INTRODUCTION GÉNÉRALE
I-CONTEXTE
En 1884, l'Allemagne prend possession du Cameroun. En 1914, la
Première Guerre mondiale se déclenche. Cette dernière
commence aussitôt au Cameroun, et se solde par la défaite de
l'Allemagne, face aux Franco-Britanniques. En 1916, la France et l'Angleterre
se partagent le Cameroun. La S.D.N., dans sa mission de maintien de la paix
mondiale, confie la gestion du Cameroun à la France et à
l'Angleterre. Jusqu'en 1946, la France et l'Angleterre oeuvrent au Cameroun en
tant que « pays mandataires »1(*). L'avènement de la Deuxième Guerre
mondiale vient discréditer l'efficacité de la S.D.N., d'où
la naissance de O.N.U. Aussitôt, le Cameroun est « un
territoire sous tutelle de l'O.N.U.»2(*), et sa gestion reste entre les mains de la France et
de l'Angleterre. L'Accord de Tutelle, dans son article 10,
dispose : « L'autorité chargée de
l'administration garantira aux habitants du territoire la liberté de
parole, de presse, de pétition et de réunion ».
Selon l'Accord de Tutelle, un poste de radiodiffusion avec
haut-parleur public doit émettre à Douala pour permettre de tenir
le public au courant de tous les événements susceptibles de
l'intéresser, de l'éclairer.
I.1. LES DÉBUTS DE LA RADIODIFFUSION AU
CAMEROUN : UNE EXPÉRIENCE DIFFICILE
La première station de radiodiffusion à
émettre au Cameroun fut installée à Douala, au plus fort
de la Deuxième Guerre mondiale. La mission avouée de Radio-Douala
était de « diffuser les bulletins d'information et les
communiqués de guerre de la France libre ». Le premier
émetteur utilisé était un temcographe de 150 watts, sur
lequel avait été installé un modulateur. Les informations
et communiqués de guerre étaient accompagnés de
commentaires et lus tous les soirs à Radio-Douala. La guerre tirant
à sa fin, Radio-Douala cessa d'émettre en 1944. En 1946,
l'administration coloniale entreprit la réhabilitation de Radio-Douala.
Recours fut alors fait au service de radioélectricité qui
établit des programmes complets devant y être diffusés.
Progressivement, Radio-Douala intéressait une bonne frange de
l'auditoire et des autorités publiques. En 1948, un budget
spécial fut alloué à Radio-Douala, qui devint alors un
service reconnu et indépendant. En 1950, l'audience de Radio-Douala
commença à s'améliorer, avec l'installation en son sein
d'un émetteur L.M.T. De ce fait, Radio-Douala passa sous le giron de la
SO.RA.FOM.
La suspension des crédits à Radio-Douala par
l'A.T.CAM. en 1952 provoqua une fois de plus son insuccès ;
Radio-Douala devant fonctionner désormais sur financements propres.
I.2. LA DISSÉMINATION DE LA RADIODIFFUSION AU
CAMEROUN
Dès 1955, la rébellion de l'U.P.C.
sévissait au Cameroun. La SO.RA.FOM. décida alors d'assurer un
soutien certain à Radio-Douala. De nouveaux équipements furent
rendus disponibles, sur financements du F.I.D.E.S.3(*) La création de
Radio-Garoua en 1958 marqua le début de la régionalisation
de la radiodiffusion3(*) au
Cameroun. La naissance de Radio-Garoua était liée à deux
motivations majeures. En effet, l'émetteur de Radio-Yaoundé, vue
sa faible puissance, ne pouvait assurer la diffusion sur toute l'étendue
du territoire national. Depuis sa création en 1955, Radio-Yaoundé
disposait d'un émetteur de 4 kW en ondes courtes. Radio-Garoua avait
pour dessein la diffusion d'émissions au sein de la région
septentrionale du Cameroun. Radio-Garoua connut des débuts difficiles,
à l'instar des autres stations de radiodiffusion camerounaises de
l'époque coloniale. Des efforts furent consentis dans l'immédiat,
dans le sens d'améliorer son taux d'audience dans le septentrion, en vue
de l'adaptation de la station au traditionalisme des populations fortement
islamisées de la région.
Le gouvernement avait prévu le renforcement du
potentiel technique des stations de radiodiffusion camerounaises, notamment la
puissance des émetteurs. Des stations nouvelles furent alors
créées, respectivement à Buea, Bertoua et Bafoussam.
L'indépendance du Cameroun sous tutelle française en 1960 et sa
réunification avec l'ancien Cameroun sous tutelle britannique en
octobre 1961 donnèrent une configuration nouvelle au paysage
radiophonique camerounais. Il était alors question de nationaliser la
radiodiffusion du Cameroun et de l'adapter à la nouvelle donne :
l'aspect souverain de l'État camerounais, et le bilinguisme
prôné par le président Ahmadou Ahidjo.
II-CHOIX DES BORNES CHRONOLOGIQUES
II .1. 1941 : date de l'ouverture de la
radio au Cameroun
En 1939, se déclencha la Deuxième Guerre
mondiale. Au début de la guerre, les Français et les Anglais
avaient connu des défaites cuisantes. L'une des solutions à la
situation des Alliés avaient été la création des
radios coloniales. Ces radios leurs permettaient en effet d'être en
contact permanent et rapide avec leurs administrations coloniales, en leur
communiquant des informations en rapport avec la guerre. D'où la
création par la France de Radio-Douala, qui fut alors la première
station à émettre au Cameroun. À l'aide de Radio-Douala,
les Français pouvaient garantir une meilleure coordination de
l'activité coloniale, et assurer la mobilisation des indigènes
à leurs côtés, face à la redoutable Allemagne.
Voilà pourquoi Radio-Douala avait été
considérée comme « un enfant de la
guerre ».
II.2. 1990, ANNÉE DE L'EXPÉRIMENTATION DE
LA DÉMOCRATIE AU CAMEROUN
En 1989, il survint la rupture de l'Empire soviétique.
Dès lors, le monde s'unipolarisa, avec pour idéologie dominante,
le capitalisme américain. Le président français d'alors,
François Mitterrand, partenaire des Etats-Unis, incita les pays
africains, dans son discours prononcé à la Baule, à
adopter la démocratie comme système politique. Un mouvement de
contestation se développa en Afrique, et renversa la majorité des
dictatures. Des lois sur les libertés d'expression et de communication y
furent adoptées. Au Cameroun, l'article 1 des dispositions
générales de la loi sur la liberté de communication
sociale, promulgué en 1990, garantissait la liberté de presse.
Aussi assista-t-on à une situation nouvelle, dans le paysage
médiatique en général, et la configuration de la radio
nationale en particulier. L'objectif majeur de la mise en oeuvre des lois sur
les libertés de communication était d'assurer une
objectivité certaine de l'information.
III-PRÉSENTATION DU SUJET
Notre sujet est intitulé « La radiodiffusion
au Cameroun de 1941 à 1990 ». Au terme de la conférence
franco-africaine de Brazzaville de 1944, le Général de Gaulle et
ses partisans avaient émis l'idée de « favoriser
les progrès politiques, économique et social des pays
colonisés jusqu'au moment où ils seraient à même de
participer à la gestion de leurs propres affaires »4(*). Mais les administrations
coloniales françaises avaient organisé de violentes
répressions contre les nationalistes, déterminés à
se libérer de l'autorité métropolitaine. Au Cameroun, le
gouvernement colonial avait combattu avec acharnement les forces de l'U.P.C.
Cela conduisit en 1958 à l'assassinat du leader, Ruben Um Nyobè.
Au lendemain de l'indépendance, Ahidjo fut élu Président
de la République. La réunification du Cameroun sous tutelle
anglaise avec l'ancien Cameroun sous tutelle française en 1961 rendit la
radio commune aux deux entités socio-culturelles. En 1962, Ahidjo prit
une ordonnance qui consacra la mise en oeuvre de la loi contre la subversion.
Ce qui lui permit d'avoir un contrôle strict sur la radiodiffusion du
Cameroun. Jusqu'en 1990, la radio nationale était demeurée un
médium d'État, et ne pouvait, par conséquent, diffuser des
émissions à caractère subversif.
La nouvelle configuration politique qui prit corps, avec
l'avènement du multipartisme, modifia considérablement les
programmes du P.N. de la C.R.T.V. De 1961 à 1990, la radio nationale du
Cameroun s'est voulue un médium destiné à promouvoir le
rayonnement de l'État , et à favoriser le bien-être de ses
populations, en les tenant informées de l'actualité, et en
proposant des émissions susceptibles de moraliser les comportements.
Selon le président Ahmadou Ahidjo, la radio se devait de renseigner les
populations camerounaises sur les efforts que déployait le gouvernement
pour atteindre le but qu'il s'était assigné : la formation
de la nation camerounaise5(*). L'étude de la radio nationale concerne aussi
ses stations locales.
IV-MOTIVATIONS DU CHOIX DU SUJET
Notre passion pour des questions liées à la
radiodiffusion résulte de notre entrée dans le cycle
supérieur. En tant qu'étudiant en Histoire, nous nous sommes
adonné au questionnement sur les mobiles ayant suscité la
configuration de la radio nationale. En adoptant l'Histoire des Relations
Internationales comme spécialisation, nous avons découvert que la
présence coloniale française et britannique a été
pour beaucoup dans l'avènement des mutations qui ont entaché
l'univers des médias au Cameroun depuis le Deuxième Guerre
mondiale. L'objectivité scientifique nous amène à
reconnaître que les études supérieures ont canalisé
nos opinions en la matière. En guise de précision, nous notons
quelques questions que nous nous posions, concernant la radiodiffusion :
pourquoi le P.N. de la C.R.T.V. intéresse-t-il peu de Camerounais ?
Qu'est-ce qui explique la tendance des radios privées à
s'insurger contre les systèmes politiques en place ? Qu'est-ce qui
justifie la préférence des intellectuels camerounais pour les
radios étrangères ? Ces questions nous ont conduit à
aborder le présent travail sous un angle historique.
V-OBJECTIFS DU TRAVAIL
Ce travail a pour but de lever un pan de voile sur l'incidence
de la radiodiffusion du Cameroun sur ses structures politiques,
économiques et socio-culturelles. Il vise à forger l'opinion sur
le rôle joué par la radiodiffusion dans le positionnement
international du Cameroun. À travers ce travail, nous ambitionnons de
présenter les rapports entre la radio nationale et les pouvoirs publics
du Cameroun. L'influence des radios étrangères sur les programmes
de la radio nationale sera également la préoccupation de ce
travail, de même que les mutations qui y ont eu lieu. Le but de ce
travail est aussi de faire connaître l'attitude des populations
camerounaises à l'égard de la radio nationale au lendemain de
l'indépendance du pays.
Nous envisageons également de faire connaître les
mécanismes qui ont suscité l'augmentation du taux d'écoute
de la radiodiffusion de la nation, et sa place dans la vie quotidienne des
Camerounais. Nous examinerons les approximations relatives à la mainmise
des pouvoirs publics sur la radio d'État, ainsi que ses limites
liées à la ligne éditoriale, qui contraste avec les
missions classiques de la radiodiffusion qui sont d'éduquer,
d'informer et de divertir. Nous démontrerons que la vulgarisation
de la notion de « liberté » n'a pas suffisamment
modifié l'esprit de la radio nationale. Nous projetons de surcroît
de dégager le cadre juridique qui régit la radio nationale, et
les avancées qu'elle a connues de l'indépendance du pays à
l'adoption de la démocratie. Nous entendons dégager le niveau
d'application de la déontologie au sein de la radio nationale, faire un
bilan objectif sur la radio d'État, et montrer qu'elle a
contribué à pérenniser la domination occidentale sur le
Cameroun. Les disparités entre les grilles des programmes en
français et ceux diffusés en langue anglaise seront aussi
abordées dans ce travail. Nous ne pouvons faire l'économie du
rôle que la radio jouera dans la promotion de la paix6(*).
Le présent travail est destiné à donner
à voir l'évolution de la radiodiffusion du Cameroun entre 1941 et
1990. Il est question de mener une analyse objective sur les circonstances qui
ont conduit à la création du P.N. de radiodiffusion camerounaise.
Nous nous proposons de démontrer que l'indépendance du Cameroun
oriental impliquait l'indépendance de sa radiodiffusion, et que sa
réunification avec sa contrée occidentale avait suscité la
naissance d'un poste national commun aux deux régions, répondant
ainsi de façon directe à l'idéal d'unité
prôné par le président Ahmadou Ahidjo. Il est important de
souligner que l'E.S.I.J.Y., née au début des années 1970,
et qui formait des cadres de la radio nationale, posait, une fois de plus, le
problème de la marginalisation des populations anglophones du pays, car
elle dispensait une formation exclusivement francophone. D'où le
caractère douteux de l'aspect national de la radiodiffusion au Cameroun
après l'indépendance ; ses émissions atteignant
approximativement la cible (les populations de toute l'étendue du
territoire).
Nous nous sommes donné pour devoir de démontrer
que les insuccès de nombre de projets de développement du
Cameroun résultaient en partie des défaillances de la radio
nationale, quant à sa mission éducative et pédagogique,
vis-à-vis des populations. Notre travail s'articulera aussi autour de la
dynamique de la radio d'État, liée à l'accession au
pouvoir du président Paul Biya en 1982, et à l'avènement
de la télévision nationale en 1985. Nous mentionnerons
l'incidence du multipartisme politique, au début des années 1990,
sur la radio nationale ; les recherches menées jusque-là
tendant à faire penser à l'augmentation du temps d'antenne
consacré à la politique.
VI-PROBLÉMATIQUE DU TRAVAIL
En 1941, la radio naît au Cameroun, sous la
bannière de la France. En 1960, le Cameroun sous tutelle
française accède à l'indépendance. En 1961, c'est
au tour du Cameroun sous tutelle britannique d'obtenir sa libération de
l'autorité coloniale. Puis, s'en suit la réunification des deux
Cameroun. Le Cameroun, en tant qu'État, aspire à
concrétiser sa souveraineté. Il est d'entrée de jeu
question pour le pouvoir en place d'internaliser les institutions du
pays : c'est le processus d'affirmation de l'identité
internationale du jeune État du Cameroun. La réunification entre
l'ex-Cameroun sous tutelle française et le Cameroun sous tutelle
britannique est loin de rendre efficace la gestion de la radiodiffusion.
Quelles sont les mutations ayant marqué la radio coloniale au
Cameroun ? Comment se présente la radio nationale du Cameroun entre
1961 et 1990 ? En quoi la loi de 1962 contre la subversion a-t-elle
influencé la radio d'État du Cameroun ? Comment s'est-elle
arrimée au contexte d'unification du pays ? Quels ont
été les effets de la crise économique des années
1980 sur le fonctionnement de la radio nationale ? Quel fut son impact
socio-culturel ? Quels étaient ses rapports avec le
gouvernement ? Quelles sont ses caractéristiques relatives à
l'avènement de la télévision nationale au milieu des
années 1980 ? Qu'est-ce qui a marqué ses idéaux
après la « démocratisation » du pays en
1990 ?
VII-HYPOTHÈSES DE RECHERCHE
Notre thème a suscité en nous quelques
réflexions préalables. De prime abord, nous nous sommes
interrogé sur le contexte dans lequel s'inscrit la radiodiffusion du
Cameroun en 1941. Nous nous sommes interrogé sur la place de la
radiodiffusion dans le processus de décolonisation du Cameroun. Par la
suite, nous nous sommes questionné sur les effets de
l'indépendance du Cameroun sous tutelle française en 1960 sur la
radio nationale. En plus, nous nous sommes appesanti sur la question de la
réunification des deux Cameroun en 1961 et, à ce propos, nous
nous sommes posé la question de savoir s'il n'avait pas
été envisagé la mise sur pieds au sein de la nation d'un
système de radiodiffusion susceptible de répondre aux attentes de
ses populations anglophones et francophones. L'attention a été
portée sur le rôle de la radio nationale du Cameroun au lendemain
de son indépendance. Nous avons par la suite eu l'idée de
mentionner le lien qui existe entre la radio et la situation de
sous-développement qu'avait connu le Cameroun après
l'indépendance.
Les problèmes de la radiodiffusion du Cameroun ont
également attiré notre attention, ainsi que les mutations qu'elle
a subies avec l'avènement de l'État unitaire en 1972. La nouvelle
configuration du P.N. de radiodiffusion du Cameroun, résultat de la
naissance, au milieu des années 1980, de la télévision
nationale, et son jumelage avec celle-ci en 1988, font partie des idées
que nous avons eues lorsque nous nous engagions à produire ce travail.
La libéralisation du secteur de l'audiovisuel en 1990 et ses effets sur
le P.N. de la C.R.T.V. ont suscité en nous une interrogation pertinente
: la radio nationale était-elle à même d'accomplir ses
missions essentielles qui étaient d'éduquer, d'informer et de
divertir les Camerounais ? L'écoute systématique des radios
étrangères, la R.F.I. et la B.B.C. en l'occurrence, en
dépit de la mauvaise qualité du son liée à leur
absence de la F.M., était une preuve du refus des Camerounais
instruits d'écouter le P.N. de radiodiffusion du Cameroun. La
préférence des Camerounais pour des radios
étrangères laisse penser que la radio nationale ne satisfaisait
pas suffisamment ses auditeurs7(*).
Une opinion tend à faire penser que la radio nationale
s'investit depuis l'indépendance du Cameroun dans l'apologie des
systèmes politiques en place. Notre ambition concernant ce point de vue
est de présenter les rapports entre la radio publique et les
régimes politiques qui se sont succédés au Cameroun
jusqu'en 1990, le pays existant en tant qu'État depuis 1957, date de la
mise en place de ses premières institutions politiques8(*). Il ne serait pas superflu de
relever la place de la radio publique dans le rayonnement du Cameroun à
l'étranger. Cela est certainement une raison plausible de la
décision des pouvoirs publics d'adopter la loi sur la censure
administrative concernant les émissions diffusées à la
radio nationale. Ce qui empêchait la diffusion à la radio
nationale d'informations dites contre-gouvernementales, même lorsqu'elles
étaient crédibles. Le but de cette décision était
de donner au Cameroun l'image d'un pays où la « bonne
gouvernance »9(*) était de mise.
VIII-REVUE CRITIQUE DE LA LITTÉRATURE
Nous reconnaissons que très peu de sources
écrites traitent spécifiquement de l'histoire de la radio
nationale du Cameroun. La plupart des documents écrits abordent la
question de la radio publique sous l'angle du journalisme.
Ainsi, Valentin Ngah Ndongo10(*) fait état de la situation des médias au
Cameroun en 1993. Il édifie à suffisance sur les régimes
de presse, les entraves à la liberté de presse, les types de
médias, et les professionnels des médias.
Francis Bebey11(*) ressort les limites des radios d'Afrique
subsaharienne et leur situation jusqu'en 1962. Cependant, il renseigne de
façon brève sur les événements ayant marqué
la radiodiffusion au Cameroun entre 1941 et 1962.
Michel Tjadé Eonè12(*) éclaire l'opinion sur
l'attitude des auditeurs de la radio nationale en 1986, et la forme
d'écoute. Il insiste sur le phénomène
d' « écoute collective » qui résulte de
la situation de pauvreté financière et matérielle des
auditeurs Camerounais. Il mentionne les attentes des gouvernants et des
gouvernés camerounais vis-à-vis de la radio publique, et donne le
contenu des programmes de ladite radio. Par ailleurs, il compare la radio
d'État du Cameroun aux radios étrangères (Africa n°1,
la R.F.I. et la V.O.A). Mais les travaux de Tjadé Eonè se
limitent à l'année 1986 et ses données correspondent
exclusivement à cette courte période. Ce qui ne donne pas une
idée claire de la dynamique de la radio nationale sur une période
digne d'une analyse historique
Albert Mbida13(*) analyse l'attitude des auditeurs camerounais
vis-à-vis de la qualité et du contenu des émissions
produites par la radio camerounaise en 1973. Il se limite à
l'année 1973, et donne à voir une séquence de l'histoire
de la radiodiffusion au Cameroun.
André jean Tudesq14(*) mène une brève étude descriptive
de la radiodiffusion en Afrique, et présente celle-ci comme une
chasse-gardée des systèmes politiques. Mais ici, aucune allusion
profonde n'est faite du Cameroun, espace géographique sur lequel
s'étend notre travail.
Jean-Pierre Biyitti bi Essam15(*) met à jour l'histoire brève de
la radiodiffusion en Afrique, ainsi que la problématique de sa
régionalisation au Cameroun. Mais le travail porte sur l'année
1984, et fait ainsi fi du rôle de la télévision nationale
dans les mutations observées au sein du P.N.
Zachary Nkwo Tokolo16(*) ressort l'importance de la radiodiffusion au
sein de la région anglophone du Cameroun. Il y présente les
problèmes de la radio en zone d'expression anglaise. Mais une
étude comparative entre ladite station et les stations locales des
autres régions du pays généraliserait ou particulariserait
les problèmes de la radio nationale.
Rose Ikelle17(*) démontre la place qu'occupe la radio nationale
dans l'éducation des masses, et n'hésite pas à faire
mention de ses avantages en termes de coût, de commodités et
d'efficacité. Cependant, les travaux de Rose Ikelle analysent l'une des
missions fondamentales de la radio nationale, à savoir
l'éducation des masses. Ce qui nous appelle à introduire dans
notre mémoire les autres fonctions de la radio nationale du Cameroun et
la dynamique à laquelle elle a obéi entre 1941 et 1990.
Marie-Esther Ngo Bila18(*) donne des informations pertinentes sur le contexte de
création de la radiodiffusion au sein du pays, l'importance du
rôle qu'elle avait joué dans sa décolonisation, ses
caractéristiques, deux ans après l'indépendance.
D'où la nécessité pour nous d'étendre cette
étude jusqu'à 1990, la deuxième borne chronologique de
notre thème.
IX-MÉTHODOLOGIE
Notre travail se veut historique. Il résulte d'une
enquête rigoureuse, axée sur la consultation des sources
écrites et orales. À ce propos, nous avons consulté des
écoles de pensée diverses. La première école est
historique. En plus, nous avons fait recours à la vision socialiste, car
la radiodiffusion est rattachée à la société
orientée selon les idéaux des dirigeants du cadre
géopolitique au sein duquel elle s'intègre. Parce que
destinée à l'éducation des masses, la radiodiffusion se
rapporte au socialisme. Les idées capitalistes qui dominent le monde
actuel font partie des supports scientifiques sur lesquelles s'appuie ce
travail, dans la mesure où, dès 1990, le Cameroun, dans le
contexte de la « démocratisation », avait
consacré la vulgarisation, en son sein, de l'idéologie
libérale. L'éducation des masses populaires, ainsi que le
divertissement des auditeurs incombant à la radiodiffusion, sont
présentés ici comme un principe relevant de la pédagogie
et de l'enseignement, car la radio contribue à l'instruction des
peuples.
Les médias constituent le « quatrième
pouvoir », pensent les spécialistes de la question. De ce
fait, les médias contribuent à la construction de l'opinion
politique, et influencent les modes de gestion des États. D'où le
rapprochement de ce travail avec la pensée politiste qui se rapporte
notamment à l'étude des institutions politiques et à leur
portée socio-économique. Les difficultés auxquelles est
confrontée la radio, à savoir les déficits de financements
et le traitement subjectif des idées et des informations, lient ce
travail à la pensée économiste et au système de
management des entreprises. L'attitude des populations camerounaises
vis-à-vis de la radio nationale (leur désenchantement) est
certainement liée à leurs origines, à leur environnement,
et à leur histoire, qui les rendent réfractaires à
l'écoute systématique des émissions à
caractère purement instructif (débats et informations). Ce
travail est ainsi relatif à l'anthropologie qui traite notamment de
l'Homme et de sa culture. Parce que se rapportant à l'une des
institutions de presse, à savoir la radio, ce travail à trait au
journalisme et la communication.
Pour pouvoir produire ce travail, nous avons eu recours aux
historiens et aux spécialistes des médias. Nous avons fait
recours au Pr. Léonard Israël Sah qui, en tant qu'historien des
médias, nous a encouragé à réaliser ce travail, en
soulignant qu'il s'inscrit dans la continuité de l'approche
développée par Marie Ester Ngo Bila, dont le mémoire de
Maîtrise porte sur la radiodiffusion au Cameroun entre 1941 et 1962. Par
la suite, nous avons fait recours au Pr. Albert Mbida, enseignant à
l'E.S.S.T.I.C. Le Pr. Albert Mbida nous a instruit de commencer l'étude
de la radiodiffusion à l'époque coloniale. Par ailleurs, nous
avons abordé le Pr. Michel Tjiadé Eonè, spécialiste
des questions de la radiodiffusion. Ce dernier a approuvé et
affirmé l'originalité du thème, et s'est porté
garant de mettre à notre disposition les documents dont il disposait.
Au terme des consultations réalisées
auprès des spécialistes des médias, nous nous sommes rendu
dans des centres de documentation, en vue de la recherche des données
écrites sur le thème. De prime abord, nous nous sommes rendu aux
Archives nationales, où nous avons pu avoir une documentation
intéressante sur la naissance et l'évolution de la radiodiffusion
au Cameroun entre 1941 et 1960. Par la suite, nous avons consulté la
bibliothèque de la maison de la radio nationale qui nous a fourni une
littérature édifiante sur la question de la radiodiffusion au
Cameroun depuis l'indépendance et la réunification.
Nous avons également consulté la
bibliothèque de l'E.S.S.T.I.C. Ici, nous avons eu droit à une
riche documentation concernant la radiodiffusion au Cameroun, plus
particulièrement des essais, des thèses de doctorat, des
mémoires de licence en journalisme et des rapports d'enquêtes. La
bibliothèque de l'Université de Yaoundé I nous a fourni
des ouvrages traitant de la période coloniale au Cameroun. Elle nous a
ainsi donné des outils essentiels permettant une meilleure
compréhension de l'évolution de la radiodiffusion, ses sources
de financement, sa mission fondamentale qui était de conforter
l'autorité coloniale sur le Cameroun.
Le travail de terrain a consisté aux interviews
auprès des spécialistes des médias et de la
radiodiffusion, des journalistes de radio, de télévision et de
presse écrite, tant publiques que privées, ainsi que des
personnes neutres. L'objectif, au cours de cette phase du travail, était
d'obtenir une version synthétisée et objective des
caractéristiques de la radio nationale de 1941 à 1990.
X-DIFFICULTÉS
Ce travail a connu dans ses débuts des
difficultés liées à notre immaturité en
matière de recherche. En effet, bien que passionné par le
thème, nous avons été confronté au problème
de consultation des sources. Le thème se rapportant à la
radiodiffusion, les documents y relatifs étaient indisponibles dans des
centres de documentation spécialisés sur l'Histoire. De ce fait,
nous avons consulté des bibliothèques axées sur la
communication et le journalisme (l'E.S.S.T.I.C., la C.R.T.V.). Ce qui n'a pas
été chose aisée, dans la mesure où nous ne
fréquentions pas assez ces milieux, dès notre entrée dans
le supérieur. La deuxième difficulté à laquelle
nous avons fait face était liée à l'indisponibilité
de nos informateurs-clés. Ces derniers sont en effet des cadres à
la C.R.T.V. ou au MIN.COM. Certainement, leurs occupations permanentes ne leur
ont pas permis de nous recevoir dans les délais impartis. Cela nous a
contraint à des pertes de temps.
Au cours de nos recherches, nous avons fait face au refus
quasi catégorique de certains informateurs importants de nous accorder
des entretiens, certainement en raison de leur souci de protéger leur
statut social et de se positionner davantage au niveau professionnel, car notre
thème qui s'avère sensible. Il s'agit notamment de certains
cadres de la C.R.T.V. et du MIN.COM., sensés avoir un maîtrise
approfondie du fonctionnement de la radio nationale et de ses impacts au
lendemain de l'indépendance. À la phase finale de ce travail,
nous avons été confronté aux ruptures intempestives
d'électricité qui suscitaient l'endommagement de nos dispositifs
électroniques. C'est d'ailleurs l'une des raisons qui expliquent le
retard avec lequel nous l'avons soumis à l'appréciation de nos
encadreurs.
XI-PLAN
Pour rédiger ce travail, nous avons opté pour
une approche à la fois chronologique et thématique. Ainsi, nous
présentons respectivement : la radiodiffusion au Cameroun avant les
indépendances ; l'apport de la radiodiffusion du Cameroun
indépendant ; le rayonnement international de cette radio, ses
difficultés et ses défis.
CHAPITRE I
LA RADIODIFFUSION AU CAMEROUN AVANT LES
INDÉPENDANCES (1941-1959)
L'idée de la création d'une radio au Cameroun
était portée par le lobby colonial, influencé par la
Deuxième Guerre mondiale. Ainsi, en 1941, la France mit sur pied un
poste en ondes courtes à Douala, pour répondre aux
nécessités d'information et de propagande dans l'effort de
guerre. Mais dès 1946, le Cameroun, en tant que territoire sous tutelle
de l'O.N.U., disposait d'une station de radio, ayant vocation à le
conduire à l'indépendance et à la réunification,
conformément aux revendications des nationalistes de l'U.P.C.
I- NAISSANCE ET ÉVOLUTION DE LA RADIODIFFUSION
DU
CAMEROUN
La mise en place d'une radio au Cameroun était la
manifestation de l'ambition de la France d'asseoir sa domination sur le pays,
et d'en faire une chasse-gardée, d'autant plus que le contexte
international, caractérisé par la Deuxième Guerre
mondiale, s'y prêtait.
I.1. LA NÉCESSITÉ D'UN POSTE
ÉMETTEUR AU CAMEROUN
En 1919, La Conférence de paix de Versailles,
créant la S.D.N., fait du Cameroun, un territoire sous mandat. La S.D.N.
reçoit pour mission de favoriser l'évolution du Cameroun. Elle
adopte comme pays mandataires la France et l'Angleterre. Vu son échec
dans sa mission de maintien de la paix mondiale, la S.D.N. est remplacée
par l'O.N.U. Le Cameroun devient alors un territoire sous tutelle de l'O.N.U.
Ainsi, il a un statut particulier, par rapport aux autres possessions
territoriales. Aussi était-il nécessaire pour le Cameroun d'avoir
un poste de radiodiffusion propre.
I.1.1. La justification : l'inexistence au
Cameroun d'un système de radiodiffusion propre
En Afrique, les premières stations de radiodiffusion
ont fait leur apparition vers les années 1940. La première
station de radio à émettre au Cameroun fut Radio-Douala, en 1941.
Son importance pour les puissances administrantes, la France et l'Angleterre,
n'était plus à démontrer.
De 1941 à 1943, un poste en ondes courtes,
installé à Douala, répondait aux nécessités
d'information et de propagande dans l'effort de guerre de la France libre. Le
Cameroun ne disposait jusqu'en 1947 d'aucun moyen de radiodiffusion propre.
Léonard Israël Sah le souligne avec pertinence, en ces
termes : « la radio avait été introduite au
Cameroun par la colonisation française au début des années
1940. L'objectif de la France était, dans ce projet, de répondre
à ses nécessités de guerre, car elle était en proie
à des attaques militaires des Nazi »19(*). Les populations
camerounaises écoutaient le poste émetteur de Radio-Brazzaville
ou les postes locaux du Nigéria britannique. Le Cameroun ne comptait
d'ailleurs en 1947 qu'un millier de récepteurs, majoritairement
européens. Cette situation parut anormale en 1947.
Placé sous la tutelle de l'O.N.U., le Cameroun pouvait
s'affirmer au niveau international. La nécessité de cette
affirmation internationale avait conduit à la création d'un poste
de radiodiffusion conforme au statut du pays. Dans cet esprit, dès 1947,
le gouvernement local avait décidé de créer, au Cameroun,
une station de radiodiffusion, au moment où le MIN.F.O.M. se proposait
d'y installer, à délai bref, un émetteur d'un kW en ondes
courtes. Le statut particulier de ce pays avait suscité
l'établissement d'un régime nouveau devant concrétiser son
association à la France métropolitaine. Le gouvernement local
avait alors envisagé une société anonyme, dont les actions
devaient être réparties entre le territoire du Cameroun et la
France libre. Les actions attribuées à la France devaient
être gérées par une société d'État,
à savoir la SO.FI.RAD., et devaient représenter des apports en
matériels. Le Conseil d'Administration devait comprendre des
représentants français et africains du Cameroun, et des
représentants de la France (SO.FI.RAD. et MIN.F.O.M.). Le
Haut-Commissaire devait avoir des pouvoirs de contrôle sur le poste, le
Département en conservant la surveillance technique. Dans ce projet, la
société devait recevoir du Cameroun la concession exclusive de la
radiodiffusion au sein du territoire. Ses dépenses d'exploitation
devaient être couvertes par une dette radiophonique
complétée par une subvention locale. Pour permettre la
constitution de la société, le matériel issu du MIN.F.O.M.
devait être concédé à la SO.FI.RAD., par contrat
entre celle-ci et l'État. Ce projet est resté lettre morte. En
juillet 1947, le Haut-Commissaire chargea une commission d'examiner les
conditions dans lesquelles pourrait être immédiatement
organisé « un service d'émissions radiophoniques
susceptibles d'intéresser et de toucher les masses
africaines.»20(*)
Après la Première Guerre mondiale, et la
Conférence de paix de Versailles, tenue le 28 juin 1919, la S.D.N. place
le Cameroun sous mandat français et britannique. Les puissances
mandataires ont des obligations multiples : faire disparaître
l'esclavage et, en particulier la traite ; ne procéder au travail
forcé que pour des ouvrages publics essentiels ; exercer un
contrôle rigoureux sur le trafic des armes et des munitions de guerre,
ainsi que sur les spiritueux et des boissons alcooliques ; limiter le
service militaire des autochtones aux seuls besoins intérieurs du
territoire; garantir la liberté de conscience et de culte ; tenir
compte des coutumes indigènes dans les transferts des
propriétés foncières. En décembre 1946, le Cameroun
reçoit un statut de tutelle qui le place en dehors de la
République française et oblige celle-ci d'en
accélérer le progrès politique.
I.1.2. La propagande dans l'effort de guerre aux
côtés de la France et de l'Angleterre
Au début de la Deuxième Guerre mondiale, la
France est affaiblie. Le gouvernement de la France libre mobilise son empire
colonial. Le 18 juin 1940, le Général de Gaulle lance un appel
à l'effort de guerre à la B.B.C. En plus, pour la France, il est
question de rompre le mouvement germanophile qui se profile dans les anciens
territoires allemands.
Suite aux défaites
répétées de la France, face à l'ennemi nazi, le
Général de Gaulle fait appel à son empire colonial.
L'Empire colonial anglais, tout comme celui français, répond
favorablement à l'appel du Général de Gaulle. Par le
truchement de la radio, les messages relatifs à la guerre parviennent
aux administrateurs coloniaux. Quelques indigènes instruits et quelques
ressortissants européens, disposant d'un poste récepteur,
peuvent accéder aux informations de la métropole, avant leur
transmission, en tant que de besoin, au reste de la population. Ainsi, les
soldats camerounais sont embauchés, pour participer à la guerre,
aux côtés des Alliés. Des provisions sont prévues,
à la demande du gouvernement métropolitain, pour alimenter les
soldats en guerre.
En bref, la radiodiffusion du Cameroun, en tant que moyen de
transmission rapide des informations de guerre, avait servi à la
mobilisation des indigènes, au travers du profond travail de
sensibilisation mené par l'administration coloniale, dans le sens du
renforcement de la force anti-nazie.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale,
l'Allemagne vaincue se voit retirer toutes ses possessions territoriales. Elle
est sommée de payer de lourdes réparations, car accusée
d'incitation à la guerre. Ces décisions sont prises durant la
conférence de paix de Versailles de 1919, en l'absence de l'Allemagne.
Ainsi, un esprit de rancoeur s'installe chez les Allemands. La crise
économique mondiale de 1929 accentue cette rancoeur allemande, dans la
mesure où elle facilite l'accès au pouvoir du radical Hitler, qui
promet aux Allemands le renversement de la tendance. L'Allemagne entame un
processus de regermanisation de ses anciens territoires. Elle encourage des
regroupements des Camerounais autour de l'idéal de réunification,
car le pays, après l'implantation des Français et des Anglais,
avait été divisé : ce fut le mouvement germanophile,
celui des personnes d'origine locale ou non, souhaitant le retour au
« Kamerun » allemand. Mais la France entend
préserver les acquis afin de consolider sa puissance. L'un de ses
défis majeurs est alors de compromettre toute idée de
regermanisation du Cameroun. Moyen de communication orale moderne, le plus
accessible aux indigènes, la radio devait permettre à la France
de combattre le retour au Cameroun allemand.
I.2. ORGANISATION ET PORTÉE COLONIALE DE LA
RADIODIFFUSION DE LA F.O.M.
Radio-Douala, à l'instar des autres postes
coloniaux français d'Afrique, relevait d'une vaste organisation, connue
sous le nom du R.T.R.F. Cette organisation couvrait l'A.O.F., l'A.E.F., le
Cameroun, Madagascar. Il existait trois catégories de stations :
les stations nationales, les stations régionales, les stations
locales.
I.2.1. Un relais de la radiodiffusion
française
La radiodiffusion du Cameroun avait été
créée pour servir les intérêts de la France. Pour ce
faire, la France avait mis sur pied un dispositif juridique, et avait
placé la radiodiffusion camerounaise sous tutelle de la SO.RA.FOM.
Le réseau territorial de radiodiffusion
était très centralisé au Cameroun. Il relevait d'une vaste
organisation, directement placée sous le contrôle du gouvernement
français, en vertu des dispositions règlementaires de
l'époque. En effet, aux termes du décret du 6 février
1947, les questions relatives à la radiodiffusion faisaient partie des
attributions du Président du Conseil des Ministres français. Le
décret du 6 juillet 1953 portait délégation d'attributions
au Secrétaire d'État français à la
Présidence du Conseil, chargé de l'Information. En ce qui
concerne le réseau territorial, le décret du Président du
Conseil des Ministres, portant organisation de la radiodiffusion de la F.O.M.,
disposait, dans son article premier :
Dans chaque territoire ou groupe de territoires est
institué un service de la radiodiffusion placé sous
l'autorité du Chef de Territoire et organisé par lui par
arrêté pris conformément aux directives du Ministre de la
France d'Outre-Mer et soumis à son approbation21(*).
D'autres dispositions de ce texte
règlementaire portaient aussi bien sur le statut du personnel que sur le
mode de financement des stations de radiodiffusion coloniales. L'exploitation
du réseau de stations territoriales était assurée par un
personnel relevant du MIN.F.O.M. L'article 4 du même décret
précise, dans son alinéa 3 : « Les chefs de
services et de stations du réseau territorial sont nommés par
arrêté du Ministre de la France d'Outre-Mer, après avis du
Secrétaire d'État à la Présidence du Conseil
chargé de l'information ». Les autres agents étaient
nommés ou affectés, après consultation du Chef du
territoire22(*). Les
financements étaient obtenus grâce aux crédits inscrits au
budget du territoire, au budget annexe ou spécial, institué dans
les conditions fixées par le décret de 1972.
Les questions relatives à l'organisation, à
l'équipement, et à l'exploitation des stations du réseau
colonial de radiodiffusion, incombaient au S.R.F.O.M. En 1956, ce service
dépendait de la SO.RA.FOM. Instituée par arrêté du
18 janvier 1956 du MIN.F.O.M., la SO.RA.FOM. avait pour but de
« faciliter l'amélioration et le développement de la
radiodiffusion dans les territoires d'Outre-Mer, en réalisant
l'équipement du Réseau et éventuellement le
fonctionnement ». La SO.RA.FOM. avait ainsi concrétisé
ses activités dans les domaines des programmes, de la formation
professionnelle, et de l'équipement. Ces activités furent
poursuivies par l'O.CO.RA. qui l'avait remplacé le 14 avril 1962. En
1969, la D.A.E.C. se substitua à l'O.CO.RA. Par l'adoption et la mise en
oeuvre d'un système de centralisation de la radiodiffusion au Cameroun,
la France visait, non pas l'épanouissement des populations locales,
mais le renforcement de ses méthodes coloniales, destinées
à pérenniser son pouvoir.
I.2.2. La radiodiffusion : un moyen de promotion
de la colonisation française au Cameroun
Pour perpétuer ses activités coloniales au
Cameroun, la France se devait de vaincre l'ennemi allemand, durant la
Deuxième Guerre mondiale. D'où la création d'un organisme
de radiodiffusion au Cameroun. Ainsi, une fois la guerre achevée,
Radio-Douala ferma, mais à titre provisoire.
En introduisant la radiodiffusion au Cameroun,
l'administration coloniale française n'envisageait pas d'informer les
masses ou les populations locales ; Radio-Douala n'avait ni une dimension
régionale, ni une audience nationale. Son but était de donner aux
populations des informations sur la guerre23(*). Par la suite, Radio-Douala devait servir de moyen
de propagande anti-nazie. Elle avait ainsi incité les populations du
Cameroun français à prendre fait et cause pour la France libre.
La fin des hostilités suscita la reconversion civile des services de la
radiodiffusion du Cameroun, un an après sa brève interruption.
Par ailleurs, Radio-Douala devait appartenir à un réseau
territorial centralisé, dirigé par le gouvernement de la F.O.M.,
qui relevait du Secrétariat d'État à la Présidence
du Conseil des Ministres français, chargé de
l'information.
Pendant la Seconde Guerre mondiale,
la radiodiffusion jouait un rôle important au Cameroun. Le Cameroun
était ainsi devenu un enjeu pour Vichy et les partisans du
Général de Gaulle. La radio était alors le premier moyen
de résistance en France. Au Cameroun, la radio a été
introduite à Douala, en 1941, pour diffuser les communiqués de la
France libre. Les émissions furent interrompues en 1944, en raison de la
fin de la guerre en France. Elles ne purent reprendre qu'en 1946. L'auditoire
camerounais s'intéressait davantage à la radio, en sorte que, en
1948, il fut réalisé une première inscription de celle-ci
au budget du territoire. De ce fait, Radio-Douala était devenue un
service reconnu et indépendant. En 1949, elle fut équipée
d'un émetteur L.M.T. d'un kW. Cet émetteur fut installé en
1950, et augmenta l'audience de la station. En 1956, Radio-Douala passa sous la
gestion de la SO.RA.FOM.
II- L'ÉVOLUTION DE LA RADIODIFFUSION AU
CAMEROUN
Animée par l'ambition d'avoir le monopole sur
l'ensemble du territoire, et d'accomplir la mission que lui avait
assignée l'O.N.U., à savoir favoriser l'indépendance du
pays, la France avait décidé de créer des stations de
radio provinciales, respectivement à Yaoundé et à
Garoua.
II.1. RADIO-DOUALA, RADIO-YAOUNDÉ,
RADIO-GAROUA
Nous rappelons que la première station de radio
à émettre depuis le territoire du Cameroun vit le jour au plus
fort de la Deuxième Guerre mondiale. Jacqueline Gras affirme à ce
propos : « C'est en effet en 1941 que les autorités
françaises, alors tutrices du Cameroun oriental, estimant qu'il
était intéressant de rediffuser les bulletins d'informations et
communiqués de guerre de la France libre, firent appel au service
radioélectrique du Cameroun, indépendant des postes et
télécommunications ». Radio-Douala, « enfant
de guerre »24(*), fut ainsi créée.
II.1.1. Radio-Douala
A l'instar des autres stations de radiodiffusion
coloniales, Radio-Douala se caractérisait par une intense
activité et un système de gestion destinés à
satisfaire les besoins de la métropole.
En août 1947, la station
radioélectrique de Douala-New-Bell commença la diffusion
d'émissions radiophoniques. Elle utilisait alors un émetteur du
type Temco - 250 W, auquel avait été adjoint un étage
supplémentaire, construit sur place. Depuis la mise en place de
l'émetteur, le poste de Radio-Douala était imprécis.
Organisé et fonctionnant grâce au service radioélectrique,
installé dans ses locaux, et contrôlé, techniquement, par
ce service, le poste a été temporairement rattaché
à la D.A.C.S., en vue de l'organisation des programmes. Mais il
dépendait du service de l'information. Malgré
l'imprécision de son statut, le poste continuait d'exister. Cette
existence était reconnue et approuvée par les organismes
internationaux, comme nous pouvons le lire dans le rapport de la
délégation des territoires français d'Outre-Mer, sur la
conférence internationale de radiodiffusion à hautes
fréquences, réunie à Mexico, du 22 octobre 1948 au 10
avril 1949 :
Le Cameroun, qui disposera d'un
émetteur d'un kW, a obtenu l'allocation d'une fréquence de 6 Mc /
sec toute la journée de 6h à 9h, 11h 30 à 15h, 17h 30
à 24h locale et d'une fréquence de 9Mc / sec de 11h 30 à
15h, fréquences qui permettront la diffusion d'un programme local dans
un rayon de 600 à 1000 kms autour de l'émetteur25(*).
Les programmes de la radio coloniale du Cameroun
étaient réalisés en fonction des horaires précis et
des langues dominantes des différentes régions sur lesquelles
s'étendait sa diffusion. Radio-Douala émettait tous les jours,
durant 2 h 45 min, de 18 h 30 min à 21 h 15 min, au niveau local. Chaque
dimanche, le poste diffusait une émission supplémentaire d'une
durée de 2 h, de 11 h à 13 h. Au total, le poste diffusait 21 h
15 min, chaque semaine. Les projets en étude assuraient au poste de
Radio-Douala 5 h d'émissions par jour, de 18 h à 23 h. Une
émission supplémentaire devait être diffusée pendant
4 h, le dimanche, de 10 h à 14 h. En perspective, Radio-Douala devait
diffuser 39 h par semaine.
L'équipement du Cameroun devait répondre aux
exigences du « Trusteeship », tel qu'il est défini
dans l'article 76 de la Charte des Nations-Unies qui, parmi les fins
essentielles du régime de tutelle, énonce la
nécessité de « favoriser le progrès politique,
économique et social des populations des territoires sous tutelle ainsi
que le développement de leur instruction »26(*). De tous les moyens
d'information et de diffusion des idées, de l'instruction et de la
culture chez les masses, la radiodiffusion était l'organe le plus
efficace du monde moderne, notamment dans les territoires d'Outre-Mer,
où les communications terrestres ne permettaient encore qu'une diffusion
incomplète de la presse et des livres27(*). D'où les dispositions prises par le
gouverneur Soucadeaux, qui affirme :
Je voudrais faire de l'antenne de Radio-Douala un
véritable poste camerounais. Parallèlement, nous cherchons
à donner à l'écoute une audience beaucoup plus large, en
installant des diffuseurs publics et en mettant à la disposition de
l'élément africain de petits récepteurs à prix
modiques28(*).
À sa naissance, le poste de radiodiffusion de Douala
dépendait de deux services locaux. Du point de vue technique, il
dépendait du service radioélectrique, rattaché à la
D.P.T.C., qui assurait l'entretien du matériel, le fonctionnement de
l'émetteur, et abritait, dans les locaux de la station radio de
Douala-New-Bell, un émetteur et un studio étroit. Du point de vue
de l'administration du poste, de la confection de ses programmes et du
contrôle général de ses émissions, Radio-Douala
dépendait du service de l'information, rattaché directement
à la D.C.H. Mais ce service n'était installé qu'à
Yaoundé et ne pouvait exercer qu'un contrôle approximatif sur les
émissions de Radio-Douala, d'autant plus que le faible rayon de ses
émetteurs ne permettait pas une meilleure audition de ses
émissions à Yaoundé. Le contrôle était en
effet exercé par l'administrateur-maire de Douala,
délégué du Haut-Commissaire de cette ville. Pendant
longtemps, la proximité de Radio-Brazzaville et la diffusion de ses
émissions sur tout le Cameroun avaient donné au poste de
radiodiffusion du pays un intérêt local. D'après les
autorités, son importance ne devait exiger une organisation autonome, ni
dans le domaine technique, ni dans celui des émissions et de
l'Administration. Sous réserve du recrutement d'un personnel
spécialisé et de la construction des bâtiments
adaptés, le poste de radiodiffusion du Cameroun dépendait du
service radioélectrique, pour ce qui était de l'entretien du
matériel et du fonctionnement de l'émetteur.
II.1.2. Radio-Yaoundé
L'importance de Radio-Yaoundé s'expliquait par le fait
que Yaoundé était le siège des institutions politiques de
la France au Cameroun et abritait ainsi un nombre important de Français.
Voilà pourquoi l'administration coloniale avait élargi la
portée de ses émissions, en améliorant la qualité
de son émetteur et en intensifiant son activité.
En 1954, le Cameroun sous tutelle française est
frappé de plein fouet par les manifestations nationalistes de l'U.P.C.
Ainsi, en 1955, la gestion de la station de Radio-Douala, de même que les
programmes de développement d'une radiodiffusion camerounaise, sont
confiés à la SO.RA.FOM. À Yaoundé, la SO.RA.FOM.
installe deux émetteurs, respectivement celui d'un kW en ondes moyennes,
et celui de 4 kW en ondes courtes.
Animée par l'ambition de
préserver les intérêts de la France,
l'administration coloniale avait décidé de coordonner
l'information de la radiodiffusion au Cameroun. Mais cette coordination
était impossible, tant que la radiodiffusion était
installée à Douala. Il convenait donc d'en prévoir la
transmission à Yaoundé, dans des délais brefs. La fusion
effective entre la radio et l'information aidant, il avait été
créé un poste émetteur, en contact direct avec le
Haut-Commissaire, et les organes du gouvernement. Le gouvernement assurait le
contrôle des émissions et la réalisation des programmes
plus complets. L'installation du poste de radiodiffusion à
Yaoundé permit de couvrir les diverses régions du
Cameroun29(*), avec un
émetteur d'un kW.
II.1.3. Radio-Garoua
La création de Radio-Garoua devait assurer le
rayonnement de la radiodiffusion camerounaise à travers le Nord du pays,
en se conformant au traditionalisme de son auditoire, attaché à
l'Islam, et aux systèmes des lamidats30(*).
Radio-Garoua était considérée
comme une radio régionale. La mission des radios régionales
était de rapprocher les populations de la radio coloniale, et leur
inculquer des savoir-faire dans leurs activités respectives. Les
émissions de Radio-Garoua étaient ainsi destinées à
donner aux autochtones des conseils d'hygiène, de santé, et sur
l'économie pratique. Elles s'adressaient notamment aux agriculteurs et
aux éleveurs. Le but majeur étant de soutenir le
développement économique. Il avait été prévu
la diffusion des conseils agricoles en fulfulde ou foulani, et en haoussa.
Radio-Garoua était de ce fait utilisée comme palliatif de
l'insuffisance des services d'encadrement31(*). La radio devait donner à la population
paysanne des informations brèves et rapides appelées
« microprogrammes », afin d'assurer une amélioration
quantitative et qualitative de leur productivité agricole. Elle
était également destinée à amorcer la structuration
des groupements coopératifs. L'une des caractéristiques
fondamentales de Radio-Garoua était son rôle dans la
démocratisation de la communication par une large participation des
hommes et des femmes de la localité à ses différentes
utilisations. Cette démocratisation se manifestait aussi par la forme
que devait prendre la radio. Par exemple, la radio diffusait des
émissions éducatives et intégrait des valeurs et du
savoir-faire locaux, pour maximiser l'auditoire.
Dans le souci de confirmer la radio comme moyen de
consolidation de l'efficacité du système tutélaire,
l'administration coloniale avait manifesté le désir d'en assurer
le contrôle. Ainsi, Radio-Garoua n'avait pas de personnalité
juridique propre, tout comme les autres stations de radio provinciales du pays,
avec lesquelles elles constituaient la R.D.C. Sa gestion était
directement assurée par le gouvernement national32(*). Cet hégémonisme
du gouvernement sur Radio-Garoua avait été justifié plus
tard par la thèse selon laquelle les médias étaient
appelés à participer à l'émergence des
états-nations, mais aussi à jouer un rôle de premier plan
dans leur consolidation33(*). À sa création, Radio-Garoua
était unique à la région du Nord-Cameroun34(*).
II.2. LA RADIODIFFUSION COMME FACTEUR DE
DÉCOLONISATION DU CAMEROUN
En tant que moyen de transmission de la pensée
colonialiste française, la radiodiffusion du Cameroun avait
contribué au renforcement du nationalisme indigène, et
favorisé l'indépendance du pays.
II.2.1. La conception de la
métropole
La Constitution française de 1946 avait fait du
Cameroun un territoire associé à L'Union Française.
L'Union Française était en effet une communauté de peuples
et de civilisations. Le premier objectif de la radiodiffusion était donc
de permettre aux territoires d'Outre-Mer d'avoir une exacte connaissance de
l'opinion et de la vie métropolitaine dans ses multiples aspects, et
vice-versa. En plus, la radiodiffusion de l'Union Française était
vouée à développer dans chacun de ses territoires, que ce
soit dans la métropole ou dans l'Outre-Mer, l'esprit communautaire. La
radio de l'Union Française se devait donc de la faire connaitre à
l'étranger et de favoriser l'éclosion et le perfectionnement des
civilisations et des cultures locales. Pour atteindre ces buts, la
radiodiffusion s'était donnée pour rôle d'informer
par des émissions politiques, économiques et sociales,
d'éduquer dans le respect des cultures et des particularismes locaux, de
distraire par des programmes artistiques inspirés du génie
français et des folklores autochtones. Sur ce point, la France avait
trouvé important de donner aux populations autochtones les moyens
techniques de réception (l'organisation de l'écoute collective
par exemple). Il était aussi question d'inculquer à
l'indigène l'habitude d'écouter. La radiodiffusion permettait de
satisfaire les auditeurs issus de la métropole et les autochtones. Dans
l'esprit de la France, les masses autochtones regroupaient non seulement les
classes « évoluées », mais aussi les
populations des villages de brousse. Pour l'administration coloniale
française, les auteurs des émissions culturelles devaient
être proches des indigènes. Voilà pourquoi les
émissions en langues vernaculaires étaient la principale
préoccupation de la radiodiffusion de l'Union Française ; le
but étant de « créer une communauté
cohérente de peuples de civilisations différentes».
Les émissions culturelles en langues
autochtones n'excluaient pas des émissions de même nature en
français, celles-ci complétant celles-là, éduquant
les populations évoluées du territoire. Le gouvernement
français estimait que les conseils radiophoniques sur l'hygiène
de l'habitat ou du corps étaient plus efficaces que ceux qui leur
étaient proposés par d'autres procédés. Des cours
de langue française en langues indigènes y étaient alors
prévus, de même que des causeries sur l'hygiène, la
puériculture, la technologie agricole, l'orientation professionnelle, le
syndicalisme, la coopération, et des émissions à
caractère artistique, musical et folklorique intéressant les
indigènes. Comme l'affirme Daniel Abwa, la France n'avait jamais
envisagé son départ du Cameroun35(*). Voilà pourquoi elle avait mis sur pied des
institutions qui avaient vocation à pérenniser sa mainmise sur le
Cameroun ; ce dernier étant considéré comme un
territoire stratégique, particulièrement riche en ressources
naturelles.
La concrétisation des missions
assignées par la France à la radiodiffusion du Cameroun avait
favorisé l'éclosion d'une véritable pensée
nationaliste locale.
II.2.2. Un facilitateur de l'éclosion de la
pensée nationaliste locale
Nous avons mentionné plus haut que la radiodiffusion du
Cameroun avait été créée pour asseoir la domination
française sur le pays. Aussi, l'administration coloniale
française avait-elle mis sur pied des mesures destinées à
compromettre le nationalisme camerounais. C'est ainsi que l'U.P.C.,
créée le 10 avril 1948 par Ruben Um Nyobe et ses acolytes,
s'était vue refuser tout accès à la radiodiffusion du
Cameroun, car, pensaient les autorités coloniales, elle était
susceptible de révolter l'opinion local. Bien plus, seuls les
Français pouvaient exercer au sein de la radiodiffusion camerounaise,
compte tenu du fait que très peu de nationaux étaient
lettrés36(*), et
les intellectuels locaux étaient animés par le souci de restaurer
la souveraineté du pays37(*), position que ne partageait pas l'administration
coloniale. Les sévices infligés aux Camerounais en quête de
souveraineté internationale, doublés des manipulations
orchestrées par la radiodiffusion, avaient conduit les dirigeants de
l'U.P.C. à amplifier leurs revendications et à sensibiliser
davantage l'opinion sur la nécessité d'une prise de conscience
générale du caractère immoral de la colonisation38(*). Soulignons que la
radiodiffusion du Cameroun donnait des informations et diffusait des
émissions allant dans le sens de la politique française, et se
rendait ainsi peu fiable aux yeux des révolutionnaires camerounais.
D'où l'importance accordée aux radios étrangères,
dont l'écoute était d'ailleurs proscrite :
Radio-Pékin ; Radio-Moscou39(*). Par le canal de ces radios étrangères,
les partisans de la rupture avec le système colonial obtenaient des
informations venant de leurs partenaires étrangers, et des instructions
concernant les stratégies à adopter pour venir à bout de
leurs « maîtres ». Par la voie de la radio, les
révolutionnaires camerounais se renseignaient des politiques
françaises et pro-françaises, et harmonisaient ainsi leurs
méthodes de revendication40(*).
En accomplissant ses missions éducatives et
agricoles, la radiodiffusion avait contribué à
l'épanouissement des populations camerounaises. L'éducation par
la radio avait permis à une frange de Camerounais de s'abreuver à
la pensée occidentale, qui prônait la liberté des personnes
et s'insurgeait contre l'exploitation de l'Homme par l'Homme, projet dans
lequel s'était investie la colonisation. L'éducation avait aussi
enseigné aux Camerounais les règles d'hygiène et
l'harmonie sociale, le respect de l'autre et l'ardeur au travail, des valeurs
qui conduisaient à l'autonomisation des personnes et à
l'amélioration de leur condition par elles-mêmes. La formation aux
techniques agricoles avait permis, bien que de façon limitée,
d'accroitre les rendements, et d'assurer une alimentation décente aux
indigènes. Elle avait également intéressé nombre de
Camerounais aux métiers liés à l'agriculture. Ce qui
permit aux indigènes d'obtenir des bénéfices consistants
à cette période, et de s'approvisionner, sans difficultés,
en quelques commodités essentielles41(*).
La radiodiffusion avait donc favorisé les
progrès des indigènes. L'indépendance du Cameroun sous
tutelle française en 1960 avait suscité la nationalisation de sa
radiodiffusion. Dès lors, les pouvoirs publics devaient faire de la
radio un facteur du développement politique, économique et
socio-culturel de la nation.
CHAPITRE II
L'APPORT DE LA RADIODIFFUSION APRÈS LES
INDÉPENDANCES (1960-1990)
Le Cameroun francophone, indépendant dès le
1er janvier1960, se devait de nationaliser sa radiodiffusion, de
rompre ses liens directs avec la France, ancienne métropole coloniale,
de renforcer et consolider sa souveraineté, qui n'était encore
que théorique. De ce fait, la radio nationale était
destinée à asseoir l'unité et le développement
économique et social du pays, conformément aux idéaux du
Président de la République Amadou Ahidjo.
I-LA RADIODIFFUSION COMME MOYEN DE CONSOLIDATION DE LA
SOUVERAINETÉ NATIONALE
Les programmes de la radio
nationale du Cameroun étaient destinés à renforcer sa
souveraineté politique, économique, sociale et culturelle. Ladite
souveraineté était la concrétisation de
l'indépendance théorique accordée au pays en 1960, et
était conditionnée par son unification totale et sa croissance
économique.
I.1. Les prévisions gouvernementales
Au lendemain de l'indépendance, le Cameroun fait face
à des défis multiples. Le premier défi des pouvoirs
publics est la lutte contre la misère et le
sous-développement42(*). Les mass-médias, et plus
singulièrement la radio, avaient un rôle nouveau. Il est
communément admis que « celui qui détient l'information
détient la clé du pouvoir » et que « ce qui
est vrai pour le pouvoir l'est aussi pour le développement ».
Après l'indépendance et de la réunification, le
gouvernement camerounais avait attribué pour mission à la radio
nationale de renforcer et consolider la souveraineté de l'État.
Ce d'autant plus que la radio était le moyen d'information le plus
accessible à la population, ainsi que le confirme Mankiewicz :
La radiodiffusion est, sinon, le plus accessible des moyens
d'information. Grâce à la diversité de leurs
modèles, dont beaucoup sont portatifs, les postes de radio permettent
l'audition des programmes dans toutes sortes de conditions, chez soi, dans un
lieu public, pendant des heures de loisir, le travail ou en voyage,
l'écoute individuelle ou collective43(*).
I.1.1. L'actualisation de la culture politique des
auditeurs
Au terme d'une étude sur les relations entre
l'information et le pouvoir, B. Lempen aboutit à la conclusion
suivante : les moyens d'information doivent encourager chez l'individu un
comportement de confiance dans les autorités. Selon Lempen, l'action de
l'information ne peut être confiée qu'à des organismes
à qui l'État a explicitement attribué une mission de
service public. L'État est en effet un gage de sécurité,
un garant de la protection. Il assure le bien-être de ses citoyens, et
leur donne accès aux commodités essentielles, capitales pour la
stabilité physique, matérielle et financière.
L'État est le meilleur employeur, car il éloigne de la
précarité professionnelle. Les médias, par une intense
activité de propagande et de vulgarisation de l'action publique, ont le
devoir d'informer la population de la gestion de la chose publique. Parce que
d'accès facile, la radio contribue considérablement à cet
important projet de société. L'efficacité de
l'administration est fonction du niveau d'adhésion des masses. Car le
gouvernement agit en vue de l'amélioration de la condition des
administrés. Relais par excellence de l'information issue des services
étatiques, la radio doit tendre à intéresser le peuple
dans sa majorité au sens de la nation. Par sa mission d'éducation
et de formation, la radio apprend à la population les fondements de la
citoyenneté et de l'éthique sociale. La stabilité de
l'État en dépend. Toute forme d'organisation sociale
résulte du consentement du peuple. En effet, ses dirigeants sont
l'expression de ses choix. Ils officient en ses lieux et places. Le peuple doit
ainsi respect et soumission à ses représentants. C'est la raison
pour laquelle la radio nationale excluait de ses programmes des intervenants se
refusant à collaborer avec le régime. Voilà pourquoi le
gouvernement avait fait de Radio-Cameroun un médium national.
Après l'indépendance, la radio devait
promouvoir la politique du gouvernement. Cela tenait compte des enjeux
politiques et géostratégiques d'alors, à savoir consolider
l'indépendance du Cameroun, en lui assurant un développement
avéré, dans le respect de la règlementation
internationale. La radio nationale se devait ainsi de promouvoir l'image du
Cameroun à l'étranger. Pour ce faire, elle devait informer les
auditeurs nationaux et internationaux des projets structurants du gouvernement
et des moyens nécessaires pour leur réalisation. Elle devait
également promouvoir l'image du Cameroun à l'extérieur, en
vue d'attirer les investissements étrangers, et d'assurer l'aide au
développement destinée aux pays pauvres. La radio était
ainsi considérée comme un tremplin ; elle était le
moyen de communication le plus efficace de cette période ; elle
était d'accès facile et rayonnait sur un périmètre
large.
Afin de concrétiser la nationalisation de la
radiodiffusion, les pouvoirs publics camerounais avaient interdit les critiques
à l'égard du Gouvernement, en adoptant des méthodes de
censure rigoureuses et des lois contre la subversion. Ainsi, la radio nationale
avait été implantée à Yaoundé, siège
des institutions politiques du Cameroun ; les radios locales en servant de
relais. Les journalistes de la radio nationale étaient alors tenus
d'éviter les critiques, au risque de se voir condamnés par les
autorités compétentes. Les émissions à
caractère satirique étaient quasi inexistantes, et l'intervention
directe à la radio était sélective. Les programmes de la
radio prévoyaient des émissions en français et en anglais.
Cela était la matérialisation du bilinguisme camerounais. En
effet, en 1961, le Cameroun francophone s'était réunifié
avec le Cameroun anglophone. L'E.S.I.J.Y. née au début des
années 1970 avait vocation à former des journalistes devant
être employés dans des structures nationales. Ceux
spécialisés dans le journalisme radiophonique étaient
recrutés au sein de la radio nationale. L'admission à
l'E.S.I.J.Y. respectait les principes de quotas, ce qui permettait une
représentativité effective de toutes les régions au sein
de l'institution. Les recrutements à la radio nationale tenaient compte
des mêmes principes44(*).
I.1.2. La promotion de la stabilité
économique du pays
Le rôle de l'information à but formatif avait
été défini au Cameroun en mars 1969 par le
président Ahidjo, lors du congrès de l'U.N.C. à Garoua.
Ahidjo affirma en effet :
L'information doit revêtir les formes d'une
véritable éducation populaire; les objectifs à atteindre
étant d'une part d'avoir peu à peu à mener les esprits
à une juste compréhension des problèmes du monde moderne
et aux joies d'une authentique culture nationale, d'autre part à
développer chez nos compatriotes une conscience aussi claire que
possible du rôle que chacun peut et doit jouer dans la construction de
la nation45(*).
D'après Ahidjo, l'information devait permettre aux
Camerounais de prendre conscience de leur citoyenneté, d'éveiller
et d'enrichir leurs facultés de discernement et de jugement, de
favoriser l'évolution de la collectivité, d'aider à former
une opinion publique camerounaise éclairée, et ouverte aux
cultures extérieures. L'information officielle du Cameroun se devait
donc de « combler le fossé entre les responsables
à tous les échelons et l'exécution des programmes de
développement économique et social ». La place de la
radio y était importante46(*).
La radiodiffusion, après l'indépendance,
était le moyen d'information le plus développé et le plus
sollicité au Cameroun. Cela tenait au fait que très peu de
Camerounais avaient la culture de la lecture, et ceux qui
s'intéressaient à la presse écrite ne disposaient pas de
moyens financiers conséquents pour s'en procurer47(*). En plus, la radiodiffusion
avait inclus dans sa grille des programmes des émissions en langues
nationales qui parvenaient à un auditoire consistant, car peu
d'indigènes étaient lettrés à cette
époque48(*). La
radiodiffusion était donc consacrée à la promotion du
progrès économique et social du Cameroun, en fonction des plans
nationaux de développement. Elle était le reflet de l'écho
de la nation, « pour tous ceux qui exprimaient sa vitalité et
sa richesse ». Elle traduisait une manière de vivre, une
pensée commune, un art collectif des Camerounais49(*).
La radiodiffusion camerounaise ne devait perturber l'ordre
public ou compromettre l'expression de la volonté nationale. Elle devait
fournir aux Camerounais les moyens de « vivre le temps de leurs
loisirs », à travers les sports et les spectacles. Elle devait
assurer la distraction destinée notamment à l'enrichissement
culturel. La radiodiffusion du Cameroun devait donc, après
l'indépendance, créer un climat favorable au progrès
national, et développer des connaissances spécialisées.
Elle devait « donner le goût du changement, créer un
climat nécessaire à la construction de la nation ». En
rappelant aux Camerounais les objectifs nationaux et les succès de
l'État, elle pouvait contribuer à intégrer les
minorités disparates, les communautés isolées, les groupes
repliés sur eux-mêmes, les Pygmées entre autres. De ce
fait, les pouvoirs publics camerounais donnaient un privilège soutenu
à radio. En effet, la radiodiffusion représentait un instrument
de persuasion et de formation de la conscience nationale. Elle stimulait la
participation des citoyens à un même destin, et jouait un
rôle capital dans la consolidation du régime de démocratie
gouvernementale, inspiré et animé par la doctrine et l'action de
l'U.N.C50(*). La
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, proclamée le 10
décembre 1948, par l'Assemblée générale des Nations
Unies, stipulait : « Tout individu a droit à la
liberté d'opinion, d'expression ».51(*) Ce droit comprenait la
liberté de recevoir et de communiquer les informations. Il existait une
législation qui régissait l'usage des moyens d'information.
L'information était donc un droit de l'Homme. D'où la
nécessité de développer au Cameroun un système de
radiodiffusion.
Après l'indépendance, les pouvoirs publics
camerounais avaient adopté le principe du
« développement autocentré »,
dépendant des idéaux et des besoins nationaux. L'économie
du Cameroun était alors basée sur les activités rurales.
Le développement était étroitement lié aux
activités rurales. Le développement rural était
basé sur l'agriculture, activité dominante en Afrique. Il
concernait aussi l'artisanat, les petites et moyennes entreprises, et les
complexes agro-industriels, installés en dehors des centres urbains. Le
développement rural nécessitait des programmes d'action en faveur
de la santé publique. Il existait des régions fertiles qui
étaient peu peuplées ou désertes, du fait des maladies qui
les rendaient insalubres. Le développement rural concernait aussi la
construction des infrastructures de déserte, des routes susceptibles de
sortir les campagnes de leur isolement, des programmes
d'électrification, d'adduction d'eau, la construction des moyens de
stockage et de commercialisation des récoltes, la constitution du
réseau nécessaire à la distribution des crédits.
La radio était aussi la voie d'expression de la
publicité. Son rôle était de séduire le public afin
de vendre ses espaces aux annonceurs. La publicité informait, en
stimulant la consommation et la concurrence.
I.1.3. La contribution à la
préservation de l'équilibre social
Pour préserver l'harmonie au sein de la nation, le
gouvernement camerounais s'était employé à éduquer
et à former les masses. Cette éducation et cette formation
pouvaient être en partie l'oeuvre de la radio. La radio pouvait aussi
divertir les Camerounais, les mobiliser en toute confiance autour des objectifs
nationaux. Le rôle de formation de la radio prenait une importance
capitale dans les pays en voie de développement où toute
transformation collective des mentalités et des attitudes était
conditionnée par l'action des moyens d'information. La radiodiffusion
transmettait des sons et véhiculait des contenus destinés
à un public dense. L'éducation était en effet l'action par
laquelle des connaissances étaient transmises. Elle pouvait être
formelle au cas où elle se pratiquait dans le cadre institutionnel de
l'école. Elle pouvait aussi être informelle. Dans ce cas,
l'éducation avait un sens large52(*). Ignacy Waniewigz l'exprime de façon claire,
en ces termes :
L'éducation a toujours pour objectif fondamental de
libérer l'homme des entraves de l'ignorance et de la frustration, de
promouvoir sa quête de vérité et de liberté, et de
fournir aux individus doués la possibilité d'employer plus
pleinement leurs aptitudes53(*).
L'éducation était ainsi fondamentale, en raison
de sa fonction sociale. Elle permettait à l'Homme de connaître son
environnement et de s'y adapter, en utilisant de façon maximale ses
potentialités. Après l'indépendance, le gouvernement
camerounais décida d'alphabétiser considérablement le
pays. Moyen d'information le plus utilisé, la radio pouvait informer
chaqu'acteur de la société des nouvelles techniques agricoles et
des règles d'hygiène. L'information avait donc vocation à
« encourager les populations à aller à l'école,
à consulter des experts »54(*). Par l'éducation des masses populaires, la
radio visait la formation au civisme, la formation intellectuelle. Elle devait
contribuer par des programmes appropriés à
l'élévation de la conscience nationale des citoyens, de leur sens
de responsabilité et du devoir envers eux-mêmes, leurs familles,
et envers la nation. De ce fait, elle devait permettre l'accroissement des
connaissances des citoyens afin d'en faire des agents actifs du
développement. Dans le monde en effet, la diffusion des cultures
déterminait les rapports de force entre les nations. L'action de la
radio nationale devait alors aider le Cameroun à conquérir son
identité. La radio nationale devait alors contribuer à
bâtir la personnalité camerounaise. À cet effet, le message
de la radiodiffusion du Cameroun devait être tiré des origines et
des profondeurs de la culture locale. Le message de la radio nationale
devait tendre vers les objectifs suivants: la mobilisation des hommes pour la
construction nationale; la préparation des citoyens au changement qui
devait accompagner le développement; le renforcement de l'unité
nationale.
Après l'indépendance du Cameroun, une
large majorité de la population nationale était
analphabète. En 1973, Albert Mbida l'avait souligné en ces
termes: « Tout le monde ne sait pas lire au
Cameroun »55(*).
Pourtant, les citoyens camerounais avaient droit à l'information, aux
conseils. Au Cameroun en effet, peu de personnes connaissaient les
règles d'hygiène, les précautions susceptibles de garantir
une productivité agricole consistante. Des milliers d'habitants vivaient
dans des villages reculés et difficiles d'accès. Il revenait
ainsi à la radio de donner aux Camerounais des informations du pays,
fussent-ils éloignés des centres urbains. Il était de la
compétence de la radio d'apprendre à ces personnes des
méthodes de travail des plantations de café et de cacao. La radio
se devait de leur apprendre à protéger la faune, leur inculquer
la nécessité de payer l'impôt, et leur communiquer les
attentes des responsables politiques vis-à-vis d'eux. Le rôle de
la radio camerounaise consistait aussi en la diffusion des idées, en la
propagande. Il consistait en outre en l'éducation civique et politique.
En plus, la radio devait servir de moyen de lutte pour la réalisation
des programmes économiques, et pour l'amélioration de la
production. Elle avait également pour fonctions la stimulation de
l'action du parti unique, la vulgarisation des lois et des instructions
gouvernementales, l'incitation à l'application des mesures prises par
les autorités. La mission d'information de la radio nationale avait
été définie par le Président de la
République Ahmadou Ahidjo, au lendemain de l'indépendance du
Cameroun sous tutelle française. En effet, selon Ahidjo, la radio
nationale avait vocation à mettre les citoyens au courant de ce qui
se passait et se faisait tant au Cameroun que dans le monde. L'objectif
était d'intensifier les liens de solidarité entre le peuple
camerounais et les autres peuples du monde. Il s'agissait de mettre à la
disposition de chaque citoyen une relation objective de
l'événement, d'ouvrir les esprits à une juste
compréhension des questions nationales et internationales.
Dans ce cas, la mission de la radio nationale consistait
à édifier le Camerounais nouveau, doté d'une
capacité de discernement avérée, et prêt à
jouer efficacement son rôle d'agent actif d'accélération du
processus de progrès. Ceci dans la mesure où un citoyen bien
informé était nécessairement plus conscient des grands
enjeux de développement national, plus responsable dans les attitudes,
et plus apte à assumer ses engagements vis-à-vis de la nation.
L'accomplissement de cette mission informative n'était possible que si
la radio faisait montre d'un traitement qualitatif de l'information. Les
progrès du pays en matière de démocratie en
dépendaient, comme l'affirmait le Président de la
République, Paul Biya : « le degré de
maturité d'une démocratie se mesure à la qualité
des informations dispensées par sa radio »56(*). Rappelons qu'après son
indépendance et sa réunification, le Cameroun aspirait au plein
exercice de sa souveraineté nouvellement acquise. Celle-ci était
fonction du niveau d'instruction du peuple, car ce dernier ne pouvait jouir de
sa souveraineté que s'il était bien informé.
L'éducation par la voie de la radio
était loin d'être formelle. Elle était plutôt un
tremplin, un moyen par lequel l'individu le moins instruit accédait
à des connaissances susceptibles de l'édifier, afin qu'il eut des
reflexes primaires d'un homme civilisé. En raison de ses contraintes en
matière de gestion du temps, la radio ne pouvait assurer un rôle
d'éducation fondamental. À travers des interventions des
spécialistes, elle conseillait, stimulait l'envie d'ascension sociale,
taisait les comportements déviants, et encourageait l'excellence. Il
existait des institutions dont la vocation était d'éduquer les
citoyens, de leurs inculquer des valeurs morales qui fondaient la vie en
société. L'école classique pouvait dont s'investir
à resocialiser les personnes égarées. Cela
nécessitait un travail de fond, ne pouvant être accompli au bout
de quelques minutes ou de quelques heures d'émissions sur les ondes de
la radio. Voilà pourquoi Daniel Anicet Noah conçoit que la radio
est un moyen d'éducation libre:
La radio n'est pas un instrument d'éducation de
contrainte. L'éducation d'apprentissage a lieu dans les des milieux de
contrainte. La radio est plutôt un instrument de liberté. À
la radio, il existe un carré noir. Si l'auditeur n'y est pas
éloigné, il va s'y intéresser. Si on l'en rapproche, il
aura accès au message véhiculé. Il peut alors
accéder au message, tout comme cela peut s'avérer impossible. Or
l'éducation, en tant qu'institution, dispose des moyens et des
facultés de contraindre ses acteurs à se soumette57(*).
Au Cameroun, il était indispensable que par
des discussions s'élaborent des compromis afin de résoudre des
problèmes majeurs. Un consensus minimal s'imposait, conditionnait
l'harmonie recherchée par le gouvernement. Le forum des débats
était animé par la radio. La radio reliait les individus aux
groupes, contribuait à la coopération.
Il était prouvé que la population camerounaise
était majoritairement rurale et « illettrée
»58(*). Il existait
une différence notoire dans les taux d'alphabétisation des
campagnes et des villes. La colonisation s'étant employée
à déconstruire le typiquement camerounais, il était
question, après l'indépendance, de réhabiliter les valeurs
culturelles locales. Pour concrétiser le développement du
Cameroun, il convenait de lui fournir une matière culturelle lui
permettant d'avoir la claire vision à suivre. La culture africaine
était liée à la langue. En effet, la langue d'un peuple ou
d'une communauté reflétait ses valeurs, ses traditions, ses
coutumes, sa façon de concevoir le monde qui l'entourait, et sa relation
avec lui-même. La radio était l'un des principaux véhicules
de l'information. Seuls quelques lettrés camerounais pouvaient
accéder à l'information, car diffusée en français
ou en anglais. Jusqu'à l'époque post-coloniale, très peu
d'émissions radiophoniques étaient diffusées en langues
locales. Les populations se considéraient alors comme des exclues de la
chose moderne. Leurs doléances se résumaient en ces termes:
« les politiciens, les journalistes, avec ces idées de Blancs,
parlent la même langue. Et nous ?»59(*)
D'une génération à la suivante,
l'héritage du groupe était transmis. Il s'agissait des visions du
passé, du présent, de l'avenir. Chaque individu avait besoin
qu'on lui inculque ce qui se faisait, ce qui ne se faisait pas, ce qui se
pensait, ce qui ne se pensait pas. Ainsi, pour l'Homme ordinaire, il n'existait
pas de sujet dont la radio ne parlait pas. La radio donnait des rapports
rapides sur des événements se produisant dans l'environnement
immédiat. Son rôle était de diffuser l'information,
après l'avoir sélectionnée.
À la radio, les émissions de
divertissement était destinées à évader, afin de
faire prendre conscience aux auditeurs (citoyens camerounais) du patrimoine
culturel national. Aussi la radio devait-elle être
récréative grâce à des émissions culturelles
attrayantes. En accordant le repos et la détente, elle devait contribuer
à l'enrichissement spirituel et moral de l'auditeur. La mission de
divertissement ou de distraction, selon A. Ahidjo, ne consistait nullement en
la vulgarité ; la radio avait vocation à animer les
populations camerounaises, à leur fournir des programmes adaptés
aux nécessités de développement, à leur expliquer
les actions de l'État, à susciter leur participation active
à la construction nationale.
Les missions assignées à la radio nationale du
Cameroun avaient incité à sa régionalisation, l'objectif
ultime étant la diffusion de ses émissions sur toute
l'étendue du territoire.
I.2. Un événement inédit : la
régionalisation de la radio
En 1962, Radio-Buea fut créée. Radio-Buea
était en effet la troisième station provinciale de la radio
camerounaise. Par la suite, le processus de dissémination de la
radiodiffusion s'arrêta au Cameroun. Il reprit en 1978. L'ambition
avouée de Monsieur Ahidjo, alors Président de la
République, était de « réaliser un
conglomérat de tribus, une nation une et indivisible ».
À son avis, la radio nationale du Cameroun devait être le socle
sur lequel devait se bâtir l'unité nationale.
I.2.1. Les raisons de la
dissémination
Le processus de dissémination de la radiodiffusion au
Cameroun avait repris avec la création de Radio-Bertoua en 1978, et de
Radio-Bafoussam en 1980. La dissémination de la radiodiffusion du
Cameroun était liée aux contextes politiques, économiques
et sociaux.
La dissémination de la radiodiffusion du Cameroun
était liée à la superficie du pays, qui s'évaluait
à 475 000 km² environ. En plus, le Cameroun présentait un
relief accidenté, qui limitait les possibilités de transmission
de l'information par les ondes. En effet, dans certaines régions du
Cameroun, les reliefs étaient constitués de hautes terres et de
basses terres. Les hautes terres étaient rencontrées à
l'Ouest et au Nord, et les basses terres dans la côte et le plateau
sud-camerounais. Les basses terres représentaient des zones d'ombre de
la radio, car les ondes étaient bloquées au niveau des zones de
hauts reliefs, en raison de la faiblesse des émetteurs. Bien plus, le
Cameroun se caractérisait par sa diversité économique,
sociale et culturelle. Les événements et considérations
politiques à forte incidence culturelle, à savoir la
réunification, en octobre 1961, du Cameroun francophone, avec le
Cameroun anglophone, et son unification, le 20 mai 1972, font aussi partie des
mobiles de dissémination de la radio nationale. En effet, dans le
contexte de la réunification, le Cameroun devint un État
fédéral. Dès lors, il y existait deux États
fédérés : l'État fédéré
du Cameroun francophone et l'État fédéré du
Cameroun occidental. Suite à son unification, le Cameroun devint un
État unitaire. La radio nationale devait alors se conformer à ces
réalités.
La dissémination de la radio nationale était un
motif de satisfaction des besoins du public. Sa nécessité avait
été définie en ces termes, dans les 3e et
4e plans quinquennaux de développement, lors de
l'inauguration de la station de Bamenda: à l'élaboration du
3e plan, l'objectif qui avait été de doter chaque
province d'une station de radiodiffusion, compte tenu des besoins
spécifiques en informations, devait se poursuivre au cours du
4e plan, par la construction de la station du Nord-Ouest». La
régionalisation de la radiodiffusion au Cameroun s'inscrivait dans un
débat culturel qui datait de l'époque coloniale. Dans un
État en quête de modernité, à l'instar du Cameroun,
il urgeait d'informer les citoyens. Au cas contraire, le gouvernement
risquerait de promulguer des lois, de signer des décrets et des
arrêtés inutiles. Une double information législative, l'une
à l'usage du public moyen, et l'autre juridique et technique, à
l'usage des spécialistes, était nécessaire.
I.2.2. Des étapes difficiles
Le Cameroun avait connu une radio émergente pendant
les années 1950. Cela était le reflet d'une vie politique
démocratique, impulsée par plusieurs courants de pensée et
des partis politiques.
Dès l'indépendance, le gouvernement camerounais
s'était attelé à promouvoir la paix et la stabilité
du pays. En effet, le Cameroun avait été le théâtre
de la guerre civile à partir de 1954. La
tendance radicale de l'U.P.C. de Félix Moumié et
Um Nyobè avait alors pris le « maquis »60(*). Ce
« maquis » ne s'estompa qu'en 1971, avec la fusillade en
public d'Ernest Ouandié, le dernier porte-étendard de l'U.P.C. Le
pouvoir politique, installé à Yaoundé en 1958, s'est
employé à contrôler le Cameroun, contrasté
culturellement pour plusieurs raisons: le clivage entre le Nord, musulman et
animiste, peu scolarisé et faisant bloc avec quelques élites, et
le Sud, chrétien et animiste, plus scolarisé, et davantage pourvu
en infrastructures. À ce clivage, s'ajoutait l'opposition entre la
communauté francophone et celle anglophone. La tâche prioritaire
du pouvoir politique était de consolider l'unité nationale, et de
s'imposer pour durer. Aussi fut-il amené à livrer une vive
bataille contre les autres formations politiques, et les médias par
lesquels s'exprimaient ces dernières. Les courants politiques, dans le
contexte du jeune État du Cameroun d'alors, étaient formés
sur des bases tribales et régionales. Combattant l'autre formation
politique, le parti dominant s'insurgeait contre le tribalisme et le
régionalisme. Inaugurant la maison de la radio en janvier 1965, Ahmadou
Ahidjo, alors Président de la République, avait
déclaré:
Notre information ne peut se permettre de
refléter les clans et les intérêts, les factions et les
chapelles. Il y a des pays où la radio joue un rôle
considérable dans les affaires de la nation. Puisse-t-elle être
ainsi chez nous, tournant le dos à la subversion et au mensonge, mais
orientée vers le bien et le salut public61(*).
Lors de la cérémonie d'inauguration de
l'émetteur de 30 kW de Nkomo (Yaoundé), le 17 mai 1962, le
Président Ahidjo résumait le rôle de l'information sur
« la promotion de la prise de conscience nationale et le
développement de la communauté ». L'inauguration du
nouveau centre d'émission à Buea en 1967 était
également une occasion pour Ahidjo de renforcer l'unité
nationale. Cette insistance sur l'unité et le consensus était une
marque du refus du régionalisme. C'est ainsi que 16 années se
sont écoulées, de l'inauguration de Radio-Buea en 1962 à
celle de Radio-Bertoua en 1978. Ensuite, l'existence éventuelle d'une
presse libre était considérée comme dangereuse pour
l'unité nationale. Il était aussi question de
« susciter l'enthousiasme et l'adhésion des masses, pour ce
qui était des tâches politiques, économiques et sociales,
de fournir au peuple des moyens de détente instructifs ». Dans
les années qui ont suivi l'indépendance, la
régionalisation de la radio n'était pas à l'ordre du
jour.
La radiodiffusion du Cameroun avait produit des effets non
négligeables au niveau local et international. Ces effets se sont
traduits par la promotion de la politique du gouvernement, et le renforcement
du patriotisme de ses citoyens.
II- LES EFFETS DE LA RADIODIFFUSION DU CAMEROUN
La radiodiffusion du Cameroun avait rendu
crédibles les idéaux du gouvernement local, à
l'échelle nationale et internationale. Il convient de reconnaître
l'importance du rôle qu'elle avait joué dans le maintien de la
paix et la promotion de la stabilité sociale du pays.
II.1. La promotion de la politique du
gouvernement
Après l'indépendance et la
réunification, la majorité de Camerounais était
politiquement inculte. La préoccupation du gouvernement était la
consolidation de la souveraineté du pays. Il était question de
valoriser l'image du Cameroun à l'intérieur et à
l'extérieur. De ce fait, le rôle de la radio consistait à
communiquer sur l'action des pouvoirs publics.
II.1.1. La place des supports linguistiques des
émissions
La station nationale était la plus
représentative, parce qu'elle offrait des programmes à audience
large. Les langues utilisées ici étaient le français et
l'anglais, le P.N. étant un médium d'État. Les programmes
étaient fixés suivant des critères de formes, de contenus
et les publics, et étaient conformes à la formule définie
par Jean Cazeneuve, qui affirme: « La classification comporte une
part d'arbitraire, quel que soit le système adopté, car beaucoup
d'émissions peuvent appartenir à plusieurs genres à la
fois ».
Parmi les deux langues officielles du Cameroun, le
français était la plus usitée. Cela était relatif
au fait que le Cameroun était majoritairement francophone. La radio
nationale avait alors une audience beaucoup plus francophone. En plus, les
journalistes camerounais étaient majoritairement francophones. En effet,
le gouvernement français, plus que le gouvernement britannique, avait
opté pour l'octroi des bourses d'études aux étudiants
camerounais, en matière de journalisme et de techniques de transmission
de l'information, afin de garantir un meilleur fonctionnement de la radio
nationale, ainsi que l'affirme si bien Roger Owona : « Avant la
création de l'E.S.I.J.Y., c'est la France qui assurait en
priorité la formation des professionnels de
l'audiovisuel »62(*). Un concours était ainsi lancé pour le
recrutement des élèves journalistes d'Afrique francophone dans
des écoles françaises. Ce concours avait notamment
consacré l'admission avec brio de deux étudiants camerounais,
devenus aujourd'hui des hauts cadres de l'administration nationale :
Jacques Fame Ndongo et Léonard Israël Sah63(*). Ce dernier, au terme de ses
études en France, avait été admis comme réalisateur
à la radio nationale, et y avait officié comme directeur
général en 197864(*). Les programmes en français occupaient alors
l'essentiel de l'espace de la radio nationale, au détriment des
programmes en anglais, qui y avaient été intégrés
de manière progressive, avec la prise de conscience de la
nécessité, pour la radio, d'atteindre au maximum sa cible, et de
taire les velléités de sécession dans sa partie
anglophone65(*).
L'importance de l'anglais dans la diffusion des programmes de
la radiodiffusion du Cameroun résidait dans le fait qu'il existait une
multiplicité de langues nationales, et les autorités
lésinaient sur les moyens d'assurer une diffusion large. Ainsi, il a
été décidé que les programmes fussent
diffusés en langues anglaise à Radio-Buea, l'unique radio
régionale du Cameroun anglophone après la réunification.
Mais il n'existait pas de techniques efficaces par lesquelles pouvaient
être diffusés les programmes en ces langues. Il n'existait non
plus de journalistes spécialisés dans la diffusion
d'émissions en langues locales. Ainsi, en dépit de la
maîtrise approximative de l'anglais chez les auditeurs potentiels, les
autorités de l'information avaient opté pour la diffusion des
programmes en langue anglaise à Radio-Buea. Par après, afin de
permettre l'accès à l'information à un public large, il
fut intégré, à Radio-Buea, des programmes en langues
nationales, notamment des programmes en « pidgin ».
II.1.2. La place des programmes
Dans le but d'asseoir
l'efficacité de la radio, il avait été établi, au
sein de la station centrale, et des stations régionales, des programmes
tenant compte des enjeux majeurs.
La radiodiffusion du Cameroun présentait 16 genres
d'émissions. Il convient de les décrire, afin d'en dégager
la portée. Il existait trois types d'informations à
Radio-Cameroun : les informations d'actualité, les informations de
renseignement, et les discours. L'actualité était issue des
sources informationnelles et des agences télégraphiques, et
renseignait sur des problèmes politiques, économiques et sociaux,
d'intérêt national et international. Elle était
diffusée sous forme de journaux parlés, de flashs ou de
magazines. Les renseignements regroupaient les avis et les communiqués,
destinés à instruire sur la vie sociale. Les communiqués
étaient rédigés dans un style personnalisé. Les
discours étaient notamment ceux du Président de la
République, et étaient diffusés intégralement, en
direct ou en différé. Leur diffusion était suivie
d'analyses de journalistes, et durait parfois longtemps, en raison de leur
caractère exceptionnel. Les émissions de variété
regroupaient notamment la musique, les chansons et les jeux radiophoniques. Le
but des émissions de variété était de divertir.
Elles faisaient la part belle à la musique populaire camerounaise,
africaine ou internationale. Elles excluaient les chorales religieuses et la
musique classique. Les émissions musicales portaient sur la
présentation de nouveaux disques camerounais et étrangers, la
présentation de genres musicaux particuliers, à l'exemple du Jazz
et des chorales religieuses nationales. Elles portaient aussi sur la critique
d'oeuvres musicales.
Les émissions de culture concouraient à
la transmission des connaissances dans le domaine de la science et de la
technique. Elles concernaient aussi les programmes destinés à
transmettre le patrimoine culturel, à forger le goût du public par
des séries consacrées à l'histoire du Cameroun, ses arts,
sa littérature, son tourisme, sa géographie, ses médias,
etc. Les émissions socio-éducatives préoccupaient les
pouvoirs publics. Les émissions éducatives étaient,
d'après Roger Clausse, celles conçues et réalisées
à des fins didactiques66(*). Les émissions socio-éducatives
étaient conçues sous forme de micro-programmes. Il s'agissait des
messages qui se distinguaient par leur contenu persuasif, leur durée
très courte, et leur diffusion répétée. Ces
émissions étaient de véritables leçons sur divers
aspects de la vie individuelle et collective, conçues dans le but
d'inculquer aux destinataires des attitudes susceptibles de faire d'eux des
citoyens responsables. Le contenu de ces émissions était
lié à la protection de la santé, à l'organisation
de la production, à l'amélioration du cadre de vie, et à
l'expansion de la modernité. Les émissions consacrées
à la jeunesse étaient définies en fonction des
préférences du public-cible. Elles se distinguaient par leurs
contenus composites, incluant la musique, les contes, les devinettes, les jeux,
la vie scolaire. Les émissions féminines étaient aussi
fonction du public-cible (les femmes). Elles visaient à promouvoir
l'amélioration de la condition de la femme camerounaise, et à
rendre celle-ci consciente de son rôle et de sa place dans la vie
nationale. Dès l'indépendance du Cameroun sous tutelle
française, sa réunification avec sa partie occidentale, les
émissions de propagande à la radio nationale étaient
destinées à la promotion du parti unique, d'abord l'U.N.C. et,
par après, le R.D.P.C. La radio était alors destinée
à informer les militants des activités et des décisions du
parti unique, à expliquer sa doctrine, et à valoriser ses
programmes politiques. L'une des obligations de la radio nationale du Cameroun
était d'ouvrir périodiquement ses antennes aux forces
armées. L'émission « Honneur et
fidélité », diffusée chaque samedi, de 14 h 00
à 14 h 40, permettait aux composantes de la défense nationale, de
« se reconnaître dans un corps restreint ». Elle
était produite et réalisée par le B.P.M.D.
Les émissions sportives étaient
constituées de magazines d'informations, de réflexion ou de
retransmission, en direct ou en différé, à
l'intérieur et à l'extérieur du pays. Il s'agissait, par
exemple, des émissions « Vive le Sport »,
« Sports et Rythmes », et « Antenne
Olympique ». Les émissions documentaires concernaient
l'information, l'analyse. Le documentaire portrait sur un
événement ou une question d'actualité particulière,
qui préoccupait l'opinion publique nationale. Mais le documentaire,
à la radiodiffusion camerounaise, ne relevait pas du quotidien. Il
pouvait être réalisé à l'occasion
d'événements exceptionnels, à l'exemple des sommets
ordinaires et extraordinaires de l'O.U.A., des congrès ordinaires et
extraordinaires du parti unique, des comices agro-pastoraux, des visites de
Chefs d'États, des rentrées scolaires, des rétrospectives
annuelles. Les émissions de fiction tenaient lieu de récits
romanesques, et étaient présentées sous forme de
feuilletons, de séries, de dramatiques, de théâtres
radiophoniques. Les autres émissions de fiction étaient
constituées d'oeuvres de dramaturges camerounais, enregistrées
lors de représentations publiques sur différents lieux de
culture. Les émissions religieuses comprenaient tous les programmes
comportant un message religieux et spirituel. Y étaient aussi inclus,
des programmes d'informations religieuses et des retransmissions d'offices
religieux. Les mots d'ordre du parti unique étaient faits de discours du
Chef de l'État67(*). Par l'extrême brièveté du
message (45 minutes au maximum), et par sa diffusion
réitérée, précédant chaque édition du
journal, ce programme suscitait une prise de conscience des idéaux
nationaux, tels que le développement comme exigence première,
l'édification d'un sentiment d'appartenance à une même
nation, un sentiment débarrassé de tout esprit de sectarisme, de
tribalisme ou de régionalisme. Les émissions de publicité
concernaient les spots publicitaires, notamment les publicités
commerciales, conçues par la C. P. E., chargée de la production
des annonces, et de la perception des recettes. Les divers étaient
présentés au sein de la radio nationale du Cameroun lors des
changements de fréquences, avec des musiques d'accompagnement.
La classification des émissions de la radio nationale
du Cameroun avait obéi à des critères relatifs à
ses principales missions qu'étaient : l'information,
l'éducation, la distraction et la promotion culturelle.
La double mission informative et éducative occupait une place
de choix dans les discours officiels. Les informations représentaient 35
% des émissions produites à la radio nationale. Les
émissions éducatives y occupaient un espace réduit. Le
divertissement préoccupait moins les pouvoirs publics. Cependant, il
occupait l'essentiel des programmes diffusés, avec près de 49 %
du temps d'antenne hebdomadaire. Mais les responsables des programmes et les
autorités gouvernementales tenaient à parvenir à un nouvel
équilibre « en faveur des émissions culturelles et
éducatives au détriment de la musique »68(*). Par la promotion et
l'utilisation des langues nationales, la collecte et la diffusion des cultures
locales, les stations provinciales servaient à la revalorisation et
à la promotion des richesses culturelles, à l'échelle
provinciale et locale, en les rendant accessibles à un public large. En
effet, la production d'émissions dépendait des
particularités linguistiques et culturelles des régions
concernées, dans le but de « mener une action éducative
en direction des populations rurales, et faciliter une intégration
nationale harmonieuse »69(*). En 1986, les stations de radiodiffusion provinciales
camerounaises utilisaient une quarantaine de langues nationales. Les efforts
déployés par le gouvernement, dans le sens de familiariser les
Camerounais à la pratique du bilinguisme, étaient vains. Le
français et l'anglais sont demeurés des langues
étrangères. Peu de Camerounais s'exprimaient convenablement en
ces langues. D'où l'utilisation récurrente des langues
nationales.
Les stations provinciales avaient une mission
spécifique de promotion culturelle. Par l'utilisation des langues
nationales et par un travail profond de collecte et de diffusion des cultures
locales, les stations provinciales avaient vocation à aider à la
revalorisation et à la promotion des richesses culturelles à
l'échelle locales et régionale, en les faisant connaître
à un public large. Elle s'employaient à produire des
émissions ayant trait aux particularités linguistiques et
culturelles des régions concernées, dans le but de mener une
action éducative en direction des populations rurales, et faciliter une
intégration nationale harmonieuse. Ainsi, entre 1961 et 1990, les
stations de radio provinciales du Cameroun diffusaient deux principaux types de
programmes : les programmes en langues officielles et les programmes en
langues nationales. Radio-Buea diffusait des programmes en français, en
anglais, en dialectes.
La programmation des émissions de Radio-Buea respectait
un ordre relevant d'un planning hebdomadaire. Ainsi, l'émission
« Variety Show » était bihebdomadaire. Elle portait
sur des sujets relatifs à la vie des citoyens ordinaires. Parmi ces
sujets, il y avait ceux concernant les autorités administratives, les
problèmes de développement, la corruption. Ce programme avait
suscité des sanctions administratives contre Radio-Buea. En effet, il
s'investissait dans la subversion, traitaient des thèmes
sensibles70(*).
« Listener's Viewpoint » était assimilable à
un forum : les auditeurs pouvaient y exprimer leurs points de vue. Des
journalistes constitués en panel y donnaient leurs opinions. Le
programme servait ainsi de voie d'échanges interactifs entre les
auditeurs et ses promoteurs. En raison de leurs opinions de pertinence
« approximative », certains auditeurs voyaient la
durée de leurs interventions écourtée71(*). Le programme « Meet
the patient » s'adressait aux malades hospitalisés dans les
provinces du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun. Les patients avaient la
possibilité, au cours de ce programme, d'envoyer des messages à
leurs connaissances, en langue anglaise, française, ou en langues
vernaculaires. L'émission « Radio Titbits » avait
pour objet des communiqués d'intérêt général.
Elle avait lieu deux fois par jour, et consistait en des annonces sur les
opportunités d'emploi, les résultats des examens, les avis de
décès, et les nominations des cadres administratifs.
L'importance des programmes sportifs était liée
à l'intérêt accordée par les pouvoirs publics au
football, à la boxe, etc. Il avait été créé
cinq éditions d'émissions sportives par semaine, dont trois en
français, et deux en anglais. L'objectif de ce programme était de
promouvoir les traditions de la région anglophone du Cameroun. Cela
était d'une importance capitale, dans la mesure où l'un des
défis du gouvernement camerounais, depuis l'indépendance,
était d'intéresser les citoyens à la valorisation
systématique de leurs us et coutumes. C'est d'ailleurs la raison qui
explique le jumelage du MIN.CULT. au MIN.COM.72(*) Les programmes musicaux de Radio-Buea étaient
les suivants: « Variety Music »;
« Listeners »; « Request »;
« Teledisc »; « Our Musical Album ».
Ils occupaient un espace large, car intéressant beaucoup d'auditeurs.
Les programmes en langue française occupaient
un espace radiophonique de 28 heures par semaine à Radio-Buea. Ils
étaient constitués d'émissions d'informations, de
reportages, de communiqués d'intérêt local. Les
informations nationales étaient diffusées à la station de
radiodiffusion nationale de Yaoundé, et relayées à
Radio-Buea. Les programmes étaient produits localement ou à la
R.F.I. La politique des programmes de la radiodiffusion du Cameroun
était favorable aux émissions locales. Mais les programmes en
langue française s'inspiraient des productions internationales. Il
existait deux programmes d'importance capitale, diffusés en langue
française à Radio-Buea: « Télé
disc » et « Spécial Jeunes ». Ces
programmes transmis par téléphone avaient connu des succès
notoires. Ils admettaient la participation des citoyens d'expression
française et anglaise, et boostaient le bilinguisme prôné
par le Président Amadou Ahidjo. Le programme « Spécial
Jeunes » était destiné aux jeunes.
Les programmes en langues vernaculaires de Radio-Buea
présentaient des informations, des annonces spéciales, des
questions éducatives. Ils étaient diffusés de lundi
à vendredi. Un exemple de programme diffusé ici, c'était
l'émission « Good Evening Cameroon »,
présentée tous les samedis, dans la nuit. Ledit programme
était diffusé en 25 langues vernaculaires. Cela
caractérisait toutes les stations provinciales du Cameroun. Une
sélection préalable des langues des provinces du Sud-Ouest et du
Nord-Ouest du Cameroun était menée. Seules 4 des langues retenues
était utilisées dans la diffusion des programmes en langues
vernaculaires au sein de la station. La principale source d'information pour
ces programmes était la station elle-même. Les informations
disponibles en langue anglaise étaient traduites par chaque artiste, en
langue vernaculaire. Ces informations avaient une portée locale ou
nationale. Pour être habilités à traduire les informations
de la langue anglaise en langues vernaculaires, les candidats devaient avoir au
minimum le C.A.P. Les programmes de la radiodiffusion du Cameroun
étaient conformes à des objectifs que lui avaient
assignés les gouvernants, à savoir former, éduquer,
informer et divertir les citoyens, avec pour finalité ultime, la
consolidation de l'indépendance et le développement du pays.
L'élaboration et la diffusion des programmes de la radio respectaient un
ordonnancement juridique mis en place par le gouvernement, considérant,
comme délits, certains actes liés à la publication des
informations : la diffamation, la publication des secrets militaires,
etc.
La forme et le contenu des programmes de la radio nationale du
Cameroun libre tenaient compte de l'audience et de l'auditoire. Les
publics-cibles étaient définis en fonction de l'âge, du
sexe, de l'activité socio-professionnelle, et de la langue
d'écoute. L'âge conduisait à la production
d'émissions pour les jeunes, les personnes âgées, les
enfants. Le sexe permettait de définir les émissions pour les
femmes ou les hommes. L'activité socio-professionnelle entrainait, par
exemple, la programmation d'émissions pour les agriculteurs ou pour les
forces armées. La langue d'écoute impliquait la production
d'émissions en français, en anglais, en Basaa, en Béti, en
Douala, etc. Les programmes étaient spécifiés selon les
stations (station nationale ou les stations provinciales).
Les émissions diffusées au sein de la radio
nationale visaient le renforcement de l'esprit patriotique et le nationalisme
camerounais. Ainsi, le Gouvernement y avait mis sur pied des programmes
susceptibles de répondre aux attentes des auditeurs.
II.2. La consolidation du patriotisme
En tant que médium d'État, la radio nationale
entendait cultiver l'esprit patriotique chez les Camerounais. Pour ce faire,
elle s'employait à intéresser l'auditoire à ses
émissions. Cela tenait compte des attentes des citoyens. L'impact de
l'institution y était aussi pour beaucoup.
II.2.1. Les attentes des auditeurs
D'une manière globale, les auditeurs de la radio
nationale souhaitaient l'amélioration de leurs conditions de vie. Les
attentes des auditeurs vis-à-vis de la radiodiffusion étaient
fonction des besoins de ceux-ci.
Il existait : les auditeurs dépendants, les
auditeurs occasionnels, les auditeurs indifférents.
Les auditeurs dépendants étaient ceux qui avaient perdu
la liberté de s'abstenir de la radio. Par le contact de la radio, ils
acquéraient un automatisme de comportement, qui faisait des
récepteurs leurs « compagnon de vie ». Les auditeurs
dépendants étaient « analphabètes »,
et ne disposaient pas de moyens financiers suffisants pour l'achat de la
presse. Ils ne s'informaient et ne se divertissaient que par la radio. Les
auditeurs dépendants de la radio menaient des activités
compatibles avec l'écoute permanente (les conducteurs de taxi entre
autres). Il ne s'agissait pas des personnes vivant dans l'isolement, dans une
situation de captivité, ou de semi-captivité (les
ménagères, les malades hospitalisés, les prisonniers).
L'écoute de la radio devenait, pour eux, « un loisir passif
qui compensait une situation mal vécue »73(*).
Les auditeurs occasionnels étaient un peu moins
fanatiques de la radio. Ils étaient sélectifs dans le choix des
stations. Ils étaient, pour la plupart, des cadres, des fonctionnaires
ou des étudiants. Parfois, ils privilégiaient la lecture des
journaux, lorsqu'ils voulaient s'informer, et le cinéma, lorsqu'ils
voulaient se divertir. Ils qualifiaient de médiocres les programmes
musicaux, et préféraient le libre choix que leur permettaient la
chaîne stéréo et la radio-cassette.
Les auditeurs indifférents étaient les moins
attachés à la radio. Ils entretenaient avec la radio une
réelle aversion, à cause de la médiocrité de ses
programmes, ou en raison des valeurs qu'elle représentait, et qu'ils
détestaient.
Depuis l'indépendance, les auditeurs de la radio
nationale s'adonnent à la recherche d'un lien affectif, de
l'élévation de l'esprit et de la sensation. La recherche d'un
lien affectif est liée aux besoins de socialisation et de projection. Il
s'agit du désir de rapprochement à d'autres individus. Selon Jean
Stoetzel, cela renvoie au besoin de reliance sociale74(*). À son avis, les
abstentionnistes de l'information sont fatalement des abstentionnistes de la
vie sociale, tant la consommation régulière de l'information est
un indice de participation sociale et politique. En tant que moyen
d'information de masses, la radio favorise l'insertion des individus dans leurs
groupes. Elle aide le citoyen à participer « au présent
des mondes »75(*), et à régler ses problèmes
quotidiens. L'auditeur est mis au courant des événements
nationaux et mondiaux, et des décisions prises au nom de la
communauté. Il se sent proche des autres citadins, et s'enquiert du sort
des populations villageoises.
Le besoin de projection se manifeste par le lien affectif que
l'auditeur établit avec le journaliste ou l'animateur qu'il
écoute. Il souhaite réussir les mêmes exploits que cette
« vedette des ondes » qu'il magnifie. Même sans
l'avoir rencontrée, il suit ses qualités avec curiosité et
admiration. Il s'intéresse beaucoup plus à la forme qu'au fond du
message véhiculé. Il se projette alors sur le
présentateur, qui fait preuve d'une bonne élocution76(*).
La recherche de l'élévation de l'esprit se
manifeste sous quatre formes : le désir d'accéder à
des connaissances ; le désir de renforcer son statut ; le
refus de s'identifier à des
« analphabètes » ; le besoin de justification
intellectuelle. Les connaissances sont d'ordre général ou
pratique. D'une part, ce désir est partagé par des personnes qui
espèrent apprendre par la radio, bien que non scolarisées.
D'autre part, il est partagé par des lettrés, qui entendent
s'améliorer par la radio. Le statut personnel de l'auditeur s'exprime
dans son entourage. Cela concerne des auditeurs qui transmettent des
informations tirées de la radio. Ainsi, l'auditeur éprouve le
besoin de pratiquer une écoute éclectique, en suivant plusieurs
stations de radio. Le refus de s'identifier à des analphabètes
est l'apanage des personnes qui critiquent des émissions jugées
médiocres et sans apport intellectuel. Les animateurs de ces
émissions s'expriment dans un langage approximatif et maîtrisent
peu les sujets qu'ils abordent. En réaction à cela, l'auditeur
recherche des émissions d'un niveau élevé, dans des
stations les plus représentatives, ou s'abstient d'écouter la
radio. Il s'adonne alors à d'autres moyens de diffusion d'idées.
L'écoute de plusieurs stations de radiodiffusion est, pour certains, la
matérialisation du désir de différenciation et
d'appartenance culturelle. Pour certains, la culture des élites et des
privilégiés est « la vraie culture », et les
radios étrangères, ses seuls supports. Aussi, certains auditeurs
écoutent-ils la R.F.I. ou la V.O.A., par snobisme. Cette
référence à l'étranger est un moyen
d'évasion permanente chez les intellectuels camerounais, ou
prétendus tels, animés par un complexe
d'infériorité culturelle. L'intelligentsia n'apprécie que
ce qui tend à valoriser la culture nationale.
La recherche de la sensation consiste pour les
auditeurs à écouter notamment la musique. Pour
L. Barbedette, A. Adelmann et G. Robert, elle correspond au besoin de se
délasser, de se décontracter, de s'exciter, de se libérer
du stress77(*). La musique
est fortement concurrencée par le disque et la cassette, qui permettent
à l'usager de choisir ses titres. Pour certains
auditeurs, l'écoute de la radio est basée sur les bruits.
Voilà pourquoi Guy Robert affirme : « Ce qui prime en
radio, c'est le document sonore, sa coloration humaine, son pouvoir de
suggestion, l'émotion qui s'en dégage »78(*). Dans ce cas, l'auditeur
s'intéresse peu au contenu des programmes. L'important pour lui est de
s'assurer une coloration humaine. Dans son enquête réalisée
en 1981, Michel Tjadé Eonè avait relevé la position d'une
ménagère qui considérait la radio comme un moyen
d'accompagnement, en soulignant: « Ma petite radio,
pensait-elle, c'est comme une amie fidèle et bien aimée. Elle me
suit partout, même au champ. En la promenant avec moi, j'ai l'impression
d'être en contact avec les personnes que je ne vois pas, même si
parfois, je ne suis pas ce qu'on y dit »79(*). Cela suppose que ce qui
importait à la radio était, non pas l'information
véhiculée ou le message transmis, mais la qualité du son
qu'elle présentait. La radio jouait alors un rôle de
défoulement et de divertissement. L'auditeur pouvait écouter la
radio en vaquant à ses occupations habituelles. Il n'avait ni l'objectif
de s'instruire, ni l'envie d'édification intellectuelle. Pour lui,
l'important était la présence, auprès de lui, d'un outil
de communication, lui donnant l'impression d'accompagnement physique. Les
auditeurs de cette catégorie étaient en général des
non intellectuels. À défaut de disposer d'une radio-cassette,
pouvant diffuser permanemment de la musique, ils se contentaient de
l'élément sonore qui leur était proposé, quel qu'en
fut le contenu. Dans certains cas, l'auditeur ne comprenait ni français,
ni anglais, mais écoutait des programmes diffusés en ces langues.
C'est l'une des raisons pour lesquelles les auditeurs parfois
déconnectés de l'instruction s'adonnaient à
l'écoute de la R.F.I. ou de la B.B.C. Pour eux, l'importance de la radio
se réduisait à la qualité de son son. Un observateur
neutre de la scène médiatique avait alors confié:
La radio, avant tout, c'était l'écoute. Quand il
n'y avait pas une bonne écoute, la radio n'était pas suivie.
L'auditeur le plus banal ne cherchait pas l'information, mais sa qualité
sonore. R. F. I. ayant l'une des meilleures qualités sonores de
l'époque au sein de notre environnement médiatique, il
était évident que les auditeurs, même analphabètes,
se mettent à son écoute80(*).
En résumé, les auditeurs camerounais
trouvaient en la radio nationale un moyen d'épanouissement. Les
responsables de ladite radio avaient alors opté pour la diffusion
d'émissions susceptibles de répondre aux attentes des
citoyens.
II.2.2. Les motifs de satisfaction des auditeurs de la
radio nationale
Comme nous l'avons mentionné plus haut, la
majorité des auditeurs écoutait la radio, non pas en tant
qu'outil d'élévation intellectuelle, ou d'édification
sociale, mais en tant que moyen de loisir, d'évasion. Une
minorité d'auditeurs s'adonnait à l'écoute des
émissions instructives et d'informations.
Les auditeurs de la radio nationale du Cameroun
s'adonnaient avec passion à l'écoute des émissions
musicales. Ces auditeurs appartenaient à la catégorie de ceux
qualifiés de « dépendants ». Ils
appréhendaient la radio comme un moyen de divertissement, au contact
duquel ils s'évadaient. D'où le succès d'un des disques
ayant pour titre « À votre Choix »81(*). D'après Tjadé
Eonè, près de 49% du temps d'antenne hebdomadaire de la radio
nationale était consacré à sa fonction
récréative. Des émissions de fiction et de sport y
étaient aussi diffusées. La musique diffusée à la
radio nationale était essentiellement traditionnelle. D'après les
musicologues, il existait cinq grandes traditions musicales,
représentant les foyers culturels nationaux: la musique populaire
communautaire ; la musique des cours de chefferies traditionnelles des
lamidats et des sultanats; le « Hilung-ba-Nganda »; le
« Mvet »; la musique des Pygmée; les chorales
religieuses. Ces courants de la musique traditionnelle correspondaient aux
styles et aux genres divers, conformes aux spécificités
linguistiques, sociales et anthropologiques de chaque région du pays. En
effet, comme le soulignait Barrate Eno Belinga, et Chantal Nourrit, dans leur
« Discographie sur le Cameroun », en dépit d'une
longue histoire marquée par les brassages culturels, à chaque
groupe ethnique du Cameroun, correspondait un type musique particulier. La
musique diffusée à la radio n'était pas gratuite. Elle ne
relevait non plus de « l'art pour l'art ». Elle portait des
messages instructifs et des significations non moins intéressantes. Les
auditeurs camerounais qui l'écoutaient cherchaient, non seulement la
sensation de bien-être, mais aussi le plaisir des sons. Ils recherchaient
aussi des conseils et des souvenirs. Car s'inspirant des civilisations de
l'oralité, la musique enrichissait et entretenait la mémoire
collective, qui allait aux générations présentes et
futures. La radio nationale contribuait ainsi à la valorisation des
traditions musicales, grâce à l'oeuvre de collecte, de
conservation et de diffusion de ses stations provinciales. Elle remplissait,
par là, l'une de ses missions, dont le succès inspirait
satisfaction et encouragements chez les auditeurs.
Les informations de renseignement constituaient un motif de
satisfaction des auditeurs de la radio nationale. En effet, l'écoute de
la radio était plus intense entre 12 heures et 14 heures. C'était
une période de la journée au cours de laquelle était
diffusée l'émission quotidienne « Cameroon
Magazine », le programme le plus suivi de la radio nationale. Son
contenu répondait au besoin de reliance sociale du Camerounais.
L'information de renseignement satisfaisait à suffisance le besoin de
socialisation des Camerounais. Car elle était faite de
communiqués, annonçant les décès, les
résultats des concours administratifs, les pertes d'enfants et d'effets
personnels. Il s'agissait des messages interpelant le citoyen dans son
vécu quotidien. Grâce à ce magazine réalisé
en multiplex82(*), la
radio rendait des services pratiques aux auditeurs nationaux et internationaux.
La liaison était ainsi établie entre la radio mère et les
stations provinciales. Cela permettait aux auditeurs, où qu'ils se
trouvaient, d'être imprégnés des réalités qui
avaient cours autour d'eux, et dans des localités
éloignées. À titre d'exemple, certains Camerounais
logeaient sur des montagnes, étaient éloignés des centres
urbains et du monde. Dans les villes, il existait des quartiers
enclavés, à cause de l'absence des artères de
communication, de l'indisponibilité des moyens de transport en commun,
et du manque de moyens de communication rapides, notamment le
téléphone et le télex. La radio nationale parvenait, en
servant de palliatif à ces handicaps, à rapprocher les
Camerounais.
Par ailleurs, la radio nationale faisait figure d'un
relais de la diffusion tambourinée. Et comme telle, elle s'incorporait
dans un système de communication traditionnel, basé sur le
tambour dit d'appel83(*).
Le tambour d'appel était ainsi un précurseur des techniques
modernes de transmission de l'information. Par analogie au
téléphone et au télégraphe, le tambour était
appelé « téléphone-tambour »84(*), ou
« téléphone-télégraphe »85(*). Si la datation de l'invention
du tambour est une entreprise difficile, son antériorité par
rapport aux techniques modernes de transmission de l'information est
évidente. Bernard Voyenne le confirmait, lorsqu'il soutenait:
Parmi tous les modes ancestraux de communication, le tam-tam
africain est celui qui préfigure le mieux la radio, parce que les
messages qu'il transmet se propagent simultanément dans plusieurs
directions86(*).
En effet, le tambour, pensait J.P. Nana Mvogo,
présentait des analogies frappantes avec la radiodiffusion87(*). Tout en mettant en oeuvre une
technologie avancée, la radiodiffusion se fondait, comme le tambour, sur
le principe de la propagation des ondes. Cependant, le tambour émettait
de simples ondes sonores, de faible portée88(*). Celles-ci étaient
transformées en impulsions électriques propagées par les
ondes hertziennes, pouvant être transportées au-delà des
océans. Le tambour était l'instrument le plus utilisé dans
la communication interactive. Le mode de communication dont il était le
support mettait en rapport deux intervenants. Les deux intervenants
communiquaient par tambour interposé et faisaient appel à un code
d'usage. L'élément le plus important de ce code était le
« ndan-nku ». Il s'agissait d'un mot inspiré d'un
proverbe, ou d'un dicton de la sagesse populaire89(*). Le tambour était
devenu un instrument de musique. Dans la société traditionnelle,
sa fonction première était d'assurer une information permanente,
à l'intention des populations villageoises. Ses transmissions n'avaient
pas de périodicité fixe; elles avaient de véritables
éditions de nouvelles locales. Le tambour était en effet
destiné à renseigner sur la vie individuelle et collective, en
s'intéressant à l'exceptionnel, par rapport au quotidien. Il
était aussi destiné à convoquer les habitants des villages
et des contrées voisines à des cérémonies
d'importance capitale. D'où l'appellation « tambour
d'appel ». Par exemple, le tambour d'appel invitait les populations
à assister un malade en agonie, convoquait au deuil ou à une
séance de palabre, invitait au mariage ou au partage d'un gibier
exceptionnel. Avec l'avènement du colonialisme, les missionnaires s'en
servaient pour convier les chrétiens au culte.
Comme le message tambouriné, les communiqués
permettaient aux publics de tous bords de participer à la production
d'émissions radiophoniques. Il existait cependant une différence
notoire entre les communiqués officiels et les communiqués de
l'information-service. Les communiqués officiels émanaient des
services gouvernementaux et concernaient les décisions officielles. Les
communiqués de l'information-service étaient des messages brefs
et personnels. Les communiqués de l'information-service faisaient
l'objet de plusieurs rubriques spécialisées, à l'instar
des avis de recherche, de naissance et de décès. Ils portaient la
mention « Affaires vous concernant ». La diffusion des avis
de décès était courante à la radio nationale du
Cameroun. Les avis de décès étaient
appréciés par les Camerounais. Ils étaient denses, car
leur diffusion était gratuite. Mais ils étaient
réfutés par les Européens vivant au sein du pays, parce
que ceux-ci ne s'y sentaient pas concernés90(*).
La responsabilité et la tâche de la
radiodiffusion du Cameroun s'avéraient difficiles, car le Cameroun
était encore un État jeune, et avait des défis importants
à relever, dans tous les secteurs de la vie nationale.
Une enquête réalisée par Albert Mbida avait
révélé ces propos d'un auditeur de la radio publique
camerounaise : « Je me plais souvent à écouter les
conseils qu'elle prodigue ; ils sont très précieux: des conseils
d'hygiène et de morale »91(*). Pour les auditeurs, la radio informait de
l'actualité politique et économique. Les campagnes radiophoniques
contre certaines maladies et certains fléaux conduisaient les auditeurs
à prendre des précautions nécessaires. Leur
éducation sanitaire était d'une grande utilité. La radio
inculquait aux auditeurs la nécessité de payer l'impôt,
d'assister aux réunions du parti unique. La radio leur prodiguait des
conseils liés à la gestion du foyer conjugal, à la
stigmatisation des comportements déviants de certains hommes et de
certaines femmes. Les messages diffusés en langues vernaculaires
retenaient l'attention des auditeurs. La plupart des conseils étaient
mis en pratique. La loi de 1972 disposait:
Le service de l'animation et de la diffusion
culturelle sur l'ensemble du territoire national s'emploiera par l'organisation
ou l'encouragement des spectacles de tous genres et la diffusion d'oeuvres
artistiques et littéraires, à l'encouragement à la
créativité dans les domaines artistiques, littéraires et
audio-visuels; l'éducation populaire et scolaire en matière
artistique, notamment par la production, en liaison avec le Ministère de
l'Éducation Nationale, des documents artistiques et culturels92(*).
La radio nationale se devait ainsi de vulgariser la
civilisation, l'art et la culture nationaux. « Histoire du
Cameroun », une émission coproduite par Dandjouma Aoudou, et
Jean-Baptiste Obama, était, d'après des personnes
interrogées par Albert Mbida, un moyen de booster leur connaissance de
l'histoire du Cameroun. Elle leur a ainsi permis d'avoir des idées
précises sur des faits mal reproduits dans certains manuels. Par cette
émission, les auditeurs avaient acquis des connaissances sur l'histoire
des Bamoum, des Douala, sur le personnage de Charles Atangana Ntsama. Les
auditeurs avait ainsi déduit qu'elle était plus
intéressante que l'Histoire de la France ou d'Angleterre. C'était
une émission qui, dans une certaine mesure, remplaçait un livre,
parce que diffusant des faits et des dates. Hormis les émissions
culturelles, il existait, à la radio nationale, des magazines culturels,
qu'étaient : « Eh bien quoi de neuf »,
« Voir et connaître », (magazines de spectacle, de
culture et des arts). Ils se proposaient de donner des informations sur les
programmes de divers spectacles, s'attachaient à des analyses de films,
des présentations de livres. Ces magazines permettaient aux auditeurs de
connaître des films projetés au cinéma.
Peu d'auditeurs suivaient entièrement des
émissions. En effet, les Camerounais n'avaient pas encore la culture de
l'écoute de la radio. Pour solliciter instamment l'attention de
l'auditeur, il fallait lui présenter un programme
« l'obligeant à entrer de plain pied dans la ruse ».
Les jeux radiophoniques, dotés des prix de toutes sortes, visaient ce
but. Ils se proposaient aussi d'améliorer les connaissances des
auditeurs, dans les domaines divers: le sport, la littérature, la
politique, la science, l'histoire, la géographie, etc. Radio-Cameroun en
avait pris conscience et voulait, par ces jeux, consolider son prestige. De
telles émissions permettaient à l'auditeur de s'y sentir
concerné et d'y participer directement. Les personnes interrogées
par Albert Mbida avaient déclaré que ces émissions avaient
accru leurs connaissances dans les domaines politiques, scientifiques,
religieux, sportifs, littéraires, géographiques et
économiques. Les émissions « Inter-ville »,
« Toutes les villes jouent », « Le jeu de mille
francs », étaient produites par Radio-Yaoundé. Les
financements respectifs de ces productions étaient assurés par La
Loterie nationale, le G.C.A.C. Les participants étaient satisfaits des
prix remportés et des connaissances acquises. Ces productions
renvoyaient à la réflexion et à la recherche dans les
documents. Le caractère historique de ces émissions pouvait aussi
être révélé. Un auditeur avait ainsi
déclaré: « Il est très intéressant
d'entendre les gens se casser la figure sur certaines questions; ça fait
rigoler un peu quand quelqu'un passe complètement à
côté de la question ». De multiples détails sur
la vie quotidienne des Camerounais nécessitaient le recours à la
radio. Les promenades du week-end dépendaient ainsi des
prévisions météorologiques, de l'état des routes,
des heures de départ et d'arrivée des trains et des avions. Le
Cameroun présentant un taux de chômage élevé.
Chaqu'avis d'emploi à la radio était écouté avec
attention. « Cameroun Magazine », émission
informative et musicale, jouait pleinement ce rôle. L'émission
permettait de découvrir le pays, de découvrir les qualités
de la musique nationale, et son originalité. Elle remplaçait le
message tambouriné et combinait l'information et le
divertissement93(*). Les
émissions locales avaient un auditoire consistant. La musique
camerounaise était privilégiée par rapport à la
musique européenne. La préférence pour la musique
camerounaise se manifestait chez les ruraux, les commerçants, les
ouvriers et les employés. À ce propos, un auditeur
déclara:
Je ne vois pas la raison d'être de la musique
étrangère sur nos antennes, il faut que les Camerounais
écoutent et apprécient leur musique. À étendre la
musique anglo-saxonne sur Radio-Cameroun, on a envie de fermer son
poste94(*).
En tant qu'institution, l'église était un
organisme public. Le Cameroun était un État laïc, mais
restait diplomatiquement lié au Vatican. De ce fait, l'église
était soumise à la loi de la publicité. Ses
activités, parfois règlementées par l'État,
étaient contrôlées par ses membres. L'église
demandait à ses fidèles une participation responsable à
ses activités, et particulièrement à son apostolat.
Radio-Cameroun assistait l'église dans l'accomplissement de sa mission
d'information et d'enseignement de ses fidèles. Les émissions
religieuses avaient trait à l'information sur les activités de
l'Église, à l'échelle nationale et internationale, et
à l'enseignement à la foi. Un auditeur avait ainsi
déclaré:
Non seulement ces émissions nous enseignent la fois,
mais aussi elles nous renseignent sur les faits qui nous intéressent;
elles essayent, tant bien que mal, de nous donner l'image la plus exacte de la
vie de l'Église95(*).
L'Église s'exprimait pour se faire comprendre. Elle n'y
parvenait, au lendemain de l'indépendance, que par la radio. Grâce
à radio, l'Église transmettait à toutes les couches de la
population, des informations et des renseignements utiles.
De 1960 à 1990, la radio nationale du
Cameroun diffusait des émissions audio. Seuls des messages non visibles
pouvaient y être véhiculés. Ces programmes excluaient alors
des publications obscènes, à l'exemple des pornographies. Ce que
défend Raphael Tah, lorsqu'il déclare :
« Grâce à la radio nationale, les citoyens, et les
jeunes en particulier, pouvaient s'informer, se former, en marge des
perversités véhiculées par la
télévision »96(*). La diffusion intense de la publicité portait
préjudice à la presse écrite, en en diminuait les
rentrées financières. Cette concurrence conduisait à la
faillite de certains journaux, et limitait ainsi le pluralisme
médiatique97(*).
Les objectifs de la radiodiffusion du Cameroun ne
pouvaient être atteints, estimaient les pouvoirs publics, certains
États et organismes non gouvernementaux, sans le soutien international,
dans la perspective d'assurer le rayonnement de l'institution à
l'échelle mondiale. Cela passait sans doute aucun par
l'édification des principales populations cibles : les Camerounais.
La radio voilait alors des informations de nature à provoquer le
désordre social. Ainsi, il a été possible de compromettre
l'aboutissement du coup d'État de juin 1984.
II.2.3. Un moyen de compromission du coup
d'État de 1984: l'importance du rôle joué par Gabriel
Ebili
Le 04 novembre 1982, le
président Ahmadou Ahidjo démissionne du pouvoir, dans un discours
diffusé par la radio nationale du Cameroun. Il passe le témoin
à son successeur dit constitutionnel, Paul Biya. Le nouveau
président Paul Biya prête serment le 06 novembre 1982. Un an et 05
mois plut tard, survient au sein du pays un « putsch »
orchestré par l'armée nationale. Les acteurs du putsch annonce
notamment la suspension des télécommunications. Cela signifiait
que même la radio nationale qui avait servi à la retransmission du
discours des radicaux devait être fermée,
« jusqu'à nouvel ordre ». La tentative de coup
d'État échouera, grâce à la contribution
exceptionnelle de Gabriel Ebili, technicien de Radio-Cameroun. Avant le 06
avril 1984, Gabriel Ebili est contacté par des hommes qui lui demandent
de coopérer. Selon ces hommes, Ebili se devait de céder, au
risque de faire l'objet des représailles. Ebili ne savait ni le jour, ni
l'heure de l'opération. Il était alors âgé de 27
ans. Quelques jours avant le coup d'État, il prit le soin de mettre sa
famille à l'abri, en l'envoyant à Lolodorf à Bibondi, son
village natal. Ayant pris peur, il se garda d'informer sa hiérarchie.
Aux premières heures de la matinée du 06 avril 1984, des tirs
d'obus retentissaient à Yaoundé, capitale du pays. Comme à
l'accoutumée, Gabriel Ebili se rendit à son lieu de service au
petit matin. Sans anicroche, il atteignit l'enceinte de Radio-Cameroun. Mais
lorsqu'il franchissait le portail, il réalisa que la radio était
envahie par les militaires armés. L'un d'eux lui administra une
sévère bastonnade. Traîné de force par les mutins,
Gabriel Ebili mit les émetteurs en marche. Il se garda
discrètement de mettre le C.D.M. en marche. Les mutins se
montrèrent de plus en plus menaçants, et le conduisirent au
studio. Chemin faisant, Ebili rencontra ses collègues Hyppolite
Nkengué et Jean Vincent Tchiénéhom, croupissant dans la
torture. Les mutins récupérèrent la bande et
ordonnèrent Ebili de faire passer leur discours à l'antenne.
Ebili s'y était soumis. Voici un extrait du message des fomenteurs du
putsch :
L'armée camerounaise vient de libérer
le peuple camerounais de la bande à Biya, de leur tyrannie, de leur
escroquerie, et de leur rapine incalculable. Oui, l'armée a
décidé de mette fin à la politique criminelle de cet
individu contre l'unité nationale de notre cher pays. En effet, le
Cameroun vient de vivre au cours de ces quinze derniers mois qu'a duré
le régime Biya les heures les plus noires de son histoire. Son
unité mise en péril, la paix interne troublée, sa
prospérité économique compromise, la réputation
nationale ternie...Dès maintenant, le Conseil militaire supérieur
est amené à prendre un certain nombre de décisions au
regard de la sécurité nationale. Et le Conseil militaire
supérieur demande au peuple camerounais de le comprendre. En premier
lieu, les liaisons aériennes, terrestres, maritimes et les
télécommunications sont suspendues jusqu'à nouvel ordre.
Le couvre-feu est institué sur l'ensemble du territoire national de 19
heures à 5 heures ...Par ailleurs, la Constitution est suspendue,
l'Assemblée nationale est dissoute, le Gouvernement est
démis ; tous les partis politiques sont suspendus ; tous les
gouverneurs de provinces sont relevés et, enfin sur le plan militaire,
les officiers supérieurs exerçant le commandement d'unités
opérationnelles sont déchargés de leurs fonctions.
L'officier subalterne le plus ancien dans le grade le plus élevé
prend le commandement98(*).
Les mutins étaient convaincus du passage
effectif de leur message sur l'ensemble du réseau national. Or par les
manoeuvres secrètes de Gabriel Ebili, le discours des mutins n'avait
été écouté qu'à Yaoundé.
Jusqu'à 16 heures, l'entrée de la radio était encore
envahie par les mutins. C'est alors qu'arriva le colonel Samobo pierre et ses
troupes restée fidèles au régime. Gabriel Ebili lui fit
état de la situation. Ebili et Samobo furent rejoints par le capitaine
Ivo. Les mutins étaient dispersés. Dès lors, Ebili
restaura les branchements des émetteurs, et diffusa le discours du
Président de la République qui stipulait que la situation est
redevenue à la normale, et que la radio ne pourrait reprendre son
fonctionnement que le dimanche. Le 29 septembre 1984, Gabriel Ebili, Alexandre
Kokoh, directeur de la radio, et Francis Achu Samba, ingénieur des
télécommunications, recevaient la médaille de la vaillance
de l'ordre national, pour avoir « sauvé les institutions du
pays ».
Les événements ci-dessus font
état de la place de la radio nationale dans la communication politique
à l'époque. Ils démontrent à suffisance
l'importance de son rôle dans la définition des stratégies
des acteurs du putsch. Ils laissent entrevoir le rôle important qu'elle
avait joué dans l'échec du coup d'État. Selon les
stratèges des questions militaires, les mutins auraient réussi
leur coup si leur message avait été diffusé sur l'ensemble
du territoire99(*).
En tant vecteur de développement, la radio
devait avoir pour cible de ces activités les populations locales. Ses
émissions devaient tenir compte des enjeux sociaux et des situations des
auditeurs potentiels. La radio allait ainsi devenir un moyen de promotion du
bien-être de ces derniers.
II.3. La radiodiffusion et les populations
nationales
Le défaut d'information des
populations était susceptible de compromettre l'efficacité des
services sociaux. Il n'était pas possible d'entreprendre des actions de
développement dans une communauté sans la participation active
des populations concernées. Les hommes n'acceptaient de modifier leurs
attitudes que s'ils étaient convaincus que le changement proposé
leur était bénéfique. Pour mieux se faire comprendre par
les populations, les animateurs de radio leur envoyaient des messages simples,
claires, adaptés à leurs besoins et à leur niveau
d'instruction. Afin de susciter la participation active des populations
concernées, le service de santé travaillait en étroite
collaboration avec les services de promotion humaine. La radio était un
moyen d'action, de propagande éducative, en direction de toutes les
couches sociales. Elle accompagnait l'homme partout. Elle réalisait
ainsi les missions éducatives et sociales. Surtout, elle
réussissait à convaincre. Tous les services publics
étaient représentés. Ici, la radio jouait le rôle de
« coordonnatrice ».
II.3.1. L'éducation par la radio
La radio permettait aux citoyens
d'élargir leurs horizons intellectuels. Elle leur permettait de
connaître de façon rapide les phénomènes qui
survenaient à des endroits plus ou moins éloignés. Le
Cameroun étant un pays en développement, sa radio ouvrait les
populations aux civilisations étrangères et les amenait à
voir leur vie sous un jour nouveau.
À cette période, les élus et les
autorités locales avaient mis sur pied un ensemble de moyens permettant
une écoute collective de la radio et des programmes à
visée éducative. Dans des villes et des grandes
agglomérations, ce procédé fut un échec, car les
populations utilisaient des postes à piles exigeant des recharges
fréquentes. Les campagnes étant reculées, elles ne
bénéficiaient pas de l'information éducative. Par
ailleurs, toute la population citadine n'était pas concernée par
ces programmes, en raison des différentes activités de ses
membres. La plupart du temps, les auditeurs étaient des chômeurs
et non des ouvriers occupés par leur travail et soumis à des
horaires rigides. Artisans et commerçants échappaient aussi au
circuit, parce qu'ils ne pouvaient abandonner leurs activités pour
s'intéresser à des programmes radiodiffusés.
C'était également le cas des mères qui ne consentaient pas
à abandonner leurs foyers pour aller suivre des émissions
à des endroits distants de leurs domiciles. En raison du poids de
l'âge, les personnes vieilles ne s'intéressaient pas à ce
type de programme. Par après, les transistors étaient
répandus sur presque toute l'étendue du territoire. Leur
diffusion croissante avait modifié la vie sociale. Chaqu'information
était perçue en fonction de sa résonnance
théâtrale. Les faits perdaient leur importance, à cause de
la personne qui les décrivait.
Au lendemain de l'installation de la radiodiffusion, et par
l'intermédiaire de celle-ci, les autorités avaient fait appel
à la conscience des parents, leur demandant de laisser les enfants aller
à l'école. Mais cela n'avait pas rencontré
l'adhésion des parents. En effet, les parents refusaient d'envoyer les
enfants à l'école, car ces derniers constituaient pour eux une
main d'oeuvre prépondérante pour les travaux des champs.
Grâce à l'action de la radiodiffusion, les parents prirent
conscience de l'importance de l'école. L'éducation par l'antenne
contribua à motiver les parents à envoyer les enfants à
l'école. Ainsi, des programmes furent lancés dans le sens
d'asseoir l'éducation des enfants. En 1966, Georges Friedman mit sur
pied le programmes « The school on air »,
c'est-à-dire « Une école par l'antenne ».
Dans ce programme, Friedman présentait un ensemble de circuits par
lesquels les élèves pouvaient acquérir des connaissances
en dehors de l'école classique. Il proposa alors la radio comme l'une
des voies les plus indiquées100(*).
De 1956 à 1958, Chicot et Mayer
réalisèrent une expérience d'éducation
radiophonique, au travers des programmes suivants :
« Articulation d'une leçon-type » ;
« Organisation d'une campagne et conclusion générales
de l'expérience »; « Une brève introduction
en langue du pays ». Les thèmes originaux étaient
exposés de façon plaisante. Les champs folkloriques laissaient
aux maîtres et aux élèves le temps de se préparer.
Les leçons étaient diffusées en français. Chaque
leçon comprenait le calcul, le langage, la dictée, les conseils
aux maîtres. Chaque phrase prononcée à la radio
était suivies de quatre coups de timbre régulièrement
espacés, laissant aux maîtres un délai de quinze secondes
pour exécuter les consignes données par le poste entre chaque
partie de la leçon. La musique permettait aux élèves de se
détendre et aux maîtres de vérifier que les exercices
écrits et commandés donnaient la possibilité de formuler
des phrases avec des mots déjà connus. La campagne radiophonique
mettait en valeur les points suivants : la nécessité de
faire précéder toute méthode d'alphabétisation
radiophonique d'une phase de motivation; la nécessité d'une
participation effective des autorités administratives et
académiques. En 1958, Radio-Garoua, sous l'égide de
Radio-Cameroun, diffusait une émission enfantine réalisée
en collaboration avec une école pilote dont le directeur appliquait la
méthode Freinet101(*). Les enfants écrivaient des textes et
fabriquaient des instruments de musique nécessaires à
l'émission. L'émission comportait des histoires, des conseils et
des contes dans lesquels se mêlaient récits, dialogues et
chansons. Le tout était conçu exclusivement par les enfants
eux-mêmes, qui faisaient des bruitages, interprétaient des
chansons des musiques. Ils se servaient alors des instruments traditionnels
familiers. Dès 1971, la radio avait pour rôle de motiver par des
slogans, des informations, des entretiens et des conseils. Cela était
fait au moyen d'un programme que suivaient 3000 adultes appartenant à
120 clubs radiophoniques102(*). Il existait deux projets-pilotes sur l'emploi de la
radiodiffusion dans l'alphabétisation. À l'ex-Cameroun sous
tutelle anglaise (région de Buea), une émission radiophonique
d'enseignement du français parlé intitulé
« African Dialogue » était diffusée.
Concernant l'ancien Cameroun sous tutelle française, il avait
été proposé et adopté
l'émission « Learn your English ».
II.3.2. L'encadrement des ruraux
Comme la plupart des pays africains, le
Cameroun traversait dans son ensemble une crise des plus
déstabilisatrices. Cette crise était un véritable frein au
développement. Elle était beaucoup plus persistante dans les
campagnes que dans les villes. Elle était marquée notamment par
le conflit entre jeunes et adultes à propos du progrès, et le
manque de formation mentale et intellectuelle chez les ruraux. René
Leduc évaluait l'ampleur de cette crise et en proposait quelques pistes
de réflexion, en ces termes:
Il va de soit qu'un homme non formé, pris
à l'état brut, en quelque sorte, sans autre ressource que sa
force physique, ne peut être considéré comme un agent
économique. L'acquisition des connaissances peut être
considérée comme un véritable perfectionnement du capital,
c'est-à-dire comme un investissement103(*).
La radio était susceptible d'y apporter des
solutions dans l'immédiat.
Dans son ensemble, le Cameroun était
confronté à un déséquilibre social et
économique dont l'origine tenait pour une large part au malentendu
séparant les jeunes et les adultes. En effet, les anciens s'appuyaient
sur des structures sociales et économiques qui ne répondaient
presque plus ni aux nécessités matérielles, ni aux
impératifs sociaux de la vie moderne. Ces structures s'effritaient et se
dégradaient104(*). Les jeunes ressentaient confusément le
caractère dépassé des idéaux d'antan et
s'employaient à s'y soustraire. Mais il était évident que
la formation des jeunes à des fins politiques, économique et
sociales leurs permettait d'être utiles à leurs villages et de
devenir des promoteurs du progrès lorsqu'ils étaient mis en
condition de discuter de façon constructive des problèmes locaux.
Ils pouvaient ainsi être écoutés et entendus partout, car
la mobilisation générale y était
nécessaire104(*).
Il avait alors été décidé la mise sur pied d'une
voie de réconciliation. Seule la radio pouvait assurer cette
réconciliation.
L'une des tâches urgentes entreprises
au Cameroun pour promouvoir le progrès avait consisté en
l'initiation des agriculteurs aux méthodes de savoir-faire qui pouvaient
leur permettre de mettre en pratique les procédés d'exploitation.
À cette fin, le gouvernement avait mis à leur disposition un
service de vulgarisation agricole. Celui-ci assurait entre le chercheur et
l'agriculteur les avantages de l'énergie électrique, des machines
modernes, un meilleur encadrement alimentaire et sanitaire des animaux et des
végétaux, l'accès aux crédits, la gestion
rationnelle des exploitations. La radio était chargée de
répondre à cette mission complexe. En outre, il était
demandé aux agriculteurs de prendre conscience de leur condition, de
prendre en main leur destin. L'encadrement des agriculteurs devait
répondre aux besoins économiques du pays. Il était en
effet question de mobiliser les personnes en vue d'une amélioration
substantielle de leurs modes de vie.
L'action de la radio nationale du Cameroun avait vocation
à lui assurer un meilleur rayonnement international, susceptible de
traduire sa souveraineté effective. Au delà des limites de ce
rayonnement international, la radiodiffusion du Cameroun se devait de relever
des défis importants.
CHAPITRE
III
RAYONNEMENT INTERNATIONAL, DIFFICULÉS ET
DÉFIS DE LA
RADIODIFFUSION AU CAMEROUN
Dans le monde moderne, les institutions aspirent
à un meilleur rayonnement international qui ferait d'elles des
références. C'est l'exemple des radiodiffusions publiques dont le
rôle fondamental est de promouvoir les politiques gouvernementales. Pour
garantir son évolution et son perfectionnement, la radiodiffusion du
Cameroun entretenait des relations avec les médias étrangers.
Dans son fonctionnement, elle faisait face à des difficultés non
négligeables.
I- LA RADIODIFFUSION DU CAMEROUN DANS
L'UNIVERS MÉDIATIQUE INTERNATIONAL
En dépit de l'indépendance et de la
réunification du pays, la radiodiffusion du Cameroun ne pouvait
échapper à l'influence des médias internationaux. Elle a
ainsi intégré le système de l'information mondial. Ce
système est alors apparu comme le socle de son évolution.
I.1. La radio nationale et la coopération
internationale
Après l'indépendance et la
réunification du pays, la radiodiffusion s'est affirmée comme un
cadre de coopération important entre le Cameroun et le monde
extérieur. La coopération radiophonique s'exprimait par le
truchement de l'A.CA.P. et des accords de soutien signés avec les
anciennes puissances coloniales.
I.1.1. La coopération par
l'intermédiaire de l'A.CA.P.
L'importance du rôle de l'A.CA.P.
se traduisait par les missions que lui avaient assignées les pouvoirs
publics, et son déploiement. Principale sources d'informations des
organismes de presse nationaux, l'A.CA.P. s'est avérée
indispensable à l'évolution de la radiodiffusion camerounaise.
L'A.CA.P. était un établissement public,
doté de la personnalité civile, et géré selon les
règles commerciales. Elle avait pour missions: la recherche
d'informations complètes et objectives; la distribution des services
d'informations mondiales; la mise à disposition des informations
nationales et internationales; l'entretien des services de
dépêches portant sur la vie politique.
L'activité de l'A.CA.P. consistait à
recueillir, à élaborer et à diffuser des informations,
dans les meilleures conditions. L'A.CA.P. était libre. Elle avait le
monopole de distribution des informations, et faisait ainsi office de
« puissance politique »105(*). Cela était de nature à influencer le
gouvernement, car l'opinion publique était sensible. Voilà
pourquoi le gouvernement contrôlait systématique ses sources
d'informations. D'où l'adoption au Cameroun de la loi n°66/LF/9 du
10 juin 1966106(*). En
tant que structure étatique, l'A.CA.P. collectait des informations
nationales et internationales crédibles, et en assurait la distribution
aux organes de presse. Elle jouissait d'un monopole certain sur toute
l'étendue de la République fédérale. Toute
reproduction ou exploitation de ses services était subordonnée
à un accord préalable107(*).
I.1.2. La coopération avec les anciennes
puissances impérialistes
Après l'indépendance et la réunification,
le Cameroun connaissait des déficits d'équipements. Les pouvoirs
publics étaient préoccupés par des questions relatives
à la souveraineté de la nation et au progrès
économique. D'où l'acceptation du gouvernement de nouer des
partenariats avec les anciennes puissances impérialistes. Dans le
domaine de la radiodiffusion, le Cameroun avait noué des rapports avec
la France et l'Allemagne.
La coopération de la France avec le Cameroun
s'inscrivait dans la continuité des rapports dominant/dominés,
qu'elle entretenait avec celui-ci, lors de la période coloniale, ainsi
que l'exprime P. Cadenat : « La coopération de la France
avec [le Cameroun] se définit par son caractère postcolonial, car
elle repose sur les liens de colonisation antérieurs, et par son
caractère inégal »108(*). Par la mise en oeuvre des accords signés
avec le Cameroun nouvellement indépendant, la France s'était
donnée pour devoir d'améliorer qualitativement et
quantitativement la diffusion d'émissions de la radio nationale. Ainsi,
le gouvernement français avait décidé, par
l'intermédiaire des services spécialisés, de :
Fournir tous programmes, documents sonores et
visuels, ouvrage, disques, à la République fédérale
du Cameroun, qui [feraient] en sorte d'assurer sur l'ensemble de son
réseau la meilleure diffusion possible dans le cadre des programmes de
sa radiodiffusion nationale109(*).
Par ailleurs, la fourniture de programmes
devait s'accompagner de l'utilisation des méthodes appropriées en
vue de leur diffusion sans anicroches. Voilà pourquoi la France
avait convenu de poursuivre la coopération en matière de
formation, entamée durant la période coloniale. Un nombre
important de journalistes était alors formé en France. Revenus au
pays, ils étaient affectés à des postes de direction, le
besoin en spécialistes locaux, maîtrisant les
préoccupations des auditeurs, se faisant ressentir. C'est l'exemple
d'André Nganguè, considéré comme l'un des
journalistes de la première heure du Cameroun. En 1950, André
Nganguè obtient une bourse pour étudier à l'École
de journalisme de Paris. Rentré de France, il est recruté
à la SO.RA.FOM., puis à l'O.CO.RA. Avec l'indépendance, il
intègre la radiodiffusion nationale du Cameroun. D'abord Chef de station
de Radio-Douala, il est nommé Délégué provincial de
l'information et de la culture du Littoral et de
l'Ouest. C'est également l'exemple de Léonard Sah qui,
formé en France, avait officié comme Directeur de Radio-Cameroun
entre 1977 et 1978.
La coopération radiophonique entre la
France et le Cameroun avait un volet culturel, qui se traduisait par l'ambition
de la métropole d'asseoir sa domination par l'expansion de sa langue, au
moyen de l'aide bilatérale au développement. Georges Pompidou,
ancien Premier ministre français, en donna une idée claire,
lorsqu'il déclara à l'Assemblée Nationale :
« Pour nous, Français, c'est une sorte de besoin que de
maintenir la langue française; il y a là une raison fondamentale
pour maintenir l'aide bilatérale »110(*). Pour le gouvernement
français, la coopération radiophonique se voulait
bénéfique aux deux parties, et devait s'orienter vers la
promotion de la langue et la culture métropolitaine, pense Yvon Bourges,
Secrétaire d'État aux affaires étrangères,
chargé de la coopération devant l'Assemblée:
Le premier objectif de notre département est
de favoriser la pénétration de la langue et de la culture
françaises. La coopération n'est pas une entreprise
intéressée au sens égoïste du terme, mais il ne peut
s'agir ni de gaspillage, ni de prodigalité111(*).
La coopération radiophonique allemande se
voulait pratique. Elle était orientée vers le secteur agricole.
Cela tenait au fait que le Cameroun post-colonial était essentiellement
agricole. L'agriculture avait trouvé un terrain d'expression au
Cameroun, car le pays présentait un climat tropical au Nord, et un
climat de type équatorial au sud. Ces deux grands ensembles climatiques
chauds étaient propices au développement de l'agriculture. En
plus, les populations vivaient des produits agricoles. Ceux-ci étaient
utiles pour leur alimentation. Bien plus, l'Allemagne entendait promouvoir la
pratique d'une agriculture intensive, dont la production devait être
destinée à l'exportation en direction du pays d'Hitler. C'est la
raison pour laquelle le gouvernement allemand avait axé sa
coopération radiophonique sur la satisfaction des besoins des
populations du milieu rural. Pour ce faire, le gouvernement allemand avait
opté pour la diffusion d'émissions en langues locales. C'est
l'idée qu'exprime André Jean Tudesq, lorsqu'il affirme:
La coopération radiophonique allemande
[portait] surtout sur les masses paysannes par le biais de la radio rurale
favorisant l'utilisation des langues locales et attachant peu d'importance
à la diffusion de sa culture112(*).
I.2. La radio nationale et le système
mondial
La radio nationale du Cameroun subissait l'influence des
sources d'informations externes. Elle était une voie d'exportation
culturelle, et recevait l'aide des radios occidentales.
I.2.1. Le rôle des sources d'informations
internes
Le système de diffusion d'informations de la
radio nationale du Cameroun était constitué des sources, qui
l'alimentaient. La radiodiffusion du Cameroun tirait ses informations des
agences d'informations mondiales et internationales.
Radio-Cameroun tirait l'essentiel de ses
informations africaines et internationales des agences mondiales113(*). Au Cameroun, la
réception et la distribution d'informations incombaient à
l'État. Ainsi, les informations étaient gérées par
la SO.PE.CAM. En effet, aux termes de la loi n°77/17 du 6 décembre
1977, la SO.PE.CAM. était compétente pour assurer au Cameroun
l'exclusivité d'un service constant d'informations mondiales par
convention ou alliance avec les agences étrangères. Le même
article disposait dans son alinéa 2 : « Sauf autorisation
donnée par décret, nul n'a le droit de détenir des
installations radioélectriques ou autres ayant pour but la captation,
notamment au moyen de baies de réception, d'émissions de
nouvelles d'agences étrangères en vue de leur utilisation large
ou restreinte ». La SO.PE.CAM. avait souscrit des abonnements
auprès de trois des cinq grandes agences internationales: l'A.F.P., pour
des services en français et en anglais; Reuter, pour des services
économiques; T.A.S.S. Fondée par le gouvernement
soviétique en 1925, l'agence T.A.S.S. était publique. Elle
était le porte-parole de l'Union soviétique, et assurait la
construction du communisme à l'intérieur du pays, et son
rayonnement à l'extérieur114(*). En revanche, les quatre grandes agences de
l'Occident prétendaient être impartiales, dans le cadre de la
concurrence contre la T.A.S.S. La concurrence s'appliquait à
l'information et aux autres domaines de la vie économique et sociale.
Henri Pigeat, directeur général de l'A.F.P., avait
proclamé la neutralité de celle-ci, en ces
termes : « Les obligations qui lui incombent sont
l'exactitude et l'objectivité de l'information, l'indépendance
à l'égard de toute influence »115(*). Mais l'impartialité
et l'objectivité des informations fournies par des agences de presse
occidentales avaient été mises en cause, en raison des
conquêtes politiques et territoriales qui avaient présidé
à leur expansion et à leur essor. En effet, l'expansion et
l'émergence du télégraphe sans fil s'étaient
produites dans les pays développés au XIXe siècle. De ce
fait, les puissances occidentales étaient entrées dans leur
deuxième ère impériale.
La dépendance de la radiodiffusion du Cameroun
vis-à-vis des agences occidentales d'information expliquait les
insuffisances quantitatives et qualitatives de la page étrangère
de son journal. Sur le plan quantitatif, les agences d'information occidentales
s'intéressaient très peu à l'actualité du
Tiers-Monde. Sur le plan qualitatif, il se posait le problème de l'image
des pays du Tiers-Monde en général, caractérisée
par des turbulences socio-politiques (guerres civiles, coups-d'États,
etc.). En plus, les dépêches de ces agences avaient quelques fois
un caractère ethnocentrique et idéologique. En effet, ces
dépêches passaient directement des téléscripteurs
à l'antenne. Ce qui contraignait les Camerounais à se plier
à une vision du monde autre que la leur. Par conséquent, la radio
accentuait l'extraversion de la nation, d'autant plus qu'elle perpétuait
la domination de la France, par le biais de la coopération, qui
entretenait l'exportation de sa culture en direction du pays.
La coopération culturelle était le
deuxième type d'alliance signée entre la radio nationale et les
sources d'informations étrangères. Établie à Paris
le 5 mai 1963, la convention radiophonique entre la France et le Cameroun
découlait de l'accord de coopération culturelle de 1960,
actualisé le 21 février 1974116(*). L'élaboration des programmes était de
la compétence du gouvernement. L'accord de coopération de 1974
avait confié à l'O.CO.RA. les prestations sur la formation du
personnel, l'envoi des programmes, l'approvisionnement en matériel.
Cette coopération entre l'ancienne puissance tutrice et le Cameroun
découlait des liens historiques établis par le pacte colonial.
La coopération culturelle, comme la
colonisation, donnait à la France l'occasion d'accomplir sa
« mission civilisatrice » envers le Cameroun. Son besoin de
rayonnement pouvait être assouvi à travers ses liens avec le pays.
Convaincue d'être investie d'une mission à leur égard, elle
s'estimait susceptible de leur apporter un mode d'expression et une
méthode de pensée117(*). Le désir de rayonnement de la France avait
été affirmé par les théoriciens de la
coopération et le gouvernement de la métropole. C'est
l'idée qui se dégage du rapport de Jeanneney, en ces
termes : « La France désire, plus que toute autre nation,
diffuser au loin sa langue et sa culture »118(*). Les accords de
coopération culturelle entre la France et le Cameroun nouvellement
indépendant avaient été influencés par cette
volonté de l'ancienne métropole d'assurer à sa culture et
à sa langue une diffusion large, face au rayonnement international de
l'anglais. Les médias français, et plus singulièrement la
radio nationale, étaient des instruments de cette politique d'expansion
culturelle. Selon la loi française du 7 août 1974, la radio
participait à la diffusion de la culture métropolitaine dans le
monde. Elle veillait à la qualité et à l'illustration de
la langue française119(*). R.F.I. était l'un des organismes
d'exécution de la coopération franco-africaine dans le domaine de
la radiodiffusion120(*).
Elle avait pour domaine d'action la fourniture des programmes. Au sein de ses
services, il avait été prévu une section chargée de
la production d'émissions de coopération, et une autre
compétente pour assurer la formation des cadres.
Les actions de coopération de R.F.I. en
matière de programmes se traduisaient par des prestations gratuites,
réalisées à Paris, et envoyées à la radio
nationale. La coopération radiophonique était fondée sur
l'aide à la production, à la création, et à la mise
en valeur du patrimoine culturel du pays. L'aide à la production
consistait en la mise à la disposition de la radiodiffusion du Cameroun
des éléments écrits et sonores ne pouvant être
obtenus localement. C'est ainsi que le monitoring servait de véritable
agence de son, proposant des synthèses d'actualité,
établies sur la base des dépêches d'agences, ou de
correspondances réalisées à partir du Cameroun. Au
Cameroun, sept stations et une école de journalisme
bénéficiaient des prestations de R.F.I. : le P.N.;
Radio-Centre-Sud; Radio-Bafoussam; Radio-Bertoua; Radio-Douala; Radio-Buea;
Radio-Garoua; l'E.S.S.T.I. Par la suite, R .F.I. avait entrepris la
réduction de la fourniture gratuite des programmes, au
bénéfice des coproducteurs. C'est ainsi que l'émission
« Mémoire d'un continent » était coproduite
avec la radio nationale ; R.F .I. servant alors de lien technique.
Les programmes de coopération avaient pour
support exclusif la langue française. Il n'a été
envisagé la production en langues camerounaises. Mais dans son article
3, la convention de coopération entre la France et le Cameroun
disposait : « Les parties contractantes s'engagent à
mettre leurs radiodiffusions au service d'une meilleure connaissance mutuelle
des deux pays et du rayonnement de leur culture commune ».
Afin que la radio nationale puisse jouer son
rôle, et que son fonctionnement harmonieux soit garanti, les pouvoirs
publics camerounais s'étaient pliés à l'influence des
radios occidentales.
I.2.2. Le rôle des radios
étrangères
Parmi les médias parallèles qui avaient
des liens étroits avec la radio nationale du Cameroun, il y avait les
radios étrangères. Ces radios avaient un service international
s'occupant des programmes conçus à l'intention des publics
étrangers. Leurs activités relevaient d'une double mission :
faire entendre au sein des pays étrangers desservis la voix des
puissances dont elles véhiculaient l'idéologie et la culture;
maintenir pour les ressortissants expatriés de ces puissances
« le nécessaire lien radiophonique».
R.F.I. était une entreprise autonome.
Dès le 1er janvier 1983, elle était une filiale de la
radio nationale française. Mais elle était une création
ancienne : elle avait hérité du poste colonial du
maréchal Lyautey. Elle se voulait promotrice de la politique
étrangère de la France. En effet, elle était
destinée à « porter haut et fort la voix de la France
dans le monde », et à informer ses expatriés du
fonctionnement de la nation. Ses programmes étaient diffusés par
la télévision française, à partir
d'émetteurs situés en Hexagone. Depuis 1975, R.F.I. disposait
d'une antenne appelée « Chaîne Sud »
financée par le ministère français des relations
extérieures, et tourné vers l'Afrique. Pour atteindre ses cibles
africaines, elle utilisait des émetteurs installés en France
à Issoudun et à Allouis. R.F.I. n'émettait qu'en
Français vers l'Afrique.
Dans le centre de la France, R.F.I. disposait de 20
émetteurs, dont 8 de 500 kW. 19 émetteurs assuraient 261 heures
de diffusion quotidienne, dont 180 heures vers l'Afrique et vers l'Océan
Indien. Certaines émissions de coopération étaient
intégrées dans les programmes de Radio-Cameroun:
« Anthologie du mystère »;
« Mémoire d'un continent »; le « Concours
théâtral interafricain ». Le but de cette
coopération était de contribuer à la collecte des
ressources culturelles camerounaises, et à la valorisation de l'usage de
la langue et de la culture française au Cameroun121(*). L'influence de R.F.I.
était le résultat d'une écoute directe, rendue possible
par la puissance de ses ondes. Il était ainsi plus facile pour les
auditeurs camerounais de capter directement la R.F.I., et de recevoir un autre
type de message. Car la radio nationale diffusait sur un
périmètre réduit, et présentait une qualité
sonore médiocre. R.F.I. diffusait en effet toutes les nouvelles
importantes sur le pays. Ces nouvelles parvenaient à la rédaction
de R.F.I., par le biais des agences mondiales d'informations, dont elle
recevait les dépêches, ou par l'intermédiaire de quelques
correspondants occasionnels, ou des journalistes de la rédaction de la
radio nationale122(*).
Ces informations glanées dans des conditions aussi incertaines, à
partir du Cameroun, étaient diffusées sur l'ensemble du
réseau international. R.F.I., qui jouissait d'une autonomie certaine,
avait alors la possibilité d'informer l'auditoire camerounais des
événements divers, sur lesquels la radio nationale faisait
parfois le silence.
La B.B.C. diffusait des programmes en langue
anglo-saxonne. La qualité d'écoute de la B.B.C. lui permettait de
ravir la vedette à la radio nationale du Cameroun. L'écoute de la
B.B.C. constituait un moyen de différenciation et d'appartenance
culturelle chez les citadins camerounais, déterminés à
affirmer leur position au sein de l'élite intellectuelle. L'enjeu de
cette attitude était de se démarquer des personnes incarnant la
médiocrité, dont la radio nationale serait l'un des vecteurs.
La préférence de certains auditeurs
camerounais pour des radios occidentales était liée à leur
envie d'évasion permanente, et à l'exotisme qui tendait à
tenir pour idéal ce qui était étranger, réprouvant
ce qui était local.
I.3. La bataille médiatique autour du putsch du
06 avril 1984
Le mardi, 17 avril 1984, La
Gazette, journal de presse écrite, hebdomadaire national, paraissant
à Douala, annonce, dans un numéro spécial :
« Yaoundé a vécu les 6, 7 et 8 avril 1984, le week-end
le plus long de son histoire. Heureusement, l'armée, sous le
commandement du Général Pierre Semengue, était là
pour barrer la voie aux factieux de la Garde Républicaine ».
La Garde Républicaine est mise en cause. Elle est accusée de
vouloir renverser le gouvernement dit légal du Président Paul
Biya. En effet, depuis 1983, le climat politique est teinté de violence
verbale entre le nouveau Président de la République, Paul Biya,
et son prédécesseur, Ahmadou Ahidjo. Le journal La Gazette parle
des « solides complicités à tous les
niveaux »123(*). Les télécommunications (radio,
téléphone, fax), l'énergie électrique et les
aéroports sont les premières cibles des insurgés. Les 06
et 07 avril 1984, les stations de radio nationales interrompent leurs
programmes. Elles diffusent exclusivement de la musique. Les stations
étrangères quant à elles y vont chacune de son
interprétation.
I.3.1. Le déploiement des stations de radio
nationales
Entre 7 h et 8 h, il règne un silence total
à R.C. La situation reste inchangée jusqu'à 13 h.
Elle inquiète plus d'un Camerounais. Le P.N. de radio
du pays ne diffuse alors que de la musique
militaire. À Radio-Douala, il est diffusé de la
musique camerounaise variée. Radio Bafoussam en
fait de même. L'émission est animée par un
speaker, en langue anglaise. À 15 h, il entend prendre
en relais le journal parlé du P.N., mais en vain ;
la station ayant été prise en otage par les putschistes. La
station de Douala ferme à 16 h, avec l'hymne national. La rumeur gagne
le pays. Le discours des mutins présenté plus haut est
diffusé à la chaîne nationale. Par après, les
programmes reprennent à Radio-Douala. Y sont diffusés : des
émissions en langues nationales, de la musique africaine variée,
un documentaire sur l'histoire africaine. Plusieurs fois, le speaker lit ce
communiqué : « Le Préfet du Wouri convoque pour 10
h 30 min précises, à son bureau, les personnalités
suivantes : les Sous-préfets de Douala I, II, III, et IV ; Le
Délégué du gouvernement auprès de la
Communauté Urbaine de Douala ; les Députés ; les
présidents des sections de l'U.N.C., de l'O.F.U.N.C., de la J.U.N.C.,
leurs vice-présidents, leurs secrétaires départementaux et
le président de l'U.N.T.C. » À la suite de cette
diffusion, le Gouverneur de la province du Littoral fait parvenir un
démenti à la radio, démenti réitéré
plusieurs fois en français et en anglais. « Le Gouverneur
indique aux populations que la situation est calme, leur demande de vaquer
à leurs occupations habituelles et de redoubler de
vigilance. » Le samedi, 7 avril à 20 h 00, le Président
de la République, Paul Biya, confirme, à la radio nationale, que
le calme règne sur l'étendue du territoire, en ces
termes :
...Le Cameroun vient une fois de plus de traverser une
période délicate de son histoire. Hier en effet, le 06 avril,
vers 3 h du matin, des éléments de la Garde Républicaine
ont entrepris la réalisation d'un coup d'État,
concrétisé par la coupure des liaisons
téléphoniques et l'occupation des points stratégiques ou
sensibles de Yaoundé, Palais de l'Unité, Immeuble de la Radio,
Aéroport, etc., avec pour finalité la mainmise par la violence
sur le pouvoir politique. Des unités régulières de notre
armée nationale demeurées fidèles aux institutions et qui
avaient reçu des ordres pour enrayer le coup de force, conduisirent le
combat avec méthode et détermination et aboutirent en fin de
matinée de ce jour (07 avril), à une victoire
complète...C'est le lieu pour moi de rendre un vibrant hommage à
ces unités de notre armée pour leur engagement et leur
attachement à la légalité républicaine. Enfin, je
demande à toutes les Camerounaises, à tous les Camerounais, et
à tous ceux qui résident dans notre pays, de garder leur calme et
de poursuivre leurs activités de développement économique
et social de la nation...124(*)
Le mardi, 10 avril 1984, le Président Biya adresse par
la radio d'État un message d'assurance au peuple camerounais, question
de l'inviter à la reprise effective des activités, sans crainte
d'attaque, ni peur d'être mis en mal :
...Samedi dernier, 07 avril, j'annonçais à la
Nation qu'un coup d'État militaire, perpétré par des
éléments de la Garde Républicaine et tendant à
renverser les institutions légales et démocratiques
établies, avait été conjuré par les unités
des Forces armées nationales demeurées loyales. La situation,
caractérisée par le calme sur l'ensemble du territoire national
et la reprise des activités, est redevenue normale. L'opinion publique a
été informée de la nature, du déroulement et des
conséquences de ces événements par la presse nationale.
Maintenant que la victoire est définitivement acquise et devenue
irréversible, j'entends rendre à nouveau un hommage
mérité aux éléments des Forces armées
nationales, qui, exécutant avec méthode et détermination
les ordres reçus, ont préservé les institutions et la
légalité républicaines...Face à la gravité
et à l'ampleur de cette tentative, j'ai décidé, avec plus
de détermination et de fermeté que jamais, de prendre un certain
nombre de mesures tendant à préserver, mieux que par le
passé, la sécurité, la paix et l'unité nationales.
Ainsi, en dehors des mesures d'ordre militaire, administratifs et politique, et
au terme d'une enquête dont les conclusions sont attendues, les
responsables du coup d'État seront sans délais traduits devant le
Tribunal Militaire, afin d'être jugés et punis conformément
à nos lois et à l'extrême gravité de leur
forfait...125(*)
I.3.2. Le déploiement des radios
étrangères : l'exemple de quelques radios de
référence françaises
Dans son flash d'informations du 06 avril
1984, la R.F.I., la station de radio française, annonce :
Il règne au Cameroun la grande
incertitude. Des combats très violents auraient eu lieu autour du
Palais présidentiel et aux abords de l'aéroport de
Yaoundé. Les putschistes, dirigés par un colonel de la Garde
Républicaine, ont proclamé la destitution du Président
Biya dans un canal différent de celui de la radio nationale. Dans
l'après-midi, les forces loyales au Président Biya ont repris la
radio. Les combats ont déjà fait de nombreuses victimes civiles
et militaires.
À 20 h 15, la R.F.I. affirme :
La radio (P.N.) indique que la station nationale de Radio
Cameroun à Yaoundé à repris ses émissions à
18 h 40. Elle diffuse exclusivement de la musique variée. Le
présentateur reprend les circonstances dans lesquelles se déroule
la mutinerie. Une déclaration du Ministre des Forces Armées est
attendue. Personne ne l'entendra. Dans son commentaire, Bernard Nageotte
assimile les troubles à un « affrontement entre le Sud et le
Nord », deux communautés qui se sont toujours
méfiées sur l'échiquier camerounais.
Le samedi, 07 avril 1984, entre 6 h et 6 h 30, la R.F.I
affirme être sans nouvelles précises sur le Cameroun, les
communications étant coupées. Le présentateur
affirme :
D'une part, hier soir, Radio Cameroun a diffusé des
variétés africaines entrecoupées de messages. L'un de
ceux-ci, probablement diffusé par les forces loyalistes, fidèles
au Président Biya, demandait aux populations de Yaoundé de rester
chez elles afin de permettre le nettoyage des poches de résistance des
forces rebelles...Ceux-ci ont cru que le soulèvement se produirait comme
ils l'ont prévu : facilement. Mais mal leur en a pris. Il semble
que les combats se sont déroulés jusque plus tard dans la
nuit.
R.F.I. constate que la situation reste confuse au Cameroun et
que les forces loyalistes semblent avoir maté l'insurrection. Tout au
long de ses bulletins de 07h à 15 h, la chaîne confirmera toujours
que les combats continuent. Le dimanche, 08 avril 1984, R.F.I. annonce :
« La tentative de coup d'État a été
matée ». Entre-temps, l'ancien Président de la
République, Ahmadou Ahidjo, parti en exil en France, avant la tentative
de putsch, est interrogé par les journalistes de Radio Monte Carlo. Il
répond : « J'ai été insulté et
calomnié par les Camerounais ; ils n'ont qu'à se
débrouiller tous seuls. Si ce sont mes partisans, ils auront le
dessus... » Le dimanche, 08 avril 1984, à 13 h 30, Africa
n°1 indique : « Les hommes du Général
Semengue ont pris le dessus. » La radio diffuse aussi une grande
partie du message du Président Biya. À 13 h 45, R.F.I. confirme
qu'au Cameroun, tout est rentré dans l'ordre, que la mutinerie de la
Garde Républicaine est bannie.
II- DIFFICULTÉS ET DÉFIS D'UNE RADIO
NATIONALE AU CAMEROUN
A l'instar des autres institutions étatiques du
Cameroun post-colonial, la radiodiffusion se caractérisait par son
inefficacité. Cela résultait des rapports entre le Cameroun et
les nations étrangères, des insuffisances matérielles et
financières, des défaillances humaines.
II.1. Les difficultés de la radio
nationale
De 1960 à 1990, la radio nationale du Cameroun
avait connu des difficultés non négligeables. Celles-ci avaient
trait à l'influence des faits politiques et sociaux, au déficit
des équipements techniques adéquats, à la qualification
approximative de ses ressources humaines.
II.1.1. L'influence des faits politiques et
sociaux
Les émissions de la radio publique
camerounaise étaient le reflet des tendances du gouvernement. Cela
entraînait le mécontentement de ses auditeurs, qui s'adonnaient
alors à l'écoute des radios étrangères.
Au lendemain de l'indépendance du pays, les
Camerounais, dans leur majorité, étaient des non
lettrés126(*). Le
gouvernement avait alors considéré la radiodiffusion comme le
moyen d'information le plus adéquat. En plus, les revenus des
populations ne leurs permettaient pas d'avoir accès à la presse
écrite. Le gouvernement camerounais avait placé la radio sous sa
protection, car « il n'était point question de préparer
l'anarchie dans le pays en laissant le premier citoyen venu aller dire ce qu'il
pense au micro ». La radio était ainsi devenue non pas une
institution véritablement publique, mais un instrument du pouvoir. Cela
s'illustre clairement dans les propos d'un agent du P.N., qui asserte :
La radio nationale n'était pas une radio de
l'État, mais une radio du gouvernement. Car l'État regroupait,
entre autres, les opposants politiques, les partisans du socialisme
soviétique, stigmatisés par le capitalisme occidental et le
régime post-colonial qui lui était favorable. Les dirigeants de
la nation livraient alors une lutte acharnée contre la satire, d'autant
plus qu'ils étaient en quête des moyens de maintien au
pouvoir127(*).
En s'octroyant ce monopole protecteur sur la
radio, le gouvernement la privait de l'autonomie nécessaire pour
garantir l'objectivité de ses informations. Les services nationaux de
radiodiffusion étaient alors contraints d'être « des
porte-paroles du gouvernement dans la lutte contre les oppositions
éventuelles ». Ainsi, tout irait sans mal, pensent les
dirigeants, si l'on était certain d'avoir des gouvernements
éternels. Cependant, les services radiophoniques ne pouvaient subsister
par leurs propres ressources financières. Les redevances payées
de manière irrégulière ne garantissaient pas l'autonomie
financière de la radiodiffusion. Même si la radio nationale
obtenait, par la publicité, des fonds nécessaires à son
fonctionnement, elle ferait faillite, faute de subventions. Ce qui limitait
l'indépendance de la radio vis-à-vis du gouvernement.
La radio nationale du Cameroun diffusait des
communiqués relatifs au fonctionnement de la République. En
effet, les communiqués officiels représentaient l'essentiel des
contenus rédactionnels diffusés quotidiennement à la
radio. Ils provenaient des institutions de l'État. Ils résumaient
les activités des instances de décision, qui surévaluaient
les succès et minoraient les échecs. Les communiqués en
provenance de la Présidence de la République présentaient
les actes du Chef de l'État. Rédigés au secrétariat
général de la Présidence de la République, ils
étaient déposés à l'antenne, pour diffusion, sans
réécriture. L'importance de la place réservée aux
communiqués officiels à la radio signifiait la négligence
des priorités d'alors (l'analphabétisme, le chômage, etc.).
La radio nationale devenait ainsi « un deuxième journal
officiel ». Les informations relatives aux actes du gouvernement
déplaisaient au public, lorsqu'elles faisaient abstraction des faits
d'actualité connus. Parfois, la radio publique accumulait des
démentis d'informations annoncées par les médias
étrangers. Lesdites informations étaient fondées sur le
culte de la personnalité. Elles étaient jugées ennuyeuses.
Explicatives et lentes, elles prenaient du recul par rapport aux faits
d'actualité, parce qu'elles étaient censurées
conjointement par les autorités politiques et les journalistes
responsables. Elles étaient destinées à la propagande
officielle. Au sein de la radio nationale, les leaders politiques du Cameroun
étaient célébrés, leurs talents ventés. Ils
bénéficiaient des éloges spéciaux et
béatifiantes. La radio faisait fi de leurs défaillances, et
mettait l'accent sur leurs succès. Il n'existait pas d'opposition
politique légitime. Entre 1960 et 1990, la radio faisait la part belle
à des élites gouvernementales. Puisque la radio était le
moyen de diffusion d'informations le plus accessible, notamment en raison de
son faible coût, le message parfois biaisé du gouvernement
parvenait au maximum d'auditeurs. Cela était la matérialisation
d'une oeuvre de désinformation poussée, dirigée contre les
auditeurs. Les paroles qui composaient le générique de son
journal en étaient une parfaite illustration :
Ahidjo, nous, camarades de l'U.N.C., en avant pour ta
tache de conciliateur, par la volonté de Dieu et la confiance de la
nation, jamais jamais tu ne failliras. Va de l'avant, Ahidjo, nous soutenons
ton action de paix et de sécurité128(*).
Certaines émissions de la radio nationale du Cameroun
n'intéressaient pas les auditeurs. Pour ce qui était des
émissions agricoles, les commentaires étaient multiples et
négatifs. En effet, ces émissions étaient jugées
mal élaborées. Elles étaient présentées par
des ingénieurs agronomes. Les producteurs étaient coupés
de la réalité du terrain, et élaboraient des
théories non applicables dans des plantations camerounaises. Ces
émissions divulguaient des informations déjà
annoncées aux journaux parlés et qui, de ce fait,
n'intéressaient plus l'auditoire auquel elles s'adressaient129(*). Le contenu des
émissions était inadapté aux besoins de formation
technique, aux problèmes de la brousse. Les émissions
étaient conçues en fonction des problèmes des villes (les
discours des ministres, les réunions). En plus, la forme de ces
émissions était peu attrayante. Les émissions
étaient produites en français soutenu, inaccessible aux
populations des campagnes; les populations rurales camerounaises étant
encore analphabètes à cette période, en raison de la
lenteur des progrès de l'instruction. Un auditeur l'exprima clairement
en ces termes : « Les émissions agricoles
intéressent les paysans, mais il n'existe pas de responsables qui les
leur expliquent ».
La radio était un instrument politique. Le rôle
de la radio nationale du Cameroun ne se limitait pas à la diffusion
d'idées. Il s'étendait aussi à l'éducation
politique et civique. La radio devait servir de moyen de lutte pour la
réalisation des plans quinquennaux, et pour l'accroissement de la
productivité. Mais la radio avait été consacrée
à stimuler l'action du parti unique, à vulgariser et
à propager les idées fausses, les lois et les instructions
gouvernementales parmi le public, et à l'inciter à mettre en
pratique des mesures prises par les autorités130(*). Il était assez
difficile de faire la part entre l'information diffusée à la
radio et la propagande politique. L'impact politique des émissions
dépendait de l'idée que se faisaient les auditeurs de la
situation socio-économique réelle du pays. Les émissions
politiques principales étaient diffusées sous deux titres
différents: « U.N.C. Information », qui donnait des
nouvelles des sections et des sous-sections de toutes les régions du
pays; « Union-Vérité-Démocratie », qui
propageait les idées-forces de la politique du parti. L'émission
apparaissait comme un doublon du journal parlé. Certains affirmaient que
l'émission, loin de vulgariser des idées-forces, ressemblait
à un sermon. Au cours d'une édition de
« Cameroun-Midi », il avait été
annoncé par un présentateur: « le Président de
la République vient de signer un décret portant organisation du
service civique national de participation au développement ».
Très peu de personnes pouvaient comprendre exactement le contenu de cet
arrêté. Au Cameroun, les juristes de métier prenaient des
lois, des arrêtés, des décrets, des décisions, sans
en donner des explications amples. Ce qui entraînait, chez les auditeurs
de la radio nationale, une méconnaissance de l'esprit des textes
régissant le fonctionnement du pays. Il avait été
relevé des détails non négligeables sur certains jeux
radiophoniques. En effet, l'usage du téléphone relevait d'un luxe
pour les Camerounais, car très peu en disposaient. Certains auditeurs
étaient ainsi condamnés à ne pas exercer de communication
téléphonique avec les présentateurs de ces
émissions. En plus, le standard de Radio-Cameroun ne pouvait recevoir
qu'un nombre d'appels limité. Seules des personnes financièrement
aisées pouvaient y participer. Bien que l'émission « Le
jeu de mille francs » ne nécessitait pas l'usage du
téléphone, et que tout auditeur pouvait y envoyer des questions
ou des réponses, elle avait un caractère urgent. En effet, elle
était diffusée à la deuxième chaîne de radio,
qui ne pouvait être captée que par des auditeurs de
Yaoundé. De plus, la présentation de cette émission
était jugée fantaisiste, ennuyeuse. La lecture des questions
était hésitante, parfois hachée et rapide. En outre, le
présentateur faisait de la morale aux auditeurs, employant des
expressions déplaisantes à leur égard. Le décret
72/425 du 28 août 1972 précise, dans son article 23, alinéa
5 : « Le service d'action civique et éducative est
chargé du contrôle, de l'exploitation de la publicité dans
l'ensemble du réseau ». Il n'était pas exceptionnel
qu'une chanson appréciée des auditeurs soit interrompue par un
flash publicitaire. En outre, certaines publicités diffusées
à Radio-Cameroun étaient dangereuses. Les publicités des
boissons alcooliques étaient nocives à la société:
elles encourageaient l'alcoolisme, dont le Ministère de la santé
présentait des effets néfastes sur l'organisme humain. Même
le cigare faisait l'objet de publicité à Radio-Cameroun.
Il existait des inégalités sociales, qui se
manifestaient, notamment, par l'incapacité de la majorité de
Camerounais d'acheter un récepteur radio. L'acquisition d'un appareil de
télégraphie sans fil n'était pas à la portée
de la bourse du commun des citoyens. Les personnes résidant dans des
centres urbains écoutaient la radio, contrairement aux habitants des
régions rurales, dont la majorité ne disposait pas d'un poste
récepteur131(*).
La plupart des auditeurs se trouvant dans des villes, décision avait
été prise en leur faveur, au grand dam des auditeurs de la
brousse. En plus, il n'existait qu'un seul émetteur pour toutes les
régions recevant les programmes de la radio nationale. La tendance
à « faire de la radio qui ressemble à de la
radio » se manifestait. Les auditeurs n'étaient pas
disposés à écouter des conseils d'hygiène.
Dès lors, la radio s'éloignait des personnes les plus
nécessiteuses.
Le plus souvent, les semi-analphabètes étaient
lésés. Ils regroupaient des personnes qui, après avoir
appris à lire et à écrire, avaient interrompu leurs
études. Les émissions destinées aux élites
intellectuelles dépassaient leur capacité de
compréhension. Celles s'adressant aux illettrés leur
étaient accessibles. Des auditeurs intellectuellement aguerris doutaient
de la formation acquise par les journalistes. D'aucuns les qualifiaient
d'analphabètes. Ils déniaient à la radio la
capacité de transmission des connaissances. Interrogé par M.
Tjadé Eonè, un enseignant déclara, en 1981, concernant les
journalistes : « ils ont tendance à confondre culture et
football ». Par ailleurs, la radio nationale du Cameroun faisait
face à l'influence des rumeurs. L'influence des rumeurs était
d'autant plus grande au Cameroun qu'elle s'inscrivait dans un contexte
socio-culturel dominé par l'oralité. La rumeur avait un impact
public qui défiait celui de la radio nationale. Cette influence de la
rumeur pouvait s'expliquer par la relation très étroite qui
existait entre la rumeur et l'information officielle, l'une divulguant ce que
cachait l'autre. En effet, la radio nationale diffusait des informations
essentiellement pro-gouvernementales. Les informations qui tendaient à
remettre en question l'efficacité de l'action de l'État
étaient censurées par la rédaction de l'institution. Un
tel contexte de déficit d'informations donnait libre-cours à la
propagation de la rumeur. La densité des messages et leur degré
de crédibilité étaient le résultat de la
quantité d'informations reçues par la radio, le canal
officiel.
Les recherches menées par les spécialistes des
sciences sociales laissent penser que la transmission d'une rumeur
reflète les tensions intérieures ressenties par l'individu qui la
communique. Celui-ci y projette ses propres élans émotionnels,
ses angoisses, ses fantasmes. La rumeur est en effet « une
affirmation générale, présentée comme vraie, sans
qu'il existe de données concrètes attestant de son
exactitude »132(*). Les élans émotionnels finissent par
altérer le fait original.
Après l'indépendance, les problèmes de
développement du Cameroun étaient énormes. La radio
nationale, l'unique institution de diffusion de l'information
électronique, se voulait un moyen de consolidation des acquis du
Cameroun, et de concrétisation de ses enjeux politiques,
économiques et sociaux. Cela supposait que la radio ne devait pas se
réduire à être un simple outil de divertissement des
auditeurs. Elle devait contribuer à leur instruction. Cependant,
très peu d'auditeurs s'intéressaient à l'activité
intellectuelle. Un observateur neutre du fonctionnement des institutions du
Cameroun l'énonce clairement en ces termes: « les Camerounais
n'écoutaient pas véritablement la radio. Ce qui les
intéressait, c'était le sensationnel. L'auditeur le plus banal
cherchait, non pas l'information, mais sa qualité sonore»133(*). Les émissions de
divertissement étaient contrebalancées par l'influence du roman,
accessible exclusivement aux lettrés. En effet, les auditeurs jugeaient
plus digestes les actions d'évasion. Or, la radio produisait uniquement
des éléments sonores. Voilà pourquoi Thierry Mbarga avait
pensé que la radio ne divertissait pas assez. Elle diffusait
certes la musique, mais en journée. Dans la soirée, les personnes
lettrées se plaisaient à lire des romans134(*).
La radio nationale était confrontée à
l'insuffisance qualitative et quantitative de son personnel. Les insuffisances
en matière de qualification étaient liées au manque de
cadres spécialisés. Cela avait conduit les autorités
à y engager des personnes non formées. Il existait des centres de
formation professionnelle dans les anciennes métropoles, et plus tard au
sein du pays, mais les candidats n'y étaient pas admis objectivement.
Considération était prise du contexte politique des pays dont
étaient issus les candidats, des rôles que ceux-ci avaient
joué dans des mouvements plus ou moins subversifs. Parfois, les
recommandations d'une personnalité permettaient à certains
candidats de braver le concours d'entrée au centre de formation
professionnelle. Une telle situation ne permettait pas la formation des cadres
talentueux et compétents. En outre, certains candidats étaient
recrutés comme cadres à la radio nationale, en raison de leurs
capacités oratoires. Pourtant, pour exercer un métier aussi
délicat que les autres, il est nécessaire d'acquérir un
background consistant. Cela rejoint la pensée de Michel Tjade
Eonè, qui affirme:
Certes, la radio est un art, et pour exercer ce métier
artistique, il peut suffire d'avoir certains dons qui ne tiennent pas
forcément compte du degré de l'instruction amassée dans
les écoles au cours des ans. Mais les qualités des professionnels
de la radio doivent comporter, outre ces dons, un certain niveau intellectuel
qui puisse élever l'animateur de programmes de son stade de meneur de
jeu et excellent bavard à celui de véritable spécialiste
connaissant non seulement la technique de son métier, mais aussi les
réactions, les goûts et surtout les besoins de l'auditoire auquel
il s'adresse135(*).
Au début des années 1970, naquit l'E.S.I.J.Y. Y
étaient formés, entres autres, des cadres habilités
à exercer au sein de la radio nationale. Les enseignements
dispensés au sein de cette école n'étaient pas
adaptés aux réalités nationales136(*). Mais les techniciens et les
animateurs de programmes, qui étaient des cadres moyens de la
radiodiffusion, étaient formés en Europe, rarement en
Amérique. De plus en plus, les États-Unis accordaient des bourses
de formation radiophonique à des ressortissants du Cameroun. Mais les
principaux centres de formation se trouvaient en Angleterre et en France.
Outre la formation sur place et les stages en
Grande-Bretagne, le Cameroun demandait à la B.B.C. le soutien des
moniteurs itinérants. Ces moniteurs étaient des experts en
matière de radiodiffusion. Ils assuraient l'enseignement des cours de
radiodiffusion aux Camerounais. Le personnel de la radio nationale était
complété par des agents recrutés sur place, mais non
formés au préalable. Les anciens élèves du
studio-école de la R.F.O.M., après un temps de service au sein de
la radio nationale, suivaient des cours de perfectionnement, devenaient des
cadres supérieurs de la radio. Mais les Camerounais recrutés au
studio-école, ayant une culture générale limitée
par rapport aux Français, étaient voués à n'occuper
que des postes secondaires à la radio nationale, station dont la
direction était confiée à des anciens élèves
instruis. Cela créait des malentendus entre les membres du personnel de
la station.
Les agents chargés de la production des
programmes en langues camerounaises n'avaient pour seule compétence que
celles qu'ils devaient à leur appartenance naturelle à l'ethnie
locutrice de l'idiome choisi. Cette appartenance ethnique constituait le seul
critère de leur recrutement. En effet, ils étaient pour la
plupart incompétents en matière de production des programmes de
qualité dans leurs langues maternelles. D'ailleurs, ils ne les
maîtrisaient qu'approximativement. Ainsi, les émissions en langues
nationale faisaient parfois de la figuration dans la grille des programmes de
la radio publique.
Le niveau de formation de certains journalistes
laissait à désirer. Il n'était pas exceptionnel de
rencontrer à la radio nationale des journalistes ayant un niveau
d'étude inférieur à celui du Baccalauréat.
L'inexistence de recyclages continus les rendait incompétents et
improductifs. Les meilleurs journalistes de la radio avaient été
sollicités par les services de la télévision dès
1985. Cela a porté un coup fatal à la radio qui accusait ainsi un
déficit criant de ressources humaines qualifiées et
compétents. Médium d'État, la radio nationale ne pouvait
diffuser une information contre-gouvernementale avant l'avènement de la
démocratie en 1990. Ses journalistes ne pouvaient alors réaliser
un traitement objectif de l'information, conforme à la
déontologie universelle. Or, la première qualité d'un
journaliste, pense Joseph Pullitzer, c'est son indépendance. Les
journalistes camerounais étaient emprisonnés dans une logique qui
consistait à relayer les messages du régime au public. De ce
fait, il ne pouvait avoir de journalistes suffisamment dévoués
dans un contexte marqué par la médiocrité de l'action
politique. Le phénomène des détournements des fonds
courant dans toutes les administrations était réel au sein de la
radio nationale. Ainsi, peu d'annonces et communiqués passées
à la radio nationale et payés entre 5 000 et 10 000 FCFA
étaient enregistrés dans le carnet des recettes de l'institution.
Il arrivait parfois qu'avec la complicité du responsable des droits
d'auteur ou de certains responsables du service commercial, il ne soit
enregistré que la moitié du nombre total de diffusion d'un
élément publicitaire.
Dans sa thèse de doctorat du 3è cycle, Michel
Tjadé Eone asserte : « la collecte de l'information, au
sens où nous l'entendons, peut se faire par une agence d'information, et
par le reportage qui implique la présence de journalistes à
divers lieux des événements ». Selon
Éonè, cette collecte peut recourir à d'autres
procédés tels que l'écoute d'autres radios, la lecture de
journaux qui permettraient aux journalistes de la rédaction de
rassembler suffisamment d'éléments que l'on s'emploiera ensuite
à mettre en forme rédactionnelle selon les critères de
sélection et de traitement de l'information mis en place. La collecte de
l'information au Cameroun incombait à la SO.PE.CAM. Aux termes du
contrat du 1er juillet 1963, la radiodiffusion du Cameroun
dépendait de l'A.N.P., dans l'accès à l'information
internationale et nationale. Mais il existait, au Cameroun, plusieurs agences
nationales d'information, depuis la loi du 18 juillet 1977, portant dissolution
de l'A.CA.P. Dès lors, les activités de l'A.CA.P. avaient
été confiées à la SO.PE.CAM., qui était
placée sous la tutelle du MIN.I.CULT. La collecte de l'information
nationale à l'intérieur du pays s'avérait difficile,
à cause du manque de continuité, accentué par la
dissolution en 1977 de l'A.CA.P., qui en avait jeté les bases. À
cela s'ajoutait le caractère étatique de la radio nationale.
L'audience de la radio nationale avait commencé
à s'affaiblir avec l'avènement de la télévision au
Cameroun en 1985. Les personnes disposant d'un poste et qui recevaient le
signal de la télévision nationale affichaient alors un
désenchantement certain dans l'écoute de la radio. Elles
estimaient que la radio nationale diffusait des mêmes informations que la
télévision d'État. Les informations
télévisées semblaient être crédibles pour
elles, car en dehors du son, elles laissaient apparaître des images. Les
intellectuels s'intéressaient particulièrement à la presse
écrite. Selon eux, l'information la plus plausible était fournie
par la presse écrite. Comme l'affirmait une pensée
européenne, les paroles s'envolent, les écrits restent. Une
information diffusée à la radio pouvait être quelque peu
oubliée. Cela dépendait de son importance et de son impact
socio-économique. Une information publiée à la presse
écrite était indélébile. Cette influence de la
presse écrite sur la radio était davantage expliquée par
des approximations relatives à la préservation des archives
sonores au Cameroun. Les archives ayant trait aux informations dites
subversives ne pouvaient échapper aux censures qui entrainaient leur
destruction, parce que dites non fondées. Au cours de notre
enquête, il nous a été donné de constater que
beaucoup d'informations dites subversives ou tendant à remettre en cause
le système en place n'étaient pas disponibles à la maison
de la radio. En milieu rural, les populations avaient fait montre de beaucoup
de confiance en la télévision, parce
qu'intéressées par les images. Cette préférence
pour la télévision par rapport à la radio est allée
crescendo, en fonction des niveaux de baisse des coûts des postes qui
variaient selon les années. Car disposer d'un poste
téléviseur pour des couches sociales financièrement
dépourvues comme les populations rurales relevait d'un luxe à
cette période. Ainsi, il n'était pas exceptionnel de voir les
personnes parcourir des dizaines de kilomètres pour pouvoir visionner,
surtout quand était prévu un match de football impliquant
l'équipe nationale du Cameroun. De plus en plus, la radio devenait un
moyen de divertissement des populations villageoises. L'influence de la presse
écrite n'était pas marquée dans les milieux ruraux, en
raison de l'enclavement. En effet, le mauvais état des routes dans le
pays, et de l'ensemble des infrastructures de communication, surtout en zone
anglophone, constituait un handicap pour l'évolution de la
commercialisation des journaux. En l'absence d'un vol quotidien reliant le Sud
et le Nord, ces régions ne pouvaient être pourvues en journaux
écrits que 24 h après la publication. En saison pluvieuse, Akwaya
et Mundemba dans le Sud-Ouest étaient privés de journaux des
semaines durant, après distribution à Limbé.
Selon une enquête menée par Marcomer, R.F.I.
était la radio la plus suivie au sein de la ville de Douala. L'audience
des radios étrangères au Cameroun était forte, et les
scores atteints à Douala et à Yaoundé étaient
significatifs. En effet, R.F.I. avait réalisé les meilleurs
scores dans ces deux villes, soit 41 %, suivie de la V.O.A. (40%), la B.B.C.
(16%), la D.W. (15%)137(*). R.F.I. entretenait avec le Cameroun des relations
relevant des accords de coopération culturelle, conclus après
l'indépendance. Les informations dites de coopération
recouvraient les programmes culturels (des émissions culturelles, des
émissions de contact et de variétés culturelles, des
archives historiques); des émissions de service ou de monitoring; des
duplexes; ainsi qu'une abondante production écrite et sonore. Certaines
de ces émissions de coopération étaient
intégrées dans des programmes de Radio-Cameroun, à
l'exemple d' « Anthologie du mystère » ;
« Mémoire d'un continent ». L'objectif de cette
coopération radiophonique était de « contribuer
à la collecte des ressources culturelles camerounaises et à la
valorisation de l'usage du français et de la culture française au
Cameroun ».
R.F.I. avait connu une audience forte au
Cameroun, grâce à l'installation au Gabon d'une de ses stations
commerciales, sur ondes tropicales, et de quatre émetteurs en ondes
courtes, de 500 kW chacun. Cette réalisation de la France au Cameroun
donna à R.F.I. l'occasion « d'agresser plus
sévèrement la radio nationale à partir du sol
camerounais ». Africa N°1 émettait durant 18 heures par
jour en français. Elle était aussi écoutée au
Cameroun. Ses ondes courtes étaient utilisées par R.F.I. Elle
servait ainsi de relais, durant six heures par jour. Cela représentait
une présence culturelle étrangère jugée dangereuse
pour le Cameroun, car elle était de nature à
« éclipser le rayonnement de la radio
nationale »138(*).
Une enquête menée par Michel Tjade
Eonè révèle des observations des plus intéressantes
sur l'influence des radios étrangères au Cameroun après
l'indépendance. La une des éditions de journaux variait d'une
station à l'autre. Durant la semaine du 14 au 30 mars 1983, la R.D.C.
s'est intéressée à la politique intérieure. Africa
N°1 et R.F.I. se sont intéressées à une information
à dominante africaine. La V.O.A. a privilégié les
problèmes mondiaux les plus préoccupants. À chaque station
correspondait une perception assez originale de l'actualité, en harmonie
avec sa préoccupation particulière. Les thèmes
d'actualité traités à la une par ces trois radios
étrangères changeaient d'un jour à l'autre, d'une
édition à l'autre. En six jours, la V.O.A. et la R.F.I. ont
traité six thèmes différents chacune. Africa N°1 a
changé cinq fois de sujets en sept jours. À l'inverse,
l'information de la R.D.C. était plus figée et plus monotone. En
sept jours, seuls trois sujets ont été traités à la
une : le sport, la réunion du Comité central de l'U.N.C., la
visite du Chef de l'État à l'Ouest du pays. Ce dernier sujet est
revenu à la une pendant six jours successifs. Cela était
l'indicateur d'une information essentiellement institutionnelle. Le clivage
entre la R.D.C. et les radios étrangères se creusait davantage
sur leurs capacités respectives à recourir aux témoignages
des correspondants permanents. Le traitement de l'actualité africaine et
internationale par les radios étrangères s'est enrichi tout au
long de la semaine du 14 au 20 mars 1983. Les correspondants d'Africa N°1
ont effectué 20 témoignages. Ceux de la V.O.A. en ont
effectué 20. Les correspondants de la R.F.I. ont réalisé
11 témoignages. Ces trois stations ont réussi à rapporter
de vive voix des faits vécus à travers le monde. Ceci par le
biais de correspondants permanents. Les auditeurs avaient tendance à
minimiser la portée des faits qui se produisaient loin d'eux, parce
qu'ils les ressentaient mal, faute de preuves et d'intérêt.
L'aptitude à fournir des preuves sur la véracité des
informations concernant notamment la politique étrangère faisait
défaut à la R.D.C. Durant la semaine considérée par
Michel Tjade Éonè, ses informations internationales et africaines
n'ont reposé sur aucun témoignage, sur aucune analyse de
spécialiste. La R.D.C. présentait un manque criant
d'émissions de vulgarisation. Par exemple, les auditeurs avait
relevé l'absence d'analyse sur les retombées des
dévaluations successives du franc français sur les
économies africaines. La dernières de ces dévaluations
avait eu lieu à Bruxelles en Belgique le 22 mars 1983. Le traitement, la
présentation et la diffusion de cet événement a connu des
sorts différents dans les rédactions de la R.D.C., de la R.F.I.
et d'Africa N°1. Expédié en 30 secondes en fin de journal
à la R.D.C., qui ne lui avait consacré qu'un titre lacunaire, il
occupait la une d'Africa N°1 qui lui avait consacré quatre dossiers
explicatifs en 23 minutes. R.F.I. avait consacré 12 minutes au
même événement et développé deux dossiers.
L'importance accordée à cette évaluation par les
rédactions de ces deux radios étrangères se mesurait par
l'étendue des dossiers et par la pertinence des questions posées
qui tourmentaient les auditeurs africains: Que signifie la
dévaluation ? En quoi intéresse-t-elle les économies
africaines et que peut-elle changer dans la vie de tous les jours ?
Pourquoi les dirigeants africains ne sont-ils pas consultés ? Les
questions posées, le recours à des témoins et à des
spécialistes pour élucider des aspects d'une actualité
parfois complexe et dense, attestaient du professionnalisme des unes en
même temps qu'ils montraient la carence des autres. Ils constituaient
l'illustration des deux manières de réagir aux fait
d'actualité: un journalisme de vulgarisation et de témoignages
doté de moyens de son ambition; un journalisme institutionnel et de
transmission qui, volontairement ou non, s'en tient au discours officiel et
à des dépêches d'agences.
L'audience des radios étrangères
était insuffisante, parce qu'elle se limitait aux centres urbains, sans
grande incidence sur la périphérie rurale. La conquête de
ces marchés ne pouvait connaître du succès qu'au cas
où il était élaboré des programmes originaux et des
journaux parlés de qualité meilleure, fonction des contraintes
politico-institutionnelles.
Le Cameroun connaissait un foisonnement
réel des langues et dialectes. Leur utilisation à la radio posait
des problèmes de choix. À défaut d'un cadre de
référence juridiquement établi, seule prévalait la
volonté des hommes placés à des positions de pouvoir et de
conception des politiques nationales de communication. Leurs choix
étaient déterminés beaucoup plus par des desseins
particuliers que par l'intérêt général. Ainsi, il
était difficile de savoir avec précision le nombre exact de
langues nationales utilisées par la radio. Les changements et les choix
successifs opérés par les divers décideurs complexifiaient
davantage la situation. D'une station à l'autre, le nombre de langues
nationales pouvait varier. Des substitutions et des permutations pouvaient
être opérées sans véritables mobiles objectifs.
L'ensemble des stations provinciales s'en tenait à une moyenne de quatre
langues chacune. Mais la station de Buea présentait une pléthore
d'émissions en langues locales, soit une trentaine pour seulement 9
heures de programmes par semaine. Il en résultait une anarchie, qui
entrainait la diffusion des programmes médiocres.
II.1.2. Les difficultés relatives à la
conjoncture économique
Après l'indépendance et la
réunification, le Cameroun devait s'autogérer. Il se devait de
financer le fonctionnement de ses institutions. Même les institutions
dites autonomes étaient contraintes de recourir au soutien financier de
l'État. Ainsi, l'État s'occupait de la rémunération
du personnel de la radio publique. Ce qui rendait la radio nationale
dépendante du gouvernement. Cela représentait un frein au
traitement objectif des informations diffusées.
La radiodiffusion du Cameroun était
régie par le droit public. Elle était de la responsabilité
de l'État. L'État avait ainsi le monopole sur elle. L'aspect
étatique de la radio apparaissait dans trois domaines : le statut
de son personnel, son mode de financement, la tutelle exercée sur elle
par les pouvoirs publics. La radio nationale, en tant que médium
d'État, fonctionnait sur financements publics. Le
prélèvement d'une redevance sur la détention d'un
récepteur de radio avait été instauré par
l'administration coloniale. Il avait été rendu obligatoire par le
décret du Premier ministre camerounais, sous le gouvernement de la
Loi-Cadre de Gaston Déferre138(*). Ce décret stipulait dans son article
3 que « toutes ventes de postes récepteurs devaient
être signalées aux S.P.T., afin de permettre le recouvrement de la
redevance d'usage ». Les renseignements sur les titulaires des
postes-récepteurs parvenaient à la S.D.E.T., par le biais des
maisons de commerce locales. À partir de cette information, le
détenteur était répertorié dans un fichier, et
soumis au paiement d'une redevance, dont le taux annuel par récepteur
était de 1 500 F.C.F.A. Les redevances prélevées au
Cameroun étaient reversées au trésor public, et faisaient
partie du budget général de l'État.
Par ailleurs, Radio-Cameroun diffusait sur toute
l'étendue de son réseau des spots de publicité commerciale
en langues officielles et en langues nationales. Les recettes de
publicité étaient plus consistantes que celles de la redevance,
et s'accroissaient au fil des ans. Les activités publicitaires
s'exerçant sur l'étendue du territoire national étaient
les suivantes: l'affichage, l'étude des marchés, la radio, le
cinéma, les articles et les matériels, le tourisme, les agences
de voyage, etc. Elles relevaient du monopole de la C.P.E. Cette dernière
en percevait les recettes et les mettait à la disposition du
trésor public.
Les recettes de publicité de redevance ne contribuaient
pas directement au financement de Radio-Cameroun. L'État constituait
l'unique source de financement de celle-ci. Raison pour laquelle ses charges
faisaient l'objet d'une inscription budgétaire. Celle-ci faisait partie
de l'enveloppe budgétaire globale du ministère qui en assurait la
tutelle. La radiodiffusion du Cameroun n'avait pas de personnalité
juridique propre. Elle était une direction de l'administration centrale,
placée sous la tutelle du MIN.I.CULT.
L'intégration des personnels de la radio à la
fonction publique nationale, et le pouvoir de tutelle exercé sur elle
par le gouvernement de la république, étaient des indices
observables d'une volonté de contrôle étatique sur
l'institution.
Le 30 décembre 1962, la convention relative
au maintien de la propriété de la France sur la radiodiffusion du
Cameroun fut abrogée139(*). Elle avait été remplacée par
une nouvelle convention de coopération, signée le 5 mai 1963. Aux
termes de ladite convention, la radiodiffusion du Cameroun était
entièrement prise en charge par le gouvernement du pays, tant en se qui
concernait le matériel, que son personnel. Dans son article 2 en effet,
la Convention stipulait :
Les biens meubles et les matériels acquis sur
le budget de la République française et le F.I.D.E.S. qui
étaient utilisés par l'O.CO.RA. (ex-SO.RA.FOM.) pour les
émissions de la radiodiffusion du Cameroun sont dévolus en pleine
propriété à la République fédérale du
Cameroun140(*).
Dès lors, le statut du personnel de la radio
nationale devait connaitre une mutation certaine. Dans ce sens, le
Président de la République, Ahmadou Ahidjo, annonça, le 23
juillet 1963 : « Un statut du personnel de la
radiodiffusion doit voir le jour prochainement. Il permettra aux divers agents
spécialisés une intégration à la fonction publique
camerounaise »141(*). Par après, les journalistes de la radio
nationale, de même que les autres personnels des secteurs techniques et
administratifs, avaient été admis comme fonctionnaires,
émargeant au budget de l'État, dans les diverses
catégories : catégories A, B, C, D, agents contractuels ou
décisionnaires. Fort de ce principe, les recrutements des personnels
à la radio nationale se faisaient parfois par affinité. Des
personnes occupant des postes de responsabilité avaient le
privilège de recruter leurs proches. Par sentimentalisme, elles
sollicitaient des ressortissants de leurs familles, notamment leurs amants ou
leurs frères et soeurs. Ceci sans tenir compte de la qualification et de
la compétence. Ces employés, compétents ou pas, faisaient
carrière dans la fonction publique nationale. Ils intégraient
sans mérite le fichier solde de l'État. Certains
exerçaient comme journalistes avec le C.E.P.E. ou le B.E.P.C. D'autres y
étaient admis comme techniciens, sans diplôme. Ils gravissaient
des échelons, et présentaient des défaillances
avérées. Lesdites défaillances ne leurs valaient ni
sanctions, ni licenciements. Il était exceptionnel de ne pas rencontrer
de cadre issu des familles des dirigeants au sein la structure. Lorsqu'un cadre
était promu à la radio nationale, il était
considéré comme « le sauveur » de sa famille.
Il était comme tenu par l'obligation de « donner du travail
aux siens ». S'il ne s'y employait pas, il était traité
de « méchant » ou de
« rébarbatif » par ses proches142(*). Devenus ses collaborateurs,
ses proches n'excellaient pas toujours à leurs postes, même
lorsqu'ils étaient qualifiés et compétents. Cela
était lié au fait qu'ils étaient cajolés par le
patron, qui n'était rien d'autre que leur congénère.
Ainsi, ils n'étaient pas tenus par l'obligation de résultat,
condition de renforcement de l'efficacité de l'entreprise. Dans ce
contexte, certains reportages de la radio nationale étaient mal
ficelés et relataient des faits mensongers, à cause des mauvaises
prestations des auteurs ou des réalisateurs. En dépit de ses
insuccès, la radio nationale connaissait très peu de mutations
à sa direction143(*).
L'efficacité de la radio dépendait en partie de
la diffusion libre de ses émissions. Car les informations et les
idées véhiculées par la radio n'étaient utiles que
si elles étaient objectives. Il allait de soit que la déontologie
ne pouvait se développer à la radio que si celle-ci était
libre. Cinq obstacles majeurs empêchaient la liberté de
communication par la radio nationale. Le plus ancien était
technologique. Le second était politique. En effet, le
déploiement de la radio était freiné par les tribunaux et
le pouvoir. L'État censurait et orientait l'information. La
troisième menace était économique: l'utilisation de la
radio dans le but de faire des profits. La troisième entrave
était relative au conservatisme des professionnels. Leurs notions et
usages étaient surannés. La dernière menace émanait
des traditions, notamment le statut des femmes musulmanes, la loyauté
envers la tribu, le respect des anciens. En clair, cette menace émanait
du public.
Le poste national disposait de deux émetteurs Thomson
de 100 kW en ondes courtes et interchangeables. L'un desservait le poste
national proprement dit, et l'autre, la chaîne internationale. Le poste
national disposait également d'un émetteur Thomson en ondes
moyennes, couplé aux 100 kW en ondes courtes, d'un émetteur d'1
kW en ondes moyennes. L'émetteur de la chaîne internationale
connaissait régulièrement des pannes techniques liées aux
déficits de pièces de rechange. Il était courant que ledit
émetteur fût dépecé pour assurer le dépannage
de l'émetteur de 100 kW de la station provinciale du Nord, ou du poste
national lui-même. En 1981, un véhicule était
affecté à la S.D.P. et un autre à la S.D.N. Chaque
sous-direction devait prendre en charge le transport de son personnel, pour des
reportages et des services de nuit. Cela donnait lieu à une
répartition d'un véhicule pour 28 cadres de production et
assimilés au sein de la S.D.N. Bien que les effectifs du personnel aient
augmenté, les véhicules disponibles étaient insuffisants.
Il existait un déséquilibre remarquable entre les
potentialités techniques disponibles des studios et les moyens
logistiques dont disposaient les hommes de la radio nationale. Les cars
étaient insuffisamment mis en valeur et allaient exceptionnellement en
mission.
Les coupures d'émissions plus ou moins
prolongées, des nouvelles peu travaillées, des programmes sans
impact consistant, une animation parfois « brouillonne »,
déplaisaient aux auditeurs. Dès 1985, la télévision
faisait grande concurrence à la radio. La plupart des cadres
compétents de la radio avaient été sollicités pour
officier à la télévision nationale. Il s'agissait
notamment de Charles Ndongo, Barbara Nkono, Adamu Musa, Denise Epote.
D'où l'affaiblissement de l'efficacité de la radio.
Au regard de ses difficultés,
la radio publique camerounaise avait des défis importants à
relever.
II.2. Les défis de la radio nationale du
Cameroun
La radio nationale ne répondait pas suffisamment aux
attentes des Camerounais. Elle n'offrait pas des programmes d'éveil. Les
contenus des programmes étaient dominés par la musique, et ne
contribuaient pas ainsi à l'élévation de l'esprit des
citoyens; l'un des défis majeurs de l'État camerounais, à
cette période, caractérisé par l'analphabétisme des
populations, étant de cultiver un esprit responsable, la
réflexion sur des problèmes relatifs à l'environnement et
aux conditions de vie des populations. D'après les résultats de
l'enquête menée en 1972 par Albert Mbida, les auditeurs, pour la
plupart, priorisaient les informations.
II.2.1. La professionnalisation des ressources
humaines et la répartition rationnelle des rôles
La professionnalisation des ressources humaines de la radio
nationale était un cheval de bataille des autorités. En effet, la
radio constituait un pole important du développement. La
professionnalisation des ressources humaines de la radio passait par la
formation de base en matière de techniques de transmission de
l'information et de recyclage continu, d'autant plus que les sciences de la
communication évoluaient sans cesse.
Au cours des réunions organisées par
l'U.N.E.S.C.O. à Moshi au Tanganyika en 1961 sur le développement
de la radiodiffusion éducative et scolaire, et à Paris sur le
développement de l'information en Afrique, la formation du personnel de
radiodiffusion a fait l'objet de nombreuses discussions entre les
spécialistes. Pour certains d'entre eux, cette formation devait
être dispensée exclusivement en Afrique: il n'était pas
question d'entraîner à Paris ou à Londres des Africains qui
devaient exercer leur métier dans un milieu et pour un auditoire
totalement différent de celui des pays où ils l'ont appris.
D'autres experts pensaient qu'il n'était pas encore possible de
dispenser une formation d'un niveau suffisamment élevé en
Afrique. Ils soutenaient que le fait de sortir de leur pays d'origine
constituait déjà, pour les futurs hommes de radio, une
expérience qui pouvait s'avérer utile, par la suite, dans leur
vie professionnelle. Ils ajoutèrent que la formation dans un centre
européen unique pouvait favoriser le contact entre Africains
différents144(*).
Mais, en Afrique, la radiodiffusion avait besoin d'animateurs nombreux, issus
des groupes ethniques divers. La formation des animateurs en Europe avait
déjà permis à la radio de faire ses premiers pas en
Afrique. La formation des animateurs et des techniciens pouvait se poursuivre
en Europe ou en Amérique, en attendant la création des centres
régionaux ou nationaux. Dans des centres de formation régionaux,
les enseignements devaient tenir compte des réalités africaines.
Ainsi, les hommes de radio formés dans des écoles camerounaises
pouvaient adapter au pays l'expérience acquise sur place. Certains
Camerounais obtenaient des bourses tunisiennes consacrées à la
formation des cadres en radio.
Par ailleurs, la radio nationale utilisait deux
langues officielles héritées de la colonisation: le
français et l'anglais. Le français ravissait la vedette à
l'anglais, car il occupait l'essentiel des programmes. Ce qui constituait un
handicap pour la communauté anglophone, le bilinguisme n'y étant
encore qu'embryonnaire. Ainsi, le message radiophonique n'atteignait
véritablement toutes ses cibles. Ajouté à cela,
l'analphabétisme, l'une des principales difficultés sociales du
pays. Voilà pourquoi la station centrale de la radio nationale drainait
peu d'auditeurs; la majorité d'entre eux s'adonnant à
l'écoute des stations provinciales dont certains programmes
étaient diffusés en langues nationales. Le Cameroun
présentait une multiplicité d'ethnies et de cultures. Au sein des
ethnies, il existait des tribus et des clans, mais les parlers étaient
différents. C'est l'exemple des Mbouda et des Dschang de
l'Ouest-Cameroun, qui ne pouvaient communiquer verbalement, en raison de leurs
différences dialectales. C'est également l'exemple des Yambassa
du Centre. Certaines populations utilisant ces langues ne comprenaient et ne
parlaient des dialectes adoptés comme langues des émissions des
stations régionales. Il s'agit notamment des Banen des Baka du Centre.
Elles se sentaient ainsi lésées du système de
radiodiffusion nationale. Or la radio d'État devait concourir à
l'épanouissement de ses hommes. Bien plus, les personnes en charge
d'animer les émissions en langues nationales dans des stations
régionales n'avaient pas la qualification professionnelle
appropriée en la matière. D'où les défaillances
observées dans leurs méthodes de travail: l'adoption d'un accent
non conforme, la conception d'émissions banales, sinon comment expliquer
qu'elles soient supprimées des programmes à une époque
donnée? En outre, l'influence des langues officielles
héritées de la colonisation contribuait à
désintéresser une frange des populations élitistes de
leurs langues maternelles. Cela accentuait le système d'acculturation
mis en place par l'impérialisme européen et consolidait la
domination occidentale au Cameroun. Il était donc plus que jamais
nécessaire de créer des centres de formation en journalisme sur
les canons du traitement de l'information en langues nationales, dans un
contexte caractérisé par l'illettrisme, l'inculture et
l'acculturation. Car l'E.S.S.T.I. et les structures de formation privées
ne dispensaient jusque-là que des enseignements en français et en
anglais.
La spécialisation de la radio est restée
un pari original. Beaucoup d'émissions devaient être
orientées vers la thématisation. En effet, le Cameroun faisait
face à une crise des mentalités réelle. Le besoin de
conscientisation des populations était évident. Ainsi, un accent
particulier devait être mis sur des émissions de divertissement
où sportives. La radio se devait de multiplier des émissions
relatives à l'agriculture, et de les adapter aux
préférences des auditeurs. L'idée ne saurait être de
remettre en question l'importance des émissions que nous avons
présentées plus haut. Nous estimons simplement que la conception
et la diffusion d'émissions devaient tenir compte des priorités
d'alors qu'étaient, par exemple, la nécessité d'asseoir
l'autosuffisance alimentaire, de développer l'économie, de rendre
concrète notre indépendance. Ainsi, la régionalisation de
la radio devait s'accompagner de sa scientifisation poussée, prenant en
compte les réalités locales. Elle allait intéresser les
publics dans des domaines particuliers de la vie. Cela supposait qu'une frange
d'auditeurs éprouvait le besoin de se cultiver dans des secteurs
précis, ou de se familiariser avec des notions spécifiques. Les
responsables de la radio devaient renouveler les programmes, se donner des
moyens financiers et matériels appropriés, et trouver des
équipes professionnelles imaginatives et réactives. Ce
déploiement allait permettre au médium de service public de
répondre à sa mission de défense et de promotion du
patrimoine du pays.
L'un des défis majeurs de la radiodiffusion au Cameroun
de 1961 à 1990 étaient d'asseoir son efficacité. Cela
passait par la spécialisation accrue de ses cadres. Par exemple, il
devait avoir des spécialistes qualifiés en matière de
montage des programmes, de reportage sur le terrain, ceux ayant pour fonction
la présentation du journal, et ceux compétents pour traiter
spécifiquement des questions relatives au conflit israélo-arabe.
Les cadres et les animateurs de la radio nationale devaient être soumis
à la formation continue, en vue de s'enquérir des nouveaux canons
du métier, et d'adapter le traitement de l'information radiophonique
à l'origine socio-culturelle des auditoires. La prise de conscience
devait donner aux responsables des services radiophoniques camerounais de
réfléchir à des faiblesses de leur corps de métier:
les insuffisances matérielles, le déficit de cadres
spécialisés, notamment sur les émissions
éducatives, le manque de coopération avec des services
administratifs spécialisés, susceptibles de garantir
l'efficacité à la radio. La prise de conscience pouvait
également mettre la radio à l'abri de l'influence du
gouvernement, ou des puissances étrangères. La radiodiffusion
camerounaise avait grand besoin d'animateurs nombreux, issus des groupes
ethniques divers susceptibles de séduire l'auditoire. Ces groupes
ethniques devaient connaître l'auditoire dans ses détails. Il
était utile de créer des centres de formation d'animateurs et de
techniciens au Cameroun. Les personnels formés devaient être
perfectionnés.
La redistribution des rôles dans des diverses techniques
de l'information s'avérait nécessaire. Cela devait tenir compte
des possibilités spécifiques de chacune de ces techniques, dans
un esprit de coopération avec la télévision, et non de
compétition. Il était impératif de repenser de nouvelles
méthodes de réflexion et leur assigner des missions
spécifiques.
II.2.2. La promotion de l'objectivité et des
impacts positifs de l'information
Toute information a la
spécificité d'être objective. Une information
destinée à la promotion d'un individu ou d'un groupe de personnes
n'en est pas une. Elle doit être vraie et crédible. Elle exclut
tout mensonge et toute forme de manipulation et de propagande, au risque de
devenir un fait biaisé, falsifié. Le journaliste, chercheur et
transmetteur de l'information, est ainsi considéré comme l'un des
socles de l'évolution, un promoteur de la modernité, et un
catalyseur de la démocratie, ainsi que le démontre Hervé
Bourges, enseignant de journalisme: « Un journaliste doit être
un agent du développement. Il doit être un vecteur de la
démocratisation, un vecteur du progrès ».
Après l'indépendance nationale, les pouvoirs
publics camerounais orientaient l'information à leur guise: la
préoccupation majeure de l'État était d'asseoir son
autorité, dans un contexte politique marqué par la
multiplicité d'ethnies, et l'existence de deux communautés
culturelles historiques, à savoir la communauté francophone et la
communauté anglophone. Pourtant, aux termes des résolutions des
Nations Unies et de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme,
l'information était un droit fondamental du citoyen. Elle était
une garantie de la liberté. Selon l'économiste français
Alfred Sauvy, l'avènement d'une démocratie triomphante pouvait
être rendu possible si les citoyens disposaient d'une information
complète et objective. À son avis, être libre,
c'était être informé. Jacques Robert en donna une
précision plus intelligible, quand il conclut : « Le
droit à l'information est la consécration d'un devoir de
liberté »145(*). La radio publique camerounaise avait donc pour
obligation absolue de travailler en tant qu'institution de promotion du droit
à une information vraie et crédible.
L'objectivité contribuait à
« déconcerter le public égaré dans une
information luxuriante ». En effet, l'information était
communiquée après jugement des faits, avec neutralité dans
le style, qui contrastait avec des chroniques et des commentaires
d'actualité. Car, comme l'affirme Charles Ateba Eyené,
Communicateur, « un homme des médias est neutre ».
La vérité d'une information dépend de l'idée
même qu'on se fait de celle-ci. L'informateur considère que
l'important est la vérité de l'information qu'il diffuse. Il
emploie parfois des procédés bien connus: il isole, grossit,
personnalise et dramatise, avec le risque de plonger dans le saugrenu, le
sensationnel. Ce que confirme Hilaire Kamga, enseignant de droit, lorsqu'il
déclare: « La plupart des hommes de médias au Cameroun,
du fait de la précarité, sont, depuis des lustres, entre les
mains des hommes politiques ».
Par ailleurs, les discours occupaient des espaces
importants au sein de la radio nationale. Ce qui déplaisait aux
auditeurs, dont l'un avait déclaré: « Une allocution
diffusée trois fois et intégralement nous lasse ». Et
le même auditeur de poursuivre : « Il faudrait résumer
les discours, et ne diffuser que des extraits importants »146(*). Pour les auditeurs, il
importait de rappeler certains événements, en les rendant plus
vrais. Il était aussi nécessaire de changer le style de
présentation, la monotonie étant « le pire ennemi de
l'expression radiophonique ». En outre, une propagande trop
appuyée de communiqués et de discours risquait « de se
tuer elle-même ».
Le droit du public à l'information
n'était guère totalement acquis, même dans les pays
démocratiquement avancés. Au Cameroun, ce droit était une
« nouvelle conquête », car la lutte pour le
développement ne devait exclure personne. Cette « nouvelle
conquête » devait s'appuyer sur la participation libre et
positive des citoyens à la construction du pays, dans tous les domaines
de la vie nationale. Cela supposait la démocratisation de l'information,
une mise à disposition complète de celle-ci au peuple. Dans ce
cas, le traitement de l'information devait suivre un processus par lequel
l'individu deviendrait un partenaire actif, et non un simple objet de la
communication147(*).
D'après l'enquête menée par Tjadé Eonè en
1981, les auditeurs de la radio nationale revendiquaient une participation
accrue au fonctionnement de la société, aussi bien au niveau de
la réflexion que de l'action. Ils refusaient le rôle passif de
« communicateurs silencieux », des orientations prises pour
eux et sans eux. La radio, pour eux, devait servir de courroie de transmission
« de haut en bas, et de bas en haut ». Ils étaient
favorables à l'ouverture de l'antenne aux publics divers, demandaient
à être associés aux programmes qui leur étaient
destinés. Une information diffusée dans ce contexte était
compatible avec les fondements de la société camerounaise,
où les règles de la communication orale étaient par
définition basées sur le dialogue selon l'esprit de la palabre
africaine qui exclut toute transmission à sens unique.
Le renforcement de l'objectivité de
l'information nécessitait la prise en compte de l'opinion des auditeurs,
car c'est à eux qu'était destiné le message radiophonique.
Il importait donc, compte tenu de leurs comportements, d'interroger leurs
réactions et leurs attentes, leur conception du rôle social de la
radio.
Le consensus tenait à la recherche constante
de la paix sociale. Ici, l'individu occupait une place importante. Chaque
membre du groupe était consulté sur les questions
débattues148(*).
Pour les auditeurs, une réelle communication correspondait au niveau
d'évolution atteint par le Cameroun. Cette mutation était
susceptible de traduire dans les faits « l'intention
démocratique » qui s'est manifestée au sein du
pays149(*). L'adoption
des principes favorables à la vertu et à la libre expression des
opinions était propre à améliorer la représentation
sociale150(*), l'une des
missions dévolues à la radio.
Il importait pour la radio nationale du Cameroun
d'intégrer l'approche genre dans la conception de ces politiques. Le
personnel devait comprendre aussi bien les personnes de sexe masculin que
celles de sexe féminin. Certes, dans les bureaux administratifs, les
femmes tenaient les postes de secrétaires. Mais leur travail à la
radio se limitait à ce niveau. Elles n'avaient pas accès aux
studios. Il serait pourtant vain de penser que la radio n'avait pas besoin
d'elles. Les femmes étaient sans doute plus habiles à parler
d'une manière convaincante aux autres femmes que les hommes. Ayant les
mêmes problèmes, les mêmes préoccupations que leurs
auditrices, elles étaient susceptibles de leur donner des
réponses qu'elles attendaient. Il est vrai que dans beaucoup de
domaines, l'évolution de la femme camerounaise n'a pas suivi celle de
son mari. En ce qui concerne la formation professionnelle dans le domaine de la
radio, l'écart entre les personnes des deux sexes était
remarquable.
La rumeur était susceptible de prendre une envergure
plus importante que la communication médiatisée. Ainsi, des
indiscrétions échappaient et véhiculaient des courants de
pensées, d'attitudes, l'étonnement, l'admiration ou la joie, la
panique ou la haine. Les sources de la rumeur relevaient des situations
inhabituelles et des insolites. Son mode de transmission était oral et
impliquait une proximité physique de l'émetteur par rapport au
récepteur, avec des relais multiples, « sous forme de guides
d'opinions ». Le mode de transmission de la rumeur, très
aléatoire, finissait par en altérer le fond. Mais la rumeur ne
traduisait pas moins l'existence réelle d'une situation, en vertu
même de l'adage africain, selon lequel « il n'y a pas de
fumée sans feu ».
Au-delà des désinformations multiples,
la rumeur ou « radio-trottoir » puisait à la bonne
source. Selon Albert Mbida, au lendemain de l'indépendance du Cameroun,
un nombre important d'auditeurs consentait à des dépenses
d'argent, pour satisfaire leurs besoins d'information. Le désir
d'informations traduisait l'envie de connaître des faits nouveaux,
même si cette connaissance n'avait pas d'incidence directe sur la vie
individuelle et collective. Les auditeurs de la radio voulaient en fait une
information complète. Le besoin d'explications s'avérait donc
crucial. Aussi certains citoyens suggéraient-ils que des
spécialistes fussent invités à Radio-Cameroun pour
expliquer dans les détails des événements de portée
nationale et internationale.
L'efficacité des ressources humaines de la radio
nationale du Cameroun était fonction de la formation reçue et de
leur spécialisation. Cela devait passer par l'amélioration de la
qualité des équipements techniques disponibles. Entre 1960 et
1990, la radio nationale du Cameroun avait connu des difficultés
relatives aux équipements techniques faibles et de mauvaise
qualité. Mais les gouvernements qui se sont succédés au
sein du pays ont mis un point d'honneur à l'amélioration des
équipements techniques de ladite radio. Ils ont eu à contracter
des dettes colossales, afin d'équiper la radio nationale et les radios
provinciales. Ces améliorations de l'équipement technique se
faisaient en même temps que s'opéraient des transformations
administratives ou statutaires. Si autrefois la solution de l'émetteur
d' 1 kW en ondes moyennes, pour la capitale et ses environs, et de
l'émetteur de 4 kW en ondes courtes, pour l'ensemble du pays, avait
triomphé, après l'indépendance, le pays voulait avoir
« une radio susceptible de lui parler vraiment, de parler au reste du
monde »151(*).
Tout cela explique l'achat et l'installation de matériels puissants.
Il avait été constaté, chez les auditeurs
camerounais, une préférence nette pour l'écoute des radios
étrangères. Cela était lié à la
qualité des programmes diffusés par ces radios, et à
l'exotisme exacerbé de ces auditeurs, tenant pour idéal ce qui
était étranger. Ces radios disposaient des services
internationaux diffusant des programmes conçus à l'intention des
publics étrangers. Leurs activités avaient un double objectif:
faire entendre, à l'intérieur des pays étrangers, la voix
des puissances dont elles véhiculaient l'idéologie et la culture;
maintenir le lien radiophonique nécessaire.
Nous avons souligné plus haut
que la coopération de la France avec le Cameroun, dans le domaine de la
radiodiffusion, utilisait exclusivement le français comme langue de
communication. Il était nécessaire de créer des conditions
d'une coopération véritable, en marge de toute domination d'un
partenaire sur l'autre. Cette coopération devait être
fondée sur des principes d'égalité et de
réciprocité. Car les dons d'émissions créaient,
chez les producteurs de R.C., un sentiment d'assistés, qui limitait leur
capacité d'enquête. Elle les rendait incapables et inconscients de
ce que F. Ballet considère comme « la plus dangereuse des
colonisations, celle des esprits »152(*). Au vu des difficultés qu'elle rencontrait,
dans sa coopération avec l'Occident, R.C. avait l'obligation de
solliciter l'aide des pays du Sud, notamment ceux de l'U.R.T.N.A.
En tant que moyen de communication des masses, la
radio nationale est apparue comme le médium le plus démocratique.
Elle s'est avérée une voie de construction de la culture
démocratique. En effet, la radio nationale devait accompagner
l'État dans le fonctionnement libre de ses trois pouvoirs (le
Législatif, l'Exécutif et le Judiciaire). Elle devait ainsi jouer
un rôle d'intermédiaire entre le peuple et l'État, en
créant un esprit d'ensemble, dans la mesure où il y existait un
partage d'informations. La démocratie étant aussi le fait
d'écouter, d'échanger des idées avec les autres, la radio
d'État devait ouvrir un champ de dialogue à distance. Par la
radio publique, l'État et le gouvernement se devaient de donner au
peuple des explications sur leurs feuilles de route. Ainsi, les sessions de
l'Assemblée nationale étaient diffusées en directe de la
radio nationale. Leurs succès et leurs échecs devaient être
connus au grand jour par le canal de ladite radio. Instrument de la
citoyenneté, la radio nationale devait devenir un moyen d'expression
libre de l'opinion publique, permettre l'émergence des débats
porteurs, garantir une meilleure transparence du pouvoir et démystifier
l'État. Ainsi, elle devait diffuser sans manipulation les
résultats des élections présidentielles, et contribuer par
son large champ d'écoute à la consolidation de la
démocratie. Elle devait être un instrument
privilégié de la formation d'une conscience nationale et un
important outil d'endoctrinement. Caractérisé par l'absence dans
certaines zones des voies de communication, l'existence d'ethnies multiples
ayant des difficultés de communication entre elles, la présence
des populations étrangères les unes aux autres, le Cameroun
devait saisir l'opportunité qu'offrait sa radio pour assurer la
transmission d'idées gouvernementales sur toute l'étendue du
territoire, en se dotant d'émetteurs plus puissants et en en accentuant
la régionalisation. Aussi, la radio devait-elle se montrer efficace en
donnant une information utile, vraie, vérifiée et
vérifiable, conformément à ce que pensait Wihiard Johnson,
lorsqu'il disait:
Au moment où les pays du Tiers-Monde
revendiquent à corps et à cri l'établissement d'un nouvel
ordre mondial de l'information, il est tout aussi impératif de
s'entourer de dispositifs internes permettant la circulation de l'information,
parce qu'il est déplorable de constater que même dans la
poignée de régimes politiques qui dans le discours se portent
garants de la liberté de presse, des barrières permanentes
s'élèvent érigées par des acteurs de la vie
politique, simplement parce que ces derniers sont incapables de maîtriser
l'information. Une politique d'information oubliant de prendre en compte les
aspirations du peuple ne peut prétendre oeuvrer au service de ce
peuple153(*).
Par ailleurs, la radio était l'institution
d'accès à l'information la moins coûteuse. De ce fait, la
radio nationale devait introduire dans sa grille des programmes des
émissions en toutes les langues régionales, de manière
à informer toutes les couches de la société du
fonctionnement de l'État, mais en les mettant en marge de tout appel au
trouble et au désordre. Par la promotion de la démocratie, la
radio nationale serait à même de protéger les personnes,
les biens et l'État.
De surcroît, la radio permettait
l'accès à des informations relatives à l'actualité
de l'époque post-coloniale. Elle était le moyen de communication
le plus accessible à toutes les couches sociales, parce
qu'émettant sur un rayon large. En plus, avoir un poste de
radiodiffusion était peu coûteux, par rapport aux autres supports
médiatiques. Il existait des postes portables, miniaturisés et
facilement transportables. Ainsi, les élections municipales et
législatives pouvaient être suivies de bout en bout par tous les
citoyens qui s'y intéressaient, en dépit de leurs occupations.
Moyen de communication le plus adapté à tous les milieux (zones
enclavées, zones urbaines, zones rurales), la radio véhiculait
l'information avec promptitude. Mais la nature des informations
véhiculées était susceptible d'influer négativement
sur les mentalités des auditeurs. Des informations masquées ou
biaisées donnaient à l'auditeur une fausse idée de
l'action des pouvoir publics. Elles semaient le doute sur la fiabilité
des institutions publiques. Des émissions liées à la
politique suscitaient des révoltes et des comportements immoraux au sein
de la société. Diffusant quelques fois des informations
incertaines, la radio était devenue une source de désinformation.
Les informations diffusées conduisaient parfois aux troubles mentaux et
traumatisaient des personnes sensibles. Tel était le cas des
informations de la page nécrologique et les résultats aux examens
et concours lus à la radio. La radio diffusait aussi des informations
qui incitaient des personnes à la haine envers les autres et
accentuaient le tribalisme. C'était l'exemple des informations
concernant des projets de construction des infrastructures qui suscitaient des
révoltes des ressortissants de certaines régions (Nord-Cameron;
Est- Cameroun) se considérant comme lésés par le
gouvernement, par rapport à d'autres considérés comme
privilégiés (Centre; Littoral). Quelques fois, la radio hantait
et manipulait les consciences. Elle était utilisée pour
discréditer des personnes jugées subversives. Le manque de
professionnalisme de certains cadres rendait inefficace l'action de la radio.
Remédier à ces problèmes ferait de la radiodiffusion un
facteur déterminant du progrès de la nation.
L'une des missions fondamentales de la radio était le
changement positif des mentalités des peuples. L'éducation
n'était pas réservée à la seule école. Elle
pouvait aussi être promue par la radio. L'école était
considérée comme le foyer éducatif et des transformations
sociales, de la croissance économique. Elle était aussi
considérée comme un cadre de valorisation humaine, une
étape du processus permanent de formation. La radio devait servir de
canal à cette entreprise d'information, d'éducation et de
formation. À ce propos, André Célarie écrit ce qui
suit :
Il est certain que la radiodiffusion doit prendre une part
importante à cette tâche dans les pays à traditions orales
où elle établit le contact permanent entre tous les individus,
où elle apporte le témoignage du progrès du groupe
évolué et favorise son rayonnement154(*).
La radiodiffusion était l'animatrice de la culture.
Elle devait conduire au modernisme. Elle devait apprendre à la
population le bien-fondé de son être et l'encourager à
sauvegarder son patrimoine culturel. Mais l'éducation par la radio
était un facteur de complémentarité. La radiodiffusion
pouvait triompher dans cette mission importante assignée aux
mass-médias, car elle était pratique. Elle triomphait du facteur
de distance. L'école radiophonique était l'élément
moteur de la culture populaire. Les auditeurs ayant reçu une
éducation certaine par la radio pouvaient devenir des interprètes
dans les villages. Pour chaque type de sujet, il existait des auditeurs qui se
chargeaient de recueillir des informations et de les diffuser ensuite dans des
cercles qu'ils fréquentaient. Ils devenaient alors des chefs de file de
l'opinion à l'intérieur des groupes. Ils étaient
écoutés religieusement et étaient de l'avis
général des sources dignes de confiance155(*). La priorité devait
être donnée à deux secteurs : la formation
élémentaire et l'éducation sociale. Ces programmes sociaux
étaient destinés à familiariser l'Homme avec la technique.
Le contenu de ces programmes devait tenir compte des aspirations des personnes
et des priorités, ainsi que le disait Paolo Freire :
« Pour qu'il y ait communication efficace, il faut que
l'éducateur et l'Homme politique soient capables de comprendre les
conditions structurelles dans lesquelles la pensée et le langage du
peuple prennent une forme dialectique ».
Le processus de
décentralisation de la radiodiffusion avait commencé au Cameroun
avec sa régionalisation, quelques années avant
l'indépendance. La régionalisation avait pour but
d'étendre la diffusion d'émissions à travers le territoire
national. Car l'émetteur de la radio gouvernementale ne pouvait
permettre une diffusion large au Cameroun. D'où la multiplication des
radios régionales à travers le pays. Mais il convient de relever
que la décentralisation de la radio, par le truchement de la
régionalisation, ne suffisait pas à parachever sa portée
au Cameroun. En effet, au sein de chaque région, il existait des
différences, du point de vue des préférences des
auditeurs, de leurs occupations quotidiennes. Ainsi, l'Est et le Sud du pays ne
bénéficiaient pas des services radiophoniques concourant à
y promouvoir l'agriculture156(*). Le Centre et le Littoral du Cameroun,
spécialisés notamment dans l'administration et le commerce, ne
bénéficiaient pas de la diffusion d'émissions susceptibles
de promouvoir le développement de ces activités. Il aurait donc
été nécessaire d'intégrer, dans les programmes des
radios régionales, des émissions conformes aux
réalités de chaque localité, et, pour ce faire, de
créer des radios municipales.
L'État disposant des moyens pour la radio
devait donner à celle-ci un essor certain. Voulant se présenter
aux autres États, le Cameroun devait se faire connaître. De ce
fait, il devait trouver un auditoire consistant à l'extérieur.
Ainsi, il devait équiper sa radio en matériel de diffusion
puissant, pour mieux faire entendre sa voix au niveau international. Il
importait aussi d'améliorer la qualité des émissions. Mais
tous les pays voulant diffuser leurs émissions le plus loin possible se
servaient du spectre des autres fréquences. Ce qui risquait de
détériorer le réseau radiophonique, avec des effets
parasitaires nuisibles venant de l'extérieur. Or les auditeurs moyens ne
voulaient pas simplement accepter une émission difficile à
écouter, quel que fut l'intérêt de son contenu. Et les
services radiophoniques faisant usage des bandes à haute
fréquences souffraient d'interférences dues aux émissions
internationales à longue distance. Il était donc utile d'utiliser
des ondes tropicales pour la diffusion d'émissions
métropolitaines. Il était en outre nécessaire d'installer
la modulation des fréquences dans des régions relativement
peuplées.
La radio nationale s'est voulue une entreprise
parapublique. Et comme tel, ses financements étaient fournis aussi bien
par l'État que par elle-même. En tant qu'entreprise, la radio
nationale constituait un gisement important d'emplois. Y officiaient: les
journalistes, les techniciens spécialisés, les animateurs, les
photographes, les filmographes, les agents d'entretien, les administrateurs,
les consultants, les juristes, les secrétaires, les conducteurs de
véhicules, les informaticiens. Des équipes similaires
étaient affectées au niveau des stations régionales ou
provinciales. Vu le caractère sélectif des recrutements, il
était impossible que toutes les personnes formées y soient
admises. La crise économique des années 1980 aidant, la structure
et l'État n'affectaient plus de financements conséquents
susceptibles de supporter la masse salariale qui allait crescendo. Les
personnels officiant au sein de la structure n'avaient de cesse de se plaindre
de la modicité des salaires. Il était à déplorer
les cumuls des fonctions des cadres. Par exemple, il n'était pas exclu
que le Directeur général exerce en même tant comme
Président du conseil d'administration. Cela était lié au
fait que les dirigeants entendaient limiter les charges de l'entreprise, car un
cadre cumulant deux ou trois fonctions était
rémunéré à un taux
« supportable ». Ainsi, la nécessité de
créer des emplois productifs en termes de richesses et de rendements
était réelle. La régionalisation accentuée de la
radio, sa municipalisation et sa départementalisation
génèreraient davantage d'emplois et contribueraient de
façon significative à la résorption du chômage. Le
renforcement de son efficacité par sa nationalisation poussée au
moyen de l'utilisation accentuée des langues locales augmenterait le
nombre de recrues au sein de la structure. Par ricochet, cela
nécessiterait la formation d'enseignants spécialisés et
leurs recrutements dans des structures d'encadrement. Des emplois serraient
accordés aux personnes en charge de la conception des documents
appropriés.
Le système de cumul des fonctions à
des postes clés s'avérait impropre au renforcement de
l'efficacité de la radio nationale. De ce fait, au lieu que le Directeur
général de la C.R.T.V. exerce en même temps comme
Président du conseil d'administration de l'institution, il aurait
été nécessaire que le poste revienne à une personne
libre. Elle donnerait certainement le meilleur d'elle-même. La
modernisation des équipements améliorerait la qualité du
son et du traitement de l'information. La mise à disposition des
appareils sophistiqués rendrait possible la diffusion en directe
d'émissions dans des zones d'ombres. Des séminaires de recyclages
réguliers boosteraient la qualité des prestations et arrimeraient
la radio nationale aux normes de diffusion internationales. Des
méthodes de contrôle rigoureux inciteraient le personnel à
l'ardeur au travail et à rechercher l`excellence dans leur
déploiement. La confection des programmes devraient tenir compte du fait
que la radio d'État est un medium national, et non une
propriété des gouvernants. Si la nation regroupe toutes les
personnes ayant la même histoire, les mêmes langues et partageant
le sentiment de vivre ensemble, les émissions diffusées sur les
antennes de la radio d'État ne devraient mettre exclusivement l'accent
sur les actes des dirigeants, à l'instar des discours officiels ou des
commentaires autour de ces discours; elles devraient porter sur le Cameroun
dans son ensemble, et contribuer ainsi à son progrès, à
son rayonnement international.
CONCLUSION GÉNÉRALE
La radiodiffusion avait été introduite au
Cameroun par la colonisation française et britannique. Elle était
alors destinée à satisfaire les intérêts de la
colonisation franco-anglaise. Dans le Cameroun sous tutelle française,
la radiodiffusion était une ramification de la
radio-télévision métropolitaine. Dans le Cameroun sous
tutelle anglaise, la radiodiffusion était rattachée aux services
du Nigéria. D'une manière indirecte, la radiodiffusion a
été un facteur déterminant de décolonisation du
Cameroun, par sa mission d'éducation, de divertissement et d'instruction
des masses. En mettant à la disposition des Camerounais des
connaissances nécessaires à leur édification, la
radiodiffusion a suscité une prise de conscience des effets
néfastes de la colonisation. L'écoute des radios
étrangères, véhiculant des messages anticoloniaux
(Radio-Pékin et Radio-Moscou), à vocation socialiste, avait
concouru à raffermir le combat contre le colonialisme.
L'indépendance du Cameroun sous tutelle
française, en 1960, et celle du Cameroun sous tutelle anglaise, en 1961,
avait conduit le pays à la nationalisation poussée de la
radiodiffusion. Dès lors, la gestion des services de la radio nationale
incombait à un personnel camerounais. Cela était une
nécessité, dans la mesure où le Cameroun, en tant
qu'État, se devait d'affirmer sa souveraineté, et de se
libérer de la domination occidentale. La radio nationale du Cameroun
éprouvait des déficits de cadres formés. Les cadres
disponibles étaient inadaptés aux réalités locales,
car formés dans des écoles occidentales. La radiodiffusion du
Cameroun manquait de financements conséquents. De ce fait, les services
de la radio se contentaient des équipements incorrects, datant de
l'époque coloniale, et parfois en état de
détérioration avancée. La radio nationale était
sous le contrôle du gouvernement. Ainsi, elle était vouée
à conforter la politique de celui-ci.
La radiodiffusion, vue la faible puissance de ses
émetteurs, ne pouvait assurer la diffusion d'émissions sur toute
l'étendue du territoire national. Le gouvernement camerounais
s'était ainsi investi dans la création des stations de radio
provinciales, en vue d'atteindre au maximum sa cible (les populations
camerounaises). Pour ce faire, les dirigeants de l'institution avaient
taché d'intégrer dans la grille des programmes, des
émissions en langues locales, celles en rapport avec les
préoccupations des auditeurs (les pratiques agricoles locales, les
coutumes, etc.).
Par la suite, il né au Cameroun une certaine
élite intellectuelle, qui tenait pour vraies et crédibles, des
informations diffusées de l'étranger. Ce fut ce qu'il
était convenu d'appeler « exotisme radiophonique ».
Ladite élite s'adonnait à l'écoute des radios
étrangères, dont les plus courues étaient la R.F.I., la
B.B.C., la V.O.A. Ce qui portait un coup fatal à la radio nationale, qui
ne bénéficiait plus alors de l'écoute massive des
intellectuels ayant entre autres missions d'éclairer l'opinion nationale
sur des questions engageant l'avenir du pays.
Les programmes de la radiodiffusion nationale étaient
calqués sur le model occidental. Ses journalistes et ses animateurs
étaient formés en Europe ou en Amérique. La pratique des
connaissances acquises en Occident par des cadres de la radio ne tenait pas
compte des préoccupations de l'auditoire national. Cela signifiait que
la radio nationale, par le truchement de ses acteurs, reproduisait les
modèles occidentaux ou pro-occidentaux. Elle contribuait ainsi à
conforter l'influence des puissances occidentales au Cameroun, en dépit
de l'indépendance. À cela s'ajoute les accointances entre la
radio nationale et les pouvoirs publics. En effet, d'après le
président Ahmadou Ahidjo, le Cameroun, en raison de sa posture de jeune
État, se devait d'asseoir son système politique et
socio-culturel, en tenant compte du contexte local. La radiodiffusion nationale
était un moyen d'accomplissement de ces idéaux, ce d'autant plus
que l'analphabétisme y était réel. La radio avait alors
cette mission, à la fois lourde et noble, d'assumer un important
rôle d'éducation et d'instruction, car médium de masse, et
le plus accessible, quand nous analysons en profondeur l'épineuse
question du faible pouvoir d'achat des Camerounais à cette
période157(*). En
tant que médium d'État, la radio nationale devait promouvoir la
politique des pouvoirs publics de l'époque. Que l'action de ceux-ci eut
été efficace ou inefficace, la radio nationale avait le devoir de
défendre les intérêts de l'État camerounais. Ainsi,
les défaillances des plus inadmissibles en république
étaient systématiquement voilées, au profit de leurs
auteurs, et au grand dam de la masse d'auditeurs camerounais, à qui
ladite radio était pourtant destinée. La radio nationale
était également marquée par la mauvaise gestion de ses
ressources financières et humaines, conjuguée à leur
déficit et aux recrutements des personnels pas toujours efficaces et
compétents. D'où les défaillances observées au sein
de la radio nationale, du point de vue de la qualité des
émissions diffusées. Les cadres de la radio nationale faisaient
montre d'inertie. La diffusion d'émissions était laxiste.
Voilà pourquoi les programmes de la radio nationale déplaisaient
aux auditeurs. Les problèmes de la radio nationale du Cameroun l'avaient
empêchée d'accomplir ses missions. Formés à
l'école coloniale, les gouvernants de la république avaient
entretenu au sein de la radio nationale des attitudes destinées à
les promouvoir. Après l'indépendance, le Cameroun avait
signé avec la France des accords de coopération radiophoniques.
À travers ces accords, la France entendait aider le Cameroun à
consolider sa politique radiophonique, en mettant à sa disposition une
aide technique et matérielle variable. Mais la France avait pour
objectif, dans ce mécanisme d'aide, de perpétuer son rayonnement
culturel et scientifique, par la promotion de sa langue et de ses
idées.
L'avènement de la télévision nationale,
en 1985, avait concouru à la diminution de l'audience de la radio
nationale, mais pas de manière significative. La crise économique
ayant affecté le Cameroun dans les années 1980, il n'était
pas évident, pour des personnes à revenus insuffisants (les plus
nombreuses), de se procurer d'un poste-récepteur. Ainsi, il était
courant de rencontrer, au sein des communautés, des personnes s'adonnant
à « l'écoute collective », faute de disposer
d'un poste-récepteur à usage individuel.
En 1989, l'Empire soviétique chute. La France entend
seconder les États-Unis dans l'oeuvre d'expansion de l'idéologie
libérale et de démocratie en Afrique. Le Cameroun, comme les
autres États d'Afrique francophone, n'échappe pas à cette
poussée démocratique occidentale. C'est ainsi que la
liberté de communication sociale y devient une réalité
institutionnelle. La libéralisation du secteur de l'audiovisuel, qui
intervint en 1990, annonçait une ère nouvelle pour la radio
nationale. Aux informations pro-gouvernementales allaient, 10 années
après, s'opposer des informations contre-gouvernementales, levant ainsi
la loi contre la subversion. De ce fait, la radio nationale se devait
d'intéresser le maximum de personnes à ses émissions, au
niveau national et international.
SOURCES
I-OUVRAGES
I.1. OUVRAGES GÉNÉRAUX
Ateba Eyene, C., Le Général Pierre Semengue,
Toute une vie dans les Armées, Yaoundé, CLE, 2002.
Abwa, D., Commissaires et Hauts-Commissaires
français au Cameroun (1916-1960), Yaoundé, Presses de
l'Université Catholique d'Afrique centrale, 1998.
Ajayi, J.F.A., et Crowder, M., Atlas historique de
l'Afrique, Paris, Les Éditions du Jaguar, 1988.
Amadou, K., Les soleils des indépendances,
Paris, Seuil, 1970.
Bernstein, S., La décolonisation et ses
problèmes, Paris, A. Collin, 1969.
Collins, R.O., African History, Texts and Readings,
New York, Random House, 1971.
Caplow, T., L'Enquête Sociologique, Paris,
Armand Collin, 1970.
Chevry Gabriel R., Pratique des Enquêtes
Statistiques, Paris, PUF, 1962.
Coquery-Vidrovitch, C. et Moniot, H., L'Afrique noire de
1800 à nos jours, Paris, P.U.F., Nouvelle Clio, 1992.
Cornevin, R., Les mémoires de l'Afrique des
origines à nos jours, Paris, Robert Laffont, 1972.
Curtin, Ph. et al., African History, London, Longman,
1978.
Delaveau, B. et al., Décolonisation et
problèmes de l'Afrique indépendante, Paris, EDICEF, 1983.
Dumazedier, J., Vers une
civilisation du loisir, Paris, Editions du Seuil, 1962.
Imbert, J., Le Cameroun, Paris, Presses
Universitaires de France, 1982.
Kaké, I.B. et Mbokolo, E., Histoire
Générale de l'Afrique, Paris, A.B.C., 1977.
Ki-Zerbo, J., Histoire de l'Afrique noire, d'Hier à
Demain, Paris, Hatier, 1972.
Morin, E., L'esprit du temps, Paris, Grasset,
1976.
Mveng, Engelbert, Histoire du Cameroun, Volume I,
Yaoundé, CEPER, 1985.
Oliver, R., The African Experience, London, Pimlico,
1991.
Robinson, D. et Smith, D., Sources on the African Past.
Case Studies on Five Nineteenth-Century African Societies, London,
Heinemann, 1979.
Salifou, A. et al., Décolonisation et
problèmes de l'Afrique indépendante, Paris, EDICEF, 1983.
Paye, L., Communications and Political Development,
New Jersey, Prince Town University Press, 1969.
Suret-Canale, J., Afrique noire occidentale et
centrale, De la décolonisation aux indépendances, 1945-1960,
Tome III, Éditions Sociales, 1972.
UNESCO, Histoire générale de l'Afrique,
Paris, Unesco, 1980.
I.2. OUVRAGES SPÉCIALISÉS
Balle, F. et Padioleau, J.G., Sociologie de
l'Information : textes fondamentaux, Paris, Collection Sciences
Humaines et Sociales, Larousse Université, 1973.
Bandolo, H., La Radiodiffusion du Cameroun :
problèmes d'efficacité fonctionnelle, Paris, Institut
Français de Presse ,1977.
Bebey, F., La radiodiffusion en Afrique noire, Paris,
éd. St Paul, 1963.
Cazeneuve, J., Sociologie de la
Radio-Télévision, Paris, Que-sais-je ? 5è
éd. PUF, 1980.
Celarié, A., Les Moyens d'Information au
Cameroun : Recherche préalable à l'établissement
d'une campagne éducative par la radiodiffusion, T1, Paris, Office
de Coopération Radiophonique, 1965.
Defleur, M., Theories of Mass Communication, New
York, INC, David McKay Co 1966.
Ellul, J., Propagandes, Paris, Ed. Armand Collin,
1980.
Huth, A., La radiodiffusion, puissance mondiale,
Paris, Gallimard, 1937.
Katz, E. W., Broadcasting in the Third World: Promise and
performance, USA, Harvard University Press, 1977.
Meril, J. C., The imperative of Freedom: A Philosophy of
Journalistic Autonomy, New York, Hasting
House, 1974.
Miquel, P., Histoire de la radio et de la
télévision, Paris, Edition Richelieu, 1973.
Moosman, A., Histoire des émissions Internationales
de Radio-France (1931-1975), Paris, Radio-France Internationale, 1981.
Ngah Ndongo V., Les médias au
Cameroun, Paris, L'HARMATTAN, 1993.
Oto, J. D., L'Information d'État du Cameroun,
Mémoire, Paris, IFP, 1965.
Robert Guy, La production
radiophonique, Paris, Les Dossiers Multiples, 1980.
Schranm, W., L'Information et le développement
national : Le rôle de l'Information dans les pays en voie de
développement, Paris, Ed., Nouveaux Horizons, 1973.
Stoetzel, J., Les fonctions de la presse
à côté de l'information ; Sociologie de
l'information, Paris, Larousse, 1973.
TJadé Eonè, Michel, Radios, Publics et
Pouvoir au Cameroun, Utilisations officielles et besoins sociaux, Paris,
L'Harmattan, 1986.
Tudesq, A. J., Les médias en Afrique, Paris,
Ellipse, 1999.
Voyenne, B., La presse dans la société
contemporaine, Paris, A. Colin, 1962.
Yebeka, Yves Roger, La radiodiffusion au
Congo : Radio-AEF, L'expérience d'une fédération
radiophonique (1956-1960), Paris, IFP, 1979.
II-MÉMOIRES ET THÈSES
II.1. MÉMOIRES
Effa Essomba, « Les Premiers pas de la
Télévision Camerounaise, Mémoire de Diplôme de
Journaliste », ESSTI, Yaoundé, 1987.
Etoundi Bibegele, Michel, « Information et
Éducation en Milieu Rural : Exemple du Centre-Sud »,
Mémoire de Licence en Sciences et Techniques de l'Information,
Yaoundé, ESSTI, 1973.
Ikelle, Rose, « Les Émissions
Éducatives de Radio-Cameroun : Quels Problèmes et quel
Impact? Le cas du Poste National », Mémoire de Maîtrise
en Sociologie, Université de Yaoundé, Septembre 1985.
Kanna, E., « Audience de la Télévision
et Changements Socio-Culturels en milieu rural : Le cas de
Messondo », Mémoire de Diplôme de Journalisme, ESSTI,
Yaoundé, 1989.
Kulakon, A., « Development Communication and the
Agency for International Development (1962-1982) », Thèse de
Doctorat, Université de Washington D. C., 1983.
Massaga, Paul, Bernard, « Radio-Cameroun : Un
fonctionnement difficile : L'Exemple du Poste National »,
Mémoire de Journalisme, ESIJY, Yaoundé, 1980.
Mbendé, J., « La Publicité et le
Financement de la Radio-Télévision au Cameroun »,
Mémoire de Diplôme de Journaliste Spécialiste, ESSTI,
décembre 1989.
Mbida, Albert, « Radio-Cameroun et son
auditoire : La rupture », Mémoire du Diplôme
Supérieur de Journalisme, ESIJY, octobre 1973.
Ngo Mbila, Marie-Esther, « La Radiodiffusion au
Cameroun entre 1941 et 1962 : Approche Historique »,
Mémoire de Maîtrise en Histoire, Université de
Yaoundé, 1986.
Nka, J. M., « La Longue Gestation de la
Télévision Camerounaise, Mémoire de
journalisme », ESSTI, Yaoundé, 1986.
Nkwo Tokolo, Zachary, « Broadcasting in English
Speaking Cameroon, A General Survey », Mémoire de
Diplôme Supérieur de Journalisme, ESIJY, Yaoundé, Octobre
1975.
Tjade Eonè, Michel, « La Grille des
Programmes Offerts », Mémoire de DEA en Sciences de
l'Information, Paris, Institut Français de Presse, 1981.
Tjadé Eonè, Michel, « Le Radio-Journal
du Cameroun : La Page Nationale malade du Vide de son Contenu »,
Mémoire IFP, Paris, Institut Français de Presse, 1982.
II.2. THÈSES
Biyitti bi Essam, Jean Pierre, « Une Radio
Régionale Africaine et son Public : Analyse d'un
Divorce », Thèse du Doctorat de 3è Cycle en Sciences de
l'Information et de la Communication, Université de Paris 7, juin 1984.
Chindji, P. P., « L'Utilisation des Productions
Audiovisuelles Étrangères par des Organismes de
Télévision d'Afrique Française », Thèse
de Doctorat en Sciences de l'Information, Régime de 1984,
Université de Paris II, 1986.
Djuidjeu, M., « Mass-média et
Développement : Les élèves de Yaoundé face
à la Vidéocassette », Thèse de Doctorat de
3ème cycle en Sociologie, Université de
Yaoundé, 1987.
Ndembiyembé, P. C., « Le Régime
Juridique des Médias au Cameroun (presse écrite et radio de 1960
à 1982) », Thèse de Doctorat de 3ème
cycle en Sciences de l'Information, Université de Paris II, 1984.
Shafik Said, « L'Encadrement Juridique de
l'Information dans le Contexte Africain », Thèse de Doctorat
en Droit, Université de Paris II, 1983.
III-ARTICLES DE REVUES ET DE JOURNAUX
Éducation 2000, « Audiovisuel,
Communication », Pédagogie, Ma Radio, n°75006,
Paris 3, Rue de l'Abbaye, 1979, pp.9-11.
Fondation Friedrich Herbert Stiffung, African Media
Barometer-Cameroon, Édition 2008, p.12.
Guide du Producteur TV, « TV Mode d'Emploi
90 », Édition Dixit, Paris, avril 1990, p.4.
Titi Nwel, P., « Mutations sociales et vie
communautaire », in Annales de la Faculté des Lettres et
Sciences Humaines, Vol.1, n°1, Université de Yaoundé,
janvier 1985, p.22.
Bekombo, M., « Messages radiophoniques et auditoires
africains », Radio-Télé-Tribune (OCORA),
n°2, novembre 1965, p.11.
Bemba, Sylvain, Radio-AEF, « 2000 heures sous les
ondes, un bilan prometteur », France Outre-Mer, n°344,
juillet 1958, pp.5-9.
Chindji-Kouleu, Ferdinand, « Radiodiffusion du
Cameroun et culture nationale », Fréquence-Sud,
n°3, ESSTI, 1982, p.20.
Ngangué, André, « L'éducation
populaire par la radio en Afrique et Madagascar »,
Radio-Télé-Tribune, n°7, avril 1966, pp.3-6.
Schaeffer, Pierre, « Le projet d'une radio
Outre-Mer », France Outre-Mer, mai 1953, p.27-28.
La Gazette, n°500, 17 avril 1984, p.2.
IV-RAPPORTS
Bureau d'Etudes de la Direction de la radiodiffusion,
Rapport d'enquête sur l'audience de la radio à
Yaoundé, 1983, p.15.
Direction générale de la CRTV, Rapport sur
la nouvelle grille des programmes, avril 1989, pp.5-7.
Eva-Maria, Hans K., Eschborn, Rapport d'évaluation
de l'état d'avancement du projet et des besoins en personnels de la
future télévision en République Unie du Cameroun,
1983, pp.12-19.
Mendo Ze, Gervais, Rapport sur l'état des dettes de
la CRTV, 31 mars 1989, p.8.
Tchiénéhom, J.V., Rapport à Monsieur le
Ministre de l'Information et de la Culture, 1979-1980, pp.23-29.
V-SOURCES ORALES
N°
|
Noms et Prénoms
|
Âges
|
Statuts sociaux
|
Dates et
lieux d'entretiens
|
1
|
Binéli François
|
61 ans
|
Consultant en Économie
|
13 janvier 2010 à Yaoundé
|
2
|
Bodo Justin
|
70 ans
|
Producteur de cacao
|
02 novembre 2009 à Okola
|
3
|
Boyomo Charles
|
63 ans
|
Communicateur
|
10 août 2010 à Yaoundé
|
4
|
Ebodé Innocent
|
40 ans
|
Journaliste
|
7 février 2010 à Yaoundé
|
5
|
Enama Louis-Marie
|
66 ans
|
Vérificateur
|
02 Février 2010 à Yaoundé
|
6
|
Eroumé Joseph
|
61 ans
|
Enseignant d'ENIEG
|
5 mai 2010 à Yaoundé
|
7
|
Essomba Symphorien
|
62 ans
|
Patriarche
26 aout 2010 à du fo
|
6 janvier 2010 à Yaoundé
|
8
|
Ewodo André
|
66 ans
|
Technicien de radio
|
25 décembre 2010 à Yaoundé
|
9
|
Ibrahim
|
29 ans
|
Journaliste
|
24 mai 2007 à Yaoundé
|
10
|
Mbah Onana Labatut
|
60 ans
|
Enseignant de Langue française (E.N.S.)
|
17 avril 4011 à Yaoundé
|
12
|
Mbarga Thierry
|
33 ans
|
Enseignant de Géographie
|
27 août 2010 à Yaoundé
|
13
|
Njawé Pius
|
53 ans
|
Journaliste
|
12 février 2010 à Yaoundé
|
17
|
Noah Anicet Daniel
|
58 ans
|
Enseignant de radio (E.S.S.T.I.C.)
|
31 août 2010 à Yaoundé
|
19
|
Onana Belibi Franck Longin
|
La trentaine révolue
|
Animateur social
|
06 janvier 2010 à Yaoundé
|
20
|
Ondoa Ondoa Augustin
|
71 ans
|
Enseignant retraité
|
26 janvier 2010 à Yaoundé
|
21
|
Onguéné Cyriaque
|
44 ans
|
Pasteur pentecôtiste
|
25 mai 2010 à Yaoundé
|
22
|
Tah Raphael
|
62 ans
|
Homme politique
|
15 janvier 2010 à Yaoundé
|
23
|
Tsala Tsala Célestin Christian
|
39 ans
|
Enseignant d'Histoire (Université de Yaoundé
I)
|
16 juin 2009 à Yaoundé
|
24
|
Zogo Guy
|
43 ans
|
Enseignant d'Histoire
|
25 juillet 2009 à Yaoundé
|
VI-SOURCES WEB
Abé Claude, « Espace public et recomposition de
la pratique politique au Cameroun », article disponible à
l'adresse
http://www.polis.sciencespobordeaux.fr/vol13n1-2/abc.rtf,
consulté le 29 octobre 2010.
Ministère français de l'enseignement
supérieur et de la recherche, « La radio en Afrique noire
d'expression française », article disponible à
l'adresse
http://www.persee.fr/web/revue/home/prescript/author/auteur_comm_62,
consulté le 13 octobre 2010.
Fogue Kuaté A. Francis,
« Décentralisation politique et décentralisation
radiophonique », article disponible à l'adresse
http://fr.allafrica.com/Cameroon/,
consulté le 02 novembre 2011.
Ilboudo Jean-Pierre, « Histoire et évolution
de la radiodiffusion en Afrique noire, rôles et usages »,
article disponible sur disponible à l'adresse
http://www.fao.org/docrep/003/x6721f/x6721f01.htm#opOfPage,
consulté le 13 avril 2010.
Fogue Kuaté A. Francis, « La situation de la
radiodiffusion de service public dans la partie septentrionale du Cameroun
avant l'inauguration de l'émetteur de la B.B.C. à
Garoua », article disponible à l'adresse
http://francisfogue.blog4ever.com,
consulté le 03 novembre 2010.
Le Quid, Atlas économique mondial 2007, Nouvel
Observateur, « Cameroun », disponible à l'adresse
http://www.Studentsoftheworld.info/
infopays /comm_fr.php ? CODEPAYS=CAM, consulté le 04
janvier 2009.
World Fat Book, « Cameroon », document
disponible à l'adresse
http://www.studentsoftheworld.infopays/wfb.php3?CODEPAYS=CAM.,
consulté le 04 janvier 2009.
Wikimedia Cosmos, « Le Cameroun », article
disponible sur le site
http://fr.wikipedia.orgCamerounmw-head,
consulté le 06 novembre 2010.
Ambassade de France au Cameroun, « Paysage
médiatique camerounais », document disponible sur le site
http://www.ambafrancecm.org/france_Cameroun/spip.php?ubrique
3, consulté le 28 avril 2010.
Groupe Cameroon Online, « Communication : une
réflexion sur la gestion des fréquences de
radiodiffusion », article disponible sur le site
http://www.twmicronics.com/index2.php?cible=70,
consulté le 16 mai 2009.
Agence Internationale de la Francophonie,
« République du Cameroun », document disponible sur
le site
http://www.tlfq.ulaval-ca/axl/francophonieacc-htm,
consulté le 12 décembre 2008.
Azedcom Medias, « Le Cameroun, la fin d'une
génération », document disponible sur le site
http://www.icicemeac.com/index.php ?
Option=com_contenté&view=front page&Itemid=24,
consulté le 24 octobre 2010.
ANNEXES
ANNEXE I : LES ORIGINES DE LA RADIODIFFUSION
Les origines de la radiodiffusion semblent contemporaines
à celles des télécommunications par ondes. Le terme radio
était connu auparavant sous le nom la T.S.F. En 1987, l'Allemand
Heinrich Hertz découvrit les ondes. À celles-ci, il léga
son nom (ondes hertziennes). Ses travaux permirent à l'Italien Gugliemo
Marconi d'inventer la radio. En exploitant les théories émises
jusque -là, Marconi réalisa en 1895 les premières
transmissions sans fil à distance, par signaux hertziens. Grâce
à l'invention du radio-conducteur, par le Français Edouard
Branly, les transmissions sur de longues distances furent rendues possibles.
Dès l'année 1920, la radio prit un essor
remarquable aux États-Unis, et devint un moyen effectif de diffusion
collective. En effet, le 02 novembre 1920, la station de la Pittsburgh,
appartenant à la Westinghouse Electric and Manufacturing Company, assura
un reportage sur l'élection présidentielle américaine du
candidat républicain Warren G. Harding. Ainsi, la radiodiffusion apparut
comme un moyen d'information politique. En juillet 1921, la diffusion, par la
station de R.C.A., à Honeken , du combat de boxe, opposant Dempsey
à Carpentier, marqua l'intervention de la radio dans la retransmission
des activités sportives158(*). Deux ans après les États-Unis,
l'Europe exploita la radiodiffusion pour le grand public. En 1922, le speaker
français Marcel Laporte présenta les premières
informations transmises par la radio, à partir de la Tour Eiffel. La
B.B.C., quant à elle, inaugura, la même année, son propre
journal parlé.
ANNEXE II : PRINCIPALES LANGUES NATIONALES
UTILISÉES SUR LES ANTENNES DE RADIO-CAMEROUN POUR LA
PUBLICITÉ
STATION DE DOUALA
Douala
Ewondo
Basaa
Bamiléké
STATION DE YAOUNDÉ
Ewondo
Basa'a
Bafia
Bamiléké
STATION DE BAFOUSSAM
Bafoussam
Dschang
Bafang
Bamoun
Mboh
STATION DE BERTOUA
Maka
STATION DE GAROUA
Haoussa
Arabe Choa
Toupouri
Fulfulde
STATION DE BAMENDA
Mungaka
Ngemba
STATION DE BUEA
Bakoueri
Banwa
Bakossi
ANNEXE III : RÉSEAU NATIONAL DE
RADIODIFFUSION
PUISSANCES O.C. ET FRÉQUENCES DES
ÉMETTEURS
CHAÎNES
|
PUISSANCES O.C. ET FRÉQUENCES DES
ÉMETTEURS
|
FRÉQUENCES
|
JOURS
|
NUITS
|
8h 30 - 17 h 30
|
17 h 30 - 8 h 30
|
POSTE NATIONAL
|
100
|
6060 (49 m)
|
4850 (60 m)
|
CHAÎNE INTERNATIONALE
|
100
|
9745 (31 m)
|
9745 (31 m)
|
RADIO CENTRE-SUD
|
30
|
7290 (41 m)
|
4972,5 (60 m)
|
|
|
|
|
RADIO-GAROUA
|
100
|
7240 (41 m)
|
5010 (60 m)
|
RADIO-BERTOUA
|
20
|
7165 (41 m)
|
4750 (60 m)
|
RADIO-BUEA
|
2 x 4
|
6005 (49 m)
|
3970 (75 m)
|
RADIO- BAFOUSSAM
|
20
|
5940 (49 m)
|
3395 (90 m)
|
RADIO-DOUALA
|
100
|
7150 (41 m)
|
4795 (60 m)
|
RADIO-BAMENDA
|
0
|
-
|
-
|
Source 159(*)
ANNEXE IV : PROGRAMMES PERMANENTS DES
ÉMISSIONS DIFFUSÉES EN FRANÇAIS PAR RADIO-BRAZZAVILLE EN
1954
LUNDI
|
La vie à Paris
|
7 h
|
La parade des sports
|
12 h 30 13 h 19 h 30
|
Les à-côtés de l'actualité
|
2 h 15
|
Politique interne ou étrangère
|
19 h 30
|
Le ¼ h des Nations-Unies
|
11 h 30 0 h 45
|
L'Université des ondes
|
18 h 35 0 h 15
|
MARDI
|
La mode et les boutiques
|
2 h 15 7 h
|
Chronique de France
|
12 h 30 18 h 22 h 15
|
Politique intérieure et étrangère
|
19 h 30
|
Union Française
|
12 h
|
|
Les Français à l'Étranger
|
7 h 20 17 h 15
|
MERCREDI
|
Paris cinéma
|
2 h 15 7 h
|
Un fait dans la semaine
|
12 h 30 18 h 22 h 15
|
Chronique de France
|
2 h 15
|
Politique intérieure ou
étrangère
|
19 h 30
|
Union Française
|
1 h 30
|
Les Français à l'Étranger
|
1 h 15
|
Aux 4 vents
|
12 h 23 h
|
L'Université des ondes
|
18 h 30 0 h 15
|
JEUDI
|
Chronique des livres
|
2 h 15 7 h
|
La vie en France
|
12 h 30 18 h 22 h 15
|
Un fait dans la semaine
|
2 h 15
|
Politique intérieure
ou étrangère
|
19 h 30
|
VENDREDI
|
Actualité scientifique et médicale
|
2 h 15 7 h
|
la vie à l'Étranger
|
12 h 30 22 h 15
|
Politique intérieure et étrangère
|
19 h 30
|
La mer et l'Outre-Mer
|
21 h 15
|
L'Université des ondes
|
18 h 35 0 h 15
|
Parole de France
|
11 h 30 17 h 15 23 h
|
SAMEDI
|
Vedette et chansons
|
2 h 15 7 h
|
Week-end sportif
|
12 h 30 18 h
|
Actualité parlementaire
|
21 h 30 22 h 15
|
Politique intérieure et
étrangère
|
19 h 30
|
La vie à l'étranger
|
2 h 15
|
Mer et Outre-Mer
|
1 h 30
|
DIMANCHE
|
La vie intellectuelle
|
21 h 15 7 h
|
Les à-côtés de l'actualité
|
12 h 15 18 h 22 h 15
|
Revue de presse économique
|
19 h 30
|
ANNEXE V : PROGRAMME PERMANENT DES PRINCIPALES
ÉMISSIONS DE RADIO-A.E.F. MIS AU POINT LORSQUE LA SO.RA.FOM. PRIT EN
CHARGE SON FONCTIONNEMENT EN 1957
18 h
|
Début des émissions
|
18 h - 18 h 30
|
concert des disques demandés
|
18 h 30
|
Je sais tout
|
18 h 50
|
la vie de l'A.E.F.
|
19 h
|
Africain, quel est ton métier
|
19 h 15
|
Chroniques sportives
|
19 h 20
|
Émissions religieuses
|
19 h 30
|
Journal parlé en français
|
19 h 45
|
Nouvelles africaines
|
20 h
|
Actualité magazine
|
20 h 15
|
La frontière éthérée
|
21 h 30
|
Fin des émissions
|
Pour des préoccupations éventuelles,
bien vouloir contacter l'auteur du document au
numéro de téléphone suivant :(+237) 99 00 78 97
* 1 Puissances administrantes
chargées d'assurer la gestion des territoires sous mandat de la S.D.N.
née en 1919.
* 2 Une possession de L'O.N.
U. dont la gestion était confiée à une ou plusieurs
puissances.
* 1 Ensemble des ressources
financières mobilisées à l'initiative de
l'Assemblée Nationale Française dès 1946 pour assurer le
développement économique et social des colonies.
* 3 J.P. Biyitti bi Essam,
« Une Radio Régionale Africaine et son Public, Analyse d'un
Divorce », Thèse de Doctorat de 3è cycle en Sciences de
l'Information et de la Communication, Université de Paris 7, 7 juin
1984, p.30.
Le terme « régionalisation » pourrait
avoir pour synonyme « provincialisation ».
* 4 Charles de Gaulle,
« Discours et messages (1940-1946) », Paris, Levrault,
1946, p.p.9-11
* 5 Ahidjo Ahmadou,
Anthologie des discours, 1957-1979, Dakar, Nouvelles éditions
africaines, 1980, p.185.
* 6 La notion de paix est en
effet complexe. La paix renvoie ipso facto à l'absence de guerre. Mais
il existe des guerres idéologiques qui relèvent des guerres non
violentes et des conflits armés relatifs aux guerres violentes. Si le
Cameroun s'est impliqué de manière directe dans la guerre froide,
et a connu plusieurs fois des mouvements de revendication, notamment les
« villes mortes » de 1991, et que les témoins de
première génération de cette période affirment un
certain dégoût contre le système en place à cause de
sa rigidité exceptionnelle, il est possible d'affirmer sans risque de se
tromper que le pays n'a pas été totalement un pays de paix entre
1961 et 1990, même s' il est évident que la durée et
l'ampleur des affrontements qui y ont eu cours n'ont été
qu'éphémères.
* 7 La radio nationale
étant un médium d'État, elle est destinée à
promouvoir la politique du Gouvernement. Les radios privée quant
à elles donnent un son de cloche autre que la radio du pouvoir et
permettent ainsi d'asseoir l'objectivité de l'information.
* 8 C'est en effet à
cette date qu'ont été adoptés l'hymne national, la devise
et le drapeau. C'est aussi à cette date que le Cameroun a eu son premier
premier ministre, André Marie Mbida.
* 9 La bonne gouvernance est
entendue comme la gestion en toute transparence et dans l'efficacité des
affaires publiques, dans le respect des normes démocratiques. Le
principe est né de la crise économique mondiale des années
1980, et avait été imposé par les institutions
financières internationales (F.M.I., B.M.) comme condition de l'aide au
développement des pays pauvres.
* 10 V. Ngah Ndongo, Les
médias au Cameroun, Paris, L'HARMATTAN, 1993, pp. 10-25.
* 11 F. Bebey, La
radiodiffusion en Afrique noire, Paris, Issy-les-Moulineaux (Seine),
Avenue de Verdun, 1963, pp.69-163.
* 12 M. Tjade Eonè,
Radios, Publics et pouvoir au Cameroun, utilisations officielles et besoins
sociaux, Paris, L'HARMATTAN, 1986, pp. 111-247.
* 13 A. Mbida,
« Radio-Cameroun et son auditoire : la rupture »,
Enquête réalisée en vue de l'obtention du D.S.J.,
Yaoundé, E.S.I.J.Y., octobre 1973, pp. 23-60.
* 14 A. J. Tudesq, Les
médias en Afrique, Paris, Ellipses, 1999, pp. 5-6.
* 15 J.P. Biyiti bi Essam,
« Une radio régionale africaine et son public »,
Thèse de doctorat de 3è cycle en Sciences de l'information et de
la communication, Université de Paris 7, Juin 1984, pp.6-18.
* 16 Z. Nkwo Tokolo,
«Broadcasting in English-Speaking Cameroon, a general survey»,
Mémoire de Licence en Journalisme, Yaoundé, ESIJY, 1975, pp.
21-48.
* 17 R. Ikelle, « Les
émissions éducatives de Radio-Cameroun : quels
problèmes et quel impact ? Le cas du Poste national »,
Mémoire de Maîtrise en Sociologie, Yaoundé,
Université de Yaoundé, Septembre 1985, pp. 4-5.
* 18 M. E. Ngo Mbila,
« La radiodiffusion au Cameroun entre 1941 et 1990 : approche
historique », Mémoire de Maîtrise en Histoire,
Yaoundé, Université de Yaoundé, 1986, pp. 11-46.
* 19 Léonard
Israël Sah, 58 ans, enseignant d'Histoire, Université de
Yaoundé I, Yaoundé, 19 avril 2009.
* 20 ANY, 1.AC.623,
Radio-Stations, équipement de la station radio de Maroua, Garoua,
Ngaoundéré, Batouri et Yaoundé, 1947, pp.13-15.
* 21 Décret du 14
septembre 1954 du Président du Conseil des Ministres français,
Archives Nationales de la République du Cameroun.
* 22 Ibid.
* 23 Michel Tjadé
Eonè, « L'Audience de la radio au Cameroun, Les publics de
Douala : attitude, comportements et opinions », Thèse de
Doctorat de 3è cycle en Sciences et Techniques de l'Information et de la
Communication, vol.1, juin 1984, p. 481.
* 24 M. Delettre, Ancien
Directeur de Radio-Douala, in J.P. Biyiti Bi Essam, « Une Radio
Régionale Africaine et son Public, Analyse d'un Divorce »,
Thèse de Doctorat de 3è cycle en Sciences et Techniques de
l'Information et de la Communication, Université de Paris 7, 1984, p.
8.
* 25 ANY, 3.AC1465, relations
entre la radiodiffusion française avec les territoires d'Outre-Mer,
1948-1953, pp.4-7.
* 26Accord de Tutelle, in
Daniel Abwa, Commissaires et Hauts-Commissaires français au Cameroun
(1916-1960), Yaoundé, Presses de l'Université Catholique
d'Afrique Centrale, 1998, p.15-16.
* 27 Les Camerounais,
à l'instar des populations africaines en général,
s'étaient longtemps accoutumés à la transmission
d'informations et d'idées par l'oralité, et la radiodiffusion
semblait être le moyen de communication le plus adapté à ce
contexte à l'époque coloniale.
* 28 Soucadeaux, Gouverneur
du Cameroun, Déclaration devant l'A.R.CAM., in A. Kwa Mbanga, La
Radiodiffusion dans le Processus de Développement,
Bry-sur-Marne, I.N.A., Polycopié, 1980, p.40.
* 29 A N Y., 1.AC. 7548,
Radiodiffusion de Commandement, Extension, 1955, p.3-6.
* 30 Nom donné
à l'organisation politique et sociale des peuples du Nord-Cameroun,
organisation axée sur un pouvoir et une autorité absolus du Chef
sur ses sujets.
* 31 Programme des radios
régionales au Cameroun.
* 32 Le premier gouvernement
camerounais avait été formé avant la fin du système
de tutelle, suite à la mise en oeuvre de la Loi-Cadre de Gaston
Défferre en 1957, donnant au pays une autonomie interne et la
possibilité de créer ses institutions politiques.
* 33 Deni, B., P., et
Lecomte, Sociologie du Politique, Tome II, Grenoble, P.U.G. 1999, p.
106.
* 34 Francis A., Fogue
Kuate, « La situation de la Radiodiffusion de service public dans la
partie septentrionale du Cameroun avant l'inauguration de l'émetteur de
la B.B.C. à Garoua », in Le Messager, n° 2633, 16 juin
2008, p. 9.
* 35 D. Abwa, Commissaires
et Hauts-commissaires Français au Cameroun, Yaoundé, Presses
de l'Université Catholique d'Afrique Centrale, 1998, p. 51.
* 36 Ondoa Ondoa Augustin,
71 ans, Enseignant retraité, Yaoundé, 26 janvier 2010.
* 37 Ayant acquis des
notions de liberté dans les écoles européennes, les
intellectuels camerounais aspiraient à libérer le
pays de la domination coloniale.
* 38 Entretien avec
Augustin Ondoa Ondoa, 71 ans, Enseignant retraité, Yaoundé, 26
janvier 2010.
* 39 Eroumé Joseph,
61 ans, Professeur d'ENIEG du Cameroun, Yaoundé, 05 janvier 2010.
* 40 Ondoa Ondoa
Augustin,...05 janvier 2010.
* 41 Document de l'Agence de
Coopération Culturelle et Technique (A.C.C.T.), Vers une radio
rurale locale africaine , Paris, n° 2818, 1993, p.16.
* 42 Le
sous-développement est entendu comme le déséquilibre entre
la croissance trop faible des ressources et la croissance trop rapide de la
population. Un pays est dit sous-développé lorsqu'il ne parvient
à subvenir aux besoins fondamentaux de ses hommes. Il se
caractérise alors par la misère et la pauvreté
généralisées.
* 43 Mankiewicz, La
Radio-Télévision au Service de l'éducation des
adultes : les Leçons de l'expérience mondiale, Paris,
UNESCO, 1972, p.33.
* 44 La population du
Cameroun, au lendemain de son indépendance, était majoritairement
analphabète. Il existait des régions mieux lotis en
équipement éducatifs que d'autres. Ce qui entrainait une
alphabétisation poussée de certaines d'entre elles (la
région du Centre par exemple) au détriment des autres (la
région du Nord par exemple). Cela entrainait des risques qu'il n'y ait
à des postes de responsabilité que des ressortissants des
régions les plus avancées en matière
d'alphabétisation. D'où l'adoption par le Président Ahidjo
du système d' « équilibre
régional » qui tendait à assurer une meilleure
représentativité de toutes les régions, et à taire
les idées de révolte, ce d'autant plus que la politique du
Gouvernement consistait à cette période en la recherche de
l'unité du pays .
* 45 Ahmadou Ahidjo,
Anthologie des discours politiques, T. 2, Paris, Les nouvelles
éditions Africaines, 1980, p. 918.
* 46 M. Tjadé
Eonè, Radio, publics et pouvoir au, p.132.
* 47 Journal de portée
nationale, dont la dénomination avait cédé place à
la « Cameroon-Tribune ».
* 48 Augustin Ondoa Ondoa, 71
ans, Enseignant retraité, Yaoundé, 26 janvier 2010.
* 49 M. Tjadé
Eonè, Radio, publics et pouvoir au, p. 133.
* 50 Discours
prononcé par Ahmadou Ahidjo, lors de l'inauguration des nouvelles
installations de Radio-Cameroun à Yaoundé, le 3 janvier 1980.
* 51 Assemblée
Générale des Nations-Unies, Déclaration
Universelle des Droits de l'Homme, in A. Mbida, Radio-Cameroun et son
auditoire : la rupture, Mémoire de D.S.J., Yaoundé,
Université de Yaoundé, Octobre 1973, p. 28.
* 52 IKELLE Rose,
« Les émissions éducatives de Radio-Cameroun :
quels problèmes et quel impact? Le cas du poste national »,
Mémoire de Maîtrise en Sociologie, septembre 1995, p.4.
* 53 I. Waniewics, La
Radio-Télévision au service de l'éducation des
Adultes : les leçons de l'expérience mondiale, Paris,
UNESCO, 1972, p. 11.
* 54 M. Tjadé
Eonè, Radio, publics et, p. 50.
* 55 A.Mbida,
« Radio-Cameroun et son Auditoire : la rupture »,
Mémoire de Licence en Sciences et Techniques de l'Information et de la
Communication, E.S.I.J.Y., Yaoundé, octobre 1973, p.4.
* 56 P. Biya, discours de
politique générale, congrès de l'UNC, Bamenda, 1985.
* 57 Entretien avec Daniel
Anicet Noah, 58ans, Enseignant de journalisme à l'E.S.S.T.I.C., et
consultant international, Yaoundé, 15 octobre 2010.
* 58 Entretien avec Raphael
Tah, 62 ans, Cadre au Comité Central du R.D.P.C., Yaoundé, 5
janvier 2O1O.
* 59 Agence de
coopération culturelle et technique, « Vers une radio rurale
africaine », n°2818, Paris, 1993, p.19.
* 60 Terme utilisé par
les Français pour désigner les ténors de l'U.P.C.
évoluant dans la « clandestinité »,
après son interdiction en 1955.
* 61 Amadou Ahidjo, in
l'A.P.F., « Bulletin d'Afrique », n°5795,
1er octobre 1965, p.7.
* 62 Roger Owona,
« La Radio au Cameroun : 40 ans d'Histoire », Cameroon
Tribune, n°4064, Yaoundé, SO.PE.CAM., 28 janvier 1988, p. 8.
* 63 Entretien avec
Léonard Israël Sah, 63 ans Conseiller technique au Ministère
de la communication, Maître des Conférences au Département
d'Histoire de l'Université de Yaoundé I, et Historien des
médias, Yaoundé, le 16 avril 2008.
* 64 Roger Owona, Ibid.
* 65 Les populations de la
région anglophone se sentaient lésées par le Gouvernement.
Certes, le Cameroun après la réunification, avait adopté
un système fédéral, avec deux États
fédérés, à savoir l'État
fédéré du Cameroun francophone, et l'`Etat
fédéré du Cameroun anglophone, et un État
fédéral, il reste réel que les institutions de
l'État fédéral étaient gérées, pour
la plupart, par les Camerounais francophones, et l'essentiel des ressources
allaient à ceux-ci.
* 66 R. Clausse, in J.
Cazeneuve, Émissions, 1972, pp. 190-192.
* 67 Un exemple de mot
d'ordre du Parti : « Les plus égoïstes parmi nous
doivent au moins avoir la conscience aigüe que personne dans ce pays ne
peut se baser sur une seule tribu ou un groupe ethnique pour réaliser
quoi que ce soit de durable, d'efficace et de stable ». Le mot
d'ordre est de P. Biya, Président de la République et
Président national du Parti, lors de ses visites officielles dans les
anciennes provinces du Nord et du Centre-Sud, Garoua et Yaoundé, le 04
mai et 11 juin 1983.
* 68 Albert Mbida,
« Radio-Cameroun et son auditoire, La rupture »,
Mémoire de D.S.J., E.S.I.J., Yaoundé, octobre 1973, p.7.
* 69 Amadou Ahidjo,
Anthologie des, p.922.
* 70 Zachary Nkwo Tokolo,
«Broadcasting in English Speaking Cameroon, A General Survey»,
Mémoire de License en Journalisme, E.S.I.J.Y., Yaoundé, 1975, p.
26.
* 71 Zachary Nkwo Tokolo,
ibid.
* 72 Zachary Nkwo Tokolo,»
Broadcasting in...», p. 27.
* 73 M. Tjadé
Eonè, Radio, publics et pouvoirs au, p. 132.
* 74 J. Stoetzel, Les
fonctions de la presse à coté de l'information, in F. Balle,
Médias et société, Paris, Montchrestien, 1984,
p.561.
* 75 E. Morin, L'esprit du
temps, Paris, vol. 1, 1976, p. 248.
* 76 Ibid.
* 77 L. Barbedette et al. , in
« La radio et les jeunes », R.F.I., Les dossiers de
multiplex, 1979, p. 112.
* 78 G. Robert, La
production radiophonique, Paris, R.F.I., 1980, p.204.
* 79 M. Tjadé
Eonè, Radios, publics et, p. 141.
* 80 Entretien avec Longin
Franc Onana Belibi, Animateur social, la trentaine révolue,
Yaoundé, 26 août 2010.
* 81 Le disque des auditeurs
était diffusé avec succès aussi bien dans les tranches
d'antenne en langue anglaise que dans celles en langues nationales.
* 82 Voir vocabulaire.
* 83 Il s'agissait du
tam-tam, néologisme utilisé par les colons européens, et
représentant une simple reproduction du bruit d'un instrument de musique
africain, appelé « Mbè » en langue basaa,
façonné à l'aide d'un tronc d'arbre au coeur
évidé, dont l'une des extrémités est recouverte
d'une peau tannée.
* 84 C.D. Ilunga, in
« Tambour-téléphone en Afrique centrale », La
voix du Congolais, n°134, mai 1957, pp. 339-340.
* 85 P.M.A. Omarhi, in
« T.S.F. indigène au Maniema », La voix du
Congolais, n°123, juin 1956, pp.408-409.
* 86 B. Voyenne, in La
Presse dans la société contemporaine, Paris, A. Colin, 1962,
p.40.
* 87 J.P. Nana Mvogo,
« Le tam-tam, quatrième médium de la forêt
africaine », Mémoire de Diplôme de l'É.S.J. de
Lille, 1979, p.27.
* 88 La portée du
message tambouriné était estimée à une vingtaine de
kilomètres par les griots. Cependant, elle pouvait atteindre 50
kilomètres, lorsque l'instrument était de bonne qualité,
c'est-à-dire taillé dans du bois de référence,
installé sur un tertre, et lorsque la transmission avait lieu le soir,
après l'orage de l'après-midi. La transmission pouvait avoir une
potée encore plus grande, lorsqu'elle servait de relais de village
à village.
* 89 Le terme
« ndan » était utilisé dans certaines langues
bantoues du Sud-Cameroun, notamment le Bassa et le Beti. Il signifiait
« devise ». Le terme « nku » quant
à lui désignait le support de la communication,
c'est-à-dire le tambour d'appel.
* 90 Lire l'échantillon
de l'enquête réalisée en avril 1983 par Tjadé
Eonè.
* 91 Ibid.
* 92 Article 34 du
décret n°72/425 du 28 août 1972, portant organisation du
MIN.I.C.
* 93 Michel Tjadé
Eonè, Radio, publics et pouvoirs au, p.88.
* 94 Enquête menée
en 1983 par M.Tjade Éonè.
* 95 Ibid.
* 96 Entretien avec
Raphaël Tah, Cadre au Comité Central du R.D.P.C., 62ans,
Yaoundé, 15 janvier 2010.
* 97 Le Cameroun avait un
régime de parti unique et il n'existait pas de radio d'opposition.
Très peu de Camerounais s'intéressaient à la presse
écrite, en raison de son coût élevé, et du fait de
la non-accoutumance à la lecture. Cependant, il existait une
catégorie de personnes qui lisaient la presse. Il s'agissait
principalement des intellectuels et fonctionnaires disposant de moyens
financiers et conscients de la place de la lecture dans l'édification
mentale et intellectuelle de l'individu, ainsi que dans le succès de
leurs activités professionnelles.
* 98 I. A. Ngounou,
« Cameroun : Coup d'État manqué du 06 avril 1984,
rappel des faits », consulté sur
www.journal.com/article.plip?aid=8555,
le 27 juillet 2011.
* 99 C. Ateba Eyene, Lettre au
Président de la République, consultée sur http//
www.Camer.be/index1.Php?art=18977&rub=6:1,
le 17 juillet 2011.
* 100 Georges Friedman,
« Vingt ans d'indépendance, le succès du
paysan », Le Monde, 03 avril 1980, pp. 11-15.
* 101Célestin Freinet
est né en 1896 et décédé en 1966. Il fut l'un des
promoteurs d'une pédagogie active qui faisait appel à la
motivation, l'expression, la socialisation, le tâtonnement
expérimental. Après avoir rencontré des
résistances, cette méthode était appliquée dans des
milliers d'écoles de France et d'autres pays.
* 102 Dieudonné Tauzzis
Atangana, « Contribution à l'étude des effets
éducatifs et sociaux de la radiodiffusion au Cameroun »,
Thèse de doctorat de 3ème cycle, 1988, p.198.
* 103 René Leduc, in D.
Tauzzis Atangana, « Contribution à l'étude des effets
éducatifs et sociaux de la radiodiffusion au Cameroun »,
Thèse de doctorat de 3è cycle en Sciences de l'information et de
la communication, Paris, 1988, p. 203.
* 2En tant que moyen
d'information populaire, la radio avait une lourde responsabilité. Elle
pouvait démontrer que certaines structures anciennes étaient
à préserver.
* 104 Dieudonné Tazzin
Atangana, « Contribution à l'étude des effets
éducatifs et... », p.209.
* 105 Henri Konnang,
« La liberté de presse au Cameroun », Mémoire
de licence en Droit, université fédérale du Cameroun,
Yaoundé, année universitaire 1971 /1972, p. 36.
* 106 Cette loi abroge
l'ordonnance n°60/5 du 20 janvier 1960 portant création d'une
agence camerounaise de presse.
* 107 Ibid.
* 108 P. Cadenat, La
France et les Tiers-Monde, Vingt ans de coopération
bilatérale, Paris, La documentation française, Notes et
études documentaires, 1983, p. 57.
* 109 Article 3 al.2 de la
Convention de coopération radiophonique entre le Cameroun et la France,
pp. 648-649.
* 110 Georges Pompidou,
Premier ministre français, Discours à l'Assemblée
Nationale Française, Journal Officiel du 10 juin 1964, p. 1785.
* 111 Yvon Bourges,
Secrétaire d'État aux affaires étrangères,
chargé de la coopération devant l'Assemblée, Discours
prononcé le 25 octobre 1967, in Edmond Jouve, Relations
Internationales du Tiers-Monde, Paris, Berger-Levrault, 1976, p.318.
* 112 A. J. Tudesq, La
radio en Afrique noire, Paris, Pédone, 1983, pp. 131-132.
* 113 Cinq grandes agences
dominaient le marché mondial de la collecte et de la vente des
informations à l'échelle internationale. L'une était
soviétique, et était appelée « Agence
T.A.S.S. » Les quatre autres appartenaient à l'Occident :
deux américaines, respectivement « Associated
Press » et « United Press International » ;
une britannique, à savoir « Reuter », et l'autre
française, appelée « Agence France Presse »,
la plus ancienne.
* 114 H. Pigeat,
« La situation juridique internationale des agences de
presse », in Colloque de Strasbourg, La circulation des
informations et le droit international, Paris, Armand Pedore, 1978, pp.
295-319.
* 115Henri Pigeat,
« La situation ... », pp. 295-319.
* 116En ce qui concerne les
clauses de cet accord définissant le cadre théorique
d'échanges de programmes entre les deux pays, voir le volume 1 de la
thèse de Michel Tjadé Eonè, p.396. Lire aussi le texte
intégral de la Convention de coopération radiophonique figurant
dans les annexes du volume 2 de thèse du même auteur, p. 647.
* 117 Patrick Cadenat,
«La France et le Tiers-Monde, Vingt ans de coopération
bilatérale », La documentation française,
n°4701-4702, 14 janvier 1983.
* 118 Rapport Jeanneney,
« La politique de coopération avec les pays en voie de
développement », Paris, la documentation française,
1964, p. 62.
* 119 Loi française
du 7 août 1974, « Le régime de la
Radio-Télévision Française », in F. Balle,
« Étude de radio-télévision, R. T. B.
F. », n° 27, Statut, mai 1980, p. 164.
* 120 Les autres organes
spécialisés dans la gestion de la coopération
franco-africaine étaient : le F.A.C., compétent pour
gérer les financements des équipements et la fourniture de
bourses de formation; T.D.F., en charge des installations des émetteurs
et de la fourniture des pièces détachées; l'I.N.C.A.,
chargée de la formation des personnels.
* 121 Cf. Archives de
Radio-France Internationale.
* 122 R.F.I. n'ayant aucun
correspondant permanent au Cameroun, elle pouvait s'approvisionner en
informations locales, seulement par la collaboration volontaire et sporadique
des journalistes de la radio nationale. L'envoie d'éléments de
reportage par ces correspondants occasionnels se faisait à la demande de
R.F.I. qui prenait en charge tous les frais techniques (circuit P.T.T.,
location des cabines), ainsi qu'une pige symbolique pour le correspondant.
* 123 La Gazette n°500 du
17 avril 1984, p.2.
* 124Paul Biya, in Charles
Ateba Eyene, Le Général Pierre Semengue, Toute une vie dans
les armées, Yaoundé, CLE, 2002, pp.124-125.
* 125 Paul Biya, in Charles
Ateba Eyene, Le Général Pierre Semengue..., pp.127-129.
* 126 Entretien avec Augustin
Ondoa Ondoa, Enseignant retraité, 71 ans, Yaoundé, 11 janvier
2010.
* 127 Entretien avec
André Ewodo, 66 ans, membre de l'équipe de la console technique
de la radio nationale, Okola, 25 décembre 2010.
* 128 Les paroles de ce
générique avaient été composées par Marie
Archangelo, artiste-musicien camerounais.
* 129Albert Mbida,
« L'audience de..., » p. 32.
* 130 Michel TJadé
Eonè, Radio, publics et, p.61.
* 131 Entretien avec
Louis-Marie Enama, Ancien Vérificateur, 66 ans, Okola, 2 janvier 2010.
* 132 Allport et Postman,
« The Basic Psychology of Rumor », Traduction
française, in Levy, Textes fondamentaux de psychologie sociale,
Paris, Dunod, 1968, p.16.
* 133 Longin Franck Onana
Belibi, La trentaine révolue, Observateur neutre du fonctionnement des
institutions du Cameroun, Yaoundé, 26 août 2010.
* 134 Thierry Mbarga, 33
ans, Enseignant d'histoire et géographie, Yaoundé, 27 aout 2010.
* 135 M. Tjadé
Eonè, Radio, publics et, p.63.
* 136 Les enseignements
dispensés à l'ESIJY étaient conformes aux canons
occidentaux. L'accent, le style et la forme du papier journalistique, tels
qu'enseignés à l'ESIJY, respectaient les normes
françaises. Ce qui n'était pas du goût des auditeurs de la
radio nationale qui souhaitaient qu'on leur propose des émissions
à la camerounaise. Et les sujets traités lors des cours
magistraux étaient relatifs à l'actualité internationale,
n'abordant que quelques aspects de l'actualité nationale. Ainsi, les
diplômés de l'ESIJY, recrutés comme cadres à
Radio-Cameroun, étaient détournés des objectifs de
développement national assignés à ladite radio.
* 137 Enquête
menée en 1983 par M. Tjade Éonè.
* 1 Radio-Africa n°1
avait en effet été mise en service le 7 février 1981, lors
de l'inauguration des émetteurs de Moyabi. Les studios avaient
été installés à Brazzaville, au Congo.
* 138 Ladite loi avait
consacré le régime de l'autonomie interne au Cameroun. Cela
supposait que les autorités camerounaises pouvaient prendre des
décisions d'utilité publique, sans nécessairement se
référer à la métropole (la France).
* 139 Convention
n°2205 du 27 juillet 1960.
* 140 Convention de
Coopération dans le domaine de la radiodiffusion entre la France et le
Cameroun, publiée dans le Journal Officiel de la République
française du 12 mai 1965, p.15.
* 141 Ahmadou Ahidjo, in
« Anthologie des Discours », Discours d'inauguration de
l'émetteur de 30 kW O.C. de Garoua, 23 juillet 1963, p.304.
* 142 Entretien avec
Louis-Marie Enama, 66 ans, Vérificateur, Okola, 02 février 2010.
* 143 J.P. Biyiti Bi Essam,
« Une radio régionale africaine et ... »,
p.63.
* 144 F. Bebey, La
Radiodiffusion en Afrique Noire, Afrique-Monde, Paris, St. Paul, 1963, p.
162.
* 145 Robert Jean,
Libertés publiques, Paris, Ed. Montchrestien, 1977, p. 469.
* 146 Confer Archives
sonores de la C.R.T.V.
* 147 Mac Bride,
« Voix Multiples », Rapport sur la communication
aujourd'hui et demain, Paris, U.N.E.S.C.O., Nouvelles éditions
africaines, 1980, p.207.
* 148 Lire Benoît
Ngom, Les Droits de l'Homme et l'Afrique, Éd. Silex, 1984, pp.
21-26.
* 149 Charly Gabriel Mbock,
L'intention démocratique, Yaoundé, SO.P.E.CAM., 1985,
pp.8-9.
* 150 Déclaration de
Yaoundé, in « Rapport final de la conférence
intergouvernementale sur les politiques de la communication en
Afrique », Paris, U.N.E.S.C.O., décembre 1980, p.28.
* 151 Michel Tjadé
Eonè, Radio, publics et, p.163.
* 152 F. Ballet,
« Communication sur la position du Tiers-Monde », Colloque
de Strasbourg consacré à la circulation des informations et le
droit international, Paris, A. Pedone, 1978, pp. 55-64.
* 153 Wihiard Johnson,
Camerounologue à l'Institut de technologie de Cambridge aux
États-Unis d'Amérique, ESSTI Forum du 02 fevrier 1985,
p.19.
* 154 André
Célarie, « Radiodiffusion au service du
développement », Les cahiers africains, p.10.
* 155 Lasks Mana Rio,
« La pratique de la grande information », U.N.E.S.C.O.,
Études et documents d'information, 1972, p.28.
* 156Ces deux régions
étaient essentiellement agricoles. Le développement de
l'agriculture ici était favorisé par l'existence d'un climat de
type équatorial, caractérisé par des précipitations
abondantes, des températures un peu moins élevées, et par
des sols humifères.
* 157 Justin Bodo, 70 ans,
producteur de cacao, Okola, 02 novembre 2008. Selon lui, un poste
récepteur coûtait relativement cher, soit au minimum 4000 fcfa.
Les conditions de vie n'étaient certes pas des plus rudes, mais disposer
de suffisamment d'argent liquide relevait d'un luxe.
* 158 Pierre Albert et
André Jean Tudesq, Histoire de la
radio-télévision, Paris, P.U.F., collection
« Que-sais-je ? », n°1904, pp.14-15.
* 159 Archives de
Radio-Cameroun (1982).