3. 5. Et ailleurs ?
Jean-Claude HENRARDs'est également
intéressé aux différents modèles de réponses
apportées en Europe face à la dépendance ou aux
problèmes de santé.
Les pays au modèle "social démocrate" au nord de
l'Europe impliquent les acteurs et notamment les municipalités.
Celles-ci peuvent être amenées à financer les recours indus
aux services hospitaliers.
Elles investissent dans les référents
professionnels ou gestionnaires de cas pour les situations complexes
requérant de l'aide et des soins.
Les pays à assurance sociale obligatoire comme
l'Allemagne ou la France vivent plutôt des tensions sur les finances
publiques, et les définitions, les outils d'évaluations, de
recours aux prestations.
Les pays du sud de l'Europe, eux, s'appuient beaucoup plus sur
l'engagement des familles, des aidants.
Dans pratiquement tous les pays européens, il existe
une législation spécifique pour les personnes handicapées
de moins de 60 / 70 ans et une législation liée à la
perte d'autonomie due au vieillissement. La situation française n'a donc
rien d'exceptionnel. En revanche, la tendance est plutôt au rapprochement
des législations : l'Espagne a voté une loi regroupant
légalement les divers dispositifs et l'Allemagne a mis en place une
assurance dépendance qui fait de même.
À Bruxelles, un dispositif d'hébergement
proposé depuis 1981 par le Centre Public d'Action Sociale (CPAS) est
venu en réponse à l'allongement des listes d'attentes pour les
maisons de retraites traditionnelles.
Le CPAS a cherché une formule susceptible de
répondre à la problématique du lien social tout en
permettant aux personnes de conserver leur autonomie.
L'antenne comporte des assistantes familiales, des assistantes
sociales et une psychologue. Il existe une réelle collaboration avec les
services de soins à domicile et une coordination des professionnels de
santé est assurée, permettant ainsi une cohérence des
interventions et une bonne transmission de l'information.
L'Europe face à la perte d'autonomie :
quelques chiffres...
10 % de la population des pays de l'OCDE aura plus de 80
ans en 2050.
18 % des entreprises britanniques ont des
travailleurs à temps partiel car s'occupant de personnes malades.
2,9 % : c'est la part du PIB des pays de
l'OCDE qui sera consacrée aux dépenses publiques liées
à la dépendance en 2050.
La Suède y consacre déjà 3,6 % de sa
richesse.
Chaque semaine, un tiers des aidants familiaux passent
20 heures à soutenir leur proche dépendant.
3. 6. L'aide aux aidants
Qu'est-ce qu'un aidant ?
Les aidants dits naturels ou informels sont les personnes non
professionnelles qui viennent en aide à titre principal, pour partie ou
totalement, à une autre personne dépendante de son entourage pour
les activités de la vie quotidienne.
Cette aide régulière peut être
prodiguée de façon permanente ou non et peut prendre plusieurs
formes : soins, accompagnement à la vie sociale et au maintien
à domicile, soutien psychologique, communication, etc.
Les aidants sont aussi les professionnels, du domicile et des
établissements du social, du médico-social et du sanitaire qui
participent au maintien à domicile de ces deux populations (aides
à domicile, auxiliaires de vie, ergothérapeutes,
infirmières...).
Nous l'avons vu, dans l'ensemble des pays européens, le
vieillissement de la population est devenu un enjeu politique et social majeur.
L'augmentation de la part des femmes sur le marché du travail, la
mobilité géographique des familles, le
« déficit » des aidants, posent aujourd'hui la
question de la prise en charge des personnes âgées en perte
d'autonomie.
Par ailleurs, le contexte de restriction budgétaire
touchant la plupart des pays d'Europe rend difficile le développement de
services ou de nouveaux dispositifs. Les familles sont dès lors
confrontées à une diversité d'obligations, tant sur le
plan personnel que professionnel.
Au regard du rôle pivot des aidants familiaux, nous
comprenons que cette question soit devenue cruciale.
À l'exception des pays scandinaves, il n'y a pas, en
Europe, de véritable politique en la matière répondant aux
besoins et aux attentes des aidants, tout en s'insérant dans la
politique globale d'aide aux personnes en perte d'autonomie.
La Suède concilie aide et travail. Le
pays a investi de façon précoce (dans les années 1960 -
1970) et de façon continue dans une politique d'aide aux personnes
âgées en perte d'autonomie, politique financée par
l'impôt. Il a su adapter la nature de l'aide aux aidants et a mis en
place une politique active de l'emploi et du travail, favorisant ainsi la mise
en place de réponses adaptées aux besoins spécifiques des
aidants.
L'Angleterre, quant à elle, pallie le
fort déficit en services professionnels. L'intervention des aidants y
est vitale : 88 % des personnes âgées dépendantes
bénéficient de l'aide de quatre millions d'aidants, dont 30 %
délivrent plus de 20h d'aide par semaine. Le rôle des associations
y est majeur et on peut douter de la capacité des mesures mises en
oeuvre par le pays afin d'offrir aux aidants un ensemble de conditions
favorables leur permettant de combler le déficit en aide
professionnelle.
L'Italie a recours à la main-d'oeuvre
féminine immigrée. Là-bas, la responsabilité de la
politique d'aide aux personnes âgées dépendantes est
partagée de manière peu organisée entre l'Etat, les
régions et les municipalités. Jusqu'au début des
années 2000, l'aide informelle très dominante (90 %) reposait sur
les familles, surtout les femmes, en raison du fort taux de cohabitation
intergénérationnelle, du faible taux d'emploi féminin et
de la quasi-absence de services professionnels publics. La situation a
profondément évolué depuis les quinze dernières
années. Des émigrants des pays de l'Est ou d'Afrique, souvent en
situation illégale, sont devenus les principaux pourvoyeurs de l'aide
à domicile. Depuis environ six ans, afin de mieux contrôler
l'emploi de ces personnels et d'assurer une qualité minimale de l'aide,
l'Etat a développé une législation visant à
régulariser leur situation (octroi de permis de travail) dès lors
qu'ils s'engagent à suivre une formation à la fois linguistique
et professionnalisante.
L'Allemagne répond à
l'augmentation du taux d'emploi des femmes. La personne âgée
dépendante bénéficiaire peut choisir entre deux types de
prestations, monétaire ou en nature, ou un mélange des deux, le
choix du monétaire permettant de rémunérer un aidant,
familial ou autre. En 2008, une réforme a augmenté le financement
de l'assurance dépendance, permettant ainsi de développer
l'accès au répit. Les Länder ont été
dotés de nouveaux moyens de contrôle de la qualité de
l'aide informelle et ont pris en charge l'information aux familles sur les
dispositifs d'aide existants.
Quels enseignements pour la France ?
Ces exemples montrent un besoin général de
développer l'aide aux aidants pour compléter l'aide
professionnelle. Cette politique n'est envisageable que s'il existe un
accès adéquat des personnes âgées en perte
d'autonomie à des services professionnels. Elle comprend
généralement des mesures qui répondent aux besoins des
aidants âgés comme à ceux en âge de travailler ou en
emploi. La France apparaît en position difficile en raison d'un
marché de l'emploi tendu, des relations sociales au sein des entreprises
dégradées, du peu de flexibilité de l'organisation du
travail qui fait que les seniors, depuis une trentaine d'années,
constituent une variable d'ajustement du taux d'emploi et que
l'égalité des genres piétine.
En France, la politique d'aide, centrée sur les aidants
Alzheimer tend à détourner la réflexion des autres publics
concernés. Faire de la conciliation entre
« travail » et « aide » un des axes
prioritaires de la nouvelle politique d'aide aux aidants suppose une
véritable refondation de la politique visant les personnes
âgées dépendantes.
Dans le département du
Pas-de-Calais...
L'une des trois Directions de politiques publiques du
Pôle des Solidarités du Conseil général du
Pas-de-Calais est la DAS : Direction de l'Autonomie et de la
Santé.
Son rôle consiste en l'élaboration et la mise en
oeuvre des politiques départementales dans les domaines de la perte
d'autonomie des personnes âgées et handicapées ainsi que de
la santé.
Pour ce faire, la DAS exerce ses compétences
légales (en attribuant l'APA, l'ASH et en payant la PCH) et des choix
politiques volontaristes. De plus, rappelons que le Département est
devenu le chef de file en matière d'action sociale et
médico-sociale (par la loi du 13 août 2004 relative aux
libertés et responsabilités locales).
Il est alors au coeur de divers partenariats : ARS,
services de l'Etat, caisses de retraite.
Dans ce cadre, le département du Pas-de-Calais a mis en
place un projet territorial de l'autonomie, concernant ses neuf territoires.
Le projet se décline en trois axes :
- L'organisation de l'information, de l'accueil, de
l'orientation et du suivi des personnes en perte d'autonomie avec le
développement progressif sur chaque territoire d'une Maison De
l'Autonomie ;
- Le développement et l'organisation des
réponses de répit permettant de soutenir les aidants avec le
développement sur chaque territoire d'une Plateforme d'Aide aux
Aidants ;
- Le développement d'une palette complète de
réponses suffisantes et diversifiées, à domicile et en
établissement, permettant de répondre à la
variété et à l'urgence des besoins.
Les informations concernant la Plateforme d'Aide aux Aidants
peuvent se résumer sous forme de tableau synthétique :
LA PLATEFORME TERRITORIALE D'AIDE AUX
AIDANTS
OBJECTIF
|
Organiser, structurer l'ensemble des formules d'aide
individuelle et collective, à l'échelle d'un territoire, en vue
d'améliorer la réponse à apporter à l'usager.
Il s'agit d'un espace - ressources pour les aidants.
Il s'agit d'une coordination et fédération
d'acteurs autour de l'aide aux aidants.
|
CHAMPS
|
Personnes âgées - Personnes handicapées
|
PUBLICS CIBLES
|
?Aidants naturels,
?Aidants professionnels du domicile et des
établissements du social, du médico - social et du sanitaire
participant au maintien à domicile (accueil de jour, accueil temporaire,
halte - répit...)
?Aidants bénévoles (associations...)
|
MISSIONS
|
?Mission 1 : accueillir, informer, orienter les
aidants sur et vers les formules d'aide aux aidants
Exemple : droits et prestations, offres de
répit...
?Mission 2 : Ecouter, évaluer, traiter la
demande et accompagner l'aidant vers la réponse d'aide
?Mission 3 : Animer localement le réseau
des prestataires de répit
?Mission 4 : Mettre en oeuvre des réponses
d'aide aux aidants ou aider à la mise en oeuvre de nouvelles formules
|
LIENS avec les Maisons de l'Autonomie ou les
MAIA
|
La cohérence, la complémentarité doit
être recherchée.
La plateforme doit être un outil complémentaire
et intégrée aux autres dispositifs
|
L'organisation de la réponse à domicile
constitue un enjeu majeur du Département et de l'Etat. Le soutien
à domicile est, en effet, le meilleur vecteur d'intégration de la
personne handicapée ou âgée dans la vie de la
cité.
Les aidants naturels ou professionnels sont des acteurs
souvent essentiels au maintien à domicile. Or, l'accompagnement d'une
personne âgée ou en situation de handicap a un impact
incontestable sur la santé des aidants ainsi que sur leur vie sociale et
professionnelle.
Les deux schémas départementaux en faveur de ces
deux publics ont un objectif commun : encourager la solidarité
familiale par le soutien des aidants, afin que ces derniers puissent assurer
leur rôle le plus longtemps possible et dans les meilleures
conditions.
Dans ce contexte, une stratégie départementale
d'aide aux aidants de personnes âgées ou handicapées a
été validée par les élus du Conseil
général le 20 septembre 2010 (annexe 7).
Elle repose sur 3 axes :
- La diversification et le développement de l'offre
alternative à l'hébergement permanent (accueil de jour,
hébergement temporaire...) ;
- Le soutien des aidants à travers de nouvelles
formules non institutionnelles de répit (halte-répit Alzheimer,
café des aidants...) ;
- La mise en place de « Plateformes d'Aide aux
Aidants » sur les territoires.
C'est dans le cadre de ce dernier axe que Séverine
VARIN, Chef de projet de la Plateforme d'Aide aux Aidants pour les territoires
Lens / Liévin et Hénin / Carvin a fait appel à moi pour
une mission bien spécifique : la création
d'un« Guide ressources Autonomie », relatif aux champs des
personnes âgées et handicapées.
Il s'agit de constituer un outil offrant plus de
lisibilité et de cohérence, à destination des
professionnels, afin de répondre au mieux aux besoins des usagers.
Le Guide comporte cinq items :
- Le maintien à domicile : aides, soins et
services
- Hébergement, structures d'accueil et
établissements spécialisés
- Aides, droits et devoirs
- L'aide aux aidants
- À qui puis-je m'adresser ?
Il devrait voir le jour sous une forme informatisée, en
collaboration avec la Direction de l'Information et de la Documentation,
service rattaché au Conseil général.
Une version papier, moins dense, est également
envisagée.
Il s'agit d'une mission passionnante dont la
nécessité est authentique et concrète.
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