Année académique 2013 - 2014
HAUTE ÉCOLE DE LA PROVINCE DE NAMUR
Catégorie économique
Baccalauréat en secrétariat de direction option
langues
Enseignement économique supérieur
PE/tc
rue Henri Blés 5000 NAMUR
TRAVAIL DE FIN D'ÉTUDES
Les logiciels libres, une économie
coopérative
Auteur:
Jason BOMHALS
Année académique 2013 - 2014
HAUTE ÉCOLE DE LA PROVINCE DE NAMUR
Catégorie économique
Baccalauréat en secrétariat de direction option
langues
Enseignement économique supérieur
PE/tc
rue Henri Blés 5000 NAMUR
TRAVAIL DE FIN D'ÉTUDES
Les logiciels libres, une économie
coopérative
Auteur:
Jason BOMHALS
Je ne saurais trouver les mots appropriés pour exprimer
mes remerciements à tous ceux qui ont contribué, de quelque
manière que ce soit, à la réalisation de ce travail. Je
tiens tout d'abord à remercier mon promoteur, M. Thierry CHEFFERT, pour
avoir accepté de me suivre tout au long de ce travail et pour ses
conseils avisés. Je remercie également Mme Béatrice
PERRAD, dont les cours ont été d'une importance capitale pour
pouvoir me préparer à ce travail, et l'ensemble du corps
enseignant de la Haute École de la Province de Namur.
Je me dois aussi de remercier l'ensemble du staff
d'EUROCONTROL pour le soutien qui m'a été apporté dans la
réalisation de ce travail. Je remercie particulièrement M. Nick
STOOP, mon maître de stage, ainsi que MM. Marc BOURGOIS, Jean-Luc HARDY,
Jean-Marc DUFLOT, qui a gentiment accepté de devenir mon garant
scientifique, et Marc WAUTERS pour leurs conseils et pour m'avoir fourni des
informations essentielles à la réalisation du présent
travail.
Sommaire
Remerciements 2
I Partie introductive 6
Glossaire 7
Glossaire des sociétés et organismes 7
Glossaire des logiciels 8
Glossaire des sigles et acronymes 10
Glossaire des mots 11
Introduction 12
Généralités 12
Objectifs 13
Procédure 13
II Partie théorique 14
1 Cadre théorique du logiciel libre
15
1.1 Introduction du contexte théorique 15
1.2 Définitions 15
1.2.1 Le logiciel libre 15
1.2.2 Le logiciel Open Source 16
1.2.3 Le logiciel propriétaire 17
1.3 Les types de licences libres 17
1.3.1 Les licences avec obligation de réciprocité
17
1.3.2 Les licences permissives 18
1.3.3 Le domaine libre 18
1.4 Les logiciels libres et le droit belge 18
1.4.1 Logiciel libre et droit d'auteur 18
1.4.2 Licence libre et droit belge 19
1.4.3 Le domaine libre en Belgique 19
1.5 Conclusion du contexte théorique 20
2 Historique 21
2.1 Introduction de l'historique 21
2.2 La philosophie du libre 21
2.3 L'application du libre pour les systèmes
d'exploitation 22
2.4 Le cas des logiciels de bureautique 23
2.5 Conclusion de l'historique 24
3 Développement des logiciels libres
et
parts du marché 25 3.1 Introduction
de l'étude théorique des parts
du marché 25
3.2 Les logiciels libres et Internet 25
3.3 Les parts du marché évaluées 27
3.3.1 Les systèmes d'exploitation 27
3.3.2 Les navigateurs Internet 29
3.4 Les logiciels libres et les administrations belges 30
3.5 Les logiciels libres et le cinéma 31
3.6 Les logiciels libres et ce travail 32
3.6.1 Pourquoi LATEX? 33
3.6.2 Pourquoi ShareLaTeX? 34
3.7 Conclusion 36
4 La réponse du monde propriétaire
37
4.1 Introduction 37
4.2 La réponse de Microsoft 37
4.2.1 Diminution des prix 37
4.2.2 Différenciation 37
4.2.3 Fidélisation de nouveaux clients 38
4.2.4 Autres réponses 38
4.3 La réponse d'IBM 39
4.4 La réponse de Google 39
4.5 Conclusion 40
5 Avantages et inconvénients 41
5.1 Introduction - Quels logiciels choisir? 41
5.2 Avantages 41
5.3 Inconvénients 42
5.4 Conclusion - Quels logiciels choisir? 43
6 L'économie libre 44
6.1 Introduction à l'économie du libre 44
6.2 Les logiciels libres et le profit économique 44
6.2.1 L'édition 44
6.2.2 La distribution 45
6.2.3 Les services 45
6.3 L'importance des logiciels libres pour l'économie
46
6.3.1 Gardien de la concurrence 46
6.3.2 Réduction du coût de l'innovation 46
6.4 Le libre hors du monde logiciel 47
6.4.1 Le projet Ara 47
6.5 Conclusion - Le modèle économique du libre
a-t-il de l'avenir? 47
7 Conséquences pour les assistant(e)s
de
direction 49
7.1 Introduction 49
7.2 Quelles sont les conséquences? 49
7.3 Conclusion 50
8 Avenir du logiciel libre 52
8.1 Introduction à l'avenir du libre 52
8.2 L'offre pour répondre à la demande 52
8.3 Un secteur des services plus efficace 53
III Partie pratique 54
9 Introduction à la pratique 55
10 L'Open Source et
l'ATM 56
10.1 Le rapport du projet OSIFE 56
10.2 L'enjeu de l'Open Source pour l'ATM 57
10.3 Les principaux freins à l'Open Source en ATM
57
10.3.1 La crainte d'être volé 57
10.3.2 L'Open Source n'est pas professionnel 58
10.3.3 On ne peut gagner de l'argent avec le modèle libre
58
10.3.4 L'Open Source n'est pas sûr 58
10.4 La création d'une communauté Open Source
en ATM 61
10.5 Les projets concrets 62
10.5.1 Albatross Display 62
10.5.2 NoGoZone 63
10.6 La création d'un projet OSS 63
10.7 Pourquoi pas la bureautique? 65
11 Étude du changement de logiciels pour l'ERP
à EUROCONTROL . . 68
11.1 Que sont les ERP? 68
11.2 Démarches 68
11.3 Différences de capacités 70
11.4 Coût global du logiciel 71
11.4.1 Récolte des informations 71
11.4.2 Acquisition ou création puis intégration du
logiciel 72
11.4.3 Déploiement du logiciel 72
11.4.4 Formations des utilisateurs 72
11.4.5 Utilisation et maintenance du logiciel 73
11.4.6 Abandon du logiciel 73
11.4.7 Conclusion - La solution Open Source
coûte-t-elle moins cher? . . 73
11.5 Conservation du savoir au sein de l'agence 74
11.6 Test comparatif d'OpenERP et des solutions
actuellement utilisées à EUROCONTROL 74
11.7 Conclusion - Pourquoi Oracle? 77
12 Conclusion de la pratique 78
IV Partie conclusive 79
Conclusion 80
Bibliographie 83
Ouvrages écrits 83
Mémoires 83
Sites Internet 83
Première partie
Partie introductive
7
Glossaire
La première occurrence de chaque mot expliqué dans
ce glossaire est suivie d'un astérisque.
Glossaire des sociétés et organismes
AdaCore, Inc Fournisseur américain de
solutions logicielles.
Advanced Micro Devices Constructeur
américain de semi-conducteurs.
Apple Multinationale américaine spécialisée
dans l'électronique, le matériel informatique et le logiciel
informatique.
BAE Systems Entreprise britannique
spécialisée dans la défense et dans l'industrie
aérospatiale.
Codenomicon Société privée
finlandaise spécialisée dans les tests de sécurité
informatique.
Danone Entreprise française de produit
laitier ayant adopté OpenERP en Colombie, en Argentine et en
Australie.
Dell Multinationale américaine spécialisée
dans la fabrication d'ordinateurs mais s'occu-pant aussi de logiciels et de
périphériques multimédias.
EUROCONTROL Organisation inter-gouvernementale
pan-européenne spécialisée dans la gestion du trafic
aérien, la coopération dans le domaine aérien et le
prélèvement des taxes aériennes.
Fondation Apache Association américaine
développant des logiciels libres.
Free Software Foundation Organisation
fondée par Richard Stallman pour promouvoir le logiciel libre.
Google, Inc. Société
américaine connue pour son moteur de recherches et ses nombreux services
Internet.
Hewlett-Packard Multinationale américaine
d'électronique fabriquant des ordinateurs, des imprimantes et des
périphériques multimédias.
Intel Constructeur américain de
semi-conducteurs.
International Business Machines Multinationale
américaine s'occupant du matériel, du logiciel et des services
informatiques.
Laboratoires Bell Filiale R&D de la
société Alcatel-Lucent.
Microsoft Multinationale américaine
d'informatique spécialisée dans le développement et la
vente de systèmes d'exploitation et de logiciels.
8
Mozilla Foundation Association
américaine qui promeut l'ouverture, l'innovation et la participation sur
Internet.
Netscape Communications Entreprise
d'informatique américaine à la base du projet Mozilla.
Nvidia Fournisseur américain de
processeurs graphiques.
OpenERP sa Société
privée belge responsable de la création et de la maintenance du
progiciel OpenERP.
Open Source Initiative Organisation
fondée pour promouvoir l'utilisation des logiciels Open
Source.
Oracle Corporation Entreprise
américaine spécialisée dans la conception de logiciels.
Philips Groupe mondial basé aux
Pays-Bas, spécialisé dans l'électroménager,
l'équipe-ment médical et l'éclairage et engagé dans
la communauté Open Source.
Red Hat Multinationale américaine
spécialisée dans l'édition de distributions Linux.
Slovenia Control Agence slovène de contrôle
aérien.
Skysoft-ATM Société spécialisée
dans l'édition et la vente de logiciels de gestion du trafic
aérien.
Sun Microsystems Entreprise américaine
spécialisée dans la fabrication d'ordinateurs et la conception de
logiciels rachetée en 2009 par Oracle Corporation.
The Document Foundation Organisation
fondée pour développer le logiciel LibreOf-fice.
Glossaire des logiciels
Albatross Display Interface graphique d'ATC
permettant de visualiser en temps réel des données comme la
position d'un avion.
Apache HTTP Server Serveur HTTP,
c'est-à-dire logiciel gérant les protocoles de communication
HTTP.
Apache OpenOffice Suite bureautique libre
créée suite à la cession du projet OpenOf-fice.org par
Oracle après le rachat de Sun Microsystems.
Avira Free Antivirus Logiciel antivirus
gratuit mais propriétaire.
Berkeley Software Distribution Système
d'exploitation de la famille UNIX développé à
l'Université de Californie à Berkeley 1.
Blender Logiciel libre de modélisation
3D.
ChronoGestor Logiciel de gestion des
ressources humaines et des absences. Drupal Logiciel libre de
gestion de contenu utilisé par EUROCONTROL.
1. McKusick, Marshall Kirk, Twenty Years of Berkeley Unix:
From AT&T-Owned to Freely Redistri-butable, 2000,
http://oreilly.com/catalog/opensources/book/kirkmck.html,
consulté le 19 octobre 2013
9
GIMP Outil Open Source d'édition d'images.
Google Chrome Version propriétaire
publiée par Google du navigateur Web libre Chromium.
Internet Explorer Navigateur Web
propriétaire de Microsoft.
Internet Information Service Serveur HTTP
propriétaire de Microsoft.
Kile Éditeur de texte libre pour les
documents écrits en LATEX.
LibreOffice Suite bureautique libre
dérivant du projet
OpenOffice.org et
développé par The Document Foundation.
Linux Système d'exploitation
entièrement libre de la famille UNIX.
Mac OS Système d'exploitation
propriétaire de la famille UNIX édité par Apple.
Mantis Bug Tracker Outil libre de suivi
d'anomalies logicielles.
Maya Logiciel propriétaire de modélisation
3D.
Microsoft Access Logiciel de gestion de bases
de données publié par Microsoft.
Microsoft DOS Premier système
d'exploitation créé par Microsoft.
Microsoft Excel Logiciel tableur
édité par Microsoft.
Microsoft Office Suite de bureautique
propriétaire distribuée par Microsoft.
Microsoft PowerPoint Logiciel de
création de présentations créé par Microsoft.
Microsoft Windows Système
d'exploitation créé par Microsoft pour succédé
à DOS.
Microsoft Word Logiciel de traitement de
texte édité par Microsoft.
Mozilla Firefox Navigateur Web libre
créé par Mozilla.
Nginx Serveur HTTP libre.
NoGoZone Algorithme d'ATC permettant de
réaliser des calculs en temps réel pour éviter des
collisions entre aéronefs lors de la planification des routes
aériennes.
OpenERP Logiciel libre de gestion des
entreprises fondé en Belgique et soutenu par une grande
communauté. Il s'agit de la suite ERP Open Source la plus
téléchargée au monde, d'après Audaxis.
OpenOffice.org
Suite de bureautique libre créée suite à la
libération du code source de StarOffice par Sun Microsystems.
OpenSSL Outil de chiffrement libre le plus
utilisé, victime d'une terrible faille de sécurité
dévoilée en avril 2014.
Oracle EBS Suite informatique proposée
par Oracle pour la gestion des entreprises.
Oracle Fusion Suite informatique nouvelle
génération de gestion des entreprises proposée par
Oracle.
Peoplesoft Suite informatique de gestion des
entreprises rachetée par Oracle en 2004. Planisware
Logiciel propriétaire de gestion des projets.
Remedy Action System Request Système
propriétaire de suivi d'erreurs logicielles.
10
SAP Logiciel propriétaire de gestion d'entreprise.
StarOffice Suite de logiciels de bureautique
propriétaire de Sun Microsystems. Steam Plate-forme
propriétaire de distribution de contenu.
TeX Live Distribution libre fournissant un
environnement LATEX complet.
UNIX Système d'exploitation dont sont
dérivés les systèmes Mac OS, BSD ou encore Linux.
Glossaire des sigles et acronymes
AMD Advanced Micro Devices
ATC Air Traffic Control - Contrôle du trafic
aérien
ATM Air Traffic Management - Gestion du trafic aérien
BSD Berkeley Software Distribution
CeCILL CEA CNRS INRIA Logiciel Libre
ERP Enterprise Resource Planning - Progiciel de gestion
intégrée
EUPL European Union Public Licence
FAA Federal Aviation Administration
FSF Free Software Foundation
GIMP GNU Image Manipulation Program
GNU GNU's Not UNIX
GPL General Public Licence
HEPN Haute École de la Province de Namur
HMI Human-machine interface - interface humain-machine
HP Hewlett-Packard
HTTP Hypertext Transfer Protocol - protocole de transfert
hypertexte
IBM International Business Machines
IIS Internet Information Service
IT Information Technology - technologie de l'information
MIT Massachusetts Institue of Technology
MS Microsoft
OOo
OpenOffice.org
OS Operating System - Système d'exploitation
OSI Open Source Initiative
OSIFE Open Source Initiative For EUROCONTROL
OSOR Open Source Observatory and Repository
11
OSS Open Source Software - Logiciel Open
Source
RHEL Red Hat Enterprise Linux
SPOSS Surveillance Products and Open Source Software SSLL
Société de services en logiciels libres
TCO Total Cost of Ownership - coût global de possession
TVAC Taxe sur la valeur ajoutée comprise
USB Universal Serial Bus - bus universel en série
Glossaire des mots
Bus informatique Système de communication
entre les composants d'un ordinateur, généralement un
matériel et un logiciel.
Code source Liste des instructions d'un
programme exprimées dans un langage que l'homme peut aisément
manipuler.
Copyleft Méthode générale pour rendre libre
un programme (ou toute autre oeuvre) et obliger toutes les versions
modifiées ou étendues de ce programme à être libres
également.
Format ouvert Un format ouvert est un format de
données indépendant d'un logiciel particulier et dont les normes
techniques sont publiques.
Licence Contrat par lequel le titulaire d'un
logiciel délimite les droits du co-contractant.
Progiciel Logiciel générique
spécialement dédié à un ensemble de tâches
déterminées correspondant généralement à un
métier.
2. L'ensemble des abréviations utilisées et leur
signification se trouvent dans le glossaire des sigles et acronymes.
12
Introduction
Généralités
Il est impossible de nier l'importance de l'informatique de
nos jours, que ce soit pour les particuliers ou pour les entreprises. Et quand
on dit informatique, on pense généralement "ordinateurs". Il faut
reconnaître que si l'informatique ne se limite pas aux ordinateurs, elle
est tout de même fortement liée à ces machines.
Les ordinateurs sont composés d'un nombre incalculable
de composants, tant matériels que logiciels. Et pourtant, un seul coup
d'oeil à un ordinateur personnel permet généralement de se
rendre compte que ces composants sont souvent le fruit des mêmes
compagnies: International Business Machines*2 (IBM), Microsoft*
(MS), Hewlett-Packard* (HP), Dell* ou encore Apple*. Ces sociétés
dominent le monde de l'informatique et y imposent leurs standards.
Depuis les années 1980, un mouvement se propage
cependant de plus en plus, le mouvement du logiciel libre. Ce mouvement, qui
vise à garantir certaines libertés à l'utilisateur d'un
logiciel, est très étroitement lié aux formats ouverts et
permet une meilleure standardisation des formats de fichiers. L'utilisation des
logiciels libres, c'est une philosophie; c'est l'application de la
liberté dans le domaine informatique, ce qui n'est pas
négligeable dans un monde où l'informatique prend de plus en plus
d'importance; c'est aussi la défense d'une démocratie
informatique, impliquant une contribution citoyenne importante.
Alors que les logiciels propriétaires, comme Microsoft
Office*, restent très présents dans les entreprises et chez les
particuliers, les logiciels libres sont, depuis quelques années, de plus
en plus répandus; à tel point que nous serions en droit de nous
demander s'ils ne pourraient pas remplacer un jour les logiciels
propriétaires, aussi appelés logiciels privateurs. Et pourtant,
en dehors des secteurs spécialisés dans l'informatique, le
phénomène des logiciels libres reste relativement méconnu
des gens et, autre constat, les formations restent très souvent
centrées sur l'utilisation des logiciels propriétaires, comme
c'est d'ailleurs le cas dans l'école où je suis actuellement mes
études, la Haute École de la Province de Namur (HEPN). C'est
d'ailleurs en partie parce que les cours étaient donnés sur des
logiciels propriétaires de la suite MS Office que je me suis
demandé si l'utilisa-tion croissante des logiciels libres pourrait avoir
une incidence sur notre futur métier. En partant de cette interrogation
initiale, j'ai pu découvrir que mes connaissances dans le domaine des
logiciels libres étaient encore bien plus limitées que je ne le
pensais et que, sous l'apparente gratuité qu'entraînent souvent
ces logiciels, se cache une économie très complexe. Je profiterai
donc de ce travail pour tenter d'approfondir mes connaissances
13
sur l'utilisation des logiciels libres dans les entreprises
européennes et les implications que cela entraîne tant d'un point
de vue pratique que d'un point de vue économique.
Objectifs
Par ce travail, je cherche avant tout à
déterminer si les logiciels libres sont une alternative possible aux
logiciels propriétaires dans le monde professionnel. En effet, une
idée très répandue sur les logiciels libres est qu'ils ne
peuvent pas être aussi efficaces que les logiciels privateurs car ils
seraient faits par des amateurs programmant uniquement sur leur temps libre.
D'après certaines personnes avec lesquelles j'ai parlé, la preuve
que ces logiciels sont moins efficaces que les logiciels privateurs est qu'ils
sont gratuits. Mais ce dernier point est-il vrai? Une des questions principales
que je me poserai sera d'ailleurs: "Les logiciels libres sont-ils
réellement gratuits pour les entreprises ou, au contraire,
impliquent-ils des coûts cachés?". Enfin, j'espère pouvoir,
par ce travail, déterminer si le phénomène des logiciels
libres pourrait influencer le métier d'assistant de direction.
Procédure
J'ai, bien entendu, commencé ce travail en collectant
un maximum d'informations sur le sujet. Armé d'un ensemble de
documentations sur le sujet, de plusieurs témoignages d'administrations
étant passées à l'Open Source ainsi que du
"soutien" d'une personne au sein du Service public fédéral (SPF)
Économie, je me suis lancé dans la rédaction de ce
travail.
Après avoir précisé ce que signifie
logiciel libre et logiciel propriétaire, cela dans le but
d'éviter tout malentendu, et avoir placé le contexte historique
du mouvement du logiciel libre, j'analyserai la situation actuelle du
marché informatique. Je vais aussi lister les principaux avantages et
inconvénients des logiciels libres, tant du point de vue des
déve-loppeurs que des utilisateurs. Viendra ensuite l'étude du
modèle économique libre afin de déterminer si ce
modèle est viable sur le long terme. La partie théorique sera
terminée par une analyse des incidences que pourraient avoir les
logiciels libres sur le métier d'as-sistant de direction et par une
analyse des possibilités d'avenir pour ces logiciels. Cette partie
théorique sera suivie par l'analyse de la possibilité
d'utilisation des logiciels libres à EUROCONTROL*, organisation
intergouvernementale s'occupant du trafic aérien en Europe. En effet,
cette organisation pan-européenne, qui sera mon lieu de stage, a
déjà demandé la réalisation d'une étude pour
envisager l'utilisation des logiciels libres dans la gestion du trafic
aérien. Pourtant, si cette demande semble montrer l'envie d'envisager le
libre dans ce domaine très pointu, les logiciels de bureautique
utilisés sont toujours des logiciels propriétaires. Je vous
expliquerai donc les raisons qui poussent EUROCONTROL à ne pas passer
aux logiciels libres et les changements, positifs comme négatifs, que
provoqueraient les logiciels libres.
Deuxième partie
Partie théorique
3. Larousse, Encyclopédie LAROUSSE, s.d.,
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/l
ogiciel/47666, consulté le 18 octobre 2013
15
Chapitre 1
Cadre théorique du logiciel libre
1.1 Introduction du contexte théorique
Au cours de ce chapitre, je vais placer les logiciels libres
dans leur contexte afin de comprendre ce qu'ils sont réellement et de
voir quels sont les types principaux de logiciels libres que nous connaissons.
Ce chapitre, fort théorique, est nécessaire pour pouvoir
envisager la suite de ce travail.
1.2 Définitions
Avant de voir ce qu'est un logiciel libre, il faut s'assurer
de savoir ce qu'est un logiciel. Un logiciel est un ensemble de
programmes, procédés et règles [...] relatifs au
fonctionnement d'un ensemble de traitement de
données3. Je vais simplifier en disant
qu'un logiciel est un programme informatique permettant d'effectuer une
tâche quelconque.
Je tiens à préciser qu'un logiciel est
écrit dans un langage compréhensible par l'homme, le code
source*, qui est traduit dans un langage compréhensible uniquement par
l'ordina-teur, le code binaire.
1.2.1 Le logiciel libre
Un logiciel libre est un logiciel apportant une certaine
liberté à son utilisateur: la liberté d'exécuter ce
logiciel, d'accéder à son code source, de le modifier et de le
redistribuer. N'importe qui peut donc redistribuer des copies, après les
avoir modifiées ou non, gratuitement ou non, sans avoir besoin de
l'accord du créateur du logiciel et sans devoir lui verser une
quelconque somme d'argent. Il y a toutefois plusieurs types de licences* parmi
les logiciels libres. Par exemple, le copyleft* force le distributeur
à laisser le logiciel, modifié ou non, en tant que logiciel
libre. Certaines licences peuvent également imposer qu'en cas de
modification du code source, on change le nom du logiciel, on retire son logo
et qu'on prenne crédit de ces modifications. Voici une partie de la
définition officielle d'un logiciel libre selon la Free Software
Foundation* (FSF):
16
"Un programme est un logiciel libre si vous, en
tant qu'utilisateur de ce programme, avez les quatre libertés
essentielles:
-- la liberté d'exécuter le
programme, pour tous les usages (liberté 0);
-- la liberté d'étudier le
fonctionnement du programme, et de le modifier pour qu'il effectue vos
tâches informatiques comme vous le souhaitez (liberté 1);
l'accès au code source est une condition
nécessaire;
-- la liberté de redistribuer des copies,
donc d'aider votre voisin (liberté 2);
-- la liberté de distribuer aux autres des
copies de vos versions modifiées (liberté 3); en faisant cela,
vous donnez à toute la communauté une possibilité de
profiter de vos changements; l'accès au code source est une condition
nécessaire." 4
1.2.2 Le logiciel Open Source
Le terme de logiciel Open Source (OSS)
caractérise plus ou moins le même type de logiciels avec
quelques différences minimes. Ainsi, certaines licences jugées
trop restrictives par les logiciels libres sont reconnues par les logiciels
Open Source. Par exemple, la Nets-cape* Public License est
une licence libre, reconnue par la FSF, mais non Open Source.
L'exemple opposé est l'Apple Public Source License version
1 qui, bien qu'étant approuvée par l'Open Source Initiative*
comme étant Open Source, était rejetée par la
FSF. Ces cas étant particuliers, les deux termes sont souvent
équivalents et l'utilisation d'un terme par rapport à l'autre est
généralement une question de choix personnel. Globalement, la
définition d'un logiciel libre se concentre plus sur l'aspect
philosophique, considérant qu'un logiciel libre est meilleur qu'un
logiciel propriétaire justement parce qu'il respecte les libertés
de l'utilisateur, tandis que la définition d'un logiciel Open Source
se concentre sur l'aspect technique en jugeant qu'un logiciel est meilleur
si tout le monde peut améliorer son code source. La définition
complète d'un logiciel Open Source peut être
trouvée en anglais, dans sa version 1.9, sur le site Internet de
l'OSI5 et une traduction peut être trouvée sur le site
de Linux* France 6. En voici une synthèse en
français:
1. redistribution gratuite: tout le monde peut vendre ou
distribuer gratuitement le logiciel, et ce sans devoir verser un quelconque
montant pour cette distribution;
2. code source: le logiciel doit inclure le code source ou
bien le code source doit être facilement téléchargeable.
Cette condition permet à tout le monde d'étudier et
d'améliorer le logiciel;
3. travaux dérivés: la licence doit autoriser
les modifications au code source ou son utilisation dans le cadre d'autres
logiciels. De plus, ces travaux dérivés doivent pouvoir
être distribués sous la même licence;
4. intégrité du code source de l'auteur: la
licence peut obliger un logiciel dérivé à porter un nom ou
un numéro de version différent du logiciel d'origine;
4. GNU, Qu'est-ce que le logiciel libre?, 2013,
http://www.gnu.org/philosophy/free-sw.fr.html,
consulté le 5 octobre 2013
5. Open Source Initiative, The Open Source Definition,
s.d.,
http://opensource.org/docs/osd,
consulté le 5 octobre 2013
6. Perens, Bruce, La définition de l'Open Source,
1999,
http://www.linux-france.org/article/t
hese/the_osd/fr-the_open_source_definition_monoblock.html, consulté le 5
octobre 2013
17
5. pas de discrimination envers des personnes ou des groupes:
le logiciel ne peut pas être réservé à certaines
personnes ou certains groupes de personnes;
6. pas de discrimination de domaine d'application: le
logiciel ne doit pas être exclusivement réservé à un
certain domaine d'activité;
7. distribution de la licence: la licence est applicable pour
toutes les personnes auxquelles le logiciel a été
distribué sans aucune condition supplémentaire;
8. la licence ne doit pas être spécifique
à un produit: si le programme fait partie d'une distribution de
logiciels, la licence s'applique également à ce programme s'il
est distribué en dehors de cette distribution;
9. la licence ne doit pas restreindre l'usage d'autres
logiciels: la licence ne peut pas forcer l'utilisation de certains logiciels ou
certains types de logiciels;
10. la licence doit être neutre technologiquement: le
logiciel ne peut normalement pas imposer l'utilisation d'une technologie
précise pour être acquis ou pour fonctionner.
Je tiens à préciser que, si l'Open Source
fait beaucoup parler de lui en informatique, c'est un modèle bien
plus vaste qui constitue un extraordinaire vecteur pour l'enrichisse-ment des
connaissances grâce à une approche collaborative et mutualiste.
Ainsi, le système juridique est un excellent exemple de
l'efficacité de l'Open Source. De fait, la jurisprudence est
composée d'interventions individuelles mises à la disposition de
tout le monde pour épauler les lois, plutôt que de recommencer
à débattre d'un cas déjà étudié
auparavant.
1.2.3 Le logiciel propriétaire
Un logiciel propriétaire est un logiciel dont
l'utilisation, la redistribution et la modification requièrent une
autorisation de la part du propriétaire du logiciel. Contrairement au
logiciel libre, un logiciel privateur distribué à un utilisateur
reste la propriété unique de l'ayant-droit. L'utilisateur ne peut
dès lors faire avec ce logiciel que ce qui a été
prévu par la licence protégeant le droit intellectuel du
créateur du programme.
1.3 Les types de licences libres
1.3.1 Les licences avec obligation de
réciprocité
La plupart des logiciels libres sont des logiciels
copyleftés, souvent par utilisation de la licence publique
générale (GNU-GPL). Cette licence permet l'obtention et
l'utilisation du logiciel par n'importe qui. Pour pouvoir modifier et/ou
redistribuer le logiciel, il faut par contre accepter les conditions de la
licence GPL. Ainsi, toute personne voulant redistribuer un logiciel
copylefté doit impérativement distribuer le code source
du logiciel en même temps et doit placer cette redistribution du logiciel
sous la même licence que le logiciel source. La particularité du
copyleft est d'utiliser le copyright (droit d'auteur) pour
accorder des droits à l'utilisateur, l'opposé du but originel du
copyright. Cette forme "extrême" de
Il y a également d'autres droits qui protègent
les logiciels libres, comme les droits moraux, dont on ne peux se
défaire, comme le droit de paternité, permettant à
l'auteur
18
licence libre peut même aller jusqu'à
empêcher l'utilisation d'une partie du code-source d'un logiciel
copylefté pour l'intégrer au sein d'un logiciel
propriétaire.
Si la licence GPL, rédigée en anglais, est la
plus connue et la plus utilisée des licences libres, elle ne
possède aucune traduction officielle en français. Bien que cela
n'empêche aucunement son utilisation dans les pays francophones, une
licence équivalente écrite en français a été
créée, la licence CEA CNRS INRIA Logiciel Libre (CeCILL), ainsi
qu'une licence européenne disponible en 22 langues, l'European Union
Public Licence (EUPL). Ces deux licences ayant été
approuvées par l'OSI et la FSF, tout logiciel protégé par
une de ces licences est un logiciel libre et Open Source.
1.3.2 Les licences permissives
Certains logiciels libres ne sont pas copyleftés
et les copies de tels logiciels peuvent dès lors ne plus être
libres du tout. Les contraintes des licences permissives sont
quasi-inexistantes et peuvent se limiter à la mention du copyright
original. Les licences permissives, aussi appelées
non-restrictives, regroupent notamment la licence BSD, la licence MIT et la
licence CeCILL-B, pour le droit français.
1.3.3 Le domaine libre
Un cas particulier de logiciel libre non-copylefté
est le logiciel dont le code source est dans le domaine libre,
c'est-à-dire qu'il n'est pas soumis au copyright. De ce fait,
tout le monde peut se servir de ce code source, le redistribuer et le modifier.
Puisque le code source n'est pas soumis au droit d'auteur, personne ne peut, en
revanche, demander de l'argent en échange de la distribution de ce code
source. Il est également utile de préciser que, selon la
convention de Berne, qui regroupe 167 États membres en 2013, toute
oeuvre artistique ou littéraire, dont les logiciels informatiques, sont
automatiquement placés sous droit d'auteur. Pour placer son code source
dans le domaine libre, l'auteur de ce code source doit donc faire les
démarches nécessaires dans son pays pour renoncer au
copyright.
1.4 Les logiciels libres et le droit belge 1.4.1 Logiciel
libre et droit d'auteur
Comme je vous l'ai dit dans la section
précédente, ce n'est pas parce qu'un logiciel est libre qu'il
n'est pas protégé par le droit d'auteur. C'est d'ailleurs
grâce à ce droit d'auteur que le propriétaire du logiciel
peut céder aux utilisateurs différents droits. Le droit belge
considère par ailleurs qu'un logiciel libre, avant d'être libre,
est un logiciel et est donc protégé par le droit d'auteur.
19
de demander à être identifié comme tel, et
le droit de divulgation, permettant à l'auteur de choisir s'il
présente ou non son logiciel au public. Les droits moraux permettent
aussi à l'auteur d'un logiciel libre de s'opposer à une
modification du logiciel s'il y a atteinte à son honneur ou sa
réputation (la modification du logiciel doit théoriquement
améliorer ce logiciel). Pour terminer, les logiciels libres sont
protégés par le droit des contrats, puisqu'ils sont
accompagnés d'une licence.
1.4.2 Licence libre et droit belge
Les licences informatiques sont des contrats n'entrant dans
aucune qualification juridique. La doctrine belge considère donc que ce
sont des contrats «sui generis» soumis uniquement au consentement des
parties impliquées et à l'ordre public. Une licence informatique
n'est donc valable que si elle n'entre pas en conflit avec la loi belge et
l'ordre public.
La célèbre licence GPL est donc
entièrement valable dans le droit belge, même si elle est issue du
droit nord-américain. La création des licences EUPL et CeCILL
n'est donc pas due à une absence de valeur légale de la GPL. Il
s'agit simplement de licences cherchant à gagner la confiance des
Européens grâce à des licences issues du droit
européen (EUPL) ou français (CeCILL) tout en restant compatibles
avec la licence GPL.
1.4.3 Le domaine libre en Belgique
En Belgique, un logiciel tombe dans le domaine libre, ou
public, 70 ans après la mort de son auteur. Théoriquement, il
serait donc impossible de faire entrer un logiciel directement dans le domaine
public en Belgique. On sait pourtant qu'un auteur peut, contractuelle-ment, se
défaire de ses droits patrimoniaux et économiques. Mais le cas
des droits moraux est plus sujet à polémique.
La Convention de Berne consacre un droit de paternité
et un droit à l'intégrité mais pas de droit de
divulgation. Or, ce droit de divulgation est repris dans la loi belge et, dans
le droit belge, il existe un principe d'inaliénabilité du droit
moral et une interdiction de toute renonciation future ou globale 7.
Dans les faits, le droit belge admet néanmoins des renonciations
partielles et des renonciations à l'égard d'atteintes
déjà portées, considérant que l'ayant droit agit
alors en connaissance de cause. Dans tous les cas, l'auteur aura toujours le
droit de protester en cas d'atteinte à son honneur et à sa
réputation. Dès lors, un logiciel peut dans la pratique
être considéré comme faisant partie du domaine public si
son auteur renonce contractuellement à ses droits dans les limites
légales, s'il ne revendique pas les droits dont il ne peut se
défaire légalement et s'il n'intente pas d'action en
justice8.
7. Article 1er §2, al. 1 et 2 LDA (loi relative au droit
d'auteur)
8. De Patoul, Fabrice, Logiciel libre et droit d'auteur:
les droits moraux et les règles contractuelles, Bruylant,
Bruxelles, 2005, p. 91
20
1.5 Conclusion du contexte théorique
Dans ce premier chapitre, j'ai tenu à attirer
l'attention sur le fait que les logiciels libres, bien que souvent
associés à la gratuité, sont des logiciels accordant
plusieurs libertés à leurs utilisateurs. Même si la plupart
des logiciels libres sont gratuits, ils ne le sont pas forcément tous
(par exemple, la distribution Red Hat* Enterprise Linux (RHEL) est libre mais
est payante) et, inversement, certains logiciels gratuits ne sont pas des
logiciels libres mais bien des logiciels propriétaires (comme Avira Free
Antivirus*).
De même, bien que la définition d'un logiciel
Open Source soit un peu plus restrictive, pour des cas particuliers,
que celle d'un logiciel libre, le terme Open Source est surtout
utilisé pour s'éloigner de cette croyance que tous les logiciels
libres sont gratuits. L'OSI soutient qu'un logiciel est meilleur s'il est plus
puissant et plus fiable alors que, d'après la FSF, le meilleur logiciel
est un logiciel respectant la liberté de ses utilisateurs. Dans la
pratique, ces deux mouvements se rejoignent et tentent d'améliorer
l'efficacité des logiciels en garantissant une certaine liberté
à leurs utilisateurs.
Les logiciels libres, ou Open Source, peuvent
être distribués sous de nombreuses licences plus ou moins
restrictives. Ces licences sont reconnues comme des contrats particuliers par
le droit belge. Elles sont donc valables tant qu'elles n'entrent pas en conflit
avec la loi belge.
Enfin, il est impossible de se défaire
entièrement de ses droits moraux, donc, théoriquement, de faire
entrer immédiatement un logiciel dans le domaine public.
21
Chapitre 2
Historique
2.1 Introduction de l'historique
Je vais poursuivre avec un bref historique du logiciel libre
afin de mieux comprendre la place qu'il occupe de nos jours.
2.2 La philosophie du libre
Aux débuts de l'informatique, seules les grandes
organisations avaient les moyens de se payer des ordinateurs. Les grandes
agences gouvernementales ou les grands centres de recherche, comme dans les
universités, étaient donc parmi les seuls utilisateurs de l'outil
informatique à ce moment. Les universités jouaient d'ailleurs un
rôle central dans le développement de l'informatique. Elles
créaient des programmes et les partageaient avec les autres
universités. Leur objectif n'était pas de vendre leur logiciel
mais de développer des outils aidant la recherche et
l'éducation.
Fin des années 1970 et début des années
1980, le marché des logiciels propriétaires commença
à prendre une proportion telle que cela eut un impact sur la
communauté informatique du célèbre Massachusetts Institute
of Technology (MIT), réputé comme étant la meilleure
école d'ingénieurs au monde et étant à la pointe de
la technologie. Effectivement, alors que les chercheurs du MIT avaient
l'habitude de travailler plus ou moins librement sur le code source des
logiciels qu'ils obtenaient (il n'existait pas encore, à l'époque
d'intérêt commercial à fermer l'accès au code
source), cette situation commença à changer et de plus en plus de
restrictions étaient appliquées aux logiciels, au
détriment de la recherche. Le fondateur du mouvement du logiciel libre
est Richard Stallman , programmeur au MIT. En 1979, son laboratoire
reçut une nouvelle imprimante Xerox 10 qui souffrait de
quelques problèmes de bourrage de papier. Stallman décida alors
de modifier le logiciel de l'imprimante pour l'améliorer mais
c'était sans compter sur Xerox, qui refusait de distribuer le code
source du logiciel.
Persuadé que le partage des connaissances ne pouvait
être que bénéfique pour l'huma-nité, il se
révolta contre l'aspect propriétaire et secret des logiciels et
il lança dès 1984 le
9. Programmeur américain né le 16 mars 1953,
initiateur du projet GNU et fondateur de la Free Software Foundation.
10. Entreprise américaine ayant inventé les
photocopieurs xérographiques.
22
projet GNU (acronyme récursif de GNU's Not Unix*).
Il publia ensuite en mars 1985 le Manifeste GNU, qui décrivait les
principes du logiciel libre tout en abordant les aspects pratiques comme le
financement du logiciel libre.
En 1985, la FSF fut créée pour mettre sur pied
une communauté de personnes qui travailleraient sur le projet GNU
initié par Stallman. Ce dernier insistait bien, et insiste toujours, sur
le fait qu'un logiciel libre n'est pas obligatoirement gratuit, et que la
liberté de vendre un logiciel libre est importante, notamment pour
récolter des fonds dans le but de développer les logiciels.
En 1998, un autre groupe dominant vit le jour, l'Open Source
Initiative. Cette organisation est née d'une scission au sein de la
communauté du logiciel libre. Selon l'OSI, il fallait se concentrer plus
sur la réalité technique, c'est-à-dire la programmation,
et économique des logiciels libres. Dès lors, si la FSF et l'OSI
défendent toutes les deux le libre accès au code source des
logiciels, elles ne le font pas pour les mêmes raisons: la FSF le fait
par philosophie alors que l'OSI le fait parce que, d'après ses membres,
seule l'ouverture du code source peut permettre une amélioration
maximale d'un logiciel.
2.3 L'application du libre pour les systèmes
d'exploitation
Un des composants de base d'un ordinateur, du point de vue
logiciel, est le système d'exploitation (OS). Sans entrer dans les
détails, on peut définir un système d'exploitation comme
une interface permettant de faire le lien entre le matériel et les
logiciels. En fait, le système d'exploitation est le logiciel permettant
de gérer l'ordinateur (allocation de mémoire, système de
fichiers, etc.).
Dans les années 1970, les laboratoires Bell*
développèrent un système d'exploitation qu'ils
nommèrent UNIX. Cet OS fut rapidement adopté par des
universités, les laboratoires et les agences gouvernementales, entre
autres 11. Ce système était distribué avec son
code source mais la propriété de celui-ci était
conservée par AT&T, la société-mère des
laboratoires Bell. Par conséquent, les utilisateurs de cet OS ne
pouvaient pas utiliser librement le code source pour l'améliorer et le
redistribuer.
L'application des principes du libre aux systèmes
d'exploitation trouve ses origines dans les efforts de Stallman et son envie de
créer, dès 1983, un système d'exploitation basé sur
UNIX mais complètement libre, GNU. La réalisation concrète
de ce projet fut toutefois le produit d'un Finlandais, Linus Torvalds
12, qui, en 1991, acheta un ordinateur relativement puissant pour
l'époque. Cet ordinateur était fourni avec le système
d'exploi-tation qui était alors le plus fréquemment fourni pour
le grand public: Microsoft DOS*. Torvalds aurait cependant
préféré avoir sur son PC un autre système
d'exploitation, utilisé dans la plupart des universités mais trop
cher pour le commun des mortels, UNIX.
11. The Open Group, History and Timeline: UNIX Past,
2012,
http://www.unix.org/what_is_uni
x/history_timeline.html, consulté le 19 octobre
2013
12. Informaticien finlandais né le 28
décembre 1969, créateur du noyau Linux.
23
Il acheta donc le code source d'une version réduite de
ce système d'exploitation et, en automne 1991, il diffusa un message
annonçant la création de son OS et la mise à disposition
de son code source en appelant les personnes ayant développé des
fonctionnalités pour le système dont il s'était
basé à contribuer à améliorer le code de son OS.
Extrêmement rapidement, une communauté se forma autour du projet
de Linus Torvald et lui permit de publier, en 1994, la première version
officielle de Linux.
Au cours des années 1990, le développement de
Linux s'accéléra de manière exponentiel de sorte que dans
les années 2000, ce système d'exploitation, qui existe
désormais sous forme de nombreuses distributions, spécifiques aux
attentes de chacun, est un des plus répandu, avec Mac OS* X et Microsoft
Windows*. De plus, s'il est traditionnellement considéré comme
étant réservé aux informaticiens ou autres experts en la
matière, les distributions Linux sont aujourd'hui de plus en plus
conviviales et peuvent donc être utilisées par n'importe qui. Le
succès de Linux auprès des principaux fabricants de
matériel informatique (comme IBM ou HP) peut s'expliquer par le fait que
développer un OS coûte cher avec peu de retour sur investissement.
Les fabricants profitent donc du soutien libre de l'énorme
communauté Linux.
2.4 Le cas des logiciels de bureautique
Parmi les logiciels les plus utilisés, tant au niveau
professionnel qu'au niveau privé, se trouvent sans aucun doute les
logiciels de bureautique. Les premiers logiciels de bureautique populaires sont
les logiciels qui constituent aujourd'hui la suite Microsoft Office. Ainsi, en
1981, MS Word* fut le premier logiciel de traitement de texte à afficher
une certaine mise en page (limitée à l'époque) directement
à l'écran. Il faudra attendre 1985 pour les Macintosh et 1987
pour les ordinateurs fonctionnant avec Windows avant de voir apparaître
le célèbre tableur Excel*. PowerPoint* fut commercialisé
par une société privée en 1987 et racheté la
même année par Microsoft pour être distribué pour la
première fois sous Windows en 1990. Enfin, en 1992, Microsoft
commercialisa la première version d'Access*, son gestionnaire de base de
données. C'est dès 1989 que Microsoft décida de rassembler
ses logiciels de bureautique, dont la gamme n'a cessé de croître
jusqu'à nos jours, au sein d'une suite de logiciels: Microsoft
Office.
Mais, bien qu'il fût moins connu et répandu, il
existait un autre logiciel de bureautique à l'époque qui
regroupait déjà les différentes fonctionnalités de
MS Office, StarOffice*. Ce logiciel propriétaire fut racheté par
Sun Microsystems* en 1999. Très vite, Sun publia une partie du code
source sous licence libre. Cette variante libre de StarOffice donna naissance
à OpenOffice.org* (OOo), qui fut dès lors le principal concurrent
libre de Microsoft
Office. OpenOffice.org
était développé par une communauté nombreuse et
très active et sponsorisé par Sun Microsystems, qui
réutilisa le code source libre d'OOo pour les versions suivantes de
StarOffice, qui restait un logiciel propriétaire.
24
Cet OSS devint une alternative de plus en plus répandue
et valable à MS Office mais connut une scission en 2010, après
que Sun fût racheté par Oracle Corporation*. OOo et StarOffice
furent alors renommés Oracle Open Office mais la majorité de la
communauté d'OOo continua à développer sa propre variante
du logiciel qui sortit en janvier 2011, LibreOffice*.
Se retrouvant sans le soutien de sa communauté de
développeurs, Oracle mit finalement de côté le
développement d'Open Office et céda ses droits sur le logiciel
à la fondation Apache*, créant l'Apache OpenOffice*.
De nos jours, ces logiciels libres sont donc des concurrents
valables à MS Office mais ils souffrent de la séparation entre
OpenOffice et LibreOffice ainsi que de la mise en place d'une stratégie
commerciale de la part de Microsoft visant à fidéliser ses
clients en les habituant à une interface particulière.
2.5 Conclusion de l'historique
Trouvant ses origines dans les années 1980, le
mouvement du logiciel libre s'est fortement développé depuis la
fin des années 1990, et ce malgré quelques scissions au sein de
la communauté du libre. Dans les années 2000, le mouvement du
logiciel libre a même réussi à obtenir le soutien de
sociétés informatiques comme Oracle ou la fondation Apache.
25
Chapitre 3
Développement des logiciels libres et
parts du marché
3.1 Introduction de l'étude théorique des
parts du marché
Je trouve important de faire le point sur la situation
actuelle. Je vais par conséquent vous donner, dans ce chapitre, quelques
chiffres-clés concernant l'utilisation de logiciels libres sur Internet,
ce qui est un domaine où il est plus facile d'obtenir des statistiques
que pour les utilisations privées ou internes aux entreprises, au niveau
des OS, dans les administrations belges et dans le domaine de la
modélisation et de l'animation 3D, ce qui est un domaine où on
peut rapidement observer les différences entre les résultats de
logiciels privateurs et d'OSS. Il est toutefois relativement difficile
d'obtenir des données globales fiables concernant l'utilisation des
logiciels libres. Je vais donc me concentrer sur certains types de logiciels
libres.
3.2 Les logiciels libres et Internet
Avant de parler des parts de marché dans ce secteur,
j'aimerais expliquer globalement le fonctionnement de l'hébergement d'un
site Internet. Un site Web est un ensemble de pages qui sont
hébergées sur un ordinateur, le serveur. Ce serveur
possède, comme tout ordinateur, un système d'exploitation mais
aussi des logiciels permettant au serveur de communiquer avec les clients,
c'est-à-dire les ordinateurs tentant d'accéder au site Web
hébergé sur le serveur. Ces logiciels comprennent en autres un
serveur HTTP, qui permet la communication entre le serveur matériel et
l'ordinateur des clients et un gestionnaire de bases de données.
Les données analysées dans cette section
proviennent du site
w3techs.com, qui analyse les
différents sites présents sur le Web pour déceler
l'utilisation de certaines technologies par ces sites, comme le serveur HTTP
utilisé, l'OS utilisé par le serveur matériel ou encore
les différents langages informatiques utilisés.
D'après
w3techs.com, en avril 2014, 38,7 % des
sites Internet au monde sont hébergés sur un serveur utilisant un
système d'exploitation de type Linux, qui est un système libre,
contre 32,5 % de sites qui sites hébergés sur un serveur
Windows.
26
FIGURE 3.1 - Schéma de la communication entre un
serveur Web et un client dans le cas d'un site statique. Source: PHPdebutant,
Débutez, 2004,
http://www.phpdebutant.org/article118.php,
consulté le 7 novembre 2013
Toujours dans le même domaine, mais concernant les
serveurs HTTP cette fois, nous pouvons constater que le serveur le plus
utilisé par les sites Internet est Apache HTTP Server*, un serveur
(logiciel) libre qui domine le marché avec 60,6 % des parts, suivi par
un autre logiciel libre, Nginx*, qui représente 20,5 % du marché.
Windows-IIS* n'arrive qu'en troisième position avec 15,3 % et a encore
perdu 0,3 % entre le 1er mars et le 30 avril 2014. Un inconvénient
majeur d'IIS est qu'il ne fonctionne que sous Windows alors que le serveur
d'Apache est multiplate-forme.
13. Auteur anonyme
27
3.3 Les parts du marché évaluées 3.3.1
Les systèmes d'exploitation
"Windows est l'OS le plus vendu car tous les
ingénieurs l'achètent pour le débuguer...20 ans que
ça dure!13"
FIGURE 3.2 - Évolution des parts de marché des
principaux OS d'avril 2009 à avril 2014. Source des données:
StatCounter, StatCounter Global Stats, 2014,
http://gs.statcounter.com/,
consulté le 5 avril 2014
D'après StatCounter, les systèmes d'exploitation
les plus utilisés en août 2013 en Europe sont Windows 7 (51,28 %),
Windows XP (18,68 %) et Mac OS X (7,34 %). Le premier système
d'exploitation libre dans ce classement est Linux qui ne représente que
1,77 % des parts du marché. Si on regarde l'évolution de ces
statistiques entre avril 2009 et avril 2014, on remarque que les parts de Linux
sont restées, d'après ce site, relativement stables. On peut
aussi remarquer que Windows XP a perdu sa position dominante en 2011, au profit
de Windows 7, mais reste le deuxième système le plus
utilisé en avril 2014, bien qu'il ne soit plus pris en charge par
Microsoft.
La position dominante de Windows peut aisément
s'expliquer par la stratégie de marketing de Microsoft, la vente
liée, qui fait que la plupart des PC sont vendus avec un système
d'exploitation Windows.
28
FIGURE 3.3 - Évolution des parts de marché des
principaux OS d'avril 2013 à avril 2014 pour les mobiles et tablettes.
Source des données: StatCounter, StatCounter Global Stats,
2014,
http://gs.sta
tcounter.com/, consulté le 5
avril 2014
Sur smartphones et tablettes, cependant, le
système d'exploitation libre de Google*, Android*, est le plus
utilisé depuis août 2013 et ne cesse de creuser l'écart
avec son concurrent principal, le système propriétaire d'Apple
iOS. Cela semble bien démontrer que, en général, les
utilisateurs utilisent l'OS installé par défaut sur l'appareil
qu'ils achètent, peu importe qu'il soit Open Source ou
privateur.
29
3.3.2 Les navigateurs Internet
FIGURE 3.4 - Parts de marché des principaux navigateurs
en août 2013 dans le monde. Source des données: StatCounter,
StatCounter Global Stats, 2013,
http://gs.statcounter.com/,
consulté le 15 octobre 2013
Le site StatCounter affirme que Google Chrome*
représentait, en août 2013, 42,78 % des parts du marché,
suivi par le navigateur propriétaire de Microsoft, Internet Explorer*
(25,55 %) puis par le logiciel libre Mozilla* Firefox* (19,25 %). En se
penchant sur les données du même site concernant
l'évolution de ces parts de marché depuis avril 2009, on remarque
néanmoins qu'Internet Explorer a été le navigateur le plus
utilisé dans le monde jusqu'en mai 2012. A partir de cette date, c'est
Google Chrome qui est devenu le navigateur le plus utilisé. L'influence
de Firefox et d'Internet Explorer n'a depuis cessé de diminuer. En
Europe, Firefox est plus utilisé qu'Internet Explorer mais est
également moins utilisé que Chrome depuis juillet 2012.
30
FIGURE 3.5 - Évolution des parts de marché des
principaux navigateurs d'avril 2009 à avril 2014 dans le monde. Source
des données: StatCounter, StatCounter Global Stats, 2014,
http://gs.statcounter.com/,
consulté le 5 avril 2014
La percée de Firefox et, surtout, de Chrome est un
exploit. En effet, Windows, présent sur la plupart des PC suite à
la stratégie de vente liée de Microsoft, est accompagné de
son navigateur Web par défaut, Internet Explorer. Le succès des
logiciels de Microsoft auprès du grand public peut donc facilement
s'expliquer par le fait que beaucoup d'utilisateurs ne prennent pas la peine de
changer les logiciels installés par défaut sur leur machine.
Pourtant, Firefox et Chrome ont réussi à s'imposer,
démontrant par là une certaine faiblesse, probablement technique,
du côté d'Internet Explorer.
Bien que Google Chrome soit un logiciel propriétaire,
je tiens à soulever son caractère particulier. Lorsque Google a
décidé de créer un navigateur Web, le code source de ce
navigateur a été libéré. Ce code source libre a
donné naissance au projet Open Source Chromium. Une
communauté s'est donc développée pour améliorer le
code source de ce navigateur et Google a repris le code source
amélioré pour créer Google Chrome. Ce navigateur est donc
un exemple type de la nouvelle stratégie de Google qui est de disposer
des avantages des logiciels libres (la coopération permettant une
innovation plus rapide et à moindres coûts) tout en distribuant un
logiciel finalement propriétaire.
En Belgique, les administrations commencent, depuis 2003,
à prendre en considération les formats ouverts* et donc, a
fortiori, les logiciels libres. Je peux ainsi citer l'exemple
3.4 Les logiciels libres et les administrations belges
31
de la ville de La Louvière, qui a adopté
OpenOffice en 2006. Les estimations d'économies réalisées
en ayant migré vers un logiciel libre plutôt qu'en ayant mis
à niveau MS Office sont de € 208 761 TVAC. Aucune formation n'a
été dispensée aux utilisateurs mais la ville regrette
légèrement cette absence de formation, certains utilisateurs
moins habitués à l'outil informatique ayant été
perturbés par la disparition de leurs repères habituels
14.
3.5 Les logiciels libres et le cinéma
FIGURE 3.6 - Rendu d'un pain avec Blender 2.67b. Source:
Price, Andrew, How to create realistic bread, 2013,
http://www.blenderguru.com/videos/how-to-create-realistic-bread/,
consulté le 7 novembre 2013
L'informatique est également de plus en plus
présente dans le domaine de l'audiovisuel, et notamment dans l'industrie
du cinéma. Je pense que cette industrie est un bon exemple à
prendre étant donné que vous pourrez directement apprécier
l'efficacité des logiciels. Le logiciel libre de modélisation 3D
et d'animation le plus connu et le plus abouti est Blender*. L'image 3.6 est un
exemple des capacités de modélisation et de rendu
photoréaliste de Blender. En effet, si cette photo vous semble
parfaitement normale à première vue, sachez que rien n'est
réelle dans cette image, entièrement modélisée en
3D avec Blender.
La première utilisation connue de Blender dans le
domaine du cinéma professionnel, ce fut par l'équipe de
développement du film Spider-Man
215. Pour ce film, Blender fut uniquement
utilisé pour la phase de développement et, à ma
connaissance, il n'y a pas de passage de Spider-Man où les
effets spéciaux auraient été réalisés avec
Blender.
Encore une fois, les studios professionnels utilisent pour la
réalisation de leurs films des logiciels propriétaires parce
qu'ils ont fortement financé le développement de ces logiciels et
qu'ils les utilisent depuis longtemps. Le coût des licences
propriétaires est donc préféré à une perte
de rentabilité due à l'utilisation d'un logiciel libre. En effet,
Blender, le seul
14. Union des Villes et Communes de Wallonie, OpenOffice:
un choix judicieux pour les communes, 2006,
http://www.uvcw.be/articles/3,90,39,39,1219.htm,
consulté le 6 octobre 2013
15. Zierhut, Anthony, Animatics for Motion Pictures,
2007,
http://web.archive.org/web/
20070221025521/
http://www.blender.org/features-gallery/testimonials/,
consulté le 19 octobre 2013
32
logiciel libre de modélisation 3D rivalisant avec les
grands logiciels propriétaires de ce domaine d'activités, n'est
distribué librement que depuis fin 2002 16. De plus, les
studios disposent généralement de scripts et de plugins
propriétaires qu'ils ont développés pour un logiciel
en particulier. Changer de logiciel représenterait donc un énorme
investissement pour eux, même s'il s'agit de passer à un logiciel
libre.
Malgré cette absence parmi les grandes productions
cinématographiques, Blender est plein de promesses et il n'est pas
impossible d'imaginer de nouveaux studios de cinéma prêts à
utiliser ce programme. Ainsi, je vous invite à jeter un coup d'oeil aux
films d'ani-mations libres créés par la Blender Foundation comme
Big Buck Bunny, Sintel ou encore Tears of Steel17.
Ces courts-métrages montrent les incroyables capacités du
logiciel Blender et du modèle de développement libre.
3.6 Les logiciels libres et ce travail
Pour la réalisation directe de ce travail, il me semble
bon de préciser que je n'ai utilisé que des logiciels libres.
Ainsi, les graphiques que j'ai réalisés ont été
fait à partir du tableur de LibreOffice et les captures d'écran
ont été retouchées avec GIMP* pour masquer les
données éventuellement confidentielles. Ce travail est
écrit en LATEX avec l'aide de l'ensemble TeX Live* et Kile* sur mon
ordinateur portable (Linux) ou avec l'aide depuis mars 2014, de la plate-forme
Open Source en ligne ShareLaTeX. C'est également en LATEX que
je réaliserai la présentation (diaporama) pour la défense
orale de mon travail.
Je reconnais cependant avoir utilisé à la fois
Mozilla Firefox, navigateur libre, et Google Chrome, navigateur
propriétaire basé sur un projet libre, pour aller sur
Internet.
16. Blender Foundation, History, 2013,
http://www.blender.org/blenderorg/blender-foundation
/history/, consulté le 19 octobre 2013
17. Blender Foundation, Blender Open Projects, s.d.,
http://www.blender.org/features-gallery/
blender-open-projects/, consulté le 19 octobre 2013
33
3.6.1 Pourquoi LATEX?
Listing 3.1 - Exemple d'utilisation du
LATEX
\chapter*{Titre chapitre} \thispagestyle{fancy}
\addcontentsline{toc}{chapter}{Titre chapitre} \section*{Titre section}
\addcontentsline{toc}{section}{Titre section} Premier paragraphe
Second paragraphe\footnote{note de bas de page}
\section*{Titre section}
\addcontentsline{toc}{section}{Titre section} Premier
paragraphe %commentaire
\section*{Titre section}
\addcontentsline{toc}{section}{Titre section} Premier
paragraphe \emph{texte mis en valeur}
Une question légitime est de se demander pourquoi avoir
choisi d'écrire en LATEXpuis compiler en PDF
plutôt qu'avoir écrit directement avec MS Office ou même
avec LibreOf-fice. Selon l'usage que je fais des traitements de textes, MS
Office et LibreOffice ont des capacités semblables et se
différencient principalement par l'interface. J'ai remarqué que
MS Office était en général un peu plus rapide au
démarrage mais me semble également moins stable que LibreOffice.
Si j'ai choisi d'écrire en LATEX, c'est parce que,
d'après mon expérience personnelle avec Word, les lois suivantes,
énumérées par un certain Andy Roberts
18, s'appliquent particulièrement à
MS Office:
1. La probabilité de plantage est proportionnelle
à l'importance du travail.
2. La probabilité de plantage est inversement
proportionnelle au temps restant avant
la date limite du travail.
3. La probabilité de plantage est
proportionnelle à la durée écoulée depuis la
dernière
sauvegarde.
Plus sérieusement, Word a souvent du mal à
gérer des documents de plusieurs dizaines de pages, surtout si ces
documents contiennent des images ou, encore pire pour Word, des formules
mathématiques. Word devient alors peu réactif et a tendance,
quelques fois, à planter. Il est également possible, comme je
l'ai fait pour se travail, de séparer le document en plusieurs fichiers
(par exemple un fichier par chapitre). Ces fichiers, plus petits et donc plus
facilement manipulables, font toutefois partie du même projet; il est
dès lors très aisé de passer d'un document à un
autre et les éléments comme la numérotation des pages et
des chapitres ne sont pas perturbés. De plus, le compilateur va
automatiquement assembler ces fichiers lors de la création du fichier
PDF. Mais c'est loin d'être
18. Informaticien et co-fondateur du service Jellybooks
34
la seule raison pour préférer LATEX! Tout
d'abord, LATEX sépare le fond de la forme. En effet, il s'agit d'un
langage informatique à balises, comme le HTML. Cette séparation
permet en général d'éviter de perdre du temps à
travailler sur la forme du document en oubliant de retravailler le fond. De
plus, ce langage défini automatiquement les styles, qui peuvent
toutefois très facilement être modifiés comme on le
souhaite. C'est en quelque sorte équivalent à l'utilisation des
styles et des niveaux avec Word si ce n'est qu'en LATEX, on est contraint de
structurer le contenu de son texte tandis qu'avec Word, beaucoup de personnes
ne prennent pas la peine de définir correctement styles et niveaux,
provoquant ensuite des problèmes de mises en forme automatiques. En
fait, le LATEX impose une rigueur permettant au final de simplifier fortement
la réalisation des documents.
LATEX est également beaucoup plus flexible que Word,
chacun des paramètres pouvant être modifié et, surtout, un
nombre incroyable de packages existe, permettant de faire tout ce que
l'on peut souhaiter. Je pense que beaucoup de personnes se sont
déjà retrouvées dans le cas d'un document Word
minutieusement formaté dans lequel on ajoute une simple ligne de texte,
déplaçant alors toutes les images, tous les tableaux et, par
conséquent, tous les paragraphes de notre document. Ce genre de
cauchemars n'arrive pas avec LATEX, qui, s'il prend par défaut des
décisions pour nous, accepte également de nous donner un
contrôle total. Au point même qu'on peut très bien
forcé un texte à rester sur une ligne même si cette ligne
déborde de la page (le logiciel nous prévient néanmoins de
ce problème).
3.6.2 Pourquoi ShareLaTeX?
Une deuxième question que l'on pourrait se poser est
"pourquoi ShareLaTeX?". Comme c'est généralement le cas quand il
existe une solution en ligne (ou portable) et une solution à installer,
la solution à installer est plus complète, éventuellement
plus personnalisable et plus rapide. Cependant, l'utilisation d'une solution en
ligne a aussi ses avantages. En ce qui me concerne, l'avantage principal
était de pouvoir travailler facilement sur mon TFE depuis n'importe quel
ordinateur sans rien devoir installer dessus. Pour cela, deux solutions
principales existaient (il en existe d'autres mais aucun de ces outils n'offre
les possibilités des solutions suivantes): ShareLaTeX et writeLaTeX.
Alors que le premier est devenu Open Source depuis fin février
2014, writeLaTeX est une solution propriétaire. Pour un usage en ligne,
cela ne change pas énormément pour moi, les deux proposant des
fonctionnalités avancées aux personnes prenant un abonnement
payant mais offrant une version de base gratuite. ShareLaTeX propose
désormais son code source librement afin de créer une
communauté de développeurs améliorant le service mais
aussi pour permettre aux clients de cette solution d'installer leur version
locale de ShareLaTeX, ce qui permet notamment aux entreprises de disposer de
ShareLaTeX sur leur intranet, par exemple, sans risquer de compromettre la
confidentialité des documents. Pour l'instant, le projet n'étant
que depuis très récemment libre, il n'y a pas réellement
d'avantages pour moi à utiliser cette solution si on ne prend que
ça en compte. Si j'ai préféré ShareLaTeX à
writeLaTeX, c'est pour d'autres raisons.
35
|
ShareLaTeX
|
writeLaTeX
|
Projets:
|
Illimités
|
jusqu'à 1 GB d'espace de stockage
|
Fichiers par projet:
|
Illimités
|
60
|
Historique:
|
Non
|
Oui
|
Vérificateur orthographique:
|
Oui
|
Non
|
Compilation live:
|
Non
|
Oui
|
Collaboration:
|
1 collaborateur
|
Non
|
TABLE 3.1 - Comparatif ShareLaTeX et writeLaTeX
Tout d'abord, ShareLaTeX propose plus de
fonctionnalités dans sa version gratuite que son concurrent
propriétaire. Le tableau ci-dessous montre un comparatif des
fonctionnalités que j'ai pris en compte pour les versions gratuites des
deux solution. Sont soulignés, dans ce tableau, les avantages de chaque
solution.
Je n'avais évidemment pas besoin d'un nombre
illimité de projets et de fichiers dans ces projets mais je
préférais malgré tout ne pas être limité,
d'autant plus que writeLaTeX offre en réalité beaucoup mois que 1
GB d'espace par défaut. Pour obtenir plus d'espace, il faut
réaliser des actions comme compléter son profil, suivre
writeLaTeX sur Twitter ou encore parrainer des amis.
La fonctionnalité d'historique de writeLaTeX est en
revanche très intéressante et permet de garder les traces des
anciennes versions de son projet grâce à un système de
numéro de versions très pratique. Bien que cela constitue une
sécurité non négligeable, je n'ai jamais fait appel
à cette fonction et j'ai donc décidé qu'elle ne serait pas
capitale pour ce TFE. Je tiens également à préciser que,
le code source étant disponible, cette fonctionnalité fait partie
de la version que l'on peut installer pour utilisation locale.
Le vérificateur orthographique est très utile,
surtout quand on écrit en LATEX car il est parfois difficile de
déceler une faute de frappe parmi le code typique du langage LATEX. Le
vérificateur de ShareLaTeX existe dans un nombre impressionnant de
langues, même s'il ne reconnaît pas tous les mots en
français.
La compilation live est, en
général, une bonne chose. Mais lors de mes expériences
passées avec writeLaTeX, il m'est arrivé d'être
gêné par cette fonctionnalité ralentissant fortement
l'ordinateur quand il s'agit de compiler de gros documents. Il est possible de
désactiver la compilation automatique mais je n'ai jamais réussi
à demander à writeLaTeX de compiler sur demande, ce qui est
très facile à faire sur ShareLaTeX.
36
Enfin, la collaboration n'est pas quelque chose dont j'avais
réellement besoin pour mon TFE mais il s'agit d'une
fonctionnalité utile permettant de travailler à plusieurs sur un
même projet en même temps. Cependant, la collaboration rend plus
importante la possibilité de conserver un historique avec des
numéros de versions.
3.7 Conclusion
Les statistiques analysées lors de ce chapitre tendent
à montrer que les logiciels propriétaires restent de loin les
plus utilisés sur le marché. Néanmoins, dans certains
domaines, les logiciels libres ont déjà réussi à
s'imposer et la popularité croissante de ces logiciels laisse envisager
un changement de ces chiffres dans les années futures. Je tiens aussi
à faire remarquer la difficulté d'obtenir des données
précises quant aux parts d'utilisation des logiciels. La technique
utilisée par w3techs est relativement fiable puisqu'elle consiste
à analyser les sites Internet pour obtenir des informations comme le
serveur HTTP utilisé ou l'OS du serveur physique. On peut supposer que
les données concernant les navigateurs Internet sont également
fiables vu qu'il est également assez aisé d'analyser le trafic
Internet pour savoir quel navigateur est utilisé pour accéder
à certains sites. En revanche, l'utilisation de l'OS sur les ordinateurs
personnels me semble plus difficile à évaluer, principalement
parce que, si on peut connaître le nombre de licences Windows ou Mac
vendues, on ne connaît que le nombre de téléchargement des
systèmes Linux. Or, un téléchargement peut servir à
plusieurs utilisateurs ou n'être plus en fait utilisé par aucun.
Sur smartphone et tablette, l'OS est toujours lié à
l'appareil et, même s'il est possible de changer d'OS, il n'existe pas
encore beaucoup d'alternatives et le procédé est parfois
compliqué. On peut donc évaluer facilement les parts
d'utilisation en regardant le système installé lors de la
vente.
37
Chapitre 4
La réponse du monde propriétaire
4.1 Introduction
Les grandes sociétés informatiques, dont les
bénéfices proviennent des logiciels propriétaires, ont
toutes, d'une manière ou d'une autre, subi les conséquences de
l'arrivée des logiciels libres. Face à l'apparition de cette
nouvelle concurrence, dont la force principale était sa gratuité
récurrente, les entreprises dominantes ont dû s'adapter. Elles ont
cependant toutes eu des comportements différents.
4.2 La réponse de Microsoft
Fondée en avril 1975, Microsoft Corporation est depuis
les années 1990 une société incontournable dans le domaine
de l'informatique. Ayant remporté un énorme succès
financier grâce à la stratégie de la vente liée,
cette société est souvent considérée comme le
principal adversaire des logiciels libres.
4.2.1 Diminution des prix
La première réaction de Microsoft a
été de diminuer les prix de ses logiciels. L'intérêt
financier des logiciels libres était en effet très probablement
l'argument le plus convaincant en faveur des logiciels libres auprès du
grand public, surtout à une époque où le mouvement du
libre n'en était encore qu'à ses débuts. Une diminution
des prix a donc permis à Microsoft de réduire la force de cet
argument.
4.2.2 Différenciation
Une nouvelle stratégie développée par
Microsoft est la différenciation, c'est-à-dire que Microsoft
tente de différencier ses logiciels en modifiant des
caractéristiques, principalement visuelles, afin de rendre ces logiciels
uniques aux yeux des utilisateurs, et ce dans le but d'empêcher ses
clients de se tourner vers les solutions libres. Cette stratégie peut
aisément se remarquer avec l'arrivée du célèbre
"ruban" de Microsoft Office, depuis la version 2007, ou encore avec la mise en
place de la nouvelle barre de tâche, cette barre
38
horizontale se trouvant en bas de l'écran des
ordinateurs fonctionnant sous Windows, lors de la sortie de Windows 7.
Ces nouveaux éléments, pour lesquels Windows
possède les droits d'auteur, permettent de modifier la manière de
travailler de l'utilisateur afin de l'habituer aux produits Microsoft. La force
de ces éléments est qu'ils sont beaucoup plus conviviaux pour
l'utilisateur, qui a dès lors plus facile de s'habituer à ces
éléments que de s'habituer à travailler sans.
4.2.3 Fidélisation de nouveaux clients
Afin de maintenir sa place de leader sur le
marché informatique, Microsoft tente d'at-teindre de nouveaux
marchés tout en conservant ses marchés actuels. Pour conserver sa
place sur les marchés où l'entreprise est déjà
présente, Microsoft a proposé des éditions
spéciales à prix réduits pour les étudiants. Cette
stratégie, très efficace, permet à Microsoft de toucher un
public qui ne dispose pas encore d'habitudes dans le domaine des logiciels et
d'ainsi les fidéliser aux suites propriétaires de Microsoft.
Mais Microsoft ne se contente pas de s'assurer que les
écoles et les étudiants utilisent ses produits. La
société propose également des éditions
réservées aux pays du tiers-monde. Ainsi, en fin 2007, une
initiative fut lancée par Microsoft pour permettre aux pays en voie de
développement acceptant de fournir gratuitement des ordinateurs dans
leurs écoles d'acheter des "packs" Microsoft contenant Windows XP,
Microsoft Office 2007 et quelques autres programmes éducatifs. Cette
initiative à l'apparence très généreuse
n'était rien de plus qu'une stratégie de marketing très
réussie visant à combattre à la fois l'utilisation de
copies piratées des logiciels propriétaires et les logiciels
libres 19.
4.2.4 Autres réponses
Microsoft a créé quelques sites Internet comme
CodePlex. Ce site d'hébergement de projets permet aux
développeurs de créer des modules libres pour les logiciels de
Microsoft comme MS Office 20. Cela semble donc
indiquer que Microsoft, bien qu'étant le principal opposant au
modèle du libre, a compris l'utilité de ce modèle de
développement pour la création de nouveaux programmes
informatiques.
Face à la popularité croissante du libre,
Microsoft a également décidé de créer ce qui semble
être un compromis entre propriétaire et libre. Ainsi, Microsoft a
publié les détails de plusieurs de ses formats de fichiers sans
en dévoiler le code source pour autant. De plus, Microsoft a
lancé la Shared Source Initiative qui est une initiative de
partage du code source de plusieurs produits de Microsoft sans pour autant
qu'il soit légal d'utiliser ce code source ou de le redistribuer. Ainsi,
malgré une certaine ouverture, les licences Shared Source de
Microsoft ne sont pas des licences libres.
19. Curtis, Keith, After the Software Wars, s.e., s.l.,
2010, p. 96
20. Curtis, Keith, After the Software Wars, s.e., s.l.,
2010, pp. 97-99
39
Microsoft a développé ce projet de code source
partagé pour plusieurs raisons. Tout d'abord, cela permet aux
programmeurs de développer plus facilement des modules
complémentaires pour les logiciels Microsoft. Ensuite, cela permet
d'utiliser l'avantage des codes sources ouverts concernant
l'amélioration, notamment en matière de sécurité,
grâce à l'évaluation par les pairs. Enfin, ce projet permet
aux étudiants en informatique d'étu-dier et d'analyser le code
source des logiciels distribuées sous les licences Shared
Source.
4.3 La réponse d'IBM
International Business Machines a été
fondée en 1911 aux Etats-Unis. A l'époque, l'en-treprise
fabriquait des tabulatrices, qui étaient en quelque sorte
l'ancêtre des ordinateurs actuels. En 1944, IBM lança le premier
ordinateur numérique au monde, appelé Harvard Mark I. En
1956, IBM se fit également remarquer en programmant un ordinateur pour
créer un logiciel de jeu d'échecs pouvant "apprendre" par lui
même, posant les bases de l'intelligence artificielle. L'année
suivante, IBM créait le disque dur. Cette entreprise est donc une
pionnière de l'informatique, responsable de nombreuses inventions et
avancées dans ce domaine.
IBM, qui est donc un géant de l'informatique, est
également un des principaux contri-buteurs au développement des
logiciels libres, dont Linux, Apache ou encore Mozilla. Ainsi, d'après
un rapport de la fondation Linux21, IBM
était la sixième entreprise soutenant le plus le
développement du noyau Linux en 2012. Lors d'une conférence Linux
aux Etats-Unis en ce mois de septembre 2013, IBM a annoncé son intention
d'investir $ 1 milliard dans le développement de Linux et des
technologies de l'Open Source pour les serveurs d'IBM.
4.4 La réponse de Google
Google, Inc. a été fondée en 1998 par
Larry Page et Sergey Brin 22. Le premier produit de
cette société, son produit le plus connu, est le moteur de
recherche Google. Mais l'entreprise a bien évolué depuis sa
création et propose désormais énormément de
solutions informatiques, que ce soit le navigateur Web Google Chrome, des
applications Web comme Gmail, Google Drive ou Google+ voire même des OS
comme Android et Chrome OS.
Contrairement aux services de Microsoft, la plupart des
services de Google sont utilisables gratuitement. La principale source de
revenu de cette société est en effet la publicité. A
l'heure actuelle, Google utilise énormément de code source libre
mais, d'un autre côté, le code source produit par Google est dans
la très grande majorité des cas propriétaire
23.
21. Corbet, Jonathan, Kroah-Hartman, Greg et McPherson,
Amanda, Linux Development Kernel: How fast It is Going, Who is
Doing It, What They are Doing, and Who is Sponsoring It, Linux
Foundation, s.l., 2013, p. 9
22. Google, La mission de Google: organiser les
informations à l'échelle mondiale dans le but de les rendre
accessibles et utiles à tous, s.d.,
http://www.google.com/about/company/,
consulté le 19 octobre 2013
23. Curtis, Keith, After the Software Wars, s.e.,
s.l., 2010, p. 62
40
4.5 Conclusion
Comme je vous l'ai montré le long de ce chapitre, les
plus grandes sociétés du secteur informatique sont
également touchées, d'une manière ou d'une autre, par le
phénomène des logiciels libres. Certaines entreprises tentent de
résister aux logiciels Open Source, d'autres tentent de
s'adapter à leur apparition alors que d'autres encore se sont mises
à soutenir directement ces nouveaux logiciels. Nous remarquons
actuellement que plusieurs sociétés ont décidé de
distribuer leurs logiciels également pour Linux, alors que ces logiciels
étaient auparavant réservés à Windows et à
Mac OS. On peut citer par exemple le cas de la plate-forme de
téléchargement légal de jeux Steam, disponible sur Linux
depuis 2012. Toujours en 2012, la société Nvidia,
spécialisée dans la construction de cartes graphiques, a rejoint
la fondation Linux, comme Intel et Advanced Micro Devices (AMD) quelques
années plus tôt.
41
Chapitre 5
Avantages et inconvénients
5.1 Introduction - Quels logiciels choisir?
Dans ce chapitre, je vais énumérer et
détailler les principaux avantages et inconvénients, d'une part,
du développement des logiciels libres et, d'autre part, de l'utilisation
de ces logiciels. Cette énumération me semble très
importante puisqu'il s'agit d'un très bref résumé des
raisons qui devraient permettre aux entreprises de choisir entre logiciels
libres et propriétaires.
5.2 Avantages
+ Réduction des coûts liés à
l'achat des licences: le fait que n'importe qui peut redistribuer une copie
d'un logiciel libre fait que dans la plupart des cas, les logiciels libres sont
disponibles légalement sans devoir payer. Cela permet aux entreprises de
faire d'énormes économies quand on voit les prix, parfois
exorbitants, de certains logiciels propriétaires (exemples: licence
Maya* à partir de € 3 900 , MS Office 2013 Pro à partir de
€ 539 , etc.). Ainsi, l'Institut de Recherche et d'Informations
Socio-économiques (IRIS) a évalué que le gouvernement
canadien aurait pu économiser au moins 19 % du coût du
renouvellement de ses licences informatiques, soit une économie de $ 256
millions. Selon le même institut, le gouvernement finlandais a quant
à lui réalisé des économies de plus de 70 % en
passant des logiciels propriétaires aux logiciels libres.
+ Indépendance face aux grandes sociétés
informatiques: le fait d'utiliser un logiciel libre permet d'être
indépendant des développeurs et des grandes
sociétés informatiques. En effet, tout le monde peut modifier le
code source du logiciel et il est possible de changer à tout moment de
logiciel sans devoir attendre la fin d'une licence ou d'un contrat. De plus,
une entreprise utilisant un OSS au travers d'une SSLL (société de
services en logiciels libres) pour changer de SSLL sans pour autant changer les
produits utilisés.
+ Augmentation de la rentabilité de production: le
développement de logiciels libres est plus rentable que le
développement des logiciels propriétaires, dans le sens où
il est plus facile de partir d'un code source existant pour l'améliorer
et y ajouter des fonctionnalités que de créer un logiciel
à partir de rien. Ainsi, si une société A crée un
logiciel libre pour ses besoins spécifiques, une entreprise B peut
facilement
42
reprendre ce logiciel et l'améliorer ou l'adapter
à ses besoins alors que dans le cas de logiciels propriétaires,
la société B aurait dû créer son propre logiciel
depuis le début.
+ Amélioration de la fiabilité et de la
sécurité: le code source d'un logiciel libre étant
accessible à tout le monde, les failles de sécurité et
autres défauts de programmation sont plus vite repérés et
corrigés qu'avec les logiciels propriétaires. De plus, les
développeurs de logiciels propriétaires peuvent parfois
être tentés de ne pas dévoiler l'existence d'une faille
dans leur code source pour ne pas se discréditer, au risque de laisser
la possibilité à d'éventuels pirates informatiques de
s'attaquer au système.
+ Utilisation simplifiée: l'utilisation d'un logiciel
libre n'est pas plus difficile que l'uti-lisation d'un autre logiciel, elle
demande juste de l'habitude. Cependant, alors que les sociétés
informatiques distribuant des logiciels propriétaires ont tendance
à utiliser des interfaces graphiques conviviales mais qui ont surtout
pour but d'accrocher et d'habituer l'utilisateur à ce style
d'interfaces, les logiciels libres présentent généralement
des interfaces plus sobres visant avant tout la performance.
+ Utilisation de formats standards et ouverts: L'utilisation
de formats standards permet une compatibilité parfaite entre les
différents logiciels libres. Tandis que les logiciels
propriétaires tentent de se différencier en utilisant des formats
qui leur sont propres, et qui sont parfois différents d'une version
à l'autre (différences de formats entre les logiciels des suites
Microsoft Office 2003 et 2007), les logiciels libres n'ont aucun
intérêt, au contraire, à chercher à se
différencier de cette sorte. Cela permet de garantir une meilleure
circulation des fichiers et aussi une plus grande liberté de choix de
logiciel: on peut en outre à tout moment décider de changer de
logiciel libre sans pour autant devoir convertir tous les fichiers dont on
dispose.
5.3 Inconvénients
- Incompatibilité avec les logiciels
propriétaires: l'adoption de logiciels libres par les entreprises est
parfois fortement entravée par l'incompatibilité entre les
logiciels libres et propriétaires. C'est parfois vrai au niveau du
format des fichiers existants mais c'est également le cas pour les
serveurs (un serveur Microsoft peut nécessiter l'utilisation de
logiciels Microsoft). Il faudrait alors également changer les serveurs
de l'entreprise, ce qui est coûteux et chronophage.
- Adaptation: le passage des logiciels propriétaires
aux logiciels libres requiert souvent un temps d'adaptation et de formation
pour les utilisateurs. Cela est avant tout dû aux stratégies
commerciales des sociétés distribuant des logiciels
propriétaires qui, en plus d'essayer d'empêcher la
compatibilité avec des logiciels libres ou venant d'un autre
éditeur, tentent d'implémenter des options
d'accessibilités et des repères permettant de fidéliser
les clients, même si l'utilité réelle de ces options reste
sujette à débats parmi les professionnels. Ainsi, par exemple, le
ruban Office de MS Office depuis la version 2007 rend le passage aux logiciels
libres comme OpenOffice ou LibreOffice très difficile. D'un autre
côté, la communauté de ces
43
logiciels n'a à ce jour pas encore
implémenté une fonctionnalité semblable à ce ruban
suite au débat faisant rage selon l'utilité de ce ruban qui, s'il
facilite la tâche d'après certains utilisateurs, ne change rien
voire ralentit l'utilisation du logiciel pour d'autres.
- Limites de la coopération dans le cas de secteurs
spécialisés: dans le cas de secteurs très
spécialisés, il peut être difficile de disposer du public
nécessaire pour l'appli-cation d'un système de
développement basé sur la coopération. Certains types de
logiciels réservés à un public limité peut donc
avoir beaucoup plus de mal à se développer de manière
libre. Ceci est toutefois possible grâce aux sociétés de
développement informatique fournissant des logiciels libres.
- Manque de certaines fonctionnalités: le
phénomène des logiciels libres est en pleine expansion mais
possède un certain retard sur les logiciels propriétaires, qui
ont dès lors développé des fonctions qui ne sont pas
encore abouties pour les logiciels libres. De plus, les sociétés
éditant les logiciels propriétaires disposent en
général de ressources financières plus importantes
à investir dans le développement de ces
fonctionnalités.
- Trop grand choix: le choix entre les distributions de
logiciels libres étant tellement grand qu'il est difficile de savoir
quel logiciel choisir. En effet, d'un seul projet peuvent dériver des
centaines de logiciels légèrement différents. Il n'est
dès lors pas toujours aisé de savoir quelle distribution de Linux
choisir, pour ne citer qu'un exemple.
5.4 Conclusion - Quels logiciels choisir?
Les logiciels libres semblent être un excellent choix
sur le long terme, permettant de meilleurs rendements grâce à une
interopérabilité, une fiabilité et une rentabilité
accrues. Néanmoins, avant de passer à l'Open Source, il
est peut-être préférable de s'assurer qu'une
communauté existe ou puisse exister pour soutenir ce projet. De plus,
les logiciels libres souffrent encore actuellement d'un manque de soutien et de
confiance de la part de certains acteurs importants pour l'industrie
informatique.
44
Chapitre 6
L'économie libre
6.1 Introduction à l'économie du libre
Au sein de ce chapitre, je vais parcourir avec vous le
fonctionnement de l'économie des logiciels libres. En effet, quand on
dit logiciel libre, on pense souvent à logiciel gratuit. Pourquoi alors
certaines entreprises produisent-elles de tels logiciels afin de les
distribuer? Pourquoi certaines sociétés investissent-elles dans
le développement de ces logiciels? Comment une économie peut-elle
se construire autour des logiciels libres? Il n'y a pas de réponse
unique à ces questions. Je vais donc apporter des pistes de
réponses tout au long de ce chapitre et vous ouvrir les portes d'un
monde économique nouveau.
Initialement, le monde des logiciels libres différait
énormément du monde des logiciels propriétaires du fait
que la recherche de profit n'était absolument pas l'objectif principal
parmi la communauté du libre. Tandis que les sociétés
informatiques publiaient des logiciels propriétaires créés
de manière très organisée dans le but d'engendrer des
bénéfices, les logiciels libres étaient
créés de manière volontaire, par des passionnés, et
ce sans aucune autorité centrale.
Il est tout d'abord important de faire remarquer que
l'économie du logiciel est loin de se cantonner à la simple
création d'un logiciel et à sa distribution. Une part importante
de ce système économique repose également sur les services
liés: l'installation des logiciels, les dépannages, la
maintenance, etc. De plus, ce modèle économique ne s'applique pas
uniquement aux logiciels mais est bien plus global.
6.2 Les logiciels libres et le profit économique
6.2.1 L'édition
Certaines sociétés informatiques proposent leurs
logiciels sous licence libre mais éditent également des logiciels
plus spécialisés ou plus poussés qu'ils vendent sous une
licence propriétaire afin d'en tirer un bénéfice.
D'autres sociétés d'édition de logiciels
utilisent une autre stratégie consistant à vendre le logiciel
sous licence propriétaire puis à libérer le code-source
suite à la sortie d'une nouvelle version, qui sera elle-même
vendue sous licence propriétaire.
45
Enfin, certaines entreprises créant du matériel
informatique distribuent librement le code-source de leurs pilotes, l'achat de
leur matériel étant de toute manière obligatoire pour que
ce code-source soit utile et l'activité principale de ces compagnies
n'étant pas l'édition et la vente de logiciels. Plus
généralement, on peut dire qu'il est profitable de distribuer le
code-source librement d'un produit à faible plus-value afin de tirer
bénéfice d'un produit à plus grande valeur
ajoutée.
6.2.2 La distribution
Certaines sociétés, comme Red Hat, distribuent
des systèmes d'exploitation de type Linux avec un ensemble
sélectionné de logiciels libres. Les gens leur font alors
confiance pour avoir sélectionné les logiciels qui leur
correspondent le mieux, dans la version idéale. Plus
précisément, Red Hat utilise un modèle de double licence
(Fedora/RHEL). Ainsi, la version Fedora, distribuée gratuitement, a
permis de créer une communauté et se sert de cette
communauté pour le développement et le test de la distribution
tandis que la version RHEL, distribuée avec documentation, support
technique et garantie, permet de faire des bénéfices.
Les entreprises peuvent également gagner de l'argent en
distribuant un logiciel libre par CD-ROM ou avec la documentation
correspondante par exemple.
Un critère important à prendre en compte est que
certaines sociétés parviennent à vendre des logiciels
libres parce qu'elles ne vendent pas le code-source du logiciel mais bien leur
marque. Les gens choisissent alors ces logiciels parce que la marque est un
garant de fiabilité et de sécurité. C'est d'ailleurs sur
ce principe que s'est basé Google en distribuant (gratuitement
néanmoins) Google Chrome. C'est également cette stratégie
qu'utilise le projet Arduino, développant du matériel
informatique Open Source mais ayant enregistré son nom comme
une marque déposée.
6.2.3 Les services
Une part importante de l'économie du libre tourne
autour des services informatiques. Des sociétés sont
spécialisées dans les services informatiques libres. Ces services
peuvent être une assistance technique, l'installation des logiciels
libres et l'application des mises à jour ou encore la prise en charge
des formations nécessaires à l'utilisation des logiciels
libres.
Il faut reconnaître que choisir son logiciel libre et
choisir la version de ce logiciel libre à installer est parfois loin
d'être une tâche aisée. C'est pourquoi il peut être
nécessaire de faire appel à des entreprises
spécialisées pour s'occuper de cela. Pour reprendre l'exemple de
Google Chrome, les gens sont plus tentés d'installer Google Chrome que
Chromium pour plusieurs raisons. Certes, la marque Google sert
déjà de garant de fiabilité, mais ce n'est pas tout.
Google utilise le code source de la dernière version stable de
Chromium
46
pour créer la dernière version de Google Chrome.
Cela évite donc aux utilisateurs inexpérimentés de se
retrouver avec un logiciel qui possède des fonctionnalités
n'ayant pas encore été testées et potentiellement
boguées.
6.3 L'importance des logiciels libres pour
l'économie 6.3.1 Gardien de la concurrence
Les logiciels libres sont un excellent moyen pour de nouvelles
sociétés d'édition informatique de se lancer dans les
affaires. En effet, s'il est extrêmement difficile, et donc
coûteux, de créer un logiciel complexe à partir de rien, le
modèle des logiciels libres permet d'écrire un code-source plus
modeste et de s'appuyer sur une communauté de volontaires pour
l'améliorer.
De plus, la libre distribution des logiciels libres est un
avantage de poids pour faire face aux logiciels propriétaires bien
connus et très utilisés. De fait, plus un logiciel est facile
à obtenir, plus il a de chance d'être adopté par un nombre
important d'utilisateurs.
Comme dit précédemment, certaines entreprises,
comme Google, ont compris l'im-portance des logiciels libres et les utilisent
pour diminuer les parts de marché de leurs concurrents.
6.3.2 Réduction du coût de l'innovation
Un modèle économique reposant sur les logiciels
propriétaires risque de voir apparaître énormément
de gaspillage, les développeurs devant "créer" du code qui a
peut-être déjà été écrit par quelqu'un
d'autre. Les logiciels libres permettent aux développeurs de reprendre
le travail déjà fourni précédemment, ce qui
favorise l'innovation. Il est notamment important pour les agences publiques et
les universités de développer de tels logiciels. Grâce aux
logiciels libres, un développeur peut reprendre le travail là
où il a été arrêté par les autres
développeurs et améliorer le logiciel. Pour arriver au même
résultat, les coûts liés à l'innovation sont donc
moindre que s'il avait fallu refaire l'entièreté du code.
De plus, quand un développeur publie un logiciel libre,
tout le monde peut en profiter. Ces utilisateurs vont alors améliorer le
logiciel libre, ce qui pourrait profiter au développeur original. C'est
pourquoi une société développant un logiciel pour ses
propres besoins a tout intérêt à publier le code source de
ce logiciel, qui pourrait bien se voir améliorer sans aucun frais
supplémentaires pour l'entreprise24.
24. Curtis, Keith, After the Software Wars, s.e., s.l.,
2010, p. 77
47
6.4 Le libre hors du monde logiciel 6.4.1 Le projet Ara
En octobre 2013, Google annonça son intention de
créer, sous le nom de code Ara, un smartphone modulaire. Il
s'agirait en fait d'un simple squelette métallique construit par Google
sur lequel viendraient se greffer des "modules" comme l'écran, le
clavier, la batterie, etc. Cela permettrait aux utilisateurs de remplacer
facilement les pièces défectueuses, prolongeant
l'espérance de vie du téléphone et laissant aux
utilisateurs la possibilité de personnaliser entièrement leur
appareil, que ce soit du point de vue matériel que logiciel.
Il s'agit là du premier projet de production Open
Source de téléphone, les dévelop-peurs pouvant
utiliser la plate-forme de Google pour développer leurs propres modules.
Cela devrait permettre à de petits développeurs ne disposant pas
des moyens de créer des systèmes complets rivalisant avec les
grandes marques de produire et distribuer leurs modules, augmentant la
concurrence et diminuant potentiellement le prix global du
smart-phone.
Lors de la première conférence
dédiée aux développeurs du projet Ara, qui a eu lieu ce 15
avril 2014, Google a dévoilé que le squelette en métal
serait disponible en trois versions (petit pour $ 50, moyen pour $ 100 et grand
pour $ 150) dès janvier 2015 et qu'il faudrait encore attendre
jusqu'à avril 2015 pour que la plupart des pièces
détachées soient disponibles25.
6.5 Conclusion - Le modèle économique du libre
a-t-il de l'avenir?
Suite à ce chapitre, je pense pouvoir affirmer que
l'économie du libre a une possibilité d'avenir. Cependant, ce
modèle économique est différent du modèle
propriétaire et nécessite des ajustements majeurs par rapport
à ce que nous connaissons aujourd'hui. Si ce changement peut faire peur
au départ, certains sont déjà passés au libre et
semblent très bien s'en sortir. Si les grandes entreprises informatiques
s'y mettent suffisamment vite, il me semble tout à fait envisageable
qu'elles survivent à ce qui pourrait être une révolution au
sein du monde informatique. Mais si elles ne parviennent pas à
s'adapter, l'Open Source pourrait bien faire s'effondrer les
géants que nous connaissons et permettre la naissance de multitudes de
nouvelles petites sociétés informatiques.
Enfin, ce chapitre me permet aussi de rappeler que l'Open
Source n'est pas uniquement limité aux logiciels informatiques mais
peut aussi être utilisé pour la création de
matériel, comme dans le cadre du projet Ara, ou encore dans le domaine
de l'éducation, ce qui
25. Huffington Post, Date de sortie du Google Phone (Project
Ara), 2014,
http://www.huffingt
onpost.fr/2014/04/16/project-ara-google-lancement-janvier-2015-google-phone-date-de-sortie_n_5159007.html,
consulté le 20 avril 2014
48
est d'ailleurs utilisé par le MIT, dont les cours sont
accessibles librement depuis le site Internet de l'université.
49
Chapitre 7
Conséquences pour les assistant(e)s de
direction
7.1 Introduction
Étant étudiant assistant de direction, j'ai
choisi, dans ce chapitre, de vous expliquer en quoi les logiciels libres
pourraient impacter les assistants de direction. Je n'ai pas la
prétention de vouloir vous expliquer, ni même mentionner, toutes
les conséquences que les logiciels libres pourraient avoir mais je vais
tenter d'aborder le cas le plus courant pour les assistants de direction, la
bureautique, et mettre cela en parallèle avec les études que nous
avons suivies.
Le but de ce chapitre est de déterminer si
l'utilisation de logiciels libres de bureautique par les entreprises pourrait
affecter les assistants de direction et, si oui, dans quelle mesure.
Pour cela, je compte imaginer le cas où l'entreprise
pour laquelle travaillerait un assistant de direction décidait
soudainement de remplacer MS Office 2007 ou 2010 par LibreOffice. Cela me
permettra de dégager les différents aspects utiles pour
comprendre l'impact de ces logiciels sur le personnel administratif.
7.2 Quelles sont les conséquences?
Cela dépend évidemment de plusieurs facteurs,
notamment la part de logiciels libres dans l'entreprise. Globalement, on peut
considérer que l'activité principale qui pourrait, à
l'heure actuelle, être affectée par les logiciels libres est la
bureautique. L'utilisation de logiciels libres aurait, à cet
égard, de nombreux impacts sur les assistants de direction.
Prenons notre exemple: à la Haute École de la
Province de Namur, nous avons des cours de bureautique et d'informatique
grâce auxquels nous savons utiliser Word, Excel, Access, PowerPoint,
Outlook ou encore Publisher. Tous ces logiciels de Microsoft Office, nous les
avons étudiés dans leur version 2007 ou dans leur version 2010.
J'imagine assez aisément que, parmi nous, ceux n'ayant jamais
utilisé d'autres logiciels de bureautique auront du mal à
utiliser des logiciels comme LibreOffice, à l'interface beaucoup plus
austère. Cependant, cela n'a aucun rapport avec le statut
propriétaire ou libre des logiciels. Si nous étions
habitués à utiliser LibreOffice mais pas à utiliser MS
Office, nous aurions
50
également des difficultés à changer. La
différence, c'est qu'un logiciel libre est développé afin
de servir efficacement ses utilisateurs, tandis qu'un logiciel
propriétaire a également l'objectif de fidéliser
l'utilisateur pour qu'il continue à utiliser ce logiciel.
Cela veut-il dire que l'utilisation de LibreOffice "nuirait"
aux assistants de direction? Encore une fois, je ne le pense pas! Le passage
d'Office 2003 à Office 2007 n'a certainement pas été une
partie de plaisir pour les habitués à l'ancien système. Et
pourtant, ils n'ont pas eu le choix, car Microsoft a décidé pour
eux. Cela a beaucoup moins de chance d'arriver avec les logiciels libres. Si le
passage aux logiciels libres pour les personnes habituées à
Microsoft peut être difficile, je pense que c'est une chose à
faire le plus tôt possible. L'idéal serait en tout cas que les
futurs assistants de direction apprennent à s'habituer aux logiciels
libres, quitte à apprendre davantage l'utilisation de MS Office. Cela
permettrait de rendre l'éventuel passage à l'Open Source
beaucoup plus facile. Or, ce sera bien là la seule fois où
il faudra s'adapter. Effectivement, une fois le(s) logiciel(s) Open Source
choisi(s), le risque de voir ce logiciel prendre une direction totalement
différente est minime. Imaginons que MS Office ait été un
logiciel libre. Quand Microsoft a décidé de lancer la version
2007, avec sa nouvelle interface graphique profondément modifiée
grâce à l'apparition du ruban et avec ses nouveaux formats de
documents, la communauté d'utilisateurs aurait très probablement
continué à développer une version d'Office basée
sur l'interface graphique de 2003. De plus, l'utilisation d'une version du
logiciel ou d'une autre n'aurait pas d'influence sur les documents et
relèverait donc d'un choix personnel, les documents étant tous en
formats ouverts. Par exemple, lorsque je suis arrivé sur mon lieu de
stage, EUROCONTROL, pour la première fois, mon ordinateur utilisait
Office 2003, le standard dans cette agence. Mais après quelques jours
seulement, je me suis retrouvé avec un ordinateur utilisant Office 2010,
qui allait devenir le nouveau standard dans les mois à venir. Ce
n'était pas seulement la suite Office qui changeait entre les deux
ordinateurs mais aussi le système d'exploitation, qui passait de XP
à Seven. Je n'ai personnellement pas eu de problème, étant
déjà habitué à cet OS et à Office 2010, mais
certaines personnes semblaient avoir du mal, malgré les formations
dispensées. Mais après ma "migration", comme ils appelaient cela,
j'ai dû faire face à des problèmes de compatibilité
entre les documents que je créais et les documents de mes
collaborateurs, la plupart d'entre eux utilisant toujours l'ancienne version
d'Office. Ce genre de problème ne se serait pas posé si l'agence
utilisait des logiciels libres.
D'un autre côté, je vois difficilement en quoi le
passage à l'Open Source bouleverserait entièrement le
métier d'assistant. Même si les interfaces des logiciels
propriétaires et de leurs alternatives libres sont assez
différentes, l'utilité et les capacités des logiciels ne
le sont pas tant que ça.
Pour résumer, je dirai que le passage aux logiciels
libres pourrait se révéler être un changement plus ou moins
difficile pour les personnes habituées à travailler avec MS
Office,
7.3 Conclusion
51
ce qui pourrait nécessiter des formations de la part
des entreprises adoptant l'Open Source. Mais, une fois les
utilisateurs habitués à l'Open Source, les avantages du
modèle libre se feraient ressentir et garantiraient une utilisation sur
le long terme, un logiciel libre, même abandonné par sa
société de développement initiale, se voyant
généralement toujours soutenu par sa communauté
d'utilisateurs. Sur le court terme, le passage au libre est donc synonyme de
changement brutal mais, sur le long terme, il est le garant d'une plus grande
continuité et stabilité. Les logiciels libres pourraient donc
bien affecter les assistants de direction mais pas, à eux seuls,
provoquer de "révolution" dans ce métier. De plus, les
conséquences les moins positives sont principalement dues au changement
de logiciel, pas au fait que le nouveau logiciel soit libre.
52
Chapitre 8
Avenir du logiciel libre
8.1 Introduction à l'avenir du libre
Tout au long de ce travail, je vous ai montré les
différentes raisons qui pourraient nous pousser, nous, utilisateurs,
à préférer, ou pas, les logiciels libres ainsi que les
raisons qui pourraient pousser les entreprises à développer de
tels logiciels ou à préférer les logiciels
propriétaires. Dans la conclusion du chapitre 6, je déclarais que
le modèle économique du libre était, d'après moi,
viable, mais je vais à présent résumer les perspectives
d'avenir du logiciel libre.
8.2 L'offre pour répondre à la demande
Les utilisateurs chercheront toujours les logiciels les plus
performants aux prix les plus bas. Or, comme je vous l'ai
précédemment expliqué, les coûts de production d'un
logiciel libre sont répartis au sein de la communauté de
développeurs plutôt que payés par une seule entité
et les coût d'acquisition seront dès lors inévitablement
plus faibles que les coûts de production d'un logiciel
propriétaire. Pour cette raison, il y aura toujours une demande
théoriquement infinie pour les logiciels libres et, suivant la loi de
l'offre et de la demande, il se créera une offre tendant vers l'infini
26.
Ainsi, même si les grandes compagnies jugeaient que les
logiciels libres n'étaient pas assez rentables, il y aurait toujours des
communautés de volontaires qui se feraient et qui créeraient des
logiciels libres. Cette situation, qui a été celle des logiciels
libres à leur création, n'est tout de même pas
idéale puisqu'elle laisse les logiciels libres dans une position
d'outsider.
Si j'applique cette loi de l'offre et de la demande en ne
considérant plus uniquement que les clients particuliers mais
également les entreprises, j'arrive toutefois à la conclusion que
les grandes entreprises de tous les secteurs, qui ont toujours besoin d'outils
informatiques, formeront également des clients pour les logiciels libres
et préféreront ces logiciels aux logiciels propriétaires.
Ainsi, il est fort probable que le monde du libre obtiendra toujours le soutien
de certaines entreprises qui verront l'intérêt qu'il y a à
investir dans les communautés de logiciels libres afin d'utiliser par la
suite leurs logiciels à moindre coûts.
26. Curtis, Keith, After the Software Wars, s.e., s.l.,
2010, p. 80
53
8.3 Un secteur des services plus efficace
Comme vu précédemment, les services
informatiques forment une source de revenus majeure pour le monde du libre. Les
services informatiques existent également avec les logiciels
propriétaires mais ce modèle peut être largement
étendu grâce aux logiciels libres. Tandis que seules les
entreprises possédant le code source d'un logiciel propriétaire
sont parfaitement à même de proposer leurs services, n'importe qui
peut proposer ses services pour le cas d'un logiciel libre, tout le monde
pouvant étudier le code source de tels logiciels.
Pour ces raisons, je suis convaincu que l'Open Source
a un bel avenir devant lui, même s'il souffre encore trop souvent
d'un manque de confiance de la part d'utilisateurs et de développeurs
potentiels et s'il est encore trop méconnu. De plus, pour l'instant, les
grandes entreprises informatiques parviennent souvent encore à conserver
leurs clients principaux grâce à un lobbying très
actif.
Troisième partie
Partie pratique
55
Chapitre 9
Introduction à la pratique
Maintenant que je vous ai fait part de la théorie
concernant les logiciels libres en entreprise, je peux enfin passer à un
cas des plus concrets. Tout au long de cette partie, je vais vous montrer ce
qu'il en est des logiciels libres dans l'entreprise où j'ai
réalisé mon stage: EUROCONTROL, une agence intergouvernementale
composée d'États membres venant principalement de la
région européenne, y compris, depuis 2002, la Commission
européenne. Le rôle de cette entreprise est d'aider ses
États membres à assurer des opérations aériennes
sûres sur l'espace européen. À cette fin, EUROCONTROL prend
entre autre part à la gestion du trafic aérien (ATM), à la
coopération entre États, à la coopération entre
aviation civile et aviation militaire, à la gestion des taxes
aériennes et à la recherche dans le domaine de la gestion du
trafic aérien.
Lorsque j'ai commencé à penser au sujet qui nous
occupe en ce moment, je me suis dit que je pourrais étudier les
possibilités d'utilisation des logiciels libres à EUROCONTROL,
qui me semblait entièrement plongé dans le monde privateur. Mais
après quelques recherches sur le site de l'agence, quelle ne fut pas ma
surprise lorsque je découvris qu'une étude avait
été menée, en partie par EUROCONTROL, pour
déterminer les possibilités d'utiliser des logiciels Open
Source pour l'ATM. Pourtant, après cette étude, il n'y avait
plus de mention officielle aux logiciels libres par l'agence. Je vais donc
partir des conclusions de cette étude pour voir si elles sont toujours
valables aujourd'hui. Je tenterai aussi, par cette partie, de répondre
à une question qui m'est venue à l'esprit dès que j'ai eu
fini de lire le rapport d'EUROCONTROL sur les logiciels libres: pourquoi se
pencher sur les logiciels libres dans un domaine aussi particulier que l'ATM
tandis que des tâches comme l'administration et la bureautique restent
liées aux logiciels propriétaires? Le dernier chapitre de cette
partie pratique sera consacré à l'étude du cas des
progiciels* de gestion intégrés (ERP) au sein d'EUROCONTROL. Ces
suites de logiciels très complètes et complexes sont d'une
importance cruciale pour les entreprises et j'aimerais découvrir la
possibilité d'utiliser du code libre dans ce domaine dominé par
des géants comme Oracle ou SAP*. J'ai pu bénéficier, pour
m'aider à répondre à toutes ces questions, de l'aide de
MM. Marc Bourgois et Jean-Luc Hardy, qui ont fait partie des organisateurs du
projet OSIFE, de M. Jean-Marc Duflot, expert en ATM et en Open Source,
et M. Marc Wauters, architecte logiciel à l'agence.
27. Bourgois, Marc et al., Potential of Open Source
Software for Air Traffic Management, s.e., s.l., 2006, p. 75
56
Chapitre 10
L'Open Source et l'ATM
10.1 Le rapport du projet OSIFE
Le projet OSIFE est une étude demandée par
EUROCONTROL en 2005 pour déterminer le potentiel des logiciels libres
concernant l'ATM. Pour réaliser cette étude, l'agence a fait
appel à des experts extérieurs travaillant pour plusieurs
organismes comme Philips*, l'Université de Cambridge ou encore AdaCore
Inc*.
En décembre 2005, le rapport concluait que les
logiciels libres étaient déjà, au moins partiellement,
présents dans la plupart des entreprises, certains logiciels
propriétaires utilisant de toute manière du code source provenant
de logiciels libres. EUROCONTROL remarquait également que beaucoup de
personnes ne savaient pas réellement à quoi correspondait le
terme de logiciel libre et le confondait souvent avec le terme de gratuiciel
(freeware en anglais). Le rapport soutenait aussi que les licences
libres ne seraient pas un frein pour l'utilisation de logiciels Open Source
par EUROCONTROL mais que le grand nombre de licences libres, bien
qu'étant une bonne chose car garantissant qu'il existera des licences
répondant aux besoins de chaque éventuel projet, était
effrayant pour les personnes ne possédant pas des connaissances
approfondies en droit et pouvait être déroutant. Une des
principales forces de l'Open Source dégagée par
EUROCONTROL était le soutien d'une grande communauté de
développeurs mais cette force semblait être moindre dans le
domaine de l'ATM, qui ne suscite manifestement pas suffisamment
d'in-térêt chez les développeurs. Cela me semble finalement
être la principale raison, en plus d'une autre remarque faite par le
rapport concernant l'absence d'expériences d'utilisa-tion de logiciels
libres dans des domaines critiques, au fait qu'EUROCONTROL n'a pas, depuis
lors, adopté les logiciels libres en grand nombre.
Pour résumer, voici les affirmations du projet
OSIFE27 que je vais reprendre pour la suite de mon travail:
1. Les logiciels libres sont une réalité pour
toutes les entreprises, dans tous les domaines;
2. Les licences ne sont pas un problème;
3. Les logiciels libres ont besoin de communautés
actives pour les soutenir, ce qui n'est pas le cas du secteur de l'ATM;
28. BAE Systems, Newsroom - BAE Systems, 2014,
http://www.baesystems.com/news-&-features-rzz/news?_afrLoop=915450659628000,
consulté le 8 avril 2014
57
4. Les logiciels libres permettent de créer de la
valeur ajoutée et ne changeraient pas réellement le commerce des
entreprises proposant des solutions pour l'ATM;
5. Il n'y a pas d'expériences d'utilisation de
logiciels libres dans des domaines critiques.
10.2 L'enjeu de l'Open Source pour l'ATM
Si la gestion du trafic aérien a, jusqu'à
présent, souffert d'une structure très fragmentée
reflétant la complexité géopolitique de l'Europe, la
tendance est de nos jours à l'harmonisation et à la
coopération. Le but du projet Single European Sky est
d'ailleurs d'harmoniser l'ATM européen au maximum pour en
accroître l'efficacité tout en réduisant les coûts
liés. Dans un tel contexte, il est inconcevable de ne pas partager ses
connaissances avec les autres. Les différents acteurs de l'ATM devront
de plus en plus travailler ensemble et partager leurs savoirs.
Depuis la naissance de l'ATM, la fragmentation et le
caractère propriétaire de ce secteur a poussé ses acteurs
à réaliser des travaux peu productifs qui étaient, dans de
nombreux cas, les mêmes travaux que leurs voisins réalisaient
également. Ces vains efforts pourraient être arrêtés
de nos jours grâce au modèle libre, qui permettrait aux
différentes compagnies de travailler ensembles sur un projet commun et
d'en tirer les bénéfices par après. La réalisation
collaborative d'un projet unique à la place de la réalisation
individuelle de multitudes de projets permettrait une économie de temps
et de ressources qui pourraient alors être employées pour des
projets avec plus de valeur-ajoutée. Si, de nos jours, les entreprises
impliquées dans l'ATM utilisent déjà plusieurs logiciels
Open Source, les centres de contrôle du trafic aérien
(ATC) utilisant par exemple depuis longtemps Linux, elles n'investissent
toujours pas dans le développement de solutions libres.
10.3 Les principaux freins à l'Open Source en ATM
10.3.1 La crainte d'être volé
Le secteur de l'ATM est un secteur extrêmement
conservateur pour lequel la seule manière de travailler est de conserver
tout caché afin de ne pas voir les technologies être
dérobées. Cependant, collaborer avec d'autres experts dans leur
domaine permettrait vraisemblablement un meilleur rendement. Une plus grande
collaboration entre entreprises permettrait également de pouvoir
réduire les budgets liés à la protection du savoir. Selon
un sondage de BAE Systems* 28, 47 % des entreprises
américaines craignent plus que tout un vol de leurs
propriétés intellectuelles et 60 % des entreprises sondées
ont augmenté de manière conséquente le budget lié
à la sûreté informatique suite à une vague de
cyberattaques en décembre 2013 et janvier 2014.
58
10.3.2 L'Open Source n'est pas professionnel
Pour beaucoup de sociétés encore, les logiciels
libres sont des logiciels créés par des geeks dans le
fond de leur garage. Ces logiciels sont donc de mauvaise qualité et
présentent des failles de sécurité incompatibles avec les
besoins très stricts en matière de fiabilité et de
sécurité pour un domaine comme le contrôle aérien.
Ces idées préconçues sont toutefois entièrement
fausses et, pour reprendre les mots de M. Jean-Marc Duflot:
"Quand on voit un gars arriver en Ferrari pour nous parler
d'Open Source, on se dit que c'est sorti du garage/"
Il faut savoir que, contrairement à ce que pensent
beaucoup de personnes, les projets libres sont très structurés et
organisés. Le fait qu'un logiciel soit produit en se basant sur la
collaboration ne veut pas dire que n'importe qui peut y faire n'importe quoi.
Dans la communauté Open Source, les nouveaux sont exclus de la
participation aux gros projets jusqu'à ce qu'ils aient pu
démontrer leurs capacités et tout est toujours scrupuleusement
surveillé afin de ne laisser passer aucune faille.
10.3.3 On ne peut gagner de l'argent avec le
modèle libre
Beaucoup de personnes voient encore les logiciels libres
développés par des amateurs bénévoles mais les
choses ont changé. Même s'il y a certainement toujours autant de
bénévoles qu'auparavant, plus des trois-quarts des logiciels
libres sont aujourd'hui développés par des professionnels
payés par de grandes sociétés informatiques comme IBM.
Cela leur permet de réduire les coûts initiaux de
l'investissement. Comme expliqué dans la théorie, les
sociétés distribuant les logiciels augmentent leurs
bénéfices en réduisant les coûts de production mais
aussi en vendant plus. Même si, ce qui n'est pas obligatoire, la
société distribue gratuitement le produit
développé, elle sera en position dominante pour fournir des
services payants concernant ce produit grâce à l'expertise acquise
durant la phase de production et développement.
10.3.4 L'Open Source n'est pas sûr
Comme je l'ai déjà fait remarquer à
plusieurs reprises, beaucoup de personnes voient les logiciels libres comme des
logiciels créés par des amateurs d'informatique
bénévoles. Outre l'image peu reluisante de ces logiciels, cela
pose aussi, pour ces personnes, un soucis de sécurité du
logiciel. En effet, ces logiciels sont très certainement remplis
d'erreurs de programmation et de failles que des professionnels auraient
corrigées immédiatement. En fait, c'est totalement l'inverse.
Même dans le cas, loin d'être obligatoire dans le monde libre,
où un logiciel serait uniquement développé par des
bénévoles, la disponibilité du code source permet toujours
d'augmenter les chances de déceler ces erreurs et des les corriger. On
appelle ce principe la Loi de Linus29, selon laquelle les
problèmes d'un code
29. Raymond, Eric S., La cathédrale et le bazar, s.e.,
s.l., 1998, p. 5
FIGURE 12.1 - Explication de la faille Heartbleed.
Source: xkcd, xkcd: Heartbleed Explanation, 2014,
http://xkcd.com/1354/,
consulté le 17 avril 2014
59
sont corrigés plus rapidement et plus efficacement s'il
existe un nombre de testeurs et de développeurs le plus grand possible.
En effet, il paraît logique d'affirmer qu'un code source ouvert à
tout le monde sera soumis à plus d'inspections qu'un code fermé,
qui ne peut être revu que par quelques dizaines d'informaticiens.
Le cas d'Heartbleed
OpenSSL* est un outil de chiffrement Open Source
très répandu, notamment pour la sécurité sur
Internet et pour le chiffrement des emails et des messageries
instantanées. Le 1e avril 2014, une équipe de
sécurité de Google aurait informé l'équipe de
développement d'OpenSSL de l'existence d'une faille très
importante au sein du code source de cet outil. Cette faille, due à une
erreur de programmation, permet de lire des données transmises à
OpenSSL. Le 2 avril, la société de sécurité
informatique Codenomicon* découvre également cette faille de
manière totalement indépendante. Le lendemain, Codenomicon alerte
le centre national de sécurité informatique finlandais au sujet
de cette faille 30. Enfin, le 7 avril, l'existence du bug,
appelé Heartbleed, est dévoilée au public en
même temps que la nouvelle version d'OpenSSL, corrigeant la faille.
Le problème avec cette faille est que la version du
logiciel posant problème est utilisée depuis mars 2012. Ainsi,
cela fait longtemps que des malfaiteurs peuvent avoir découvert ce
problème et s'en être servi pour récupérer des
données confidentielles comme des mots de passe ou des données
bancaires. Cette terrible faille bouleverse fortement la foi envers le
modèle libre! Pourquoi a-t-il fallu deux ans pour découvrir une
faille alors que les logiciels libres sont censés être plus
sécurisés? Le modèle libre doit-il être remis en
question? Je ne pense pas, et ce n'est pas non plus l'avis de Simon
Phipps31. Tout d'abord parce que cette faille est due à un
simple oubli de la part d'un programmateur d'OpenSSL qui est passée
inaperçue lors de la révision qui se fait avant publication du
code. Cela aurait donc très bien pu arriver avec un logiciel
propriétaire. La différence, c'est que Google et Codenomicon
n'auraient peut-être pas découverts cette faille s'ils n'avaient
pas eu accès au code et que, même si quelqu'un avait
découvert le problème, il est possible que personne n'en aurait
jamais entendu parler et que l'éditeur aurait simplement attendu la
publication de la version suivante pour corriger le problème. Tandis que
dans ce cas-ci, l'erreur a été corrigée rapidement et la
nouvelle version a été publiée immédiatement pour
limiter les risques de fuites de données. Heartbleed provient
d'une fonctionnalité d'OpenSSL permettant à un utilisateur
d'envoyer une requête à un serveur, qui doit répondre s'il
est actif.
Comme vous pouvez le voir dans l'illustration au verso de la
page précédente, l'utilisa-teur envoie une requête en
précisant la taille de la réponse, normalement pour des raisons
de sécurité, mais peut demander à ce que le serveur
transmette plus de données que la
30. The Sydney Morning Herald, Heartbleed disclosure
timeline, 2014,
http://www.smh.com.au/it-pro/security-it/heartbleed-disclosure-timeline-who-knew-what-and-when-20140415-zqurk.html,
consulté le 17 avril 2014
31. Informaticien ayant travaillé pour IBM puis pour
Sun Microsystems, poussant Sun à publier la plupart de ses logiciels en
Open Source, et étant actuellement directeur de l'OSI
Deuxièmement, OpenSSL est un service qui est, comme je
l'ai déjà dit, extrêmement
60
réponse, ce qui pourrait potentiellement
dévoiler les données conservées en mémoire par
OpenSSL, comme des mots de passe.
Voici la partie du code principalement responsable de cette
faiblesse:
hbtype = *p++; n2s(p, payload); pl = p;
Dans ce code, p peut être vu comme la requête
initiale. La première ligne permet de récupérer le type de
message (requête ou réponse). La deuxième ligne est une
fonction permettant de récupérer la longueur, qui est
affectée à la variable payload. La dernière ligne affecte
finalement les données restantes à la variable pl, qui contient
l'information réellement demandée. Jamais dans ce code, on ne
vérifie que la longueur demandée est bien la longueur
réelle de l'information! Désormais, un correctif a
été appliqué à ce code:
if (1 + 2 + 16 > s->s3->rrec.length)
return 0; /* silently discard */
hbtype = *p++;
n2s(p, payload);
if (1 + 2 + payload + 16 > s->s3->rrec.length)
return 0; /* silently discard per RFC 6520 sec. 4 */
pl = p;
Cette nouvelle version du code vérifie tout d'abord que
l'utilisateur ne transmet pas une requête vide (tout en demandant un
réponse d'une certaine taille). Ensuite, ce correctif vérifie que
la longueur réelle de la requête n'est pas plus petite que la
longueur précisée par l'utilisateur. Comme vous pouvez le voir,
il ne fallait pas grand chose pour corriger cette erreur, qui est
vraisemblablement une simple erreur de distraction de la part du
développeur de ces lignes de codes.
Toutefois, il est étrange qu'il ait fallu tant de temps
pour que quelqu'un découvre (ou en tout cas dévoile) cette
faille. On peut là voir deux problèmes pratiques importants ayant
permis ce problème de sécurité informatique.
Premièrement, les experts en informatique s'accordent
généralement pour dire que le modèle libre permet des
logiciels plus sûrs car le nombre important de personnes ayant
accès au code augmente les chances de trouver les failles.
Néanmoins, si les gens aiment parfois profiter de ce modèle, y
contribuer est autre chose. Ainsi, les utilisateurs considèrent souvent
que le logiciel est plus sûr parce qu'il est libre mais c'est faux, dans
la pratique. La vérité est qu'un logiciel libre peut être
plus sûr, pour peu que les utilisateurs vérifient effectivement le
code source. Évidemment, je ne parle pas de tous les utilisateurs lambda
du logiciel. Mais ce logiciel est utilisé par énormément
de sites Internet, par les banques, par de grandes sociétés qui
disposent d'experts en informatique... Ces experts ont-ils seulement
vérifié le code source? Aujourd'hui, je me permets d'en
douter!
61
répandu et est, évidemment une application
critique, d'une importance capitale pour la sécurité
informatique. Pourtant, le budget de ce projet, obtenu sur base de dons, est
extrêmement faible. Il me semble paradoxal que tant de
sociétés utilisent OpenSSL et que si peu soutiennent ce projet.
Trouvez-vous normal que des entreprises, comme les banques, qui utilisent cet
outil, n'investissent pas pour assurer sa fiabilité? D'après moi,
cela démontre l'importance du modèle double-licences
utilisé par Red Hat. Le code source d'OpenSSL devrait être ouvert
pour permettre de bénéficier des avantages du libre mais il
devrait exister une version payante fournie avec support et documentation afin
d'assurer un certain budget au projet, qui pourrait alors payer des
informaticiens supplémentaires pour vérifier le code source avant
publication. Une chose est certaine, les gens attendent
énormément du mouvement Open Source mais ce mouvement ne
dispose pas du soutien nécessaire pour répondre à la
demande. C'est pourquoi il est d'autant plus important d'augmenter le soutien
envers l'Open Source.
Pour terminer cette parenthèse sur ce fait
d'actualité, je tiens à signaler que, comme me l'a fait remarquer
M. Duflot, si cette faille avait été exploitée, et bien
que cela ne laisserait pas de trace "informatique", les entreprises utilisant
OpenSSL se seraient certainement rendues compte beaucoup plus tôt que des
données avaient été volées et utilisées et
auraient cherché, et trouvé, cette faille très vite. De
plus, il est très difficile de dire quel type d'informations cette
faille pourrait avoir effectivement laissé passer.
10.4 La création d'une communauté Open
Source en ATM
Après la fin du projet OSIFE, la société
Skysoft-ATM* a décidé de mettre sur pied une communauté
Open Source, la communauté Albatross. Cette communauté
développe et propose des versions libres des produits de Skysoft. En
2009, Skysoft produisait également une étude, nommée
Surveillance Products and Open Source Software (SPOSS), pour le compte
d'EUROCONTROL afin d'étudier à nouveau le cas de l'Open
Source en ATM. Cette étude m'a semblé beaucoup plus
optimiste quant à la possibilité d'utilisation d'OSS en ATM que
le rapport du projet OSIFE et pourtant, en 2014, EUROCONTROL ne
développe toujours pas de logiciel libre d'ATM. C'est toutefois suite
à l'étude SPOSS que la communauté Albatross a
été créée.
La première option étudiée a
été d'héberger le projet sur la plate-forme de la
Commission européenne appelée Open Source Observatory and
Repository (OSOR), qui avait pour but d'aider à la distribution de
logiciels développés par les institutions européennes.
Cependant, pour une question d'image, il a plutôt été
décidé d'utiliser une forge spécifique à l'ATM:
Albatross.
Albatross ayant été fondée et
étant gouvernée par Skysoft, les autres sociétés
développant des logiciels ATM n'ont aucune envie d'investir dans cette
communauté. En effet, tout investissement dans un projet Open Source
d'Albatross pourrait être réutilisé par
62
Skysoft. Ce problème fait perdre toute
crédibilité à la communauté Albatross, qui n'a
manifestement que peu de chances, dans l'état actuel des choses, de
s'imposer suffisamment que pour permettre le développement de projets
Open Source rentables de grande envergure.
10.5 Les projets concrets
10.5.1 Albatross Display
FIGURE 10.1 - Aperçu d'Albatross Display. Source:
Albatross, Albatross Display, 2014,
http://www.al
batross.aero/projects/projects-list/project-details.php?p=NA==&s=TGVhcm5Nb3Jl,
consulté le 8 avril 2014
Albatross Display* est une interface humain-machine (HMI) de
contrôle aérien (ATC) développée par la
communauté Albatross. Il s'agit donc d'une interface graphique pour
visualiser la position et la direction des avions en temps réel. La
version professionnelle de cet OSS a été choisie en 2011 par
Slovenia Control* comme logiciel ATC afin de pouvoir avoir, plus facilement,
une influence directe sur l'adaptation du produit à leurs besoins.
63
10.5.2 NoGoZone
FIGURE 10.2 - Aperçu de la fenêtre de vitesse et
d'altitude avec conflits. Source: Source Forge,
NoGo-Zone, 2014,
http://sourceforge.net/projects/nogozone/,
consulté le 8 avril 2014
NoGoZone* est un outil permettant aux contrôleurs
aériens de résoudre les conflits de trajectoires et ainsi
éviter des collisions entre aéronefs. Cet algorithme a
été développé dans les années 1990 à
EUROCONTROL et est devenu un projet Open Source en 2007 en tant que
mise en pratique du projet OSIFE.
10.6 La création d'un projet OSS
Dans cette section, je vais étudier comment mettre sur
pied un projet Open Source, principalement dans le monde de l'ATM, en
me basant sur les études réalisées à ce sujet,
notamment l'étude SPOSS.
Avant toute chose, il paraît évident qu'il faut
mettre sur pied les fondements du projet, le délimiter et
déterminer comment il va être géré. Dans le monde
libre, il existe plusieurs manières de gérer la
propriété du logiciel. Ce logiciel peut notamment être la
propriété d'une société privée, d'une
société publique, d'une organisation Open Source ou
d'une communauté d'utilisateurs. Le cas d'une société
privée existe déjà puisque c'est le cas de la
communauté Albatross, qui est en fait un projet de Skysoft-ATM. Comme je
vous l'ai déjà expliqué, ce modèle est peu
efficace. La possession du projet par une communauté d'utilisateurs
serait problématique dans le cas de l'ATM pour plusieurs raisons.
D'abord, ce type de communauté est peu stable et est sujette à
une fragmentation du projet, ce qui serait l'opposé de l'objectif
recherché. De plus, l'ATM ne pourrait disposer d'une communauté
très large étant donné le nombre réduit
d'utilisateurs dans ce secteur. Les projets dirigés par des associations
Open Source sont souvent efficaces mais, encore une fois, le secteur
ATM est trop particulier et les fondations libres n'auraient ni la
motivation,
64
ni les compétences de diriger un tel projet. Restent
donc les sociétés publiques. Il est inconcevable de penser
à un organisme public national car cela augmenterait encore la
fragmentation de l'ATM international. Il faut donc un organisme plus global,
mais pas trop. En effet, faire appel à un organisme mondial serait
irréaliste étant donné que les besoins actuels en
matière d'ATM ne sont pas les mêmes partout dans le monde et qu'il
n'existe, de toute manière, aucun organisme capable de gérer
l'ATM au niveau mondial. C'est donc à l'échelle continentale
qu'il faudrait regarder, et c'est là qu'intervient l'agence. Cet
organisme européen est, d'après moi, extrêmement bien
placé pour superviser un projet libre d'ATM visant à une
harmonisation du secteur. Même si EUROCONTROL n'a pas pour vocation de
réaliser des bénéfices par l'édition et la
distribution de logiciel, il est de l'intérêt de l'agence de voir
les meilleurs logiciels être développés aux prix les plus
bas.
Puisque je pense qu'EUROCONTROL est l'entreprise la mieux
placée pour gérer un projet Open Source, il serait du
devoir de l'agence de s'assurer que tout code source utilisé est bien en
règle au niveau des droits de propriété intellectuelle.
Ensuite, il faut déterminer un modèle commercial. Le
modèle le mieux adapté, d'après les études
réalisées pour EUROCONTROL, serait le modèle de
double-licence. Selon ce modèle, une version du logiciel serait libre et
l'autre serait une version propriétaire fournie avec les services en
échange d'une cotisation annuelle, qui ne seraient pas des
bénéfices mais un recouvrement des coûts d'investissements.
C'est sur ce modèle que fonctionnent de nombreux projets Open Source
à succès comme Red Hat.
Le modèle de double-licence repose sur l'existence
d'une version libre du logiciel, accessible gratuitement et librement dans un
but de développement - contrôlé par le responsable du
projet - et de test, et d'une version propriétaire assemblée
à partir du code source de la version libre par le distributeur du
projet. Cette version doit absolument être suffisamment documentée
et être parfaitement stable, ce qui implique qu'elle doit avoir
été rigoureusement testée par la communauté et
finalement approuvée par le responsable du projet. Cette version
propriétaire peut alors être distribuée suivant un principe
d'abonne-ment reprenant l'accès au logiciel, le support technique, la
maintenance et les formations. Dans le cas d'EUROCONTROL, cet abonnement
pourrait simplement être l'ensemble des cotisations versées par
les différents États membres. La licence idéale pour
appliquer ce modèle économique à EUROCONTROL serait la
LGPL, forçant toute version du logiciel à rester libre tout en
permettant l'utilisation du code source avec du code source
propriétaire. Il serait donc possible d'utiliser ce code source libre au
sein d'un logiciel propriétaire. En clair, nous aurions le schéma
suivant:
-- EUROCONTROL conserve tous les droits intellectuels, dirige
le projet et décide de la stratégie à adopter;
-- Les contributeurs approuvés du projet participent au
développement du logiciel; -- La communauté développe le
projet sous licence LGPL (partie publique de la forge);
-- Le produit, sous licence LGPL mais accompagné de
conditions générales d'utili-sation, est testé et la
documentation destinée aux utilisateurs est écrite (partie
65
restreinte de la forge);
-- EUROCONTROL distribue le produit sous forme
d'exécutables accompagnés de la documentation.
Il peut être intéressant de remarquer qu'à
l'heure actuelle, EUROCONTROL utilise déjà un schéma
relativement similaire, tout en étant le seul contributeur au projet.
Effectivement, EUROCONTROL fait appel à des interventions externes en
laissant, dans certains cas, les utilisateurs du futur produit
déterminer la stratégie, ou encore en utilisant ces utilisateurs
pour tester les produits. Dans l'état actuel des choses, si ce
modèle Open Source se mettait en place, EUROCONTROL serait le
seul développeur, impliquant des coûts maximaux pour un projet
libre. D'après les estimations réalisées lors de
l'étude SPOSS, il faudrait compter € 100 000 pour créer une
forge interne, € 50 000 pour ouvrir cette forge et € 20 000 par an
pour soutenir cette forge. Ces coûts seraient toutefois compensés
par les abonnements annuels payés par les utilisateurs des logiciels. De
plus, comme pour tout projet libre, l'augmentation du nombre de fournisseurs
permettrait de réaliser des économies grâce à une
baisse des prix de vente et de maintenance.
En résumé, EUROCONTROL s'intéresse aux
logiciels libres mais il reste encore une certaine méfiance
vis-à-vis de ces logiciels et de ce modèle économique.
L'utilisation de logiciels Open Source n'est pas un problème,
les serveurs d'EUROCONTROL étant des serveurs Linux depuis de nombreuses
années, mais le développement de logiciels suivant ce
modèle ne fait toujours pas l'unanimité. Au site de Maastricht,
s'occupant du contrôle aérien, Linux est très
utilisé et, dans un rapport de 2008, l'agence concluait qu'il n'y avait
pas de problèmes de sécurité liés à Linux,
que le risque d'erreurs critiques lié à l'utilisa-tion de Linux
sur plusieurs sous-systèmes était très faible, et que le
niveau d'expertise concernant Linux était déjà très
élevé au sein d'EUROCONTROL. Dès lors, le rapport
recommandait au centre de Maastricht de limiter l'utilisation de versions
"Entreprise" de Linux avec un support permanent et de profiter de l'expertise
présente au sein de l'agence pour créer une cellule de support
interne.
10.7 Pourquoi pas la bureautique?
Je vais terminer ce chapitre en tentant d'apporter une
réponse à cette question qui m'est tout de suite venue à
l'esprit, à savoir pourquoi s'intéresser aux OSS en ATM alors que
les ordinateurs des services de support (administration, services financiers,
gestion des ressources humaines, etc.) fonctionnent sous Windows avec la suite
propriétaire MS Office. Quand je suis arrivé, en février
2014, les ordinateurs tournaient toujours sur Windows XP, dont le support
allait toutefois s'arrêter le 8 avril 2014, avec MS Office 2003. La
migration des ordinateurs vers Windows 7 avec Office 2010 était
toutefois déjà prévue et avait commencé dans
certains services. Pourtant, un mémo datant de 2010 demandait à
ce que la piste des OSS soit envisagée dans ce domaine, ce qui
permettrait de réduire les coûts de licences de € 2 000 000
à € 2 500 000 par an. Plus précisément, le coût
total de possession (TCO) d'un ordinateur était évalué
à € 930 et, selon ce mémo, le passage aux OSS aurait
66
permis des économies de € 630 à € 830 par
machine par an32!
Tout d'abord, je vais me pencher sur le cas du système
d'exploitation. Je pense que passer à une distribution Linux aurait
été relativement difficile pour l'agence pour la simple et bonne
raison que, comme nous le verrons dans le chapitre suivant, EUROCONTROL utilise
un nombre important de logiciels privateurs provenant d'éditeurs
différents. Or, il est relativement peu probable que tous ces logiciels
existent en version Linux, la communauté des utilisateurs Linux
étant généralement plus intéressée par les
solutions libres et les éditeurs propriétaires n'ayant par
conséquent pas d'intérêts majeurs à investir dans un
développement sur Linux. Pour changer d'OS en passant de Windows
à Linux, il aurait fallu qu'EUROCONTROL réalise une étude
concernant la plupart de ses logiciels. Cependant, une telle étude a
également dû être menée, certainement moins en
profondeur, pour la migration à Windows 7 afin de tester la
compatibilité du nouvel OS. Toutefois, je pense qu'il est vraiment
dommage que l'agence soit ainsi passée à Windows 7.
Effectivement, de nombreux utilisateurs d'XP n'ont pas du tout
apprécié ce changement de système, pourtant rendu
obligatoire par l'arrêt du support. Passer à une distribution
comme Li-nux Mint aurait certainement pu satisfaire beaucoup mieux les
utilisateurs. L'interface de Linux Mint est relativement proche de celle d'XP
et est extrêmement personnalisable. Ainsi, il existe des thèmes
pour cette distribution permettant de lui donner parfaitement l'apparence de
Windows XP, de Windows 7 ou encore de Mac OS X. Cela aurait permis aux
utilisateurs de Windows XP de ne pas être trop perturbés par ce
changement tout en permettant aux personnes habituées à utiliser
Windows 7 ou Mac chez eux de travailler sans perdre leurs repères. De
plus, Mint est réputé pour sa compatibilité avec les
fonctionnalités multimédia (il reconnaît plus de formats
que Windows et a moins souvent besoin de pilotes supplémentaires pour
faire fonctionner des périphériques comme les imprimantes ou les
clés USB), sa fiabilité et ses performances supérieures
à Windows. Malheureusement, il n'existe à l'heure actuelle aucune
version "Entreprise" de Linux Mint. Bien sûr, il aurait été
tout à fait envisageable pour l'agence de lancer un appel d'offres aux
SSLL afin de voir si certaines d'entre elles ne seraient pas prêtes
à s'occuper de l'installation et des mises à niveau de Linux
Mint... EUROCONTROL a néanmoins visiblement choisi la voie la plus
facile en migrant simplement à Windows 7, dont le support standard
s'arrê-tera déjà le 13 janvier 2015 et dont le support
étendu est prévu jusqu'au 14 janvier 2020. Même s'il
s'agissait de la voie la plus facile, la migration vers Windows 7 s'est
avérée être plus difficile que prévue. Ainsi, le
projet a été fortement retardé suite à un ensemble
de difficultés techniques. Alors que tous les ordinateurs devaient
initialement être migrés pour fin 2013, la migration n'a
réellement démarré à grande échelle
qu'à partir de février 2014 et le nombre d'ordinateurs
migrés par mois était beaucoup plus faible que prévu. Cela
a par ailleurs contraint EUROCONTROL à payer Microsoft pour
bénéficier d'une prolongation de support. De plus, il existait
encore des problèmes de compatibilité entre Windows et certains
logiciels utilisés par l'agence. Ainsi, alors que je devais utiliser un
système de gestion de contenu pour préparer des réunions,
j'ai appris que l'agence ne possédait pas les licences pour la version
supportée par Windows 7, m'empêchant de préparer
32. Cramet, Benjamin et al., OSS for Desktops - Alternative
Study Report, s.e., s.l., 2009, p. 4
67
ces réunions, en tout cas à partir de mon
ordinateur. Apprenant ce problème, le chef de l'équipe
Procurement, pour qui je devais préparer les réunions, a
bloqué le processus de migration pour les membres de son équipe
afin de ne pas mettre en péril tout le processus de passation de
marchés.
En ce qui concerne la suite bureautique en elle-même, le
fait d'être resté à MS est pour moi beaucoup plus
étonnant que la migration à Windows 7. En effet, il n'y a, a
priori, aucun risque de problèmes de compatibilité entre les
logiciels tiers utilisés par l'agence et LibreOffice, qui serait la
solution que je conseillerais pour remplacer MS; les utilisateurs
habitués à Office 2003, utilisé par l'agence
jusqu'à la migration, aurait eu beaucoup plus de facilités
à s'habituer à LibreOffice qu'à la nouvelle interface de
MS Office 2010; Li-breOffice est compatible avec les formats MS ancienne
génération et nouvelle génération; LibreOffice est
Open Source et bénéficie du support actif d'une
énorme communauté de développeurs; il n'y a pas de frais
d'acquisition liés à sa licence. Pourquoi alors être
passé à Office 2010? Soupçonnant que ce soit suite
à une offre combinée de Microsoft, j'ai décidé de
contacter les responsables des services IT d'EUROCONTROL. On m'a alors
expliqué que, MS Office et Windows étant très
utilisés internationalement, il était beaucoup plus simple pour
l'agence d'utiliser ces solutions également. De plus, EUROCONTROL a
développé des macros pour les logiciels de la suite Office et
préfère donc rester avec cette suite. Ces faits ont alors
été présentés à Microsoft qui a fait une
"excellente" proposition à l'agence. Pour ma part, je pense que les
fonctionnalités de MS Office ne sont pas réellement plus
avancées que celles de LibreOffice et je ne vois absolument pas en quoi
le fait qu'une majorité de contacts extérieurs utilisent MS
Office poserait problème, puisque LibreOffice lit très bien les
formats de Microsoft. Apparemment, l'agence a considéré que la
"rupture" provoquée par un passage au libre risquait de
générer un surcoût, se basant sur un rapport de la
Commission européenne. Un groupe d'experts, dont faisait partie M.
Duflot, a alors été chargé de réaliser une
contre-expertise mais cela n'a pas suffi à passer au libre, la faute
à un planning trop serré pour cette contre-expertise...
Évidemment, le changement est toujours quelque chose qui fait un peu
peur, ce qui semble au final être le principal obstacle réel aux
logiciels libres. Toutefois, M. Wauters m'a assuré à nouveau
qu'il n'y avait absolument aucune opposition particulière aux OSS
puisque l'agence utilise Drupal*, un OSS de gestion de contenu, Apache HTTP
Server, dont j'ai déjà parlé dans la partie
théorique, Mantis*, un logiciel utilisé pour la gestion
d'incidents et qui a remplacé le logiciel propriétaire Remedy
Action Request* dans certaines unités, ou encore les distributions RHEL
5 (disponible depuis 2007) et RHEL 6 (disponible depuis 2010). De plus, la
piste des logiciels libres reste étudiée à
EUROCONTROL...
68
Chapitre 11
Étude du changement de logiciels pour
l'ERP à EUROCONTROL
11.1 Que sont les ERP?
Les Enterprise Resources Planning (ERP) sont des
logiciels pouvant gérer de façon complète une entreprise
tant d'un point de vue commercial que d'un point de vue comptable ou de gestion
des ressources humaines. Ce sont donc des logiciels extrêmement complets
et généraux pouvant traiter des tâches relativement
différentes.
11.2 Démarches
Lorsque je suis arrivé à EUROCONTROL en
début février 2014, j'ai appris que le contrat de l'agence avec
Oracle, développeur des ERP utilisés jusque-là, arrivait
à son terme et devait être renouvelé. N'est-ce pas
là une incroyable opportunité pour étudier la
possibilité de remplacer les solutions propriétaires d'Oracle par
une alternative libre? J'ai eu la chance de pouvoir assister à la
présentation finale d'Oracle. Durant cette présentation,
l'entreprise américaine affirmait que renouveler la solution actuelle
serait le choix le plus coûteux pour EUROCONTROL. Ainsi, Oracle proposait
que l'agence passe au nouvel ERP d'Oracle, Fusion*. Dès la
présentation terminée, j'ai fait part à M. Marc Wauters de
mon intention de voir s'il existait des alternatives libres. M. Wauters m'a
alors d'em-blée annoncé que c'était une alternative
possible et intéressante d'après lui, mais qu'un tel changement
risquait de rencontrer pas mal de résistance au sein d'EUROCONTROL.
Le 6 mars, je rencontrais à nouveau M. Wauters pour
m'entretenir des OSS pouvant remplacer Oracle EBS*. Il m'a ainsi
expliqué la structure particulière des ERP au sein de l'agence.
En effet, notre département, la Direction des Ressources, regroupe de
nombreuses fonctions autrefois séparées dans différents
départements. Aujourd'hui, si toutes ces fonctions font partie d'un seul
et même département, différents ERP sont toujours
utilisés. Ainsi, Oracle EBS est utilisé dans le domaine des
finances, Peoplesoft* dans le domaine des ressources humaines, Planisware* pour
la gestion du temps et des projets, Chronogestor* pour la gestion des absences,
et ainsi de suite. Durant cet entretien, j'ai aussi compris que le
modèle des ERP ne se contentait pas de proposer des solutions suivant
les demandes des principaux clients, généralement de grandes
entreprises américaines
69
privées et commerciales, mais que ce modèle
imposait ces solutions à ses clients. Or, EU-ROCONTROL ne correspond pas
du tout au profil d'une entreprise commerciale et n'a par conséquent pas
les mêmes besoins. Ainsi, cette entrevue m'a permis de dégager
quatre principales solutions pour l'agence: continuer à mettre à
niveau les solutions existantes, profiter de la fin de la licence d'Oracle EBS
pour s'en débarrasser et utiliser Peoplesoft partout, utiliser le
logiciel développé par la Commission Européenne pour ses
institutions ou s'approprier d'un logiciel libre. Un approfondissement du sujet
avec M. Wauters m'a permis de découvrir qu'il n'envisageait aucunement
une participation au développement d'un logiciel Open Source
mais plutôt une utilisation du code disponible d'un projet libre
pour développer un programme propre à l'agence et ses besoins.
J'ai trouvé sur Internet un projet Open Source digne
d'intérêt, OpenERP*, et cette solution a également
éveillé la curiosité de M. Wauters. L'idée
était dès lors de développer un logiciel propre à
EUROCONTROL et pouvant remplacer la plupart de ces logiciels, voire tous.
Le 11 mars 2014, un délégué commercial
d'OpenERP sa*, la société belge responsable de la création
d'OpenERP, est donc venu pour nous présenter cette solution. Lors de
cette rencontre, le délégué commercial nous a,
évidemment, présenté son entreprise et les raisons du
succès d'OpenERP, logiciel libre reposant sur un énorme catalogue
de modules et s'adaptant donc facilement aux besoins des clients d'OpenERP sa.
Nous avons ensuite pu profiter d'une démonstration du logiciel dans sa
dernière version stable et dans sa version de test. Malheureusement,
cette démonstration a été quelque peu perturbée par
le fait que l'ordinateur mis à la disposition du
délégué fonctionnait avec Windows XP et une ancienne
version d'Internet Explorer, ce qui n'était apparemment pas bien
supporté par OpenERP. Nous avons alors mis à la disposition du
délégué un ordinateur avec Windows 7 et Firefox et tout a
fonctionné. Après la démonstration, M. Waulters et
moi-même nous sommes entretenu pour faire un débriefing. Ce
débriefing a permis à M. Wauters de me faire part de ses craintes
concernant le langage de programmation d'OpenERP, le Python, alors que les
solutions d'Oracle sont écrites en JAVA. Ayant appris le Python lorsque
j'étudiais à l'Université de Liège, j'ai cependant
tenu à le rassurer: Python est un langage de haut niveau à la
fois relativement simple à développer et très efficace.
SAP, le principal concurrent propriétaire d'Oracle EBS, est quant
à lui programmé en ABAP. Pour réaliser la même
tâche (génération d'un rapport), SAP dispose de 111 lignes
de codes tandis qu'OpenERP ne nécessite que 13 lignes de Python
33. Voici un exemple de code pour faire apparaître "Hello,
world!" en JAVA:
33. Delsart, Yves et Van Nieuwenhuysen, Christelle,
OpenERP evaluation with SAP as reference, Tiny sprl, s.l., 2011, p.
59
70
public class HelloWorld
{
public static void main (String[] args)
{
System.out.println("Hello, world!");
}
}
Voici le même code en Python:
print "Hello, world!"
Vous pouvez tout de suite vous rendre compte de la
simplicité d'un programme écrit en Python comparé à
un programme écrit en JAVA ou en ABAP.
Fin de ce mois de mars 2014, un des responsables d'OpenERP sa
a contacté EURO-CONTROL pour proposer plusieurs dates, toutes en avril,
mais l'agence a demandé à OpenERP sa de proposer des dates au
mois de juin. Il faudra donc attendre le mois de juin pour voir la
présentation complète du logiciel et pour que l'analyse
approfondie des possibilités de développement et de
personnalisation de l'OSS pour l'agence soit menée.
11.3 Différences de capacités
Évidemment, la première question que je me suis
posée après avoir découvert l'exis-tence d'OpenERP est: ce
logiciel offre-t-il des possibilités équivalentes à celles
d'Oracle Financials, utilisé dans l'unité au sein de laquelle je
réalisais mon stage. En fait, j'ai rapidement découvert que cette
question, qui paraît pourtant légitime au premier abord, n'a pas
réellement de raison d'être. puisque les ERP comme Oracle
Financials proposent des possibilités qui ne sont pas souhaitées
par l'agence et qui, parfois, compliquent la réalisation de tâches
qui seraient sans cela simples. La vraie question est donc de savoir si OpenERP
dispose des fonctionnalités utiles et nécessaires pour l'agence.
Évidemment, OpenERP est un logiciel beaucoup moins mature que les
solutions d'Oracle ou encore que SAP. Néanmoins, le modèle
Open Source permet au logiciel de rattraper rapidement son retard.
Ainsi, en décembre 2011, OpenERP disposait de 1 745 modules et les
prévisions indiquaient qu'il y aurait 3 583 modules en janvier 2014
34. Le 12 mars 2014, ce sont 3 782 modules qui sont disponibles sur
le site d'OpenERP35. Les prévisions étaient donc assez
exactes! Petit à petit, OpenERP propose un éventail de
fonctionnalités ne cessant de s'étoffer pour répondre
à un maximum de besoins.
Cependant, les besoins d'EUROCONTROL sont particuliers et ne
correspondent pas aux besoins et attentes des entreprises privées. C'est
pourquoi le délégué commercial re-
34. Delsart, Yves et Van Nieuwenhuysen, Christelle,
OpenERP evaluation with SAP as reference, Tiny sprl, s.l., 2011, p.
23
35. OpenERP, OpenERP, 2014,
https://www.openerp.com/,
consulté le 12 mars 2014
71
connaissait lui-même qu'il faudrait certainement
développer la plupart des fonctionnalités afin d'adapter le
logiciel sur mesure. La petite démonstration du logiciel a permis de
voir qu'OpenERP était une solution tout à fait capable et
disposant d'une interface graphique étonnamment agréable et
intuitive. Il restait toutefois à savoir ce qui existait
déjà dans le code du logiciel afin de pouvoir développer
autour. Pour EUROCONTROL, il n'était pas envisageable d'adopter cette
solution si au moins 50 % du code source ne pouvait pas être
réutilisé.
11.4 Coût global du logiciel
En ce début d'année 2014, la
société Oracle a présenté à EUROCONTROL son
étude selon laquelle la mise à niveau des logiciels Oracle
déjà mis en place serait la solution présentant le
coût total de possession le plus élevé des solutions
présentées. L'autre solution consistait à adopter un
nouveau logiciel d'Oracle, Oracle Fusion. Pour réduire au maximum le
TCO, Oracle proposait d'utiliser une solution In the Cloud,
c'est-à-dire où les logiciels seraient stockés sur
des serveurs d'Oracle et où EUROCONTROL n'aurait plus qu'à
s'occuper de l'utilisation même du logiciel. Jamais dans cette
étude, cependant, les logiciels libres n'ont été
abordés. J'ai donc cherché à déterminer si le TCO
d'un logiciel Open Source était plus élevé que le
TCO d'une logiciel propriétaire en analysant les différentes
composantes du TCO.
11.4.1 Récolte des informations
La première étape lors de l'adoption d'un
logiciel est la collecte d'informations sur les différentes offres
existantes. Cette collecte d'informations avait, dans le cas présent,
déjà été réalisée avant mon
arrivée à EUROCONTROL. Évidemment, prendre en compte les
logiciels libres a pour conséquence une augmentation des coûts
liés à cette étape car il faut prendre en compte plus de
logiciels et parce que ces logiciels sont moins connus. De plus, que ces
logiciels soient développés par des communautés ou par des
sociétés, ils ne disposent pas toujours des mêmes budgets
et ne peuvent donc pas toujours se permettre des techniques de marketing et de
lobbying comme les sociétés éditrices de logiciels
propriétaires. Ici, par exemple, Oracle a proposé de
réaliser son étude gratuitement, réduisant donc les
coûts d'EUROCONTROL mais ne permettant pas de prendre en compte toutes
les offres possibles.
Cependant, la prise en compte des logiciels libres a
également des avantages. Premièrement, il s'agit d'un
investissement direct qui peut avoir de nombreux avantages car cette
étape est très importante. Négliger cette étape en
ne prenant pas en compte toutes les offres parce que ça coûterait
trop cher, c'est prendre le risque de passer à côté d'une
solution potentiellement très avantageuse. De plus, les informations
récoltées sur les logiciels Open Source, si elles sont
plus difficiles à obtenir, sont également plus souvent correctes
et proches de la réalité car il y a une plus grande transparence
dans le domaine des logiciels libres.
72
11.4.2 Acquisition ou création puis intégration du
logiciel
L'acquisition d'un logiciel libre coûte moins cher,
principalement parce que les licences sont, dans beaucoup de cas, gratuites. La
création d'un logiciel libre revient aussi moins cher, comme je vous
l'ai expliqué dans la partie théorique, de par son mode de
développement collaboratif. Une fois que le logiciel existe et qu'il a
été acquis, il faut encore l'intégrer à
l'entreprise suivant les besoins et les obligations techniques. Le coût
de l'inté-gration est difficile à juger mais, comme pour la
création, il est normalement moins élevé pour les
logiciels libres.
Si je me base sur la liste des prix disponible sur le site
d'Oracle et sur mes observations concernant l'utilisation d'Oracle Applications
par EUROCONTROL, je pense pouvoir faire une évaluation du prix par
utilisateur. L'agence utilise iProcurement ($ 115 de licence et $ 25,30 de
support) et Financials ($ 4 595 de licence et $ 1 010,90 de support). Cela fait
un total de $ 5 746,2 par utilisateur.
Si le code source du logiciel OpenERP est disponible
gratuitement, il existe une formule "Entreprise" dont le prix de base est de
€ 35 par mois et par utilisateur (le prix en cas de grand nombre
d'utilisateur doit être demandé). Cette formule comprend la
possibilité d'installer facilement des modules supplémentaires,
des mises à jours automatiques, le support technique et la
possibilité d'hébergement In the Cloud. Ce prix reste,
malgré tout, plus faible que le prix de la suite d'Oracle. Une grande
inconnue reste toutefois le prix du développement des
fonctionnalités nécessaires à l'agence. C'est d'ailleurs
l'importance de ce montant qui risque fort de déterminer le choix
d'EUROCONTROL. Le grand avantage d'OpenERP est qu'on ne paie pas pour la
licence du logiciel mais uniquement pour la maintenance et le
développement.
11.4.3 Déploiement du logiciel
Le coût du déploiement du logiciel est toujours
difficile à juger. Il s'agit de l'ensemble des coûts
nécessaires pour que le logiciel soit opérationnel sur tout le
système. On peut se dire qu'il serait éventuellement plus
élevé dans le cas d'un logiciel libre, qui ne
bénéficiera peut-être pas de stratégies de
déploiement aussi développées et adoptées aux
entreprises que les logiciels propriétaires mais cela ne semble
aucunement être le cas d'OpenERP, qui est une solution qui a
déjà été déployée dans de grandes
organisations comme Danone*.
11.4.4 Formations des utilisateurs
Le coût lié aux formations n'a vraisemblablement
aucun lien avec le statut libre ou propriétaire du logiciel.
Traditionnellement, les logiciels propriétaires ont longtemps
disposé de documentation destinée aux nouveaux utilisateurs plus
complètes et de formations organisées par des professionnels
tandis que l'apprentissage des logiciels Open Source se faisait
souvent grâce à la lecture de tutoriels faits par d'autres
utilisateurs. Mais la situation change et, désormais, certaines
sociétés proposent des formations pour les logiciels
Dans l'état actuel des choses, je ne peux pas affirmer
que la solution Open Source coûte moins cher que la solution
propriétaire. Cependant, je tiens à souligner certains
73
libres, qui bénéficient aussi d'un autre
avantage. Même dans le cas d'une documentation peu fournie, la
disponibilité du code source permet de comprendre le fonctionnement du
logiciel plus facilement et les entreprises utilisant de tels logiciels peuvent
donc plus facilement prendre eux-mêmes en charge les formations.
La communauté d'OpenERP propose ainsi différents
types de formations. Il existe notamment des séminaires gratuits d'une
journée pour découvrir le logiciel, des formations techniques
durant cinq jours destinées aux développeurs et qui coûtent
€ 3 025 TVA comprise, ou encore des formations fonctionnelles de cinq jour
destinées aux utilisateurs, également au même prix de
€ 3 025 TVAC.
11.4.5 Utilisation et maintenance du logiciel
C'est dans cette partie du TCO que les logiciels Open
Source peuvent montrer leurs avantages. En effet, les coûts seront
certainement moindre pour la maintenance d'un logiciel dont le code source est
ouvert, ce qui signifie en effet que toute correction de failles dans le code
se fera plus rapidement et sans nécessairement l'intervention seule de
la société éditrice du logiciel. De plus, l'accès
au code source peut permettre à une entreprise de s'occuper
elle-même de la maintenance d'un logiciel qu'elle utilise sans devoir se
reposer sur des contractants extérieurs.
C'est pourquoi, si EUROCONTROL décidait d'utiliser un
logiciel Open Source pour l'ERP, il serait possible de mettre sur
place une cellule au sein de l'agence s'occupant de la maintenance du logiciel,
et cela de manière totalement indépendante. Cela permettrait de
devoir moins dépendre d'une autre société et de conserver
le savoir-faire au sein de l'agence.
11.4.6 Abandon du logiciel
Cette étape n'est pas à négliger lorsque
l'on cherche à estimer le TCO d'un logiciel. En effet, les technologies
de l'information ne sont pas éternelles. Pour ce point souvent
sous-évalué, je pense pouvoir dire que les logiciels libres ont
un net avantage, l'utilisa-tion de formats ouverts et standards facilitant
grandement la transition d'un logiciel à un autre. Dans le cas
présent, l'utilisation d'OpenERP permettrait d'annuler ou en tout cas de
réduire fortement ce coût en prolongeant le cycle de vie du
produit. En effet, alors que les contrats pour les logiciels
propriétaires sont limités dans le temps, forçant
EURO-CONTROL à mettre les logiciels à niveau ou à changer
de logiciels, l'agence disposerait indéfiniment du code source
d'OpenERP. Pourquoi alors se défaire d'un tel logiciel?
11.4.7 Conclusion - La solution Open Source
coûte-t-elle moins cher?
74
points. Premièrement, il n'y a aucun coût
lié à l'acquisition du code source ni à la licence
d'OpenERP, ce qui permet de réaliser une économie par rapport
à un concurrent propriétaire. Ensuite, l'ensemble de l'argent
payé à OpenERP sa est destiné au support, à la
maintenance et au développement, ce qui permet d'un côté
à OpenERP sa de réaliser des bénéfices et de
l'autre côté à EUROCONTROL d'obtenir un retour direct sur
l'argent dépensé. Enfin, troisièmement, les frais de
maintenance pourraient très bien être également
réduits, en tout cas sur le long terme, grâce à la
conservation interne du savoir concernant le logiciel et au principe de
concurrence qui s'applique davantage dans le cas de services informatiques pour
des logiciels libres que pour des logiciels propriétaires. Il est de
toute manière certain que, même si la solution libre ne
coûtait pas moins cher, l'argent dépensé le serait pour
l'amélioration des logiciels et le confort d'utilisation plutôt
que pour la simple utilisation de ces logiciels.
11.5 Conservation du savoir au sein de l'agence
La conservation du savoir au sein de l'agence est relativement
importante pour certaines personnes au sein d'EUROCONTROL. Pourtant, il est
clair que cela revient beaucoup moins cher à l'agence de faire appel
à des contractants extérieurs plutôt que de payer des
fonctionnaires pour faire le même travail, ce qui explique la tendance
actuelle à externaliser tout ce qui n'est pas core business.
Cependant, une certaine conservation de savoir peut être importante.
Ainsi, l'idéal serait de conserver un noyau de personnes capables de
comprendre le code source du logiciel et le fonctionnement du logiciel afin que
ces personnes puissent encadrer les contractants nécessaires lors des
maintenances ou des problèmes. Cela permettrait toutefois de pouvoir
conserver une certaine indépendance et, ainsi, de s'assurer de ne pas
être bloqué avec un prestataire de services particulier mais de
pouvoir, au contraire, choisir la SSLL la plus adaptée.
11.6 Test comparatif d'OpenERP et des solutions
actuellement utilisées à EUROCONTROL
Dans cette section, je vais tenter de voir quelles sont les
possibilités d'utilisation d'Ope-nERP pour réaliser des
tâches que je réalise habituellement lors de mon stage avec Oracle
EBS, ChronoGestor ou d'autres logiciels propriétaires.
Évidemment, je remarque tout de suite ne pas pouvoir réaliser les
mêmes tâches dans la version de test d'OpenERP que dans la version
d'Oracle EBS personnalisée pour EUROCONTROL. Par contre, je remarques
que les fonctionnalités de ChronoGestor, c'est à dire la gestion
des absences des employés, est au moins aussi développée
dans OpenERP. Dans ChronoGestor, une demande d'ab-sence se fait en remplissant
un formulaire sobre mais complet. Dans OpenERP, on peut demander une absence
à partir d'un calendrier ou à partir d'un formulaire. Dans ce
formulaire, le nombre de jours de congés disponibles pour le travailleur
et le nombre de jours
75
de congés déjà pris apparaissent
clairement. Cependant, comme vous pouvez le voir dans les captures
d'écran ci-dessous, des options ont été
prédéfinies dans ChronoGestor pour indiquer une absence pour une
journée complète, une matinée ou une après-midi
alors que dans OpenERP, il faut encoder soi-même les heures.
FIGURE 11.1 - Demande d'absence avec ChronoGestor
FIGURE 11.2 - Demande d'absence avec OpenERP
FIGURE 11.3 - Demande d'absence soumise avec OpenERP
Je ne sais malheureusement pas tester OpenERP pour voir
comment fonctionnerait le système de présence avec l'aide de
badges comme utilisé actuellement avec ChronoGestor. J'ai donc
décidé de regarder une autre fonctionnalité liée
aux présences, la répartition du temps de travail des
employés sur les différents projets qui leur sont confiés.
Pour cela, EUROCONTROL utilise actuellement Planisware. Voici un aperçu
de ce logiciel.
76
FIGURE 11.4 - Encodage d'une TimeCard avec
Planisware
OpenERP propose un ensemble de modules permettant de
réaliser de manière très intuitive la même chose que
Planisware. De plus, j'ai remarqué que la version de test que
j'utilisais semblait même plus réactive que le logiciel
propriétaire.
FIGURE 11.5 - Encodage d'une timesheet avec OpenERP
Grâce aux deux captures d'écran
précédentes, vous pouvez constater qu'il n'y a pas vraiment de
grandes différences sur ce point. Nous retrouvons dans les deux cas le
code et le nom du projet, le nombre d'heures passées chaque jour sur
chaque projet, le nombre total d'heures validées par jour et le nombre
total d'heures passées sur chaque projet par semaine. D'après mon
utilisation quotidienne de ChronoGestor et de Planisware, je pense qu'il ne
serait pas trop difficile de remplacer ces logiciels par OpenERP, qui dispose
aussi de fonctions très intéressantes pour le recrutement de
personnel, l'évaluation des employés, la gestion des projets, la
gestion des budgets ou encore l'approbation des dépenses. Un
élément que j'aurais cependant aimé tester et que je n'ai
pas trouvé tel quel dans OpenERP est la gestion des missions. Dans
Oracle EBS, nous pouvons encoder une mission en reprenant le voyageur, le lieu
de départ, le lieu d'arrivée, les dates de départ et
d'arrivée, les dates et heures de début et de fin de la
réunion et, surtout, les
77
différentes dépenses liées à cette
mission. Il est alors possible de soumettre cette mission à
l'approbation du manager afin d'autoriser la mission
puis, une fois la mission effectuée, de soumettre les données
encodées pour permettre de rembourser les frais liés à la
mission.
11.7 Conclusion - Pourquoi Oracle?
A l'heure actuelle, EUROCONTROL n'a pris aucune
décision et est toujours dans les premiers stades de l'étude.
OpenERP sa devrait réaliser une analyse des besoins exacts d'EUROCONTROL
afin de déterminer la quantité de développement qui sera
nécessaire à l'utilisation d'OpenERP et d'autres pistes doivent
également être étudiées par EURO-CONTROL avant
qu'une quelconque décision soit prise. Néanmoins, il faut
reconnaître que rester avec Oracle est une solution qui est, ou tout du
moins qui semble, plus facile que passer à OpenERP mais qui est aussi
certainement plus coûteuse que les autres possibilités.
78
Chapitre 12
Conclusion de la pratique
Cette partie pratique a eu pour objet l'étude de
l'état actuel et des possibilités d'avenir pour les OSS à
EUROCONTROL. Lors de cette étude, j'ai pu découvrir qu'il y avait
eu à plusieurs reprises, au sein de l'agence, des initiatives pour
pousser EUROCONTROL à envisager la piste du modèle Open
Source. Malheureusement, ce changement de modèle est un changement
qui fait peur et le secteur de l'ATM, généralement conservateur
et excessivement prudent, ne parvient pas, pour l'instant, à l'envisager
réellement. Pourtant, les logiciels libres ont été
adoptés avec succès dans certains domaines et le modèle
Open Source en lui-même a su à plusieurs reprises montrer
son efficacité, notamment dans le cas de Red Hat mais aussi dans le cas
d'OpenERP sa, qui connaît un franc succès. L'agence est
également limitée dans ses tentatives de publication libre par la
difficulté que représente parfois la justification des
dépenses et des investissements auprès des États
membres.
En dehors de l'ATM, les OSS sont envisagés dans le
cadre des ERP. Par contre, je pense sincèrement qu'une
opportunité a été manquée lors de la fin du support
étendu de Windows XP. Effectivement, EUROCONTROL est passé de
Windows XP à Windows 7 plutôt que d'envisager une solution libre.
C'est cependant certainement l'Open Source qui, dans ce cas
particulier, a manqué une opportunité en ne parvenant pas
à faire parler suffisamment de lui à la fin de vie de l'OS
propriétaire de Microsoft.
Enfin, il est apparu, au cours de cette partie, que l'Open
Source manque cruellement de soutien. Et pourtant, ce modèle de
développement collaboratif a permis de créer des projets
très importants, rivalisant et parfois dépassant des projets
propriétaires malgré la différence flagrante de moyens. Ce
fait est, pour moi, la preuve que l'Open Source est, dans de nombreux
cas, une méthode de développement plus efficace et avantageuse
que la méthode propriétaire!
Quatrième partie
Partie conclusive
80
Conclusion
Ce travail de fin d'études a eu pour finalité
principale de déterminer s'il est possible d'utiliser les logiciels
libres dans le monde professionnel afin de remplacer les logiciels
propriétaires. Je pense pouvoir conclure de ce travail qu'il n'y a, a
priori, aucun élément technique qui pourrait faire dire que les
logiciels propriétaires - en général - sont meilleurs que
les logiciels libres. Au contraire, l'ouverture du code source d'un logiciel
semble être le meilleur moyen de corriger rapidement les faiblesses de ce
logiciel et d'ajouter de nouvelles fonctionnalités. A l'inverse de ce
qui pourrait être cru, les communautés de développement de
logiciels Open Source sont extrêmement structurées afin
de s'assurer que seules les contributions de qualité sont
ajoutées aux différents projets libres. Malgré cela,
certaines entreprises sont toujours réticentes à passer d'un
logiciel propriétaire connu et éprouvé à un
logiciel libre qui n'a pas encore fait ses preuves. Actuellement, cette crainte
m'a cependant semblé être plus liée à la
maturité des logiciels plutôt qu'à leur statut libre ou
privateur. Là où il y a parfois une réticence due au
statut libre des logiciels, c'est dans le développement. Effectivement,
certaines entreprises, dont EUROCONTROL, hésitent à
développer des logiciels et à publier le code source par
après. Ce code est perçu comme un bien, et le céder
librement semble impensable. Pourtant, le développement d'un logiciel en
utilisant le modèle libre et communautaire possède
indubitablement des avantages non négligeables avec principalement un
développement plus rapide et moins coûteux. S'il y a moins de
coûts liés au développement des logiciels Open
Source, les sociétés développant des logiciels sont
toutefois en droit de se demander comment réaliser un
bénéfice.
C'est là qu'arrive la réponse à ma
deuxième question, qui concernait la prétendue gratuité
des logiciels libres pour les entreprises. Il se trouve qu'utiliser des
logiciels libres a également des coûts. Or, qui dit coûts
pour la société utilisant ces logiciels dit
bénéfices pour une ou plusieurs autres sociétés.
L'Open Source apporte en effet un modèle économique
entièrement neuf dans le monde de l'informatique. En développant
un logiciel libre, on ne réalise pas de bénéfices en
redistribuant le code source de ce logiciel mais en assurant des services comme
la maintenance des logiciels, la prise en charge de l'installation des
logiciels et des mises à jour, la prise en charge des formations ou
encore le développement de fonctionnalités à la demande du
client; en liant ces logiciels à d'autres biens (matériels ou
logiciels) payants ou encore en "garantissant" les logiciels,
c'est-à-dire en vendant la marque de la société
plutôt qu'en vendant le produit lui-même. Le modèle
économique du libre semble donc viable pour les sociétés
éditrices de logiciels. Cela ne veut pas dire cependant que les
logiciels Open Source n'apportent pas d'avantages financiers aux
entreprises les utilisant. S'il y a un coût d'utilisation, il n'y a pas
de coût pour l'acquisition du code source en lui-même. L'ensemble
de l'argent dépensé pour un logiciel libre est donc
dépensé pour faciliter l'utilisation de ce logiciel ou pour
améliorer ce logiciel, par exemple.
81
En ce qui concerne le métier d'assistant de direction,
je vois difficilement comment les logiciels libres pourraient bouleverser
profondément la manière de travailler. Cela ne changerait de
toute manière pas plus que de passer d'un logiciel propriétaire
à un autre. A l'opposé, cela pourrait apporter une plus grande
stabilité grâce à l'utilisation de formats standards
permettant de choisir le logiciel libre ou, en tout cas, la version du logiciel
que l'on souhaite sans automatiquement devoir passer à un logiciel ou
à une version à l'interface ou aux fonctionnalités
différentes. En fait, l'utilisation d'un logiciel n'a pas vraiment de
lien avec l'ouverture du code source et le modèle de
développement de ce logiciel. En vérité, je pense pouvoir
dire au terme de ce travail que comparer logiciel libre et logiciel privateur
n'a pas tant de sens qu'on pourrait le penser, du point de vue de l'utilisation
tout du moins. Les logiciels Open Source sont développés
différemment mais on ne peut pas en déduire qu'un logiciel libre
est meilleurs qu'un logiciel propriétaire ou l'inverse. De plus, si on
ne paie pas pour le code d'un logiciel libre, rien ne garantit que les services
liés à ce logiciel ne seront pas plus élevés que
les services d'un concurrent propriétaire. Je pense donc qu'il faut
étudier cela au cas par cas mais le principal est de ne pas
écarter certains logiciels parce qu'ils sont libres ou parce qu'ils ne
le sont pas!
Enfin, j'ai pu constater en réalisant ce travail que
les logiciels Open Source ont déjà réussi
à pénétrer dans les domaines les plus courants mais qu'ils
ont encore du mal à être développé dans les secteurs
plus particuliers. Ainsi, s'il est facile de trouver une solution libre en
bureautique par exemple, la situation est extrêmement différente
en ce qui concerne l'ATM. En fait, les deux cas que j'ai envisagé avec
EUROCONTROL étaient très particuliers. Il est clair que l'ATM est
un domaine très spécialisé et sécurisé
n'offrant donc pas énormément de solutions logicielles
différentes. Il n'existe par conséquent pas de projet complet et
mature sur lequel l'agence peut s'appuyer et, même si elle
développait, ou demandait à ce que soit développer, une
solution libre, les avantages du modèle communautaire seraient fortement
limités car EUROCONTROL serait probablement un des seuls grands
contributeurs et bénéficiaires d'une telle solution, voire le
seul. L'autre domaine envisagé était l'ERP. Là, des
solutions existent car l'ERP intéresse beaucoup plus d'en-treprises que
l'ATM. Néanmoins, les besoins d'EUROCONTROL sont particuliers et ne
correspondent ni aux besoins des nombreuses PME, ni aux besoins des grandes
entreprises privées utilisant les ERP. Je reste pourtant convaincu
qu'OpenERP est une alternative possible et intéressante à Oracle
EBS pour EUROCONTROL. D'après ce que j'ai pu voir lors de la visite du
délégué commercial et de par les tests que j'ai
moi-même réalisé avec OpenERP, ce dernier possède le
potentiel de rivaliser avec ses plus grands concurrents. Je reconnais tout de
même qu'il faudra que l'agence investisse dans OpenERP afin de permettre
le développement de certaines fonctionnalités ou, au moins,
l'adaptation des fonctions d'OpenERP aux besoins spécifiques
d'EUROCONTROL. L'étude réalisée par l'agence n'est
cependant pas encore finie et, si OpenERP est la solution choisie, il faudra
encore attendre plusieurs mois avant de voir ce logiciel utilisé par
l'organisation. J'in-vite toutefois un(e) étudiant(e) à
poursuivre et approfondir mon travail afin de voir ce qui est sorti de cette
étude. Quelle aura été la solution choisie et pourquoi?
Dans le cas où OpenERP serait choisi, comment se sera passé la
transition et quels seront les résul-
82
tats de ce choix? Ces question m'intéressent au plus
haut point et méritent certainement que quelqu'un se penche dessus dans
un avenir relativement proche. De même, il serait intéressant
d'étudier les capacités du modèle Open Source en
dehors de l'informatique!
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