue par l'ancien président français Jacques Chirac qui, le 24 février 1990 sur RFI, encore maire de Paris à l'époque, affirmait que : « Le multipartisme est un luxe superflu pour les jeunes pays en voie de développement comme les pays africains ; le parti unique leur convient mieux », in Maurice Kamto, L'urgence de la pensée : réflexion sur une précondition du développement en Afrique, Yaoundé, 1993, Mandara, p.23, d'où la confiance, pour préserver les intérêts français au Cameroun, mise dans le régime politique de Paul Biya.

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Nous avons comme exemple Patricia BALME, conseillère en stratégie et communication, et Stéphane FOUKS, expert en communication. Patricia BALME reconnait participer au succès des actions du président Biya320. Elle dit s'occuper de l'amélioration de l'image camerounaise à l'extérieur depuis 1999321. C'est elle qui a en effet préparé la défense du président sur la chaine télévisée française France 24, lors de la présidentielle de 2011, et s'est ensuite attachée les services de François MATTEI pour la rédaction du Code Biya322. Stéphane FOUKS, quant à lui, a établi le projet AFRICA 21 qui a rassemblé l'intelligentsia africaine et européenne, du 17 au 19 mai 2010. Il a ensuite, le 3 décembre 2010, suivi les conclusions de ladite conférence323. On peut ainsi, à travers ces conseillers français faisant partis de l'entourage présidentiel, démontrer la possibilité pour les autorités françaises d'anticiper sur les décisions et les agissements des responsables politiques camerounais.

Cette possibilité d'influence peut être démontrée au travers des relations amicales qu'entretiennent des responsables politiques camerounais et français. Tel est le cas de l'ancien Secrétaire Général de la Présidence de la République du Cameroun, ancien ministre, Marafa HAMIDOU YAYA, avec des autorités françaises.

Avant son incarcération, « L'homme des français324 » a eu de bons rapports avec des personnalités d'horizons variés (homme d'affaires, anciens ministres et ancien président de la République) comme : Vincent Bolloré, Charles Pasqua, Claude Guéant en passant par Nicolas Sarkozy325. A partir des postes de responsabilités qu'il a occupé, surtout celui de SG de la Présidence, l'on peut conclure que la France exerçait, et exerce encore, une forte influence dans les décisions politiques camerounaises326.

L'influence de la France se ressent aussi dans les règlements juridiques avec l'aide de juristes français pour leur établissement. L'exemple le plus récent est l'apport du constitutionnaliste Guy CARCASSONNE dans la modification constitutionnelle, du 14 avril

320 Elle affirme en effet : « j'ai veillé à ce que la communication du président, dans ce pays et à l'étranger, et son aura soit bien faite et préservée. J'ai amené les professeurs Luc Montagnier et Robert Gallo au Cameroun. J'ai aidé la première Dame à développer tout ce qu'elle fait contre la lutte contre le sida. » In Repères, no 208 du 2 février 2011, p5.

321 Ibid.

322 Ibid.

323 Ibid.

324 Jeune Afrique, no 2670, mars 2012, pp.32-33.

325 Ibid.

326 Dans sa première lettre ouverte, publiée dans Le Jour, Marafa HAMIDOU YAYA fait part de son ancienneté aux postes de responsabilités que lui avait confié le président Paul Biya : « J'ai été votre collaborateur pendant dix-sept (17) années sans discontinuité. D'abord comme conseiller spécial, ensuite comme secrétaire général de la Présidence de la République et, enfin, comme ministre de l'Administration Territoriale et de la Décentralisation pendant près d'une décennie ». Aussi, de la confiance que lui a accordé le Chef de l'État en lui remettant le pouvoir de nomination, et la confidence de sa non-connaissance de la majorité de ministres : « Monsieur le Ministre d'État, vous êtes combien de ministres dans ce gouvernement ? Peut-être dix (10) ou quinze (15) tout au plus. Le reste, ce sont des fonctionnaires à qui j'ai donné le titre ». Le Jour no 1179 du 02 mai 2012.

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2008, qui a permis d'effacer l'article sur la limitation des mandats présidentiels327. Ces agissements permettent à la France, dans la lutte inégale qui l'oppose aux États-Unis au Cameroun, d'avoir une certaine avance par un processus d'assimilation des responsables politiques camerounais328. L'illustration de cet état des choses est la multiplication de rencontres entre les exécutifs des deux États.

C'est le cas de la dernière visite de travail du président Paul Biya en France, du 28 janvier au 8 février 2013329, ou encore la rencontre des deux présidents à l'occasion du XIVe sommet de la Francophonie, organisé octobre 2012 à Kinshasa en République Démocratique du Congo (RDC)330. Cette dévotion des élites camerounaises permet à la France de préserver ses intérêts. Cette influence est aussi perceptible dans l'aspect diplomatique.

a- 2- L'usage de la variable diplomatique pour réduire l'influence américaine

Les héritages coloniaux sont nécessaires pour comprendre la diplomatie camerounaise331. L'indépendance camerounaise, fictive selon le ministre français d'Outre-mer, monsieur Jacquet, est l'aboutissement d'une entente à l'ONU entre Jacques Foccart et l'israélien ABBA EBAN332. Alors ministre israélien des Affaires étrangères, ce dernier va rendre un service à Ahmadou Ahidjo programmé par la France pour devenir président du Cameroun333.

Dès cet instant, l'extraversion diplomatique camerounaise est avérée et, à travers les accords signés, le Cameroun fera montre d'un déficit d'autonomie stratégique et d'une incapacité à maitriser son destin en faveur de la France. Les propos d'Yvon OMNES, ancien ambassadeur de France au Cameroun, de 1984 à 1993, viennent affirmer cette idée. Devenu

327 La Nouvelle, no 151 du 16 janvier 2012, p.5.

328 Alain Fogue T., « Enjeux géostratégiques et conflits politiques en Afrique... », p. 292.

329 Cameroon Tribune no 10278/6479 du vendredi 08 février 2013, p.2.

330 Hot News, hebdomadaire bilingue no 086 du mardi 16 octobre 2012, pp.2-4.

331 Philippe Hugon, Géopolitique de l'Afrique, Editions Sedes, 2007, p.49.

332 In Mon pays, l'époque d'Israël moderne, Buchet-Chastel, 1975.

333 Il affirme en effet : « je l'avais rencontré sur le sol américain en 1959 ; Aryeh Ilan, un de nos plus talentueux diplomates (...), m'avait suggérer de jouer un rôle actif dans les discussions sur l'accession du Cameroun à l'indépendance. Pour rompre les difficultés qui freinaient son succès, Ahmadou Ahidjo, le leader du Mouvement National Camerounais, arpentait vainement les couloirs du bâtiment de l'ONU, baignant dans un environnement étranger. Au Cameroun (compte tenu de l'opposition), des groupes soutenus par le Caire déniaient toute légalité à Ahidjo. (...) Je m'intéressais au problème et, à la lumière de la longue histoire plutôt troublante de nos rapports avec les Nations-Unies, je fus à même d'offrir quelques conseils sur la manière de présenter le dossier du Cameroun avec des chances de succès. (...) Ahidjo m'en fut personnellement reconnaissant de nombreuses années» in Pierre Péan 2010, Carnages: les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique, p.173.

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par la suite conseiller du président Paul Biya334, il va déclarer que toute décision prise au Cameroun l'est avec le consentement de la France335. Les relations étroites entre le président Biya et des diplomates français, ayant été en place à Yaoundé, semblent confirmer ces allégations. Le président Biya, d'après des câbles du site WIKILEAKS datant de 2006 et de 2008, aurait expliqué à l'ambassadeur de cette période, Bruno Gain, les raisons de la suppression de la limitation des mandats présidentiels en 2008336.

Il reconnaissait l'atmosphère délétère dans lequel se trouvait le pays : « Qu'elle fierté aurais-je à laisser le Cameroun tel qu'il est aujourd'hui ?337 ». Avant de s'adjuger le rôle ultime d'assainir l'espace politique par l'Opération Épervier : « C'est à moi de le faire, car il sera impossible pour celui qui me succèdera de commencer par cela338. »

La confidence présidentielle illustre le manque d'autonomie dont souffre le Cameroun. Le président Biya préfère en effet confier ses intentions à l'ancienne puissance tutrice qui elle va profiter de la situation pour établir des stratégies dans le but de préserver ses intérêts et limiter la percée américaine dans le pays. La dernière visite du ministre des Affaires étrangères français au Cameroun, Laurent Fabius, va dans cette logique. Pour rappel, le 19 février 2013 dans la localité de DABANGA, la famille Tangui MOULIN-FOURNIER faisait l'objet d'un rapt. Accompagné de proches collaborateurs, Laurent Fabius sera reçu par le président Paul Biya et cette rencontre se soldera, les jours suivants, par la libération desdits otages339. Cette situation illustre l'influence qu'a en effet la France dans la détermination et même l'orientation des dossiers diplomatiques camerounais.

Cette influence se confirme par les interviews accordées par le président de la République du Cameroun aux médias français. Le président Biya va accorder, en octobre 2007, une interview à la chaine France 24 où il va dévoiler ses projets constitutionnels et annoncer que l'Opération Épervier ira jusqu'à son terme340. Aussi, la Présidence

334 Fanny Pigeaud, Au Cameroun de Paul Biya, p.237.

335 Un incident survenu entre Yaoundé et Paris quelque temps après l'accession du Cameroun illustre assez bien cette idée. Après avoir constaté que les autorités françaises lui envoyaient d'une manière anarchique et à une cadence anormale du personnel de l'assistance technique au titre de la coopération, le Cameroun entreprend une démarche auprès de l'ancienne métropole visant à rationaliser ce type d'aide de développement. Les responsables camerounais redoutent que la France n'utilise la coopération pour résorber le chômage de ses anciens cadres de l'administration coloniale, voire garder le contrôle sur le jeune État et proposent au ministère français de la Coopération un plan visant à encourager la camerounisation des postes de l'administration camerounaise sur une période de dix ans. Mais il est rejeté par la France qui demande au Cameroun de choisir entre la « confiance » et « la rupture » Cet incident suscite chez Christian Tobie KUOH, secrétaire général de la présidence de la République du Cameroun, entre 1960 et 1964 et initiateur du projet ainsi enterré ce commentaire désabusé, « Ce n'est assurément pas l'exemple d'une politique d'assistance digne de ce nom, qui ne devrait point se départir de certaines règles et, parmi elles, celles-ci : (...) acceptation sincère de l'indépendance du partenaire (...) », « Mon témoignage. Le Cameroun de l'indépendance (1958-1970), Paris, Karthala, 1990, in Alain Fogue Tedom, Op.cit., p.61.

336 Jeune Afrique, no 2647 du 2 au 8 octobre 2011, p.24.

337 Ibid., p.25.

338 Ibid., p.24.

339 Cameroon Tribune no10303/6504 du Lundi 18 mars 2013, p.2.

340 Jeune Afrique, Op.cit., p.25.

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camerounaise achète, en raison de milliers d'euros, des pages de grands journaux comme Le Monde, Le Figaro, L'Express, ou encore le magazine parisien Jeune Afrique. Le Monde avait, selon le journal camerounais Le Jour, reçu en 2010 un peu plus de 124 millions de FCFA, tandis que Jeune Afrique recevait chaque année 650 millions de FCFA du gouvernement camerounais341. A partir de ces agissements du régime camerounais, la France assimile à leur politique étrangère les responsables politiques et diplomatiques. Aussi leur carrière et leur évolution professionnelle sont contrôlées. Ainsi, la France préserve de ses intérêts économiques vis-à-vis des velléités américaines342.

La France utilise, pour limiter le projet américain au Cameroun, la politique et la diplomatie dans l'aspect bilatéral. Cette manière d'agir est aussi perceptible dans un cadre multilatéral.

b- L'emploi de la politique et de la diplomatie dans un aspect multilatéral

Cette stratégie française exercée aussi bien dans l'Union Européenne (1) que dans l'Organisation Internationale de la Francophonie (2).

b- 1- L'Union Européenne

Les richesses camerounaises sont un marchepied pour le rayonnement et l'indépendance stratégique, énergétique, économique et culturelle de la France343. Aussi la France ne lésine sur aucun moyen, comme l'usage de L'UE à des fins nationales, pour profiter des ressources de cet État du Golfe de Guinée. L'UE y est active dans les domaines politique, économique et social. En politique, Raul MATEUS PAULA, ancien ambassadeur de l'institution européenne au Cameroun, soutenait que la coopération entre l'institution internationale et le Cameroun est concentrée sur la bonne gouvernance et la promotion de l'État de droit344. L'UE apporte ainsi son appui dans la gestion des finances publiques, l'amélioration de la gouvernance forestière, la gestion durable des ressources naturelles, la

341 Fanny Pigeaud, Au Cameroun de Paul Biya, pp.250-251.

342 Ibid.

343 Alain Fogue T. « Enjeux géostratégiques et conflits politiques en Afrique... », p.364.

344 Article de Cameroun Info-net de juin 2012 sur www.camerouninfo.com

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fiabilité et la transparence des élections345. L'illustration est perçue lors des élections présidentielles de 2011 où elle a contribué à la mobilisation des populations pour l'inscription sur les listes électorales et les fonds qui y étaient alloués.

Toutefois, il est remarqué un écart entre les propos tenus par les représentants de l'institution et leur mise en application. Lors des élections de février 2009, l'UE a fustigé l'appartenance à un seul parti politique de la majorité des membres d'ELECAM346. Quelques mois plus tard, le chef de la délégation de l'UE s'inquiétait de la crédibilité des membres de l'organe électoral347. Mais malgré cet état de choses, rien n'a été entrevu par l'institution internationale, auprès des responsables politiques locaux, pour modifier ce contexte. Ces contradictions démontrent le visage de Janus de l'institution. Elles confirment l'influence que détient la France dans l'institution et la nécessité, pour l'ancienne puissance tutrice, de défendre et de préserver ses intérêts au Cameroun. Il est donc question de porter critique sur la situation démocratique du pays tout en évitant de froisser le régime en l'encensant de discours vertueux.

L'action de l'UE s'étend aussi à l'économie par l'assistance de la Commission européenne (CE), au titre du 10e Fonds Européen de Développement (FED)348. L'aspect social, quant à lui, consiste à la poursuite des Objectifs Du Millénaire (OMD). L'UE participe à l'émancipation de l'individu par des constructions d'hôpitaux, des salles de classes et d'espaces ludiques. L'institution contribue, par le biais de la Banque Européenne d'Investissement (BEI), au projet LOM-PANGAR à travers la mise en place du programme PIR, faisant partie du Plan de Gestion Environnementale et Sociale (PGES) destiné aux populations de la région, en raison de 19,7 milliards de FCFA349. Ces aides ne sont point désintéressées. Il s'agit, pour la France et d'autres États européens, de conquérir le marché camerounais tout en réduisant l'influence des États-Unis. Ces aides tiennent à trois explications :

- La préservation de ses intérêts économiques camerounais, et africains,

gravement menacés par la généralisation de l'insécurité et de l'instabilité politique ;

345 Ibid.

346 Fanny Pigeaud, Au Cameroun de Paul Biya, p.241.

347 Ibid.

348 « Les relations économiques entre le Cameroun et L'Union Européenne », Supiant Tchinda, IRERIE-DEEI-Master 2003, section 2 : Les actions de développement de l'UE au Cameroun, disponible sur www.google.com

349 Cameroon Tribune, no 10148/6349 du mercredi 02 août 2012, pp.2-3.

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- La protection de sa sécurité intérieure, par une action préventive contre

un flux migratoire important et incontrôlé de nature économique ;

- Le souci d'affirmer une existence politique sur la scène internationale350.

La France, pour se faire, instrumentalise l'UE à des fins nationales. L'UE agit donc à géométrie variable. Aussi, entre la nécessité de défendre les intérêts français, et de ceux d'autres pays européens, et le besoin de lutter contre la corruption pour le développement du Cameroun, l'institution européenne a fait le premier choix351. L'objectif est de continuer à profiter des financements camerounais tout en faisant en sorte que les choses n'avancent pas ou très peu sur le terrain. Tant que cet équilibre ne sera pas menacé, la volonté des ambassadeurs de l'UE de lutter contre les maux qui minent la société camerounaise ne sera pas suivie d'actes concrets352.

L'instrumentalisation du Droit International, par l'UE, est un pan de la stratégie française pour contrecarrer les États-Unis au Cameroun. Le soutien de la minorité homosexuelle en est une illustration. En effet, l'UE a octroyé, début janvier 2013, une subvention d'environ 305.000 euros, au collectif Association de défense des homosexuels (Adhefo), présidé l'avocat Alice NKOM, pour appuyer son projet d'assistance et d'encadrement des minorités homosexuelles353. Tel est, dans le domaine économique, le cas des APE. Ces accords permettent à la France, par le biais de l'UE, de limiter l'impact de l'AGOA et du GSP des États-Unis et de gagner d'importants marchés au Cameroun. L'UE permet, entre autre, à la France de s'affirmer au niveau international en s'émancipant de la tutelle américaine et de disposer d'une autonomie stratégique354. Elle lui permet aussi d'acquérir des moyens pour concurrencer les États-Unis sur le plan diplomatique355.

L'UE est donc un instrument stratégique destiné à la préservation des intérêts de la France au Cameroun sur un plan international. C'est aussi le cas de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF).

350 Alain Fogue T. « Enjeux géostratégiques et conflits politiques en Afrique... », p.364.

351 Fanny Pigeaud, Au Cameroun de Paul Biya, p.246.

352 Ibid., p.247.

353 « Homosexualité : tension entre le Cameroun et l'Union européenne, Yaoundé s'oppose au financement d'associations luttant pour les droits des homosexuels », du mardi 18 janvier 2011 écrit par René Dassié à retrouver sur la page CAMNEWS 24 sur www.google.com

354 Alain Fogue T., Op.Cit.

355 Ibid.

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b - 2 - L'OIF

L'Organisation internationale de la francophonie (OIF) contribue à la prévention des conflits au sein de l'espace francophone, favorise la consolidation de l'État de droit et agit pour la promotion des droits de l'Homme. Elle promeut la diversité culturelle356. Son action repose sur cinq acteurs à savoir : l'Agence intergouvernementale de la francophonie (AIF), l'Agence universitaire de la francophonie (AUF), l'Université Senghor d'Alexandrie (Égypte), l'Association internationale des maires francophones (AIMF) ainsi que TV5 et France 24 sont les seules chaînes de télévision en langue française disponibles dans le monde entier ou presque357.

L'OIF contribue, en faveur de la France, à limiter l'influence des États-Unis au Cameroun grâce à des institutions telle que le Centre Culturel Français (CCF). Cet établissement, par l'organisation d'évènements culturels, sa participation à la conception de programmes et d'ouvrages scolaires camerounais de même que la projection de vidéogrammes français, modifie l'environnement culturel camerounais à cause de l'absence de centre de projection. Cette stratégie est renforcée par le désintérêt du gouvernement camerounais pour l'aspect éducatif et l'abondance de chaines d'information radiophoniques et télévisées de culture française sur l'étendue du territoire. Cette négligence symbolique et stratégique est assimilable à tout ce qui a trait à la promotion de l'image de marque et l'expression du génie culturel, qu'il soit littéraire, sportif, musical, artistique, culinaire architectural, vestimentaire, etc.

L'OIF est une organisation qui sert les intérêts français tout comme l'est l'UE au Cameroun. La France fait aussi appel aux aspects socioculturels et économico-militaires pour contrecarrer la percée américaine au Cameroun.

Paragraphe 2 : la dynamique socioculturelle et économico-militaire

de la France au Cameroun

Pour plus de lisibilité, nous présenterons tout d'abord la dynamique socioculturelle (a) puis la dynamique économico-militaire (b).

356 Alain Fogue T. « Enjeux géostratégiques et conflits politiques en Afrique... », p.364.

357 Ibid.

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a- La dynamique socioculturelle

La France fait usage, pour limiter l'influence des États-Unis au Cameroun, tant du Hard power que du Soft power. Le Soft power s'inspire des préoccupations stratégiques du général De Gaulle à savoir : comment permettre à la France de rester une puissance malgré la faiblesse de ses moyens (démographique, militaires, économiques etc.)358 ? Aussi a-t-il élaboré la politique étrangère française autour de quatre points :

- Retrouver l'indépendance de la France dans le domaine clé où elle a été

perdue, en se dotant de la dissuasion nucléaire sensée lui permettre de garantir seule la défense de son territoire ;

- Placer les anciennes colonies aux services de la défense, du
développement et du rayonnement international de la France ;

- Faire de la construction européenne le marchepied de la France vers la
reconquête d'une place de grande puissance ;

- Faire jouer à la France le rôle d'avocat des plus faibles dans les affaires
du monde. Ce dernier point permet à la France d'engranger la sympathie de l'opinion internationale, indispensable dans la lutte inégale qui l'oppose aux grandes puissances359.

Les colonies d'Afrique, selon le second point, sont ainsi un tremplin pour le rayonnement international de la France. Aussi met-elle en application la politique d'assimilation théorisée par Arthur Girault entre 1890 et 1930. Pour ce dernier, la France doit interdire à l'assimilé africain, dit « évolué », le patriotisme local et lui inoculer l'amour de la patrie commune, le culte de l'empire360.

Cette politique est appliquée par la France au Cameroun après que cet État soit mis sous son mandat à la fin de la première guerre mondiale361. Composé d'une diversité de groupes ethniques (plus de 250) et de langues locales chiffrées à 270 environ, il était impératif pour la France d'assimiler les consciences en imposant le français comme langue officielle de

358 Cours dispensé en Master II Science Politique par le Docteur Alain Fogue Tedom, « Les questions stratégiques », année 2011-2012, p.11.

359 Idem.

360 Alain Fogue T., « Enjeux géostratégiques et conflits politiques en Afrique... », p.181.

361 Selon l'Article 1 alinéa 3 de la loi no 96/06 du 18 janvier portant révision de la constitution du 02 juin 1972, modifiée et complétée par la loi no2008/001 du 14 avril 2008, le français et l'anglais constituent les langues officielles.

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l'Etat362. Il s'en est suivi une implication politique des ethnies dans l'élaboration de la politique étatique. Cette politique eut pour corollaire la distribution inégale de compétences entre les ethnies, par l'assomption de certaines au détriment des autres, tenant non pas à une supériorité intrinsèque, non pas à une inégalité d'essence, mais plutôt aux constructions symboliques, à l'imposition de la marque faite par la France363. La politique d'assimilation appliquée pendant la colonisation présente encore certaines répercussions aujourd'hui. En effet, les responsable politiques au pouvoir instrumentalisent la fibre ethnique364, par la politique d'équilibre régional365 pour servir les intérêts de la France qui y trouve profit, et les leurs.

La loi no 2004/017 de juillet 2004, relative à l'orientation de la décentralisation au Cameroun et des modalités de coopération avec d'autres collectivités étrangères, fixées par le décret no 2011/1116/PM du 26 avril 2011, en est une illustration366. Ces lois sont copiées sur celles de la France où la décentralisation, présentée comme restrictive, accorde la qualité et le statut d'acteur de la coopération décentralisée uniquement aux collectivités territoriales décentralisées367. Elle donne l'opportunité au gouvernement français d'avoir une influence sur l'orientation de la politique démographique du Cameroun et de maitriser ses populations.

L'influence de la France au Cameroun, dans l'aspect culturel, est considérable dans le système éducatif et communicationnel camerounais. L'histoire du Cameroun faisant allusion aux indépendantistes tels Ruben UM NYOBE, Félix-Roland MOUMIE et Ernest OUANDIE, s'étant opposés à la présence française, est inconnue de la jeunesse camerounaise parce qu'elle est sciemment écartée des programmes et manuels scolaires. Les seules personnalités présentes sont celles qui ont fait allégeance à l'ancienne puissance tutrice368. L'école, au Cameroun, tend à être plus un lieu de gardiennage social, où sont véhiculés des savoirs mémorisés faisant la part belle aux personnalités de la France, qu'un lieu d'acquisition

362 Nzeugang, « Une lecture de la coopération américano-camerounaise depuis 2001... », pp.2-3.

363 Luc Sindjoun, L'État ailleurs, entre noyau dur et case vide, Economica, 2002, p.198. Jean-François Bayart mentionne aussi de manière rapide les Haussa et les Tikars. Cf. L'État au Cameroun, 2e édition, Presse de la FNSP, 1985, pp.339-348.

364 Fanny Pigeaud, Au Cameroun de Paul Biya, p.130.

365 Ibid, p122.

366 Cours dispensé en Master II Science Politique par le Professeur NJOYA, « Coopération Décentralisée », année 2011-2012.

367 Idem.

368 Alain Fogue T. « Enjeux géostratégiques et conflits politiques en Afrique... », p.200. Alexandre Douala Manga Bell a utilisé sa position de prince et « d'évolué », en quelque sorte de leader d'opinion, pour acquérir de nombreux avantages personnels divers auprès de l'administration coloniale, ceci aux dépens des intérêts du Cameroun. Ainsi, « il a su ménager le pouvoir colonial tout en entretenant l'opinion noire d'une future indépendance. (...) Puis a pris parti contre les progressistes, les syndicalistes (camerounais) ». En échange de sa loyauté, il devient l'un des très rares indigènes à obtenir la nationalité française. Lorsqu'il se présente à l'élection du 21 octobre 1945 au collège africain, il est déjà citoyen français. Personnage fantasque et autoritaire, il distribue des pièces de monnaie sans aucune valeur frappées de son effigie ou menace ses contradicteurs de fouet pendant les campagnes électorales. Voir Guy Georgy, Le petit soldat de l'Empire, Paris, J'ai lu, pp. 47-51, voir aussi son portrait fait par le journaliste français Georges Chaffard et repris par Philippe Gaillard dans « Le Cameroun » Tome J, Paris L'Harmattan, 1989, pp.176-177.

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de savoir369. L'université, quant à elle, conduit parfois uniquement à une accumulation de titres permettant d'espérer, de manière généralement illusoire, à des postes relativement rémunérateurs qu'à des savoirs analytiques et pratiques favorisant des qualifications370.

La communication n'est pas en reste. Les medias français, Le Monde, Le Figaro, L'Express et Jeune Afrique, bénéficient des subventions du régime politique camerounais dans le but de veiller et d'assurer le rayonnement du président de la République371, au détriment des medias camerounais. Comme conséquence de cette influence française, on constate un abandon par l'opinion camerounaise des medias d'informations nationaux. Le « quatrième pouvoir » camerounais est ainsi extraverti au profit de la France. La plupart des medias d'information, qu'ils soient radiophoniques ou télévisés usités par les camerounais sont aujourd'hui, pour la plupart, français (RFI, France 24). Ainsi, dans le combat inégal qui l'oppose aux États-Unis, ces moyens culturels permettent à la France de faire pencher, par un processus d'assimilation, les consciences camerounaises en sa faveur.

La politique d'immigration choisie, instaurée par l'ancien gouvernement de Nicolas Sarkozy, est aussi un pan de cette stratégie culturelle française au Cameroun372. Toutes ces initiatives, tant communicationnelles (RFI, France 24) que culturelles (Immigration choisie), sont des réponses aux stratégies des États-Unis pour mettre le Cameroun sous son giron stratégique (CNN, ABC, NBC, BBC et la loterie américaine qui permet, chaque année, aux camerounais de pouvoir vivre dans le pays de l'oncle Sam).

L'instrumentalisation de la religion par la France est un autre pan de cette stratégie culturelle. En effet, bien qu'il existe une distinction entre la societas humana373 et la societas christiana374, la France influence les mentalités camerounaises sur des débats d'actualité au travers de certains hauts autorités religieuses qui sont favorables à l'expression de certains agissements375. Le militantisme de l'ancien prélat de l'Archidiocèse de Yaoundé,

369 Philippe Hugon, Géopolitique de l'Afrique,p. 179.

370 Ibid.

371 Fanny Pigeaud, Au Cameroun de Paul Biya, pp.174-177.

372 Bien que la politique d'immigration choisie fût instaurée par le gouvernement Sarkozy, l'idée, elle, est ancienne. En effet, les propos tenus par l'ancien président Jacques Chirac, au Sommet Afrique-France de Yaoundé, au Cameroun du 17 au 19 janvier 2001, en disent davantage : « Nous avons commencé par saigner ce continent (l'Afrique) pendant quatre siècles et demi avec la traite des Noirs. Ensuite nous avons découvert ses matières premières et nous les avons saisies (...) Aujourd'hui, nous les délestons de leurs cerveaux grâce aux bourses d'études, qui consistent en définitive une autre forme d'exploitation car, les étudiants les plus brillants ne rentrent pas chez eux (...) », in Le Canard enchainé du mercredi 24 janvier 2001, p.2.

373 La notion de societas humana désigne une communauté humaine régie par des lois et des coutumes qui lui sont propres, attachée à un roi qui légifère en son nom. Elle se présente plus aujourd'hui son sur l'aspect d'État-nation.

374 La notion de societas christiana quant à elle désigne une communauté de croyants réunis par la foi et dont la tête est le pape.

375 C'est le cas de l'homosexualité, sujet d'actualité au Cameroun, où la position du cardinal émérite Christian Tumi est de permettre à cette minorité de pouvoir vivre sans inquiétude d'être mis au ban de la société, cf. Jeune Afrique no 2769 du 2 au 8 février 2014, p28.

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Monseigneur Jean ZOA, favorable au parti unique de l'époque UNC, avait conduit ce dernier à se manifester contre le multipartisme exigé par les partenaires au développement en mars 1990376, rappelant le discours prononcé par le roi Léopold II devant les missionnaires se rendant au Congo en 1883377. Ainsi, pour aller dans le sens de Charles Pasqua pour qui la démocratie s'arrête là où la raison d'État commence378, l'État français instrumentalise, quand il le faut, la religion pour limiter la percée américaine au Cameroun car pour la France, l'Église s'arrête là où la raison d'État commence.

L'assise socioculturelle de la France apporte des réponses aux stratégies américaines au Cameroun. Cela est aussi perceptible au niveau économico-militaire.

b- La dynamique économico-militaire

Nous présenterons en premier la dynamique militaire (b-1) et par la suite la dynamique économique (b-2).

b-1- La dynamique militaire de la France

L'influence militaire de la France au Cameroun débute dès la construction de l'État postcolonial. L'armée au Cameroun, à cette période, n'est qu'un avatar de la conception française de la sécurité. C'est une coterie basée sur une allégeance clientéliste d'une poignée d'officiers en compétition mutuelle pour les différents rangs (...), bouillonnant de plusieurs doléances corporatistes, ethniques et personnelles379. Cette relation militaire entre les deux États se comprend à travers l'enjeu de défense d'intérêts français et la vision de la sécurité essentiellement structurée dans une logique de sphère d'influence380. Elle se structure par des

376 Jeune Afrique, Hebdomadaire International Indépendant no 2743 du 4 au 10 aout 2013, p.73.

377 Le roi Léopold II demande aux missionnaires de pratiquer une évangélisation qui s'inspire de la préservation des intérêts belges dans cette partie du monde. Pour ce, demande avant tout d'interpréter l'Évangile de façon orientée. Ainsi, les extraits tirés de la Bible comme : « heureux les pauvres car le royaume des cieux est à eux », « il est difficile au riche d'entrer au ciel » ou encore « heureux ceux qui pleurent car le royaume des cieux est à eux » devraient participer à ce que les populations restent toujours soumises aux colonialistes blancs. Qu'elles ne se révoltent jamais contre les injures et injustices que ceux-ci les feront subir. D'aimer la pauvreté et la pratiquée en vue du salut de son âme. Leur enseigner de tout supporter même si elles sont injuriées ou battues par leurs compatriotes administratifs blancs, ceci pour les amener à servir et à mieux protéger les intérêts de la Belgique.

378 Olivier NAY, Histoire des idées politiques, Éditions Armand Colin, Dalloz, 2004, p.180.

379 Michel Kounou, « Coups d'Etat, Régimes militaires et Développement démocratique au Sud du Sahara de 1963 à 2004 : bilan et perspectives », in Revue Africaine d'Études Politiques et Stratégiques, UY II, FSJP no3, 2003, p.139.

380 Alain Fogue T., « Le concept de sécurité dans l'analyse des conflits politiques africains » in Revue Africaine d'Études Politiques et Stratégiques, Université Yaoundé II, no3, 2003, p.178.

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accords de défense, des accords secrets de maintien de l'ordre, des accords de coopération et d'assistance militaire, de l'aide direct en matériels et en personnels militaires381.

Tableau 7 : Accords et Conventions militaires établis entre le Cameroun et la France de 1960

à 1974.

Nature de l'Accord ou de la Convention Année de signature

Accords de défense

1960 et 1981

Convention de soutien logistique des

forces terrestres, aériennes et de
gendarmerie

1965

Accords de Coopération et d'Assistance Technique et Militaire

1974

Convention sur les règles et modalités de soutien logistique aux forces armées

1974

Note : Ce tableau est le résultat d'une collecte de données faite par nous à partir de différentes sources étant : La lettre du Continent : indigo Publication, 6 décembre 1996 ; Voir également Survie-France, Présence militaire française en Afrique, Dérives... Dossiers no4,1996 et Ministère des Affaires et François Lamy, Liste des accords de défense ou de coopération militaire de la France en vigueur, bulletin d'information no2237, 11elégislature, Assemblée Nationale, Paris, 2000 in « Coups d'Etat, Régimes militaires et au Sud du Sahara de 1963 à 2004 : bilan et perspectives » par Michel Kounou, in Revue Africaine d'Études Politiques et Stratégiques, UY II, FSJP no3, 2003, pp 163-165.

Les interventions militaires, en cette période, avaient pour seul but de réduire au silence les indépendantistes camerounais opposés à la présence française. En effet, d'après le général Pierre SEMENGUE, ancien chef d'état-major camerounais ayant participé à des opérations de forces armées, dans une interview accordée en décembre 2007, en signe de dissuasion, les soldats français coupaient les têtes des rebelles et les exposaient ensuite dans les villages382.

Cette forte présence militaire montre l'importance qu'à la France de préserver leurs intérêts dans le pays. Aussi explique-t-elle, aujourd'hui, leur volonté de contrôler l'appareil

381 Michel Kounou, Op. Cit.

382 Jeune Afrique, hebdomadaire international indépendant, 53e année, no 2749 du 15 au 21 septembre 2013, pp.21-22.

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militaire camerounais. Leur contribution à la dernière réforme de l'armée camerounaise, entamée en 2001, en est une illustration. Confiée aux militaires camerounais, et entérinée par le président Paul Biya, elle s'est concrétisée avec le soutien de conseillers français383. Cette présence française contribue à limiter l'influence des États-Unis par une assimilation de l'armée camerounaise. En effet, la présence de la France dans les institutions de formation militaire, à l'exemple de l'école Militaire Inter armées (EMIA), adapte les forces armées locales aux stratégies militaires françaises.

L'octroi de marchés d'armements et d'équipements militaires, par les responsables politiques camerounais, permet aussi à la France de promouvoir son rayonnement économique, d'écouler des armes obsolètes et de garder son influence militaire en conservant le Cameroun dans une dépendance stratégique. Au niveau des bénéfices économiques, le Cameroun, lors de la décennie 1990, était classé septième pays africain en termes de dépenses militaires annuels, avec 118,6 millions de dollars, dont une majorité des profits revenait à l'industrie française d'armement384. La dépendance du Cameroun vis-à-vis du génie militaire français, quant à elle, concerne la formation des militaires, leur encadrement, la fourniture d'armements, d'équipements, l'appui logistique, le soutien financier et l'aide à la maintenance385.

Au niveau stratégique, les accords militaires entre la France et le Cameroun contribuent à la limitation de l'influence des États-Unis à travers le transfert d'armes, excellent moyen de renforcement d'alliances entre les deux États français et camerounais. En effet, le transfert d'armes conforte et développe les activités militaires françaises dans la sous-région et au Cameroun en particulier, tout en donnant à la France une capacité d'influencer les politiques militaires camerounaises. La multiplication des voyages de formations militaires pour officiers camerounais en est une illustration. Elle conduit à une non-prise de son destin stratégique par le Cameroun tout en détournant l'attention des États-Unis sur les objectifs économiques et stratégiques qu'elle poursuit en toile de fond dans ce pays du Golfe de Guinée. L'aspect militaire permet à la France de préserver ses intérêts dans la confrontation qui l'oppose aux États-Unis au Cameroun. Cette stratégie française est aussi remarquée dans les relations économiques.

383 Propos recueillis lors de l'interview du Professeur Victorin Hameni Bieleu, spécialiste camerounais des questions de défense accordée au journal Jeune Afrique, no 2749 du 15 au 21 septembre 2013, p.23.

384 Michel Kounou, Le Panafricanisme: de la crise à la renaissance, p.364.

385 Ibid.

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b-2- La dynamique économique de la France au Cameroun

Afin de limiter la percée américaine au Cameroun, la France use d'instruments tant officiels qu'officieux. Elle procède en premier par alimenter l'indiscipline budgétaire au Cameroun pour favoriser ses activités mafieuses, en corrompant les responsables politiques et économiques386. Cette stratégie part de cette réflexion d'autorités politiques françaises aux hommes politiques: « Servez-vous dans les caisses publiques, confondez l'argent public à l'argent privé, bâtissez-vous des fortunes. Confondez l'argent public et l'argent privé, enrichissez-vous, mais laissez votre pays dans l'orbite française, laissez-nous continuer de prélever les matières premières à des prix défiant toute concurrence et de détourner une grande partie des flux financiers qui naissent de là387. » L'entretien et la caution du système politique au travers des liens étroits existant entre les dirigeants camerounais et des entreprises françaises en sont une illustration.

Le PDG des Plantations Haut Penja (PHP), Robert FABRE, a assisté en 2000 à l'inauguration de plantations d'ananas privées du président Biya à MVOMEKA'A388. L'affaire Elf jugée en 2003 a, d'un autre côté, montré que le président Paul Biya a été un important bénéficiaire de fonds occultes versés par le pétrolier français qui, ce dernier, après avoir obtenu une concession au Cameroun, donnait au président Paul Biya un pourcentage par baril389. L'Accord de partenariat économique (APE), paraphé par le Cameroun avec l'UE, en janvier 2009, a été négocié du côté camerounais parle ministre du Commerce Luc Magloire MBARGA ATANGANA. L'on constate plus tard, en 2011, qu'il sera président du conseil d'administration des Plantations du Haut Penja (PHP) plus gros exportateur français de bananes au Cameroun390. Cet accord aura permis à la France, par la voix du ministre, d'acquérir des concessions économiques et d'avoir, au niveau commercial, la primauté dans la vente de produits manufacturés. Le groupe Bolloré quant à lui a apporté, en 2008, un soutien financier à la fondation Chantal Biya391.

Ces relations entretenues par les personnalités et responsables camerounais avec les entreprises françaises permettent à la France, par un phénomène de corruption, d'avoir une

386 Fanny Pigeaud, Au Cameroun de Paul Biya, p.238.

387 François-Xavier Verschave, De la FRANÇAFRIQUE à la MAFIAFRIQUE, p.13.

388 Fanny Pigeaud, Op.cit., p.239.

389 Idem, p.148.

390 Fanny Pigeaud, Au Cameroun de Paul Biya, p.152.

391 Ibid, p.239.

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avance en ce qui est de l'acquisition de certains marchés au Cameroun au détriment des États-Unis. La réaction française, aux velléités américaines, se manifeste aussi par le musellement de toute personne voulant remettre en question son projet de puissance au Cameroun. À NJOMBE, où est installée l'entreprise PHP, beaucoup estiment que l'ancien maire de la ville, Éric KINGUE, accusé d'avoir participé à des actes de vandalisme chez PHP lors des troubles de février 2008, et condamné à six ans de prison, a en réalité été puni pour avoir reproché à la compagnie de ne pas payer tous ses impôts392. Ces stratégies françaises sont des réponses aux mécanismes américains tels l'AGOA et de la GSP. L'APD et le D en sont des reliques françaises. Elles ne sont qu'un moyen d'ouvrir les marchés et les opportunités d'affaires aux entreprises françaises qui prétendent aider393. Il s'agit de poursuivre les objectifs de sa politique extérieure tout en promouvant son image généreuse et en renforçant la dépendance camerounaise394.

Ainsi, la coopération économique bilatérale entre la France et le Cameroun dans le domaine pétrolier (TotalFinaElf), les services (le Groupe BOLLORE LOGISTICS), le Contrat Désendettement Développement (D)395, l'implication française dans le cofinancement du barrage de LOM-PANGAR, la centrale à gaz de KRIBI, le 2e pont sur le WOURI, ou le réaménagement des entrées Est et Ouest de DOUALA396 n'ont que pour unique but de limiter l'influence des États-Unis au Cameroun par ses industries et entreprises. La dynamique française pour limiter l'influence des États-Unis au Cameroun se matérialise donc au niveau bilatéral et multilatéral dans divers compartiments. Toutefois, la France n'est pas la seule entité politique à vouloir limiter l'influence américaine au Cameroun. On y retrouve aussi la Chine.

SECTION II : LA MENACE CHINOISE AU PROJET AMERICAIN AU

CAMEROUN

Les principes de l'action chinoise au Cameroun sont inscrits dans le livre blanc de sa politique africaine. Leur but est d'établir et développer un partenariat d'égalité et de confiance mutuelle, dans une coopération dite « gagnant-gagnant », avec le Cameroun. Les moyens

392 Ibid.

393 Michel Kounou, Le Panafricanisme: de la crise à la renaissance, p.285.

394 Ibid, p.284.

395 La première signature a eu lieu en 2005 et la seconde en juillet 2011. Enveloppe de 214 milliards de Francs débloquée par cette dernière, son objectif est le financement des projets de développement tels l'éducation, les infrastructures, la santé etc.

396 Cameroon Tribune, no10408/6609 du mercredi 21 août 2013, pp.4-10.

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l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013

utilisés par les chinois pour limiter l'action américaine sont déployés dans un cadre politico-diplomatique (paragraphe 1) et aussi dans les aspects socioculturel et économique (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La présence politico-diplomatique chinoise au

Cameroun

La politique et la diplomatie sont des piliers de la stratégie chinoise pour limiter l'influence des États-Unis au Cameroun. Nous présenterons tout d'abord le pilier politique et, par la suite, le pilier diplomatique.

a- L'instrumentalisation du Droit international par la

Chine

Après une période d'hibernation, qui s'explique par une tension ayant existée entre les deux pays de 1960 à 1970, les relations diplomatiques entre la Chine et le Cameroun se renforceront dès le 26 mars 1971397. Selon XUE JINWEI, ancien ambassadeur de la République populaire de Chine au Cameroun : « Au cours des 40 années écoulées, malgré les aléas internationaux et les changements intervenus au monde et dans les deux pays respectifs, les relations d'amitié et de coopération se sont développées de façon saine et régulière. La Chine et le Cameroun ont vu leurs échanges de haut niveau se multiplier398. » La Chine pratique au Cameroun une diplomatie de présence par le renforcement de ses représentations diplomatiques et la multiplication de visites au sommet. Les visites du général de division JIA XIAONING399, du vice-premier ministre du Conseil des Affaires, HUI LIANGYU400 ou encore de l'ancien président chinois HU JINTAO, au Cameroun, attestent cette pratique.

Elles représentent une prise de considération sérieuse du Cameroun par ses plus hautes autorités gouvernantes chinoises, contrairement aux États-Unis dont l'un des chefs de l'exécutif n'y a jamais mis le pied. Cette prise en considération conduit ainsi les différents exécutifs camerounais, depuis l'indépendance, à rendre la politesse à leurs pairs chinois, la

397 Jean Cottin Gelin KOUMA, « Le facteur culturel dans la coopération sino-camerounaise : le cas de l'implantation de l'institut Confucius a l'institut des relations internationales du Cameroun (IRIC) » Université de Yaoundé II-Soa, Master II en Relations Internationales option Diplomatie 2010 consulté sur www.google.org

398 Document de l'Ambassade de Chine au Cameroun, « 40e Anniversaire des relations sino-camerounaises 1971-2011 », 2011, p.4.

399 Cameroon Tribune, no 9745/5946 du vendredi 17 décembre 2010, p.2.

400 Ibid., no 9765/5966 du vendredi 14 janvier 2011, pp.2-6.

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dernière visite officielle datant de 2011401. Si pour le président Biya, l'existence de rapports cordiaux avec la Chine permet à son pays d'entrer en possession de financements n'exigeant nullement des contraintes juridiques et institutionnelles, comme c'est le cas avec les États-Unis402, elles sont pour les Chinois le moyen de profiter de leurs ressources naturelles et de limiter la percée américaine.

Cette démarche subtile de la Chine, qui consiste à se réfugier derrière des principes consacrés du droit international comme la souveraineté de l'État, témoigne de son habilité et de sa capacité à s'inscrire dans la dialectique des intelligences403. Pékin met en effet la souveraineté de l'État camerounais au-dessus de toute autre considération. Les propos de HE WENPING, directeur de la section études africaines à l'Académie chinoise des sciences sociales, l'affirment : « La Chine ne pense pas que les droits de l'Homme doivent se situer au-dessus de la souveraineté404 ».

Le contournement des principes démocratiques prônés par les responsables de Washington, qui subordonnent l'aide au développement à des conditionnalités, lui permet ainsi de limiter l'action des États-Unis405. Aussi, Pékin s'appuie-t-il sur des pratiques jugées déloyales par les États-Unis, de même que par d'autres puissances, à savoir la mise en place d'un partenariat fondé sur le respect mutuel, la non-ingérence dans les affaires relevant de la souveraineté camerounaise et le rejet de la légitimité morale des États-Unis406 pour arriver à ses fins au Cameroun407.

La politique chinoise ambitionne donc de limiter le projet géostratégique des États-Unis par un contournement des principes démocratiques prônés par ces derniers. Cette manière de procéder est aussi décelable dans le volet diplomatique.

b- La diplomatie comme second pilier de réduction de l'influence américaine au Cameroun

401 Document de l'Ambassade de Chine au Cameroun, « 40e Anniversaire des relations sino-camerounaises 1971-2011 », 2011, p.4.

402 Séverin Tchokonté « Le projet géostratégique de la Chine en Afrique », p.123.

403 Ibid.

404 Séverin Tchokonté «le projet géostratégique de la Chine en Afrique», p.124.

405 Ibid.

406 Valérie Niquet, « La stratégie africaine de la Chine », pp 363-364.

407 Valérie Niquet, interview donnée au journal Expansion, 1er décembre 2006, cité par Mbaye Cissé, 2007, « l'affirmation d'une stratégie de puissance : la politique africaine de la Chine », in diploweb.com.

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Les relations diplomatiques sino-camerounaises se remarquent par la densité de visites entre Chefs d'État, Membres du Gouvernement ou Hautes personnalités, des deux États, et la signature d'une multitude d'accords. La dernière visite officielle du Président Paul BIYA en Chine, en juillet 2011, est l'une des plus importantes illustrations. Cette dernière s'est soldée par la signature de sept accords économiques :

- l'accord de coopération économique et technique portant sur un don
sans contrepartie de 50 millions de Yuan, environ 3,5 milliards de FCFA,

- l'accord de coopération économique d'un montant de 100 millions de
Yuan, plus de 7 milliards de FCFA, prêt sans intérêt destiné à la réalisation des projets de coopération économique dans les secteurs convenus entre les deux gouvernements,

- l'accord cadre relatif à l'octroi d'un prêt préférentiel de 433 millions de
Yuan, prêt de 31 milliards de FCFA destiné à la réalisation d'un projet e-post,

- l'échange de lettres portant sur la fourniture d'un lot d'équipements
médicaux en faveur de l'Hôpital gynéco-obstétrique de Douala pour un montant de 10 millions de Yuan, environ 713 millions de FCFA,

- l'échange des lettres portant sur la fourniture d'un lot d'équipements
médicaux au centre anti-paludisme sino-camerounais pour un montant de 1,5 millions de Yuan, soit 107 millions de FCFA,

- le mémorandum d'entente sur le tourisme organisé entre le MINTOUR
et l'administration chinoise du tourisme,

- le protocole d'exécution de l'accord culturel existant entre le
Cameroun et la Chine408.

La visite de l'ancien président chinois, HU JINTAO, au Cameroun du 30 janvier au 1er février 2007 est une autre illustration des relations cordiales qu'entretiennent ces deux États. Les acquis de cette visite sont :

- un don octroyé dans le cadre d'un accord de coopération économique et

technique : 2.560.000.000 FCFA,

- un prêt sans intérêt dans le cadre d'un accord de Coopération
Économique et Technique: 1.920.000.000 FCFA,

- un prêt préférentiel sous forme d'Accord-cadre: 22.400.000.000 FCFA,

408 Cameroon Tribune, no 9893/6094 du lundi 25 juillet 2011, p.3.

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- un protocole d'Accord portant annulation des dettes du Cameroun vis-

à-vis de la Chine au 31 décembre2005 : 15.360.000.000 FCFA,

- une dotation pour les études de construction de l'hôpital Gynéco-
Obstétrique et Pédiatrique de Douala: 44.800.000 FCFA,

- la construction de deux (02) écoles rurales ; Don d'équipement à
l'hôpital Gynéco-Obstétrique et Pédiatrique de Yaoundé: 64.000.000 FCFA,

- l'accord-cadre et prêt préférentiel pour le financement du projet CDMA
HUAWEI-CAMTEL: 22.600.000.000 FCFA409.

La participation du Cameroun aux différents sommets Chine-Afrique est un pan de ces relations. Les échanges commerciaux entre la Chine et l'Afrique sont passés en dix ans, de 2000 à 2010, de 10 à 130 milliards de dollars (7,5 à 97 milliards d'euro)410. Les relations sino-camerounaises y sont dynamiques. Elles permettent à la Chine de réduire l'avancée des États-Unis sur le marché camerounais. En effet, caractérisée par une coopération « gagnant-gagnant », la diplomatie chinoise, dite « diplomatie de chèque », renforce les liens avec le Cameroun au détriment des États-Unis, qui perdent d'importants contrats économiques parce qu'Ils conditionnement la signature de contrats à l'application et au respect de valeurs, la démocratie en l'occurrence, jugées nécessaires par Eux avec cet État du Golfe de Guinée. Cette stratégie permet à la Chine d'acquérir un statut de porte-parole de ce pays en voie de développement, d'y gagner des marchés411 et répondre aux mécanismes économiques américains à savoir l'AGOA et le GSP.

La Chine fait usage d'importants moyens politiques et diplomatiques pour contrecarrer les objectifs américains. Cette stratégie est aussi appliquée dans l'aspect culturel et l'aspect économique.

Paragraphe 2 : l'économie et la culture usitées pour une réduction de

l'influence américaine au Cameroun

Nous débuterons par la présence économique de la Chine et, par la suite, continuerons avec la présence culturelle.

409 Ministère des Relations Extérieures, Direction des Affaires d'Asie et des Relations avec l'OCI, Sous-direction des relations avec les pays de l'Extrême-Orient, du pacifique et de l'Océanie, « état des relations Cameroun-Chine », pp.3-6.

410 Jeune Afrique, no 2750 du 22 au 28 septembre 2013, p.9.

411 Ibid.

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a- Les moyens économiques et financiers

La Chine est un important soutien pour le Cameroun dans l'accès aux financements de développement. La Chine se déploie au Cameroun par des investissements directs, l'aide publique au développement, les prêts et les dons. En ce qui est de l'APD, la Chine est l'un des plus importants pays émergents donateurs du Cameroun412.

Pékin y construit des routes, des logements, des chemins de fer, des écoles, des centres de santé et des réseaux d'eau. Elle classe dans la catégorie « aide » les dons, l'assistance technique, les remises des dettes et les prêts sans intérêts. La construction des infrastructures représente 70% de l'aide413.

Outre les multiples dons en matériel on relève d'importantes réalisations chinoises au Cameroun :

- le Barrage hydroélectrique de LAGDO,

- le Palais des Congrès de Yaoundé,

- l'Hôpital Gynéco-Obstétrique et Pédiatrique de Yaoundé inauguré en

2003414,

- la Construction du Palais polyvalent des Sports de Yaoundé, inauguré le

19 juin 2009, a coûté environ 17 milliards de FCFA415.

Trois importants projets sont en cours de réalisation dans les secteurs de l'agriculture, des sports et des télécommunications. En Agriculture, le projet agro-industriel de NANGA EBOKO a été lancé en avril 2006 et connaît une certaine évolution. Il porte sur la culture et la transformation des produits tels que le riz, le maïs, le manioc et l'élevage des autruches416. Le Centre Pilote d'Application des Technologies Agricoles à NANGA EBOKO, dont le coût total des travaux est estimé à 27 milliards et supportés entièrement par le gouvernement chinois, est en cours de construction417. Dans le domaine de la Télécommunication, le projet « CT PHONE » de CAMTEL en partenariat avec la société

412 Jean-Rafael Chaponnière : « l'aide chinoise à l'Afrique : origines, modalités et enjeux », avril 2008 sur google.com

413 Jeuneafrique.com.

414 Ministère des Relations Extérieures, Direction des Affaires d'Asie et des Relations avec l'OCI, Sous-direction des relations avec les pays de l'Extrême-Orient, du pacifique et de l'Océanie, « état des relations Cameroun-Chine », pp.6-11.

415 Ibid.

416 Ibid.

417 Ibid.

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chinoise HUAWEI, dont le financement est de 22,6 milliards de FCFA, est en cours d'exécution bien qu'il ne couvre encore que 05 Provinces (Centre, Littoral, Sud, Extrême-Nord et Ouest)418. Dans le domaine de la Santé nous avons la construction, à Yaoundé, d'un Centre de lutte contre le Paludisme et la construction, à Douala, d'un Hôpital de Référence Mère et Enfant419. Au niveau de l'Alimentation en eau, les travaux d'adduction de la ville de Douala en eau ont débuté. En Sport, les cérémonies de pose de la première pierre du projet de construction des stades de LIMBE et de BAFOUSSAM se sont déroulées respectivement le 18 et le 19 décembre 2009420.

Pour les dons et les prêts, Le 7 janvier 2008, le gouvernement chinois a accordé un prêt sans Intérêt d'environ 1,3 milliard de FCFA pour le financement des projets à convenir par les deux parties. Cette mobilisation de moyens financiers et économiques permet à la Chine de limiter l'influence des États-Unis. En effet, contrairement à l'idée de philanthropie, d'altruisme et de générosité qui l'accompagne, l'APD chinois est un instrument de projection diplomatique, de renforcement des alliances et de promotion d'intérêts économiques chinois au Cameroun. L'aide est une relation intéressée dans laquelle la Chine consent un effort en échange de la poursuite de ses objectifs421. Nantie de 1900 milliards d'USD de réserves de change à la fin 2008 et de 3820 milliards de réserves de devises à la fin 2013 (concurrençant désormais le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale (BM)), la Chine fait de ces ressources financières un outil stratégique de transformation de l'espace camerounais au mieux de ses intérêts par une diplomatie économique dite de « carnet de chèques »422.

Sa « Politique du porte-monnaie423 » est d'autant efficace qu'elle crée un sentiment de dette morale des dirigeants camerounais vis-à-vis d'Elle car, ces derniers ne se conforment pas toujours aux exigences de bonne gouvernance imposés par les États-Unis pour avoir accès aux crédits424. Cette politique chinoise permet ainsi au Cameroun de contourner ces conditions d'aide et, par la suite, accorder des concessions à la Chine dans l'accès au marché ceci au détriment des États-Unis. Cette politique chinoise est donc une réponse à l'AGOA et la GSP, mécanismes économiques américains.

418 Ibid.

419 Ministère des Relations Extérieures, Direction des Affaires d'Asie et des Relations avec l'OCI, Sous-direction des relations avec les pays de l'Extrême-Orient, du pacifique et de l'Océanie, « état des relations Cameroun-Chine », pp.6-11.

420 Ibid.

421 Séverin Tchokonté « Le projet géostratégique de la Chine en Afrique », p.127.

422 Ibid, p.126.

423 Ibid, p.127.

424 Ibid.

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En conclusion, la dotation infrastructurelle du Cameroun par la Chine crée un sentiment de reconnaissance et de gratitude chez les dirigeants camerounais. En retour, ces derniers accordent des concessions à la Chine pour qu'elle pénètre facilement le marché, ce qui réduit les marges de manoeuvres économiques des États-Unis dans le pays. La coopération culturelle constitue aussi une stratégie chinoise de limitation de l'influence américaine au Cameroun.

b- La culture chinoise comme moyen diplomatique à temps réel

La Chine est un pays d'Asie orientale dont le nom usuel en chinois est « ZHONG-GUO », signifiant littéralement « EMPIRE DU MILIEU ». L'actuelle République populaire de Chine peut être considérée comme l'héritière directe, à travers les changements de dynasties et de régime politique, de l'empire QIN fondé en 221 avant Jésus-Christ par QIN SHI HUANG425. La culture chinoise réduit considérablement l'influence des États-Unis au Cameroun. La coopération culturelle entre la Chine et le Cameroun est définie par Pékin et Yaoundé.

Elle se limitait, de l'avis de Narcisse MOUELLE KOMBI, tout d'abord à l'octroi des bourses d'enseignement supérieur et de spécialisation à des jeunes camerounais426. Par la suite, les deux pays ont conclu, le 27 août 1984 à Beijing, un accord de coopération culturelle pour promouvoir leurs relations d'amitié et renforcer leurs échanges culturels427. La culture est un domaine non négligeable dans la coopération entre la Chine et le Cameroun. En effet, selon un diplomate chinois, les chinois se sentaient incompris. Ils ont réalisé que parler une langue étrangère ne suffisait pas à les rapprocher de la population camerounaise.

Aussi décidèrent-ils d'implanter des institutions d'enseignement du mandarin pour une meilleure communication428. Cette offensive se concrétise par l'implantation à l'IRIC, en 2007, de l'Institut Confucius de Yaoundé. Cette institution, depuis son inauguration, a accueilli plusieurs manifestations. L'une des plus importantes était la 3e conférence des

425 Wikipédia, consulté le 08/10/2013 à 06h51mn.

426 N. Mouellé Kombi, « La politique étrangère du Cameroun », Paris, L'Harmattan, 1996, p.158.

427 Ibid.

428 C. Puel, « Quand le monde parlera chinois », publié sur : www.lepoint.fr, consulté le 08/10/2013 à 07h04mn.

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l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013

Instituts Confucius d'Afrique de 2011429. Le Pr. Jean TABI MANGA, président du Conseil d'administration de l'Institut Confucius au Cameroun, a présidé cette conférence. Il affirmera : « Nous avons apprécié le déploiement de la programmation 2009-2010 de l'Institut Confucius.

Sur le plan général des activités, nous avons observé un dynamisme très important de cet institut qui a eu déjà à former depuis sa création en 1996, sous forme d'un centre linguistique, plus de huit cent personnes, animant plusieurs séminaires ici même et en Chine430 ». Y étaient également présents, le président de l'université normale de Zhejiang (partenaire de l'UYII pour l'implantation de ce centre), Pr. Wu FENGMIN et le représentant de l'Ambassade de Chine au Cameroun, Peng Jintao431. La culture chinoise est aussi perceptible par la création des restaurants chinois sur le territoire camerounais de même que l'ouverture d'espaces commerciaux où y sont vendus leurs produits.

La puissance culturelle étant un ensemble de moyens matériels et symboliques permettant à un État de réaliser ses ambitions géopolitiques432, elle véhicule une idée de la culture comme instrument de puissance433. La culture chinoise participe, à travers l'enseignement du mandarin, à sa politique de limitation de l'influence des États-Unis au Cameroun434. Les instituts Confucius sont à la fois des centres culturels et des modèles d'alliances chinoises. En plus de l'étude des langues et des manifestations culturelles, ces instituts forment des consultants pour les entreprises et les organisations locales désireuses de faire des affaires en Chine435.

Cet usage de la langue chinoise auprès des populations camerounaises permet, aux entreprises et à l'État chinois, d'acquérir des secrets stratégiques, militaires comme industriels, pour l'accessibilité au marché. En effet, ces fondations sont généralement des sources et lieux d'informations pour les services de renseignements chinois à travers la fréquentation, de ces milieux, de diplomates et responsables militaires camerounais venant se former au mandarin. Le chinois est la deuxième langue la plus utilisée sur le web et le nombre

429 Ibid.

430 Monica NKODO, « Chine-Afrique : Rencontre autour de Confucius » publié sur www.camerouninfonet.com, consulté le 08/10/2013 à 07h12mn

431 Ibid.

432 L. Sindjoun, « A la recherche de la puissance culturelle dans les relations internationales : essai de caractérisation du concept et d'appréhension du phénomène », in Revue camerounaise de politique internationale, no 001, 1er semestre 2007, p.4.

433 Séverin Tchokonté, « Le projet géostratégique de la Chine en Afrique », p.132.

434 Ibid.

435 Ibid.

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de personnes qui s'inscrivent au test de compétence du mandarin chinois a augmenté de 40 à 50 % par année, taux de croissance similaire à celui du test TOEFL dans ses dix premières années436. Il favorise l'intensification de rencontres à caractère culturel et l'octroi de bourses d'étude aux étudiants des deux États. On peut citer le spectacle de danse, d'acrobatie et de Kung Fu donné par une troupe artistique chinoise au Cameroun au palais des sports en septembre 2009437.

Le nombre de bourses accordées aux étudiants africains ne cesse de croitre. Depuis 2003, le nombre d'Africains allés étudier en Chine augmente de 20% par an. En 2005, les universités chinoises ont accueilli 2 757 étudiants africains, et jusqu'à 3 737 pour l'année 2006, soit une hausse de 40%, d'après les statistiques officielles du ministère chinois de l'éducation438. Par cette façon d'agir, la Chine pousse l'opinion camerounaise, surtout estudiantine, à se tourner vers l'Empire du Milieu pour acquérir une technologie de pointe nécessaire à une spécialisation rapide, donc au développement. C'est une stratégie de contournement d'initiatives américaines, à l'instar des bourses et de la loterie américaines, accordées aux camerounais.

Les points d'implantation de l'Institut Confucius sont un maillon important de la projection de la Chine sur la scène camerounaise et de limitation de l'influence culturelle des États-Unis au Cameroun.

CONCLUSION DU CHAPITRE

La Chine et la France ne ménagent aucun effort pour limiter l'action des États-Unis au Cameroun. Elles utilisent chacune différentes stratégies qui s'expriment dans les domaines de la politique, la diplomatie, l'économie, le militaire et la culture qui sont des réponses concrètes aux tentatives élaborées par les États-Unis afin de mettre cet État du Golfe de Guinée sous son giron géopolitique et géostratégique.

436 Séverin Tchokonté, « Le projet géostratégique de la Chine en Afrique », p.132.

437 Ibid., p133.

438 Ibid., p134.

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CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

Le Cameroun constitue un important enjeu pour les États-Unis, dans le Golfe de Guinée, en raison de leur déficit énergétique ne leur permettant pas de satisfaire leurs besoins. En raison de sa situation géographique et de ses atouts, les États-Unis mettent en place des stratégies pour quadriller le Cameroun et l'introduire dans la liste des pays étant sous son giron politique. Les États-Unis déploient pour ce faire des moyens politiques (l'octroi d'aide pour la promotion d'un État de droit), diplomatiques (l'anticipation des décisions politiques à partir de liens étroits entre diplomates américaines et responsables politiques camerounais), économiques (rapports privilégiés par l'AGOA ou encore l'inauguration du pipeline Tchad-Cameroun) ou encore culturels et militaires. Ces relations particulières permettent aux américains d'avoir une mainmise sur l'appareil gouvernemental et se donner la possibilité d'anticiper sur les décisions de responsables politiques camerounais.

Toutefois, les États-Unis voient leur projet de quadrillage menacé par la France et la Chine qui ne souhaitent pas voir les États-Unis profiter, à eux seuls, des multiples richesses de cet État du Golfe de Guinée, région à la production pétrolière sans cesse croissante. La France, ancienne puissance tutrice, s'appuie sur les différents régimes politiques camerounais pour limiter l'influence américaine, aussi sur les concessions que lui accorde le Cameroun, lors de la signature de contrats économiques, pour réduire les marges de manoeuvres des États-Unis sur le marché camerounais. La Chine quant à elle utilise une stratégie qui consiste à contourner et à affaiblir les États-Unis à partir des failles qu'Ils créés en subordonnant leurs aides, au Cameroun, à des conditionnalités. Aussi, la Chine octroie d'importants dons, prêts et soutiens logistiques au Cameroun pour qu'il parvienne à son objectif d'émergence programmé en 2035.

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l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013

CONCLUSION GENERALE

Il était question, dans ce travail de recherche, de présenter le projet géostratégique des États-Unis dans le Golfe de Guinée à travers une analyse de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013. Nous avons ainsi trouvez opportun de convoquer, pour montrer les raisons poussant les États-Unis à vouloir mettre le Cameroun sous son giron stratégique, le réalisme et le transnationalisme dans le cadre théorique.

La première raison est interne aux États-Unis. Nous avons constaté, dans le chapitre premier en effet, qu'ayant intensément exploité leurs ressources naturelles, particulièrement leurs réserves de pétrole, ressource stratégique pour leur sécurité et leur rayonnement économique, et se trouvant dans l'incapacité de satisfaire les besoins nationaux, les États-Unis se trouvent dans l'obligation de trouver une région pouvant subvenir à leur déficit énergétique. Avec la signature du « Pacte de l'USS QUINCY », le 14 février 1945, le Moyen-Orient deviendra la plus importante région d'alimentation des États-Unis en ressources stratégiques, particulièrement en pétrole.

Toutefois, la montée de l'insécurité doublée d'un sentiment anti-américain au Moyen-Orient pousse les États-Unis à trouver une région alternative pouvant pallier à leur situation de déficit énergétique. Cette région est le Golfe de Guinée. En effet, l'Afrique subsaharienne affiche une capacité de production de 6% des extractions mondiales de pétrole dont 4 millions de barils produits par jour proviennent du Golfe de Guinée. Aussi avons-nous démontré dans le deuxième chapitre que, pour mieux profiter de cette région, les États-Unis chercheront un État qui soit à même de leur permettre d'atteindre leurs objectifs. Le Nigeria, plus grand producteur en or noir, sera choisi en premier. N'étant plus en mesure de jouer pleinement ce rôle, en raison de différents soubresauts qui le frappe, le dévolu sera jeté sur le Cameroun présentant d'importants avantages et atouts aux yeux des États-Unis. En effet, à partir de ses côtes sud-ouest, le Cameroun s'ouvre sur l'océan Atlantique et Jouit de plusieurs façades maritimes.

Cette ouverture maritime, mais aussi sa position centrale dans le Golfe de Guinée et sa stabilité politique, augmentent la convoitise des États-Unis qui, puissance maritime, ont comme objectif de contrôler tous les carrefours maritimes les plus stratégiques du globe. C'est ainsi qu'à partir de ces atouts, les Américains mettront en place un projet de quadrillage de cet État. Les États-Unis utilisent différentes stratégies, dans le domaine politique, diplomatique,

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militaire, économique et socioculturel, pour mettre le Cameroun sous quadrillage géostratégique. Dans le domaine politique présenté dans le troisième chapitre de la deuxième partie, les États-Unis font subtilement usage de la fibre démocratique, à travers la promotion d'un État démocratique, par une exigence du respect des droits et libertés fondamentaux, pour mettre l'État camerounais dans son giron politique.

Les visites de hauts responsables américains, les relations amicales entre différents responsables politiques camerounais et américains, et le rôle joué par d'anciens ambassadeurs américains dans la lutte contre la corruption, initiée par gouvernement camerounais, constituent la stratégie diplomatique américaine. Dans le cadre du soft power, pour amener le Cameroun à se rapprocher, les États-Unis mettent en oeuvre d'importants rapports économiques dont le plus illustre est l'inauguration du pipeline Tchad-Cameroun, gigantesque investissement dont le coût est estimé à un peu plus de 2500 milliards de francs CFA. Aussi, l'implantation d'institutions d'enseignement de langue anglaise et l'organisation d'expédition culturelles, par l'association ARK JAMMERS, permettant aux Africains-Américains de connaitre leurs origines africaines, est à suggérer dans leur projet de quadrillage par la fibre culturelle. L'angle militaire n'est pas en reste, avec l'organisation d'exercices militaires en vue de former des officiers camerounais pour une riposte efficiente aux attaques terroristes, phénomène allant grandissant au niveau de certaines frontières camerounaises. Les États-Unis ne lésinent pas sur les moyens qui leur permettront de profiter des atouts et avantages camerounais. Toutefois, Ils voient leur projet menacé par la France et la Chine.

Présente depuis la colonisation au Cameroun, la France fait usage de l'influence qu'elle a sur les régimes politiques au pouvoir depuis l'indépendance du pays, grâce au phénomène d'extraversion, pour limiter les velléités américaines. Aussi, les concessions dont elle profite lors de la signature de contrats économiques, à l'exemple de l'accord de partenariat économique (APE), paraphé en janvier 2009, lui permet de limiter la percée économique des États-Unis. Cette stratégie française se remarque aussi dans les institutions internationales comme l'UE et l'OIF, bras séculiers de la France dans le combat inégal l'opposant aux États-Unis.

La Chine quant à elle, au niveau politique, contourne les principes démocratiques prônés par les responsables de Washington subordonnant l'aide au développement à des conditionnalités, et aussi, au niveau économique, à travers sa « Politique du porte-monnaie »,

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créant un sentiment de dette morale des dirigeants camerounais, limite l'influence des États-Unis au Cameroun. Parvenus au terme du travail, nous pouvons affirmer l'intérêt stratégique qu'occupe le Cameroun dans le projet d'encerclement du Golfe de Guinée par les États-Unis. La volonté des dirigeants américains est de lui faire jouer le rôle d'allié de revers et État pivot dans cette région. Mais les avantages et atouts qu'il présente poussent d'autres États hégémoniques, la France et la Chine, à mettre en oeuvre des contre-projets pour limiter son influence dans cette entité étatique. Le Cameroun est donc une variable du jeu entre ces puissances dans le Golfe de Guinée et demeure spectateur dans ce combat qu'elles se livrent dans cette région, nouveau théâtre de leur déploiement géostratégique.

Le restera-t-il pendant longtemps ? Il pourrait capitaliser ses intérêts, au mieux de ceux des États-Unis et des autres puissances désireuses de profiter de ses ressources naturelles, en s'inscrivant dans la logique de la ruse et en faisant preuve de finesse d'esprit. Pour ce faire, il doit établir indépendamment ses politiques, utiliser ses propres ressources et richesses en s'inspirant d'autres cultures comme l'a fait la Chine car, le rejet de l'Occident est impossible, mais le Kémalisme, consistant à accepter la culture de l'autre tout en rejetant la sienne, n'a pas réussi. Ainsi, si le Cameroun veut se moderniser, il doit le faire à sa manière et, à l'instar du Japon, s'appuyer sur ses traditions, ses institutions et ses valeurs439. Cela passe d'une phase de « docilité », partant d'un sentiment d'assujettissement vis-à-vis des projections hégémoniques de partenaires tant bilatéraux que multilatéraux, à celle d'auto-affirmation partant de propositions, de défense et de développement d'un modèle politique, économique, stratégique et culturel camerounais propre dans tous les canaux d'échange avec l'extérieur440.

439 Huntington S. (1997-2000) Le choc des civilisations, Paris, Odile Jacob, Avril, p 223.

440 Laurent Mbassi, « Les temps sont-ils accomplis ? De l'idée et de l'usage du pouvoir en contexte africain » cf. Repenser le développement à partir de l'Afrique, sous la direction de Jean-Emmanuel Pondi, Afrédit, Africaine d'Edition, Yaoundé, mai 2011, p. 163.

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TABLE DES MATIERES

SIGLES ET ABREVIATIONS 2

ILLUSTRATIONS 4

A. LES CARTES 4

B. LES TABLEAUX 4

RESUME 5

ABSTRACT 6

INTRODUCTION GENERALE 7

I- HISTORIQUE DES RELATIONS AMERICANO-CAMEROUNAISES ET

RAISONS DE LEURS INTENSIFICATIONS 8

II- INTERETS DU SUJET 12

1- L'intérêt scientifique 12

2- L'intérêt stratégique 13

III- CLARIFICATION CONCEPTUELLE ET DELIMITATION SPATIO-

TEMPORELLE 13

A- Clarification conceptuelle 13

B- Délimitation spatio-temporelle 15

IV- REVUE DE LA LITTERATURE 18

V- PROBLEMATIQUE 22

VI- HYPOTHESES 24

VII- METHODOLOGIE 25

VIII-PLAN DU TRAVAIL

29

PREMIERE PARTIE : LES ETATS-UNIS : UNE GRANDE PUISSANCE A LA

CONQUETE DU CAMEROUN 30

CHAPITRE I : 32

LA DEPENDANCE DES ETATS-UNIS EN RESSOURCES ENERGETIQUES 32

SECTION I : L'INCAPACITE DES ETATS-UNIS A COUVRIR LEURS BESOINS

ENERGETIQUES 33

Paragraphe 1 : l'insuffisance de réserves liée à une exploitation très élevée 34

Paragraphe 2 : la dépendance énergétique des États-Unis vis-à-vis du Golfe Persique 36

SECTION II : LA MONTEE DE L'INSECURITE AU MOYEN-ORIENT : RAISON D'UN DESENGAGEMENT POTENTIEL DES ETATS-UNIS ET D'UNE

RECHERCHE DE MARCHES PETROLIERS ALTERNATIFS 42

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CONCLUSION DU CHAPITRE 44

CHAPITRE II : 45

LES ATOUTS DU CAMEROUN DANS LE GOLFE DE GUINEE : OBJET DE

CONVOITISE POUR LES ETATS-UNIS 45

SECTION I : LES MOTIVATIONS DE LA PRESENCE SANS CESSE

GRANDISSANTE DES ETATS-UNIS AU CAMEROUN 46

Paragraphe 1 : l'argument géographique comme l'une des raisons de la ruée américaine

47

Paragraphe 2 : les atouts internes du Cameroun : fondements d'une convoitise américaine

48

SECTION II : LES MOTIVATIONS STRATEGIQUES DE LA RUEE AMERICAINE AU

CAMEROUN 51

Paragraphe 1 : la production croissante en ressources stratégiques du Golfe de Guinée 51

Paragraphe 2 : les mobiles américains : rééquilibrage du marché pétrolier mondial et

quadrillage du Golfe de Guinée 56

CONCLUSION DU CHAPITRE 58

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 59

DEUXIEME PARTIE : LE PROJET GEOSTRATEGIQUE DES ETAS-UNIS AU

CAMEROUN 60

CHAPITRE III : 62

LE DEPLOIEMENT AMERICAIN AU CAMEROUN 62

SECTION I : L'EXPRESSION DE LA MANOEUVRE AMERICAINE DANS SES

RELATIONS BILATERALES AVEC LE CAMEROUN 63

Paragraphe 1 : les moyens politico-diplomatiques utilisés par les États-Unis 63

Paragraphe 2 : les moyens socio-économiques et militaires utilisés par les américains

dans l'espace camerounais 72

SECTION II : LA MANOEUVRE AMERICAINE DANS LE CADRE MULTILATERAL 84

Paragraphe 1 : l'influence des États-Unis au niveau politico-diplomatique 84

Paragraphe 2 : la présence des États-Unis dans le domaine économique 87

CONCLUSION DU CHAPITRE 88

CHAPITRE IV : 89

LES MENACES FRANÇAISE ET CHINOISE AU PROJET AMERICAIN 89

SECTION I : LA REPONSE FRANCAISE AU PROJET AMERICAIN AU CAMEROUN

90

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Paragraphe 1 : l'usage de la politique et de la diplomatie par la France 90

Paragraphe 2 : la dynamique socioculturelle et économico-militaire de la France au

Cameroun 98

SECTION II : LA MENACE CHINOISE AU PROJET AMERICAIN AU CAMEROUN 106

Paragraphe 1 : La présence politico-diplomatique chinoise au Cameroun 107

Paragraphe 2 : l'économie et la culture usitées pour une réduction de l'influence

américaine au Cameroun 110

CONCLUSION DU CHAPITRE 115

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 116

CONCLUSION GENERALE 117

BIBLIOGRAPHIE 120

OUVRAGES 120

RAPPORTS, THESES, MEMOIRES ET REVUES. 121

ARTICLES SCIENTIFIQUES. 122

USUELS ET JOURNAUX. 123

TABLE DES MATIERES 124






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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein