2. Analyse des problèmes
2.1. Le processus de pilotage et les dispositifs
opérationnels de la Mairie de Porto-Novo
Au Bénin, nous l'avons vu dans le chapitre III, les
véritables accords de coopération décentralisée ont
pu être concrétisés à partir de 2003, date à
laquelle la décentralisation prend place créant ainsi un
environnement politique, institutionnel et juridique plus propice au
développement de la coopération sous forme
décentralisée.
Les dispositifs opérationnels ou de pilotage sont des
mécanismes qui permettent de gérer un projet dans toutes ses
étapes du début à la fin. Pour ce faire, la
coopération décentralisée nécessite certains
dispositifs précis non seulement pour gérer ces projets mais
aussi pour coordonner l'action collective et faciliter la compatibilité
entre les méthodologies de gestion d'un côté comme de
l'autre du partenariat. Ils doivent servir à assurer l'application des
engagements figurants dans les convention, la mobilisation des moyens humains
et matériels, le suivi et la coordination des actions menées et
le maintien des liens entre les services et les partenaires concernés. A
propos de la notion de gestion, Jacques GIRIN nous dit que « des
situations de gestion existent dès lors que des participants sont
réunis et doivent accomplir, dans un temps déterminé, une
action collective conduisant à un résultat soumis à un
jugement externe ».
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Cependant, la jeunesse de l'expérience de la gestion
municipale à Porto-Novo a fait que les dispositifs opérationnels
se mettent en place progressivement et au fur et à mesure que les
besoins de gestion le requièrent et que l'accroissement des
capacités d'investissement de la Mairie le permet. Par ailleurs, la
coopération décentralisée a eu un rôle fondamental
dans le renforcement des capacités de gestion de la Mairie grâce
à l'appui institutionnel, volet pratiquement omniprésent dans les
projets de coopération.
Ainsi, un Service de coopération
décentralisée avec un chef de service placé sous
l'autorité de la Direction de la Prospectives, du Développement
et de la Coopération a été créé. Ce service
à pour mission :
- de mettre en oeuvre et d'assurer le suivi des projets de
coopération décentralisée, - d'établir et de suivre
les relations avec les réseaux internationaux existants,
- d'assurer les relations avec les villes partenaires et la
maitrise d'ouvrage des projets définis dans le cadre des relations avec
ces villes,
- d'assurer la veille informative dans le domaine de la
coopération décentralisée.
Malgré les améliorations constantes qu'a connu
la gestion municipale à Porto-Novo, des dysfonctionnements persistent,
ayant de répercutions non seulement au niveau de la gestion de projets
mais également au niveau de la dynamique de la coopération,
nuisant parfois aux rapports de confiance entre les acteurs du partenariat.
Cela s'explique en partie par le fait que les cadres de la
Mairie doivent faire face constamment à de contraintes techniques et
financières considérables qui limitent les capacités de
gestion des services de la Mairie. En effet, les locaux de la Mairie de
Porto-Novo où se trouve la Direction de la prospective, du
développement et de la coopération et le Service de
coopération décentralisée, ne disposent pas de lignes
téléphoniques ni d'une connexion Internet suffisamment stable
pour être un réel outil de travail. De plus, des coupures
d'électricité régulières portent atteinte
également au rythme de travail des organismes de la Mairie.
L'absence de téléphone fixe oblige les
fonctionnaires de la Mairie à assumer les frais de communication
liés à leur travail avec leurs propres téléphones
portables, sans disposer d'aucun dispositif de remboursement.
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Les réticences à utiliser le
téléphone comme moyen de communication ainsi que le
caractère aléatoire des pannes électriques et de
l'accès à une connexion Internet ralentissent
énormément les démarches et les processus de gestion des
projets. En raison de ces inconvénients techniques il paraît
d'autant plus important qu'au Bénin la mécanique de la gestion
repose d'avantage sur le facteur humain, d'où l'importance de multiplier
les instances de concertation des acteurs.
Les accords de coopération de Porto-Novo en partenariat
avec la France qui concentrent la plus grande quantité de projets sont
ceux de la Communauté d'Agglomération de CergyPontoise et du
Grand Lyon. Les deux partenariats connaissent les mêmes
difficultés. En effet, l'un de problèmes les plus persistants
dans l'accompagnement des projets est l'absence de cadre formel de pilotage
pour renforcer la participation et la concertation des acteurs et favoriser
ainsi les échanges, les réflexions, l'intermédiation, la
régulation et le suivi. Egalement, le manque de dispositifs de diffusion
pour faire circuler et mettre au courant tous les acteurs et parties prenante
sur l'état d'avancement des dossiers est un autre handicap important
pour le bon fonctionnement des projets.
Cela a pour conséquence un défaut
d'appropriation des acteurs concernés, notamment des équipes
techniques de la Mairie. Il faudrait donc redéfinir leur implication
dans l'élaboration et le montage des programmes afin de mieux converger
sur une idée de démarche commune. Dans le cadre de ces
partenariats il y a des précédents très édifiants
qui montrent que les projets fonctionnent mieux quand il y a eu plus de temps
de concertation pour laisser surgir la complicité personnelle et la
convergence professionnelle. Cela montre que le rapport humain est quasiment
plus important que l'approche technocratique dans cette partie de l'Afrique.
La Mairie de Porto-Novo a mis en place un dispositif
parallèle d'accompagnement et d'appui à la coopération
décentralisée. L'organisme s'appelle Commission pour le
développement et la coopération. Sa présidente est une
élue municipale. Il est composé de 6 personnes et dispose d'un
budget propre. Son rôle est de conseiller Monsieur le Maire de Porto-Novo
sur des questions liées à la stratégie de
développement local et à la stratégie de
coopération décentralisée. Toutefois, ses membres ne
connaissent ni les orientations, ni les axes de travail, ni les acteurs, ni les
problèmes qui rencontre la coopération
décentralisée à Porto-Novo. La
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commission n'intervient ni dans la conception ni dans le
pilotage politique des projets de coopération. Il s'agit,
malheureusement, d'un organisme complètement inopérationnel mais
qui pourtant pourrait jouer un rôle substantiel dans la création
d'instances de concertation des acteurs du développement et de la
coopération.
En ce qui concerne l'utilisation de méthode de travail,
aucun modèle de gestion de projet n'est appliqué, comme par
exemple la GCP (gestion de cycle de projet) ce qui paraît déranger
plus les partenaires du Nord que ceux du Sud.
Enfin, nous avons pu constater un volume important de projets
en cours de réalisation, une situation qui pose des questions sur la
capacité du Service de coopération décentralisée
à les gérer. En effet, au premier abord il paraît assez
flagrant que la quantité de personnel assignée à la
gestion de ces projets ainsi que les moyens techniques et financiers ne sont
pas proportionnels au nombre de projets. D'autant plus que Porto-Novo
n'entretient pas uniquement des accords avec des collectivités
françaises mais aussi avec d'autres villes d'Afrique, d'Europe et des
Etats-Unis.
Au niveau de la dernière convention
générale signée avec la ville de Buchelay par exemple, le
contenu général du programme porte sur la gestion de
déchets, l'enseignement supérieur, les espaces verts, la
promotion de la jeunesse et du sport. Cette nouvelle convention rajoute une
couche supplémentaire aux difficultés de gestion et aux flux
d'activités que ce service peut gérer. De plus, la Mairie de
Porto-Novo compte signer bientôt un nouvel accord de coopération
décentralisée avec la ville de Lisse.
Toutefois, il est moins simple qu'on pourrait le croire
d'évaluer ou de se prononcer sur la capacité de gestion de la
Mairie de Porto-Novo. L'approche technocratique ou comparative comme grille
d'analyse ne suffit pas et la réflexion nous invite à la prudence
et à la relativisation des certitudes. Il ne faut pas oublier qu'il
s'agit d'un territoire où les besoins urgents sont très
présents et que les défis concernant l'amélioration des
conditions de vie des populations locales sont également très
importants. Pour cette raison, les autorités de Porto-Novo ne refuseront
probablement jamais une proposition de partenariat avec une collectivité
du Nord même si la performance de leur gestion ne suit pas les standards
internationaux. L'autorité municipale ne gaspillera probablement jamais
l'opportunité d'établir un nouveau
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contrat de coopération afin de l'intégrer, bien
ou mal, aux importants efforts conjoints de la communauté portonovienne
pour résoudre et améliorer la situation de la ville. Et si un
projet n'aboutit pas convenablement ou si ses objectifs ne sont pas accomplis
pleinement, les effets positifs se laissent toujours sentir directement ou
indirectement. Ainsi, ce sera toujours mieux que de ne pas tenter de le mener
à bien.
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