Récemment a émergé la notion que des
facteurs environnementaux précoces allant de la vie foetale aux
premières années de vie pouvaient influencer la santé
à l'âge adulte. En ce qui concerne l'obésité, une
relation a pu être mise en évidence entre le poids de naissance et
l'IMC à l'âge adulte. Plusieurs études ont montré la
relation entre un poids de naissance élevé et
l'obésité à l'âge adulte (Whitaker, 2004), de
même qu'une obésité a été retrouvée
chez les enfants dont la mère a eu un diabète gestationnel
(Silverman, 1998). Il semble que l'hyperinsulinisme foetal retrouvé dans
ces situations soit responsable de modifications de composition corporelle et
même d'adaptation de la fonction pancréatique
générant un hyperinsulinisme. Des relations ont été
également mises en évidence entre petit poids de naissance et
obésité centrale et hyperinsulinisme à l'âge adulte.
Il apparaît que la malnutrition foetale pendant la 2e et 3e partie de la
gestation soit capable de modifier l'expression des gènes par un
processus d'épigénétique et conduise à un
phénotype d'épargne responsable à l'âge adulte
d'effets délétères avec l'apparition d'un syndrome
métabolique (Gallou-Kabani et Junien, 2005). De nouvelles études
sont encore nécessaires pour confirmer ces hypothèses.
L'alimentation dans la période néonatale semble
également impliquée dans l'évolution ultérieure du
poids. La première observation d'un effet protecteur de
l'allaitement maternel sur l'obésité de
l'enfant a été publiée par Kramer en 1981. Depuis, un
certain nombre d'études ont été publiées et ont
fait l'objet de revues. Dans la méta-analyse d'Arenz et coll. (2004),
954 études ont été retrouvées, dont seulement 9 ont
pu être retenues après élimination des facteurs confondants
(poids de naissance, poids des parents, facteurs socioéconomiques...).
Cette méta-analyse permet la comparaison entre des enfants ayant
été allaités plus de 6 mois et des enfants non
allaités ; elle montre un effet protecteur faible, mais certain, de
l'allaitement maternel sur l'obésité de l'enfant. Quatre
études mettent en évidence un effet dose-réponse de la
durée de l'allaitement sur la prévention de
l'obésité. Les facteurs impliqués dans cet effet
protecteur semblent multiples et sont encore sujets de discussion : meilleur
apprentissage de la satiété par l'allaitement, rôle de la
composition du lait maternel (contenu en protéines, nature des acides
gras, leptine), moindre insulino-sécrétion après
allaitement...
Récemment, il a été mis en
évidence le rôle de la nature des acides gras dans le
développement du tissu adipeux. Les acides gras de la série n-6
sont des puissants promoteurs de l'adipogenèse in vitro et du
développement du tissu adipeux in vivo (Ailhaud et Guesnet,
2004). Les acides gras de la série n-3 comme l'EPA, le DHA ainsi que les
acides linoléiques conjugués (CLA) diminuent la
prolifération des préadipocytes et l'adiposité dans les
modèles de rongeurs (Azain, 2004). Ces facteurs apparaissent donc comme
des déterminants importants du développement de
l'obésité. Cependant, la nature des acides gras du lait maternel
dépend de l'alimentation de la mère et la composition en acides
gras des laits artificiels a évolué avec le temps. Il est ainsi
difficile de connaître l'influence de ces changements, mais ce sont
probablement des paramètres dont il faudra tenir compte à
l'avenir.
Le poids pendant l'enfance est un élément
prédictif du poids à l'âge adulte ; l'IMC à
l'âge de 6 ans apparaît notamment prédictif de l'IMC
à 20 ans. Ce paramètre a plus d'influence que l'IMC des parents
bien que le risque de surpoids augmente avec le poids des parents (Magarey et
coll., 2003). Il est à noter que le poids du père et de la
mère semble avoir une influence différente sur le poids de
l'enfant, l'IMC de la mère étant plus déterminant sur
l'IMC de l'enfant et de l'adolescent, alors que celui du père
influence plus la répartition de la masse adipeuse
(Heude et coll., 2005). La courbe de l'évolution de l'IMC de l'enfant a
également une valeur prédictive. Celle-ci réaugmente de
façon physiologique après un point bas entre 4 et 7 ans, on parle
de rebond adipocytaire. Il a été montré par
Rolland-Cachera et coll. (1984) que la précocité de ce rebond
était associée à un risque accru d'obésité.
Cette notion a été contestée par certains auteurs qui
montrent que le fait de croiser la courbe des centiles d'IMC correspond
à un risque accru d'obésité quel que soit l'âge
(Cole, 2004). L'ensemble de ces données souligne l'intérêt
de la surveillance de l'évolution du poids et de la taille au cours de
l'enfance. Il semble donc, qu'au cours de l'enfance, puisse se dessiner un
profil à risque associant un poids de naissance aux extrêmes, une
absence d'allaitement maternel, une évolution défavorable de
l'indice de masse corporelle, une obésité des parents. La
conjonction de plusieurs de ces éléments est à prendre en
compte dans la définition des cibles des interventions.