Chapitre II: Partenariat Public Privé dans la
distribution d'eau potable : une analyse 
économique 
La régulation du monopole occupe une place importante dans
la littérature sur l'organisation  
industrielle.  Les  travaux  les  plus  anciens  (Dupuit,  1849 ;
 Hotelling,  1938 ;  Vickey,  1948)  
proposent une tarification au coût marginal permettant de
produire les quantités optimales au  
sens  de  Pareto.  Mais  la  présence  de  rendements 
d'échelle  croissants  et  la  nécessité  de  
transferts monétaires engendrent des distorsions
économiques. L'objectif de premier rang est  
jugé  inaccessible  ou  trop  coûteux.  D'autres 
systèmes  de  tarification  ont  alors  été 
proposés  
pour des entreprises publiques régulées par l'Etat
et contraintes à l'équilibre budgétaire  
(Ramsey, 1927 ; Boiteux, 1956).  
La théorie de la   régulation incitative
s'intéresse  au monopole naturel  en  prenant  en  compte  
les  problèmes  d'asymétries  d'information. 
L'entreprise  a  une  information  privée  qu'elle  
utilise à des fins stratégiques. Le modèle
Baron et Myerson (1982) étudie ce cas dans le cadre  
du   paradigme   principal-   agent   où,   pour  
résoudre   le   problème   de   sélection   adverse,   le
 
17  
régulateur définit un mécanisme
révélateur des coûts de l'entreprise   . Les  contrats
incitatifs  
reposent sur un arbitrage entre efficacité et extraction
de rente. Une tarification Cost plus (ou  
contrat  de  remboursement  des  coûts)  permet  de 
contrôler  les  profits  de  l'entreprise  mais  ne  
l'incite pas à réduire ses coûts. Au
contraire une tarification Price cap (de prix plafond) incite  
l'entreprise à faire des économies afin
d'accroître ses profits qui ne sont pas réglementés. Les
 
problèmes   de   régulation   et   de  
tarification   des   monopoles   naturels   sont   difficilement  
18  
dissociables  de  l'analyse  de  leur  performance   .  Les 
services  d'eau  sont  considérés  comme  
des  monopoles  naturels  locaux.  Leurs 
caractéristiques,  et  leurs  modes  de  gestion  et  de  
régulation  spécifiques  font  d'eux  des  cas 
d'études  très  intéressants.  L'article  pionnier  de  
17  
Le  modèle  de  Laffont  et  Tirole  (1986)  traite  un 
cas  plus  général  où  s'ajoute  un  problème  de 
risque  moral  
(l'entreprise ne fait pas l'effort maximal pour réduire
ses coûts) mais où le régulateur peut observer ex
post (par  
des audits) les informations sur les coûts qu'il ne
connaissait pas ex ante.  
18  
éviter  le  gaspillage  de  la  ressource  de 
façon  à  ce  qu'elle  soit  allouée  aux  usagers  pour 
lesquels  sa  valeur  est  la  
grande ; 2) l'efficacité productive est processus
dynamique qui dépend des efforts d'adaptation de l'exploitation  
(réhabilitation et développement des
infrastructures,  formation de la  main d'oeuvre, investissement en recherche
 
et développement, etc.) pour baisser les coûts de
production. 3) Boyer, Patry et Tremblay (1999) définissent une  
autre notion d'efficacité dans le cadre de la gestion des
services d'eau qu'il nomme l'èco-efficacité et qui repose  
sur l'idée de développement durable.  
Les  critères  pour  évaluer  la  performance  des 
entreprises  sont :  1)  l'efficacité  allocative  (statique)  consiste 
à  
Adama DIENE - Mémoire de DEA Analyse Economique et
Quantitative 2006/2007  UFR SEG/UGB  
34  
  
 Partenariat Public- Privé dans le Secteur de l'Eau au
Sénégal.  
Wolak  (1994)  étudie  le  secteur  de  la  distribution 
d'eau  potable  en  Californie  à  partir  d'un  
modèle d'information privée sur les coûts. Il
montre en particulier que l'estimation des coûts  
est meilleure que dans un modèle avec information
complète. Récemment Brocas et al. (2006)  
reprennent ce modèle de régulation, dérivent
les solutions optimales d'une régulation rate of  
return, et évaluent le coût des
asymétries d'informations. Garcia et Thomas (2003) simulent  
les  contrats  optimaux de délégation des  services
 d'eau en France et  mesurent  les  distorsions  
dues aux asymétries d'information en termes de volumes
d'eau produits.  
Les  services  d'eau  peuvent  être  gérés 
directement  par  L'Etat  ou  bien  faire  l'objet  d'une  
délégation  de  service  public.  Lorsque 
l'exploitation  est  déléguée,  l'Etat  cherche  à 
réduire  la  
marge  de  l'entreprise     tout  en  l'incitant  à 
fournir  le  meilleur  service.  Pour  ces  raisons,  la  
procédure de délégation passe par un appel
d'offres. Depuis Demsetz (1968), la concurrence  
pour  le  marché   est   préconisée  comme  
complément   voire  substitut   de   la  régulation   du  
monopole. Riordan et Sappington (1987) modélisent la
procédure optimale d'attribution de la  
concession d'un monopole lorsqu'il y a incertitude et information
complète sur les coûts. Plus  
récemment,  Mougeot  et  Naegelen  (2005)  reformulent 
cette  théorie  en  faisant  le  lien  entre  
régulation  du  monopole  à  la 
Baron-Myerson  et  procédure  de  mise  en  concurrence  pour  le
 
marché.  
Notre travail s'inscrit dans ce cadre en caractérisant le
mécanisme incitatif optimal lorsque la  
gestion est déléguée, équivalent
à un mécanisme optimal d'attribution du monopole.  
La possibilité de choisir son mode de gestion et les
différences de prix constatées ont donné  
matière à de nombreux débats dans les
milieux politiques et spécialisées sur l'organisation des  
services.  Seulement  quelques  études  ont  tenté 
d'expliquer  le  choix  de  mode  gestion  des  
services  d'eau  et  son  impact  sur  les  prix.  Sage  (1999) 
montre  que  le  mode  de  gestion  
n'explique pas à lui seul les différences de prix
de l'eau et la comparaison directe des prix ne  
peut  être  satisfaisante.  Ménard  et  Saussier 
(2000)  analysent  le  choix  de  mode  de  gestion  à  
partir  de  la  théorie  des  coûts  de 
transaction.  Ils  montrent  que  ce  choix  est  guidé  par  des  
décisions  économiques  plus  que  par  des 
facteurs  politiques.  Aucun  avantage  absolu  d'un  
mode  de  gestion  sur  l'autre  n'est  mis  en  évidence 
et  la  performance  dépend  de  son  bon  
ajustement  aux  caractéristiques  de  la  transaction. 
Glachant  et  Miessner  (2003)  cherchent  à  
identifier l'influence des facteurs organisationnels sur les prix
des services d'eau.  
19  
19  
On parle de rente informationnelle car elle est liée au
déficit d'information de l'Etat sur l'entreprise et / ou sur  
le  réseau.  Le  problème  existe  également
 dans  le  cas  d'une  gestion  directe  où  les  services  techniques 
de  la  
commune  peuvent  dissimuler,  sciemment  ou  non,  au  conseil 
municipal  certaines  informations  ou  certaines  de  
leurs actions sur le plan de production afin de profiter de rente
de situation.  
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Quantitative 2006/2007  UFR SEG/UGB  
35  
  
 Partenariat Public- Privé dans le Secteur de l'Eau au
Sénégal.  
Les résultats montrent que la délégation et
l'intercommunalité entraînent des prix élevés
à la  
fois pour l'Alimentation en Eau Potable (AEP) et
l'assainissement, mais cela peut être nuancé  
par   les conditions d'exploitation initiales et des
qualités de service différentes. Carpentier et  
al. (2005) proposent d'évaluer les effets du mode de
gestion sur le prix de l'eau. La méthode  
des effets de traitement leur permet d'identifier la composante
des écarts de prix qui est due à  
des  effets  non  observés,  selon  le  mode  de  gestion.
 Il  est  montré  que  l'écart  de  prix  est  
expliqué en partie par des conditions d'exploitation
différentes, ce qui justifierait les prix plus  
élevés observés en gestion
déléguée.  
Notre objectif est  d'étudier les  interactions  entre 
mode de  gestion et  coûts  d'exploitation du  
service d'eau. L'Etat qui est responsable de l'organisation des
services d'eau a deux options :  
il peut gérer lui-même le service ou bien en confier
l'exploitation à une entreprise extérieure.  
Dans   chaque   situation,   il   y   a   un   bien-être  
de   l'Etat   différent   qui   dépend   des   coûts  
d'exploitation différent. Nous modélisons le choix
de mode de gestion à partir de la différence  
de  bien-être  social.   Dans   le  cas   d'une   gestion  
directe  des   services,   l'Etat   est   supposé  
maximiser  le  surplus  des  usagers,  net  des  coûts 
d'exploitation,  sous  contrainte  d'équilibre  
budgétaire. Pour la gestion déléguée,
un modèle avec information privée sur les coûts (Baron  
et Myerson, 1982) est considéré.  
Notre étude économique sera organisée de la
façon suivante :  
La  section  1  spécifie  d'abord  le  réseau  et 
la  technologie  du  service  d'eau    et  ensuite  la  
représentation  économique  de  la  fonction  de 
coût  variable.  Nous  décrivons  enfin  le  modèle  
économique du choix de mode de gestion du service dans la
deuxième section.  
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Quantitative 2006/2007  UFR SEG/UGB  
36  
  
 Partenariat Public- Privé dans le Secteur de l'Eau au
Sénégal.  
I- La technologie et les coûts du service
 
Cette   section   a   pour   objet   de   procéder   a  
une   analyse   de   la   technologie   et   les   coûts  
d'exploitation,  il  comporte  dès  lors  deux  sous 
sections :  le  réseau  et  la  technologie  et  la  
représentation économique du coût  
I 1- Le réseau et la technologie  
Le  secteur  de  l'eau se  présente  comme  un 
marché  de  nature  monopolistique  au  moins  pour  
20  
une partie de ses activités   . L'AEP (Alimentation en Eau
Potable) peut être séparée en deux  
activités :  la  production  d'eau  potable  proprement 
dite  et  la  distribution  de  cette  eau  vers  
différentes  catégories  d'usagers.  La 
distribution  de  l'eau  potable  engendre  des  coûts  fixes  
importants.  La  spécificité  des  actifs  donne 
à  ces  coûts  fixes  un  caractère  irréversible. 
Par  
ailleurs, l'eau est un produit lourd dont le transport est
coûteux et le stockage difficile, et les  
exigences  de  qualité  nécessitent  une  certaine 
proximité  entre  les  lieux  de  production  et  de  
consommation.  
Les coûts d'exploitation du service sont donc
engendrés par toutes les opérations ayant trait à  
la  desserte  en  eau  potable  depuis  le 
prélèvement  dans  le  milieu  naturel  jusqu'au  robinet  de  
l'usager.  L'eau  potable  est  produite  à  partir 
d'eaux  brutes  souterraines  ou  de  surface.  L'eau  
issue  d'une  nappe  souterraine  engendre  des  coûts 
plus  importants  de  forage  et  de  pompage  
alors que les coûts de traitement sont d'ordinaire plus
conséquents pour les eaux de surface.  
Par  ailleurs,  les  coûts  variables  peuvent  être 
également  très  différents  lors  de  la  phase  de  
distribution, car ils dépendent de façon cruciale
de la taille des zones desservies, leur densité  
en population et la topographie.  
Une  partie  du  volume  d'eau  mis  en  distribution  dans  le 
réseau  n'atteint  pas  sa  destination  
finale,  principalement  à  cause  de  pertes  dues 
à  des  ruptures  de  conduites  ou  des  joints  
21  
fuyants   .  Cette  spécificité  doit  être 
prise  en  compte  car  les  coûts  de  production  et  de  
distribution dépendent fortement de l'état du
réseau. Le rendement de réseau calculé comme  
le  ratio  du  volume  facturé  aux  usagers  et  du 
volume  mis  en  distribution  est  un  indicateur  
important  pour  les  ingénieurs  et  une  variable  de 
décision  cruciale  pour  les  gestionnaires  du  
20  
Le  secteur  de  l'eau  possède  des 
caractéristiques  similaires  à  celle  d'autres 
activités  industrielles  en  réseau  
(électricité,  télécommunication, 
transports) :  structure  monopolistique  du  marché, 
prédominance  de  l'opérateur  
historique,   obligation   de   service   public   Mais   en  
dépit   de   ces   caractéristiques   communes,   il   existe  
des  
différences  importantes  entre  les  secteurs : 
progrès  technologiques,  conditions  de  demande,  globalisation  des
 
marchés    (franchissement    transfrontalier    dans   
le    secteur    des    transports,    présence    de    grands   
groupes  
transnationaux  dans  le  secteur  de  l'eau  et 
l'électricité  par  exemple),  certains  segments  de 
l'industrie  sont  des  
monopoles naturels et d'autres plus concurrentiels etc.  
21  
localisables et donc rapidement réparées.  
Lors de l'étape de production, les conduites de transfert
étant peu nombreuses, les fuites sont facilement  
Adama DIENE - Mémoire de DEA Analyse Economique et
Quantitative 2006/2007  UFR SEG/UGB  
37  
  
 Partenariat Public- Privé dans le Secteur de l'Eau au
Sénégal.  
service.  Garcia  et  Thomas  (2001)  soulignent  l'existence 
d'économies  de  coût  substantielles  
selon  que  l'exploitation  choisit  d'accroître  la 
production  d'eau  potable  tout  en  maintenant  
l'état  du  réseau  inchangé  ou  bien  de 
réparer  les  fuites  sans  extraire  davantage  d'eau.  Par  
ailleurs, Garcia et Thomas (2003) montrent qu'en raison de la non
observabilité des coûts de  
production d'eau potable et de maintenance du réseau de
distribution lorsque l'Etat   délègue  
l'exploitation du service public à un opérateur
privé, elle doit autoriser ce dernier à produire  
un niveau de pertes d'eau supérieur au niveau optimal
d'information complète.  
I2-  La représentation économique
du coût  
La  représentation  économique  du  dans  le 
secteur  de  l'eau  au  Sénégal  reste  confrontée 
à  de  
nombreuses études de coût et de demande.  
I2-1  
- La fonction de coût  
La  modélisation  et  l'estimation  de  fonction  de 
coût  ainsi  que  l'étude  de  l'effet  du  type  de  
propriété  (public  ou  privé)  des 
services  d'eau  sur  leur  efficacité  sont  des  sujets  qui  ont 
été  
traités  par  un  certain  nombre  d'articles  de 
recherche  empirique  depuis  plusieurs  années.  
Estache  et  Rossi  (2002)  présentent  les  estimations 
de  frontières  de  coûts  dans  le  but  de  
mesurer   l'efficacité   productive   des   compagnies  
publiques   et   privées   chargées   de   la  
distribution de l'eau potable dans la région d'Asie et du
Pacifique. Par ailleurs, Saal et Parker  
(2000)    étudient    l'impact    de    la   
privatisation    et    de    la    régulation    économique    et
 
environnementale  sur  la  performance  économique  des 
services  d'eau  en  Grande-Bretagne  à  
partir d'une fonction de coût translog multi- produits.  
Les études réalisées sur le sujet et la
description de la technologie nous permettent d'identifier  
plusieurs déterminants importants des coûts
d'exploitation :  
 ·   Le volume d'eau vendu (Q) ;  
 ·   Les prix des facteurs de production (w) ;  
 ·   Des caractéristiques techniques (CAR) :  
-le  nombre  d'abonnés  desservis  (A)  et  la  longueur 
du  réseau  (R),  ou  leur  ratio  
(Dens) ;  
- le taux de rendement (rdt) ou l'indice linéaire de
pertes en distribution (B) ;  
-l'origine des eaux brutes (EB) ;  
- la topographie de la zone de distribution (Topo) ;  
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Quantitative 2006/2007  UFR SEG/UGB  
38  
  
 Partenariat Public- Privé dans le Secteur de l'Eau au
Sénégal.  
-le type de traitement de potabilisation (Trait).  
La fonction de coût variable conditionnelle de court terme
peut s'écrire de la façon suivante :  
CV= (Q, w,  CAR),  
(1)  
où CV représente les coûts variables
(minimum). Nous avons choisi d'étudier une fonction de  
coût  variable  (de  court  terme)  plutôt  qu'une 
fonction  de  coût  total  (de  long  terme)  pour  
plusieurs raisons. D'abord, une fonction de coût variable
contient la même information que le  
processus   de   production   d'origine.   Par  
conséquent,   une   fonction   de   coût   total   faisant  
l'hypothèse que tous les facteurs (y compris le capital)
peuvent s'ajuster instantanément serait  
une  mauvaise  spécification.  Enfin,  nous  souhaitons 
minimiser  l'impact  de  la  différence  de  
coût du capital entre les contrats d'affermage et la
gestion publique.  
I2-2  
- Le coût et la demande  
A partir de l'équation (1), on peut réécrire
 la fonction de coût variable du service de la façon  
suivante :  
CV _ CV (L, _, _  c),  
(2)  
où  CV  représente les coûts variables du
service. L est le vecteur des variables explicatives  
des coûts variables. Il comprend Q  le volume d'eau
vendu, w  le vecteur de prix des inputs et  
CAR   le   vecteur   des   caractéristiques   techniques  
du   service.   Toutes   ces   variables   sont  
parfaitement  observables  par  l'Etat  et 
l'économètre.  _  représente  l'efficacité
 productive  de  
l'exploitation  du  service  et  _  c  une  erreur 
traduisant  l'existence  d'aléas  non  observés  sur  les  
coûts.  _  est  une  variable  aléatoire 
non  observée  quelque  soit  le  mode  de  gestion  et  reflète
 
l'information privée de l'exploitation dans le cas d'une
gestion déléguée. Notons CF les coûts  
fixes du service   qui sont considérés comme
exogènes et sont   supposés ne pas dépendre du  
22  
mode de gestion  
. Le coût total de production est la somme des coûts
variables et des coûts  
fixes : CF + CV.  
22  
Les coûts fixes sont majoritaires supportés par
l'Etat dans la gestion directe et par le régulateur dans la gestion  
déléguée.  Dans  certains  cas  d'affermage 
avec  clauses  concessives,  une  partie  de  ces  coûts  est 
transférée  à  
l'opérateur chargé de l'exploitation du service.
 
Adama DIENE - Mémoire de DEA Analyse Economique et
Quantitative 2006/2007  UFR SEG/UGB  
39  
  
 Partenariat Public- Privé dans le Secteur de l'Eau au
Sénégal.  
La fonction de demande des usagers du service s'écrit  P
(Q, _  d) où P est le prix unitaire du  
service et _  d  une perturbation aléatoire de la
demande. Notons S le surplus brut espéré des  
usagers :  
S _ S (Q)=E [  Q_       P (Q, _ ) dQ]  
d  
+_  
(3)  
II- Le choix de mode de gestion  
L'Etat peut choisir soit de gérer directement le service
d'eau (indice '0') soit de déléguer son  
exploitation à une entreprise spécialisée
(indice '1'). Si le service est géré par l'Etat (gestion  
0  
publique), les coûts sont notés CV   et si le
service est délégué (gestion privée), les
coûts  sont  
1  
notés CV  . Nous supposons que l'Etat ou le
régulateur choisit le mode gestion qui lui procure  
le plus haut niveau d'utilité.  
II 1- La gestion publique  
En 1968, après nationalisation du service public,
l'exploitation du service de l'eau potable a  
été confiée à une
société  publique, la Société Nationale
d'Exploitation des Eaux  du Sénégal  
(SONEES).  Dans  ce  nouveau  schéma,  l'Etat  du 
Sénégal  a  en  charge  les  investissements  
d'extension et de renouvellement du matériel et des
ouvrages.  
Cette nationalisation donnait à la SONEES la concession  
du service public en lui conférant  
en  plus  de  la  responsabilité  de  l'exploitation, 
celle  de  la  planification  et  de  la  maîtrise  
d'ouvrage des travaux d'extension de l'infrastructure, de
production et de distribution.  
Si on note _  o le profit de la SONEES et T  la partie
fixe du tarif pour le service.  
Dans le cas d'une gestion publique, l'Etat cherche à
maximiser le bien- être social espéré (le  
surplus des usagers net des coûts espérés en
gestion directe) sous contrainte budgétaire :  
Max S (Q)- E [CV  0 (L, _, _  c) + CF],  
Q  
telle que l'espérance de profit  de la SONEES ne soit pas
négative :  
(4)  
_  o_E [T+ P (Q, _  d) Q- CV  0 (L, _, _ )
- CF] _0.  
c  
(5)  
Ce qui revient à maximiser :  
Adama DIENE - Mémoire de DEA Analyse Economique et
Quantitative 2006/2007  UFR SEG/UGB  
40  
  
 Partenariat Public- Privé dans le Secteur de l'Eau au
Sénégal.  
W  o=S (Q)- E [CV  0 (L, _, _  c) + CF] -
__  o,  
(6)  
avec _  représentant le coût de la contrainte
budgétaire du service. La solution de la  
maximisation de l'expression (6), est le prix optimal qui est un
prix Ramsey-Boiteux pour une  
23  
régulation Cost of service    :  
[P  o-( CV  0    Q)]  P  o  = (_
 1+ _) (1  ff)  
P  o-( CV  0    Q) =  P  o [(_ 
1+ _) (1  ff)]  
P -oP   o [(_  1+ _) (1  ff)] = ( CV 
0    Q)  
P  o [1- (_  1+ _) (1  ff)] = ( CV  0    Q)
 
Po = [( CV  0    Q)] [ff (1+ _)/ ff (1+ _)-
_]  
(7)  
où ff  i=E [(dQ  dP)  (Q  P)] est
l'élasticité de la demande des usagers du service.  
Cette formule est la définition classique de l'indice de
Lerner qui dépend de l'élasticité de la  
demande  ff     et   du   coût   de   la   contrainte   de 
 budget  _   du   service,   autrement   dit   les  
caractéristiques techniques.  
II 2 - La gestion privée  
L'opérateur privé professionnel de l'eau
désigné comme partenaire stratégique du secteur de  
l'eau est la SAUR, filiale du groupe français Bouygues.
Lors de l'appel d'offre international  
de sélection de la société privée
devant reprendre l'exploitation du service de l'eau, la SAUR  
s'est alliée à la société
sénégalaise GTHE (Grands travaux d'hydraulique et d'entretien)
pour  
soumissionner. Le schéma de privatisation du service
public de l'eau au Sénégal s'est fondé  
sur l'affermage. Aux termes du contrat d'affermage du service
public de la production et de la  
distribution  de  l'eau  potable  en  zone  urbaine,  l'Etat  a 
confié  à  la  SDE  le  droit  exclusif  de  
produire  et  distribuer  l'eau  sur  toute  l'étendue  du
 territoire.  Outre  les  obligations  relatives  à  
bonne  exploitation  du  service  public,  le  contrat  met 
également  à  la  charge  du  fermier  un  
23  
Voire Laffont et Tirole (1993), p.31  
Adama DIENE - Mémoire de DEA Analyse Economique et
Quantitative 2006/2007  UFR SEG/UGB  
41  
  
 Partenariat Public- Privé dans le Secteur de l'Eau au
Sénégal.  
certain nombre d'obligations en matière de travaux. La SDE
transfert une partie des revenus à  
la SONES  pour la réalisation des  investissements. Ce
contrat  est  tripartie  et, bien que l'Etat  
soit  l'autorité  affermante,  le  contrôle  de 
l'exploitation  est  assuré  par  la  SONES  selon  les  
termes   du   contrat   de   concession   de   travaux   publics 
 et   de   gestion   du   patrimoine   de  
l'hydraulique urbaine. Ainsi, elle joue le rôle d'une
agence de régulation publique.  
Si l'on note r (Q), le montant de la redevance versée
à l'agence de régulation. Il est fixé en  
fonction du volume d'eau vendu r (Q) = Q (Pmoyen - P  e)   e.  
Le profit espéré de l'entreprise privée
s'écrit de la manière suivante :  
_  1 = E [T+ P (Q, _  d) Q- CV  1 (L, _, _
)- CF- r (Q)].  
c  
(8)  
Les consommateurs maximisent leur bien-être. Le surplus
espéré des consommateurs s'écrit :  
S (Q)=E [  Q_       P (Q, _ ) dQ]  
d  
+_  
L'agence de régulation est censée maximiser la
somme du surplus des usagers et le profit de  
entreprise.  
Dans  le  cas  d'une  gestion  déléguée, 
les  préférences  du  régulateur  sont 
représentées  par  une  
somme  pondérée  du  surplus  net 
espéré  (U)  des  usagers  et  du  profit  espéré 
(Re)  tiré  de  
l'exploitation du service, fi le coefficient de
pondération. Nous suivons l'approche de Baron et  
Myerson (1982) qui supposent que le surplus des usagers est
préféré au profit de l'entreprise  
(fi   _]   1/2,   1]).   Le   fi   représente  
l'importance   que   l'Etat   accorde   aux   surplus   des  
consommateurs.  
La  SDE   a  une  information  privée  sur  son  
efficacité  productive  ou   son  type  _  i.  Nous  
supposons que _  i est défini par la distribution F (.),
de densité f (.), sur l'intervalle  
[_, _*], où _ caractérise une grande
efficacité et _*  une faible efficacité. La distribution est  
connue de la SONES.  
Le revenu de la SONES est donné par la formule suivante.
 
Re=  E [r (Q) - ta]  
(9)  
où ta représente la taxe d'assainissement.  
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Quantitative 2006/2007  UFR SEG/UGB  
42  
  
 Partenariat Public- Privé dans le Secteur de l'Eau au
Sénégal.  
Soit w  [0,1] est la part du profit de l'entreprise
autorisée à l'expatriation et (1-w) la part du  
profit  utilisé  au  Sénégal.  Car  il  y  a
 l'entreprise  GTHE  chargée  de  certains  investissements,  
surtout en ce qui concerne les entretiens des ouvrages.  
L'objectif de l'autorité tutelle est donc de maximiser la
somme pondérée suivante :  
W1 = fi U + (1- fi) (1-w) _1  
(10)  
Où  
U = S (Q) - E [P (Q, _  d) Q - T] + Re  
(11)  
Et  
_  1 = E [T+ P (Q, _  d) Q- CV  1 (L, _, _ 
c)- CF] - E[r (Q)].  
Donc  
U = S (Q) - _  1 - E [CV  1 (L, _, _  c) +
CF] - E (ta)  
W1 = fi U + (1- fi) (1-w) _1  
=  fi [S (Q) - _  1 - E [CV  1 (L, _, _  c)
+ CF] - E (ta)] + (1- fi) (1-w) _1  
=   fi [S (Q) - E [CV  1 (L, _, _  c) + CF] - E (ta)]
- fi _  1 + (1- fi) (1-w) _1  
=  fi [S (Q) - E [CV  1 (L, _, _  c) + CF] - E (ta)] -
2fi _  1 + _  1 - w _  1 + fiw _1
 
=  fi [S (Q) - E [CV  1 (L, _, _  c) + CF] - E (ta)] -
fi _  1 (2 - 1/fi + w/fi - w)  
=  fi [S (Q) - E [CV  1 (L, _, _  c) + CF] - E (ta) -
((2fi - 1)/fi + w (1- fi)/fi) _  1]  
Le bien être collectif s'écrit finalement :  
W1 = fi [S (Q) - E [CV  1 (L, _, _  c) +
CF] - E (ta) - ffi _  1]  
(12)  
Adama DIENE - Mémoire de DEA Analyse Economique et
Quantitative 2006/2007  UFR SEG/UGB  
43  
  
 Partenariat Public- Privé dans le Secteur de l'Eau au
Sénégal.  
où ffi = ((2fi - 1)/fi + w (1- fi)/fi)  
Cette fonction de bien être (gestion
déléguée) est à différencier à celle
en gestion directe parce  
que nous constatons l'apparition d'une variable la taxe
d'assainissement et seul le coefficient  
associé au profit doit être interprété
différemment. Remarquons aussi que les expressions du  
bien être dépendent crucialement des coûts
engendrés lors l'exploitation du service.  
Puisque  le  paramètre  d'efficacité _  i  n'est 
pas  observée  par  l'Etat,  il  maximise  l'expression  
(12) sous la contrainte de participation (_ (_) _ 0, ,_) et la
contrainte d'incitation (_ (_,  
 ·  ) _  _  (_*,  _),  ,_,  ,_*,  où  _*  n'est 
pas  le  vrai  type  de  l'exploitant).  Le  mécanisme  
révélateur optimal donne le prix Baron-Myerson :
 
P  1-( CV  1    Q)= ffi [F (_  i)  f (_ 
i)] [ CV  1   _  i  Q]  
P1 = ffi [F (_  i)  f (_ )] [ CV  1   _  
Q] + ( CV  1    Q)  
i  
i  
(13)  
où F et f représentent respectivement la fonction
de distribution cumulative et la fonction de  
densité de _  i qui sont connues de l'Etat. Si l'Etat
organise une enchère pour attribuer le droit  
de  service  la  demande  en  eau  portable  pour  le  service 
dans  le  cas  où  l'entreprise  a  une  
information   privée   sur   ses   coûts,   on  
obtient   le   prix   Baron-Myerson   pour   l'entreprise  
24  
sélectionnée, voir Mougeot et Naegelen (2005)   .
La différence prix- coût marginal dépend du  
paramètre  _,  du  volume  d'eau  potable  vendu 
(dépendant  lui-même  du  paramètre  _  25)    
,  des  
caractéristiques locales du service, de celles du contrat
et son environnement.  
II 3-  Le choix  
Le  choix  de l'Etat  sur le  mode de  gestion du service d'eau
peut  être décrit  par un modèle  à  
régimes  (switching  model)  et  fonction 
critère  (ou  équation  de  sélection)  à  la  Lee 
(1978).  
Comme  Huang  et  al.  (2002),  nos  équations  de 
régime  sont  des  fonctions  de  coût.  On  
considère que l'Etat préfère la gestion
privée à la gestion publique de son service d'eau si :  
24  
Le optimal défini par Mougeot et Naegelen (2005) est
différent du nôtre parce qu'il intègre un coût social
des  
fonds public, que le régulateur est supposé
utilitariste et que le coût marginal est supposé constant.  
25  
l'exploitation.  Dans  le  modèle  plus  complexe  de 
Garcia  et  Thomas  (2003),  les  volumes  d'eau  vendu  et  les  
volumes d'eau perdu font partie du contrat.  
Le  principe  du  mécanisme  révélateur  est
 de  faire  dépendre  les  termes  du  contrat  de  l'information 
privée  de  
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Sénégal.  
1  
W  
0  
- W  > k  
(14)  
Ce qui signifie qu'il choisit la gestion privée si la
différence en bien être social associé à ce  
choix  est supérieure à une valeur de
réserve non  observée.  La valeur de réserve k  peut 
être  
interprétée  comme  la  prédisposition  de 
l'Etat  à  privatiser  son  service  d'eau  potable,  et  peut  
ainsi être positive ou négative. On suppose que k
est fonction de la quantité d'eau vendue Q et  
de caractéristiques du service  CAR   :  
k = fi  1+fi  Q+fi  CAR+  
2  
3  
(15)  
où   est une erreur capturant des facteurs
aléatoires non observables.  
Le choix de mode de gestion du service dépend de la
différence du bien être social et donc de  
la différence de coût selon le mode de gestion : W
 1 - W  0 = fi  0 +-  1 (CV  1- CV 
0), où CV  0 et  
CV  1  sont définis par l'équation (2)
et dépendent entre autres de l'efficacité productive _ non  
observée  spécifique  au  service  et 
d'aléa  non  observés _  c. Ainsi,  on  peut  écrire 
l'équation  de  
sélection de la façon suivante :  
1            0  
I* = W  - W - k  
I* = fi  0 + -  1 (CV  1- CV  0) - fi  1 -
fi  2 Q - fi  3 CAR -   
I* = fi  0 - fi  1 + -  1 (CV  1- CV  0) -
fi  2 Q - fi  3 CAR -   
donc  
I* = -  0+ -  (CV  1- CV  0) + -  Q+ - 
CAR-   
1  
2  
3  
(16)  
où -  0= fi  0 - fi  1, -  2 = - fi  2 et -  3 = - fi  3.
En particulier, si I* >0 alors l'Etat choit de privatiser  
l'exploitation de son service d'eau.  
La   performance   relative   des   modes   de   gestion   des  
services   publics   de   l'eau   est   une  
préoccupation  centrale  des  Etats  mais 
également  un  thème  de  recherche  important  chez  les  
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45  
  
 Partenariat Public- Privé dans le Secteur de l'Eau au
Sénégal.  
économistes.   Cependant,   les   travaux   sur   le  
secteur   de   l'eau   proposent   souvent   des  
méthodologies  qui  ne  prennent  pas  en  compte 
simultanément  les  choix  des  Etats  et  leurs  
impacts sur les coûts et les prix de l'eau, et aboutissent
à des résultats contradictoires. Dans ce  
chapitre  nous  avons  étudié  les  interactions 
entre  le  mode  de  gestion  et  de  régulation  des  
services d'eau potable au Sénégal et leurs
coûts d'exploitation. Nous avons essayé ensuite de  
mettre en évidence les facteurs expliquant les rendements
et la performance du secteur.  
Nous  avons  développé  un  modèle  de 
sélection  sur  les  deux  modes  de  gestion  (régimes) :  la
 
gestion  publique  et  la  gestion  privée.  Notre 
modèle  théorique  montre  que  le  choix  de  l'Etat  
dépend   de   la   différence   de   coûts  
d'exploitation   selon   le   mode   de   gestion   et   des  
caractéristiques du service.  
Dans  le  prochain  chapitre  nous  présenterons  une 
méthodologie  économétrique  utilisée  pour  
évaluer la rentabilité du PPP avec des
données annuelles de l'ensemble des centres urbains du  
Sénégal.  
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