I.1.3. La réforme des garanties et politique
fiscale
1.1.3.1. La réforme des
garanties
Actuellement, sur le Marché Financier Régional,
en l'absence d'une agence de notation et dans un souci de protection des
épargnants, les sociétés emprunteuses sont soumises
à l'obligation de produire une garantie à hauteur de 100 % pour
les emprunts obligataires par appel public à l'épargne. Cette
disposition réglementaire constitue un sérieux blocage pour
certaines sociétés en raison des difficultés d'obtention
de cette garantie ainsi que les coûts élevés qu'elle
engendre. L'élimination progressive de l'exigence de garantie devra
être planifiée en fonction de l'introduction d'un système
de notation sur le Marché Financier Régional. Une période
transitoire devra être observée pendant laquelle une analyse
approfondie basée sur les ratios financiers des émetteurs sera
utilisée comme critère de sélection.
Certains émetteurs, en fonction du secteur
d'activité, doivent être dispensés partiellement ou
totalement de la garantie, sous certaines conditions. C'est le cas, par
exemple, des banques.
Ainsi, des travaux sur la réforme des garanties doivent
être menés afin de trouver des solutions concrètes
relatives :
(i) aux mécanismes à mettre place pour assouplir
les garanties exigées sur le marché ;
(ii) aux mécanismes de substitution des garanties
actuelles par des analyses de ratios financiers ;
(iii) à la définition d'un cadre institutionnel
pour l'installation d'une agence de notation au sein de l'UEMOA ;
(iv) à l'adaptation du cadre réglementaire afin
d'accepter les notations faites par les agences internationales.
1.1.3.2. La politique fiscale
L'étape la plus importante vers le développement
du marché financier intégré a été la
création le 16 septembre 1998 de la Bourse Régionale des Valeurs
Mobilières (BRVM), institution commune aux huit Etats membres de
I'UEMOA.
La BRVM constitue aussi une réponse adéquate des
Etats membres aux défis de la mondialisation : il valait mieux
opter pour la mise en place d'un instrument communautaire dédié
à une plus grande intégration de leur économie,
plutôt que pour la création de marchés financiers nationaux
voués à l'éclatement.
Il est important de rappeler que la BRVM a été
créée dans un contexte d'harmonisation des législations
initiées, soit dans le cadre de I'UEMOA avec notamment l'institution
d'un système comptable commun (le SYSCOA), soit dans le cadre d'une
coopération plus large qui intègre I'UEMOA avec notamment
l'adoption, dans le cadre du Traité relatif à l'harmonisation du
Droit des Affaires en Afrique, de l'Acte Uniforme Relatif au Droit des
Sociétés Commerciales et du Groupement d'Intérêt
Economique.
Ainsi, la combinaison de l'ensemble de ces initiatives avec
une politique réelle de modernisation et d'harmonisation des
législations fiscales en général, et celle de la
fiscalité des valeurs mobilières en particulier, devrait
contribuer au développement du marché financier régional
par la promotion de l'épargne intérieure et l'accroissement de la
mobilité des capitaux.
Conscient de l'impact négatif des systèmes
fiscaux actuels sur le fonctionnement et le développement du
marché financier, I'UEMOA avait appelé ses Etats membres à
prendre les dispositions appropriées en vue d'intégrer dans leurs
lois de finances pour l'année 1997 les mesures suivantes :
(i) la suppression du système de la « double
imposition » et l'institution en lieu et place d'une retenue à la
source, libératoire de tout autre impôt, à des taux
différenciés qui pourraient être de 10% pour les actions,
13% pour les obligations, 15% pour les lots ;
(ii) le réaménagement de la fiscalité
indirecte applicable aux Valeurs Mobilières, par l'institution d'un
droit, au titre des droits d'enregistrement sur les souscriptions d'actions et
les augmentations de capital (le droit proposé était de 6 000
FCFA) ;
(iii) la suppression du droit de timbre sur les titres de
société, ainsi que l'exonération des intérêts
d'obligations au titre de la TVA et de toute autre taxe sur le chiffre
d'affaires ;
(iv) l'exonération des résidents hors UEMOA de
la retenue à la source sur les revenus des obligations ;
(v) l'exonération des SICAF et SICAV de tout
impôt sur le revenu à l'exclusion de la retenue à la source
sur les revenus qui leur sont versés ;
(vi) l'extension du régime de l'exonération en
vigueur dans tout pays à l'ensemble de l'Union, pour les plus values des
valeurs mobilières réalisées par les personnes
privées ;
(vii) l'adoption d'un certain nombre de mesures
d'accompagnement parmi lesquelles la simplification des formalités de
déclaration et de paiement de la retenue à la source.
Cependant, malgré les efforts faits par certains Etats
en vue d'appliquer ces recommandations, les régimes fiscaux en vigueur
dans les Etats membres de I'UEMOA constituent encore des facteurs réels
de distorsion et de désarticulation du marché financier
régional.
Nous pensons qu'il est impératif, malgré les
errements constatés dans l'application des mesures
préconisées par l'UEMOA, de poursuivre la politique
d'harmonisation de la fiscalité des revenus de valeurs mobilières
pour assurer un fonctionnement harmonieux du marché financier
régional. Cependant, l'UEMOA doit également prendre des mesures
d'accompagnement devenues indispensables.
L'application par les Etats membres des mesures
préconisées par l'UEMOA est partielle et mitigée pour
plusieurs raisons dont les plus déterminantes sont à notre
avis :
(i) le régime juridique de l'acte pris par
l'UEMOA : le Conseil des Ministres a préféré prendre
une simple recommandation au lieu d'une décision ou d'un
règlement ce qui laisse aux Etats toutes la latitude quant à la
mise en application des mesures préconisées ;
(ii) les difficultés d'ordre budgétaire qui
semblent être l'une des principales raisons de l'application partielle et
mitigée desdites mesures ;
(iii) les politiques d'ajustement structurel imposées
par les bailleurs de fonds laissent une faible marge de manoeuvre aux pays
« en voie de développement » pour toutes les réformes
susceptibles d'avoir une incidence budgétaire ;
(iv) l'importance que les Etats attache à leur
souveraineté, en particulier lorsqu'il s'agit d'un aspect aussi sensible
que la fiscalité directe. Cela n'est d'ailleurs pas propre à
l'UEMOA. Par exemple, dans l'Union Européenne de nombreuses tentatives
pour revoir la règle de l'unanimité qui régit encore les
prises de décision en matière fiscale ont
échoué.
Or, sans une harmonisation des fiscalités applicables
aux revenus des valeurs mobilières, le marché financier
régional continuera de connaître des distorsions importantes de
nature à perturber son fonctionnement et à hypothéquer son
développement.
Aussi, malgré les difficultés rencontrées
dans sa mise en oeuvre, la politique d'harmonisation des fiscalités
initiée par l'UEMOA ne doit pas être abandonnée. Elle doit
simplement être revue tant du point de vue de la méthode
utilisée que par rapport au degré et au contenu même de
l'harmonisation.
En ce qui concerne la méthode d'harmonisation, il
faudrait que la coordination soit privilégiée par rapport
à la centralisation car, s'agissant des impôts directs, une
centralisation poussée risquerait d'être dissuasive pour les Etats
qui, par essence, sont très jaloux de leur souveraineté.
Toujours concernant la méthode, il faudrait davantage
privilégier la concertation et la persuasion pour convaincre les Etats
de l'importance et des enjeux de cette harmonisation. Toutefois, au lieu d'une
initiative timide qui consiste, par la voie d'une simple recommandation,
à laisser aux Etats toute la latitude quant à l'application des
mesures préconisées, la coordination doit être
renforcée ; c'est-à-dire que les Etats membres doivent
accepter «une mise en commun délibérée et
limitée de leur souveraineté fiscale en vue d'une prise de
décision collective».
Par ailleurs, comme instrument juridique, la directive qui lie
les Etats membres quant aux résultats nous parait plus appropriée
que le règlement qui est plus contraignant parce qu'obligatoire dans
tous ses éléments et directement applicable.
Quant à son contenu, l'harmonisation devrait
s'étendre, au-delà des taux de prélèvement sur les
revenus des valeurs mobilières, aux systèmes nationaux
d'imposition des revenus qui doivent être revus dans le sens de leur
modernisation et de leur simplification. Mais pour être mieux
perçue par les Etats, l'harmonisation de la fiscalité des valeurs
mobilières devrait être accompagnée par quelques mesures
qui nous paraissent indispensables.
S'agissant des mesures d'accompagnement de façon
concrète, la première concerne la nécessité pour
les Etats membres de l'UEMOA de signer une convention fiscale. Les conventions
fiscales ont généralement pour objet d'éviter les doubles
impositions qui pourraient résulter, pour les personnes dont le domicile
fiscal est situé dans l'un des Etats contractants, de la perception
simultanée ou successive dans cet Etat contractant et dans l'autre (ou
les autres) Etat contractant des impôts couverts par le champ
d'application desdites conventions. Elles peuvent régler, en particulier
en ce qui concerne l'imposition des revenus d'une personne physique ou morale,
la répartition de ces revenus entre les Etats signataires selon des
modalités précises.
Un autre objet des conventions fiscales concerne l'assistance
administrative entre les Administrations fiscales des Etats contractants.
Ainsi, ces administrations pourront se transmettre des renseignements d'ordre
fiscal à leur disposition et qui sont utiles pour assurer
l'établissement et le recouvrement régulier des impôts
couverts par le champ d'application des conventions. II existe aussi, en droit
fiscal international des conventions d'assistance au recouvrement.
La signature d'une convention fiscale multilatérale
entre les Etats membres de l'UEMOA permettrait ainsi d'éviter les
doubles ou multiples impositions des revenus de valeurs mobilières qui
constituent un facteur d'immobilisation des investisseurs.
Par ailleurs, à travers cette convention fiscale, l'on
pourrait prévoir une clef de répartition des
prélèvements sur les revenus de valeurs mobilières entre
Etat d'origine de l'investisseur et Etat du siège de l'entité
distributrice. L'intérêt d'une telle clause est double elle permet
à la fois de tenir compte des disparités économiques
existantes entre Etats membres et d'atténuer les effets négatifs
d'une concurrence fiscale entre eux.
Une telle démarche est un gage de succès de la
politique d'harmonisation car elle permet d'écarter les
réticences basées sur les considérations
budgétaires. II convient de souligner que deux conventions fiscales
multilatérales ont été signées par certains membres
de I'UEMOA ; il s'agit de la convention générale de
coopération fiscale entre les Etats membres de l'OCAM signée
à Fort-Lamy le 29 janvier 1971 et de la convention fiscale des Etats
membres de la CEAO signée à Bamako le 29 octobre 1984.
Même si l'OCAM et la CEAO ont été
dissoutes, les conventions fiscales signées par les Etats membres de ces
deux organisations restent, en principe, toujours en vigueur.
Cependant, l'application de ces deux conventions fiscales pose
des problèmes. Pour ce qui est de la convention fiscale CEAO, il existe
deux Etats membres de I'UEMOA qui n'ont jamais été membres de la
CEAO à savoir le Togo et la Guinée Bissau. Aussi, le Bénin
qui a adhéré à la CEAO après la signature de la
convention fiscale entre les Etats membres de cette organisation n'est pas
lié par cette convention.
En ce qui concerne la convention fiscale OCAM, certains Etats
membres de cette organisation ne l'auraient pas signée. En outre, un
Etat comme l'lle Maurice l'aurait dénoncée. Par
conséquent, seule la signature d'une convention fiscale
multilatérale entre les Etats membres de l'UEMOA pourra écarter
de manière durable les risques de doubles ou multiples impositions. La
seconde mesure d'accompagnement concerne l'élargissement de l'assiette
qui doit être concomitante avec la mise en oeuvre de la politique
d'harmonisation.
L'une des caractéristiques des finances publiques des
pays de l'UEMOA est la faiblesse du niveau de la pression fiscale. Le taux
moyen de la pression fiscale est passé de 12,50% en 1993
(son niveau le plus bas au cours des dix dernières
années) à 15,50% en l996.
Depuis, il semble se stabiliser à 15%.
L'écart constaté entre 1993 et les années qui ont
suivi s'explique par les actions qui ont été menées par
les gouvernements et visant :
(i) la simplification de la législation
fiscale ;
(ii) le désarmement tarifaire au niveau des cordons
douaniers ;
(iii) l'élargissement de l'assiette fiscale en
direction notamment du secteur informel ;
(iv) le renforcement du contrôle et de la lutte contre
la fraude ;
(v) et la limitation des exonérations.
Malgré les efforts considérables consentis par
certains Etats et dont l'objectif principal est d'équilibrer les
recettes fiscales par rapport aux dépenses courantes, il demeure que le
niveau de la pression fiscale est encore particulièrement bas,
comparé à celui des pays européens la moyenne pour ces
pays avoisine les 30%. Cette situation s'explique, comme nous l'avons
déjà évoqué, par l'existence dans tous les pays de
l'UEMOA d'un secteur informel qui malgré son dynamisme dans
les domaines de l'emploi et de la distribution des revenus échappe
encore largement à l'administration fiscale.
L'enjeu de la maîtrise et de la fiscalisation du secteur
informel est tellement important que les chances de succès de la
politique d'harmonisation de la fiscalité des valeurs mobilières
entreprise par l'UEMOA dépend dans une large mesure de la
capacité des Etats à accompagner les mesures prises dans le cadre
de cette harmonisation par des réformes hardies allant dans le sens de
l'élargissement de l'assiette fiscale.
Les réformes déjà entreprises dans ce
domaine par un pays comme le Mali pourraient servir d'exemple à d'autres
pays de l'Union. Le Mali vient d'opter, à travers la loi N°99-011
du 01 Avril 1999 pour l'institution d'un impôt synthétique. Cet
impôt est dû par les exploitants individuels réalisant plus
de 30 millions de chiffre d'affaires annuel. L'assujettissement à
l'impôt synthétique, dont les montants sont fixes et varient selon
la nature de l'activité et le niveau du chiffre d'affaires,
libère l'entreprise concernée de tous autres impôts ou
taxes directs ou indirects intérieurs. Celle technique d'imposition qui
a le mérite d'être simple et adaptée au contexte social et
économique des pays de la sous région, apparaît comme un
début de solution à l'épineux problème de
l'élargissement de l'assiette fiscale.
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