Introduction
Le domaine de la coopération internationale a connu des
évolutions et des changements importants ces 20 dernières
années. Les défis auxquels fait face le développement
socioéconomique à l'échelle mondiale combinés
à l'accroissement constant des liens d'interdépendance entre les
états ont sensiblement modifié le concept de coopération
internationale en lui-même. Les objectifs et la forme des
échanges, les logiques de collaboration et les façons de
procéder se sont considérablement diversifiés, de
même que les acteurs institutionnels, les acteurs privés et les
formes d'implication de la société civile.
La coopération internationale sous la forme de
coopération décentralisée s'inscrit pleinement dans ce
contexte de complexification des échanges mondiaux, elle a su
progressivement s'ouvrir une place importante sur la scène
internationale. En effet, la grande quantité d'accords et leur
développement extraordinaire ces 20 dernières années
illustre bien la volonté des acteurs locaux d'échanger leurs
expériences et d'approfondir des relations tout en oeuvrant ensemble
pour l'amélioration des conditions de vie des populations.
La mise en partenariat de collectivités permet de
travailler autour d'objectifs communs à l'échelle locale avec une
forte valorisation de la notion de proximité et de la dimension humaine
de la collaboration. Des échanges de savoir-faire dans les domaines de
l'économie, de l'industrie ou de l'aménagement du territoire, aux
échanges éducatifs, en passant par l'aide humanitaire,
l'hétérogénéité des actions menées
dans le cadre de la coopération décentralisée peut
être très vaste.
En donnant aux collectivités territoriales la
faculté d'établir des accords de coopération avec des
collectivités étrangères, le domaine de la
solidarité internationale a trouvé un nouveau socle
d'épanouissement et une véritable plate-forme pour canaliser et
renforcer les initiatives locales de solidarité. Le secteur de l'aide au
développement apparaît comme le secteur privilégié
dans les stratégies et dans les politiques de coopération mises
en place par les collectivités territoriales qui souhaitent partager
leur expérience en termes de gestion, d'aménagement, de
développement local ou d'animation culturelle et sociale.
Etude comparative sur les pratiques de coopération
décentralisée de la ville de Porto-Novo Page 9/101
Grâce aux enseignements tirés des
expériences du passé, nous savons pertinemment aujourd'hui que la
réussite des projets de coopération dans le secteur de la
solidarité internationale, et plus précisément dans
l'appui au développement local, dépend fortement du degré
d'appropriation et d'implication des populations bénéficiaires
ainsi que du niveau de concertation des acteurs dans le portage des projets. La
coopération décentralisée s'oriente ainsi vers une aide au
développement concertée et définie par l'ensemble des
acteurs impliqués. Elle représente d'ailleurs une
véritable alternative au système de coopération
bilatéral ou multilatéral d'aide au développement et
à son instrumentalisation croissante de la part des acteurs
étatiques et des bailleurs de fonds internationaux, ces derniers
étant trop souvent au service d'intérêts sensiblement
éloignés de la notion de solidarité.
Les circonscriptions administratives béninoises,
entités qui précèdent la création des
collectivités, entretiennent depuis le milieu des années 1990 des
relations de coopération décentralisée
privilégiées avec différentes collectivités
françaises. En 2002, le gouvernement béninois entreprend un vaste
projet de décentralisation des pouvoirs de l'Etat qui aura des
répercussions importantes dans l'organisation économique, sociale
et politique du pays. Cette même année, les premières
élections municipales ont lieu à Porto-Novo,
générant un cadre institutionnel complètement nouveau,
plus propice au développement et à la consolidation des rapports
de coopération sous forme décentralisée. C'est le
début de ce processus de décentralisation qui a donné
à la coopération décentralisée
franco-béninoise les caractéristiques que l'on connaît
aujourd'hui. Ainsi, la logique de l'envoi ponctuel de matériel a
laissé la place à une diversification des secteurs de la
coopération et a donné lieu également à un
changement profond des objectifs, des orientations, des axes de travail et des
logiques d'intervention.
Les accords de coopération décentralisée
s'inscrivent donc dans un contexte institutionnel béninois en constante
évolution. De ce fait, la nouvelle administration n'a pas
échappé aux complications et aux difficultés
qu'entraîne un tel degré de restructuration étatique. La
jeunesse de l'expérience démocratique du Bénin
combinée à la faible expérience des autorités
publiques dans la mise en place de structures administratives de ce type ont
des conséquences sur l'efficacité de la gestion municipale et
notamment sur la gestion de projets de coopération
décentralisée.
Etude comparative sur les pratiques de coopération
décentralisée de la ville de Porto-Novo Page 10/101
Or, il s'agit d'une réalité sensiblement
différente de celle des collectivités françaises qui
possèdent des dispositifs opérationnels de coopération
décentralisée largement plus consolidés avec une
gouvernance territoriale plus cimentée, des capacités techniques
et d'expertise plus performantes ainsi qu'une gestion administrative plus
adaptée et des moyens de financement plus importants. De même pour
le cadre juridique, notamment la loi dite « ATR » et la loi Oudin,
qui déterminent très clairement les compétences et les
prérogatives dont disposent les collectivités françaises
pour développer des accords de coopération avec des
collectivités étrangères.
De ce fait, la coopération décentralisée
Nord-Sud se présente avant tout comme une rencontre de territoires avec
des réalités et des problématiques extrêmement
différentes, comme c'est le cas entre la ville de Porto-Novo et les
collectivités françaises. Cela soulève d'autres
importantes interrogations notamment au niveau de l'application du principe de
réciprocité et du respect des spécificités locales.
La forte volonté de rapprochement et de collaboration entre les
partenaires de la coopération Nord-Sud se voit confrontée
à des capacités de gestion inégales ainsi qu'à des
méthodologies de travail dissymétriques et souvent divergentes ce
qui provoque des dysfonctionnements à toutes les étapes de la
gestion des projets. L'ensemble de ces dysfonctionnements peuvent mettre en
péril la crédibilité et la pérennité des
partenariats.
Sans oublier les effets positifs des actions menées et
la réussite incontestable de beaucoup de projets issus de la
coopération entre la collectivité de Porto-Novo et ses homologues
françaises, la démarche solidaire se mêle aisément
à des intérêts politiques et géostratégiques
qui mettent en question les objectifs et les principes propres de la
coopération décentralisée. Par ailleurs, nous ne devons
pas oublier que la coopération décentralisée
franco-béninoise s'inscrit dans un contexte socioéconomique,
sociopolitique et socioculturel issu de l'histoire coloniale, cela pose des
questions non seulement sur les véritables finalités de certains
partenariats et de certains projets mais également sur la
continuité des rapports de domination Nord-Sud, sur la liberté de
choix et sur l'imposition des modèles préfabriqués.
La coopération décentralisée peut ainsi
fonctionner comme un véritable Cheval de Troie au service
d'intérêts unilatéraux de la France ou des grands bailleurs
de fonds internationaux qui l'accompagnent tels que la Banque mondiale ou le
Fond monétaire international, cela jette des soupçons
légitimes sur le véritable esprit de la coopération
engagée.
Etude comparative sur les pratiques de coopération
décentralisée de la ville de Porto-Novo Page 11/101
Par le biais d'une étude comparative des pratiques de
coopération décentralisée de la ville de Porto-Novo, nous
allons développer une approche critique sur les enjeux de la
coopération décentralisée Nord-Sud en nous appuyant sur le
cas spécifique de la capitale du Bénin et les accords de
coopération qu'elle entretient avec ses 3 partenaires français :
la Communauté d'Agglomération de Cergy-Pontoise, Le Grand Lyon et
la ville de Buchelay.
Bien que certains partenariats datent de 1995, notre
étude va se centrer sur les projets et les accords de coopération
signés entre 2003 et 2010. En effet, c'est à partir de 2003 que
la ville de Porto-Novo est dotée d'une structure municipale et d'un
statut qui lui permettent d'entretenir des relations de coopération
décentralisée, et c'est également à partir de cette
date que les accords de coopération s'inscrivent dans un cadre
institutionnel stable.
En premier lieu, et après avoir présenté
la ville de Porto-Novo et le contexte dans lequel s'inscrit la
coopération décentralisée franco-béninoise, nous
allons aborder le cadre formel de la coopération
décentralisée afin de dégager les éléments
structurants et institutionnels les plus importants de ce modèle de
coopération.
En deuxième lieu, par une approche transversale nous
allons examiner les partenariats en vigueur, leur dynamique ainsi que
l'ensemble des problèmes et dysfonctionnements qui surgissent dans le
cadre de cette coopération. Pour cela, nous allons faire d'abord un
état des lieux de ces partenariats (objectifs, orientations, conventions
de coopération, etc.) suivi d'un diagnostic de la capacité de
gestion de la Mairie de Porto-Novo, de ses dispositifs de pilotage, du
processus de mise en oeuvre des projets ainsi qu'une évaluation globale
des résultats des différents projets engagés.
Par le biais de ce diagnostic nous allons interroger
également la cohérence de la stratégie de
développement par rapport aux objectifs fixés dans Plan de
Développement Municipal de la ville de Porto-Novo et aux objectifs
fixés dans les conventions de coopération
décentralisée. Il s'agira d'analyser et de comparer la politique
de développement local et la stratégie de coopération
décentralisée que les autorités publiques ont
décidé de mettre en place.
Dans la dernière partie de ce travail, nous allons
développer une approche critique de la coopération
décentralisée Nord-Sud pour examiner les enjeux qui surgissent de
l'interaction et
Etude comparative sur les pratiques de coopération
décentralisée de la ville de Porto-Novo Page 12/101
de la rencontre de territoires distincts. En effet, la
confrontation de visions, de méthodologies de travail et de
systèmes de pensée engendre des malentendus et des conflits qui
nuisent aux rapports d'altérité et au devoir de reconnaissance
mutuelle. Ceux-ci sont pourtant incontournables dans le cadre d'un partenariat
de coopération décentralisée. Cette situation a des
répercussions dans la gestion de projets et dans la dynamique des
partenariats.
Enfin, la dernière phase consistera à avancer
des propositions pour apporter des nouvelles pistes de réflexions. Ces
conclusions se feront dans l'objectif de collaborer à
l'amélioration des dispositifs opérationnels de la Mairie de
Porto-Novo et de participer au débat sur les problématiques de la
coopération Nord-Sud
Nous allons donc centrer nos problématiques autour de 3
thématiques transversales : Interroger la capacité de gestion du
Service de Coopération décentralisé de la Mairie de
Porto-Novo, Questionner la stratégie de la coopération
décentralisée selon les impératifs fixés dans le
Plan de Développement Municipal de la Mairie de Porto-Novo et enfin
Etablir une approche critique sur les enjeux de la coopération
décentralisée Nord-Sud. Les pratiques de coopération
décentralisée de la Mairie de Porto-Novo sont-elles en accord
avec une gestion durable de ces partenariats ? La multiplication des
partenariats, et en conséquence du nombre de projets à
gérer, s'accompagne-t-elle d'un accroissement cohérent de la
capacité de gestion administrative et technique des services de la Marie
de Porto-Novo ? Quel est le rôle du PDM dans la fixation de la
stratégie et de l'orientation de la politique de développement
local de la Mairie de Porto-Novo ?
Cela nous amène au questionnement principal sur lequel
je vais avancer des hypothèses : En s'appuyant sur la notion de
rencontre de territoires comme angle d'approche, le Service de
Coopération Décentralisée de la Mairie de Porto-Novo
est-il doté des dispositifs opérationnels appropriés pour
la gestion des projets de coopération décentralisée ?
Quels sont les enjeux en termes d'altérité qui se posent dans le
cadre de la coopération décentralisée Nord-Sud ?
Hypothèse :
- La Mairie de Porto-Novo a une capacité de gestion en
constante évolution par rapport aux nécessités de la
gestion locale. Toutefois, les dispositifs opérationnels destinés
à la
Etude comparative sur les pratiques de coopération
décentralisée de la ville de Porto-Novo Page 13/101
gestion de projets de coopération
décentralisée sont insuffisants car ils manquent des moyens
humains, techniques et financiers.
Sous hypothèse :
- Les dispositifs opérationnels destinés
à la gestion de projets de coopération
décentralisée de la Mairie de Porto-Novo sont insuffisants
à l'égard des standards de gestion et de méthodologie de
travail établi par les partenaires du Nord.
En termes de méthodologie, pour développer notre
étude nous allons nous servir de la notion de « rencontre de
territoires » comme grille d'analyse. Il nous semble que cette notion nous
permettra de mieux articuler nos réflexions et illustre bien ce que nous
considérons comme l'enjeu principal : la confrontation culturelle, le
véritable Talon d'Achille de la coopération
décentralisée.
Etude comparative sur les pratiques de coopération
décentralisée de la ville de Porto-Novo Page 14/101
|