Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 1
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE 7
PREMIERE PARTIE : LES ETATS-UNIS : UNE GRANDE PUISSANCE A LA
CONQUETE DU
CAMEROUN 30
CHAPITRE I : 32
LA DEPENDANCE DES ETATS-UNIS EN RESSOURCES ENERGETIQUES 32
SECTION I : L'INCAPACITE DES ETATS-UNIS A COUVRIR LEURS BESOINS
ENERGETIQUES 33
SECTION II : LA MONTEE DE L'INSECURITE AU MOYEN-ORIENT : RAISON
D'UN DESENGAGEMENT POTENTIEL DES ETATS-UNIS ET D'UNE RECHERCHE DE MARCHES
PETROLIERS ALTERNATIFS 42
CONCLUSION DU CHAPITRE 44
CHAPITRE II : 45
LES ATOUTS DU CAMEROUN DANS LE GOLFE DE GUINEE : OBJET DE
CONVOITISE POUR LES
ETATS-UNIS 45
SECTION I : LES MOTIVATIONS DE LA PRESENCE SANS CESSE
GRANDISSANTE DES
ETATS-UNIS AU CAMEROUN 46
SECTION II : LES MOTIVATIONS STRATEGIQUES DE LA RUEE
AMERICAINE AU
CAMEROUN 51
CONCLUSION DU CHAPITRE 58
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 59
DEUXIEME PARTIE : LE PROJET GEOSTRATEGIQUE DES ETAS-UNIS AU
CAMEROUN 60
CHAPITRE III : 62
LE DEPLOIEMENT AMERICAIN AU CAMEROUN 62
SECTION I : L'EXPRESSION DE LA MANOEUVRE AMERICAINE DANS
SES RELATIONS
BILATERALES AVEC LE CAMEROUN 63
SECTION II : LA MANOEUVRE AMERICAINE DANS LE CADRE MULTILATERAL
84
CONCLUSION DU CHAPITRE 88
CHAPITRE IV : 89
LES MENACES FRANÇAISE ET CHINOISE AU PROJET AMERICAIN
89
SECTION I : LA REPONSE FRANCAISE AU PROJET AMERICAIN AU CAMEROUN
90
SECTION II : LA MENACE CHINOISE AU PROJET AMERICAIN AU CAMEROUN
106
CONCLUSION DU CHAPITRE 115
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 116
CONCLUSION GENERALE 117
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 2
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
SIGLES ET ABREVIATIONS
AIA : Association Internationale Africaine
AIF : Agence Intergouvernementale de la Francophonie
AIMF : Association Internationale des Maires Francophones
APD: Aide Publique au Développement
AGOA: African Growth Opportunity Act
AOPIG: African Oil policy Initiative Group
BEI: Banque Européenne d'Investissement
BM : Banque Mondiale
D : Contrat Désendettement Développement
CAPED : Centre Africain d'Études stratégiques
pour la Paix et le Développement
CEEAC : Communauté Économique des États
de l'Afrique Centrale
CEMAC: Communauté Économique et Monétaire
des États de l'Afrique Centrale
CNN : Cable News Network
CSID : Cours Supérieur Interarmées de
Défense
DSCE : Document de Stratégie pour la Croissance et
l'Emploi
EIA : Energy Information Administration
EMIA : École Militaire Inter Armées
ESIGY : École Supérieure Internationale de
Guerre de Yaoundé
FCFA: Franc de la Communauté Financière
Africaine
FED : Fonds Européen de Développement
FMI: Fond Monétaire International
GAFC : Groupe d'Amitié France-Cameroun
GSP: Système Généralisé de
Préférence des États-Unis
GSPC : Groupe Salafiste pour la Prédication et le
Combat
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 3
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
IFES: International Foundation for Election System
INS: Institut National de la Statistique
IPPTE : Initiative des Pays Pauvres et Très
Endettés
IWCA: International Women of Courage Awards
MINEREX: Ministère des Relations Extérieures
MINEPAT : Ministère de l'économie, de la
Planification et de l'Aménagement du Territoire
NDI : National Democratic Institute
OIF: Organisation Internationale de la Francophonie
OMD: Objectifs du Millénaire pour le
développement
ONU : Organisation des Nations Unies
OPEP : Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole
ONG : Organisation Non Gouvernementale
OUA : Organisation de l'Unité Africaine
PAS : Programme d'Ajustement Structurel
PPTE : Pays Pauvres Très Endettés
RDC : République Démocratique du Congo
REDEEU : Revue Électronique du Département
d'État des États-Unis
RECAMP : Renforcement des Capacités Africaines de
Maintien de la Paix
RFI : Radio France International
SIDA: Syndrome Immunodéficience Acquise
UA : Union Africaine
UE : Union Européenne
US-AFRICOM: United States African Command
US-EUCOM: United States European Command
USAID: Agence Américaine pour le Développement
International
VIH: Virus de l'Immunodéficience Humaine
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 4
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
ILLUSTRATIONS
A. LES CARTES
Carte 1 : localisation de la région du Golfe de
Guinée 19
B. LES TABLEAUX
Tableau no 1 : Les réserves prouvées de
pétrole brut par région du monde en 2009 39
Tableau no 2 : La production de pétrole brut
par région du monde en 2009 40
Tableau no 3 : Les exportations de pétrole brut
par région du monde en 2009 41
Tableau no 4 : Les importations américaines de
pétrole brut au Moyen-Orient entre 1993 et
2008 ..43
Tableau no 5 : La production et les réserves
d'hydrocarbures en Afrique fin 2006 56
Tableau no 6 : Les importations américaines au
Cameroun dans le cadre de l'AGOA et du GSP, entre 2007 et 2009 ..78
Tableau no 7 : Les accords et conventions militaires
établis entre le Cameroun et la France de
1960 à
1974 105
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 5
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
RESUME
La fin du Communisme correspond aussi, pour les
États-Unis d'Amérique, à l'arrêt de la tutelle
stratégique exercée par leurs alliés,
particulièrement la France, sur le Continent africain. En effet, la
situation plutôt tumultueuse au Moyen-Orient, leur principale zone
d'approvisionnement en ressources stratégiques, importantes pour leur
sécurité nationale de même que pour leur rayonnement
économique mondial, conduit les américains à
s'intéresser à cette partie du monde longtemps
considérée comme sans intérêt. L'une de ses
régions, le Golfe de Guinée, présentant une production
pétrolière sans cesse croissante, fait l'objet d'une plus ample
attention. Principalement l'État le plus producteur où ils
possèdent d'importants investissements : le Nigeria. Mais les
soubresauts qui entachent la stabilité de ce pays amènent, une
fois de plus, les États-Unis à trouver un État qui leur
soit favorable et leur permet de se projeter facilement dans d'autres pays de
la région. Le Cameroun, pays économiquement et politiquement
stable, possédant aussi une façade maritime importante pour les
américains, dans leur but de contrôler les carrefours maritimes
mondiaux, entre aujourd'hui dans leur projet géostratégique dans
le Golfe de Guinée. Cela s'affirme par leur engagement
économique, politique et militaire auprès de cet État pour
l'accompagner dans son émergence en 2035. Mais l'ancienne puissance
tutrice, la France, qui possède d'énormes intérêts
dans ce pays, ayant fait partie de son pré-carré, essaie de les
préserver en mettant en place des stratégies de blocage, et de
destruction, du projet américain. Elle est concurrencée, dans
cette lancée, par la Chine. En effet, puissance économique, dont
l'industrie est énergivore en ressources stratégiques
indispensables à sa survie, la Chine trouve nécessaire de se
rapprocher du Cameroun faisant preuve de stabilité dans une
sous-région victime de multiples conflits et limitant de ce fait la
volonté américaine de le quadriller.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 6
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
ABSTRACT
For the United States of America (USA), end of Communism means
the end of strategic guardianship which was used by their allied, like France,
in Africa. Disturbances which happened in the Middle East pushed their
interests in others areas which were considered as not important. In spite of
the fact that it was their main zone for supplying in strategic resources,
which contribute in their national security and economic reliance, they started
coveting Gulf of guinea which has an increasing important petroleum production.
So, they had full investments in States as Nigeria but, it appears many
difficulties which annoy its security and stability. In fact these problems
lead USA to find another partner which can make their deployment easier in the
Gulf of Guinea. So, Cameroon is seen as their best choice for achieving their
strategic goals. This country is well known because of its economic and politic
stability. Also, its maritime facade is an advantage for USA in controlling of
different flux and maritime crossroads in the world. Therefore, they are
investing in politic, economic, and military domains which can help Cameroon to
emerge 2035. But, the crux of the matter is that: others countries like France,
which has an old relationship with Cameroon, continue to pursue their
multidimensional undertakings. So, they put all in place to destroy American's
plans. In addition, Asiatic States like China which need more strategic
resources for their developing industries, try to improve their cooperation
with Cameroon which stay an opportunity in a part of the world where conflicts
are recurrent. Finally, many countries are jeopardizing American's blueprints
in Cameroon which is however an asset to reach in Gulf of Guinea resources and
it is why they are on their way of reinforcing their initiatives.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 7
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
INTRODUCTION GENERALE
Les États-Unis d'Amérique font leur apparition
sur la scène africaine dès le XIXème
siècle, par l'intermédiaire de l'Association Internationale
Africaine (AIA). Cette association accorde une aide à Léopold II,
roi des belges, le 22 avril 1884. Ce dernier a pour ambition de fonder un
État libre autour du fleuve Congo. Ils participent aussi à la
conférence de Berlin qui se tient du 15 novembre 1884 au 26
février 1885, destinée à limiter les futurs conflits
à des négociations diplomatiques entre les grandes puissances
européennes et américaines1. Bien que participant au
partage de l'Afrique, leur présence sur le terrain reste limitée
jusqu'à la fin de la guerre froide, conflagration les opposant à
l'ex-URSS. C'est pour cela qu'Henry Kissinger a affirmé qu'en l'absence
d'adversaire stratégique menaçant le Continent, ou d'État
africain inamical nourrissant des ambitions hégémoniques, une
nouvelle politique africaine n'a aucune justification
stratégique2.
Il a donc été observé un
désintérêt américain pour cette partie du monde. Ce
sentiment est confirmé par les allégations de l'ancien
président américain, Georges WALKER BUSH qui, avant son accession
au pouvoir en janvier 2001, déclarait sans ambages ne pas
intégrer l'Afrique dans la stratégie globale des
États-Unis3. Mais, un regain d'intérêt
porté au Continent par ces derniers se fera ressentir dès la fin
du communisme. Il s'exprime par le désir de ne plus laisser les
puissances européennes exercer, à elles seules, une tutelle
politique sur l'Afrique4. En effet, en visite à Johannesburg
en Afrique du Sud, le 12 octobre 1996, le secrétaire d'État
américain, Warren CHRISTOPHER, déclarait : « le temps est
fini où l'Afrique pouvait être divisée en sphère
d'influences, où les puissances extérieures pouvaient
considérer des groupes entiers de pays comme leur domaine
réservé5 ». Par la suite, ce regain
d'intérêt pour l'Afrique s'est accentué avec l'importance
accordée au continent après les attentats du 11 Septembre 2001.
Selon le document de stratégie de sécurité nationale des
États-Unis d'Amérique de septembre 2002, l'Afrique revêt
une grande importance pour la
1 Péan P. 2010, « Carnages: les
guerres secrètes des grandes puissances en Afrique »,
pp.132-133.
2 Henry Kissinger, « La nouvelle puissance
américaine », Paris, Fayard 2003, p.223.
3 P. N. Lyman, « A strategic approach to
terrorism », in Rotchild, D. and Keller, J. E. Africa-US
relations: strategic encounters, Reinner Publishers, 2006, p.49 ; Servant
J. C. « Offensive sur l'or noir africain: une priorité
géostratégique » in Le Monde Diplomatique,
janvier 2003.
4 Alain Fogue T. « Enjeux
géostratégiques et conflits politiques en Afrique noire
», Paris, L'Harmattan 2008, p.287.
5 Ibid., p.292.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 8
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
paix et la sécurité mondiale6. Les
attentats du 11 Septembre 2001 ont relevé que la menace à grande
échelle ne vient plus uniquement des grandes puissances, mais davantage
des États en faillite, faibles, des acteurs et facteurs internationaux
de nuisance, qui trouvent en Afrique un terrain fertile à leur
épanouissement7. Cet intérêt porté
à l'Afrique est d'une grande importance dans la région du Golfe
de Guinée où se trouve le Cameroun.
I- HISTORIQUE DES RELATIONS AMERICANO-CAMEROUNAISES
ET RAISONS DE LEURS INTENSIFICATIONS
« In May 1957, Robert C. Foulon was appointed Consular
Officer to Cameroon, and a U.S. Consulate was opened at Yaounde on July 5,
1957. On April 10, 1959, the Consulate became a Consulate General. According to
a U.S. Department of State press release issued on January 5, 1960, the
American Consulate General at Yaounde, Cameroun, was elevated to an Embassy on
January 1, 1960, upon formal attainment of independence by the former United
Nations Trust Territory under French administration8. » En
d'autres termes, en mai 1957, Robert C. Foulon avait été
nommé consul au Cameroun. Mais c'est seulement le 05 juillet 1957 que le
consulat américain fut ouvert à Yaoundé. Plus tard, le 10
avril 1959, il devint consulat général. Dans ce sens, le
département de la presse d'État américain observe : «
le consulat général américain à Yaoundé au
Cameroun a été élevé au rang d'ambassade le 01
janvier 1960 dans la mouvance de l'indépendance sous l'administration
française ». C'est dire que les relations entre les deux
États ont été établies bien avant la vague
d'indépendances africaines. Elles ont toutefois connu une
évolution en dents de scie.
Entre 1960 et 1989, ces relations
américano-camerounaises se caractérisent par le
désintérêt qu'affichent les États-Unis à
l'Afrique, l'important pour eux se trouvant en Asie et au Moyen-Orient. Ils
préféreront accorder la tutelle politique de cette zone du monde
à leurs alliés européens. Mais cette situation a
changé après leur victoire sur le communisme. La deuxième
phase, qui se situe entre 1990-1996, sera tendue. En effet, les
États-Unis d'Amérique exigent des réformes en faveur de la
démocratie que la jeune République du Cameroun ne maitrise pas
suffisamment. Cette situation conduira à la détérioration
des rapports entre les deux États. Les États-Unis remettent en
cause à la fois l'organisation
6 Alexis Nzeugang, « Les
États-Unis en Afrique après le 11 septembre 2001 : dynamiques
locales d'une puissance globale. » Thèse de doctorat/Ph.D en
science Politique, Université de Yaoundé II, 2009/2010, p.11.
7 Ibid.
8 Document internet sur les Relations
bilatérales entre le Cameroun et les USA sur
Google.com, p.9.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 9
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
gouvernementale et celle du régime politique
camerounais. L'autorité représentative des États-Unis au
Cameroun de l'époque, l'ambassadeur Frances Cook, apportera même
son soutien à « l'opposition radicale », pendant la
période de fortes tensions politiques de 1991 à 1992.
Aussi, les rapports d'Organisations non-gouvernementales
américaines sont sévères sur l'état de la
démocratie au Cameroun. La National Democratic Institute (NDI), dans son
rapport de 1992, affirme que la République du Cameroun est une «
République multipartite seulement de nom. Le Cameroun continue à
être gouverné en réalité par le président
Biya et son cercle de conseillers, issus principalement de son groupe ethnique
et de son parti le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais
»9. Cette tension trouvera son point d'orgue avec la suspension
de l'aide de l'Agence Américaine de Développement International
(USAID) au Cameroun, le 19 novembre 1993. Mais par la suite, il se
présentera une accalmie et un renforcement des relations entre les deux
pays, vers la fin des années 199010.
L'accalmie dans les relations américano-camerounaises
est le fait de deux évènements. En premier, l'élection de
Kofi ANNAN, candidat favori des Américains à la tête de
l'Organisation des Nations Unies (ONU), avec le soutien du Cameroun. En second,
l'élection présidentielle au Cameroun en 1997 qui fut
présentée, par l'organisme américain International
Foundation for Election System (IFES), comme exemplaire. Elle conduira à
la publication, par cet organisme, d'un rapport positif sur l'avancée
démocratique du Cameroun. Ce temps de grâce pour le Cameroun sera
ponctué en juillet et novembre 1998 respectivement par la visite du
ministre américain des transports, Rodney SLOTER, et d'une
délégation importante conduite par le maire de New York C. M.
Mario BARRYERE. Il se poursuivra après les attentats du 11 septembre
2001, grâce au passage du Cameroun à la présidence
tournante du conseil de sécurité de l'ONU, sustenté par la
visite du président Paul Biya à Washington à la veille de
l'« opération liberté pour l'Irak ». Ce moment marquant
l'âge d'or de la relation américano-camerounaise11.
À partir de ces relations cordiales entre les deux
États, grâce aux richesses du Cameroun et à ses avantages
géographiques et géostratégiques, se développera un
intérêt
9 M. D. Ebolo, 1998, « L'implication des
puissances occidentales dans le processus de démocratisation en Afrique
: analyse des actions américaines et françaises au Cameroun,
1989-1997 », in Polis, Vol.6, no 2, pp.19-55.
10Alexis Nzeugang, « Une lecture de
la coopération américano-camerounaise depuis 2001 : contribution
à l'étude des dimensions pétrolières et militaires.
» Master II en Science Politique, Université de Yaoundé II,
2005/2006, Pp.2-3.
11 Nzeugang, « Une lecture de la
coopération américano-camerounaise depuis 2001... », pp.
2-3.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 10
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
grandissant de Washington pour Yaoundé. La
stabilité du Cameroun dans le Golfe de Guinée, région
assez instable, est l'une des qualités appréciées par les
États-Unis, comme sa richesse en ressources naturelles
stratégiques. Ces atouts sont une particularité qu'utilisent les
américains pour atteindre leurs objectifs.
Plusieurs raisons sont à l'origine de la convoitise
américaine pour le Cameroun. Sur le plan politique, Il fait preuve d'une
stabilité en Afrique et dans la région
subsaharienne12. Ensuite, dans l'Afrique Centrale,
spécifiquement dans la sous-région CEMAC constituée de six
États (le Cameroun, le Tchad, la République Centrafricaine, le
Gabon, le Congo et la Guinée-Équatoriale)13, Il
s'impose comme leader sur le plan économique. Concernant les atouts
socioculturels, le Cameroun est un pays bilingue dont les langues officielles
sont le français et l'anglais14. L'usage de l'anglais fait de
lui un enjeu non négligeable pour les États-Unis, tant il est
vrai que la culture, voire la langue, participe des critères qui
justifient l'orientation géographique des investisseurs15.
Dans un autre registre s'apprécie la multiplicité de ses groupes
ethniques (plus de 250) et de ses langues nationales chiffrées à
270 environ16.
La diversité religieuse n'est pas en reste, les plus en
vue étant le christianisme (53%), l'islam (22%) et les cultes africains
(25%)17. Cette diversité présente, pour les
Américains, une richesse et un avantage pour son développement.
Le « paradigme américain de la diversité dans l'union
»18, est de ce fait loué et mis en évidence par
les États-Unis qui voient, en cette diversité culturelle et
religieuse, un terrain fertile, un véritable catalyseur pour la
promotion de la démocratie et des droits de l'homme ; lesquels principes
sont officiellement présentés comme raisons d'être de la
présence américaine au Cameroun19.
La position géographique du Cameroun est aussi d'un
intérêt certain pour les États-Unis à cause de son
ouverture maritime dans le Golfe de Guinée, région importante
dans l'agenda géopolitique et géostratégique des
États-Unis. La région n'est pas aisée à
délimiter parce qu'elle dépend de la configuration que lui
donnent différents États et institutions
12 GAFC, 2003. Rapport d'information
présenté par le groupe d'amitié France-Cameroun, du 2 au 8
février.
13 Ibid., p.19.
14Article 1 alinéa 3 de la Loi no
96/06 du 18 janvier portant révision de la constitution du 02 juin 1972,
modifiée et complétée par la loi no2008/001 du
14 avril 2008.
15 Nzeugang Op.cit., p.20.
16 Ibid.
17 Ibid.
18 L. Sindjoun, 2000, « La démocratie
est-elle soluble dans le pluralisme ? Éléments pour une
discussion politiste de la démocratie dans les sociétés
plurales », in Introduction inaugurale au colloque international
Francophonie-Commonwealth Démocratie et société plurielle,
Yaoundé, 24-26 janvier.
19 Nzeugang, « Une lecture de la
coopération américano-camerounaise depuis 2001... »,
p.20.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 11
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
internationales ou régionales. D'un point de vue
géographique, le Golfe de Guinée est situé dans la zone
que la FAO (Food and Agriculture Organisation) désigne par l'expression
Atlantique Sud-est20, c'est-à-dire la bordure occidentale du
continent africain, du détroit de Gibraltar au Cap de bonne
espérance. Sur le plan institutionnel, elle peut être circonscrite
au domaine maritime des huit États adhérents à la
Commission du Golfe de Guinée (CGG) que sont l'Angola, le Cameroun, le
Gabon, la Guinée-Équatoriale, le Nigeria, la République
Démocratique du Congo et Sao-Tomé et Principe. Pour un travail
efficient, nous utiliserons ici la délimitation géographique
faite par le professeur Joseph Vincent NTUDA EBODE, qui considère que la
région du Golfe de Guinée va de la Côte d'Ivoire à
l'Angola21.
La région est convoitée par les
États-Unis parce qu'elle regorge de nombreuses matières
premières vitales pour son industrie en générale et sa
sécurité en particulier. En effet, la région du Golfe de
Guinée est l'une des régions d'Afrique dont la production et les
réserves en pétrole ont le plus augmenté depuis une
dizaine d'années22. Avec une production de plus de quatre
millions de barils par jour23, dont l'essentiel provient du Golfe de
Guinée, l'Afrique subsaharienne affiche une capacité de
production égale à celle de l'Iran, du Mexique et du Venezuela
réunis, soit 6% des extractions mondiales24. De plus, en dix
ans cette production aura augmenté de 36%, contre 16% seulement pour les
autres continents25. Pour parvenir à exploiter ces
différentes richesses, les États-Unis ont besoin d'un partenaire
stable dans la région d'où le dévolu jeté sur le
Cameroun.
Pour les États, la position stratégique d'un
pays ne se réduit pas uniquement à son emplacement
géographique mais dépend aussi de l'enjeu géopolitique
voire géostratégique que l'on lui porte, notamment dans la
réalisation des objectifs escomptés26. Les côtes
du Sud-ouest du Cameroun, qui s'ouvrent dans l'océan Atlantique, lui
octroient de nombreuses facilités aux échanges de toutes natures
sur le continent, lui procurant une position stratégique27.
Selon les analyses de Damien AWOUMOU28 et NTUDA EBODE29
dans leurs
20 Come Damien George Awoumou, « Le Golfe de
Guinée face aux convoitises », in Enjeux n° 22,
janvier-mars 2005, p.15.
21 J. V. Ntuda Ebodé, « Les enjeux
pétroliers du Golfe de Guinée », in Diplomatie
Magazine, no 7, février-mars 2004, p.44.
22 Michel KOUNOU, « Pétrole et
pauvrette au sud du Sahara : analyse des fondements de l'économie
politique du pétrole dans le Golfe de Guinée »,
Yaoundé, éditions Clé, 2006, p.33.
23 Bernath, « Le pétrole africain dans
la ligne de mire des Etats-Unis » in Eco Finance,
no 48, octobre 2005, p.4.
24 Ibid.
25 Wullson MVOMO ELA, « Pétro
stratégie et appel d'empire dans le Golfe de Guinée »,
in Enjeux n°22, janvier-mars 2005, p.7.
26 Nzeugang, « Une lecture de la
coopération américano-camerounaise depuis 2001... »,
p.21.
27 J. V. Ntuda Ebodé, «
Géopolitique des régions africaines : quel destin pour l'Afrique
médiane latine ? », in Diplomatie, affaires stratégiques et
culture internationale, no 11, novembre-décembre 2004a,
p.38.
28 Come Damien George Awoumou, Op. Cit, pp.15-20.
29 J. V. Ntuda Ebodé, Op. Cit.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 12
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
travaux respectifs, le Golfe de Guinée, et notamment sa
composante Afrique centrale, bénéficie d'une position
privilégiée, qui le met en contact avec toutes les autres
régions d'Afrique. À partir de l'Afrique centrale, plusieurs
opérations sont possibles : l'accès à Afrique de l'Ouest
et la remontée du Sahel, l'accès à la Corne de l'Afrique,
(considérée comme la porte d'entrée et le poste
avancé des terroristes en Afrique) en passant par la Centrafrique, le
Tchad et le Soudan ; puis la descente vers les pays des grands lacs dont bon
nombre sont membres de la communauté économique des États
de l'Afrique centrale (CEEAC)30.
Présenté comme hégémon de
l'Afrique centrale par le premier analyste, le Cameroun apparait, à la
fois comme le leader potentiel du Golfe de Guinée et le heartland
africain. Et d'après NTUDA EBODE, qui tient le Golfe de Guinée
tient l'Afrique31. C'est à partir de cette position que les
États-Unis apprécient le « leadership » du Cameroun et
pensent que ce pays est un « partenaire de choix » sur lequel ils
peuvent compter dans la sous-région32.
II- INTERETS DU SUJET
L'étude du projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse de
l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013 nous a permis de
déceler différents intérêts dont les plus pertinents
sont l'intérêt scientifique d'une part et d'autre part,
l'intérêt stratégique.
1- L'intérêt scientifique
Il s'agira sur plan scientifique de démontrer que la
présence de l'État américain sur le sol Camerounais a pour
préoccupation principale la recherche de son intérêt. En
effet, En tant que fournisseur non négligeable de pétrole des
États-Unis dans le Golfe de Guinée après le
Nigéria, le Cameroun se retrouve au centre du projet de
sécurisation énergétique par l'Afrique du premier
consommateur mondial de pétrole33. Ce dernier fait alors
l'objet d'un déploiement de la part des américains, d'un arsenal
de moyens aussi divers que variés pour aboutir à leur
30 Nzeugang, « Une lecture de la
coopération américano-camerounaise depuis 2001... »,
p.22.
31 Ibid.
32 S. Zinga, « Géostratégie :
que recherche les américains au Cameroun ? », La Nouvelle
Expression, 21 août 2005 ; N. Amayena, « Dr. Jendayi E.
Frazer : Cameroon must preserve its stability » in
www.rdpcnrw.org,
17 février 2006.
33 Fabrice Noah Noah, « Enjeux
énergétiques et insécurité dans le golfe de
Guinée : contribution à l'étude des menaces liées
à la ruée vers le pétrole au Nigéria » Master
II en Science Politique, Université de Yaoundé II, 2011/2012,
p.100.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 13
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
objectif qui est son encerclement. Ce raisonnement sera
étayé par l'usage des théories réaliste et
transnationaliste.
2- L'intérêt stratégique
Au plan stratégique, notre sujet veut démontrer
que la présence américaine au Cameroun est faite de
considérations géostratégiques. En effet, les
différents chocs pétroliers ont permis aux grands consommateurs
de voir les risques d'un marché trop dominé par les producteurs
du Golfe persique. Ces derniers ayant fait étalage de leur puissance
pendant les crises de 1973 et 1979, il fallait, pour les grands consommateurs
de pétrole, trouver un moyen d'amenuiser leur capacité de «
nuisance » et penser à trouver des marchés
alternatifs34, qui se retrouvent en Afrique.
Le Nigeria, premier producteur pétrolier d'Afrique et
principal fournisseur des États-Unis dans la région du Golfe de
Guinée, n'est plus à même de jouer totalement ce rôle
à causes de différents soubresauts qu'il connait. En effet, la
corruption et le détournement des revenus du pétrole, l'incurie
des compagnies pétrolières internationales et l'immaturité
des dirigeants politiques nigérians contribuent au « paradoxe de
l'abondance », c'est-à-dire à une paupérisation sans
cesse grandissante des populations nationales riches en ressources
naturelles35. Cette situation délétère pousse
des groupes de militants dans le delta du Niger et des islamistes radicaux,
comme ceux de la secte Boko Haram, à rendre incertain le projet
géostratégique des États-Unis dans ce pays et dans la
région. D'où la recherche d'un État dans la région
qui lui permettra de réaliser ses objectifs d'approvisionnement en
pétrole. Ce dernier se présente comme étant le
Cameroun.
III- CLARIFICATION CONCEPTUELLE ET
DELIMITATION
SPATIO-TEMPORELLE
A- Clarification conceptuelle
Pour une meilleure compréhension de cette étude,
il est judicieux de clarifier les concepts fondamentaux de notre thème
à savoir : projet et géostratégie.
34 Ibid., p.42.
35 Noah Noah, « Enjeux
énergétiques et insécurité dans le golfe de
Guinée... », p.34.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 14
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
1- Projet
Expression polysémique, il a comme synonymes dessein,
plan. Il exprime en premier lieu une idée formée soit par une
personne physique, soit par une personne morale ou encore, un ensemble
d'actions conçues pour atteindre un but. Par la suite, il
représente la description de ces actions, opérations et travaux
accomplis pour la réalisation de ce même objectif36.
2- Géostratégie
Il n'existe pas à ce jour un contenu
arrêté et unanimement partagé de la notion de
géostratégie37. Néanmoins, l'on peut partager
cette ébauche de définition proposée par Hervé
COUTAU-BEGARIE pour qui, « la géostratégie est une
stratégie fondée sur l'exploitation systématique des
possibilités offertes par les grands espaces en termes d'étendue,
de forme, de topographie, de ressources de tous ordres »38.
En utilisant le terme géostratégie comme
adjectif, on peut ainsi définir le projet géostratégique
des Etats-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée comme le
quadrillage de cette région en zone d'importance stratégique et
à un déploiement de forces et de moyens pour la mettre sous
contrôle politique, économique, diplomatique et stratégique
dans le but d'une exploitation systématique des possibilités
qu'elle offre.
3- Action
Une action peut être définie comme une
manière particulière d'agir, d'opérer ou encore, elle est
présentée comme une succession d'évènements
constituant une manoeuvre39. L'analyse de l'action américaine
au Cameroun exprime dont ici l'ensemble des réalisations
concrètes et ordonnées mises en oeuvre par les Etats-Unis dans
leur volonté de mettre le Cameroun sous leur giron
stratégique.
36 Dictionnaire Encarta 2009.
37 De MONTBRIAL T. et KLEIN J., Dictionnaire de
stratégie, Paris, PUF, 2000, p.263.
38 H. COUTAU-BEGARIE, Traité de
stratégie, Paris. Economia, 1999, p.367.
39 Dictionnaire Encarta 2009.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 15
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
B- Délimitation spatio-temporelle 1-
Délimitation spatiale
Il est question de présenter en premier les deux
États en relation à savoir tout d'abord les États-Unis et
par la suite la République du Cameroun, mais aussi la région dans
laquelle s'exprime ce lien : le Golfe de Guinée.
Encore appelé États-Unis d'Amérique, les
États-Unis sont un État Fédéral à
régime présidentiel, situé en Amérique du Nord.
Avec une superficie de 9 629 048 km2, ils sont le quatrième
pays le plus vaste du monde, derrière la Russie, le Canada et la Chine.
Indépendant depuis le 04 juillet 1776, ce pays, qui ne comptait que
treize colonies au départ, est aujourd'hui une union de 50 États.
De plus, il est composé de quatorze territoires insulaires
disséminés dans la mer des Caraïbes et le Pacifique. Les
États-Unis sont limités au Nord par le Canada, au Sud par le
Mexique, à l'Est par l'océan Atlantique, et à l'Ouest par
l'océan Pacifique .Washington est la capitale des États-Unis et
se situe dans le district de Colombia.
Avec 305 683 227 millions d'habitants en 2009, les
États-Unis constituent le troisième pays le plus peuplé du
monde derrière la Chine et l'Inde. Sa population compte parmi les plus
diversifiées du monde sur les plans ethniques et culturels. Par
ailleurs, avec un PIB chiffré à 14 264 milliards en 2008, Ils
constituent le pays le plus riche de la planète. Il est également
la première puissance culturelle, politique, technologique, militaire et
économique du monde40. Ils possèdent à peu
près les 22 % du PIB mondial. Leur immense production les oblige
à consommer en moyenne les 25% des matières premières
dites stratégiques produites dans le monde.
Les États-Unis sont enfin un pays laïc et
multiculturel, ce qui justifie le fait qu'ils accueillent de nombreuses
religions dont les principales sont : le protestantisme (58%), le catholicisme
(26%), le judaïsme (2%), et l'islam (14%).
Quant à la République du Cameroun, c'est un
État de l'Afrique Centrale d'une superficie de 475 442 km2,
soit environ les trois quarts de la France41. Il a une population
de
40 Henry Kissinger, « La nouvelle puissance
américaine », Paris, Fayard 2003, pp.14-15 ; A. Kapsi,
« Comprendre les Etats-Unis d'aujourd'hui », Edition Perrin,
2008, p.213.
41 Doing Business in Africa, Groupe Jeune Afrique:
INVESTIR CAMEROUN 2012, pp.8-10.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 16
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
19 406 100 d'habitants42. Long territoire en forme
de triangle, il s'ouvre au Sud-ouest du Golfe de Guinée, sur
l'océan Atlantique et s'étend sur 1200 km vers le Nord pour
aboutir au Lac Tchad. Il est limité au Nord par le Tchad, au Sud par la
Guinée-Équatoriale, le Gabon, et le Congo Brazzaville, à
l'Est par la République Centrafricaine et à l'Ouest par le
Nigeria. Pays de diversité, il présente environ 250 groupes
ethniques et 270 langues nationales. Sa diversité religieuse n'est pas
en reste. Nous avons le christianisme (53%), l'islam (22%) et les cultes
africains (25%). Sa densité de population est de 41
habitants/km2, son produit intérieur brut PIB est, pour lui,
de 21 milliards de dollars et son PIB/habitant/an, de 1114
dollars43. Il est classé au rang des PPTE, pays pauvres
très endettés en 2000, appartenant à la sous-région
de la Communauté Économique et Monétaire de l'Afrique
Centrale (CEMAC).
Le Golfe de Guinée peut être
considéré comme une des régions pétrolières
les plus stratégiques d'Afrique et du monde. Géographiquement, il
couvre toute la zone côtière allant du cap des Palmes entre le
Libéria et la Côte d'ivoire au nord, et le cap Santa Maria sur le
littoral sud de l'Angola44. Le Nigéria, Sao tomé et
principe, le Gabon, le Cameroun, la Guinée-Équatoriale, le Congo,
l'Angola et la République Démocratique du Congo constituent, dans
le cadre de la Commission du Golfe de Guinée (CGG), les limites
institutionnelles de cet espace géographique45.
Pour des raisons pragmatiques, nous nous attacherons à
la réalité géographique du Golfe de Guinée,
plutôt qu'à son aspect politique et institutionnel. Cette partie
de l'Afrique compte alors, en son sein, de grands producteurs de pétrole
(Nigéria, Angola, Guinée-Équatoriale), des producteurs
moyens (Ghana, Côte d'ivoire), des futurs producteurs (Sao-Tomé et
principe), et d'anciens producteurs aux réserves déclinantes,
mais tout aussi importantes (Gabon, Cameroun, Congo).
42 Ibid.
43 Ibid.
44 Etanislas Ngodi, « Pétrole et
géopolitique en Afrique centrale », L'Harmattan, 2008,
p.13.
45 Come Damien George Awoumou, « Le Golfe de
Guinée face aux convoitises », in Enjeux n° 22,
janvier-mars 2005.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 17
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
Selon Yate Douglas A., sur huit milliards de barils
découverts en 2001, sept l'ont été dans le Golfe de
Guinée46. Les réserves prouvées de
pétrole y étaient estimées en 2003 à 24 milliards
de barils47 faisant de lui « le premier pôle mondial de
production en offshore très profond »48.
Carte du Golfe de Guinée, Source
: Microsoft® Encarta® 2009, Microsoft corporation, 2008.
2- Délimitation temporelle
Notre exposé est délimité de 1997
à 2013. En effet, l'année 1997 correspond à la date
marquant le début de l'établissement de relations stables et
cordiales entre l'État américain et l'État camerounais.
À cela s'ajoute aussi la volonté américaine de trouver un
État alternatif au géant pétrolier nigérian, et
d'accompagner le Cameroun dans son évolution démocratique.
46 Yate Douglas A. « Nouvelles tendances des
investissements directs étrangers dans les pays pétroliers du
Golfe de Guinée », conférence sur le pétrole dans le
Golfe de Guinée, Friedrich Ebert Stifüng, Yaoundé, octobre
2003.
47 J. Christophe Servant, « offensive sur
l'or noir Africain : une priorité stratégique » in le
Monde diplomatique, Paris, janvier 2003.
48 Idem.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 18
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
3- Délimitation thématique
Notre thème porte sur le projet
géostratégique des États-Unis d'Amérique dans le
Golfe de Guinée : analyse de l'action américaine au Cameroun
entre 1997 et 2013. Nous insisterons sur l'instrumentalisation du Cameroun
comme allié de revers et État pivot par la projection des
États-Unis au Cameroun qui se révèle par l'usage de moyens
politique, diplomatique, économique, culturel et stratégique en
vue de le mettre sous contrôle géostratégique.
IV- REVUE DE LA LITTERATURE
Notre recherche s'inscrit dans la continuité de travaux
antérieurs traitant, pour l'essentiel, de la situation
stratégique de la région du Golfe de Guinée dans la
géopolitique pétrolière mondiale. L'étude
minutieuse des nombreux ouvrages lus nous a permis de faire ressortir les
principaux thèmes abordés. Il s'agit, pour l'essentiel, de
richesse grandissante de la région du Golfe de Guinée en
ressources énergétiques comme le pétrole ; du
caractère conflictuel de la région en raison de sa richesse
pétrolière et de la volonté des grandes puissances
consommatrices de la mettre sous encerclement et contrôle
géostratégique ; de la pauvreté dans les pays producteurs
du Golfe de Guinée ; du projet des États-Unis de trouver une
alternative à l'Arabie Saoudite, principal fournisseur de pétrole
de ces derniers au Moyen-Orient ; de l'encerclement militaire de la
région du Golfe de Guinée par ces derniers ; de leurs
difficultés rencontrées au Nigeria à cause du militantisme
dans le Delta du Niger et de l'anti-américanisme des islamistes
radicaux, rendant incertains leur projet géostratégique dans ce
pays.
Côme Damien AWOUMOU49 procède à
la délimitation précise de la région du Golfe de
Guinée autant sur le plan géographique, culturel
qu'institutionnel. Il étudie les raisons de sa convoitise par les
grandes puissances et sa nécessaire régulation. Il le fait
à partir de différentes questions qu'il se pose à savoir :
qui convoite le Golfe de Guinée ? Pourquoi ? Comment se manifeste cette
convoitise ? Avec quelle résistance ? Aussi les réponses de
l'auteur sont précises et édifiantes. À la question de
savoir qui convoite, l'auteur estime que le Golfe de Guinée est
convoité à la fois par les occidentaux (États-Unis,
France, Grande-
49 Come Damien George Awoumou, « Le Golfe de
Guinée face aux convoitises », in Enjeux n° 22,
janvier-mars 2005.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 19
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
Bretagne, Belgique, Espagne), les orientaux (Chine, Japon,
Inde, Israël), les pays du Sud (Brésil) et les africains (Afrique
du Sud, Nigéria, Libye, Maroc). Mais aussi par les acteurs de toutes
natures : multinationales, institutions internationales. La ruée de ces
différents acteurs, vers le Golfe de Guinée, est perçue
pour une zone jusqu'ici négligée, comme pour son contrôle
en raison de sa richesse en matières premières notamment en
pétrole. La convoitise se manifestant par des investissements
politiques, militaires et économiques.
Joseph Vincent NTUDA EBODE50 a aussi mené
une étude sur la sous-région en raison de sa géopolitique
pétrolière. Pour lui, le Golfe de Guinée apparait, depuis
quelques années, comme une zone pivot du jeu géopolitique
mondial. Ainsi, son érection en zone d'intérêt
stratégique majeur le met au centre d'un certains nombres d'enjeux,
notamment sécuritaire, développemental, économique et
géostratégique.
Cédric De LESTRANGE, Paillard C.A et ZELENKO
P.51 quant à eux, insistent, entre autres, sur l'importance
du pétrole pour la satisfaction des besoins énergétiques
des grandes puissances. Ils présentent les grandes zones
pétrolifères mondiales et l'assaut qu'elles subissent de la part
des grandes puissances consommatrices. Ils s'attardent également sur la
question du conflit d'intérêt et celle du redéploiement des
principales puissances industrielles autour de l'enjeu pétrolier.
Wullson MVOMO ELA52 s'intéresse à la
place centrale qu'occupe le pétrole dans la sécurité
énergétique mondiale (40% de la production mondiale
d'énergie). Le Golfe de Guinée est présenté comme
un « espace-enjeu » de la géopolitique du pétrole en ce
début du XXIème siècle. Le recul de la France
sur le théâtre africain, en même temps que la montée
en puissance de nouveaux acteurs étatiques sur le continent
(États-Unis, Chine, Inde...) corrobore l'idée qu'il se fait de la
place du pétrole dans la sécurité
énergétique mondiale. L'auteur propose enfin une logique de
gouvernance collective de cette région par les différents pays
qui la composent.
A la question de savoir quelle est la raison d'une
considération sans cesse importante de l'Afrique et du Golfe de
Guinée par les États-Unis, Alain FOGUE TEDOM53 pense
qu'au lendemain de l'effondrement du communisme, survenu en fin 1989, il est
désormais
50 J. V. Ntuda Ebodé, « Les enjeux
pétroliers du Golfe de Guinée », in Diplomatie
Magazine, no 7, février-mars 2004.
51 Cédric De Lestrange, Christophe-Alexandre
Paillard, Pierre Zelenko, « Géopolitique du pétrole
», Paris, éditions Technip, 2005.
52 Wullson MVOMO ELA, « Pétro
stratégie et appel d'empire dans le Golfe de Guinée »,
in Enjeux n°22, janvier-mars 2005.
53 Alain Fogue T. « Enjeux
géostratégiques et conflits politiques en Afrique noire
», Paris, L'Harmattan 2008.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 20
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
anachronique, pour une puissance même alliée, de
tenter de garder un monopole politique et surtout économique sur une
partie du monde.
C'est partant de cette réalité que la diplomatie
américaine lance en Afrique noire une vaste offensive basée sur
la défense de la démocratie et la responsabilisation de
l'élite africaine, l'Afrique devenant une terre de convoitise de tout
temps. En effet, les ressources du Golfe de Guinée (hydrocarbures en
l'occurrence) y sont importantes, de bonne qualité et à l'abri
des tensions sociales. La ruée américaine vers ce pétrole
s'explique, à la fois, par les atouts sus évoqués mais
surtout par l'incapacité des autorités politiques à
protéger cette ressource rare en raison de leur cécité
stratégique et du faible niveau de développement industriel des
pays de la région.
Pascal LOROT54 décrypte les
répercussions de la rareté, avérée ou attendue, de
la ressource stratégique qu'est le pétrole. Pour l'analyste, son
pic de production (Peak Oil) c'est-à-dire le moment à
partir duquel sa production mondiale va entamer son déclin, se situe
entre 2010, 2030 voire 2050. Ainsi, la disparition de cette ressource ne pourra
en tout état de cause que renforcer la confrontation entre acteurs et
grandes puissances consommatrices, pour la sécurisation de cette
matière stratégique qui est appelée à devenir
toujours plus convoitée. Surtout pour les États-Unis,
conséquence du caractère très fortement énergivore
de son économie et son opposition à toute maitrise de la
consommation énergétique55.
La phase de déclin certainement irréversible des
provinces pétrolières américaines et leurs incidences sur
la géopolitique mondiale sont présentées par Pierre
NOEL56. En effet, la production des États-Unis baisse au
rythme de 2% par an par moyenne -un peu moins- depuis 199057. C'est
cette déréglementation pétrolière qui est à
l'origine de sa réintégration complète dans le
marché mondial par l'option libérale préconisée par
l'administration Reagan qui, pour y parvenir, a établi des politiques
publiques spécifiques.
Tout d'abord la sécurisation du marché par la
mise en place de la Strategic Petroleum Reserve (SPR) ayant pour objectif le
remplissage de la réserve pétrolière américaine
d'une part et d'autre part, la création d'un dispositif militaire
d'intervention rapide au Moyen-
54 Pascal Lorot, « Géopolitique des
hydrocarbures » in Questions Internationales no 24-
Mars-Avril 2007.
55 Ibid.
56 Pierre Noel, « Les États-Unis et le
pétrole : de Rockefeller à la guerre du Golfe » in
Questions Internationales no 2- Juillet-Aout 2003.
57 Ibid.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 21
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
Orient58 et dans d'autres régions du monde
riches en hydrocarbures. Ces politiques publiques consistent à
améliorer l'accessibilité des ressources
pétrolières mondiales aux capitaux privés d'exploration et
de production américains59. Elles proviennent de la politique
de l'Open Door (porte ouverte) au Moyen-Orient, ayant l'objectif de
favoriser la diversification durable de l'offre pétrolière
mondiale, donc d'affaiblir le pouvoir de marché de
l'OPEP60.
Pierre PEAN61 pense que l'engagement des
États-Unis dans la région des Grands-Lacs et dans le Golfe de
Guinée répond aux questions de sécurité, de
stratégie, de contrôle et de sécurisation du pétrole
contre les velléités de la Chine. Pour ce qui est de la
sécurité, elle répond à la protection de leur
allié israélien encerclé par des régimes musulmans
ayant leur épicentre au Soudan. En ce qui est du contrôle et de la
sécurisation du pétrole, il part du constat fait par les
États-Unis que la Chine est l'État qui a le plus de chance de se
poser comme leur rival à un moment quelconque du siècle
nouveau62. D'où la nécessité de trouver
dès à présent des stratégies de blocage en
contrôlant et en sécurisant les principales zones
pétrolières du globe63 dont l'une des plus importantes
se trouve dans le Golfe de Guinée.
Alexis NZEUGANG64 pense pour sa part qu'afin de
trouver une alternative à sa situation de plus en plus délicate
au Moyen-Orient, du fait de la montée de l'islamisme et de la haine
envers leur culture, les États-Unis se tournent vers l'Afrique et le
Golfe de Guinée en particulier à cause des qualités
d'ordre politique, culturel, économique, géographique que
présente cette région.
Fabrice NOAH NOAH65 met en exergue les effets de la
ruée des grandes puissances consommatrices (États-Unis et Chine)
vers le pétrole du Nigéria, premier producteur d'Afrique. Elle a
d'abord comme conséquence première une insécurité
à la fois politique, économique, énergétique et
sociale dans l'État le plus peuplé d'Afrique. Et en second, un
risque de déstabilisation du Golfe de Guinée, partant des
différents risques répertoriés dans l'État
cité plus haut.
58 Pierre Noel, « Les États-Unis et le
pétrole... ».
59 Ibid.
60 Ibid.
61 Péan P. 2010, Carnages: les guerres
secrètes des grandes puissances en Afrique.
62 Henry Kissinger, « La nouvelle puissance
américaine », Paris, Fayard 2003, p.159.
63 T. Ngongang, « Golfe de Guinée : la
grande croisade américaine », Mutation, 5 mars 2004.
64 Nzeugang, « Les Etats-Unis en
Afrique... »
65 Fabrice Noah Noah, « Enjeux
énergétiques et insécurité dans le golfe de
Guinée : contribution à l'étude des menaces liées
à la ruée vers le pétrole au Nigéria » Master
II en Science Politique, Université de Yaoundé II, 2011/2012.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 22
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
Philippe COPINSCHI66 montre quant à lui que
les grandes puissances occidentales ont toujours cherché à
utiliser les compagnies pétrolières internationales à des
fins politiques, comme l'illustre le rôle longtemps joué par Elf
en Afrique francophone (Gabon, Congo-Brazzaville, Cameroun, etc.)67.
Les compagnies pétrolières, acteurs essentiels du marché
mondial, ont toujours la capacité de se ménager des marges de
manoeuvres face aux stratégies politiques d'un État, les
intérêts économiques et pétroliers d'un pays
(exportateur ou importateur) pouvant parfaitement s'accommoder d'un engagement
idéologique contraire. L'atypisme du pétrole venant justement du
fait qu'il est à la confluence des logiques économiques et des
logiques politiques68.
Si notre recherche s'est grandement inspirée des
travaux évoqués plus haut, elle s'en démarque à
plus d'un titre. En effet, l'objectif de notre travail est de démontrer
que le projet géostratégique des États-Unis au Cameroun
consiste à l'instrumentaliser tout d'abord comme un allié de
revers, mais aussi comme un État pivot dans le Golfe de Guinée.
Il s'agit de montrer qu'après la région du Moyen-Orient devenue
dangereuse pour eux, les États-Unis ont pensé urgent de trouver
une zone alternative à leur problème d'approvisionnement en
pétrole. Elle s'est présentée comme étant le Golfe
de Guinée et particulièrement l'État du Nigéria,
premier producteur de pétrole dans la région et en Afrique.
Toutefois, la mauvaise répartition des retombées de cette
ressource par l'État Nigérian conduit à une radicalisation
de certains groupes militants et extrémistes qui menacent les
intérêts américains dans des zones importantes comme le
Delta du Niger. Les États-Unis se retrouvent une fois de plus dans
l'obligation de trouver un État allié qui lui permette de
réaliser ses objectifs stratégiques.
V- PROBLEMATIQUE
La géopolitique pétrolière a
été pendant longtemps animée par la zone du Moyen-Orient.
Cette dernière a toujours été l'objet de convoitises de la
part des puissances occidentales dont la plus engagée, et la plus
influente, se trouve être les États-Unis d'Amérique. Elle
est considérée comme d'importance cruciale pour sa puissance et
sa sécurité énergétique.
66 Philippe Copinschi, « Rente
pétrolière, géopolitique et conflits » in
Questions Internationales no 2- Juillet-Aout 2003.
67 Ibid.
68 Ibid.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 23
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
La dépendance des États-Unis envers les
ressources du Moyen-Orient débute à partir de la signature le 14
février 194569, du Pacte de l'USS QUINCY entre le
président Américain Franklin ROOSEVELT et le Roi d'Arabie
Saoudite Ibn SAOUD ABDELAZIZ, ceci pour une protection militaire contre
l'exploitation des richesses.
Toutefois, cette présence américaine a toujours
été perçue par les populations musulmanes, de cette
région, comme néfaste pour plusieurs raisons. Tout d'abord, elles
considèrent leur politique comme étant impérialiste.
Aggravée par la domination, elle est perçue comme usurpatrice,
humiliante et très douloureuse70. Aussi la culture
américaine est considérée comme mauvaise par ces
populations qui plus est, la rejettent. C'est dans cette atmosphère
délétère qu'ont été commis les attentats du
11 septembre 2001 revendiqués par des groupuscules islamiques. Depuis
ceux-ci, le gouvernement américain cherche à trouver une zone
plus calme et propice à leur politique ; l'insécurité
galopante, en rapport notamment avec l'islamo-terrorisme,
l'antiaméricanisme croissant, la crise de confiance à
l'égard des régimes amis et les crises sociales et
politico-religieuses, ne le permettant plus assez au Moyen-Orient.
Cette région se trouve être l'Afrique. Les
États-Unis se trouvent cependant devancés dans cette zone du
monde par d'autres puissances dont la plus importante est la Chine. En effet,
les ambitions pétrolières de la Chine au Nigéria, de
même qu'au Soudan, constituent un pan de la géopolitique du
pétrole menée par les grandes puissances dans le Golfe de
Guinée71. Le second consommateur de pétrole au monde a
fait de sa présence en Afrique une question stratégique. La
grande industrialisation de la Chine et son essor économique font de lui
un véritable consommateur d'énergie.
L'engagement de l'empire du milieu, dans l'univers
pétrolier nigérian, est alors dicté non seulement par les
besoins de son industrie, mais aussi par sa volonté de revêtir les
attributs d'une puissance globale. Devenue deuxième plus gros
consommateur de pétrole dans le monde, après les
États-Unis, cette dernière a amorcé une fulgurante
percée économique et ne peut plus se limiter uniquement à
des approvisionnements en provenance des pays voisins. Elle a trouvé la
solution à cette préoccupation dans le Golfe de Guinée,
réputé pour la qualité de son pétrole et sa
relative stabilité.
69 Nzeugang, « Les États-Unis en
Afrique... », p.241.
70 Ibid.
71 Noah Noah, « Enjeux énergétiques
et insécurité dans le golfe de Guinée... », p.101.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 24
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
Pour pouvoir aussi profiter au maximum des avantages de la
sous-région, comme sa concurrente, les États-Unis ont
établi une stratégie qui leur permet de profiter de la zone
à partir d'un pays qui se présente comme étant le Nigeria.
Or, comme le dit Michael KLARE, toutes les régions
désignées comme source potentielle de pétrole sont
instables ou entretiennent des forts sentiments anti-américains, quand
ce n'est pas les deux72. Ainsi au Nigeria, des groupes de militants
dans le delta du Niger et des islamismes radicaux rendent incertain le projet
géostratégique des États-Unis. Ces derniers se trouvent
encore une fois de plus dans l'obligation, comme dans le Moyen-Orient, de
trouver un allié de revers dans la région du Golfe de
Guinée. D'où l'intérêt porté au Cameroun, qui
peut aussi par sa position, lui permettre de se propulser dans d'autres pays de
la région. C'est de cette quête américaine portée
sur le Cameroun qu'émergent certaines interrogations.
Quelles sont les raisons de l'attraction sans cesse
grandissante des États-Unis vers le Cameroun ? Autrement dit, quelles
sont les motifs profonds du dessein américain pour ce pays du Golfe de
Guinée ? Au-delà des raisons clairement exprimées,
l'agenda caché des États-Unis pousse à avoir des
réticences envers des propos avancés par les canaux des medias,
sur la question du Cameroun. Qu'est ce qui justifie depuis quelques
années le renforcement de la coopération dans différents
aspects (diplomatique, économique, politique, culturel, militaire etc.)
entre États-Unis et le Cameroun, ce dernier étant dans le
passé, présenté comme un mauvais élève de la
démocratie ? La réponse à ces questions passe par
l'énonciation des hypothèses de travail.
VI- HYPOTHESES
Une hypothèse est une proposition provisoire faite par
le chercheur à partir de l'observation des faits, dont la
démonstration se fera dans le corps du travail73. Autrement
dit, c'est une tentative de réponse à une ou plusieurs questions
théoriques ou observations empiriques, l'explication provisoire d'une
réalité. Elle doit être confirmée ou infirmée
à la fin,
72 Ibid., p.100.
73 cf. document « A la recherche d'une
définition de l'Epistémologie » distribué dans le
cadre des cours d'Épistémologie des Sciences Sociales,
dispensés par le professeur Louis-Paul Ngongo, Université de
Yaoundé II, année académique 2011-2012, p.2.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 25
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
par les résultats de l'étude. C'est un outil de
sélection pour le chercheur, car elle permet le choix des faits, de les
interpréter et de suggérer les procédures de
recherches74.
L'hypothèse principale de notre travail de recherche
est la suivante : partant de leur volonté qui serait de limiter leur
quasi dépendance vis-à-vis des ressources
pétrolières du Moyen-Orient, Le Golfe de Guinée, espace
possédant un potentiel énergétique important, ferait
l'objet de convoitise des Etats-Unis et particulièrement le Cameroun qui
disposerait d'un emplacement géographique avantageux. De cette «
macro-hypothèse » dérive cette « micro-hypothèse
»75 :
- Le rôle du pétrole dans le dynamisme diplomatique
et son statut
d'énergie de la « puissance » constituerait,
pour la majorité de pays africains, l'ultime étape vers la
reconnaissance et la considération internationales. Dans bien des cas,
la simple présence du pétrole dans le sous-sol ou les fonds
marins d'un pays africain le ferait passer du statut de pays inconnu,
déconsidéré ou jugé infréquentable, à
celui de nation amie des grandes puissances76. Le Cameroun
n'échapperait pas à cette réalité.
VII- METHODOLOGIE
Il s'agit ici de présenter les lieux de recherche, la
collecte et l'analyse des données de même que leur
interprétation.
1- Lieux de recherche
La Science Politique faisant partie des sciences sociales,
nous avons trouvé efficient d'utiliser, comme technique de recherche,
l'enquête documentaire. Celle-ci a débuté au niveau des
bibliothèques telles que la fondation Paul ANGO ELA de la
Géopolitique en Afrique Centrale, le Centre Africain d'Études
Stratégiques pour la promotion de la Paix et du Développement
(CAPED), les bibliothèques centrales des Universités de
Yaoundé II et de Yaoundé I, le Centre Culturel américain,
le Centre Culturel français. Par la suite, elle a été
74 E. S. BOKALLI, « L'action internationale du
Chef de l'Etat camerounais. Itinéraires et enjeux de ses
déplacements à l'étranger entre 1996 et 2006 »,
2005/2006, p.10.
75 L. Sindjoun, Sociologie des relations
internationales africaines, Paris, Karthala, 2002, p.20.
76 Noah Noah, « Enjeux énergétiques
et insécurité dans le golfe de Guinée... », p.42.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 26
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
faite par le biais d'internet, la collecte et l'analyse des
articles scientifiques de même que des propos exprimés dans les
médias par les officiels américains et camerounais.
2- Cadre théorique
S'intégrant dans le champ des relations
internationales, notre travail nous oblige à faire recours à deux
théories à savoir : le Réalisme et le
Transnationalisme.
2.1- Le Réalisme
Tel que défini par Thucydide, Morgenthau Hans, Kennan
ou encore Henry Kissinger, le Réalisme est une théorie qui
privilégie la dimension conflictuelle des relations
internationales77. Elle s'appuie sur le postulat selon lequel
l'anarchie manifeste du système international est liée à
l'absence d'une autorité capable d'imposer, à ses membres, un
ordre contraignant. Les États, qui sont les principaux acteurs du
système, agissent avant tout pour le maintien et l'accroissement de leur
puissance au détriment des autres. Ainsi, la politique internationale
peut être définie comme un effort continu pour maintenir et
accroitre la puissance de sa propre nation et pour restreindre ou
réduire la puissance des autres nations78. Tel est l'exemple
de l'administration américaine de Ronald Reagan de 1981 à 1984
qui fit son possible pour que les Américains dominent autant que faire
se peut la géopolitique pétrolière, par la mise en place
de la Strategic Petroleum Reserve (SPR) et de la création d'un
dispositif militaire d'intervention rapide au Moyen-Orient.
En effet pour le président américain de
l'époque, la libéralisation et la sécurisation ne
s'opposent pas mais constituent deux faces d'une même
politique79. Raymond ARON pour sa part, à travers sa
théorie « diplomatico-stratégique », fait du diplomate
et du soldat les principaux acteurs chargés de mettre en application la
politique internationale des États. La survie des unités
politiques dépend, en dernière analyse, de l'équilibre des
forces et les hommes d'État qui ont le devoir d'être soucieux
d'abord de la nation dont le destin leur est confié80.
77 P. BRAILLARD ; M. REZA DJALILI, Les relations
internationales, Paris, PUF, 2002, p.10.
78 H. MORGENTHAU, Politics among Nations. The
struggle for power and peace, 6e édition, New York:
Alfred A. Knopf Publisher, 1985, p.221.
79 Pierre Noel, « Les États-Unis et le
pétrole... », p.36.
80 R. ARON, Paix et guerre entre les nations,
Paris, Calmann-Lévy, 1968, p.71.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 27
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
Dès lors, pour les réalistes, c'est le rapport
de force, la lutte pour la consolidation et la préservation des
intérêts nationaux qui dictent la conduite des États sur la
scène internationale. Aussi, le précepte réaliste selon
lequel les États n'ont pas d'amis, mais seulement des
intérêts, reste-t-il d'actualité. Cette théorie
réaliste nous permettra de montrer qu'au-delà des « bonnes
intentions » affichées des États-Unis, il ressort que seule
la quête de leurs intérêts explique leur déploiement
au Cameroun.
2.2- Le Transnationalisme
Après la victoire de la théorie libérale,
l'État a perdu son statut d'acteur principal de la vie internationale du
fait de l'intensification des échanges économiques et culturels
et de l'émancipation des acteurs non étatiques. Ce ne sont plus
aux seules nations que les relations internationales se rapportent mais
à des types de groupes très divers : nations, États,
gouvernements, peuples, organisations internationales, et même
organisations industrielles, culturelles, religieuses qu'il faut
s'intéresser dans l'étude des relations internationales si l'on
veut que cette étude soit réaliste. Le transnationalisme rend
compte de la présence d'acteurs infra étatiques sur la
scène internationale, qui s'accompagne d'un processus de
déterritorialisation des relations internationales conforté par
le phénomène de mondialisation.
Marcel MERLE parle de « forces transnationales
»81, au rang desquelles se retrouvent les firmes
multinationales, qui sont une illustration de l'économie capitaliste et
de la place de la géo économie dans les relations internationales
post-guerre froide. Le transnationalisme permet de comprendre l'intrusion des
acteurs transnationaux dans les relations internationales. Il nous permettra
d'étudier le rôle croissant que jouent les firmes multinationales
pétrolières américaines, implantées au Cameroun,
dans la réalisation des objectifs géopolitiques
américains. Les frontières entre les services de renseignement de
l'État et ceux des multinationales pétrolières
étant de nos jours poreux.
En effet, les grandes puissances occidentales ont toujours
cherché à utiliser les compagnies pétrolières
internationales à des fins politiques comme l'illustre le rôle
longtemps joué par Elf en Afrique francophone (Gabon, Congo-Brazzaville,
Cameroun, etc.)82. Les compagnies pétrolières, acteurs
essentiels du marché mondial, ont toujours la capacité de se
81 M. MERLE, Sociologie des relations
internationales, 3e Edition, Paris, Dalloz, 1962, p.359.
82 Philippe Copinschi, « Rente
pétrolière, géopolitique et conflits... »,
p39.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 28
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
ménager des marges de manoeuvres faces aux
stratégies politiques d'un État, les intérêts
économiques et pétroliers d'un pays (exportateur ou importateur)
pouvant parfaitement s'accommoder d'un engagement idéologique contraire.
Tel est l'exemple du télégramme de WIKILEAKS, datant du 2
février 2009, qui fait état des liens étroits entre Shell
et les autorités politiques du Royaume-Uni et des Pays-Bas83,
ou encore du câble de WIKILEAKS datant du 20 octobre 2009, faisant
état de télégrammes de diplomates américains
rapportant les propos d'un représentant de Shell qui affirme que la
compagnie a, au Nigéria, « des gens dans tous les ministères
intéressants » et qu'elle sait ainsi tout ce qui s'y
passe84.
Ces exemples montrent l'importance qu'occupent les
multinationales dans la réalisation des objectifs
géostratégiques des grandes puissances consommatrices en Afrique.
Il sera davantage question de montrer comment ces deux entités
distinctes travaillent en synergie pour l'exécution et la
réalisation de la politique étrangère des
États-Unis.
3- Interprétation des données
collectées
Pour une meilleure analyse de notre thème de travail,
nous avons trouvé efficient d'utiliser deux approches de recherche
à savoir l'approche géopolitique et l'approche
stratégique. L'approche géopolitique est une méthode qui
nous apprend à déchiffrer l'actualité et à
rechercher les motivations profondes des acteurs internationaux85.
Cette approche nous permettra de décrypter l'agenda caché des
États-Unis, de décrire ses ambitions, d'analyser sa
démarche, de repérer les alliances en gestation ou au contraire,
les alliances en voie de déconstruction.
François THUAL pense qu'à chaque fois qu'il y a
tension, conflit, guerre, négociation, crise, il faut se poser les
questions suivantes : qui veut quoi ? Avec qui ? Comment ? Et pourquoi ? Les
États-Unis dont la sécurité dépendrait de la
ressource pétrolière, sont dans l'obligation de trouver un autre
moyen d'alimentation en cette ressource stratégique. Cette solution se
trouve dans le Golfe de Guinée. Dans le cadre de ce travail, nous nous
attèlerons à présenter comment les États-Unis se
servent du Cameroun pour y parvenir. L'approche géopolitique a aussi
pour but d'apprendre à échapper à
l'événementiel fourni par les medias, pour accéder
à l'explicatif. L'esprit géopolitique reconstitue le squelette
des
83 Noah Noah, « Enjeux énergétiques
et insécurité dans le golfe de Guinée... »,
p.55.
84 Ibid., p.57.
85 F. THUAL, Méthodes de la
géopolitique : apprendre à déchiffrer
l'actualité, Paris, Ellipses, 1996, p.4.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 29
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
enjeux où se déploient ces
évènements. Il arrive ainsi à transcender,
démystifier les apparences, les discours officiels pour accéder
à la réalité ; identifier les démarches, les
intentions réelles même si celles-ci sont ensevelies au plus
profond des attitudes des États.
L'approche stratégique est une méthode
organisée autour d'actions finalisées et calculées. Elle a
pour but de permettre aux acteurs engagés, dans une entreprise
quelconque, de minimiser les pertes tout en maximisant les profits. Il s'agira
alors de voir comment les États-Unis d'Amérique dans le souci
d'accéder aux différentes matières premières du
Cameroun mobilisent des stratégies pouvant leur permettre d'atteindre
ses objectifs86.
VIII- PLAN DU TRAVAIL
S'étant inspiré d'un cadre théorique, de
techniques de collecte de données et de l'analyse de celles-ci, nous
avons procédés à une subdivision du travail en deux
parties, chacune comprenant deux chapitres. La première partie porte sur
les motivations profondes de l'offensive américaine au Cameroun. Il est
question de présenter, dans un premier temps, l'offensive des
États-Unis dans ce pays comme conséquence de leur
dépendance en ressources énergétiques, du pétrole
en particulier, couplée de l'instabilité croissante au
Moyen-Orient (Chapitre I).
Et dans un second temps, des atouts qu'offre le Cameroun dans
la région du Golfe de Guinée, raisons expliquant le
déploiement des Américains dans cet État (chapitre II). La
deuxième partie, quant à elle, s'intéresse au
déploiement stratégique des États-Unis au Cameroun. Il
s'agit de présenter les diverses stratégies mises en oeuvre par
Washington pour s'implanter dans ce pays (chapitre III). Ce nouvel
intérêt des Américains pour le Cameroun ne va sans affecter
les intérêts d'autres puissances, la France et la Chine à
l'occurrence, qui s'organisent individuellement pour limiter, voire
détruire, ce déploiement (chapitre IV).
86 Severin TCHETCHOUA TCHOKONTE «
Enjeux et jeux pétroliers en Afrique : étude de l'offensive
chinoise dans le Golfe de Guinée », Master II en Science Politique,
option Relations Internationales, Université de Yaoundé II, 2008,
p.13.
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
PREMIERE PARTIE : LES ETATS-
UNIS : UNE GRANDE PUISSANCE A
LA CONQUETE DU CAMEROUN
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 30
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 31
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
L'intérêt des États-Unis pour le Cameroun
s'accentue dès la fin de la guerre froide. Car bien avant, la
conflagration les opposant à l'ex-URSS a influencé leur
idée sur cet État. En effet, à cette période, les
États-Unis entretiennent des relations assez timides avec le Cameroun,
confiant sa tutelle stratégique à la France, allié
européen. C'est pour cette raison qu'Henry KISSINGER a affirmé
qu'en l'absence d'adversaire stratégique menaçant le continent,
ou d'État africain inamical nourrissant des ambitions
hégémoniques, une nouvelle politique africaine n'a aucune
justification stratégique87. Mais par la suite, on observera
un regain d'intérêt des États-Unis pour ce pays,
après leur victoire sur le bloc communiste.
Dès le 12 octobre 1996, en visite à Johannesburg
en Afrique du Sud, le secrétaire d'État américain, Warren
CHRISTOPHER, déclare que le temps est fini où l'Afrique pouvait
être divisée en sphères d'influence, où les
puissances extérieures pouvaient considérer des groupes entiers
de pays comme leur domaine réservé88. Cet attrait
américain sera plus perceptible après les attentats du 11
Septembre 2001. Il s'explique par une production sans cesse croissante, au
Cameroun, des ressources stratégiques comme le pétrole,
l'incapacité du régime politique de les utiliser à bon
escient pour sa population et de la volonté américaine de trouver
des marchés alternatifs au Golfe persique. Il est question, dans cette
partie, de présenter la dépendance des États-Unis
vis-à-vis de ressources énergétiques (chapitre I). Et
ensuite de présenter les atouts et les nombreux avantages du Cameroun
dans le Golfe de Guinée ayant poussé les États-Unis
à s'intéresser à cet État (chapitre II).
87 Henry Kissinger, « La nouvelle puissance
américaine », Paris, Fayard 2003, p.223.
88 Alain Fogue T., « Enjeux
géostratégiques et conflits politiques en Afrique ...
», p.292.
CHAPITRE I :
LA DEPENDANCE DES
ETATS-UNIS EN RESSOURCES
ENERGETIQUES
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 32
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 33
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
Les Américains font preuve d'ingéniosité
pour expliquer leur présence au Cameroun. Ils tentent, en premier, de
séduire une opinion camerounaise en quête d'émancipation
politique en invoquant un droit d'inventaire dans les affaires camerounaises.
Aussi critiquent-ils la politique et les réalisations françaises
dans cet Etat qu'ils réduisent à des « rituels
d'émerveillement89 », ayant pour seul but d'avoir «
une incidence sur les systèmes de pensée, d'action et de
représentation des autochtones et sur la manière de
fonctionner90 » des Camerounais. En effet, les
États-Unis accordent un grand intérêt au Continent depuis
les attentats du 11 septembre 2001. Bien qu'étant la troisième
région mondiale productrice de pétrole, détenant 10% des
réserves mondiales, l'Afrique était jusque-là
marginalisée par ces derniers. Elle a été, pendant
longtemps, écartée des enjeux de puissance. Mais depuis quelques
temps, l'Afrique en générale et le Golfe de Guinée en
particulier, où se situe le Cameroun, sont devenus l'objet de
convoitises de puissances91.
La raison de cet intérêt se trouve dans les
ressources énergétiques qui y abondent. Les grandes puissances,
en effet, se servent du Continent Africain comme d'un immense réservoir
de main d'oeuvre et de matières premières, mais aussi de
clientèle pour maintenir ou développer leur grandeur nationale ou
impériale92. L'objectif des États-Unis est de
quadriller le Golfe de Guinée à partir d'un État ami comme
le Cameroun, pays qui présente une certaine stabilité politique
et économique. Aucune nation n'étant crue au-delà de son
intérêt93, l'intérêt qu'accordent les
États-Unis au Cameroun sera analysé à travers leur
dépendance énergétique et leur incapacité à
couvrir leurs besoins d'alimentation (section I), mais aussi à cause de
l'instabilité croissante qui sévit au Moyen-Orient qui ne leur
permet plus d'acquérir des approvisionnements (section II).
SECTION I : L'INCAPACITE DES ETATS-UNIS A COUVRIR
LEURS
BESOINS ENERGETIQUES
89 Achille Mbembe cité par W. Mvomo Ela dans
« Le concept de « mise en valeur » dans la politique de
développement colonial de la France : cas du Cameroun » cf.
Repenser le développement à partir de l'Afrique, sous la
direction de Jean-Emmanuel Pondi, Afrédit, Africaine d'Edition,
Yaoundé, mai 2011, p.314.
90 Ibid.
91 M. Kounou 2006, « Pétrole et
pauvreté au sud du Sahara : analyse des fondements de l'économie
politique du pétrole dans le Golfe de Guinée »,
Yaoundé, éditions Clé, p.15.
92 Péan P., « Carnages: les guerres
secrètes des grandes puissances... », p.128.
93 Voir Georges Washington cité par Alain FOGUE
TEDOM dans : « Histoire diplomatique, extraversion étatique et
conflits politiques en Afrique noire », Thèse de Doctorat,
2002.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 34
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
L'intérêt des États-Unis pour le Cameroun
part de l'important besoin de ce pays en ressources stratégiques
indispensables pour son économie (paragraphe 1), et de leur
volonté de réduire leur dépendance vis-à-vis du
Moyen-Orient (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : l'insuffisance de réserves
liée à une exploitation très
élevée
Il importe de souligner en premier que le pétrole a
été, et demeure, d'une importance capitale et stratégique
pour la survie des États-Unis en tant que première puissance
économique et militaire. Cette énergie joue un rôle crucial
dans la vie des Américains au point où il influence leur
politique intérieure et extérieure94. Le
développement de l'industrie pétrolière gagne les
États-Unis vers 1850 à Titusville en Pennsylvanie. Le 27
août 1859, une compagnie fait jaillir du pétrole à
seulement vingt-trois mètres de profondeur : c'est le premier puits
pétrolier de l'histoire95 qui va structurer la politique
économique et surtout sécuritaire des États-Unis. En
effet, en son absence, l'économie des États-Unis s'effondrerait
et partant leur sécurité ainsi que leur rang
international96.
Il se trouve que les États-Unis ont intensément
exploité leurs réserves de pétrole qu'elles sont
aujourd'hui menacées d'épuisement97. Les
données relatives aux réserves de pétrole des
États-Unis ne sont jamais fiables à cause de la réserve
dont fait montre les institutions américaines d'informations. La
différence que l'on observe dans les chiffres publiés par les
rapports internationaux sont illustratifs à cet égard. Il s'agit
en réalité des marges relatives ne pouvant influencer
fondamentalement les tendances générales.
De ce fait, en prenant compte des chiffres fournis par les
experts d'une part, l'OPEP et l'administration en charge de l'information sur
les questions énergétiques des États-Unis d'autre part
(EIA), il est aisé de se rendre compte que les capacités
productrices des États-Unis sont menacées. En effet, selon les
estimations de l'OPEP, les États-Unis disposaient en 2002 d'une
réserve de 21.891 millions de barils de pétrole contre un total
mondial de 1.157.610 million de barils correspondant à une
capacité de 1,89% du total.
94 A. NOUSCHI, Pétrole et relations
internationales depuis 1945, Paris, Armand Colin, 2003, pp.9-10.
95 Kounou 2006, « Pétrole et
pauvreté au sud du Sahara... », p.19.
96 De LESTRANGE, ZELINKO et PAILLARD,
Géopolitique du pétrole, un nouveau Marché, de nouveaux
risques, de nouveaux Mondes, Paris, Techniq, 2005, p.87.
97 Pierre Noel, « Les États-Unis et le
pétrole du Moyen-Orient » in Les Cahiers de l'Orient,
août 2005.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 35
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
Le rythme d'exploitation du pays a naturellement
entrainé la chute de ce volume qui ne s'élevait plus en 2008
qu'à 21.317 million de barils sur 1.295.085 million pour le reste du
monde. Ce qui correspondait cette fois à 1,64% du total98.
Avec une consommation estimée à 20,7 millions de barils de
pétrole par jour en décembre 2007, les États-Unis se
situaient-et c'est encore le cas aujourd'hui- en tête des pays
consommateurs. Or, lorsqu'on fait le ratio production/consommation, on se rend
rapidement compte qu'ils produisent quotidiennement 10% du pétrole
mondial et en consomment 24%.
En fait, avec une production nationale de 5,1
millions99 de barils par jour, à laquelle s'ajoutent d'autres
liquides de diverses natures, les États-Unis parviennent à
couvrir à peine les 42% de leurs besoins journaliers. Ce qui suppose
plus concrètement qu'ils ont encore besoin d'environ 13,5 millions de
barils de pétrole qu'ils devraient importer tous les jours. Cependant,
lorsqu'on soustrait à cela le volume des produits pétroliers
exportés chaque jour par les États-Unis (soit 1,4 million de
barils par jours), on se rend compte qu'au final, les besoins américains
en importations s'élèvent plutôt à 12,0 millions de
barils chaque jour. Par conséquent, on estimait à 58% de leurs
besoins nationaux, le taux net des importations américaines en
2007100.
A ce rythme, les experts estiment qu'en 2025, les
États-Unis importeront 70% de leur pétrole et 23% de leur gaz
naturel101. Concrètement, la demande américaine de
pétrole devrait passer d'environ 19,7 millions de barils en 2002,
à environ 26 millions de barils par jour dans un contexte de stagnation
de la production intérieure des États-Unis102. Ce qui
ferait alors passer leur dépendance à l'égard de cette
matière première stratégique à 66%103.
En outre, certains experts estiment que des gisements actuels des
États-Unis risquent de s'épuiser vers la période
2015104.
Toutefois, ces chiffres contrastent légèrement
avec les prévisions des experts américains. En effet, l'Energy
Information Administration (EIA) projette que les importations
98 Nzeugang, « Les États-Unis en
Afrique après le 11 septembre 2001... », p 238.
99 Ibid., pp.232-234.
100 Ibid, p.231.
101 G. CARUSO et L. DOMAN, « L'offre mondiale
d'énergie et le Marché des Etats-Unis » in Foreign
Policy, Vol. 9, no 2, 2004, p.31 ; T. Z. COLLINA, « Oil dependence and
U.S. Foreign Policy : real dangers, realistic solutions », Testimony
before the Committee on Foreign Relations, Subcommittee on Near Eastern and
South Asian Affairs, United States senate executive director, 2005, October
19.
102 T. L. Karl et G. Ian, « Le fond du baril, boom
pétrolier et pauvreté en Afrique », publié
par Catholic Relief services, juin 2003, p.14. ; D. VOLMAN and M. T.
KLARE, « Africa's oil and American national security » in Current
History, 2004, p.226.
103 W. Mvomo Ela, « L'Irak : « pas décisif
» vers l'empire ? » in Une lecture africaine de la guerre en
Irak, sous la direction de Jean-Emmanuel Pondi, Maisonneuve et Larose/
Afredit, Paris, décembre 2003, p.51.
104 De LESTRANGE, ZELINKO et PAILLARD, Géopolitique du
pétrole, un nouveau Marché, de nouveaux risques, de nouveaux
Mondes, Paris, Techniq, 2005, p.158.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 36
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
américaines de pétrole brut devront, au
contraire, chuter d'ici 2030 passant ainsi de 12,1 millions de barils par jour
à 8,8 millions105. Évaluée en pourcentage, il
s'agira de passer d'une dépendance de 58% à 41%. Les
États-Unis comptent sur plusieurs sources d'énergies
parallèles pour pallier à cette situation. Il s'agit d'augmenter
les capacités de production du Golfe du Mexique à laquelle
s'ajoutent d'autres sources telles les biocarburants106.
L'incapacité des États-Unis de satisfaire leurs besoins les
conduit à s'approvisionner au Moyen-Orient.
Paragraphe 2 : la dépendance
énergétique des États-Unis vis-à-vis du
Golfe Persique
Le Moyen-Orient a toujours été
considéré comme une région d'importance cruciale pour la
puissance et la sécurité énergétique
américaines. Cette région correspond à un ensemble
géographique regroupant les pays asiatiques situés au Nord-Ouest
de l'Océan Indien. Selon le Bulletin Statistique de l'OPEP comptant pour
l'année 2009, l'ensemble Moyen-Orient renvoie aux pays suivant :
Bahreïn, République Islamique d'Iran, Irak, Jordanie, Koweït,
Liban, Oman, Qatar, Arabie Saoudite, Syrie, Yémen et les Émirats
Arabes Unis107.
Selon l'Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole
(OPEP), le Moyen-Orient a longtemps occupé et maintient toujours une
position hégémonique sur l'échiquier du pétrole en
raison du poids de ses réserves prouvées, de sa capacité
de production et du poids de ses exportations par rapport aux autres
régions du monde. Concernant les réserves, les données
montrent que le Moyen-Orient est la région du monde la plus dotée
par la nature en pétrole avec une estimation de 728.957 millions de
barils contre un total mondial de 1.157.610 million en 2002. Il disposait alors
d'environ 62,97% de réserves prouvées du monde108. Ces
chiffres ont évolué dans le temps puisqu'en 2008, cette
région disposait de 752.258 millions de barils de pétrole contre
un total mondial de 1.295.085 million de barils, ce qui correspond cette fois
à 58,08%.
105 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique
après le 11 septembre 2001... », p 238.
106 EIA, 2009.
107 Organization of the Petroleum Exporting Countries, Annual
statistical bulletin 2008, Austria, Ueberreuter print und Digimedia, 2009,
p.127.
108 Ibid., pp.232-234.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 37
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
Tableau 1 : Les réserves
prouvées de pétrole brut par région du monde en 2009 (en
millions de barils).
2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
North
|
27,167
|
26,954
|
26,243
|
26,599
|
26,699
|
25,872
|
26,217
|
America
|
|
|
|
|
|
|
|
Latin
|
117,528
|
117,045
|
118,978
|
118,455
|
124,252
|
137,398
|
210,507
|
America
|
|
|
|
|
|
|
|
Eastern
|
123,312
|
126,694
|
126,095
|
127,266
|
128,852
|
128,979
|
128,979
|
Europe
|
|
|
|
|
|
|
|
Western
|
18,309
|
16,923
|
17,174
|
16,952
|
15,369
|
14,913
|
14,805
|
Europe
|
|
|
|
|
|
|
|
Middle
|
728,957
|
744,815
|
748,423
|
751,690
|
754,616
|
750,619
|
752,258
|
East
|
|
|
|
|
|
|
|
Africa
|
101,889
|
112,170
|
113,184
|
117,372
|
118,794
|
121,349
|
122,041
|
Asia and
|
40,448
|
40,221
|
40,640
|
40,640
|
40,964
|
40,223
|
40,278
|
Pacific
|
|
|
|
|
|
|
|
Total
|
1 157
|
1 184
|
1 190
|
1 198
|
1 209
|
1 219
|
1 295
|
World
|
610
|
823
|
338
|
953
|
545
|
351
|
085
|
OPEC
|
895,639
|
915,457
|
921,161
|
928,453
|
940,204
|
952,048
|
1,
|
|
|
|
|
|
|
|
027,383
|
OPEC percentage
|
77,4
|
77,3
|
77,4
|
77,4
|
77,7
|
78,1
|
79,3
|
Source: Organization of the Petroleum Exporting
Countries, 2009, Annual Statistical Bulletin 2008, Austria,
Ueberreuter Print und Digimedia, p18.
En ce qui concerne le niveau de production, les chiffres
montrent, une fois de plus, que le Moyen-Orient passe devant toutes les autres
régions du monde. Avec une capacité de production de 18.618.300
barils de pétrole sur un total mondial de 63 980 800 de barils de
pétrole par jour en 2002, le Moyen- Orient est passé à
23.125.500 de barils par jour contre 72.028.300 pour le reste du monde en 2008.
Ce qui correspond concrètement à un taux global de 29,09 % en
2002 contre 32,10% en 2008 ; soit une augmentation de 3,01%109.
109 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique
après le 11 septembre 2001... », pp.232-234.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 38
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
Tableau 2 : Production de
pétrole brut par région du monde en 2009 (En milliers de barils
par jour).
2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
North America
|
7,191.3
|
7,140.1
|
6,538.9
|
6,583.3
|
6,447.8
|
6,489.5
|
6,303.5
|
Latin America
|
9,474.5
|
9,549.4
|
9,961.8
|
10,130.3
|
10,077.8
|
9,765.6
|
9,811.1
|
Eastern America
|
9,040.0
|
9,960.9
|
10,745.7
|
11,083.2
|
11,532.4
|
11,996.7
|
12,028.9
|
Western America
|
5,951.6
|
5,628.2
|
5,374.9
|
4,905.1
|
4,501.5
|
4,319.9
|
4,037.9
|
Middle East
|
18,618.3
|
20,408.5
|
21,981.5
|
22,722.0
|
22,900.8
|
22,362.0
|
23,125.5
|
Africa
|
6,429.2
|
7,246.4
|
8,276.9
|
8,815.7
|
8,958.4
|
9,103.7
|
9,323.7
|
Asia and Pacific
|
7,275.9
|
7,287.7
|
7,347.1
|
7,445.9
|
7,310.7
|
7,319.5
|
7,397.7
|
Total world
|
63,980.8
|
67,221.1
|
70,511.7
|
71,640.5
|
71,729.3
|
71,386.9
|
72,028.3
|
OPEC
|
25,595.3
|
28,187.9
|
31,076.8
|
32,305.7
|
32,448.6
|
31,928.6
|
33,093.0
|
OPEC percentage
|
40.0
|
41.9
|
44.1
|
45.1
|
45.2
|
44.7
|
45.9
|
Source: Organization of
the Petroleum Exporting Countries, 2009, Annual
Statistical Bulletin 2008, Austria, Ueberreuter Print und Digimedia,
p22.
Quant aux exportations, les données font aussi
remarquer que le Moyen-Orient est le premier fournisseur du monde en
pétrole brut. En effet, sur un total de 35.704.900 de barils de
pétrole exportés en 2002, le Moyen-Orient en avait fourni
13.799.600 soit un taux annuel de 38,64%. Ces chiffres ont connu un
accroissement ces dernières années puisqu'en 2008 le
ravitaillement du Moyen-Orient est passé à 17.439.300 de barils
par jour sur un total de 40.114.400, soit un taux annuel de
47,47%110.
110 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique
après le 11 septembre 2001... », pp.232-234.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 39
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
Tableau 3 : Exportation de
pétrole brut par région du monde en 2009 (en milliers de barils
par jour).
2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
North America
|
1,174.5
|
1,251.7
|
1,375.9
|
1,378.2
|
1,393.4
|
1,422.1
|
1,554.1
|
Latin america
|
4,477.7
|
4,523.1
|
4,605.7
|
4,739.1
|
4,900.2
|
4,727.2
|
4,378.8
|
Eastern America
|
3,970.5
|
4,626.2
|
4,827.0
|
5,344.4
|
5,542.7
|
5,878.7
|
5,658.2
|
Western America
|
4,822.8
|
4,502.0
|
4,354.8
|
3,740.1
|
3,443.2
|
3,222.2
|
2,785.6
|
Middle East
|
13,799.6
|
14,591.4
|
16,370.0
|
16,896.9
|
16,893.7
|
16,776.1
|
17,439.3
|
Africa
|
5,127.2
|
5,763.3
|
6,380.3
|
6,481.5
|
6,582.9
|
6,883.2
|
6,343.9
|
Asia and Pacific
|
2,332.6
|
2,095.1
|
2,005.8
|
1,961.1
|
1,876.6
|
1,923.0
|
1,954.6
|
Total world
|
35,704.9
|
37,352.7
|
39,919.5
|
40,541.3
|
40,632.7
|
40,832.6
|
40,114.4
|
OPEC
|
18,845.1
|
20,228.4
|
22,903.9
|
23,690.3
|
23,866.8
|
24,352.2
|
24,189.9
|
OPEC percentage
|
52.8
|
54.2
|
57.4
|
58.4
|
58.7
|
59.6
|
60.3
|
Source: organization of the Petroleum Exporting
Countries, 2009, Annual Statistical Bulletin 2008, Austria,
Ueberreuter Print und Digimedia, p34.
Ainsi le Moyen-Orient, bien qu'alimentant
considérablement le monde, demeure la région la plus dotée
en ressource pétrolière. C'est aussi la raison de la
dépendance des États-Unis envers cette région.
L'on situe cette dépendance dès l'accord formel
signé entre le Royaume d'Arabie Saoudite et les
États-Unis111. Au début du XXème
siècle, Abdelaziz Ben Abdel Rahman AL SAOUD, fondateur du Royaume
d'Arabie Saoudite moderne, voulant protéger l'indépendance du
pays décida de prendre le premier contact avec les États-Unis,
seule puissance non colonisatrice de la région. Ainsi, le 14
février 1945, le président Delano ROOSEVELT et Abdelaziz Ibn
SAOUD signèrent le « Pacte de l'USS QUINCY ». Par ce pacte,
l'Arabie Saoudite concédait aux États-Unis un privilège au
pétrole du Royaume pendant une période de 60 ans en
échange de leur protection militaire. Certains chercheurs
prétendent toutefois que cet accord recouvrait un contenu implicite bien
connu de ses signataires. Ce non-dit aurait été exprimé en
ces termes : « vous nous laissez appliquer la loi
111 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique
après le 11 septembre 2001... », p.240.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 40
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
islamique et régner en Arabie Saoudite selon nos
valeurs antioccidentales et nous coopérons économiquement avec
vous »112.
Si l'on considère les années 1920 comme marge
supérieure, on pourrait se rendre compte qu'en 1928, les
États-Unis prenaient déjà des parts dans la Turkish
Petroleum Compagny, devenu entre-temps Irak Petroleum Compagny, s'agissant
d'une société au sein de laquelle la France et l'Angleterre
étaient actionnaires113. Jusqu'en 1933, les compagnies
pétrolières américaines présentes au Moyen-Orient
étaient des associées minoritaires auprès des compagnies
européennes, ce qui changera avec la signature des accords de l'USS
QUINCY. Pendant les années 1950 et 1960, de nombreuses
sociétés américaines investissent énormément
dans le secteur pétrolier au Moyen-Orient. Jouissant parfois des parts
de marchés très alléchantes, les pourcentages des Majors
et Super-Majors américains oscillaient entre 23% et 100% des concessions
de certains pays. Il s'agit entre autres de : Musul Petroleum Compagny, Basrah
Petroleum, Iranian Oïl Participants, Kuwait Oil Compagny, Aramco, Qatar
Petroleum Compagny, Yemen Development Compagny, Dhofar Cities Service
Petroleum, Bahrein Petroleum Compagny, Independent Oil, Petroleum
Development114.
112 A. De VALLE, « De la stratégie pro-islamiste
des Etats-Unis au « paradigme du 11 septembre », chronique d'une
liaison dangereuse annoncée », in Revue Outre-Terre,
juillet 2002.
113 A. NOUSCHI, Pétrole et relations internationales
depuis 1945, Paris, Armand Colin, 2003, p.49.
114 Ibid., p.64.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 41
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
Tableau 4 : Les importations
américaines de pétrole brut au Moyen-Orient entre 1993 et 2008
(en milliers de barils par jour).
Date E.A.U Bahreïn Oman Syrie Yémen Irak
Koweït Qatar Arabie
Saoudite
1993
|
8
|
|
41
|
24
|
14
|
|
353
|
1
|
1413
|
1994
|
10
|
|
51
|
11
|
26
|
|
312
|
0
|
1402
|
1995
|
4
|
|
22
|
7
|
5
|
|
218
|
0
|
1343
|
1996
|
-4
|
|
36
|
0
|
2
|
1
|
236
|
0
|
1362
|
1997
|
-4
|
|
11
|
0
|
1
|
89
|
253
|
4
|
1407
|
1998
|
0
|
|
3
|
0
|
6
|
336
|
301
|
4
|
1491
|
1999
|
-1
|
|
0
|
3
|
2
|
725
|
248
|
10
|
1478
|
2000
|
13
|
|
2
|
2
|
27
|
620
|
272
|
9
|
1571
|
2001
|
38
|
|
20
|
3
|
25
|
795
|
250
|
13
|
1662
|
2002
|
12
|
|
17
|
11
|
27
|
459
|
228
|
15
|
1551
|
2003
|
19
|
|
35
|
13
|
6
|
|
220
|
3
|
1774
|
2004
|
18
|
3
|
10
|
10
|
5
|
656
|
250
|
5
|
1557
|
2005
|
16
|
0
|
24
|
12
|
13
|
531
|
243
|
4
|
1536
|
2006
|
7
|
0
|
34
|
8
|
20
|
553
|
184
|
2
|
1462
|
2007
|
9
|
0
|
32
|
4
|
13
|
484
|
181
|
2
|
1483
|
2008
|
3
|
0
|
18
|
6
|
0
|
627
|
210
|
0
|
1529
|
Source : Energy Information
Administration, Statistiques officielles du gouvernement américain,
publié sur
www.cia.doe.gov,
année 2009.
C'est à partir de cette forte dépendance que les
États-Unis sont amenés à s'impliquer diplomatiquement et
stratégiquement dans les affaires de la région. Ils se trouveront
dans la quasi-obligation de sacrifier, sur l'autel des intérêts
stratégiques, les nobles valeurs qu'ils prétendent incarner
à l'étranger115. C'est ainsi que la démocratie,
l'un des sacro-saints principes prônés par les États-Unis,
a été rétrogradée au second plan dans le but de ne
pas froisser les régimes alliés, parfois au mépris grave
des libertés, des droits de l'Homme et de la démocratie.
L'on a pu constater que l'Arabie Saoudite et même des
régimes qui n'avaient pas signé le pacte, tel que celui du Shah
d'Iran, se trouvaient libres de gouverner suivant leur propre idéologie.
Ceci parce que la démocratie est considérée comme un
véritable instrument de politique étrangère pour les
États-Unis, de même que de pour la paix et la
sécurité. En effet, elle est plus importante pour la
conquête des marchés et du pétrole116. L'usage
à géométrie variable de la démocratie conduira
à l'établissement du côté des populations
115 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique
après le 11 septembre 2001... », p.241.
116 Ibid., p.15.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 42
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
musulmanes d'une image péjorative des
États-Unis, et d'une insécurité à dominance
islamo-terroriste et antiaméricaine.
SECTION II : LA MONTEE DE L'INSECURITE
AU MOYEN-ORIENT : RAISON D'UN DESENGAGEMENT POTENTIEL DES
ETATS-UNIS ET D'UNE RECHERCHE DE MARCHES PETROLIERS ALTERNATIFS
Certains occidentaux, comme l'ancien président
américain Bill CLINTON, soutiennent que l'Occident n'a pas de
problème avec l'Islam mais, seulement, avec les extrémistes
islamistes violents117. L'usage de l'islamisme envers les
États-Unis au Moyen-Orient trouve son explication dans les actions
américaines.
L'instrumentalisation de l'islam, contre les activités
politiques américaines, part du soutien accordé à
Israël et sa politique, certes de survie, considérée comme
impérialiste par nombre de pays arabo-musulmans118.
État modeste aussi bien sur le plan spatial que démographique,
Israël est, de par ses capacités militaires, technologiques et
économiques, l'une des plus grandes puissances de la
région119. Ce statut repose essentiellement sur le soutien
diplomatique et l'importante aide que lui offrent annuellement les
États-Unis afin de s'en servir comme marchepied de leur politique sous
régionale120. Israël apparait par conséquent
comme une place forte, une sorte de base arrière au service de la
politique régionale des États-Unis. C'est, selon les islamistes,
un État-à l'image de la Turquie, qui contrôle militairement
le Moyen-Orient dans l'intérêt des
États-Unis121.
Ainsi, qu'ils l'aient planifié ou non, le soutien des
États-Unis à l'État d'Israël contribue ipso facto
à l'affaiblissement des régimes arabes de la région et ce
faisant tient, d'une certaine manière, les dirigeants arabes en
sujétion, humilie les habitants et menace les pays limitrophes. Aussi
nombre d'experts s'accordent sur le rôle que jouent ces activités
dans la colère des islamistes qui, à travers le monde, se
soulèvent contre les États-Unis et leurs
117 Huntington S. (1997-2000) Le choc des civilisations,
Paris, Odile Jacob, Avril, p 306. L'Islam en effet est une religion
monothéiste qui consiste à répondre à la
volonté ou à la loi de Dieu, tandis que l'Islamisme ou Islam
politique se définit comme un ensemble de courants politico-religieux de
contestation, nés dans des contextes de crise socio-économique et
de malaise identitaire, qui présentent de l'Islam une lecture
éminemment idéologique. Ou désigne des utilisations
politiques de l'Islam. Il doit aussi, par nécessité, être
distingué du fondamentalisme qui peut être défini comme un
retour aux textes fondateurs, le Coran et la tradition prophétique de
Mohammed.
118 T. RAMADAN et GRESH, L'Islam en questions, Nina Berberova,
Actes Sud, 2002, p.94.
119 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique
après le 11 septembre 2001... », p.246.
120 B. LEWIS, L'Islam en crise, Paris, Gallimard,
2003, p.23. ; N. CHOMSKY, Dominer le monde ou sauver la planète :
l'Amérique en quête d'hégémonie mondiale,
Paris, Fayard, 2003b, p.105.
121 N. CHOMSKY, ibid.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 43
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
intérêts122. Au niveau culturel, les
extrémistes remettent en cause le mode de vie occidental. Les
organisations islamistes, à travers le monde, sont convaincues que la
culture et la politique de l'Occident, particulièrement celles des
États-Unis, corrompent l'Islam123. Ces valeurs sont
considérées comme pernicieuses et ceux qui les pratiquent des
ennemis de Dieu124. Pour les extrémistes, la libre
orientation sexuelle des individus, de leurs pratiques sexuelles, du statut de
la femme dans la société, des modes vestimentaires, du
capitalisme suivi de la recherche effrénée du profit, de
l'égoïsme, de l'individualisme, qui envahissent le quotidien des
sociétés musulmanes, sont remis en cause. Ils condamnent l'art,
la poésie, la littérature, la musique, le théâtre,
le cinéma, la créativité et l'humour. Face à cet
état de fait, c'est l'authenticité, la survie, voire la
dignité de ce que les islamistes ont de plus cher qui est en jeu : leur
culture. Il serait donc important pour eux de se battre au nom de la
dignité du peuple musulman qu'ils veulent restaurer125,
d'où l'islamisme.
Pour ce qui est des activités stratégiques,
c'est la projection de puissance et les activités militaires, qu'ils
considèrent comme un moyen de mettre leurs intérêts
à l'abri de toute menace, qui exacerbent la colère des
organisations islamistes. Ces derniers considèrent que les
Américains exploitent les richesses de la terre d'Islam126.
Plus globalement, nombre d'islamistes soutiennent que depuis la période
coloniale jusqu'à nos jours, l'occident a pillé les richesses de
l'Islam, détruit ses traditions et laissé des
déserts127. Les choix stratégiques des
États-Unis pour accéder aux richesses du Moyen-Orient, les
exploiter et les acheminer sur le marché international, attisent de plus
bel leur colère.
En effet, le maintien des forces militaires Etats-uniennes sur
les lieux saints de l'Islam (en Arabie Saoudite), après la fin de la
première guerre du Golfe, a suscité la colère des
islamistes et notamment des moudjahidin à travers le
monde128. De ces différentes raisons,
présentées par les extrémistes, il s'en est suivi des
attaques aux intérêts américains dans toutes les zones du
monde, à l'exemple des attentats terroristes contre les installations
américaines en Afrique en Nairobi (Kenya) et à Dar Es-Salaam
(Tanzanie) de même qu'au Moyen-Orient. Le point d'orgue de ces attentats
fut celui perpétré le 11 septembre 2001, où les
États-Unis
122 G. F. GAUSE III, « Can democracy stop terrorism ?
» in Foreign Affairs, September-october 2005 ; D. SOURDEL,
L'Islam, Paris, PUF, 21e édition, 2002, p.116.
123 M. MANDANI, Good Muslim, Bad Muslim : America, the Cold
War, and the roots of Terror, Three Leaves Publishing, 2005.
124 B. LEWIS, L'Islam en crise, Paris, Gallimard, 2003,
p.49.
125 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique
après le 11 septembre 2001... », p.248.
126 C. SAINT-PROST, « Géopolitique des Etats-Unis
au Moyen-Orient » in Chauprade, (dir.) A., 2003, Revue
française de Géopolitique, Paris, Ellipses, p.235.
127 M. GOZLAND, Pour comprendre l'intégrisme
islamiste, Paris, Albin Michel, 2002, p.100.
128 M. ZEGHAL, « Les Etats-Unis et l'Islamisme politique
», publié par le centre disciplinaire des faits religieux,
octobre 2002, p.27.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 44
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
furent frappés de plein fouet chez eux,
entraînant tout d'abord une riposte directe de leur part envers les
États dits voyous par l'administration américaine pendant le
régime républicain de l'ancien président Georges Walker
BUSH en 2003 avec l'aide de certains États amis. Il s'agit de l'invasion
de l'Irak par une coalition constituée de Georges W. BUSH, alors
président des États-Unis, et de l'ancien premier ministre
britannique de l'époque Tony BLAIR (qui a gagné le sobriquet de
caniche du président américain129). L'objectif
déclaré de l'opération baptisée «
liberté pour l'Irak » était de renverser Saddam HUSSEIN et
d'y réaliser un changement de régime par la force des
armes130. Il s'agira aussi du changement de leur politique
internationale, recherchant une alternative à leur désengagement
potentiel au Moyen-Orient, en raison tout d'abord de son coup en terme de
dépenses et de pertes en vies humaines américaines (2000
milliards engloutis dans l'invasion irakienne et 5000 Marines, soldats
américains, morts en Irak131). Cette alternative est le
Cameroun, pays du Golfe de Guinée.
CONCLUSION DU CHAPITRE
Les États-Unis ont besoin, pour leur rayonnement
économique mondial et leur sécurité nationale, de
satisfaire leur approvisionnement en ressources stratégiques. Bien
qu'étant le troisième producteur mondial de pétrole,
l'exploitation considérable de cette ressource au niveau national ne
permet plus de combler les exigences sécuritaires et économiques.
Les Américains se voient dans l'obligation, pour limiter ce
déficit, d'aller trouver fortune dans le Golfe persique, première
région productrice d'or noir. Toutefois, ils sont combattus sur le
terrain par des groupes extrémistes qui n'apprécient guère
leur présence dans la région. Les États-Unis se tournent
donc vers le Golfe de Guinée où se situe le Cameroun. Dans le
chapitre suivant, nous montrerons pourquoi les États-Unis
s'intéressent de plus en plus à cette région et
particulièrement au Cameroun qui offre un nombre considérable
d'avantages.
129 Jeune Afrique, Hebdomadaire International Indépendant
no 2725 du 31 au 6 avril 2013, p.3.
130 Ibid.
131 Ibid.
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
CHAPITRE II :
LES ATOUTS DU CAMEROUN
DANS LE GOLFE DE GUINEE :
OBJET DE CONVOITISE POUR LES
ETATS-UNIS
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 45
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 46
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
Les États-Unis font face à un dilemme qui
consiste à ménager leurs réserves
pétrolières tout en restant compétitif sur le
marché mondial. Ne pouvant plus subvenir à leurs besoins de
consommation pétrolière nationale et se heurtant, pour nourrir
leur machine industrielle, à des obstacles dans le Moyen-Orient, les
Américains trouvent en la région du Golfe de Guinée,
surtout au Cameroun, une alternative à leurs préoccupations
énergétiques. Occupant depuis un certain temps une place de plus
en plus importante dans la géopolitique pétrolière
mondiale, notamment dans la politique de diversification des sources
d'approvisionnement énergétique, le Golfe de Guinée est
désormais un point névralgique pour les États-Unis. Aussi,
pour pouvoir bénéficier de l'important potentiel
énergétique de la région, et des nombreux avantages de son
pétrole, les Américains ont besoin de l'aide d'un État
ami, comme le Cameroun, qui possède de multiples atouts. Il sera
question de présenter les motivations de la présence grandissante
des États-Unis au Cameroun (section I) dont l'objectif ultime est le
quadrillage du Golfe de Guinée pour un rééquilibrage du
marché pétrolier mondial à partir de cet État
(section II).
SECTION I : LES MOTIVATIONS DE LA PRESENCE SANS
CESSE
GRANDISSANTE DES ETATS-UNIS AU CAMEROUN
Le Cameroun va acquérir une place importante dans
l'agenda des États-Unis à partir des attentats du 11 septembre
2001. En effet, contrairement à l'ignorance132, à la
marginalisation133, ou à la négligence134
qu'il a subie de leur politique étrangère, le Cameroun va
acquérir un intérêt stratégique135. Selon
le document de stratégie de sécurité nationale,
publié par l'ancien président Georges BUSH, le 20 septembre 2002,
l'Afrique revêt une grande importance pour la paix et la
sécurité mondiale136 .
Elle occupe le premier plan dans la nouvelle stratégie
de sécurité nationale des États-Unis137. Car,
le 11 septembre a révélé que dans le système
international actuel, la
132 P. J. SCHRAEDER, United States foreign policy toward
Africa : incrementalism, crisis and change, Cambridge University press,
1994, p.1.
133 M. AICARDI De SAINT-PAUL, La politique africaine des
Etats-Unis : mécanismes et conduites, Paris, Economia et Nouveaux
Horizons, 3e Edition, 1989 ; F. CHERU, « Aid and trade
policy : shifting the debate », in Rothchild, Africa-US relations :
strategic encounters, Lynne Reinner, 2006, p.217.
134 Henry Kissinger, « La nouvelle puissance
américaine », Paris, Fayard 2003, p.232. ; P. N. LYMAN,
« A strategic apporach to terrorism » in Rothchild,
Africa-US relations : strategic encounters, Lynne Reinner, 2006, p.49.
135 F. CHERU, Op. Cit.
136 J. F. THOMSON, « L'Afrique occupe une place de
premier plan dans la nouvelle stratégie de sécurité
nationale » in Foreign Policy, Vol. 7, no 4, 2002,
p.30.
137 Ibid.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 47
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
menace à grande échelle ne tient plus uniquement
des grandes puissances mais davantage des États en faillite, des
États faibles, des acteurs et des facteurs transnationaux de
nuisance138. Ainsi, depuis peu, l'attrait des États-Unis pour
le Cameroun, pays faible mais riche en matières premières et en
ressources stratégiques, est avéré. Il sera question de
présenter les motivations de la ruée américaine partant de
la situation géographique du Cameroun (paragraphe 1), et ensuite de ses
atouts internes faisant l'objet de convoitise des États-Unis (paragraphe
2).
Paragraphe 1 : l'argument géographique comme
l'une des raisons de
la ruée américaine
La position d'un pays ne se réduit pas uniquement
à son emplacement géographique. Tout dépend de l'enjeu
géopolitique voire géostratégique que l'on lui porte,
notamment dans la réalisation des objectifs
escomptés139. Partant de cette assertion, les
États-Unis apprécient la position géographique du Cameroun
dans le Golfe de Guinée.
Les États-Unis en effet, puissance maritime, ont comme
objectif, pour des raisons stratégiques, économiques et
militaires, de contrôler tous les carrefours maritimes les plus
stratégiques du globe. Le Cameroun n'échappe pas à cette
logique. Cet intérêt des États-Unis tient à son
ouverture maritime mais aussi à la position centrale qu'il occupe dans
le Golfe de Guinée. Ce dernier est présenté comme zone
stratégique en Afrique140, amenant parfois certains analystes
à penser que celui qui tient le Golfe de Guinée tient
l'Afrique141.
À partir de ses côtes sud-ouest, le Cameroun
s'ouvre sur l'océan Atlantique. Jouissant de plusieurs façades
maritimes (plusieurs centaines de kilomètre de côte), le Cameroun
favorise les échanges de toute nature sur le Continent. Cette position a
été parfois présentée par les autorités
camerounaises pour séduire les investisseurs, tout comme elle a
été évoquée par certains officiels
américains pour justifier leur intérêt à renforcer
leur coopération avec le Cameroun. Cette ouverture permet par ailleurs
aux zones géographiquement peu avantageuses
138 F. FUKUYAMA, State building, Gouvernance et ordre du
monde au XXIe siècle, Paris, La Table Ronde, 2004-2005,
p.13.
139 Alain Fogue T. « Enjeux
géostratégiques et conflits politiques... »,
p.21.
140 P. HUGON, « l'Afrique subsaharienne : un visage
contrasté », in L'année stratégique,
Paris, Armand Colin, 2005.
141 Come Damien George Awoumou, « Le Golfe de
Guinée face aux convoitises », in Enjeux n° 22,
janvier-mars 2005.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 48
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
d'écouler leurs produits142. Elle profite
principalement au Tchad, au Niger et à la République
Centrafricaine qui n'ont pas de façade maritime.
La façade maritime met davantage en exergue
l'importance du Cameroun dans une projection des puissances en Afrique. En
effet, elle favorise plusieurs opérations : l'accès en Afrique de
l'ouest, la remontée du sahel, l'accès à la corne de
l'Afrique (considérée comme porte d'entrée et poste
avancé des terroristes en Afrique) en passant par la Centrafrique, le
Tchad et le Soudan, puis la descente vers les pays des grands lacs dont
certains sont membres de la Communauté Économique des
États de l'Afrique Centrale (CEEAC). Le Cameroun se présente
aussi, par ses atouts d'ordre politico-économiques et socioculturels,
comme un îlot de paix dans une zone caractérisée par une
instabilité politique. Raisons pour lesquelles Les États-Unis
pensent qu'il est un partenaire de choix sur lequel ils peuvent compter dans la
sous-région143.
Paragraphe 2 : les atouts internes du Cameroun :
fondements d'une
convoitise américaine
Les mots ou expressions généralement
employés à l'intérieur ou à l'extérieur pour
désigner le Cameroun sont nombreux. Pour exprimer la vision qu'ils ont
de ce pays, les observateurs ont l'habitude d'utiliser des expressions comme :
pays béni des dieux, un havre de paix dans un îlot
tourmenté, Afrique en miniature, plate-forme en Afrique ou
hégémon de l'Afrique centrale144. Le Cameroun
présente sur le plan interne de nombreux avantages qui seraient à
la base de sa convoitise par les États-Unis. Il s'agit entre autres des
atouts politico-économiques et socio-culturels145.
Sur le plan politique, le Cameroun brille par
sa stabilité en Afrique Centrale et cet aspect séduit
l'observateur146. Le Cameroun est aux yeux des Américains un
pays stable, un îlot de paix dans une sous-région
tourmentée147, une destination essentielle pour leurs
investissements étrangers. Depuis son indépendance, obtenue le
1er janvier 1960, le Cameroun a connu deux régimes
politiques. Il a essuyé une tentative de coup d'État en 1984 mais
aucun
142 Rapport GAFC, 2003.
143 S. Zinga, « Géostratégie : que
recherche les américains au Cameroun ? », La Nouvelle
Expression, 21 août 2005 ; N. Amayena, « Dr. Jendayi E.
Frazer : Cameroon must preserve its stability » in
www.rdpcnrw.org,
17 février 2006.
144 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique
après le 11 septembre 2001... », p.18.
145 Ibid.
146 Rapport GAFC, 2003.
147 S. ZINGA, Op. Cit.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 49
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
changement anticonstitutionnel au sommet de l'État.
Cette stabilité semble avoir été renforcée sous le
régime de Paul BIYA, président de la République en
exercice148. Cette situation est appréciée par les
États-Unis qui y trouvent une raison pour renforcer leur
coopération avec cet État. Cette situation fait l'affaire des
États-Unis car leur conception de la démocratie et de la
stabilité est à géométrie variable. Pour les
États-Unis, en effet, la stabilité est liée à la
capacité de l'État et de ses institutions à garantir par
le droit l'absence de menace envers les personnes et leurs biens. Or en Afrique
comme au Cameroun, les États-Unis réduisent ce concept à
l'aptitude des régimes à contrôler l'espace politique et la
société civile149.
C'est dans ce sens que Jendayi FRAZER, secrétaire
d'État américain aux Affaires africaines, soutient que les
États-Unis s'intéressent fortement à l'Afrique centrale et
surtout au Cameroun parce que ce dernier présente une stabilité
politique exceptionnelle150. Le Cameroun n'a connu aucune guerre
civile ni interétatique. La crise frontalière qui l'opposait au
voisin Nigeria est aujourd'hui résolue. Le vent de la
démocratisation, du début des années 1990, a
suscité quelques agitations civiles mais la vague a été
maîtrisée et le régime maintenu. Depuis lors, le Cameroun a
organisé des élections qui se sont déroulées avec
plus ou moins de transparence malgré quelques contestations sans
soulèvement notable151.
Aussi, la venue des chefs d'entreprises ayant fui la
Côte d'Ivoire confirme que la stabilité politique dont
bénéficie le Cameroun crée un climat propice aux
affaires152. Cette stabilité politique se précise dans
le Document de Stratégie pour la Croissance et l'Emploi (DSCE),
instrument de développement camerounais qui se décline en trois
axes : la croissance, l'emploi et la bonne gouvernance de l'État. Pour
ce qui est du dernier point, il s'agit de garantir l'application des principes
démocratiques, les droits individuels et les libertés publiques
et renforcer la transparence dans la gestion des affaires publiques.
Sur le plan économique, le Cameroun se
présente comme l'hégémon de l'Afrique
Centrale153. Il fournit à lui seul la moitié de la
population et du PIB de toute l'Afrique Centrale154. Son
économie est en pleine croissance avec un taux qui oscille entre 4 et 5
%
148 P. HUGON, Op. Cit., p.402.
149 Alain Fogue T. « Enjeux
géostratégiques et conflits politiques en Afrique noire
», Paris, L'Harmattan 2008.
150 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique
après le 11 septembre 2001... », p20.
151 Rapport GAFC, 2003.
152 Ibid.
153 Par Afrique centrale nous faisons allusion aux pays membres
de la CEMAC : Cameroun, Tchad, République Centrafricaine, le Gabon, le
Congo et la Guinée-Équatoriale.
154 Rapport CEMAC, 2005.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 50
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
depuis une dizaine d'années155.
Complété par la diversification économique et
l'implantation de certaines industries de base156, le dynamisme
économique dont jouit le Cameroun fait de ce pays un vaste marché
dans la sous-région. Ainsi, Jendayi FRAZER déclare que le
Cameroun a une économie forte qui renforce sa place de leader en
Afrique. Cela était apprécié par l'ancien président
BUSH qui lui avait recommandé de se rendre au Cameroun157.
Cette stabilité participe dans le DSCE, boussole d'orientation
conceptuelle et de programmation financière à moyen terme,
à la mise en oeuvre de stratégies sectorielles par le
gouvernement camerounais.
La prévision de croissance de l'économie
camerounaise s'articule sur cinq points : la modernisation de l'appareil de
production, le développement humain, l'intégration
régionale, la diversification des échanges régionaux et le
financement de l'économie. Au niveau des atouts socioculturels,
L'article1 alinéa 3 de la loi N° 96-06 du 18 janvier 1996, portant
révision de la constitution du 02 juin 1972, fait du Cameroun un pays
bilingue. Le français et l'anglais sont les langues officielles de la
République. Elles sont d'égale valeur et
bénéficient d'une égale protection constitutionnelle. La
langue anglaise présente une importance tant il est vrai qu'elle
participe, avec la culture, à l'orientation géographique des
investisseurs d'où la promotion du Commonwealth. L'anglais est un enjeu
non négligeable pour les États-Unis dans leur projet au
Cameroun158.
Le Cameroun rassemble la quasi-totalité des cultures
d'Afrique noire et compte une multitude de groupes ethniques et de langues
nationales. En outre, le Cameroun est caractérisé par une
diversité de religions. Les plus en vue sont le christianisme (53 %),
l'Islam (22 %) et les cultes africains (25 %). Toutes ces cultures se
dissolvent et s'interpénètrent pour ne former qu'un seul peuple,
mieux, une même Nation vivant pacifiquement sur le même territoire.
Selon le paradigme américain de la diversité dans
l'union159, le multiculturalisme dont jouit le Cameroun est un
terrain fertile, un véritable catalyseur de la promotion de la
démocratie et du
155 P. HUGON, Op. Cit.; Rapport GAFC, 2003.
156 Y. A. CHOUALA, « La crise diplomatique de Mars 2004
entre le Cameroun et la Guinée Equatoriale : fondements, enjeux et
perspectives », in Polis, 2005.
157 Cameroon Tribune no 9732/5934- 37e
année, du mardi 30 novembre 2010, p.5.
158 M. D. Ebolo, 1998, « L'implication des puissances
occidentales dans le processus de démocratisation en Afrique : analyse
des actions américaines et françaises au Cameroun, 1989-1997
», in Polis, Vol.6, no 2, pp.19-55.
159 L. SINDJOUN citant P. Raynaud (1997 :152-157), in «
La démocratie est-elle soluble dans le pluralisme ?
Éléments pour une discussion politiste de la démocratie
dans les sociétés plurales », in Introduction
inaugurale au colloque international Francophonie-Commonwealth
Démocratie et société plurielle, Yaoundé, 24-26
janvier 2000, p.4.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 51
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
respect des droits de l'Homme lesquels sont officiellement
présentés comme raisons de leur présence au Cameroun.
Ces atouts expliquent l'appétence des États-Unis
pour cette Entité étatique. Toutefois, ces avantages ne peuvent
qu'en partie expliquer cette ruée. La dépendance
énergétique (pétrolière en l'occurrence) des
États-Unis et leur volonté de rééquilibrer le
marché pétrolier mondial, tout en profitant des facilités
du Golfe Guinée, expliquent profondément cet attrait
américain.
SECTION II : LES MOTIVATIONS STRATEGIQUES DE LA
RUEE
AMERICAINE AU CAMEROUN
La présence de plus en plus visible des
États-Unis au Cameroun s'inscrit dans la nouvelle stratégie de
sécurité nationale définie par l'administration BUSH en
septembre 2002. Les objectifs officiellement affichés sont la promotion
de la démocratie, des droits de l'Homme et la lutte contre certaines
maladies chroniques160. La présence américaine a comme
objectif l'usage du Cameroun comme allié et État pivot dans le
Golfe de Guinée161.
On peut l'affirmer au regard des réalisations
américaines dans le pays à l'exemple de leur nouvelle
chancellerie inaugurée en février 2006. Cette dernière a
coûté la bagatelle de 24 milliards de FCFA, ce qui conduira
l'ancien Ambassadeur américain, Niels MARQUARDT, à
déclarer que les États-Unis ont l'intention d'être au
Cameroun pour toujours162. L'explication de cet intérêt
provient de la production sans cesse croissante de l'or noir et d'autres
ressources dans le Golfe de Guinée et leur volonté de trouver des
marchés alternatifs au Golfe persique. Nous présenterons la
production croissante des ressources du Golfe de Guinée (paragraphe 1),
conduisant une conceptualisation de mobiles pour la conquête et le
quadrillage de cette région à partir de cet Etat camerounais
(paragraphe 2).
Paragraphe 1 : la production croissante en ressources
stratégiques
du Golfe de Guinée
160 Alain Fogue T. « Enjeux
géostratégiques et conflits politiques... », p.86.
161 Un Allié de revers se présente comme un
État à qui les États-Unis font recours, du moment
où ils se trouvent dans une situation défavorable au Nigeria,
dans cette région du Golfe de Guinée. Un État pivot quant
à lui est, pour les américains, un État d'appui par lequel
ils arrivent à se projeter vers d'autres États, ceci à
partir de la position d'axe stratégique occupée par le premier
dans la même région.
162 Nzeugang, « Une lecture de la coopération
américano-camerounaise depuis 2001... », p.15.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 52
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
Les États-Unis sont l'un des acteurs clés de la
géopolitique énergétique163. Malgré leur
statut de troisième producteur mondial et en dépit de
réserves conséquentes, les États-Unis importent
près de la moitié de leur consommation en
pétrole164. Ce phénomène s'explique par le
tarissement croissant de leurs réserves.
En effet, Les provinces pétrolières
américaines historiques sont en phase de déclin quoique leurs
productions soient partiellement compensées par celles des compagnies
industrielles, qui parviennent encore à renouveler les réserves
(en particulier le Golfe du Mexique)165. Au total, la production des
États-Unis baisse au rythme de 2% par an en moyenne- un peu moins-
depuis 1990. Les importations ont progressé de plus de 5% par an en
moyenne sur 15 ans, pour atteindre leur maximum historique en
2000166.
Elles s'élevaient alors à 11 Mb/jr, soit 54% de
la consommation totale167. En 2020, ces chiffres pourraient passer
à 19 Mb/jr et 66%168. Ainsi, l'économie
américaine présentée comme énergivore,
doublée par l'opposition des États-Unis de maitriser leur
consommation en ressources énergétiques, le pétrole en
l'occurrence, les poussent à se projeter là où se situent
les réserves pétrolières essentielles à la
poursuite de leurs activités économiques169. Cette
politique a débuté, au Moyen-Orient, par la sécurisation
du marché, à travers la mise en place de la Strategic Petroleum
Reserve (SPR) ayant pour objectif le remplissage de la réserve
pétrolière américaine d'une part et d'autre part, la
création d'un dispositif militaire d'intervention rapide au
Moyen-Orient170.
Mais aussi par leur investissement politique dans d'autres
régions jusque-là délaissées par eux à
savoir l'Afrique du Nord, l'Afrique subsaharienne, notamment dans le Golfe de
Guinée171 où se trouve le plus grand producteur
africain de pétrole, le Nigéria. La production
pétrolière nigériane est importante. Celle-ci l'a
propulsé, depuis quelques années, dans le cercle des quinze
premières nations productrices de pétrole au monde172.
La place du pays, dans l'équilibre du marché, s'en est
trouvée renforcée. En effet, les différents chocs
pétroliers ont permis aux grands consommateurs de voir les risques d'un
marché trop dominé
163 Pascal Lorot « Géopolitique des hydrocarbures
», p.40.
164 Ibid.
165 Pierre Noel, « Les États-Unis et le
pétrole... », p.36.
166 Ibid.
167 Ibid.
168 Ibid.
169 Pascal Lorot, Op.cit.
170 Pierre Noel, Op.cit.
171 Ibid., p.36
172 Noah Noah, « Enjeux énergétiques et
insécurité dans le golfe de Guinée... »,
p.42.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 53
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
par les producteurs du Golfe persique. Ces derniers ayant fait
étalage de leur puissance pendant les crises de 1973 et 1979, il
fallait, pour les grands consommateurs de pétrole, trouver un moyen
d'amenuiser leur capacité de nuisance et penser à trouver des
marchés alternatifs173. C'est pour cette raison qu'à
partir de la fin des années 1990, l'Afrique connaitra un
redéploiement stratégique des grandes puissances à la
recherche d'alliés de revers aux producteurs du Moyen-Orient. Le
Nigéria, comme d'autres marchés pétroliers marginaux, se
retrouve alors au centre des enjeux de puissance des grands consommateurs.
Ceux-ci tendent de se servir de lui comme une vitrine de leur
assise géostratégique dans le Golfe de Guinée,
région pétrolière la plus dynamique
d'Afrique174. Confrontés à une
insécurité de plus en plus grandissante au Moyen-Orient, les
États-Unis se voyaient dans obligation de trouver une région de
substitution à leurs préoccupations en ressources
stratégiques que sont le pétrole et d'autres matières
premières.
Doté d'un potentiel énergétique important
et de sources d'énergies diverses et variées (pétrole,
gaz, biomasse etc.), le Golfe de Guinée, jadis réputé pour
la qualité de ses produits agricoles, est devenu depuis quelques
années un véritable eldorado pétrolier175. Il
regorge de pétrole non seulement réputé pour sa
qualité, mais aussi des réserves en pleine croissance et d'un
volume de production élevé. Pour ce qui est des réserves,
la région du Golfe de Guinée où se concentre l'essentiel
des réserves d'Afrique subsaharienne est devenue depuis quelques
années l'une des zones-phares de la scène
pétrolière mondiale. N'étant pas comparable au
Moyen-Orient, ces réserves sont toutefois revues à la hausse.
Elles s'élèvent aujourd'hui à 55
milliards de barils, soit 4,8% des réserves mondiales176. Le
Golfe de Guinée compte de grands États détenteurs de
pétrole comme le Nigeria (ses réserves prouvées sont
passées de 31,5 milliards de tonnes en décembre 2002 à
35,2 milliards en avril 2005177. Elles sont si importantes qu'elles
représentent plus du double des réserves des autres États
africains détenteurs178. En fin 2006, les réserves du
Nigeria s'élevaient à environ 36,2 milliards de
barils179 et celles de l'Angola à 9 milliards de
barils180.
173 Ibid.
174 Ibid., p.43.
175 J. V. Ntuda Ebodé, « Les enjeux
pétroliers du Golfe de Guinée », in Diplomatie
Magazine, no 7, février-mars 2004, p.44.
176 M. Kounou 2006, « Pétrole et
pauvreté au sud du Sahara : analyse des fondements de l'économie
politique du pétrole dans le Golfe de Guinée »,
Yaoundé, éditions Clé, p.33.
177 Ibid.
178 Ibid.
179 Poissonnier H., HUISSOUD J.M, « Vers de nouvelles
stratégies de rente : pourquoi le pétrole ne suffit pas... »
in Enjeux, no 36, juillet 2008, p.20.
180 Ibid.
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
Selon les dernières évaluations, les
réserves angolaises s'élèvent à 12 milliards de
barils et celles de la Guinée-Équatoriale à 1,8 milliards
de barils181.
Tableau 5 : Production et réserves
d'hydrocarbures en Afrique fin 2006.
PETROLE GAZ
Pays
|
Réserves en mds de barils
|
%
Mondial
|
Réserves en années de production
|
Production en milliers de barils par jour
|
%
mondial
|
Réserves (mds de M3)
|
%
mondial
|
Réserves en années
|
Production en milliards de M3
|
%
mondial
|
Algérie
|
12,
3
|
1,00
|
16,8
|
2005
|
2,20
|
4,5
|
2,50
|
53,2
|
84,5
|
2,90
|
Angola
|
9
|
0,70
|
17,6
|
1409
|
1,80
|
|
|
|
|
|
Autre
|
0,6
|
0,10
|
24,6
|
68
|
0,10
|
1,21
|
0,70
|
100+
|
8,2
|
0,30
|
CMR
|
|
|
|
63
|
0,10
|
|
|
|
|
|
Egypte
|
3,7
|
0,30
|
15
|
678
|
0,80
|
1,94
|
1,10
|
43,3
|
44,8
|
1,60
|
Gabon
|
2,1
|
0,20
|
25,3
|
232
|
0,30
|
|
|
|
|
|
Guinée Eq
|
1,8
|
0,10
|
13,8
|
358
|
0,50
|
|
|
|
|
|
Libye
|
41,
5
|
3,40
|
61,9
|
1835
|
2,20
|
1,32
|
0,70
|
88,9
|
14,8
|
0,50
|
Nigeria
|
36,
2
|
3,00
|
40,3
|
2640
|
3,00
|
5,21
|
2,90
|
100+
|
28,2
|
1,00
|
Congo
|
1,9
|
0,20
|
19,9
|
262
|
0,30
|
|
|
|
|
|
Soudan
|
6,4
|
0,50
|
44,23
|
397
|
0,50
|
|
|
|
|
|
Tchad
|
0,9
|
0,10
|
16,1
|
153
|
0,20
|
|
|
|
|
|
Tunisie
|
0,7
|
0,10
|
27,5
|
69
|
0,10
|
|
|
|
|
|
Total
|
117
,2
|
9,70
|
32,1
|
9990
|
12,10
|
14,18
|
7,80
|
78,6
|
180,5
|
6,3
|
Source : Enjeux no 36 Juillet
2008, p20.
D'après le tableau, en 2006, l'Afrique produisait un
peu plus de 12% du pétrole mondial et 6,3% de gaz. Les réserves
de pétrole s'élevaient quant à elles à 117,2
milliards de barils soit 9,70% des réserves mondiales. Pour ce qui est
du gaz en cette date, les réserves
181 Tchetchoua Tchokonté, « Enjeux et jeux
pétroliers en Afrique... », pp.28-29.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 54
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 55
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
africaines s'élevaient à 14,18 millions de
M3 soit 7,80% des réserves mondiales182. Ces
potentialités du Golfe de Guinée s'expriment aussi par une
production sans cesse croissante. En effet, avec une production de 4 millions
de barils par jour dont l'essentiel provient du Golfe de Guinée,
l'Afrique subsaharienne affiche une capacité de production qui
s'élève à 6% des extractions mondiales. Davantage, dans 10
ans cette production aura augmenté de 30% contre 16% seulement pour les
autres continents183. D'autre part, il faut relever que les
réserves avérées sur l'ensemble du continent africain
représentent environ 100 milliards de barils alors que sa production
actuelle n'est que de 9 millions de barils par jour dont 5 millions sont
tirés du Golfe de Guinée184 où se trouve le
Cameroun.
Cet État, bien qu'étant un producteur marginal,
voit son crédit s'agrandir auprès des États-Unis. En
effet, d'après le câble diplomatique, du 22 avril 2009,
révélé par le site WIKILEAKS, l'ancienne ambassadrice des
États-Unis au Cameroun, Janet GARVEY, pense que le secteur
pétrolier camerounais est porteur d'espérance185.
Classé septième producteur d'Afrique subsaharienne186,
le Cameroun voit sa production régulièrement augmenter depuis
2011187.
D'après les statistiques de la SNH, 65 puits
d'exploration et d'appréciation ont été forés entre
2008 et 2013. En 2012, la production a culminé à 22,3 de barils
pour atteindre la barre, en 2013, de 28,8 millions de barils fournissant 705
milliards de FCFA (1,41 milliards USD)188. Avec l'entrée en
production des champs pétroliers de Mvia, situé en on shore, dans
le bassin Douala-Kribi-Campo, et de Dissoni189, de même que la
découverte de nouveaux gisements (en octobre 2012, Addax Petroleum
découvre un gisement estimé à 20 millions de barils de
brut et 5,7 milliards de m3 de gaz dans le bassin offshore de Rio
Del Rey)190, le Cameroun, en 2014, projette une production d'un peu
plus de 30 millions de barils pour des recettes devant atteindre,
d'après le ministre des Finances, Alamine OUSMANE MEY, 718
182 Tchetchoua Tchokonté, « Enjeux et jeux
pétroliers en Afrique... », pp.28-29.
183 Ibid.
184 Alain Fogue T. « Enjeux
géostratégiques et conflits politiques... », p.259.
185 Selon ses propos : « Depuis 2007, le gouvernement
camerounais a manifesté de l'intérêt pour l'exploration du
pétrole, et du gaz, dans les blocs de Bakassi (752 km2),
Bolongo (462 km2), Lungahe (84 km2) et Mokoko Ouest (18
km2). Sur la base de tests géologiques préliminaires,
la SNH pense qu'il y a du pétrole dans l'Extrême Nord (le bassin
du Logone Birmi, 27 000 km2), dans le Nord (Garoua, 7800
km2) et dans le Sud-ouest (le bassin de Mamfé, 1775
km2) » in La Météo, no
557 du 05 décembre 2013, p6.
186 Ibid., p5.
187 Ibid.
188 Ibid.
189 Ibid., p.6.
190 Jeune Afrique, no 2750 du 22 au 28
septembre 2013, p.59.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 56
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
milliards de FCFA191. Toutes ces
potentialités amènent les États-Unis à
s'intéresser, de plus en plus, au Cameroun.
Ces différents facteurs expliquent le regain
d'intérêt actuel porté au Cameroun par les
États-Unis. Le secteur pétrolier camerounais en pleine
croissance, de même que celui de l'ensemble du Golfe de Guinée,
acquière un poids stratégique pour les États-Unis dans
leur volonté de rééquilibrage du marché
pétrolier mondial.
Paragraphe 2 : les mobiles américains :
rééquilibrage du marché
pétrolier mondial et quadrillage du Golfe de
Guinée
La dépendance énergétique des
États-Unis vis-à-vis du Moyen-Orient est une
réalité, l'Arabie Saoudite fournie à elle seule 15% des
importations américaines de brut. Un réexamen de leur politique
énergétique s'imposait192. Ce réexamen les a
conduits à la conclusion que l'Afrique subsaharienne doit leur servir
d'allier de revers par rapport à l'Arabie Saoudite leur partenaire
traditionnel, en qui ils n'ont plus totalement confiance. C'est ainsi que le
pétrole africain est déclaré stratégique pour la
sécurité nationale américaine par les experts
américains193. La région du Golfe de Guinée
étant la plus riche en hydrocarbures en Afrique subsaharienne, elle
devient rapidement l'objet de convoitises de l'administration
américaine, pour différents avantages :
- Situés en mer et donc offshore, les gisements du Golfe
de Guinée sont
en principe à l'abri des turbulences politiques ;
- Grâce aux supers tankers, le pétrole du Golfe
de Guinée se trouve à seulement deux semaines environ des
principaux ports américains ;
- A part le géant nigérian, les autres pays
producteurs de brut du Golfe de Guinée ne sont pas membres de l'OPEP
et, par conséquent, il est plus facile d'agir sur le prix de leur
pétrole. Les États-Unis découvrent ainsi un avantage
perçu très tôt par la France qui agissait à travers
la société Elf en 1967, par et pour l'État
français194.
191 La Météo, no 557 du 05
décembre 2013, p6.
192 Alain Fogue T., « Le Mythe de la marginalisation
stratégique de l'Afrique : Analyse de la dynamique américaine et
chinoise autour du pétrole africain » in L'Afrique dans un
monde en mutation : dynamiques internes ; marginalisation internationales ?
2010, pp.257-258.
193 Ibid, p.258.
194 Ibid.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 57
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
L'importante place du Golfe de Guinée dans le monde se
remarque par l'intense déploiement politique et diplomatique des
puissances consommatrices de pétrole dans la région. Ainsi, les
États-Unis s'activent depuis 2000 sur le Continent à travers un
intense déploiement politique et diplomatique : visite du
sous-secrétaire d'État américain à Sao Tomé
et Principe en 2003 ; mise sur pied à Washington d'un groupe de travail
Administration-Congrès, grandes compagnies pétrolières
à l'origine de la mise sur pied de la commission du Golfe de
Guinée ; implication et pression accrue des États-Unis pour la
résolution rapide des guerres civiles par les accords de paix au Soudan,
au Tchad et au Congo Brazzaville ; diner de travail entre le chef de la Maison
Blanche et les Chefs d'États africains pétroliers en marge de
l'Assemblée générale des Nations Unies en septembre 2002 ;
organisation d'un symposium à Washington au début 2002 sur
l'importance du pétrole africain pour la sécurité
nationale américaine visant à développer une
stratégie pour protéger cette production (africaine) du
terrorisme ; visite du secrétaire d'État américain au
Gabon et en Angola en septembre 2002 ; voyage africain du chef de
l'Exécutif américain en juillet 2003 au Nigeria et en Afrique du
Sud notamment ; tournée du commandant adjoint de l'EUCOM au Ghana, au
Nigeria, en Angola, en Afrique du Sud, au Gabon, à Sao Tomé et
Principe en mars 2004, les entreprises militaires avec le soutien direct de
Washington sous prétexte de lutter contre le
terrorisme195.
Il s'agit visiblement, pour les américains,
d'établir une structure politico-militaire rigide, répressive et
oppressive qui leur permettrait d'avoir librement accès aux ressources
stratégiques africaines196 et camerounaises. C'est pour cette
raison que le Golfe de Guinée est une zone d'importance
stratégique pour les États-Unis. C'est la publication d'un livre
blanc d'African Oil Policy Initiative Group (AOPIG) intitulé African
Oil, A priority for US National Security and African Development, qui met
en garde les États-Unis sur le fait qu'importer du pétrole du
Moyen-Orient revient indirectement à financer le
terrorisme197.
Aussi invite-t-il l'administration américaine à
faire du Golfe de Guinée une zone d'importance stratégique et
à y trouver des pays amis prêts à fournir le pays en
hydrocarbures. Les États-Unis s'appuieront en premier sur le Nigeria.
Mais l'instabilité du delta du Niger, en rapport avec les islamismes
radicaux, rendra incertain leur projet géostratégique dans le
pays.
195 M. Kounou, 2006, « Pétrole et pauvreté
au sud du Sahara... », p.23.
196 Ibid.
197 Alain Fogue T., « Le Mythe de la marginalisation
stratégique de l'Afrique... », pp.257-258.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 58
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
En outre, la corruption et les détournements des
revenus du pétrole, l'incurie des compagnies pétrolières
internationales et l'incompétence de dirigeants politiques
nigérians contribuent au paradoxe de l'abondance c'est-à-dire une
paupérisation des populations malgré les richesses nationales.
Cette situation délétère pousse ces
derniers à orchestrer des actions hostiles aux activités
occidentales, variant entre le sabotage d'installations
pétrolières, la prise d'otages avec demandes de rançons ou
encore des attentats terroristes. Les États-Unis se retrouvent à
chercher dans la région un pays qui leur sert d'allié de revers.
Ce dernier est le Cameroun, pays possédant une certaine stabilité
politique et économique.
C'est à partir des qualités du Golfe de
Guinée que le Cameroun fait l'objet d'intérêt pour les
États-Unis.
CONCLUSION DU CHAPITRE
Le Cameroun constitue un important enjeu pour les
États-Unis dans le Golfe de Guinée en raison du déficit
énergétique auquel ils font face mais aussi en raison de
l'insécurité grandissante dans la région du Moyen-Orient
qui ne leur permet plus de satisfaire leurs besoins. Du fait de la situation
géographique et des atouts internes du Cameroun, les États-Unis
trouvent nécessaire de renforcer leur présence dans cet
État du Golfe de Guinée, région dont le secteur et la
production pétrolière sont en pleine croissance. Il sera question
dans la partie suivante d'exposer et d'analyser le projet
géostratégique des États-Unis au Cameroun.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 59
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
Rendu au terme de la première partie, il était
question de montrer les raisons de la conquête du Cameroun par les
États-Unis. Le premier chapitre nous a permis de constater que la
dépendance énergétique, l'incapacité à
couvrir des besoins énergétiques et l'instabilité
croissante au Moyen-Orient sont à l'origine de l'intérêt
qu'accordent les États-Unis au Cameroun. Aussi, les atouts de divers
ordres que présente cet État du Golfe de Guinée,
présentés dans le chapitre II, renforcent la détermination
américaine à le mettre sous son influence
géostratégique. La deuxième partie de notre travail
consistera donc à illustrer effectivement la mise en oeuvre de
différents procédés américains pour mettre le
Cameroun sous quadrillage géostratégique.
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
DEUXIEME PARTIE : LE
PROJET GEOSTRATEGIQUE
DES ETAS-UNIS AU CAMEROUN
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 60
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 61
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
L'intérêt des États-Unis pour le Cameroun,
d'après l'analyse de leur politique étrangère, est de plus
en plus grandissant. En effet, leurs objectifs géopolitiques et
géostratégiques dans ce pays, depuis la fin du communisme, ont
pour seul but de s'accaparer des richesses dont il regorge tout en luttant par
tous les moyens contre toutes reformes politiques susceptibles de profiter au
concurrent fut-il allié198. Le Cameroun est victime d'un jeu
entre grandes puissances indifférentes à son sort mais
intéressées par ses richesses naturelles, minières et
agricoles199. C'est ainsi que l'ancien président
français, François MITTERRAND, lors de la réception de son
hôte soviétique, le ministre soviet des Affaires
Étrangères, Andrei Gromyko, le 9 septembre 1983 à Paris,
soutiendra au sujet du Continent africain que la France ne risquera pas son
existence pour obéir à des stratégies qui lui seraient
étrangères200.
On peut définir le projet géostratégique,
des États-Unis au Cameroun, comme le quadrillage de cet État en
zone d'importance stratégique et à un déploiement de
forces et de moyens pour le mettre sous contrôle politique,
économique, diplomatique et stratégique201. Le
déploiement des États-Unis au Cameroun se joue sur
différents échiquiers aussi bien politique et économique,
que diplomatique, militaire et culturel. Il est question, dans cette partie, de
présenter ce projet géostatique américain (chapitre III).
Toutefois, les États-Unis font face, sur le terrain, à la
présence d'autres puissances n'ayant aucunement l'intention de faciliter
leur installation dans ce pays, mais plutôt la détruire. Nous
présenterons donc comment ces puissances, la France et la Chine à
l'occurrence, s'organisent chacune pour contrecarrer le projet américain
tout en préservant leurs intérêts (chapitre IV).
198 Alain Fogue T. « Enjeux
géostratégiques et conflits politiques... », p.86.
199 Nous empruntons les propos de De Lestrange C. Zélinko
P. et Paillard A. 2005, « Géopolitique du pétrole, un
nouveau Marché, de nouveaux risques, de nouveaux Mondes »,
Paris, Technip, p.153.
200 Alain Fogue T. Op. Cit, p.277.
201 Séverin Tchokonté « Le projet
géostratégique de la Chine en Afrique » in
Géostratégie no 33, 4etrimestre
2011, p.121.
CHAPITRE III :
LE DEPLOIEMENT
AMERICAIN AU CAMEROUN
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 62
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 63
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
La forte économie des États-Unis
génère une demande en hydrocarbures que la production nationale
n'est pas à même de satisfaire. Ainsi, les Américains font
preuve d'un dynamisme impressionnant pour mettre en oeuvre une stratégie
leur permettant, pour importer la différence nécessaire à
leurs besoins, de profiter pleinement des ressources énergétiques
dont regorge le Cameroun. Les États-Unis exploitent, par exemple,
l'incapacité politique et technologique des dirigeants camerounais
à contrôler et à exploiter les richesses que possède
l'État. Les États-Unis, pour quadriller le Cameroun, se
déploient à la fois dans le cadre bilatéral (section I)
que multilatéral (section II).
SECTION I : L'EXPRESSION DE LA MANOEUVRE AMERICAINE
DANS SES
RELATIONS BILATERALES AVEC LE CAMEROUN
Afin de mieux dérouler son projet
géostratégique au Cameroun, les États-Unis font appel
à la fois aux acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux. Ceux-ci
utilisent différents moyens, structurant la politique
étrangère américaine202, pour arriver à
leurs fins dans cet État du Golfe de Guinée. Il s'agit des
procédés politico-diplomatiques, socio-économiques et
militaires. Ainsi, pour une meilleure compréhension et une
lisibilité de notre travail, nous présenterons en premier les
moyens politico-diplomatiques (paragraphe 1) et par la suite ceux
socio-économiques et militaires (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : les moyens politico-diplomatiques
utilisés par les
États-Unis
a- Le pilier politique : usage géopolitique de
principes démocratiques et du droit international
Les États-Unis font usage de procédés
tant officiels qu'officieux203 au Cameroun. Parmi ceux-ci, les
programmes d'aide économique et sociale de même que des
équipes d'observation de scrutins électoraux sont usités.
L'invitation de délégations comme l'attribution de
récompenses aux personnes ou organismes camerounais, s'étant
distingué par
202 Nzeugang, « Les Etats-Unis en Afrique
après le 11 septembre 2001... », p.46. Pour Susan B.
Epstein, Nina M. SERAFINO et Francis T. MIKO-2007-la démocratie en
termes d'essence de la politique étrangère des États-Unis,
est la pierre angulaire, l'élément structurant de la politique
étrangère et partant africaine des États-Unis.
203L. DIAMOND, « An American Foreign Policy
for Democracy » in Policy Report, july 1991.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 64
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
des activités en faveur de la démocratie et du
respect des droits et libertés fondamentaux204, participent
aussi à une politique de charme déployée par les
États-Unis205.
Cette manière d'agir provient de l'histoire
vécue par les États-Unis qui durent batailler avec la puissance
colonisatrice anglaise pour accéder à l'indépendance. Ils
trouvèrent nécessaire et indispensable d'établir la
démocratie dans laquelle les individus, plus précisément
les citoyens, ont le pouvoir de décider par le moyen des
élections compétitives et par la préservation des droits
et libertés du citoyen. Pour les États-Unis, la démocratie
libérale, encore appelée démocratie de marché, se
particularise par une large participation-plus ou moins directe-des citoyens
à la vie publique. Les libertés politiques comme celles de la
presse, l'association de conscience et d'expression sont garanties par un
système politique représentatif c'est-à-dire par une
Constitution et un Congrès où siègent les
représentants élus de la nation. Pour eux, les libertés
économiques côtoient les libertés politiques, l'État
protège l'initiative individuelle, la propriété
privée et l'égalité des citoyens206.
Ce principe d'égalité ne s'oppose
évidemment pas aux inégalités économiques où
les plus riches côtoient les plus démunis. Ces principes sont
utilisés par les Américains au Cameroun en vue de promouvoir un
État démocratique. Ils se réfèrent aux propos du
président de la République Paul BIYA dont l'ambition est de
léguer à ses compatriotes, notamment aux jeunes
générations, une Nation démocratique, forte, unie,
pacifique et prospère. Les États-Unis offrent ainsi, pour la
promotion de cet État démocratique, des aides en formes
d'assistance, de prise en charge et d'observation de scrutins électoraux
au Cameroun. Tel a été le cas des élections
présidentielles de 2011 où l'ancien ambassadeur américain,
Robert P. JACKSON, s'est félicité de l'aide américaine
pour les programmes d'inscription sur les listes
électorales207.
Du côté de l'attribution de récompenses,
l'exemple de reconnaissance par les États-Unis à un individu pour
son engagement, en ce qui est de lutte contre les atteintes à la
démocratie, est Henriette EBONGO EKWE, journaliste, femme politique et
militante pour les droits de l'Homme. Elle est la première africaine
à avoir reçu l'IWCA208, prix du Courage Féminin
décerné par le département d'État américain
et reçue des mains d'Hilary CLINTON
204 Ibid.
205 Ibid., p.105.
206 A. TOCQUEVILLE, De la démocratie en
Amérique, Paris, Gallimard, 1961.
207 Cameroon Tribune no 9732/5934- 37e
année, du mardi 30 novembre 2010, p.5.
208 International Women of Courage Awards ou Prix Internationaux
pour Femmes engagées.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 65
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
en présence de la première dame
américaine, Michelle OBAMA209. Selon Robert JACKSON ancien
ambassadeur des États-Unis au Cameroun, elle a été choisie
en raison de son courage exceptionnel, son engagement et son leadership dans la
promotion de la démocratie, de la transparence, des Droits de l'Homme et
de l'État de droit au Cameroun. Elle a été, à la
demande d'Hilary CLINTON, auteure du discours d'acceptation des
lauréats210. L'attachement des États-Unis au Cameroun,
pour la promotion d'un État fort, s'exprime aussi par des programmes
d'aide en matière de santé. Selon Robert JACKSON, le gouvernement
américain va continuer de soutenir le Ministère de la
Santé et les différents centres médicaux camerounais
spécialement dans la lutte contre le choléra et le VIH/Sida.
Cette aide se situait au-dessus des 14 millions de dollars (environ 7 milliards
de FCFA) en 2010. Aussi le gouvernement américain cherche-t-il d'autres
moyens qui permettront de renforcer le partenariat entre le Cameroun et les
États-Unis211.
Moins visible, la dimension propagandiste figure parmi des
moyens usités par les États-Unis pour promouvoir la
démocratie au Cameroun. La promotion de la démocratie
apparaît dans les discours d'officiels américains que ce soit aux
États-Unis ou lors de leurs tournées camerounaises. Ceux-ci
condamnent les violations de droits de l'Homme, dénoncent les
insuffisances observées en matière de démocratie ou
encouragent le pays à s'engager sur ce chemin. Les États-Unis
promeuvent l'égalité de genre, les droits de la femme, la
liberté d'expression et de religion. C'est le cas de la lettre du
président américain Barack OBAMA à son homologue
Camerounais, son excellence Paul BIYA, à l'occasion de la fête
nationale de la République du Cameroun du 20 mai 2012, dans laquelle le
président OBAMA le félicitait pour les relations amicales et de
coopérations pacifiques consolidées par les avancées
considérables en termes de respect de principes de
démocratie212.
Cette entente entre les deux États s'affirme à
travers les condoléances du chef de l'État camerounais à
son homologue américain, Barak Hussein OBAMA, après le double
attentat survenu au cours du marathon de Boston, le mardi 16 avril 2013,
provoquant des pertes en vie humaines (03 morts), de nombreux blessés
(140 blessés) et des pertes matérielles213. Ces
évènements lui ont permis de réaffirmer sa
détermination à ne ménager aucun effort pour que le
Cameroun demeure une terre d'hospitalité, de tolérance, de
stabilité
209 Jeune Afrique Économique édition africaine
no 384 d'août et septembre 2011, p.368.
210 Ibid.
211 Cameroon Tribune no 9732/5934- 37e
année, du mardi 30 novembre 2010, p.5.
212 Hot News, Hebdomadaire Bilingue- 2e année
no 065 du mardi 22 mai 2012, p.3.
213 Cameroon Tribune, no 10328/6529, p2.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 66
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
et de paix214, assurant les investisseurs
américains de la sauvegarde et de la préservation des principes
démocratiques contre des fléaux tels que le terrorisme ou les
prises d'otages.
La promotion d'un État démocratique au Cameroun,
par les États-Unis, ne souffre d'aucune contestation. Toutefois, si pour
les Camerounais les relations de coopération avec les Américains
se limitent à un élan humaniste, tel n'est point le cas chez les
Américains. Pour eux en effet, la coopération est utilisée
dans une géométrie variable. Elle sert les intérêts
des deux parties et n'est pas une faveur qu'un pays concède à un
autre215. Ainsi, la dialectique des intelligences216 qui
prévaut dans les relations entre États nous commande une
démarche ponctuée de réserve. La coopération des
États-Unis avec le Cameroun n'a pour seul objectif que
l'exécution de leurs entreprises géopolitiques. Elle leur permet,
en effet, de mettre en oeuvre une stratégie de « shaping »,
consistant à façonner l'environnement camerounais afin de
parvenir à leurs objectifs217, par la diffusion des normes,
des valeurs et des standards américains218.
Les États-Unis ont prévu la participation des
populations camerounaises pour la mise en oeuvre de cette stratégie. Le
processus débute par une assimilation de l'opinion nationale,
nommée allié silencieux, par des moyens médiatiques
américains qui diffusent des programmes scrupuleusement
choisis219. Ces programmes, définis comme diplomatie publique
par des stratèges américains220, permettent aux
États-Unis de présenter et d'expliquer leur culture aux
populations camerounaises. Les rapports publiés annuellement, par le
gouvernement américain et certains organismes privés, font aussi
parties de cette stratégie. Ils exposent l'État camerounais aux
critiques de l'opinion publique et de la communauté internationale sur
des sujets comme le respect de la démocratie.
Ces rapports visent l'assimilation des populations
camerounaises afin qu'elles se soulèvent et réclament des
reformes profitables aux États-Unis221. Ces arguments sus
cités peuvent être confirmés par les propos de l'ancien
ambassadeur américain, Frances COOK, qui, en période de fortes
tensions politiques entre 1991 et 1992, apporta son soutien à
l'opposition radicale. Ses critiques sur la gestion de l'État et le
respect des droits de l'Homme
214 Cameroon Tribune, no 10327/6528, p.5.
215 Henry Kissinger, « La nouvelle puissance
américaine », Paris, Fayard 2003, p.63.
216 H. COUTAU-BEGARIE, Traité de
stratégie, Paris. Economia, 1999, p.70.
217 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique
après le 11 septembre 2001... », pp.129-130.
218 NGHERMANI, « Les Etats-Unis et l'Europe en Afrique
subsaharienne, rivaux ou partenaires ? », 10 mars 2006.
219 Ibid.
220 Ibid.
221 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique
après le 11 septembre 2001... », pp.129-130.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 67
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
par le régime politique camerounais en place à
cette période ont, d'une certaine manière, poussées les
populations du Nord-Ouest Cameroun, favorables à la culture
américaine à s'opposer au régime. La répercussion
des rapports d'ONG, qu'elles soient américaines ou ayant des
financements américains, est aussi décelable. La condamnation,
par certaines ONG, des carences démocratiques, des violations des droits
et libertés fondamentaux de minorités sexuelles camerounaises
constituent également un stratagème. Le rapport d'Amnesty
International, publié le mercredi 23 janvier 2012, sur
l'égalité des droits de l'Homme au Cameroun en est un exemple. Ce
rapport dénonce les conditions d'incarcération, les procès
politiques et surtout la pénalisation des rapports entre des personnes
de même sexe222.
Malgré ces condamnations, les relations entre les
régimes Camerounais et Américains sont toutefois cordiales. En
effet, pour les États-Unis, la démocratie est
considérée comme un véritable instrument de politique
étrangère, au service de la paix et de la sécurité
de même que de la conquête des marchés et du pétrole.
Les régimes occidentaux ont une conception des droits de l'Homme
à géométrie variable. Ils jugent la politique des autres
États, dits non-démocratiques, à l'aune de leurs
intérêts223. Ainsi, du moment où le
régime politique en place au Cameroun sauvegarde les
intérêts américains, il peut gouverner sans être
inquiété.
Cette collaboration américano-camerounaise est aussi
perceptible au niveau diplomatique.
b- Les moyens diplomatiques de l'offensive
américaine au Cameroun
Pour mener une politique camerounaise susceptible de lui
garantir un fort ancrage et un maximum de succès, les États-Unis
font usage du soft et du hard power que des auteurs tels que Joseph NYE et
ARMITTAGE224 qualifient de smart power225. Pour eux,
à la différence de MACHIAVEL qui pensait qu'il est plus sûr
d'être craint qu'aimé, les tenants américains du smart
power pensent qu'il est plus sage et intelligent aujourd'hui d'être
craint et aimé à la fois226. Dans son ambition de
renforcer des liens de solidarité avec le Cameroun, les
États-Unis d'Amérique pratiquent une diplomatie à
géométrie variable. Elle est, en effet,
222 Cameroon Tribune, no 10267/6468, p.2.
223 Tchetchoua Tchokonté, « Enjeux et jeux
pétroliers en Afrique... », pp.49.
224 Joseph NYE et R. ARMITTAGE, « How America can become
a smarter power », in Smarter, more secure America, published by
the Center for strategic and international studies, commission on smart power,
Washington DC, 2007, pp.6-13.
225 Ibid.
226 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique
après le 11 septembre 2001... », p.72.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 68
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
parfois sévère sur les avancées
démocratiques ou parfois détendue, amicale et fructueuse en
termes de coopération. Les relations diplomatiques entre les deux
États sont caractérisées par des visites de responsables
gouvernementaux, des relations amicales entre autorités politiques des
deux pays de même que des représentations diplomatiques de choix.
Le poids de la représentation diplomatique américaine au Cameroun
tient à la nouvelle orientation donnée à la
stratégie de sécurité nationale américaine par
l'ancien Président George W. BUSH, en Septembre 2002.
Celle-ci consistait à quadriller les régions
africaines riches en ressources stratégiques. A partir de cette
orientation, les États-Unis ont inauguré en février 2006
leur nouvelle chancellerie au Cameroun. Des autorités politiques des
deux pays, le président Paul Biya pour le Cameroun et le
secrétaire d'État américain aux Affaires africaines,
Jendayi E. FRAZER, ont assisté à l'inauguration de cette
ambassade. La nouvelle chancellerie, l'une des plus grandes en Afrique
subsaharienne, reflète le niveau d'excellence des relations
américano-camerounaises, d'après le communiqué de presse
du jeudi 16 février 2006. Elle est la preuve d'un engagement clair et
ferme des Américains au Cameroun227. L'Ambassadeur en
exercice à cette époque, Niels MARQUARDT, soulignait ainsi que
les États-Unis ont l'intention d'être au Cameroun pour
toujours228.
La nouvelle ambassade américaine est surtout
l'expression d'une préservation, par les États-Unis, de leurs
intérêts stratégiques vis-à-vis des menaces
sécuritaires enregistrées au Cameroun et dans le Golfe de
Guinée en général. Selon le général James
Clapper, directeur du renseignement national américain : « Toute la
zone sahélienne et même au-delà, jusqu'à la RD Congo
en passant par la Centrafrique, forme un immense incubateur pour les groupes
rebelles, extrémistes et terroristes en 2014229 ». Le
général conseille ainsi Washington de mobiliser d'importants
moyens financiers et matériels pour protéger leurs
intérêts dans cette région de l'Afrique.
Le Cameroun, pays partageant des frontières communes
avec le Tchad, le Nigeria et la Centrafrique où se concentrent certaines
activités terroristes et des prises d'otages, n'échappe pas
à cette stratégie. Par ailleurs, entre le mois de février
2004 et août 2006, on
227 Citation tirée du communiqué de presse
publié le jeudi 16 février 2006 sur
www.french.cameroon.usembassy.gov
228 Citation tirée du discours prononcé par
l'ambassadeur des États-Unis lors de l'inauguration de la nouvelle
chancellerie sur
www.french.cameroon.usembassy.gov
229 Jeune Afrique, no 2769 du 2 au 8 février
2014, p.6.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 69
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
peut dénombrer près d'une dizaine de visites de
hauts responsables américains au Cameroun. Il s'agit entre autres de
sénateurs, de diplomates, d'officiers supérieurs de
l'armée voire des conseillers à la sécurité de
l'ancien Président George BUSH. On peut aussi mentionner celle du
secrétaire d'État aux Affaires africaines, Jendayi E. FRAZER, en
Février 2005, qui prit l'engagement de renforcer les relations entre les
deux États au niveau militaire. De celle de monsieur Johnnie CARSON,
sous-secrétaire d'État américain aux affaires africaines,
émissaire spécial du président OBAMA auprès du
président Paul BIYA230.
Ou encore celle de monsieur Carter F. HAM,
général d'armée, commandant des forces américaines
en Afrique reçu par le président Paul BIYA231, sans
oublier celles de potentiels investisseurs et hommes d'affaires. Bien qu'elles
montrent l'intérêt des États-Unis à accompagner le
Cameroun dans ses projets de développement et de démocratisation,
ces visites ont pour but de permettre un accès aux marchés
camerounais et d'influencer l'appareil politique et administratif. L'existence
de relations amicales, entre différents responsables politiques
camerounais et américains, de même que le rôle
indéniable qu'ont joué d'anciens ambassadeurs américains,
vient renforcer cette idée.
Deux anciens ambassadeurs américains, Niels MARQUARDT
et Janet GARVEY, qui se succédèrent à Yaoundé entre
2006 et 2010 (période couverte par les câbles WIKILEAKS), ont eu
de rapports étroits avec de responsables politiques camerounais qui se
confiaient à eux et leur faisaient part de leurs ambitions politiques.
Il s'agit de l'ancien ministre de la Justice, vice-premier ministre, Amadou
ALI, et de l'ancien ministre de l'Administration Territoriale et de la
Décentralisation, aujourd'hui aux arrêts, Marafa HAMIDOU YAYA.
D'après un câble du site WIKILEAKS, datant de début 2007,
l'ancien ministre de la Justice aurait confié à l'ancien
ambassadeur Niels MARQUARDT, selon une dépêche confidentielle
rédigée par ce dernier au gouvernement américain, qu'il
apparaissait en bonne place dans la liste des « successeurs possibles du
président Biya232 ».
Avant de confier quelques années par la suite, à
la veille des élections présidentielles de 2011, toujours selon
un câble diplomatique de mars 2009, que le Nord soutient Paul Biya, mais
ne soutiendra ni un autre Béti ni un
Bamiléké233. Marafa HAMIDOU YAYA, quant à
230 Cameroon Tribune, no 9875/6076, p.2.
231 Ibid., no 10065/6266, p.2.
232 Jeune Afrique, no 2644 du 11 au 17 septembre 2011,
p.29.
233 Ibid.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 70
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
lui, confiera à Janet GARVEY, d'après un
câble diplomatique de 2007, qu'il a des ambitions
présidentielles234. Il lui dira par la suite, selon un
câble diplomatique publié par le site WIKILEAKS en février
2010, qu'il peut se retrouver en prison235. Ces relations
particulières permettent aux américains d'avoir une mainmise sur
l'appareil gouvernemental et de se donner la possibilité d'anticiper sur
les décisions de responsables politiques camerounais. La lutte contre la
corruption par l'engagement de l'ancien ambassadeur, R. Niels MARQUARDT,
auprès du chef d'État camerounais a été
remarqué.
À la sortie d'une audience que lui avait
accordée le Président de la République le 24
février 2006, il déclarait : « J'ai dit au chef de
l'État qu'il peut compter sur le soutien moral et matériel des
États-Unis dans ce sens »236. Ce soutien sera poursuivi
avec l'ancien ambassadeur Janet Elisabeth GARVEY ou encore de Robert P. JACKSON
qui, rendu en fin de séjour au Cameroun, s'est félicité
des relations cordiales entre les deux États, et a
réaffirmé l'engagement de son pays d'accompagner le Cameroun dans
son développement avant de soutenir que le Cameroun a fait une grande
avancée démocratique237. Les visites des
différents membres du gouvernement renforcent les relations entre ces
deux États.
Ces visites trouvent leur point d'orgue avec des rencontres
entre les chefs d'États des deux pays. La plus importante a eu lieu
après les attentats du 11 septembre 2001 lors du passage du Cameroun
à la présidence tournante du conseil de sécurité de
l'ONU. Au cours de cette rencontre, il y a eu un tête-à-tête
entre Georges BUSH et Paul BIYA. L'appui aux institutions démocratiques
Camerounaises est un des axes de la diplomatie américaine.
La stratégie des États-Unis pour promouvoir la
démocratie et les droits de l'homme est focalisée sur le
renforcement des institutions nécessaires à la stabilité
démocratique. Cela s'effectue par la transparence et la liberté
dans les processus électoraux mais également à travers une
presse plurielle et professionnelle238. Ces relations diplomatiques
montrent l'engagement américain auprès des responsables
politiques camerounais. Elles sont un reflet du projet
géostratégique des États-Unis pour le Cameroun. Selon
Henry KISSINGER, citant André KAPSI, d'un côté, Bill
CLINTON, ancien président américain, était très
préoccupé par les droits de l'Homme. De l'autre, il voulait des
succès politiques. Aussi, quand les deux
234 Ibid., no 2670 du 11 au 17 mars 2012.
235 Ibid.
236 N. AMAYENA, « Lutte contre la corruption : soutien
total des Etats-Unis », Cameroon Tribune, 17 février 2006.
237 Cameroon Tribune, no 10440/6641 du lundi 07
octobre 2013, p.4.
238 Voir sur le site internet
www.french.cameroon.usembassy.gov
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 71
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
objectifs étaient en conflit, il choisissait la
politique239. Lorsqu'on se réfère à ces propos,
il apparait que la diplomatie américaine au Cameroun n'a pour objectif
que la projection de puissance et l'accroissement de l'influence
américaine. Pour ce faire, renforcer les liens qui existent entre les
deux pays, au détriment de l'ancienne puissance tutrice, est une
nécessité. En effet, au sortir de la colonisation, à la
fin des années 1950, la France a obtenu du jeune État camerounais
des accords de coopération stratégiques qui lui assurent une
influence sur ses ex-colonies240. La division idéologique du
monde a favorisé cette stratégie française puisque les
Super grands ne traitaient généralement avec leurs partenaires
africains que par alliés interposés241.
Mais depuis la fin de la guerre froide, au début des
années 1990, on assiste à un redéploiement spectaculaire
des grandes puissances en Afrique. Cette période marque le
repositionnement de la France inquiète du déploiement des autres
puissances dont les États-Unis242. A en croire Clara PULIDO
ESCANDELL, la France serait en perte d'influence, déclassée au
profit des États-Unis dans son pré-carré243
d'Afrique Centrale. Elle serait réduite à une phase
essentiellement défensive244 et, d'après un
ambassadeur américain, n'est plus capable de s'imposer en Afrique.
D'ailleurs, en 2002, les États-Unis ont déclaré le Golfe
de Guinée zone d'intérêt vital pour leur
sécurité nationale245. L'on ressent une
préoccupation française face à la présence
américaine au Cameroun qui menace ses
intérêts246.
Yves Alexandre CHOUALA247, quant à lui,
soutient que la coopération avec le Cameroun permettrait aux
États-Unis d'utiliser ce pays comme contre balancier de l'influence
Française dans la sous-région. C'est dire la valeur du Cameroun
dans le jeu d'influence des États-Unis dans la sous-région. Cette
manière de procéder des États-Unis se ressent aussi dans
les cadres socio-économiques et militaires.
239 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique
après le 11 septembre 2001... », p.149.
240 A. FOGUE T. : « Histoire diplomatique,
extraversion étatique et conflits politiques en Afrique noire. Approche
stratégique des conflits politiques africains et analyse des enjeux
autour de la sécurité en Afrique noire », Thèse
de Doctorat, 2002.
241 M. S. AICARDI, La politique Africaine des
Etats-Unis, 3e Edition, Paris, Nouveaux horizons, 1989, p.139.
; J. V. NTUDA E., « La politique étrangère des Etats
Africains : rupture et continuité d'une diplomatie contestée
», in Revue juridique et politique, no 2, 2003,
pp.131-154.
242 Voir ESCANDELL, 1997.
243 Un pré-carré est une zone d'influence
politico-économique et culturelle, composée d'un ou de plusieurs
pays, et généralement acquise à une puissance
étrangère.
244 ESCANDELL, Op. Cit.
245 De LESTRANGE, ZELINKO et PAILLARD, Géopolitique
du pétrole, un nouveau Marché, de nouveaux risques, de nouveaux
Mondes, Paris, Techniq, 2005, p.159.
246 J. F. THOMSON, « L'Afrique occupe une place de
premier plan dans la nouvelle stratégie de sécurité
nationale » in Foreign Policy, Vol. 7, no 4, 2002,
p.30.
247 Y. A. CHOUALA, « La crise diplomatique de Mars 2004
entre le Cameroun et la Guinée Equatoriale : fondements, enjeux et
perspectives », in Polis, 2005.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 72
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
Paragraphe 2 : les moyens socio-économiques et
militaires utilisés
par les américains dans l'espace
camerounais
Nous présenterons en premier les procédés
socio-économiques (a) pour énoncer par la suite les moyens
militaires (b).
a- Les moyens
socio-économiques
a- 1- Les moyens culturels usités par les
États-Unis au
Cameroun
Entendue comme un ensemble de manière de voir, de
penser et de sentir propre à un groupe248, la culture
constitue un élément déterminant de la stratégie de
puissance des États-Unis au Cameroun au travers d'institutions de langue
anglaise et d'expéditions de voyages culturelles.
a- 1- 1-Les institutions de langue anglaise
La mobilisation de la culture en tant qu'élément
de politique étrangère et de puissance, est l'une des
caractéristiques des États stratégiquement
matures249. A la fois matérielle et immatérielle, la
puissance culturelle250 est un ensemble de moyens matériels
et symboliques permettant à un État de réaliser ses
ambitions géopolitiques. C'est l'idée de la culture comme
véhicule de la puissance. Elle devient un moyen d'influence
exercé sur l'autre de telle sorte que la relation ne soit pas ressentie
comme contraignante (hard power) mais comme désirable et
désirée par l'autre (soft power)251. Les
États-Unis d'Amérique déploient au Cameroun des
instruments d'influence pour créer des passerelles culturelles
nécessaires pour initier, renforcer et pérenniser leur
présence au Cameroun.
Les États-Unis ont choisi dans leur stratégie de
faire de la langue anglaise un véritable outil de politique
étrangère. Il est important de rappeler que l'anglais,
après la
248 L. Sindjoun, « A la recherche de la puissance
culturelle dans les relations internationales : essai de caractérisation
du concept et d'appréhension du phénomène », in
Revue camerounaise de politique internationale, no 001,
1er semestre 2007, p.2.
249 Séverin Tchokonté « Le projet
géostratégique de la Chine en Afrique » in
Géostratégie no 33,4e trimestre
2011, p.132.
250 L. Sindjoun, Op. Cit., p.8.
251 Séverin Tchokonté, Op. Cit.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 73
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
victoire des alliés, est une langue internationale et
diplomatique. C'est la langue la plus utilisée sur le web et elle est
une des langues officielles du Cameroun. Cette langue est un sésame pour
les américains car, elle permet de renforcer leur domination culturelle
grâce à l'adaptation des consciences camerounaises aux normes
américaines. L'enseignement de l'anglais dans les écoles, les
universités et certaines institutions assimile les populations
camerounaises aux standards américains.
La langue anglaise et la civilisation anglo-saxonne
américaine a pour effet l'exportation de la culture américaine au
Cameroun. Elles contribuent à l'édification d'une façon de
voir, de concevoir, de penser et d'agir des camerounais profitable aux
américains. Cette manière d'importer la culture américaine
fait la fierté des États-Unis dans un environnement
historiquement considéré comme zone d'influence des ex-puissances
coloniales.
L'implantation des États-Unis se renforce par la
présence sur le sol camerounais d'institutions d'enseignement de langue
anglaise à l'exemple du Centre Linguistique Américain dans le
quartier résidentiel de Bastos. Selon certaines statistiques, les tests
de compétence d'expression en langue anglaise se concluant par
l'obtention d'un TOEFL, ont augmenté de 40 à 50% ces dix
dernières années252. En plus de l'enseignement des
langues et des manifestations culturelles, ces institutions forment
également des consultants pour des entreprises et les organisations
locales désireuses de faire des affaires aux États-Unis.
L'enseignement de cette langue constitue ainsi une part importante du
dispositif mis en place par les États-Unis pour conquérir le
Cameroun. En outre, l'octroi de bourses d'études aux étudiants
camerounais et les rencontres à caractère culturels vise à
consolider les liens et permettre une adhésion volontaire des
populations camerounaises aux politiques américaines. Les
États-Unis utilisent aussi, pour s'introduire au Cameroun, des
manifestations et des expéditions culturelles.
a- 1 -2- Les manifestations et expéditions culturelles
américaines comme moyen pour conquérir le Cameroun
252 Voir Michael BARR, 2010, p.511.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 74
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
Les États-Unis participent, et organisent, sur le sol
camerounais, à plusieurs manifestations culturelles. Nous avons, comme
exemples, la soirée organisée à l'occasion de la
journée internationale du Jazz, style musical américain, le 05
mai 2013, où multiples artistes, à la fois camerounais
résidant aux États-Unis et artistes américains, ont
presté devant des milliers d'invités parmi lesquels des
personnalités diplomatiques et administratives, à l'exemple du
vice-premier ministre chargé des Relations avec les Assemblées
Amadou ALI, Ama TUTU MUNA, ministre des Arts et de la Culture et l'ambassadeur
des États-Unis au Cameroun, Robert E. JACKSON253.
L'association ARK JAMMERS qui a établi l'ANCESTRY RECONNECTION PROGRAM,
permettant aux Africains-Américains de connaitre leurs origines
africaines, est à suggérer dans le projet américain par la
variable culturelle. Mise au point en 2003 par le biologiste
africain-américain Rick KITTLES, la méthode, par un
prélèvement buccal analysé en laboratoire, permet
d'établir la carte d'identité génétique du
demandeur. Celle-ci est ensuite comparée à une banque de
données constituée grâce aux ossements d'un demi-millier
d'esclaves africains morts aux États-Unis et issus de différentes
ethnies du Continent.
Des correspondances sont ensuite recherchées avec une
marge d'erreur. Grâce aux progrès scientifiques, ces hommes et
femmes dont les aïeux sont arrivés en Amérique il y a
plusieurs siècles, au fond des cales des négriers, retrouvent
ainsi le berceau de leurs ancêtres254. Pour la première
expédition camerounaise, quelques 54 Africains-Américains ont
foulé, dès 2010, le sol du Cameroun et ont parcouru quelques
localités et sites touristiques du pays. Ils sont arrivés au
Cameroun et ont été reçus le vendredi 31 Décembre
2010 par le Premier ministre chef du gouvernement, Philémon YANG. Selon
Gina PAGE, présidente et cofondatrice d'AFRICAN ANCESTRY, 6000 à
8000 Africains-Américains ont découvert leurs racines
camerounaises : BAMILEKE, BASSA, EWONDO, FOULANI, KOTOKO, MASSA, TIKAR etc.
Ces frères et cousins d'Amérique souhaitent
s'impliquer dans le développement du pays de leurs
ancêtres255. D'illustres personnalités du monde du
cinéma, de la musique et d'autres domaines, désireuses de
connaître l'origine de leurs ancêtres africains, ont eu à se
soumettre à ces examens D'ADN : le musicien et arrangeur Quincy JONES
qui appartiendrait
253 Cameroon Tribune no 10336/6537- 39e
année, du lundi 06 mai 2013, p.15.
254 Article du mercredi 20 juin 2012 de la Rédaction de
Cameroon-Info. Net sur
www.Google.com
255 Article à retrouver sur la page
Cameroun24.net sur
www.Google.com
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 75
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
à la lignée des TIKAR, comme Condoleezza RICE,
première femme noire ayant accédé au poste de
secrétaire d'État américain, sous le président
Georges W. Bush. Les acteurs et réalisateurs Spike LEE et Forest
WHITAKER auraient eux aussi, d'après leurs propres recherches, des
origines camerounaises.
L'ANCESTRY RECONNECTION PROGRAM permet aux États-Unis
d'amener les populations camerounaises à préférer,
à partir d'une douloureuse expérience esclavagiste vécue
par elles, de même que celles afro-américaines, la présence
américaine. Par ce lien, les États-Unis possèdent une
certaine avance sur les autres puissances. L'influence des chaines
d'informations américaines, privées ou publiques, telles CNN,
ENEWS, Music Télévision MTV, Trace Tv, sur les habitudes
vestimentaires et sociétales adoptées par les populations
camerounaises est indéniable. Leur transmission sur l'ensemble du
territoire camerounais a permis de constater qu'à partir d'elles
aujourd'hui, les aspirations des jeunes se portent sur la formation et l'emploi
mais également sur la sexualité et sur les nouvelles valeurs, de
nouveaux codes moraux256.
Ainsi selon l'info dominance, qui est un processus d'exercice
et de diffusion des catégories de pensées spécifiquement
américaines qui procède de la capacité de contrôle
du sens, des valeurs, des normes et de l'esthétique de nature à
assurer la consolidation, la reproduction et l'extension du pouvoir
hégémonique américain257,
théorisée par Saïda Bédar258, ces jeunes
camerounais aspirent souvent à des modèles occidentaux
véhiculés par des images suscitant des frustrations quant
à leur succès259, revendiquant par la suite des
modifications dans les contextes sociaux et politiques, profitable aux
États-Unis, en vue de la réalisation de leur projet
géostratégique.
a- 2- Les moyens économiques utilisés
par les États-Unis dans l'espace camerounais
256 Philippe Hugon, Géopolitique de l'Afrique,
Éditions Sedes, 2007, p.165.
257 Michel TJADE EONE, « Journalisme Embedded et info
dominance américaine » in Une lecture africaine de la
guerre en Irak, sous la direction de Jean-Emmanuel Pondi, Maisonneuve et
Larose/ Afredit, Paris, décembre 2003, p.131.
258 Nous sommes redevables à Saïda Bédar dans
son analyse du paradigme stratégique américain de dominance
informationnelle et son rapport avec la globalisation, conçue comme une
projection de puissance. Cf. « Info dominance et globalisation », in
Les cahiers du numérique, vol. 3, no 1-2002,
« Guerre et stratégie », pp. 43-60.
259 Ibid.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 76
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
Les relations économiques entre le Cameroun et les
États-Unis trouvent leurs sources dans l'AFRICAN GROWTH AND OPPORTUNITY
ACT (AGOA)260, loi ayant pour objectif d'accroitre le volume et la
diversité d'échanges commerciaux entre les deux
partenaires261. Entre aussi dans ces relations les importations hors
taxes grâce au Système généralisé de
préférence des États-Unis (GSP) avec le Cameroun.
Tableau 6 : Les importations
américaines au Cameroun dans le cadre de l'AGOA et du GSP, entre 2007 et
2009.
Country Total
2007
|
Total Total
2008 2008
YTD
|
Total
2009 YTD
|
AGOA including
GSP provisions
2007
|
AGOA including
GSP provisions
2008
|
AGOA
including GSP
provisions
2008 YTD
|
AGOA
including GSP
provisions
2009 YTD
|
CMR
|
306,742
|
626,414
|
158,764
|
133,435
|
172,903
|
447,267
|
57,408
|
90,078
|
Note: Ce tableau a
été conçu par nous à partir de sources
tirées du document : « Compiled by the U.S. International Trade
Commission from official statistics of the U.S. Department of Commerce
».
Les importations américaines au Cameroun sont sans
cesse évolutives. Elles s'apprécient à travers l'AGOA et
la GSP. Les États-Unis, pays par excellence du libéralisme
économique, sont présents au Cameroun à travers des
entreprises industrielles et leurs aides financières. Dans le domaine
agro-industriel, la percée des entreprises américaines est
remarquée. Nous avons HERAKLES CAPITAL CORPORATION qui déploie
ses activités dans l'énergie, les mines et les ressources
naturelles, l'agriculture, les infrastructures et les
télécommunications.
Aussi, HERAKLES FARMS et la SG SUSTAINABLE OILS CAMEROON PLC
exploitent une vaste exploitation commerciale de palmier à huile depuis
septembre 2009262 dans la région du Sud-ouest Cameroun. Les
États-Unis participent, à travers leurs industries
pharmaceutiques, à la lutte contre différentes maladies au
Cameroun. Le gouvernement américain a fait des dons de
médicaments, en ce qui est du choléra et du VIH/SIDA, d'un
260 Elle est une loi adoptée par le congrès
américain et signée par le président Bill CLINTON le 18
mai 2000 pour une durée de 15 ans. Elle a été
renforcée par le président Georges BUSH par l'AGOA ACCELERATION
ACT encore appelé AGOA III (CHERU, 2006 : 219-220), ayant pour objet
essentiellement d'exonérer des droits de douane les produits d'Afrique
subsaharienne qui arrivent sur le marché américain.
261 D'après une déclaration de la
représentante adjointe des États-Unis pour le commerce
extérieure, Mme Florizelle Liser, devant une commission parlementaire,
publié sur
www.america.gov, le 30 juin
2009.
262 Cameroon Tribune no 10093/6294- 38e
année, du lundi 14 mai 2012, p.2.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 77
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
montant de 14 millions de dollars. De même annonce-t-il
le retour de l'Agence américaine pour le développement
international (USAID), suspendue depuis 1992263.
Concernant l'industrie militaire, l'on peut évoquer la
signature de deux accords entre les États-Unis et le Cameroun pour
financer l'acquisition de matériel de génie civil. Ce
matériel est destiné au Génie militaire camerounais et
à l'accroissement de ses capacités pour une somme de 45 millions
de dollars, soit quelques 25 milliards de FCFA162. Au niveau des
industries pétrolières, les échanges entre le Cameroun et
les États-Unis s'accélèrent à partir de 2011. Ces
échanges pétroliers trouvent leur point d'orgue avec
l'inauguration du pipeline Tchad-Cameroun, gigantesque investissement ayant
coûté environ 3,5 milliards de dollars, soit un peu plus de 2500
milliards de francs CFA264. Celui-ci permet d'acheminer le
pétrole exploité dans 300 puits situés à Doba (Sud
du Tchad), jusqu'au terminal de Kribi situé au sud du Cameroun.
Ce dernier fut inauguré par le président de la
République camerounaise, son excellence Paul Biya, en présence de
son homologue de la République tchadienne, Idriss DEBI ITNO, le 12 juin
2004. Le pipeline permet au Tchad, État n'ayant pas d'ouverture
maritime, de profiter de l'avantage camerounais. Le Tchad sera suivi par le
Niger ne possédant pas d'ouverture maritime. En effet, le mercredi 30
octobre 2013, un accord bilatéral fixant les conditions de transits en
terre camerounaise des hydrocarbures produits au Niger, et leur
évacuation jusqu'à la côte atlantique camerounaise à
travers le pipeline Tchad-Cameroun, a été signé entre le
Cameroun et le Niger265.
Le pipeline qui traverse le Cameroun sur une longueur de 890
km est assurément l'un des plus coûteux d'Afrique
subsaharienne266. Il est exploité par plusieurs
sociétés dont la société Malaisienne PETRONAS. Mais
le gros du pourcentage revient aux géants américains Exxon-Mobil
Corporation (40 %) et Chevron Corporation (25 %). L'examen des relations
commerciales entre ces deux États montrent, en Afrique Centrale,
l'importance du Cameroun dans le projet géostratégique des
États-Unis.
263 Ibid, no 10084/6285, p.2. 162 Ibid, no
10137/6338, p.9.
264 N. TSAfACK, « The Chad-Cameroon Pipeline and
employment, what lessons ? », Yaoundé presse universitaire
d'Afrique, 2003, p.17.
265 Cameroon Tribune, no 10456/6657 du jeudi 31octobre
2013, p.8.
266 N. TSAfACK, Op. Cit.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 78
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
Elles permettent en effet aux Américains de
sécuriser et de conquérir les marchés camerounais et ceux
du Golfe de Guinée, courtisés par d'autres puissances
étrangères. Ces échanges commerciaux aident aussi les
États-Unis à détourner l'attention des camerounais, de
même que celle d'autres puissances, sur les objectifs économiques
et stratégiques qu'ils poursuivent en toile de fond267 dans
le pays. Mais, le fait de tenir compte que de leurs intérêts, tout
en manifestant une indifférence aux souffrances des africains, porte un
sérieux coût à l'image des États-Unis268.
Les Américains mettent ainsi en oeuvre d'une politique destinée
à soigner leur image269 par la collaboration
économique exprimée à divers aspects comme
présentés plus haut dans le contexte des relations avec le
Cameroun.
Les États-Unis utilisent ainsi différents
procèdes, au niveau socio-économique, pour introduire le Cameroun
dans leur giron stratégique. Cette manière d'agir se retrouve
aussi dans le cadre militaire.
b- Les moyens militaires
Être une grande puissance implique un rôle subtil,
changeant, ambigu et parfois cynique270. Les États-Unis
mobilisent d'importants moyens militaires au Cameroun comme instruments au
service de la réalisation d'ambitions
géopolitiques271. Ils constituent des outils de projection et
d'installation concourant à la transformation de l'espace camerounais au
mieux de leurs intérêts. Nous ferons part des moyens
déployés dans la formation militaire en vue de lutter contre la
piraterie et l'insécurité transfrontalière (b-1), et par
la suite contre le terrorisme (b-2).
b- 1- L'appui à la lutte contre la piraterie et
l'insécurité transfrontalière
Les variables qui figuraient dans l'agenda des
États-Unis avant le 11 septembre en 2001, à savoir la
démocratie et le pétrole, ont été modifiés.
En effet, après les attentats du 11
267 N. CHOMSKY, Dominer le monde ou sauver la planète
: l'Amérique en quête d'hégémonie mondiale,
Paris, Fayard, 2003.
268 Pascal Boniface, « Les leçons du 11 septembre
2001 » in Pascal Boniface, les leçons du 11 septembre, Paris,
PUF, 2001, p.10.
269 J-E. PONDI (dir.), « L'Irak : « pas
décisif » vers l'empire ? » in Une lecture africaine
de la guerre en Irak, Maisonneuve et Larose/ Afredit, Paris,
décembre 2003, pp.17-22.
270 Huntington S. (1997-2000) Le choc des civilisations,
Paris, Odile Jacob, Avril, p.345.
271 Ibid.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 79
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
septembre en 2001, qui étaient principalement du
ressort des forces asymétriques, l'islamisme prendra une place
importante dans la diplomatie américaine.
La force militaire, pour eux, demeure le fondement de l'ordre
international. Elle n'est ni partout ni en toutes circonstances
décisives272, mais nécessaire pour la lutte contre le
terrorisme. Incapable de compter uniquement sur ses forces nationales, et
n'étant pas assez formées et équipées contre les
menaces provenant de forces asymétriques, le Cameroun trouve un soutien
auprès des États-Unis d'Amérique. Les officiels
américains pour ce faire insistent sur l'importance qu'ils attachent au
consentement des dirigeants camerounais quant à leur présence
militaire et sur la nature coopérative de leurs structures. L'engagement
militaire des États-Unis sur les côtes camerounaises part donc
d'une coopération entre les deux États.
Les États-Unis n'ont pas cessé depuis le 11
septembre 2001 de renforcer leur présence militaire au Cameroun par
l'United States African Command (US-AFRICOM) qui coordonne, depuis son
entrée en vigueur le 1er octobre 2008, l'ensemble des
activités militaires et civiles des États-Unis en Afrique. La
coopération militaire entre le Cameroun et les États-Unis a
commencé par une formation de forces militaires camerounaises pour plus
d'efficience. Cette coopération s'applique sur le sol américain
dans les domaines terrestre, aérien ou maritime, ou dans la lutte contre
le terrorisme, les trafics de tout genre, la piraterie, les prises d'otages et
le sabotage des plates-formes pétrolières. Il est
nécessaire pour les États-Unis, comme l'a souligné le
Général James (2006), d'aider le Cameroun à assurer sa
sécurité. Le Cameroun a ainsi honoré l'invitation du
Président BUSH, en 2002, en prenant part à la conférence
de Naples qui s'est tenue en Italie au mois d'Octobre 2004273.
Cette coopération se manifeste au niveau national par
la visite d'officiers de l'armée américaine dans le cadre de la
protection des ports, aéroports, côtes274 et la mise en
place de programmes d'interventions académiques et militaires en ce qui
est des questions de défense. L'on peut mentionner l'exercice militaire
multinational Central Accord 13, exercice conjoint annuel mené par le
commandement militaire des États-Unis pour l'Afrique (AFRICOM) dans la
continuité des exercices Atlas et Med Accord qui se déroulent
depuis 1996275. L'exercice a été marqué par un
déploiement de trois avions C130, deux hélicoptères (Puma,
Bell), un
272 Ibid.
273 Come Damien George Awoumou, « Le Golfe de
Guinée face aux convoitises », in Enjeux n° 22,
janvier-mars 2005, pp.15-20.
274 Nzeugang, « Une lecture de la
coopération américano-camerounaise depuis 2001... »,
p.35.
275 Cameroon Tribune no 10287/6488- 38e
année, du vendredi 22 février 2013, p.6.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 80
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
Antonov, des groupes électrogènes, du
matériel de transmission, et une équipe médicale
américaine et près de 800 militaires.
L'exercice militaire international « OBANGAME EXPRESS
» dont l'édition 2013 visait à élaborer une
stratégie commune contre la piraterie maritime, le kidnapping, les
trafics d'armes, de drogue et stupéfiants, de détournement de
pétrole brut et tous les autres fléaux, organisé sous
l'égide de l'USAFRICOM, est une autre illustration de cette
coopération américaine au Cameroun276. La
collaboration d'experts militaires américains pour la formation
d'officiers dans les écoles spécialisées, comme le Cours
Supérieur Interarmées de Défense (CSID) formant
l'élite des armées régionales rebaptisée
École Supérieure Internationale de Guerre de Yaoundé
(ESIGY)277, est aussi un exemple de la coopération
américano-camerounaise.
La signature de deux accords entre Yaoundé en
Washington, portant sur l'équipement et l'acquisition par les forces
armées et la gendarmerie camerounaise de matériels de
génie civil militaire (36 engins de travaux publics pour le
21e régiment du génie militaire de Douala), est aussi
un autre axe de cette coopération278. Étant
donné que les États-Unis n'ont pas le droit d'accéder aux
eaux territoriales camerounaises, la coopération via la marine nationale
permet aux États-Unis de sécuriser l'espace maritime camerounais,
et, pour les États-Unis, de bénéficier de l'appui des
forces camerounaises dans le Golfe de Guinée. Le Cameroun a pris une
part active à la mise en oeuvre en 2004 d'une brigade régionale
en attente de l'Afrique Centrale279. Cette initiative vise à
maintenir la paix et à prévenir les conflits dans la
région.
C'est ce qui ressort des propos du sénateur James
INHOFE qui, en visite au Cameroun au mois d'octobre 2005, se confiait à
la presse. Le sénateur de l'État américain d'Oklahoma
précisait que sa visite rentre dans le cadre d'une mission du
comité des services de la marine, services que les États-Unis
veulent développer en Afrique en comptant sur le leadership du
Cameroun280. Les relations militaires entre le Cameroun et les
États-Unis d'Amérique sont ainsi fructueuses. Mais le Cameroun
est fortement désavantagé. D'après l'ancien
président américain en effet, William Bill CLINTON, il n'existe
pas de mission
276 Ibid, n° 10288/6489, p.5.
277 Cameroon Tribune, n° 10329/6530, p.4.
278 Ibid., no 10339/6540, p.28.
279 F. NJAKO, « La coopération militaire :
l'ère de la réforme », in Honneur et
fidélité, no spécial, 2006, p.32.
280 N. AMAYENA, « Un sénateur américain
chez le président Paul Biya » in
www.rdpcnrw.org, 10
octobre 2005.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 81
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
purement humanitaire dans le déploiement d'une
puissance à l'étranger281. Ainsi, la
présence américaine au Cameroun a comme principale raison la
lutte contre le terrorisme et ses corollaires. Le terrorisme est devenu un
problème mondial282. La menace terroriste plane sur tous les
continents et sur tous les États du monde283. L'Afrique n'en
est pas épargnée. Bien plus, elle connaît un lot quotidien
de problèmes qui peuvent faciliter l'implantation des terroristes. Au
nombre de ces maux, on peut citer les maladies chroniques, la pauvreté
galopante, le fondamentalisme religieux, le dysfonctionnement des États,
la corruption, le trafic d'enfants, de femmes, d'organes, de drogue, le
blanchiment d'argent, faiblesse du contrôle policier et frontalier,
circulation mafieuse des capitaux284. Cette menace est d'autant plus
sérieuse que certains pensent que les raisons qui auraient
justifié l'installation du terrorisme en Asie sont réunies en
Afrique.
b - 2 - Les moyens utilisés pour lutter contre le
terrorisme
Al-Qaïda semble avoir déjà implanté
une de ses antennes en Afrique. Se revendiquant d'Al-Qaïda du Maghreb, le
réseau algérien dit Groupe Salafiste pour la Prédication
et le Combat (GSPC) sème depuis quelques années la terreur dans
certains pays de la région, notamment au Maroc et en Algérie.
L'on peut parler du terrorisme au Nigeria avec la secte Boko Haram, ayant ses
répercussions au Cameroun.
D'où le projet de création d'un centre autonome
de commandement africain des forces américaines stationnées sur
le Continent (US-AFRICOM). La lutte contre le terrorisme au Cameroun s'organise
à partir de l'imbrication entre terrorisme, la bonne gouvernance et la
pauvreté. La bonne gouvernance suppose la démocratie, le respect
des droits et libertés de l'Homme et une gestion saine et transparente
des ressources publiques. Alan LARSON mentionne dans la REDEEU285
que les terroristes financent leurs opérations par le biais
d'activités criminelles courantes, comme la fraude, l'extorsion, les
enlèvements et la corruption286.
281 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique
après le 11 septembre 2001... », p.220.
282 Voir REDEEU, 2002.
283 Voir CEREMS, Géopolitique de l'énergie,
risques et enjeux pour la défense, juillet 2006.
284 S. MAIR, « Terrorism and Africa, on the danger of
further attacks sub-saharan Africa », in African Security Review,
Vol. 12, no 1, 2003 ; R. ESPOSTI, « Du terrorisme international en
Afrique, de ses manifestations et de ses conséquences », in
Défense nationale, Paris, avril 2004, p.139.
285 Voir REDEEU, Décembre 2002, pp.19-23.
286 Nzeugang, « Une lecture de la coopération
américano-camerounaise depuis 2001... », pp.37-38.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 82
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
Ainsi compris, la lutte contre la corruption et le
détournement des deniers publics tout comme la promotion de la
démocratie viserait d'abord à lutter contre le terrorisme et donc
à protéger les intérêts américains. Cet
idéal n'est pas totalement nouveau ; car quelques années
auparavant il avait déjà été soutenu par l'ancien
président Bill CLINTON en ces termes: « La défense de la
liberté et la promotion de la démocratie dans le monde entier ne
sont pas seulement le reflet de nos valeurs les plus profondes, elles sont
aussi d'une importance vitale pour nos intérêts
nationaux287 ». L'ancien président George BUSH, dans ses
propos tenus septembre 2002 dans un rapport gouvernemental, corroborera les
affirmations de son prédécesseur en estimant que la
pauvreté ne transforme pas les pauvres en terroristes et en meurtriers.
Cependant, la pauvreté, la faiblesse des institutions et la corruption
peuvent rendre les États faibles vulnérables à
l'égard des réseaux terroristes et des Cartels de la drogue se
trouvant sur leur territoire288. Blaise Pascal TALLA quant à
lui, soutient dans Jeune Afrique Économie289 que c'est la
pauvreté qui fait le lit de la désespérance et de la
colère fournit des recrues potentielles aux organisations
terroristes290. Or, les États-Unis ont fait de la lutte
contre le terrorisme leur cheval de bataille. L'on comprend ainsi pourquoi ils
s'engagent à lutter contre la pauvreté au Cameroun. C'est dans
cette logique qu'en 2002, l'AOPIG propose après étude que les
États-Unis oeuvrent en faveur de l'annulation de la dette des pays les
plus pauvres291.
Ces arguments témoignent à suffisance de
l'intérêt qu'ont les États-Unis à lutter contre la
pauvreté au Cameroun. La lutte contre le Sida participe aussi de la
stratégie américaine de lutte contre le terrorisme. Dans un
article qu'il a consacré à la place de la coopération
internationale dans la stratégie de sécurité
nationale292 soutient que les États-Unis ont augmenté
leur aide dans le cadre de la lutte contre le Sida pour éviter l'impact
que ce fléau risque d'avoir sur les pays et leurs populations. Une
analyse similaire est faite par le général James
JONES293 dans le rapport qu'il présentait devant le
comité des services armés du sénat le 07 mars 2006.
287 M. D. Ebolo, 1998, « L'implication des puissances
occidentales dans le processus de démocratisation en Afrique : analyse
des actions américaines et françaises au Cameroun, 1989-1997
», in Polis, Vol.6, no 2, pp.19-55.
288 Nzeugang, « Une lecture de la coopération
américano-camerounaise depuis 2001... », pp.37-38.
289 Jeune Afrique Économie, Novembre 2004,
p.108.
290 Nzeugang, Op. Cit., p.38.
291 J. C. Servant, « Offensive sur l'or noir africain :
une priorité géostratégique », in Le Monde
Diplomatique, Janvier 2003.
292 Richard ARMITAGE, « La place de la
coopération internationale dans la stratégie de
sécurité nationale », in REDEEU, Vol. 7, no 4, 2002,
p.10.
293 L. J. James, « Déclaration du
général James L. Jones, Commandant des forces des Etats-Unis en
Europe devant le comité des services armés du Senat »,
7 mars 2006.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 83
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
Le Sida serait donc d'après cette lecture une cause
éventuelle du terrorisme. Blaise Pascal TALLA, dans Jeune Afrique
Économie294 leur emboîte le pas lorsqu'il relève
le lien qu'il peut avoir entre le Sida et le terrorisme. En fait, La
désespérance qui anime le malade du Sida qui s'estime
condamné à mort est bien de nature à justifier son
adhésion aux organisations de malfaiteurs. Ainsi compris, le Sida serait
favorable aux réseaux terroristes dans la mesure où il leur
fournit d'éventuelles recrues295. Cette coopération
met en exergue la visée hégémonique américaine au
Cameroun. Si l'on en croit les propos du professeur Joseph Vincent NTUDA EBODE,
la domination est davantage culturelle aujourd'hui. Elle s'inscrit dans la
dialectique des intelligences296.
Les programmes militaires des États-Unis au Cameroun
visent à moderniser et à adapter aux normes américaines,
les forces armées locales. Qui plus est, les États-Unis ont
créé à l'école Militaire Inter armées (EMIA)
un laboratoire de langue anglaise destiné à améliorer le
niveau des officiers camerounais et l'usage des standards américains. Il
s'agit au mieux d'enseigner aux officiers camerounais l'Anglais
opérationnel tel qu'il est utilisé par les forces
américaines. A l'analyse, le Cameroun s'intègre dans ce que
Philippe HUGON297 appelle les deux principes guidant l'aide
américaine au Cameroun c'est-à-dire le « shaping » et
la civilisation (développer les forces
démocratiques)298.
Par ailleurs, la formation des officiers camerounais dans les
écoles Américaines aurait pour effet l'exportation de la culture
stratégique américaine. Ils rentrent nantis d'une façon de
voir, de concevoir, de penser et d'agir proprement américain. Cette
manière d'importer la culture stratégique américaine peut
faire la fierté des États-Unis dans un environnement
considéré comme zone d'influence des ex-puissances
coloniales. Cette relation permet aux Américains, dans la lutte
de leadership qui les oppose aux autres puissances, de gagner au maximum des
marchés dans les domaines de l'armement et de la formation
d'officiers.
L'engagement militaire américain a pour but
d'instrumentaliser l'Etat bien qu'ayant officiellement pout but de
sécuriser le Cameroun. Cette stratégie s'observe aussi dans le
cadre des relations multilatérales.
294 Jeune Afrique Économie, Novembre 2004,
p.109.
295 Nzeugang, Op. Cit., p.39.
296 Ibid., p.42.
297 Philippe HUGON, « L'Afrique subsaharienne : un
visage contrasté », in L'année
stratégique, Paris, Armand Colin, 2005, p.405.
298 Nzeugang, « Une lecture de la coopération
américano-camerounaise depuis 2001... », p.42.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 84
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
SECTION II : LA MANOEUVRE AMERICAINE DANS LE CADRE
MULTILATERAL
La fin du communisme, confirmée par la chute du mur de
Berlin, a établi la victoire du libéralisme qui remet en question
le statut traditionnel de l'État comme unique acteur sur la scène
internationale. Ce ne sont plus aux seules entités étatiques que
les relations internationales se rapportent mais aussi à des types de
groupes très divers (nations, États, gouvernements, peuples,
organisations internationales, et même organisations industrielles,
culturelles, religieuses) qu'il faut s'intéresser dans l'étude
des relations internationales si l'on veut que cette étude soit
réaliste. Cet élan sera perceptible tout d'abord par la
création de l'Organisation des Nations-Unies en 1945 et, après,
de ses différentes institutions et services spécialisés
ayant comme fondement premier le développement harmonieux en assurant et
en préservant la paix et la sécurité dans le monde.
Par la suite, se développera d'autres types
d'organisations dites non-gouvernementales, dont l'existence de même que
les objectifs sont reconnus à la fois par les États souverains et
les organisations intergouvernementales dont la plus imminente est l'ONU.
Étant l'acteur le plus influent, voire le principal, ayant
participé à la création de l'ONU, les États-Unis
passent par ces différentes organisations pour prendre part au
développement du Cameroun. L'influence américaine est perceptible
au niveau politico-diplomatique (paragraphe 1) et économique (paragraphe
2).
Paragraphe 1 : l'influence des États-Unis au
niveau politico-
diplomatique
Sur l'aspect politique, selon le chapitre IX de la Charte des
Nations-Unies relatif à la coopération économique, sociale
et internationale, dans son article 55, il est stipulé qu'en vue de
créer des conditions de stabilité et de bien-être, les
Nations-Unies favorisent :
- a) le relèvement des niveaux de vie, le plein emploi et
des conditions
de progrès et de développement dans l'ordre
économique et social,
- b) la solution des problèmes internationaux dans les
domaines économique, social, de la santé publique et autres
problèmes connexes, et la
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 85
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
coopération internationale dans les domaines de la
culture intellectuelle et de l'éducation,
- c) le respect universel et effectif des droits de l'Homme et
des libertés fondamentaux pour tous, sans distinction de race, de
sexe, de langue et de religion. C'est à partir de ces objectifs
affichés qu'ont été établis et adoptés le 21
septembre 2010 les Objectifs du Millénaire.
Un programme consensuel en huit points étalé
jusqu'en 2015, dénommé Objectifs Du Millénaire pour le
développement, a été mis en oeuvre299. Prenant
la parole le 22 septembre 2010 au pupitre de l'ONU à l'occasion de la
65e session de l'Assemblée Générale de l'ONU
sur ces OMD, le président de la République du Cameroun a
rappelé l'importance de l'application de ces objectifs en insistant sur
le numéro 8 qui s'appesanti sur le partenariat mondial. En
parallèle à la session, il a honoré plusieurs
tête-à-tête avec différents dirigeants : le
Secrétaire général des Nations-Unies Ban KI MOON, le 25
septembre 2010 qui, auparavant, a réalisé une visite officielle
au Cameroun300.
Le président a accordé une audience au
sous-secrétaire américain chargé des affaires africaines,
Johnnie CARSON301, de même qu'à Eileen Chamberlain
DONAHOE, représentante des États-Unis auprès du Conseil de
l'ONU pour les droits de l'Homme à Genève302. Les
Nations-Unies est un lieu où s'affrontent les États selon leur
puissance et où l'autorité de chacun s'érode en fonction
d'un siège permanent ou non au conseil de
sécurité303. Dans le jeu diplomatique, les discours
sur l'amitié et l'ancienneté des relations de coopération
entre États tendent à masquer les intérêts et
à occulter les mémoires304. Chaque État ayant
comme ultime objectif la préservation de ses intérêts.
L'espace international étant structuré
politiquement par des rapports de puissance entre les États
hégémoniques disposant des forces militaires, technologiques et
économiques par le biais de firmes oligopolistiques et d'actionnaires
institutionnels305. Par leur influence et leurs représentants
diplomatiques, Les États-Unis parviennent à avoir une influence
dans la
299 Il s'agit de l'éradication de l'extrême
pauvreté et de la faim, éducation primaire pour tous, promotion
de l'égalité de sexes et de l'autonomisation des femmes,
réduction de la mortalité infantile, amélioration de la
santé maternelle, lutte contre le VIH-sida, le paludisme et d'autres
maladies, d'un environnement durable et enfin ,la mise en place d'un
partenariat mondial pour le développement.
300 Cameroon Tribune, no 9617/5818- 36e
année, du vendredi 11 juin 2010, pp.2-12.
301 Ibid, no 9688/5889, p.2.
302 Cameroon Tribune, no 10038/6239, p2.
303 Philippe Hugon, Géopolitique de l'Afrique,
Editions Sedes, 2007, p.195.
304 Ibid, p.194.
305 Ibid, p.196.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 86
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
sphère politico-diplomatique camerounaise. La
résolution pacifique du différend sur la paternité de la
presqu'ile de BAKASSI, entre le Cameroun et le Nigeria, en est une
illustration. À titre de rappel historique, entre décembre 1993
et février 1994, plusieurs localités de la péninsule de
BAKASSI dans l'extrême sud-ouest du Cameroun sont envahies par
l'armée nigériane. Face à l'absence de réponse du
Chef de l'État nigérian au message du président Paul BIYA
suggérant de résoudre paisiblement le problème, voire
juridiquement, le Cameroun soumet dans un premier temps le cas au Conseil de
Sécurité des Nations-Unies et à l'Organisation de
l'Unité Africaine (OUA). Le 29 mars 1994, le Cameroun se
réfère à la Cour Internationale de Justice (CIJ) de la
Haye qui, sous la présidence du juge Guillaume, rend son jugement de
fond le 10 octobre 2002. Celui-ci dispose que la péninsule de BAKASSI et
la région contestée du Lac Tchad relèvent de la
souveraineté camerounaise306. L'influence américaine
débute dès l'accord dit de GREENTREE. Un accord relatif au
transfert d'autorité sur la presqu'ile, s'inspirant de l'arrêt de
la Cour Internationale de Justice de la Haye, du 10 octobre 2002, sera
signé par le président Paul Biya du Cameroun et le
président Olusegun OBASANJO du Nigeria.
Le secrétaire général des Nations-Unies
de l'époque, Kofi ANNAN, et les représentants des quatre
États témoins, l'Allemagne, le Royaume-Uni, la France, et les
États-Unis d'Amérique307 seront présents. Ce
processus s'est concrétisé par la cérémonie de
transfert d'autorité à AKWA, chef-lieu de l'arrondissement de
KOMBO ABEDIMO dans le nord de la presqu'ile, entre les autorités
camerounaises et nigérianes au Cameroun. La présence
américaine s'apprécie à travers l'affrontement
diplomatique feutré qui avait opposé les États-Unis
à la France dans le choix du secrétaire général des
Nations-Unies. En effet, Boutros-Boutros GHALI, secrétaire
général de l'institution internationale entre 1992-1996, soutenu
par l'ancien président de France, Jacques CHIRAC, voit le poste lui
échapper en faveur de Kofi ANNAN, candidat au fauteuil en 1997 avec le
soutien de l'ancien président américain, Bill William
CLINTON308.
Le Cameroun avait octroyé, pour l'élection du SG
de l'époque, sa voix au candidat américain, Kofi ANNAN.
L'importante contribution de ce dernier pour la résolution pacifique du
différend de BAKASSI, en faveur du Cameroun, peut donc être
analysée comme le retour
306 Cameroon, Tribune Edition spéciale no
9161/5360- 35e année, du jeudi 14 août 2008, p.23.
307 Ibid., p.29.
308 Péan P. 2010, Carnages: les guerres
secrètes des grandes puissances en Afrique, pp.373-374.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 87
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
d'ascenseur de la part des États-Unis. L'influence
américaine dans la diplomatie camerounaise permet aux États-Unis
d'avoir une crédibilité auprès du régime politique
camerounais et, si possible, le contrôler. Cette influence se ressent
aussi dans les affaires économiques.
Paragraphe 2 : la présence des États-Unis
dans le domaine
économique
Sortant du Plan d'Ajustement Structurel (PAS) et de
l'Initiative des Pays Pauvres Très Endettés (IPPTE), le Cameroun,
qui s'est donné comme objectif l'émergence en 2035, a besoin de
l'aide de partenaires internationaux pour financer ses projets de
développement. Les États-Unis lui apportent leur contribution en
facilitant l'octroi, par les institutions de Brettons Wood, le FMI et la BM, de
financements par des investissements économiques et financiers. Le FMI a
pour mission de faciliter l'expansion et l'accroissement harmonieux du commerce
international et de contribuer au maintien et au développement d'un
niveau élevé d'emploi et de revenus réels.
Ses actions sont perceptibles en Afrique depuis 1980 où
il cherche à normaliser les sociétés d'Afrique dès
la crise de l'endettement et à lancer des programmes sous
conditionnalité d'ajustement et de stabilisation réduisant les
déséquilibres financiers. La BM, quant à elle, prête
à des taux bonifiés et doit financer des projets de
développement de ces États. Ces institutions arrivent au Cameroun
en 1988 quand les autorités politiques acceptent la mise en place d'un
programme d'ajustement structurel, après l'essoufflement des plans
quinquennaux. Elles mettront successivement en application les Programmes
d'Ajustement Structurels (PAS), l'Initiative des Pays Pauvres Très
Endettés (IPPTE) qui se termineront par l'atteinte du point
d'achèvement en 2006.
Les États n'ayant point d'amis mais des
intérêts, l'aide américaine au financement de projets
camerounais par les institutions internationales n'est pas sans
intérêt. Il est question pour les États-Unis de
préserver une influence au Cameroun. En effet, s'inscrivant dans la
dialectique des intelligences, les États-Unis ont mis en place des
mécanismes qui leurs permettent, au niveau des organisations
internationales, de posséder un important statut et d'influencer le
comportement des autres partenaires dans la négociation.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 88
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
L'accord tacite sur l'occupation de postes stratégiques
dans les institutions de Brettons Wood, entre les États-Unis et
l'Europe, permet aux américains d'influencer l'économie et la
gestion des finances camerounaises.
De cette entente apparait un double discours et une pratique
de pouvoir à géométrie variable par les États-Unis
sur la mise en oeuvre, par ces institutions, de mesures d'accompagnement au
développement. En conclusion, les États-Unis instrumentalisent
ces différentes institutions, internationales et non gouvernementales,
pour servir leurs intérêts au Cameroun. L'implication des
États-Unis, par les moyens politiques, économiques et
diplomatiques, pour quadriller le Cameroun et le mettre sous son giron
géostratégique est donc perceptible au niveau international.
CONCLUSION DU CHAPITRE
L'ensemble d'opérations coordonnées, tant au
niveau national qu'international, mise en oeuvre par les États-Unis au
Cameroun montre l'importance de cet État dans la stratégie de
puissance des États-Unis en Afrique Centrale et dans le Golfe de
Guinée en particulier. S'inscrivant dans une dialectique d'intelligence,
les Américains font usage, dans ce pays, de procédés
politiques, diplomatiques, militaires, économiques et culturels. Les
rencontres entre les responsables politiques des deux États illustrent,
dans le cadre diplomatique, l'objectif des États-Unis qui est de
quadriller le Cameroun à partir d'un établissement de rapports
cordiaux. Le Pipeline Tchad-Cameroun, symbole de l'engagement des
États-Unis d'accompagner cet État du Golfe de Guinée vers
le développement, présente aussi la stratégie
américaine dans le domaine économique. Les institutions de langue
anglaise de même que les expéditions de voyage
d'africains-américains, dans le pays de Roger MILLA et de Samuel ETO'O,
concourent enfin à la mise en place d'une stratégie
américaine au niveau culturel.
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
CHAPITRE IV :
LES MENACES FRANÇAISE ET
CHINOISE AU PROJET
AMERICAIN
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 89
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 90
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
Pendant la guerre froide, Washington ne s'est pas
opposé aux intérêts de la France et de la Grande-Bretagne,
partenaires lors de la confrontation avec l'Est, au Cameroun. Mais la donne
change dès la fin de la confrontation entre l'Est et l'Ouest. Dès
cet instant, les puissances se livrent dans une bataille pour de s'accaparer
des biens dont regorge cet État du Golfe de Guinée. La France,
ancienne puissance tutrice, élabore des stratégies en
réponse au projet géostratégique américain. Elle
n'est pas l'unique force étatique présente dans ce pays.
La Chine, deuxième consommateur mondial de
pétrole, utilise quant à elle une stratégie
différente de celle des autres puissances309 qui consiste, au
Cameroun, à un contournement et un affaiblissement des États-Unis
à partir des failles créées lorsque les Américains
subordonnent leurs aides à des conditionnalités
démocratiques310. La Chine voit au Cameroun une alternative
d'approvisionnement à son économie en ce qui est des ressources
énergétiques. Il est question dans ce chapitre de montrer comment
ces deux États s'organisent pour contrecarrer les
velléités des États-Unis. Nous présenterons le
contre-projet français aux initiatives américaines (section I) de
même que celui de la Chine (section II).
SECTION I : LA REPONSE FRANCAISE AU PROJET AMERICAIN
AU
CAMEROUN
Pour garder une influence au Cameroun, tout en prenant en
compte l'âpreté de la compétition qui l'oppose aux
États-Unis, la France utilise des recettes qui, depuis
l'indépendance de cet État, lui ont permis de transformer cet
espace aux mieux de ses intérêts. Il s'agit de la diplomatie, de
la politique, de l'économique et du militaire. Nous l'illustrerons sur
le plan politico-diplomatique (paragraphe 1) et par la suite socioculturel et
économico-militaire (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : l'usage de la politique et de la
diplomatie par la
France
L'intérêt porté par l'État
français à la politique et à la diplomatie nous
amène à les développer chacune dans un cadre
spécifique. Nous présenterons d'abord dans un aspect
bilatéral (a) puis multilatéral (b).
309 Pierre Péan 2010, Carnages: les guerres
secrètes des grandes puissances en Afrique, p.488.
310 Ibid.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 91
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
a- L'emploi de la politique et de la diplomatie dans
le cadre des relations bilatérales
a- 1- L'utilisation de la politique contre les
intérêts américains
Les richesses naturelles dont regorge le Cameroun sont d'un
intérêt vital pour la France311. Aussi son sursaut d'
« orgueil national » se renforce du moment où le rôle
moteur du Cameroun, pays laboratoire de sa politique de « mise en
valeur312 » des Etats d'Afrique Centrale, est menacé par
l'intérêt que lui portent les Etats-Unis et la Chine. Dans la
confrontation qui oppose la France aux États-Unis se mêlent en
effet enjeux politiques, stratégiques et commerciaux. Ancienne puissance
tutrice, la France, depuis l'indépendance camerounaise, s'appuie sur les
régimes en place pour défendre ses acquis313 et garder
la mainmise sur ses exploitations314. Contrairement aux
États-Unis qui, voulant avoir droit au chapitre315, tentent
de séduire une opinion camerounaise en quête d'émancipation
politique316.
A travers l'extraversion politique dont souffriront les
États Africains après leurs indépendances, la France va,
au Cameroun, s'appuyer sur le régime politique d'Ahmadou Ahidjo pour
préserver ses intérêts. Remarqué par
Foccart317, ce dernier va parvenir au pouvoir
frauduleusement318. Aussi, à travers la confiance qu'elle met
en la personne du président Biya pour préserve ses
intérêts319, cette situation d'extraversion sera
maintenue. En effet, dans le but de conserver le pouvoir politique, qu'il
détient depuis 32 ans, le président Paul Biya reçoit le
soutien et l'aide de conseillers français, formels ou informels,
constituant son proche entourage.
311 Tchetchoua Tchokonté, « Enjeux et jeux
pétroliers en Afrique... », p.58.
312 W. Mvomo Ela, « Le concept de « mise en valeur
» dans la politique de développement colonial de la France : cas du
Cameroun » in Repenser le développement à partir de
l'Afrique, sous la direction de Jean-Emmanuel Pondi, Afrédit,
Africaine d'Edition, Yaoundé, mai 2011, p.299.
313 Alain Fogue T., « Enjeux
géostratégiques et conflits politiques en Afrique... »,
p.292.
314 Tchetchoua Tchokonté, Op.Cit.
315 Idem.
316 Alain Fogue Tedom, Op.Cit.
317 Foccart parle, I, p 87 et 95 in La
FRANÇAFRIQUE, le plus long scandale de la République,
François-Xavier Verschave, p.99.
318 Selon l'ambassadeur Guy Georgy, qui commanda la région
du nord Cameroun de 1951 à 1955, des paquets de faux bulletins, à
la faveur du candidat Ahidjo, ont été mis dans l'urne. In La
FRANÇAFRIQUE, le plus long scandale de la République,
François-Xavier Verschave, p.98. De même, bien avant
son accession à l'indépendance, le ministre français
d'Outre-mer, monsieur Jacquet, répète à trois reprises au
premier ministre camerounais André-Marie Mbida que l'indépendance
du Cameroun annoncée le 1er Janvier 1960, sera une
indépendance fictive. In Jeune Afrique Économique,
février 1992, p.37, Déclaration en date du 27/02/1958.
Citée par Dieudonné Oyono, Avec ou sans la France
?...
319 Cette idée est soutenue par l'ancien président
français Jacques Chirac qui, le 24 février 1990 sur RFI, encore
maire de Paris à l'époque, affirmait que : « Le
multipartisme est un luxe superflu pour les jeunes pays en voie de
développement comme les pays africains ; le parti unique leur convient
mieux », in Maurice Kamto, L'urgence de la pensée :
réflexion sur une précondition du développement en
Afrique, Yaoundé, 1993, Mandara, p.23, d'où la
confiance, pour préserver les intérêts français au
Cameroun, mise dans le régime politique de Paul Biya.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 92
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
Nous avons comme exemple Patricia BALME, conseillère en
stratégie et communication, et Stéphane FOUKS, expert en
communication. Patricia BALME reconnait participer au succès des actions
du président Biya320. Elle dit s'occuper de
l'amélioration de l'image camerounaise à l'extérieur
depuis 1999321. C'est elle qui a en effet préparé la
défense du président sur la chaine télévisée
française France 24, lors de la présidentielle de 2011, et s'est
ensuite attachée les services de François MATTEI pour la
rédaction du Code Biya322. Stéphane FOUKS, quant
à lui, a établi le projet AFRICA 21 qui a rassemblé
l'intelligentsia africaine et européenne, du 17 au 19 mai 2010. Il a
ensuite, le 3 décembre 2010, suivi les conclusions de ladite
conférence323. On peut ainsi, à travers ces
conseillers français faisant partis de l'entourage présidentiel,
démontrer la possibilité pour les autorités
françaises d'anticiper sur les décisions et les agissements des
responsables politiques camerounais.
Cette possibilité d'influence peut être
démontrée au travers des relations amicales qu'entretiennent des
responsables politiques camerounais et français. Tel est le cas de
l'ancien Secrétaire Général de la Présidence de la
République du Cameroun, ancien ministre, Marafa HAMIDOU YAYA, avec des
autorités françaises.
Avant son incarcération, « L'homme des
français324 » a eu de bons rapports avec des
personnalités d'horizons variés (homme d'affaires, anciens
ministres et ancien président de la République) comme : Vincent
Bolloré, Charles Pasqua, Claude Guéant en passant par Nicolas
Sarkozy325. A partir des postes de responsabilités qu'il a
occupé, surtout celui de SG de la Présidence, l'on peut conclure
que la France exerçait, et exerce encore, une forte influence dans les
décisions politiques camerounaises326.
L'influence de la France se ressent aussi dans les
règlements juridiques avec l'aide de juristes français pour leur
établissement. L'exemple le plus récent est l'apport du
constitutionnaliste Guy CARCASSONNE dans la modification constitutionnelle, du
14 avril
320 Elle affirme en effet : « j'ai veillé
à ce que la communication du président, dans ce pays et à
l'étranger, et son aura soit bien faite et préservée. J'ai
amené les professeurs Luc Montagnier et Robert Gallo au Cameroun. J'ai
aidé la première Dame à développer tout ce qu'elle
fait contre la lutte contre le sida. » In Repères,
no 208 du 2 février 2011, p5.
321 Ibid.
322 Ibid.
323 Ibid.
324 Jeune Afrique, no 2670, mars 2012,
pp.32-33.
325 Ibid.
326 Dans sa première lettre ouverte, publiée dans
Le Jour, Marafa HAMIDOU YAYA fait part de son ancienneté aux
postes de responsabilités que lui avait confié le
président Paul Biya : « J'ai été votre
collaborateur pendant dix-sept (17) années sans discontinuité.
D'abord comme conseiller spécial, ensuite comme secrétaire
général de la Présidence de la République et,
enfin, comme ministre de l'Administration Territoriale et de la
Décentralisation pendant près d'une décennie ».
Aussi, de la confiance que lui a accordé le Chef de l'État en lui
remettant le pouvoir de nomination, et la confidence de sa non-connaissance de
la majorité de ministres : « Monsieur le Ministre
d'État, vous êtes combien de ministres dans ce gouvernement ?
Peut-être dix (10) ou quinze (15) tout au plus. Le reste, ce sont des
fonctionnaires à qui j'ai donné le titre ». Le Jour
no 1179 du 02 mai 2012.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 93
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
2008, qui a permis d'effacer l'article sur la limitation des
mandats présidentiels327. Ces agissements permettent à
la France, dans la lutte inégale qui l'oppose aux États-Unis au
Cameroun, d'avoir une certaine avance par un processus d'assimilation des
responsables politiques camerounais328. L'illustration de cet
état des choses est la multiplication de rencontres entre les
exécutifs des deux États.
C'est le cas de la dernière visite de travail du
président Paul Biya en France, du 28 janvier au 8 février
2013329, ou encore la rencontre des deux présidents à
l'occasion du XIVe sommet de la Francophonie, organisé
octobre 2012 à Kinshasa en République Démocratique du
Congo (RDC)330. Cette dévotion des élites
camerounaises permet à la France de préserver ses
intérêts. Cette influence est aussi perceptible dans l'aspect
diplomatique.
a- 2- L'usage de la variable diplomatique pour réduire
l'influence américaine
Les héritages coloniaux sont nécessaires pour
comprendre la diplomatie camerounaise331. L'indépendance
camerounaise, fictive selon le ministre français d'Outre-mer, monsieur
Jacquet, est l'aboutissement d'une entente à l'ONU entre Jacques Foccart
et l'israélien ABBA EBAN332. Alors ministre israélien
des Affaires étrangères, ce dernier va rendre un service à
Ahmadou Ahidjo programmé par la France pour devenir président du
Cameroun333.
Dès cet instant, l'extraversion diplomatique
camerounaise est avérée et, à travers les accords
signés, le Cameroun fera montre d'un déficit d'autonomie
stratégique et d'une incapacité à maitriser son destin en
faveur de la France. Les propos d'Yvon OMNES, ancien ambassadeur de France au
Cameroun, de 1984 à 1993, viennent affirmer cette idée. Devenu
327 La Nouvelle, no 151 du 16 janvier 2012,
p.5.
328 Alain Fogue T., « Enjeux
géostratégiques et conflits politiques en Afrique... »,
p. 292.
329 Cameroon Tribune no 10278/6479 du vendredi 08
février 2013, p.2.
330 Hot News, hebdomadaire bilingue no 086 du mardi 16
octobre 2012, pp.2-4.
331 Philippe Hugon, Géopolitique de l'Afrique,
Editions Sedes, 2007, p.49.
332 In Mon pays, l'époque d'Israël moderne,
Buchet-Chastel, 1975.
333 Il affirme en effet : « je l'avais rencontré
sur le sol américain en 1959 ; Aryeh Ilan, un de nos plus talentueux
diplomates (...), m'avait suggérer de jouer un rôle actif dans les
discussions sur l'accession du Cameroun à l'indépendance. Pour
rompre les difficultés qui freinaient son succès, Ahmadou Ahidjo,
le leader du Mouvement National Camerounais, arpentait vainement les couloirs
du bâtiment de l'ONU, baignant dans un environnement étranger. Au
Cameroun (compte tenu de l'opposition), des groupes soutenus par le Caire
déniaient toute légalité à Ahidjo. (...) Je
m'intéressais au problème et, à la lumière de la
longue histoire plutôt troublante de nos rapports avec les Nations-Unies,
je fus à même d'offrir quelques conseils sur la manière de
présenter le dossier du Cameroun avec des chances de succès.
(...) Ahidjo m'en fut personnellement reconnaissant de nombreuses
années» in Pierre Péan 2010, Carnages: les guerres
secrètes des grandes puissances en Afrique, p.173.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 94
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
par la suite conseiller du président Paul
Biya334, il va déclarer que toute décision prise au
Cameroun l'est avec le consentement de la France335. Les relations
étroites entre le président Biya et des diplomates
français, ayant été en place à Yaoundé,
semblent confirmer ces allégations. Le président Biya,
d'après des câbles du site WIKILEAKS datant de 2006 et de 2008,
aurait expliqué à l'ambassadeur de cette période, Bruno
Gain, les raisons de la suppression de la limitation des mandats
présidentiels en 2008336.
Il reconnaissait l'atmosphère
délétère dans lequel se trouvait le pays : « Qu'elle
fierté aurais-je à laisser le Cameroun tel qu'il est aujourd'hui
?337 ». Avant de s'adjuger le rôle ultime d'assainir
l'espace politique par l'Opération Épervier : « C'est
à moi de le faire, car il sera impossible pour celui qui me
succèdera de commencer par cela338. »
La confidence présidentielle illustre le manque
d'autonomie dont souffre le Cameroun. Le président Biya
préfère en effet confier ses intentions à l'ancienne
puissance tutrice qui elle va profiter de la situation pour établir des
stratégies dans le but de préserver ses intérêts et
limiter la percée américaine dans le pays. La dernière
visite du ministre des Affaires étrangères français au
Cameroun, Laurent Fabius, va dans cette logique. Pour rappel, le 19
février 2013 dans la localité de DABANGA, la famille Tangui
MOULIN-FOURNIER faisait l'objet d'un rapt. Accompagné de proches
collaborateurs, Laurent Fabius sera reçu par le président Paul
Biya et cette rencontre se soldera, les jours suivants, par la
libération desdits otages339. Cette situation illustre
l'influence qu'a en effet la France dans la détermination et même
l'orientation des dossiers diplomatiques camerounais.
Cette influence se confirme par les interviews
accordées par le président de la République du Cameroun
aux médias français. Le président Biya va accorder, en
octobre 2007, une interview à la chaine France 24 où il va
dévoiler ses projets constitutionnels et annoncer que l'Opération
Épervier ira jusqu'à son terme340. Aussi, la
Présidence
334 Fanny Pigeaud, Au Cameroun de Paul Biya, p.237.
335 Un incident survenu entre Yaoundé et Paris quelque
temps après l'accession du Cameroun illustre assez bien cette
idée. Après avoir constaté que les autorités
françaises lui envoyaient d'une manière anarchique et à
une cadence anormale du personnel de l'assistance technique au titre de la
coopération, le Cameroun entreprend une démarche auprès de
l'ancienne métropole visant à rationaliser ce type d'aide de
développement. Les responsables camerounais redoutent que la France
n'utilise la coopération pour résorber le chômage de ses
anciens cadres de l'administration coloniale, voire garder le contrôle
sur le jeune État et proposent au ministère français de la
Coopération un plan visant à encourager la camerounisation des
postes de l'administration camerounaise sur une période de dix ans. Mais
il est rejeté par la France qui demande au Cameroun de choisir entre la
« confiance » et « la rupture » Cet incident suscite chez
Christian Tobie KUOH, secrétaire général de la
présidence de la République du Cameroun, entre 1960 et 1964 et
initiateur du projet ainsi enterré ce commentaire
désabusé, « Ce n'est assurément pas l'exemple
d'une politique d'assistance digne de ce nom, qui ne devrait point se
départir de certaines règles et, parmi elles, celles-ci : (...)
acceptation sincère de l'indépendance du partenaire (...) »,
« Mon témoignage. Le Cameroun de l'indépendance
(1958-1970), Paris, Karthala, 1990, in Alain Fogue Tedom, Op.cit.,
p.61.
336 Jeune Afrique, no 2647 du 2 au 8 octobre 2011,
p.24.
337 Ibid., p.25.
338 Ibid., p.24.
339 Cameroon Tribune no10303/6504 du Lundi 18 mars
2013, p.2.
340 Jeune Afrique, Op.cit., p.25.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 95
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
camerounaise achète, en raison de milliers d'euros, des
pages de grands journaux comme Le Monde, Le Figaro, L'Express, ou
encore le magazine parisien Jeune Afrique. Le Monde avait,
selon le journal camerounais Le Jour, reçu en 2010 un peu plus
de 124 millions de FCFA, tandis que Jeune Afrique recevait chaque
année 650 millions de FCFA du gouvernement camerounais341. A
partir de ces agissements du régime camerounais, la France assimile
à leur politique étrangère les responsables politiques et
diplomatiques. Aussi leur carrière et leur évolution
professionnelle sont contrôlées. Ainsi, la France préserve
de ses intérêts économiques vis-à-vis des
velléités américaines342.
La France utilise, pour limiter le projet américain au
Cameroun, la politique et la diplomatie dans l'aspect bilatéral. Cette
manière d'agir est aussi perceptible dans un cadre
multilatéral.
b- L'emploi de la politique et de la diplomatie dans
un aspect multilatéral
Cette stratégie française exercée aussi
bien dans l'Union Européenne (1) que dans l'Organisation Internationale
de la Francophonie (2).
b- 1- L'Union Européenne
Les richesses camerounaises sont un marchepied pour le
rayonnement et l'indépendance stratégique,
énergétique, économique et culturelle de la
France343. Aussi la France ne lésine sur aucun moyen, comme
l'usage de L'UE à des fins nationales, pour profiter des ressources de
cet État du Golfe de Guinée. L'UE y est active dans les domaines
politique, économique et social. En politique, Raul MATEUS PAULA, ancien
ambassadeur de l'institution européenne au Cameroun, soutenait que la
coopération entre l'institution internationale et le Cameroun est
concentrée sur la bonne gouvernance et la promotion de l'État de
droit344. L'UE apporte ainsi son appui dans la gestion des finances
publiques, l'amélioration de la gouvernance forestière, la
gestion durable des ressources naturelles, la
341 Fanny Pigeaud, Au Cameroun de Paul Biya,
pp.250-251.
342 Ibid.
343 Alain Fogue T. « Enjeux
géostratégiques et conflits politiques en Afrique... »,
p.364.
344 Article de Cameroun Info-net de juin 2012 sur
www.camerouninfo.com
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 96
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
fiabilité et la transparence des
élections345. L'illustration est perçue lors des
élections présidentielles de 2011 où elle a
contribué à la mobilisation des populations pour l'inscription
sur les listes électorales et les fonds qui y étaient
alloués.
Toutefois, il est remarqué un écart entre les
propos tenus par les représentants de l'institution et leur mise en
application. Lors des élections de février 2009, l'UE a
fustigé l'appartenance à un seul parti politique de la
majorité des membres d'ELECAM346. Quelques mois plus tard, le
chef de la délégation de l'UE s'inquiétait de la
crédibilité des membres de l'organe
électoral347. Mais malgré cet état de choses,
rien n'a été entrevu par l'institution internationale,
auprès des responsables politiques locaux, pour modifier ce contexte.
Ces contradictions démontrent le visage de Janus de l'institution. Elles
confirment l'influence que détient la France dans l'institution et la
nécessité, pour l'ancienne puissance tutrice, de défendre
et de préserver ses intérêts au Cameroun. Il est donc
question de porter critique sur la situation démocratique du pays tout
en évitant de froisser le régime en l'encensant de discours
vertueux.
L'action de l'UE s'étend aussi à
l'économie par l'assistance de la Commission européenne (CE), au
titre du 10e Fonds Européen de Développement
(FED)348. L'aspect social, quant à lui, consiste à la
poursuite des Objectifs Du Millénaire (OMD). L'UE participe à
l'émancipation de l'individu par des constructions d'hôpitaux, des
salles de classes et d'espaces ludiques. L'institution contribue, par le biais
de la Banque Européenne d'Investissement (BEI), au projet LOM-PANGAR
à travers la mise en place du programme PIR, faisant partie du Plan de
Gestion Environnementale et Sociale (PGES) destiné aux populations de la
région, en raison de 19,7 milliards de FCFA349. Ces aides ne
sont point désintéressées. Il s'agit, pour la France et
d'autres États européens, de conquérir le marché
camerounais tout en réduisant l'influence des États-Unis. Ces
aides tiennent à trois explications :
- La préservation de ses intérêts
économiques camerounais, et africains,
gravement menacés par la généralisation de
l'insécurité et de l'instabilité politique ;
345 Ibid.
346 Fanny Pigeaud, Au Cameroun de Paul Biya, p.241.
347 Ibid.
348 « Les relations économiques entre le Cameroun
et L'Union Européenne », Supiant Tchinda, IRERIE-DEEI-Master
2003, section 2 : Les actions de développement de l'UE au
Cameroun, disponible sur
www.google.com
349 Cameroon Tribune, no 10148/6349 du mercredi 02
août 2012, pp.2-3.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 97
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
- La protection de sa sécurité intérieure,
par une action préventive contre
un flux migratoire important et incontrôlé de nature
économique ;
- Le souci d'affirmer une existence politique sur la scène
internationale350.
La France, pour se faire, instrumentalise l'UE à des
fins nationales. L'UE agit donc à géométrie variable.
Aussi, entre la nécessité de défendre les
intérêts français, et de ceux d'autres pays
européens, et le besoin de lutter contre la corruption pour le
développement du Cameroun, l'institution européenne a fait le
premier choix351. L'objectif est de continuer à profiter des
financements camerounais tout en faisant en sorte que les choses n'avancent pas
ou très peu sur le terrain. Tant que cet équilibre ne sera pas
menacé, la volonté des ambassadeurs de l'UE de lutter contre les
maux qui minent la société camerounaise ne sera pas suivie
d'actes concrets352.
L'instrumentalisation du Droit International, par l'UE, est un
pan de la stratégie française pour contrecarrer les
États-Unis au Cameroun. Le soutien de la minorité homosexuelle en
est une illustration. En effet, l'UE a octroyé, début janvier
2013, une subvention d'environ 305.000 euros, au collectif Association de
défense des homosexuels (Adhefo), présidé l'avocat Alice
NKOM, pour appuyer son projet d'assistance et d'encadrement des
minorités homosexuelles353. Tel est, dans le domaine
économique, le cas des APE. Ces accords permettent à la France,
par le biais de l'UE, de limiter l'impact de l'AGOA et du GSP des
États-Unis et de gagner d'importants marchés au Cameroun. L'UE
permet, entre autre, à la France de s'affirmer au niveau international
en s'émancipant de la tutelle américaine et de disposer d'une
autonomie stratégique354. Elle lui permet aussi
d'acquérir des moyens pour concurrencer les États-Unis sur le
plan diplomatique355.
L'UE est donc un instrument stratégique destiné
à la préservation des intérêts de la France au
Cameroun sur un plan international. C'est aussi le cas de l'Organisation
Internationale de la Francophonie (OIF).
350 Alain Fogue T. « Enjeux
géostratégiques et conflits politiques en Afrique... »,
p.364.
351 Fanny Pigeaud, Au Cameroun de Paul Biya,
p.246.
352 Ibid., p.247.
353 « Homosexualité : tension entre le Cameroun
et l'Union européenne, Yaoundé s'oppose au financement
d'associations luttant pour les droits des homosexuels », du mardi 18
janvier 2011 écrit par René Dassié à retrouver sur
la page CAMNEWS 24 sur
www.google.com
354 Alain Fogue T., Op.Cit.
355 Ibid.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 98
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
b - 2 - L'OIF
L'Organisation internationale de la francophonie (OIF)
contribue à la prévention des conflits au sein de l'espace
francophone, favorise la consolidation de l'État de droit et agit pour
la promotion des droits de l'Homme. Elle promeut la diversité
culturelle356. Son action repose sur cinq acteurs à savoir :
l'Agence intergouvernementale de la francophonie (AIF), l'Agence universitaire
de la francophonie (AUF), l'Université Senghor d'Alexandrie
(Égypte), l'Association internationale des maires francophones (AIMF)
ainsi que TV5 et France 24 sont les seules chaînes de
télévision en langue française disponibles dans le monde
entier ou presque357.
L'OIF contribue, en faveur de la France, à limiter
l'influence des États-Unis au Cameroun grâce à des
institutions telle que le Centre Culturel Français (CCF). Cet
établissement, par l'organisation d'évènements culturels,
sa participation à la conception de programmes et d'ouvrages scolaires
camerounais de même que la projection de vidéogrammes
français, modifie l'environnement culturel camerounais à cause de
l'absence de centre de projection. Cette stratégie est renforcée
par le désintérêt du gouvernement camerounais pour l'aspect
éducatif et l'abondance de chaines d'information radiophoniques et
télévisées de culture française sur
l'étendue du territoire. Cette négligence symbolique et
stratégique est assimilable à tout ce qui a trait à la
promotion de l'image de marque et l'expression du génie culturel, qu'il
soit littéraire, sportif, musical, artistique, culinaire architectural,
vestimentaire, etc.
L'OIF est une organisation qui sert les intérêts
français tout comme l'est l'UE au Cameroun. La France fait aussi appel
aux aspects socioculturels et économico-militaires pour contrecarrer la
percée américaine au Cameroun.
Paragraphe 2 : la dynamique socioculturelle et
économico-militaire
de la France au Cameroun
Pour plus de lisibilité, nous présenterons tout
d'abord la dynamique socioculturelle (a) puis la dynamique
économico-militaire (b).
356 Alain Fogue T. « Enjeux
géostratégiques et conflits politiques en Afrique... »,
p.364.
357 Ibid.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 99
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
a- La dynamique socioculturelle
La France fait usage, pour limiter l'influence des
États-Unis au Cameroun, tant du Hard power que du Soft power. Le Soft
power s'inspire des préoccupations stratégiques du
général De Gaulle à savoir : comment permettre à la
France de rester une puissance malgré la faiblesse de ses moyens
(démographique, militaires, économiques etc.)358 ?
Aussi a-t-il élaboré la politique étrangère
française autour de quatre points :
- Retrouver l'indépendance de la France dans le domaine
clé où elle a été
perdue, en se dotant de la dissuasion nucléaire
sensée lui permettre de garantir seule la défense de son
territoire ;
- Placer les anciennes colonies aux services de la
défense, du développement et du rayonnement international de
la France ;
- Faire de la construction européenne le marchepied de
la France vers la reconquête d'une place de grande puissance ;
- Faire jouer à la France le rôle d'avocat des
plus faibles dans les affaires du monde. Ce dernier point permet à la
France d'engranger la sympathie de l'opinion internationale, indispensable dans
la lutte inégale qui l'oppose aux grandes puissances359.
Les colonies d'Afrique, selon le second point, sont ainsi un
tremplin pour le rayonnement international de la France. Aussi met-elle en
application la politique d'assimilation théorisée par Arthur
Girault entre 1890 et 1930. Pour ce dernier, la France doit interdire à
l'assimilé africain, dit « évolué », le
patriotisme local et lui inoculer l'amour de la patrie commune, le culte de
l'empire360.
Cette politique est appliquée par la France au Cameroun
après que cet État soit mis sous son mandat à la fin de la
première guerre mondiale361. Composé d'une
diversité de groupes ethniques (plus de 250) et de langues locales
chiffrées à 270 environ, il était impératif pour la
France d'assimiler les consciences en imposant le français comme langue
officielle de
358 Cours dispensé en Master II Science Politique par le
Docteur Alain Fogue Tedom, « Les questions stratégiques »,
année 2011-2012, p.11.
359 Idem.
360 Alain Fogue T., « Enjeux
géostratégiques et conflits politiques en Afrique... »,
p.181.
361 Selon l'Article 1 alinéa 3 de la loi no
96/06 du 18 janvier portant révision de la constitution du 02 juin 1972,
modifiée et complétée par la loi no2008/001 du
14 avril 2008, le français et l'anglais constituent les langues
officielles.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 100
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
l'Etat362. Il s'en est suivi une implication
politique des ethnies dans l'élaboration de la politique
étatique. Cette politique eut pour corollaire la distribution
inégale de compétences entre les ethnies, par l'assomption de
certaines au détriment des autres, tenant non pas à une
supériorité intrinsèque, non pas à une
inégalité d'essence, mais plutôt aux constructions
symboliques, à l'imposition de la marque faite par la
France363. La politique d'assimilation appliquée pendant la
colonisation présente encore certaines répercussions aujourd'hui.
En effet, les responsable politiques au pouvoir instrumentalisent la fibre
ethnique364, par la politique d'équilibre
régional365 pour servir les intérêts de la
France qui y trouve profit, et les leurs.
La loi no 2004/017 de juillet 2004, relative
à l'orientation de la décentralisation au Cameroun et des
modalités de coopération avec d'autres collectivités
étrangères, fixées par le décret no
2011/1116/PM du 26 avril 2011, en est une illustration366. Ces lois
sont copiées sur celles de la France où la
décentralisation, présentée comme restrictive, accorde la
qualité et le statut d'acteur de la coopération
décentralisée uniquement aux collectivités territoriales
décentralisées367. Elle donne l'opportunité au
gouvernement français d'avoir une influence sur l'orientation de la
politique démographique du Cameroun et de maitriser ses populations.
L'influence de la France au Cameroun, dans l'aspect culturel,
est considérable dans le système éducatif et
communicationnel camerounais. L'histoire du Cameroun faisant allusion aux
indépendantistes tels Ruben UM NYOBE, Félix-Roland MOUMIE et
Ernest OUANDIE, s'étant opposés à la présence
française, est inconnue de la jeunesse camerounaise parce qu'elle est
sciemment écartée des programmes et manuels scolaires. Les seules
personnalités présentes sont celles qui ont fait
allégeance à l'ancienne puissance tutrice368.
L'école, au Cameroun, tend à être plus un lieu de
gardiennage social, où sont véhiculés des savoirs
mémorisés faisant la part belle aux personnalités de la
France, qu'un lieu d'acquisition
362 Nzeugang, « Une lecture de la coopération
américano-camerounaise depuis 2001... », pp.2-3.
363 Luc Sindjoun, L'État ailleurs, entre noyau dur
et case vide, Economica, 2002, p.198. Jean-François Bayart
mentionne aussi de manière rapide les Haussa et les Tikars. Cf.
L'État au Cameroun, 2e édition, Presse de la
FNSP, 1985, pp.339-348.
364 Fanny Pigeaud, Au Cameroun de Paul Biya, p.130.
365 Ibid, p122.
366 Cours dispensé en Master II Science Politique par le
Professeur NJOYA, « Coopération Décentralisée »,
année 2011-2012.
367 Idem.
368 Alain Fogue T. « Enjeux
géostratégiques et conflits politiques en Afrique... »,
p.200. Alexandre Douala Manga Bell a utilisé sa position
de prince et « d'évolué », en quelque sorte de leader
d'opinion, pour acquérir de nombreux avantages personnels divers
auprès de l'administration coloniale, ceci aux dépens des
intérêts du Cameroun. Ainsi, « il a su ménager le
pouvoir colonial tout en entretenant l'opinion noire d'une future
indépendance. (...) Puis a pris parti contre les progressistes, les
syndicalistes (camerounais) ». En échange de sa loyauté, il
devient l'un des très rares indigènes à obtenir la
nationalité française. Lorsqu'il se présente à
l'élection du 21 octobre 1945 au collège africain, il est
déjà citoyen français. Personnage fantasque et
autoritaire, il distribue des pièces de monnaie sans aucune valeur
frappées de son effigie ou menace ses contradicteurs de fouet pendant
les campagnes électorales. Voir Guy Georgy, Le petit soldat de
l'Empire, Paris, J'ai lu, pp. 47-51, voir aussi son portrait fait par le
journaliste français Georges Chaffard et repris par Philippe Gaillard
dans « Le Cameroun » Tome J, Paris L'Harmattan, 1989,
pp.176-177.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 101
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
de savoir369. L'université, quant à
elle, conduit parfois uniquement à une accumulation de titres permettant
d'espérer, de manière généralement illusoire,
à des postes relativement rémunérateurs qu'à des
savoirs analytiques et pratiques favorisant des
qualifications370.
La communication n'est pas en reste. Les medias
français, Le Monde, Le Figaro, L'Express et Jeune Afrique,
bénéficient des subventions du régime politique
camerounais dans le but de veiller et d'assurer le rayonnement du
président de la République371, au détriment des
medias camerounais. Comme conséquence de cette influence
française, on constate un abandon par l'opinion camerounaise des medias
d'informations nationaux. Le « quatrième pouvoir » camerounais
est ainsi extraverti au profit de la France. La plupart des medias
d'information, qu'ils soient radiophoniques ou télévisés
usités par les camerounais sont aujourd'hui, pour la plupart,
français (RFI, France 24). Ainsi, dans le combat inégal qui
l'oppose aux États-Unis, ces moyens culturels permettent à la
France de faire pencher, par un processus d'assimilation, les consciences
camerounaises en sa faveur.
La politique d'immigration choisie, instaurée par
l'ancien gouvernement de Nicolas Sarkozy, est aussi un pan de cette
stratégie culturelle française au Cameroun372. Toutes
ces initiatives, tant communicationnelles (RFI, France 24) que culturelles
(Immigration choisie), sont des réponses aux stratégies des
États-Unis pour mettre le Cameroun sous son giron stratégique
(CNN, ABC, NBC, BBC et la loterie américaine qui permet, chaque
année, aux camerounais de pouvoir vivre dans le pays de l'oncle Sam).
L'instrumentalisation de la religion par la France est un
autre pan de cette stratégie culturelle. En effet, bien qu'il existe une
distinction entre la societas humana373 et la societas
christiana374, la France influence les mentalités
camerounaises sur des débats d'actualité au travers de certains
hauts autorités religieuses qui sont favorables à l'expression de
certains agissements375. Le militantisme de l'ancien prélat
de l'Archidiocèse de Yaoundé,
369 Philippe Hugon, Géopolitique de l'Afrique,p.
179.
370 Ibid.
371 Fanny Pigeaud, Au Cameroun de Paul Biya,
pp.174-177.
372 Bien que la politique d'immigration choisie fût
instaurée par le gouvernement Sarkozy, l'idée, elle, est
ancienne. En effet, les propos tenus par l'ancien président Jacques
Chirac, au Sommet Afrique-France de Yaoundé, au Cameroun du 17 au 19
janvier 2001, en disent davantage : « Nous avons commencé par
saigner ce continent (l'Afrique) pendant quatre siècles et demi avec la
traite des Noirs. Ensuite nous avons découvert ses matières
premières et nous les avons saisies (...) Aujourd'hui, nous les
délestons de leurs cerveaux grâce aux bourses d'études, qui
consistent en définitive une autre forme d'exploitation car, les
étudiants les plus brillants ne rentrent pas chez eux (...) »,
in Le Canard enchainé du mercredi 24 janvier 2001, p.2.
373 La notion de societas humana désigne une
communauté humaine régie par des lois et des coutumes qui lui
sont propres, attachée à un roi qui légifère en son
nom. Elle se présente plus aujourd'hui son sur l'aspect
d'État-nation.
374 La notion de societas christiana quant à elle
désigne une communauté de croyants réunis par la foi et
dont la tête est le pape.
375 C'est le cas de l'homosexualité, sujet
d'actualité au Cameroun, où la position du cardinal
émérite Christian Tumi est de permettre à cette
minorité de pouvoir vivre sans inquiétude d'être mis au ban
de la société, cf. Jeune Afrique no 2769 du 2 au 8
février 2014, p28.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 102
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
Monseigneur Jean ZOA, favorable au parti unique de
l'époque UNC, avait conduit ce dernier à se manifester contre le
multipartisme exigé par les partenaires au développement en mars
1990376, rappelant le discours prononcé par le roi
Léopold II devant les missionnaires se rendant au Congo en
1883377. Ainsi, pour aller dans le sens de Charles Pasqua pour qui
la démocratie s'arrête là où la raison d'État
commence378, l'État français instrumentalise, quand il
le faut, la religion pour limiter la percée américaine au
Cameroun car pour la France, l'Église s'arrête là où
la raison d'État commence.
L'assise socioculturelle de la France apporte des
réponses aux stratégies américaines au Cameroun. Cela est
aussi perceptible au niveau économico-militaire.
b- La dynamique
économico-militaire
Nous présenterons en premier la dynamique militaire
(b-1) et par la suite la dynamique économique (b-2).
b-1- La dynamique militaire de la France
L'influence militaire de la France au Cameroun débute
dès la construction de l'État postcolonial. L'armée au
Cameroun, à cette période, n'est qu'un avatar de la conception
française de la sécurité. C'est une coterie basée
sur une allégeance clientéliste d'une poignée d'officiers
en compétition mutuelle pour les différents rangs (...),
bouillonnant de plusieurs doléances corporatistes, ethniques et
personnelles379. Cette relation militaire entre les deux
États se comprend à travers l'enjeu de défense
d'intérêts français et la vision de la
sécurité essentiellement structurée dans une logique de
sphère d'influence380. Elle se structure par des
376 Jeune Afrique, Hebdomadaire International Indépendant
no 2743 du 4 au 10 aout 2013, p.73.
377 Le roi Léopold II demande aux missionnaires de
pratiquer une évangélisation qui s'inspire de la
préservation des intérêts belges dans cette partie du
monde. Pour ce, demande avant tout d'interpréter l'Évangile de
façon orientée. Ainsi, les extraits tirés de la Bible
comme : « heureux les pauvres car le royaume des cieux est à eux
», « il est difficile au riche d'entrer au ciel » ou encore
« heureux ceux qui pleurent car le royaume des cieux est à eux
» devraient participer à ce que les populations restent toujours
soumises aux colonialistes blancs. Qu'elles ne se révoltent jamais
contre les injures et injustices que ceux-ci les feront subir. D'aimer la
pauvreté et la pratiquée en vue du salut de son âme. Leur
enseigner de tout supporter même si elles sont injuriées ou
battues par leurs compatriotes administratifs blancs, ceci pour les amener
à servir et à mieux protéger les intérêts de
la Belgique.
378 Olivier NAY, Histoire des idées politiques,
Éditions Armand Colin, Dalloz, 2004, p.180.
379 Michel Kounou, « Coups d'Etat, Régimes
militaires et Développement démocratique au Sud du Sahara de 1963
à 2004 : bilan et perspectives », in Revue Africaine
d'Études Politiques et Stratégiques, UY II, FSJP no3,
2003, p.139.
380 Alain Fogue T., « Le concept de
sécurité dans l'analyse des conflits politiques africains »
in Revue Africaine d'Études Politiques et Stratégiques,
Université Yaoundé II, no3, 2003, p.178.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 103
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
accords de défense, des accords secrets de maintien de
l'ordre, des accords de coopération et d'assistance militaire, de l'aide
direct en matériels et en personnels militaires381.
Tableau 7 : Accords et Conventions militaires
établis entre le Cameroun et la France de 1960
à 1974.
Nature de l'Accord ou de la Convention Année de
signature
Accords de défense
|
1960 et 1981
|
Convention de soutien logistique des
forces terrestres, aériennes et
de gendarmerie
|
1965
|
Accords de Coopération et d'Assistance
Technique et Militaire
|
1974
|
Convention sur les règles et modalités
de soutien logistique aux forces armées
|
1974
|
Note : Ce tableau est le
résultat d'une collecte de données faite par nous à partir
de différentes sources étant : La lettre du Continent
: indigo Publication, 6 décembre 1996 ; Voir également
Survie-France, Présence militaire française en Afrique,
Dérives... Dossiers no4,1996 et
Ministère des Affaires et François Lamy, Liste des accords
de défense ou de coopération militaire de la France en
vigueur, bulletin d'information no2237,
11elégislature, Assemblée Nationale, Paris, 2000 in
« Coups d'Etat, Régimes militaires et au Sud du Sahara de 1963
à 2004 : bilan et perspectives » par Michel Kounou, in
Revue Africaine d'Études Politiques et Stratégiques, UY II,
FSJP no3, 2003, pp 163-165.
Les interventions militaires, en cette période, avaient
pour seul but de réduire au silence les indépendantistes
camerounais opposés à la présence française. En
effet, d'après le général Pierre SEMENGUE, ancien chef
d'état-major camerounais ayant participé à des
opérations de forces armées, dans une interview accordée
en décembre 2007, en signe de dissuasion, les soldats français
coupaient les têtes des rebelles et les exposaient ensuite dans les
villages382.
Cette forte présence militaire montre l'importance
qu'à la France de préserver leurs intérêts dans le
pays. Aussi explique-t-elle, aujourd'hui, leur volonté de
contrôler l'appareil
381 Michel Kounou, Op. Cit.
382 Jeune Afrique, hebdomadaire international indépendant,
53e année, no 2749 du 15 au 21 septembre 2013,
pp.21-22.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 104
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
militaire camerounais. Leur contribution à la
dernière réforme de l'armée camerounaise, entamée
en 2001, en est une illustration. Confiée aux militaires camerounais, et
entérinée par le président Paul Biya, elle s'est
concrétisée avec le soutien de conseillers
français383. Cette présence française contribue
à limiter l'influence des États-Unis par une assimilation de
l'armée camerounaise. En effet, la présence de la France dans les
institutions de formation militaire, à l'exemple de l'école
Militaire Inter armées (EMIA), adapte les forces armées locales
aux stratégies militaires françaises.
L'octroi de marchés d'armements et d'équipements
militaires, par les responsables politiques camerounais, permet aussi à
la France de promouvoir son rayonnement économique, d'écouler des
armes obsolètes et de garder son influence militaire en conservant le
Cameroun dans une dépendance stratégique. Au niveau des
bénéfices économiques, le Cameroun, lors de la
décennie 1990, était classé septième pays africain
en termes de dépenses militaires annuels, avec 118,6 millions de
dollars, dont une majorité des profits revenait à l'industrie
française d'armement384. La dépendance du Cameroun
vis-à-vis du génie militaire français, quant à
elle, concerne la formation des militaires, leur encadrement, la fourniture
d'armements, d'équipements, l'appui logistique, le soutien financier et
l'aide à la maintenance385.
Au niveau stratégique, les accords militaires entre la
France et le Cameroun contribuent à la limitation de l'influence des
États-Unis à travers le transfert d'armes, excellent moyen de
renforcement d'alliances entre les deux États français et
camerounais. En effet, le transfert d'armes conforte et développe les
activités militaires françaises dans la sous-région et au
Cameroun en particulier, tout en donnant à la France une capacité
d'influencer les politiques militaires camerounaises. La multiplication des
voyages de formations militaires pour officiers camerounais en est une
illustration. Elle conduit à une non-prise de son destin
stratégique par le Cameroun tout en détournant l'attention des
États-Unis sur les objectifs économiques et stratégiques
qu'elle poursuit en toile de fond dans ce pays du Golfe de Guinée.
L'aspect militaire permet à la France de préserver ses
intérêts dans la confrontation qui l'oppose aux États-Unis
au Cameroun. Cette stratégie française est aussi remarquée
dans les relations économiques.
383 Propos recueillis lors de l'interview du Professeur
Victorin Hameni Bieleu, spécialiste camerounais des questions de
défense accordée au journal Jeune Afrique, no 2749 du
15 au 21 septembre 2013, p.23.
384 Michel Kounou, Le Panafricanisme: de la crise à la
renaissance, p.364.
385 Ibid.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 105
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
b-2- La dynamique économique de la France au Cameroun
Afin de limiter la percée américaine au
Cameroun, la France use d'instruments tant officiels qu'officieux. Elle
procède en premier par alimenter l'indiscipline budgétaire au
Cameroun pour favoriser ses activités mafieuses, en corrompant les
responsables politiques et économiques386. Cette
stratégie part de cette réflexion d'autorités politiques
françaises aux hommes politiques: « Servez-vous dans les caisses
publiques, confondez l'argent public à l'argent privé,
bâtissez-vous des fortunes. Confondez l'argent public et l'argent
privé, enrichissez-vous, mais laissez votre pays dans l'orbite
française, laissez-nous continuer de prélever les matières
premières à des prix défiant toute concurrence et de
détourner une grande partie des flux financiers qui naissent de
là387. » L'entretien et la caution du système
politique au travers des liens étroits existant entre les dirigeants
camerounais et des entreprises françaises en sont une illustration.
Le PDG des Plantations Haut Penja (PHP), Robert FABRE, a
assisté en 2000 à l'inauguration de plantations d'ananas
privées du président Biya à MVOMEKA'A388.
L'affaire Elf jugée en 2003 a, d'un autre côté,
montré que le président Paul Biya a été un
important bénéficiaire de fonds occultes versés par le
pétrolier français qui, ce dernier, après avoir obtenu une
concession au Cameroun, donnait au président Paul Biya un pourcentage
par baril389. L'Accord de partenariat économique (APE),
paraphé par le Cameroun avec l'UE, en janvier 2009, a été
négocié du côté camerounais parle ministre du
Commerce Luc Magloire MBARGA ATANGANA. L'on constate plus tard, en 2011, qu'il
sera président du conseil d'administration des Plantations du Haut Penja
(PHP) plus gros exportateur français de bananes au
Cameroun390. Cet accord aura permis à la France, par la voix
du ministre, d'acquérir des concessions économiques et d'avoir,
au niveau commercial, la primauté dans la vente de produits
manufacturés. Le groupe Bolloré quant à lui a
apporté, en 2008, un soutien financier à la fondation Chantal
Biya391.
Ces relations entretenues par les personnalités et
responsables camerounais avec les entreprises françaises permettent
à la France, par un phénomène de corruption, d'avoir
une
386 Fanny Pigeaud, Au Cameroun de Paul Biya, p.238.
387 François-Xavier Verschave, De la
FRANÇAFRIQUE à la MAFIAFRIQUE, p.13.
388 Fanny Pigeaud, Op.cit., p.239.
389 Idem, p.148.
390 Fanny Pigeaud, Au Cameroun de Paul Biya, p.152.
391 Ibid, p.239.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 106
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
avance en ce qui est de l'acquisition de certains
marchés au Cameroun au détriment des États-Unis. La
réaction française, aux velléités
américaines, se manifeste aussi par le musellement de toute personne
voulant remettre en question son projet de puissance au Cameroun. À
NJOMBE, où est installée l'entreprise PHP, beaucoup estiment que
l'ancien maire de la ville, Éric KINGUE, accusé d'avoir
participé à des actes de vandalisme chez PHP lors des troubles de
février 2008, et condamné à six ans de prison, a en
réalité été puni pour avoir reproché
à la compagnie de ne pas payer tous ses impôts392. Ces
stratégies françaises sont des réponses aux
mécanismes américains tels l'AGOA et de la GSP. L'APD et le D en
sont des reliques françaises. Elles ne sont qu'un moyen d'ouvrir les
marchés et les opportunités d'affaires aux entreprises
françaises qui prétendent aider393. Il s'agit de
poursuivre les objectifs de sa politique extérieure tout en promouvant
son image généreuse et en renforçant la dépendance
camerounaise394.
Ainsi, la coopération économique
bilatérale entre la France et le Cameroun dans le domaine
pétrolier (TotalFinaElf), les services (le Groupe BOLLORE LOGISTICS), le
Contrat Désendettement Développement (D)395,
l'implication française dans le cofinancement du barrage de LOM-PANGAR,
la centrale à gaz de KRIBI, le 2e pont sur le WOURI, ou le
réaménagement des entrées Est et Ouest de
DOUALA396 n'ont que pour unique but de limiter l'influence des
États-Unis au Cameroun par ses industries et entreprises. La dynamique
française pour limiter l'influence des États-Unis au Cameroun se
matérialise donc au niveau bilatéral et multilatéral dans
divers compartiments. Toutefois, la France n'est pas la seule entité
politique à vouloir limiter l'influence américaine au Cameroun.
On y retrouve aussi la Chine.
SECTION II : LA MENACE CHINOISE AU PROJET AMERICAIN
AU
CAMEROUN
Les principes de l'action chinoise au Cameroun sont inscrits
dans le livre blanc de sa politique africaine. Leur but est d'établir et
développer un partenariat d'égalité et de confiance
mutuelle, dans une coopération dite « gagnant-gagnant », avec
le Cameroun. Les moyens
392 Ibid.
393 Michel Kounou, Le Panafricanisme: de la crise à la
renaissance, p.285.
394 Ibid, p.284.
395 La première signature a eu lieu en 2005 et la seconde
en juillet 2011. Enveloppe de 214 milliards de Francs débloquée
par cette dernière, son objectif est le financement des projets de
développement tels l'éducation, les infrastructures, la
santé etc.
396 Cameroon Tribune, no10408/6609 du mercredi 21
août 2013, pp.4-10.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 107
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
utilisés par les chinois pour limiter l'action
américaine sont déployés dans un cadre
politico-diplomatique (paragraphe 1) et aussi dans les aspects socioculturel et
économique (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La présence politico-diplomatique
chinoise au
Cameroun
La politique et la diplomatie sont des piliers de la
stratégie chinoise pour limiter l'influence des États-Unis au
Cameroun. Nous présenterons tout d'abord le pilier politique et, par la
suite, le pilier diplomatique.
a- L'instrumentalisation du Droit international par
la
Chine
Après une période d'hibernation, qui s'explique
par une tension ayant existée entre les deux pays de 1960 à 1970,
les relations diplomatiques entre la Chine et le Cameroun se renforceront
dès le 26 mars 1971397. Selon XUE JINWEI, ancien ambassadeur
de la République populaire de Chine au Cameroun : « Au cours des 40
années écoulées, malgré les aléas
internationaux et les changements intervenus au monde et dans les deux pays
respectifs, les relations d'amitié et de coopération se sont
développées de façon saine et régulière. La
Chine et le Cameroun ont vu leurs échanges de haut niveau se
multiplier398. » La Chine pratique au Cameroun une diplomatie
de présence par le renforcement de ses représentations
diplomatiques et la multiplication de visites au sommet. Les visites du
général de division JIA XIAONING399, du vice-premier
ministre du Conseil des Affaires, HUI LIANGYU400 ou encore de
l'ancien président chinois HU JINTAO, au Cameroun, attestent cette
pratique.
Elles représentent une prise de considération
sérieuse du Cameroun par ses plus hautes autorités gouvernantes
chinoises, contrairement aux États-Unis dont l'un des chefs de
l'exécutif n'y a jamais mis le pied. Cette prise en considération
conduit ainsi les différents exécutifs camerounais, depuis
l'indépendance, à rendre la politesse à leurs pairs
chinois, la
397 Jean Cottin Gelin KOUMA, « Le facteur
culturel dans la coopération sino-camerounaise : le cas de
l'implantation de l'institut Confucius a l'institut des relations
internationales du Cameroun (IRIC) » Université de Yaoundé
II-Soa, Master II en Relations Internationales option Diplomatie 2010
consulté sur
www.google.org
398 Document de l'Ambassade de Chine au Cameroun, «
40e Anniversaire des relations sino-camerounaises 1971-2011 »,
2011, p.4.
399 Cameroon Tribune, no 9745/5946 du vendredi 17
décembre 2010, p.2.
400 Ibid., no 9765/5966 du vendredi 14 janvier 2011,
pp.2-6.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 108
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
dernière visite officielle datant de
2011401. Si pour le président Biya, l'existence de rapports
cordiaux avec la Chine permet à son pays d'entrer en possession de
financements n'exigeant nullement des contraintes juridiques et
institutionnelles, comme c'est le cas avec les États-Unis402,
elles sont pour les Chinois le moyen de profiter de leurs ressources naturelles
et de limiter la percée américaine.
Cette démarche subtile de la Chine, qui consiste
à se réfugier derrière des principes consacrés du
droit international comme la souveraineté de l'État,
témoigne de son habilité et de sa capacité à
s'inscrire dans la dialectique des intelligences403. Pékin
met en effet la souveraineté de l'État camerounais au-dessus de
toute autre considération. Les propos de HE WENPING, directeur de la
section études africaines à l'Académie chinoise des
sciences sociales, l'affirment : « La Chine ne pense pas que les droits de
l'Homme doivent se situer au-dessus de la souveraineté404
».
Le contournement des principes démocratiques
prônés par les responsables de Washington, qui subordonnent l'aide
au développement à des conditionnalités, lui permet ainsi
de limiter l'action des États-Unis405. Aussi, Pékin
s'appuie-t-il sur des pratiques jugées déloyales par les
États-Unis, de même que par d'autres puissances, à savoir
la mise en place d'un partenariat fondé sur le respect mutuel, la
non-ingérence dans les affaires relevant de la souveraineté
camerounaise et le rejet de la légitimité morale des
États-Unis406 pour arriver à ses fins au
Cameroun407.
La politique chinoise ambitionne donc de limiter le projet
géostratégique des États-Unis par un contournement des
principes démocratiques prônés par ces derniers. Cette
manière de procéder est aussi décelable dans le volet
diplomatique.
b- La diplomatie comme second pilier de
réduction de l'influence américaine au Cameroun
401 Document de l'Ambassade de Chine au Cameroun, «
40e Anniversaire des relations sino-camerounaises 1971-2011 »,
2011, p.4.
402 Séverin Tchokonté « Le projet
géostratégique de la Chine en Afrique »,
p.123.
403 Ibid.
404 Séverin Tchokonté «le projet
géostratégique de la Chine en Afrique», p.124.
405 Ibid.
406 Valérie Niquet, « La stratégie
africaine de la Chine », pp 363-364.
407 Valérie Niquet, interview donnée au journal
Expansion, 1er décembre 2006, cité par Mbaye
Cissé, 2007, « l'affirmation d'une stratégie de
puissance : la politique africaine de la Chine », in
diploweb.com.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 109
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
Les relations diplomatiques sino-camerounaises se remarquent
par la densité de visites entre Chefs d'État, Membres du
Gouvernement ou Hautes personnalités, des deux États, et la
signature d'une multitude d'accords. La dernière visite officielle du
Président Paul BIYA en Chine, en juillet 2011, est l'une des plus
importantes illustrations. Cette dernière s'est soldée par la
signature de sept accords économiques :
- l'accord de coopération économique et
technique portant sur un don sans contrepartie de 50 millions de Yuan,
environ 3,5 milliards de FCFA,
- l'accord de coopération économique d'un
montant de 100 millions de Yuan, plus de 7 milliards de FCFA, prêt
sans intérêt destiné à la réalisation des
projets de coopération économique dans les secteurs convenus
entre les deux gouvernements,
- l'accord cadre relatif à l'octroi d'un prêt
préférentiel de 433 millions de Yuan, prêt de 31
milliards de FCFA destiné à la réalisation d'un projet
e-post,
- l'échange de lettres portant sur la fourniture d'un
lot d'équipements médicaux en faveur de l'Hôpital
gynéco-obstétrique de Douala pour un montant de 10 millions de
Yuan, environ 713 millions de FCFA,
- l'échange des lettres portant sur la fourniture d'un
lot d'équipements médicaux au centre anti-paludisme
sino-camerounais pour un montant de 1,5 millions de Yuan, soit 107 millions de
FCFA,
- le mémorandum d'entente sur le tourisme
organisé entre le MINTOUR et l'administration chinoise du
tourisme,
- le protocole d'exécution de l'accord culturel
existant entre le Cameroun et la Chine408.
La visite de l'ancien président chinois, HU JINTAO, au
Cameroun du 30 janvier au 1er février 2007 est une autre illustration
des relations cordiales qu'entretiennent ces deux États. Les acquis de
cette visite sont :
- un don octroyé dans le cadre d'un accord de
coopération économique et
technique : 2.560.000.000 FCFA,
- un prêt sans intérêt dans le cadre d'un
accord de Coopération Économique et Technique: 1.920.000.000
FCFA,
- un prêt préférentiel sous forme
d'Accord-cadre: 22.400.000.000 FCFA,
408 Cameroon Tribune, no 9893/6094 du lundi 25 juillet
2011, p.3.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 110
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
- un protocole d'Accord portant annulation des dettes du Cameroun
vis-
à-vis de la Chine au 31 décembre2005 :
15.360.000.000 FCFA,
- une dotation pour les études de construction de
l'hôpital Gynéco- Obstétrique et Pédiatrique de
Douala: 44.800.000 FCFA,
- la construction de deux (02) écoles rurales ; Don
d'équipement à l'hôpital
Gynéco-Obstétrique et Pédiatrique de Yaoundé:
64.000.000 FCFA,
- l'accord-cadre et prêt préférentiel pour
le financement du projet CDMA HUAWEI-CAMTEL: 22.600.000.000
FCFA409.
La participation du Cameroun aux différents sommets
Chine-Afrique est un pan de ces relations. Les échanges commerciaux
entre la Chine et l'Afrique sont passés en dix ans, de 2000 à
2010, de 10 à 130 milliards de dollars (7,5 à 97 milliards
d'euro)410. Les relations sino-camerounaises y sont dynamiques.
Elles permettent à la Chine de réduire l'avancée des
États-Unis sur le marché camerounais. En effet,
caractérisée par une coopération « gagnant-gagnant
», la diplomatie chinoise, dite « diplomatie de chèque »,
renforce les liens avec le Cameroun au détriment des États-Unis,
qui perdent d'importants contrats économiques parce qu'Ils
conditionnement la signature de contrats à l'application et au respect
de valeurs, la démocratie en l'occurrence, jugées
nécessaires par Eux avec cet État du Golfe de Guinée.
Cette stratégie permet à la Chine d'acquérir un statut de
porte-parole de ce pays en voie de développement, d'y gagner des
marchés411 et répondre aux mécanismes
économiques américains à savoir l'AGOA et le GSP.
La Chine fait usage d'importants moyens politiques et
diplomatiques pour contrecarrer les objectifs américains. Cette
stratégie est aussi appliquée dans l'aspect culturel et l'aspect
économique.
Paragraphe 2 : l'économie et la culture
usitées pour une réduction de
l'influence américaine au Cameroun
Nous débuterons par la présence
économique de la Chine et, par la suite, continuerons avec la
présence culturelle.
409 Ministère des Relations Extérieures,
Direction des Affaires d'Asie et des Relations avec l'OCI, Sous-direction des
relations avec les pays de l'Extrême-Orient, du pacifique et de
l'Océanie, « état des relations Cameroun-Chine »,
pp.3-6.
410 Jeune Afrique, no 2750 du 22 au 28 septembre 2013,
p.9.
411 Ibid.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 111
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
a- Les moyens économiques et
financiers
La Chine est un important soutien pour le Cameroun dans
l'accès aux financements de développement. La Chine se
déploie au Cameroun par des investissements directs, l'aide publique au
développement, les prêts et les dons. En ce qui est de l'APD, la
Chine est l'un des plus importants pays émergents donateurs du
Cameroun412.
Pékin y construit des routes, des logements, des
chemins de fer, des écoles, des centres de santé et des
réseaux d'eau. Elle classe dans la catégorie « aide »
les dons, l'assistance technique, les remises des dettes et les prêts
sans intérêts. La construction des infrastructures
représente 70% de l'aide413.
Outre les multiples dons en matériel on relève
d'importantes réalisations chinoises au Cameroun :
- le Barrage hydroélectrique de LAGDO,
- le Palais des Congrès de Yaoundé,
- l'Hôpital Gynéco-Obstétrique et
Pédiatrique de Yaoundé inauguré en
2003414,
- la Construction du Palais polyvalent des Sports de
Yaoundé, inauguré le
19 juin 2009, a coûté environ 17 milliards de
FCFA415.
Trois importants projets sont en cours de réalisation
dans les secteurs de l'agriculture, des sports et des
télécommunications. En Agriculture, le projet agro-industriel de
NANGA EBOKO a été lancé en avril 2006 et connaît une
certaine évolution. Il porte sur la culture et la transformation des
produits tels que le riz, le maïs, le manioc et l'élevage des
autruches416. Le Centre Pilote d'Application des Technologies
Agricoles à NANGA EBOKO, dont le coût total des travaux est
estimé à 27 milliards et supportés entièrement par
le gouvernement chinois, est en cours de construction417. Dans le
domaine de la Télécommunication, le projet « CT PHONE »
de CAMTEL en partenariat avec la société
412 Jean-Rafael Chaponnière : « l'aide chinoise
à l'Afrique : origines, modalités et enjeux », avril 2008
sur
google.com
413
Jeuneafrique.com.
414 Ministère des Relations Extérieures,
Direction des Affaires d'Asie et des Relations avec l'OCI, Sous-direction des
relations avec les pays de l'Extrême-Orient, du pacifique et de
l'Océanie, « état des relations Cameroun-Chine »,
pp.6-11.
415 Ibid.
416 Ibid.
417 Ibid.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 112
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
chinoise HUAWEI, dont le financement est de 22,6 milliards de
FCFA, est en cours d'exécution bien qu'il ne couvre encore que 05
Provinces (Centre, Littoral, Sud, Extrême-Nord et Ouest)418.
Dans le domaine de la Santé nous avons la construction, à
Yaoundé, d'un Centre de lutte contre le Paludisme et la construction,
à Douala, d'un Hôpital de Référence Mère et
Enfant419. Au niveau de l'Alimentation en eau, les travaux
d'adduction de la ville de Douala en eau ont débuté. En Sport,
les cérémonies de pose de la première pierre du projet de
construction des stades de LIMBE et de BAFOUSSAM se sont
déroulées respectivement le 18 et le 19 décembre
2009420.
Pour les dons et les prêts, Le 7 janvier 2008, le
gouvernement chinois a accordé un prêt sans Intérêt
d'environ 1,3 milliard de FCFA pour le financement des projets à
convenir par les deux parties. Cette mobilisation de moyens financiers et
économiques permet à la Chine de limiter l'influence des
États-Unis. En effet, contrairement à l'idée de
philanthropie, d'altruisme et de générosité qui
l'accompagne, l'APD chinois est un instrument de projection diplomatique, de
renforcement des alliances et de promotion d'intérêts
économiques chinois au Cameroun. L'aide est une relation
intéressée dans laquelle la Chine consent un effort en
échange de la poursuite de ses objectifs421. Nantie de 1900
milliards d'USD de réserves de change à la fin 2008 et de 3820
milliards de réserves de devises à la fin 2013
(concurrençant désormais le Fonds Monétaire International
(FMI) et la Banque Mondiale (BM)), la Chine fait de ces ressources
financières un outil stratégique de transformation de l'espace
camerounais au mieux de ses intérêts par une diplomatie
économique dite de « carnet de chèques
»422.
Sa « Politique du porte-monnaie423 » est
d'autant efficace qu'elle crée un sentiment de dette morale des
dirigeants camerounais vis-à-vis d'Elle car, ces derniers ne se
conforment pas toujours aux exigences de bonne gouvernance imposés par
les États-Unis pour avoir accès aux crédits424.
Cette politique chinoise permet ainsi au Cameroun de contourner ces conditions
d'aide et, par la suite, accorder des concessions à la Chine dans
l'accès au marché ceci au détriment des États-Unis.
Cette politique chinoise est donc une réponse à l'AGOA et la GSP,
mécanismes économiques américains.
418 Ibid.
419 Ministère des Relations Extérieures,
Direction des Affaires d'Asie et des Relations avec l'OCI, Sous-direction des
relations avec les pays de l'Extrême-Orient, du pacifique et de
l'Océanie, « état des relations Cameroun-Chine »,
pp.6-11.
420 Ibid.
421 Séverin Tchokonté « Le projet
géostratégique de la Chine en Afrique »,
p.127.
422 Ibid, p.126.
423 Ibid, p.127.
424 Ibid.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 113
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
En conclusion, la dotation infrastructurelle du Cameroun par
la Chine crée un sentiment de reconnaissance et de gratitude chez les
dirigeants camerounais. En retour, ces derniers accordent des concessions
à la Chine pour qu'elle pénètre facilement le
marché, ce qui réduit les marges de manoeuvres économiques
des États-Unis dans le pays. La coopération culturelle constitue
aussi une stratégie chinoise de limitation de l'influence
américaine au Cameroun.
b- La culture chinoise comme moyen diplomatique
à temps réel
La Chine est un pays d'Asie orientale dont le nom usuel en
chinois est « ZHONG-GUO », signifiant littéralement
« EMPIRE DU MILIEU ». L'actuelle République populaire
de Chine peut être considérée comme
l'héritière directe, à travers les changements de
dynasties et de régime politique, de l'empire QIN fondé en 221
avant Jésus-Christ par QIN SHI HUANG425. La culture chinoise
réduit considérablement l'influence des États-Unis au
Cameroun. La coopération culturelle entre la Chine et le Cameroun est
définie par Pékin et Yaoundé.
Elle se limitait, de l'avis de Narcisse MOUELLE KOMBI, tout
d'abord à l'octroi des bourses d'enseignement supérieur et de
spécialisation à des jeunes camerounais426. Par la
suite, les deux pays ont conclu, le 27 août 1984 à Beijing, un
accord de coopération culturelle pour promouvoir leurs relations
d'amitié et renforcer leurs échanges culturels427. La
culture est un domaine non négligeable dans la coopération entre
la Chine et le Cameroun. En effet, selon un diplomate chinois, les chinois se
sentaient incompris. Ils ont réalisé que parler une langue
étrangère ne suffisait pas à les rapprocher de la
population camerounaise.
Aussi décidèrent-ils d'implanter des
institutions d'enseignement du mandarin pour une meilleure
communication428. Cette offensive se concrétise par
l'implantation à l'IRIC, en 2007, de l'Institut Confucius de
Yaoundé. Cette institution, depuis son inauguration, a accueilli
plusieurs manifestations. L'une des plus importantes était la
3e conférence des
425 Wikipédia, consulté le 08/10/2013 à
06h51mn.
426 N. Mouellé Kombi, « La politique
étrangère du Cameroun », Paris, L'Harmattan, 1996,
p.158.
427 Ibid.
428 C. Puel, « Quand le monde parlera chinois
», publié sur :
www.lepoint.fr,
consulté le 08/10/2013 à 07h04mn.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 114
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
Instituts Confucius d'Afrique de 2011429. Le Pr.
Jean TABI MANGA, président du Conseil d'administration de l'Institut
Confucius au Cameroun, a présidé cette conférence. Il
affirmera : « Nous avons apprécié le déploiement de
la programmation 2009-2010 de l'Institut Confucius.
Sur le plan général des activités, nous
avons observé un dynamisme très important de cet institut qui a
eu déjà à former depuis sa création en 1996, sous
forme d'un centre linguistique, plus de huit cent personnes, animant plusieurs
séminaires ici même et en Chine430 ». Y
étaient également présents, le président de
l'université normale de Zhejiang (partenaire de l'UYII pour
l'implantation de ce centre), Pr. Wu FENGMIN et le représentant de
l'Ambassade de Chine au Cameroun, Peng Jintao431. La culture
chinoise est aussi perceptible par la création des restaurants chinois
sur le territoire camerounais de même que l'ouverture d'espaces
commerciaux où y sont vendus leurs produits.
La puissance culturelle étant un ensemble de moyens
matériels et symboliques permettant à un État de
réaliser ses ambitions géopolitiques432, elle
véhicule une idée de la culture comme instrument de
puissance433. La culture chinoise participe, à travers
l'enseignement du mandarin, à sa politique de limitation de l'influence
des États-Unis au Cameroun434. Les instituts Confucius sont
à la fois des centres culturels et des modèles d'alliances
chinoises. En plus de l'étude des langues et des manifestations
culturelles, ces instituts forment des consultants pour les entreprises et les
organisations locales désireuses de faire des affaires en
Chine435.
Cet usage de la langue chinoise auprès des populations
camerounaises permet, aux entreprises et à l'État chinois,
d'acquérir des secrets stratégiques, militaires comme
industriels, pour l'accessibilité au marché. En effet, ces
fondations sont généralement des sources et lieux d'informations
pour les services de renseignements chinois à travers la
fréquentation, de ces milieux, de diplomates et responsables militaires
camerounais venant se former au mandarin. Le chinois est la deuxième
langue la plus utilisée sur le web et le nombre
429 Ibid.
430 Monica NKODO, « Chine-Afrique : Rencontre autour de
Confucius » publié sur
www.camerouninfonet.com,
consulté le 08/10/2013 à 07h12mn
431 Ibid.
432 L. Sindjoun, « A la recherche de la puissance
culturelle dans les relations internationales : essai de caractérisation
du concept et d'appréhension du phénomène », in
Revue camerounaise de politique internationale, no 001,
1er semestre 2007, p.4.
433 Séverin Tchokonté, « Le projet
géostratégique de la Chine en Afrique », p.132.
434 Ibid.
435 Ibid.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 115
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
de personnes qui s'inscrivent au test de compétence du
mandarin chinois a augmenté de 40 à 50 % par année, taux
de croissance similaire à celui du test TOEFL dans ses dix
premières années436. Il favorise l'intensification de
rencontres à caractère culturel et l'octroi de bourses
d'étude aux étudiants des deux États. On peut citer le
spectacle de danse, d'acrobatie et de Kung Fu donné par une troupe
artistique chinoise au Cameroun au palais des sports en septembre
2009437.
Le nombre de bourses accordées aux étudiants
africains ne cesse de croitre. Depuis 2003, le nombre d'Africains allés
étudier en Chine augmente de 20% par an. En 2005, les universités
chinoises ont accueilli 2 757 étudiants africains, et jusqu'à 3
737 pour l'année 2006, soit une hausse de 40%, d'après les
statistiques officielles du ministère chinois de
l'éducation438. Par cette façon d'agir, la Chine
pousse l'opinion camerounaise, surtout estudiantine, à se tourner vers
l'Empire du Milieu pour acquérir une technologie de pointe
nécessaire à une spécialisation rapide, donc au
développement. C'est une stratégie de contournement d'initiatives
américaines, à l'instar des bourses et de la loterie
américaines, accordées aux camerounais.
Les points d'implantation de l'Institut Confucius sont un
maillon important de la projection de la Chine sur la scène camerounaise
et de limitation de l'influence culturelle des États-Unis au
Cameroun.
CONCLUSION DU CHAPITRE
La Chine et la France ne ménagent aucun effort pour
limiter l'action des États-Unis au Cameroun. Elles utilisent chacune
différentes stratégies qui s'expriment dans les domaines de la
politique, la diplomatie, l'économie, le militaire et la culture qui
sont des réponses concrètes aux tentatives
élaborées par les États-Unis afin de mettre cet
État du Golfe de Guinée sous son giron géopolitique et
géostratégique.
436 Séverin Tchokonté, « Le projet
géostratégique de la Chine en Afrique », p.132.
437 Ibid., p133.
438 Ibid., p134.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 116
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
Le Cameroun constitue un important enjeu pour les
États-Unis, dans le Golfe de Guinée, en raison de leur
déficit énergétique ne leur permettant pas de satisfaire
leurs besoins. En raison de sa situation géographique et de ses atouts,
les États-Unis mettent en place des stratégies pour quadriller le
Cameroun et l'introduire dans la liste des pays étant sous son giron
politique. Les États-Unis déploient pour ce faire des moyens
politiques (l'octroi d'aide pour la promotion d'un État de droit),
diplomatiques (l'anticipation des décisions politiques à partir
de liens étroits entre diplomates américaines et responsables
politiques camerounais), économiques (rapports privilégiés
par l'AGOA ou encore l'inauguration du pipeline Tchad-Cameroun) ou encore
culturels et militaires. Ces relations particulières permettent aux
américains d'avoir une mainmise sur l'appareil gouvernemental et se
donner la possibilité d'anticiper sur les décisions de
responsables politiques camerounais.
Toutefois, les États-Unis voient leur projet de
quadrillage menacé par la France et la Chine qui ne souhaitent pas voir
les États-Unis profiter, à eux seuls, des multiples richesses de
cet État du Golfe de Guinée, région à la production
pétrolière sans cesse croissante. La France, ancienne puissance
tutrice, s'appuie sur les différents régimes politiques
camerounais pour limiter l'influence américaine, aussi sur les
concessions que lui accorde le Cameroun, lors de la signature de contrats
économiques, pour réduire les marges de manoeuvres des
États-Unis sur le marché camerounais. La Chine quant à
elle utilise une stratégie qui consiste à contourner et à
affaiblir les États-Unis à partir des failles qu'Ils
créés en subordonnant leurs aides, au Cameroun, à des
conditionnalités. Aussi, la Chine octroie d'importants dons, prêts
et soutiens logistiques au Cameroun pour qu'il parvienne à son objectif
d'émergence programmé en 2035.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 117
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 119
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
CONCLUSION GENERALE
Il était question, dans ce travail de recherche, de
présenter le projet géostratégique des États-Unis
dans le Golfe de Guinée à travers une analyse de l'action
américaine au Cameroun entre 1997 et 2013. Nous avons ainsi trouvez
opportun de convoquer, pour montrer les raisons poussant les États-Unis
à vouloir mettre le Cameroun sous son giron stratégique, le
réalisme et le transnationalisme dans le cadre théorique.
La première raison est interne aux États-Unis.
Nous avons constaté, dans le chapitre premier en effet, qu'ayant
intensément exploité leurs ressources naturelles,
particulièrement leurs réserves de pétrole, ressource
stratégique pour leur sécurité et leur rayonnement
économique, et se trouvant dans l'incapacité de satisfaire les
besoins nationaux, les États-Unis se trouvent dans l'obligation de
trouver une région pouvant subvenir à leur déficit
énergétique. Avec la signature du « Pacte de l'USS QUINCY
», le 14 février 1945, le Moyen-Orient deviendra la plus importante
région d'alimentation des États-Unis en ressources
stratégiques, particulièrement en pétrole.
Toutefois, la montée de l'insécurité
doublée d'un sentiment anti-américain au Moyen-Orient pousse les
États-Unis à trouver une région alternative pouvant
pallier à leur situation de déficit énergétique.
Cette région est le Golfe de Guinée. En effet, l'Afrique
subsaharienne affiche une capacité de production de 6% des extractions
mondiales de pétrole dont 4 millions de barils produits par jour
proviennent du Golfe de Guinée. Aussi avons-nous démontré
dans le deuxième chapitre que, pour mieux profiter de cette
région, les États-Unis chercheront un État qui soit
à même de leur permettre d'atteindre leurs objectifs. Le Nigeria,
plus grand producteur en or noir, sera choisi en premier. N'étant plus
en mesure de jouer pleinement ce rôle, en raison de différents
soubresauts qui le frappe, le dévolu sera jeté sur le Cameroun
présentant d'importants avantages et atouts aux yeux des
États-Unis. En effet, à partir de ses côtes sud-ouest, le
Cameroun s'ouvre sur l'océan Atlantique et Jouit de plusieurs
façades maritimes.
Cette ouverture maritime, mais aussi sa position centrale dans
le Golfe de Guinée et sa stabilité politique, augmentent la
convoitise des États-Unis qui, puissance maritime, ont comme objectif de
contrôler tous les carrefours maritimes les plus stratégiques du
globe. C'est ainsi qu'à partir de ces atouts, les Américains
mettront en place un projet de quadrillage de cet État. Les
États-Unis utilisent différentes stratégies, dans le
domaine politique, diplomatique,
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 118
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
militaire, économique et socioculturel, pour mettre le
Cameroun sous quadrillage géostratégique. Dans le domaine
politique présenté dans le troisième chapitre de la
deuxième partie, les États-Unis font subtilement usage de la
fibre démocratique, à travers la promotion d'un État
démocratique, par une exigence du respect des droits et libertés
fondamentaux, pour mettre l'État camerounais dans son giron
politique.
Les visites de hauts responsables américains, les
relations amicales entre différents responsables politiques camerounais
et américains, et le rôle joué par d'anciens ambassadeurs
américains dans la lutte contre la corruption, initiée par
gouvernement camerounais, constituent la stratégie diplomatique
américaine. Dans le cadre du soft power, pour amener le Cameroun
à se rapprocher, les États-Unis mettent en oeuvre d'importants
rapports économiques dont le plus illustre est l'inauguration du
pipeline Tchad-Cameroun, gigantesque investissement dont le coût est
estimé à un peu plus de 2500 milliards de francs CFA. Aussi,
l'implantation d'institutions d'enseignement de langue anglaise et
l'organisation d'expédition culturelles, par l'association ARK JAMMERS,
permettant aux Africains-Américains de connaitre leurs origines
africaines, est à suggérer dans leur projet de quadrillage par la
fibre culturelle. L'angle militaire n'est pas en reste, avec l'organisation
d'exercices militaires en vue de former des officiers camerounais pour une
riposte efficiente aux attaques terroristes, phénomène allant
grandissant au niveau de certaines frontières camerounaises. Les
États-Unis ne lésinent pas sur les moyens qui leur permettront de
profiter des atouts et avantages camerounais. Toutefois, Ils voient leur projet
menacé par la France et la Chine.
Présente depuis la colonisation au Cameroun, la France
fait usage de l'influence qu'elle a sur les régimes politiques au
pouvoir depuis l'indépendance du pays, grâce au
phénomène d'extraversion, pour limiter les
velléités américaines. Aussi, les concessions dont elle
profite lors de la signature de contrats économiques, à l'exemple
de l'accord de partenariat économique (APE), paraphé en janvier
2009, lui permet de limiter la percée économique des
États-Unis. Cette stratégie française se remarque aussi
dans les institutions internationales comme l'UE et l'OIF, bras
séculiers de la France dans le combat inégal l'opposant aux
États-Unis.
La Chine quant à elle, au niveau politique, contourne
les principes démocratiques prônés par les responsables de
Washington subordonnant l'aide au développement à des
conditionnalités, et aussi, au niveau économique, à
travers sa « Politique du porte-monnaie »,
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
créant un sentiment de dette morale des dirigeants
camerounais, limite l'influence des États-Unis au Cameroun. Parvenus au
terme du travail, nous pouvons affirmer l'intérêt
stratégique qu'occupe le Cameroun dans le projet d'encerclement du Golfe
de Guinée par les États-Unis. La volonté des dirigeants
américains est de lui faire jouer le rôle d'allié de revers
et État pivot dans cette région. Mais les avantages et atouts
qu'il présente poussent d'autres États
hégémoniques, la France et la Chine, à mettre en oeuvre
des contre-projets pour limiter son influence dans cette entité
étatique. Le Cameroun est donc une variable du jeu entre ces puissances
dans le Golfe de Guinée et demeure spectateur dans ce combat qu'elles se
livrent dans cette région, nouveau théâtre de leur
déploiement géostratégique.
Le restera-t-il pendant longtemps ? Il pourrait capitaliser
ses intérêts, au mieux de ceux des États-Unis et des autres
puissances désireuses de profiter de ses ressources naturelles, en
s'inscrivant dans la logique de la ruse et en faisant preuve de finesse
d'esprit. Pour ce faire, il doit établir indépendamment ses
politiques, utiliser ses propres ressources et richesses en s'inspirant
d'autres cultures comme l'a fait la Chine car, le rejet de l'Occident est
impossible, mais le Kémalisme, consistant à accepter la culture
de l'autre tout en rejetant la sienne, n'a pas réussi. Ainsi, si le
Cameroun veut se moderniser, il doit le faire à sa manière et,
à l'instar du Japon, s'appuyer sur ses traditions, ses institutions et
ses valeurs439. Cela passe d'une phase de «
docilité », partant d'un sentiment d'assujettissement
vis-à-vis des projections hégémoniques de partenaires tant
bilatéraux que multilatéraux, à celle d'auto-affirmation
partant de propositions, de défense et de développement d'un
modèle politique, économique, stratégique et culturel
camerounais propre dans tous les canaux d'échange avec
l'extérieur440.
439 Huntington S. (1997-2000) Le choc des civilisations,
Paris, Odile Jacob, Avril, p 223.
440 Laurent Mbassi, « Les temps sont-ils accomplis ?
De l'idée et de l'usage du pouvoir en contexte africain » cf.
Repenser le développement à partir de l'Afrique, sous la
direction de Jean-Emmanuel Pondi, Afrédit, Africaine d'Edition,
Yaoundé, mai 2011, p. 163.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 120
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES
AICARDI de Saint-Paul, M., 1989, La
politique Africaine des États-Unis . · mécanismes et
conduites, Paris, Economia et Nouveaux Horizons, 3e
édition.
ARON Raymond 1984, Paix et guerres entre
les Nations, Paris, Calmann-Lévy, 8e édition,
794p.
AYMERIC C. (dir.) 2003,
Géopolitique des États-Unis . · culture,
intérêts, stratégie, Paris, Ellipses.
BRAILLARD P. 1977, Théories des
relations internationales, Paris, Presses Universitaires France 459p.
COUTAU-BEGARIE H. 1999, Traité de
stratégie, Paris, Economia, 1005p.
DE LESTRANGE C. ZELINKO P. et
PAILLARD A. 2005, Géopolitique du pétrole, un
nouveau Marché, de nouveaux risques, de nouveaux Mondes, Paris,
Technip, 259p.
DE MONTBRIAL T. et KLEIN J. 2000,
Dictionnaire de stratégie, Paris, PUF.
FOGUE TEDOM ALAIN, 2008, Enjeux
géostratégiques et conflits politiques en Afrique noire,
Paris, L'Harmattan, 418p.
GRAWITZ M. 1979, Méthodes des
sciences sociales, 4e édition, Paris, Dalloz, 1102p.
HUGON Philippe, 2007, Géopolitique de l'Afrique,
Éditions Sedes, 240p.
HOBBES Thomas, 2000, Leviathan,
Paris, Gallimard, 1027p.
HUNTINGTON Samuel, 2000, Le choc des
civilisations, Paris, Odile Jacob, Avril, 545p.
KAMTO Maurice (dir.), 2010, L'Afrique
dans un monde en mutation . · dynamiques internes, marginalisation
internationales ?
KAPSI André, 2008, Comprendre les
États-Unis d'aujourd'hui, édition Perrin, 319p.
KISSINGER Henry, 2003, La nouvelle
puissance américaine, Paris Fayard, 386p.
KOUNOU Michel, 2006, Pétrole et
pauvreté au sud du Sahara . · analyse des fondements de
l'économie politique du pétrole dans le Golfe de Guinée,
Yaoundé, éditions Clé, 137p.
KOUNOU Michel, 2007, Le Panafricanisme
. · de la crise à la renaissance, Éditions
Clé, 600p.
MACHIAVEL Nicolas, 1992, Le Prince,
Paris, Gallimard, 133p.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 121
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
MERLE Marcel, 1982, Sociologie des relations
internationales, 3e édition, Paris, Dalloz.
MORGENTHAU Hans. J., 1985, Politics among
Nations, The Struggle for Power and Peace, 6e edition, New York
.Alfred A. Knopf Publisher, 688p.
NAY Olivier, 2004,
Histoire des idées politiques, Éditions Armand
Colin, Dalloz, 592p.
PEAN Pierre., 2010, Carnages: les guerres
secrètes des grandes puissances en Afrique, 570p.
PIGEAUD Fanny, 2011, Au Cameroun de Paul
Biya, Éditions Karthala, 270p.
SINDJOUN Luc, 2002, Sociologie des
relations internationales africaines, Paris, Karthala, 247p.
SINDJOUN Luc, 2002, L'État
ailleurs, entre noyau dur et case vide, Éditions ECONOMICA,
331p.
VERSCHAVE François-Xavier,
1998, La Françafrique, Le plus long scandale
de République, Éditions Stock, 379p.
VERSCHAVE François-Xavier,
2004, De la Françafrique à la mafiafrique,
Éditions Tribord, 69p.
ZIEGLER Jean, 1980, Main basse
sur l'Afrique, La recolonisation, Éditions du Seuil, 328p.
RAPPORTS, THESES, MEMOIRES ET REVUES.
NZEUGANG Alexis, « Les
États-Unis en Afrique après le 11 septembre 2001 : dynamiques
locales d'une puissance globale. » Thèse de doctorat Ph.D en
science Politique, UY II, 2009/2010, 467p.
MBATCHOM P E., « la politique
américaine de promotion de la démocratie au Cameroun après
le 11 septembre 2001 » UY II, 2005/2006.
TCHETCHOUA TCHOKONTE Severin, «
Enjeux et jeux pétroliers en Afrique : étude de l'offensive
chinoise dans le Golfe de Guinée », Master II en Science Politique,
option Relations Internationales, UY II, 2008, 76p.
NZEUGANG Alexis, « Une lecture de la
coopération américano-camerounaise depuis 2001 : contribution
à l'étude des dimensions pétrolières et militaires.
», Master II en Science Politique, UY II, 2005/2006, 100p.
FABRICE NOAH NOAH, « Enjeux
énergétiques et insécurité dans le Golfe de
Guinée : contribution à l'étude des menaces liées
à la ruée vers le pétrole au Nigeria », Master II en
Science Politique, UY II, 2012, 158p.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 122
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
« Des africains observent la « démocratie
à la base » au Etats-Unis : tournée réalisée
dans le cadre du programme des « visiteurs internationaux », 2008
publié sur
www.america.gov,10
juin 2009.
«US must stay in Africa, General says», 2006,
publié sur
www.usinfo.gov,22
août 2006.
REVUE AFRICAINE D'ETUDES POLITIQUES ET
STRATEGIQUES, Université de Yaoundé II,
Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, no 3, 2003,
230p.
ARTICLES SCIENTIFIQUES.
AWOUMOU Come Damien Georges, «
Le Golfe de Guinée face aux convoitises », in Enjeux,
no 22 janvier-mars 2005, pp 15-20.
COPINSCHI Philippe et Noel Pierre, «
L'Afrique dans la géopolitique mondiale du pétrole » in
Afrique contemporaine et développement, no 216, 2006.
COPINSCHI Philippe, « Rente
pétrolière, géopolitique et conflits » in Questions
Internationales no 2 Juillet-Aout 2003.
FAVENNEC Jean Pierre, «
Géopolitique du pétrole au début du XXIe
siècle » in commentaire no 99, Automne 2002, pp
536-549.
KOUNOU Michel, « Paradoxes et
misères du pétrole africain » in Enjeux no 36,
juillet 2008, pp 10-16.
LOROT Pascal, «
Géopolitique des hydrocarbures » in Questions Internationales
no 24 Mars-Avril 2007.
MIGINIAC Jean Philippe, «
Chine-USA : le nouveau grand jeu pétrolier » in Amand `la
,14e année, juillet-aout 2006, pp 12-13.
MVOMO ELA Wullson, «
petro-stratégie et appels d'empire dans le Golfe de Guinée
» in Enjeux no 22, janvier-mars 2005.
NOEL Pierre, « Les
États-Unis et le pétrole : de Rockefeller à la guerre du
Golfe » in Questions Internationales no 2 Juillet-Aout 2003.
NTUDA EBODE Joseph Vincent, «
Les enjeux pétroliers du Golfe de Guinée » in
Diplomatie, no 7, février-mars 2004.
OWONA NGUINI Mathias Éric, «
Structures, figures, procédures géopolitiques et
géoéconomiques du pétrole en Afrique : exorciser la
malédiction du syndrome hollandais et rompre avec le cercle vicieux
pétrole-pauvreté-autocratie » in Enjeux no 36,
juillet 2008, pp 68.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 123
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
USUELS ET JOURNAUX.
CHAUPRADE, AYMERICH et THUAL FRANÇOIS:
dictionnaire de géopolitique, Paris, Ellipses, 1999.
DEFARGES, MOREAU Philippe : dictionnaire de
géopolitique, Armand colin, Paris, Dalloz, 2002.
Dictionnaire LAROUSSE 2006. Dictionnaire ENCARTA 2009.
Cameroon Tribune, Jeune Afrique, Jeune Afrique Économique,
Mutations, Repères, Le Jour, La Nouvelle, La Météo, Le
Messager.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 124
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
TABLE DES MATIERES
SIGLES ET ABREVIATIONS 2
ILLUSTRATIONS 4
A. LES CARTES 4
B. LES TABLEAUX 4
RESUME 5
ABSTRACT 6
INTRODUCTION GENERALE 7
I- HISTORIQUE DES RELATIONS AMERICANO-CAMEROUNAISES ET
RAISONS DE LEURS INTENSIFICATIONS 8
II- INTERETS DU SUJET 12
1- L'intérêt scientifique 12
2- L'intérêt stratégique 13
III- CLARIFICATION CONCEPTUELLE ET DELIMITATION SPATIO-
TEMPORELLE 13
A- Clarification conceptuelle 13
B- Délimitation spatio-temporelle 15
IV- REVUE DE LA LITTERATURE 18
V- PROBLEMATIQUE 22
VI- HYPOTHESES 24
VII- METHODOLOGIE 25
VIII-PLAN DU TRAVAIL
29
PREMIERE PARTIE : LES ETATS-UNIS : UNE GRANDE PUISSANCE A LA
CONQUETE DU CAMEROUN 30
CHAPITRE I : 32
LA DEPENDANCE DES ETATS-UNIS EN RESSOURCES ENERGETIQUES 32
SECTION I : L'INCAPACITE DES ETATS-UNIS A COUVRIR LEURS
BESOINS
ENERGETIQUES 33
Paragraphe 1 : l'insuffisance de réserves liée
à une exploitation très élevée 34
Paragraphe 2 : la dépendance énergétique des
États-Unis vis-à-vis du Golfe Persique 36
SECTION II : LA MONTEE DE L'INSECURITE AU MOYEN-ORIENT : RAISON
D'UN DESENGAGEMENT POTENTIEL DES ETATS-UNIS ET D'UNE
RECHERCHE DE MARCHES PETROLIERS ALTERNATIFS 42
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 125
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
CONCLUSION DU CHAPITRE 44
CHAPITRE II : 45
LES ATOUTS DU CAMEROUN DANS LE GOLFE DE GUINEE : OBJET DE
CONVOITISE POUR LES ETATS-UNIS 45
SECTION I : LES MOTIVATIONS DE LA PRESENCE SANS
CESSE
GRANDISSANTE DES ETATS-UNIS AU CAMEROUN 46
Paragraphe 1 : l'argument géographique comme l'une des
raisons de la ruée américaine
47
Paragraphe 2 : les atouts internes du Cameroun : fondements d'une
convoitise américaine
48
SECTION II : LES MOTIVATIONS STRATEGIQUES DE LA RUEE
AMERICAINE AU
CAMEROUN 51
Paragraphe 1 : la production croissante en ressources
stratégiques du Golfe de Guinée 51
Paragraphe 2 : les mobiles américains :
rééquilibrage du marché pétrolier mondial et
quadrillage du Golfe de Guinée 56
CONCLUSION DU CHAPITRE 58
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 59
DEUXIEME PARTIE : LE PROJET GEOSTRATEGIQUE DES ETAS-UNIS AU
CAMEROUN 60
CHAPITRE III : 62
LE DEPLOIEMENT AMERICAIN AU CAMEROUN 62
SECTION I : L'EXPRESSION DE LA MANOEUVRE AMERICAINE
DANS SES
RELATIONS BILATERALES AVEC LE CAMEROUN 63
Paragraphe 1 : les moyens politico-diplomatiques utilisés
par les États-Unis 63
Paragraphe 2 : les moyens socio-économiques et militaires
utilisés par les américains
dans l'espace camerounais 72
SECTION II : LA MANOEUVRE AMERICAINE DANS LE CADRE MULTILATERAL
84
Paragraphe 1 : l'influence des États-Unis au niveau
politico-diplomatique 84
Paragraphe 2 : la présence des États-Unis dans le
domaine économique 87
CONCLUSION DU CHAPITRE 88
CHAPITRE IV : 89
LES MENACES FRANÇAISE ET CHINOISE AU PROJET AMERICAIN
89
SECTION I : LA REPONSE FRANCAISE AU PROJET AMERICAIN AU
CAMEROUN
90
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 126
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
Paragraphe 1 : l'usage de la politique et de la diplomatie par la
France 90
Paragraphe 2 : la dynamique socioculturelle et
économico-militaire de la France au
Cameroun 98
SECTION II : LA MENACE CHINOISE AU PROJET AMERICAIN AU CAMEROUN
106
Paragraphe 1 : La présence politico-diplomatique chinoise
au Cameroun 107
Paragraphe 2 : l'économie et la culture usitées
pour une réduction de l'influence
américaine au Cameroun 110
CONCLUSION DU CHAPITRE 115
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 116
CONCLUSION GENERALE 117
BIBLIOGRAPHIE 120
OUVRAGES 120
RAPPORTS, THESES, MEMOIRES ET REVUES. 121
ARTICLES SCIENTIFIQUES. 122
USUELS ET JOURNAUX. 123
TABLE DES MATIERES 124
|
|