L'obésité est très fortement
considérée comme associée à une morbidité et
à une mortalité accrue. Les études menées pour la
plupart dans des populations blanches d'Europe et des Etats-Unis
d'Amérique font apparaître qu'une mortalité
élevée est essentiellement due à des maladies
cardio-vasculaires, au diabète et à des maladies de la
vésicule biliaire (BASDEVANT, 1993). Le surpoids est un facteur de
risque pour plusieurs maladies :
Cardiopathie coronarienne : Le surpoids est associé
à une prévalence accrue de facteurs de risque cardio-vasculaires
tels que l'hypertension, une concentration en lipides sanguins
défavorable et le diabète sucré. Une diminution de 10% du
poids corporel correspondrait à une diminution de 20% de risque de
cardiopathie coronarienne (BASDAVANT, 1993). Environ 40% de l'incident des
cardiopathies coronariennes est attribuables à des indices de
Quételet supérieur à 21 (OMS, 1996).
Infarctus : La graisse abdominale pourrait être
associée à une élévation de la tension
artérielle (PERLEMUTER, 1990 ; OMS 1996).
Hypertension : L'augmentation du poids corporel est
associée à une élévation de la tension
artérielle (OMS, 1996 ; WHO, 1998). En moyenne une perte d'un Kg est
associée à une diminution de 1,2 à 1,6mm hg de la tension
artérielle systolique et de 1,0 à 1,3mm hg de la tension
artérielle diastolique.
Diabète de type 2 : Le surpoids est un facteur de
risque bien connu du diabète de type 2 ou non insulinodépendant
(DNID ) chez l'adulte, un gain de poids de plus de 5Kg en huit ans est
associé à une augmentation marqué du risque de DNID. Il a
été prouvé scientifiquement qu'une perte de poids chez les
sujets atteints de DNID améliore la tolérance au glucose et
diminue le recours aux hypoglycémiants (OMS, 1996).
Affection de la vésicule biliaire
:L'obésité présente un risque important de calculs
biliaires plus prononcé chez la femme que chez l'homme .Une perte de
poids sur une longue période ne protège pas contre la formation
de calculs biliaires.
Arthrose : Des observations de plus en plus nombreuses
indiquent toutes fois que le surpoids est associé à l'arthrose au
niveau de plusieurs articulations, en particuliers les mains et les genoux.
Cancer : L'excès de poids augmente le risque de cancer
de l'endomètre et probablement le risque de cancer de sein chez la femme
ménopausée. La relation entre surpoids et cancer du colon, du
rectum, de l'ovaire et de la prostate reste discutable.
Autre trouble : La présence de graisse abdominale et
l'excès de poids ont été associés à
l'infécondité (OMS, 1996).
Les chercheurs continuent toujours de réfléchir
sur les différentes complications que cause l'obésité pour
la santé.
+ Obésité, facteur de risque
cardiovasculaire et de diabète
Si l'obésité est considérée
aujourd'hui comme « un contributeur majeur au poids global des maladies
» comme l'indique l'Organisation mondiale de la santé (WHO, 1997),
c'est en grande partie parce que les adultes ayant une masse corporelle
élevée ont une probabilité plus grande de devenir
diabétiques d'une part et de développer une cardiopathie
ischémique et plus généralement une pathologie
cardiovasculaire d'autre part. Longtemps controversé ce dernier domaine
s'est beaucoup enrichi durant les 20 dernières années par la
multiplication de résultats épidémiologiques provenant en
particulier d'études de cohortes mais aussi par le développement
des connaissances biologiques sur le rôle fondamental du tissu adipeux
dans le métabolisme et ses conséquences dans des domaines
physiopathologiques essentiels comme celui de l'inflammation.
Le risque de développer un diabète de type 2
(diabète de la maturité) croît fortement avec l'indice de
masse corporelle puisque dans deux grandes cohortes américaines, il est
multiplié par 10 chez la femme ayant un IMC supérieur à 29
kg/m2 (supérieur à 31 kg/m2 chez l'homme) par rapport aux valeurs
basses (<20 kg/m2)
(Carey et coll., 1997 ; Chan et coll., 1994). Ce risque
s'élève en fait également pour des augmentations plus
modérées de l'IMC. De la même façon la perte de
poids est associée à une diminution du risque de diabète
et particulièrement chez les sujets obèses et en surpoids
(Wannamethee et coll, 2005 ; Tuomilheto et coll., 2001). En fait, il est bien
montré aujourd'hui que c'est l'excès de masse grasse et en
particulier sa localisation périviscérale ou abdominale qui est
en cause dans cette susceptibilité au diabète. À la suite
de Reaven (1988), de nombreux auteurs considèrent d'ailleurs que le tour
de taille est un indicateur qui pourrait être plus pertinent que l'IMC
pour le risque de diabète : l'élévation du tour de taille
serait l'élément central du syndrome métabolique qui
marque la phase d'insulinorésistance accompagnant le
développement du diabète de type 2.
L'obésité, et plus généralement
l'excès de masse corporelle, est le déterminant le plus important
de trois domaines classiques du risque vasculaire : l'élévation
de la pression artérielle, la baisse du cholestérol HDL (et/ou
l'augmentation des triglycérides) et le diabète de type 2. Dans
les plus importantes études de cohortes américaines, une
augmentation du risque de cardiopathie ischémique avec le surpoids, et
plus encore l'obésité, a été mise en
évidence (Manson et coll., 1990 ; Rimm et coll., 1995). Cependant,
l'association de l'IMC avec le risque cardiovasculaire a montré des
résultats parfois variables pour lesquels des explications peuvent
aujourd'hui être tentées mais qui montrent la complexité du
domaine.
Le risque associé à l'IMC n'apparaît
nettement qu'après un suivi suffisamment long de la population
d'étude : 12 ans par exemple dans l'étude de Framingham (Hubert
et coll., 1983). Si ce fait contribue à expliquer l'absence
d'association significative dans les études de recul insuffisant, il
suggère qu'une exposition de durée suffisante à un
excès de masse grasse pourrait être nécessaire, mettant
ainsi en doute l'efficacité préventive de baisses de poids qui ne
seraient que de courte durée.
Le risque relatif associé à l'IMC
décroît fortement avec l'âge (Hubert et coll., 1983) et de
façon globalement équivalente chez l'homme et chez la femme
même si certains écarts ont pu être montrés pour
certaines formes de complications. Dans l'étude de l'American cancer
society, l'excès de décès cardiovasculaire
associé à une
augmentation de 1 kg/m2 de l'IMC diminue
régulièrement à partir de 10 % pour les sujets de 30-44
ans des deux sexes pour disparaître chez ceux de plus de 85 ans (Stevens
et coll., 1998).
Parallèlement aux observations concernant le risque de
diabète, l'excès de masse grasse et en particulier sa
répartition abdominale sont dans l'ensemble plus fortement
associés au risque cardiovasculaire que l'IMC. Ceci a pu être
montré dès les années 1980 par une équipe
suédoise utilisant le rapport des circonférences taille/hanches
(Larsson et coll., 1984), dans l'étude prospective parisienne utilisant
la distribution des plis cutanés (Ducimetière et coll., 1986)
puis le rapport des circonférences iliaque/cuisse (Ducimetière et
coll., 1989). Depuis, ces résultats ont été
confirmés dans plusieurs enquêtes de cohortes de grande taille
(Rimm et coll., 1995 ; Rexrode et coll., 1998).
+ Obésité et cancers
Différentes études ont montré une
relation entre excès de poids et cancer chez l'homme. Jusqu'à
présent, peu d'intérêt a été porté
à cette question car le risque relatif de cancer en cas
d'obésité est augmenté dans des proportions sans communes
mesures avec celui lié au tabac. De plus, les mécanismes liant
excès de masse grasse et cancers n'étaient pas clairs. La
progression actuelle de l'obésité, aux États-Unis en
particulier, appelle l'attention sur cette question longtemps
négligée : le risque relatif est certes faible mais il s'applique
désormais à un tiers de la population américaine. Dans une
étude prospective récente sur une population de 900 000 adultes
(environ 400 000 hommes et 500 000 femmes) analysée initialement en 1982
et suivie 16 ans, les relations entre l'indice de masse corporelle en 1982 et
le risque de décès par cancers ont été
analysées en général et selon le site (Calle et coll.,
2005). Une analyse multivariée prend en compte une série de
paramètres dont le tabac. Les sujets présentant une
obésité morbide, c'est-à-dire un IMC= 40, avaient un taux
de décès supérieur de 52 % (hommes) à 62 % (femmes)
par rapport à celui des sujets ayant un IMC dit normal. Dans les deux
sexes, l'IMC était significativement associé à un risque
accru de décès par cancer de l'oesophage, du colon, du rectum, du
foie et des voies
biliaires, du pancréas et du rein. Les lymphomes non
Hodgkinien et les myélomes multiples étaient également
plus fréquents chez les sujets atteints d'obésité morbide.
Chez l'homme, le cancer de la prostate et celui de l'estomac sont plus
fréquents en cas d'obésité. Chez la femme, le cancer du
sein, de l'utérus, du col et de l'ovaire sont plus fréquents.
Selon les auteurs, le surpoids et l'obésité pourraient rendre
compte de 14 % des décès par cancer chez l'homme et de 20 % chez
la femme. Le risque relatif le plus fort est observé pour les cancers de
l'utérus, du rein, du col et le plus faible pour le myélome, le
colon et le rectum. Ces résultats viennent confirmer des données
déjà publiées.
l'International agency for research on cancer
considère d'ailleurs qu'il y a maintenant suffisamment d'arguments
pour inclure la prévention de la prise de poids parmi les mesures
préventives, du cancer de l'endomètre, du rein, de l'oesophage,
du colon et du sein (en post-ménopause). Ce qui surprend dans cette
association entre corpulence et cancer est la variété des types
de cancer qui dépasse largement les atteintes généralement
considérées comme hormono-dépendantes. Des études
mécanistiques doivent compléter maintenant ces informations
épidémiologiques. En attendant, pour le clinicien une conclusion
s'impose : le dépistage des cancers est justifié chez les sujets
obèses, au même titre, voire plus que chez les sujets non
obèses.
·
· Autres complications
Les conséquences de l'obésité ne se
limitent pas aux maladies métaboliques et vasculaires et aux cancers,
mais touchent également d'autres organes. Le tableau n°2-2 (en
annexe) résume les principales causes de morbidité chez les
sujets obèses.
Les résultats de l'étude réalisée
par Djrolo et coll (1999) sur les femmes enceintes au CNHU de Cotonou tendent
à montrer que la femme obèse, lorsqu'elle est enceinte, est plus
à risque d'accoucher par césarienne que la femme de poids normal,
mais la différence n'était pas significative. Giacalone et coll
(1995) font la même observation. Cette absence de différence
significative est probablement liée à la petite taille des
échantillons utilisé par Djrolo et coll (1999) puisque Crane et
collaborateurs (2000) retrouvent dans une étude portant sur une
population de femmes beaucoup plus
large, une fréquence de césarienne qui augmente
avec l'indice de masse corporelle et la différence entre obèses
et poids normal est significative. Pour d'autres auteurs, cette
fréquence d'accouchement par césarienne significativement plus
élevée chez la femme obèse est aussi associée
à un risque de morbidité périopératoire plus
élevé (Perlow et coll, 1994 ; Houston et Raynor, 2000 ; Vermillon
et coll, 2000). Outre cette tendance à accoucher plus fréquemment
par césarienne, Giacalone et coll (1995) ont noté chez les femmes
en surpoids, une fréquence plus élevée de
déclenchement artificiel du travail et de recours à
l'analgésie obstétricale, de même qu'une durée
moyenne plus longue du travail et de l'ouverture de l'oeuf.
La prématurité est rapportée par Naeye (
1990) comme significativement plus fréquente chez la gestante
obèse par rapport à celle ayant un poids normal, et constituerait
chez la femme obèse, le premier facteur de risque de mortalité
périnatale. Les résultats de Djrolo et coll ne vont pas dans le
même sens puisque n'ont pas observé de différence
significative entre les deux groupes. Pour Siega-Ritz et collaborateurs (1996),
c'est plutôt le petit poids de la future mère qui augmente le
risque d'accouchement prématuré. Cette divergence des
résultats est concordante avec l'observation de Galtier-Dereure et coll
(2000) qui, dans une revue de la littérature, soulignent que
l'association entre le surpoids maternel et la prématurité reste
un sujet de controverse. Par ailleurs, ils ont noté que les
nouveau-nés des femmes obèses ont plus souvent tendance à
présenter une détresse respiratoire nécessitant une
réanimation à la naissance mais sur leur échantillon, la
différence n'est pas significative contrairement aux résultats
rapportés ailleurs (Naeye, 1990). La fréquence de malformation
chez les nouveau-nés de mères obèses est encore un sujet
de controverse et des résultats divergents ont été
rapportés (Waller et coll, 1994 ; Haddow et coll, 1995 ; Shaw et coll,
2000). Ces chiffres concordent avec les données de la littérature
et nous pouvons donc conclure avec Cnattingius et coll (1998) que
l'excès de poids chez la femme peut aussi protéger contre la mise
au monde de bébé hypotrophique. C'est ce que rappelle
également De Groot dans sa brève revue de la littérature
(De Groot, 1999).
Cette étude conduite par Djrolo montre donc que
l'obésité chez la femme représente, même dans les
pays en développement, un facteur de risque obstétrical
favorisant une fréquence accrue de complications au cours de la
grossesse et mérite la mise en oeuvre de mesures préventives.
·. Corpulence et mortalité dans la
population adulte
Les conséquences de santé publique de
l'obésité concernent de nombreuses autres pathologies que
métaboliques et cardiovasculaires et tout particulièrement des
affections ayant des implications fonctionnelles importantes (maladies
respiratoires, troubles musculo-squelettiques...). Même si les
résultats observés sont parfois variables et les
mécanismes non encore élucidés, l'obésité
semble associée à une mortalité globale par cancer
augmentée d'un tiers (chez l'homme) ou de moitié (chez la femme)
(Garfinkel, 1986) et, une fois de plus, il semble bien que ce soit
l'excès de masse grasse et sa répartition qui soient en cause.
Cependant, des associations entre la mortalité par cancer (en
particulier d'origine alcoolo-tabagique) et un indice de masse corporelle bas
(<20 kg/m2) ont également été rapportées,
suggérant un rôle possible de la masse maigre dans
l'évolution de certains cancers (Oppert et coll., 2002).
Dans la plupart des études de cohortes publiées
à ce jour, la mortalité globale de l'adulte, homme ou femme,
apparaît comme une fonction convexe de sa corpulence mesurée par
l'IMC, confirmant les relations observées initialement dans les
populations des clients des compagnies d'assurance (Troïano et coll.,
1996). La forme en J ou en U de cette fonction est variable selon de nombreuses
caractéristiques des populations étudiées. L'importance de
la surmortalité observée pour un IMC bas (par exemple
inférieur à 21 kg/m2 est plus importante chez les individus de
plus de 50 ans, fumeurs et ex-fumeurs, ayant des antécédents de
maladies, que chez les autres sujets pour lesquels la relation est plutôt
en J (Calle et coll., 1999).
Dans tous les cas, le taux de mortalité totale
augmente avec l'IMC lorsque celuici dépasse approximativement 28 kg/m2,
les sujets très âgés (après 85 ans) constituant,
semble-t-il, le seul segment de population pour lequel la forme de la relation
soit en L (Stevens et coll. 1998).