Dédicace
A vous qui avez toujours été là, même
lorsque je pensais ne pas avoir besoin de vous ainsi qu'à tous ceux que
j'aime.
Avant-propos
C'est avec un immense bonheur mais également avec un grand
soulagement que nous présentons ce mémoire, qui marque la fin de
nos études de licence. Nous espérons que notre modeste
contribution à la compréhension des problèmes qui minent
notre système universitaire, pourra aider tous ceux qui
s'intéressent à la problématique de la politique de
l'enseignement universitaire dans notre pays.
Nous aimerions remercier notre directeur de mémoire, le
professeur Mabiala Mantuba-Ngoma pour la patience et la compréhension
qu'il a manifestées à notre égard. Nous tenons
également à remercier, nos professeurs, tous ceux qui durant nos
années d'études ont donné de leur temps et de leur savoir
pour notre épanouissement et notre initiation à la recherche
scientifique.
Nous voudrions présenter en particulier notre gratitude au
professeur Tshund'Olela, au professeur Serufuri ainsi qu'au professeur Belepe
pour l'aide qu'ils nous ont accordée durant l'élaboration de ce
travail.
Nous n'oublions pas dans nos remerciements nos chefs de travaux
et assistants pour leur disponibilité ainsi que le personnel
administratif du Département.
Pour clôturer cet avant propos nous tenons à
remercier notre famille et nos amis qui nous ont soutenus durant cette
période de sacrifice :
Notre père le professeur Thomas Maketa Lutete et notre
mère Céline Nkuizulu Mufuta ;
Nos frères et soeurs : Thomas Maketa Lutete Junior,
Vivi Maketa Tevuzula ainsi que son mari Marcus Ngoyi Manionga, Leslie Sabakinu
Lukwikilu et notre nièce Céline Maketa Miakiedika ;
Nos tantes Suzanne Tevuzula Mufuta et Vicky Mufuta Miakiedika
ainsi que leurs maris Mr Clément Lambilotte et le professeur Sabakinu
Kivilu ;
Nos amies Nancy Nswal et Laurène Ntumba Kabengele.
Une pensée particulière est adressée
à notre parrain Joseph Nys, à notre marraine Hilde Lambilotte,
ainsi qu'à leurs familles respectives.
Que tous nos collègues de la promotion reçoivent
également l'expression de notre plus profonde gratitude pour tous les
moments passés ensemble, il s'agit de Charles Mongay, Emery Kalema,
Leslie Sabakinu, Maxime Selemani, Olive Ntantu, Théodore Belesi et
Valentin Cibuabua.
Nous remercions également tous ceux qui, de près ou
de loin, ont contribué à l'élaboration de ce travail et
que nous aurions omis de citer.
Sigles et abréviations
A.M.I. (École) : Ecole des Assistants
Médicaux Indigènes
A.G.E.L. : Association Générale des Etudiants de
Lovanium
BEPUZA : Bureau d'organisations des études pour la
formation des professeurs
universitaire zaïrois
CADULAC : Centre Agronomique De l'Université de Louvain Au
Congo
CANDIP : Centre d'Animation et de Diffusion Pédagogique
CAS : Conseil d'Administration Supérieur
CCFPE : Centre de Coordination pour la Formation Permanente des
Enseignants CECOMAS : Centre de Communication de Masse
CEDAF : Centre d'Etudes et de Développement pour l'Afrique
Centrale
CEDAR : Centre d'Etudes et de Diffusion des Arts CELTA : Centre
de Linguistique Théorique et Appliquée CEPAC : Centre d'Etudes
Politiques en Afrique Centrale
CERDAC : Centre d'Etudes et de Recherches Documentaires pour
l'Afrique Centrale CERP : Centre de Recherche Parapsychique
CERPHA : Centre de Recherche en Philosophie Africaine CERUKI :
Centre de Recherches Universitaires au Kivu CEZEA : Centre Zaïrois
d'Etudes Africaines
CIEDOP : Centre Interdisciplinaire d'Etudes et de Documentation
Politique
CIDEP : Centre Interdisciplinaire pour le Développement de
l'Education Permanente CNS : Conférence Nationale Souveraine
CODESRIA : Conseil pour le développement de la recherche
en sciences sociales en Afrique
CREM : Centre de Recherche pour l'Enseignement de la
Mathématique
CRIDE : Centre de Recherche Interdisciplinaire pour le
Développement de l'Education
CRIDHAC : Centre de Recherche Interdisciplinaire pour la
promotion et la protection des Droits de l'Homme en Afrique Centrale
C.R.I.S.P. : Centre de Recherche et d'Information
Socio-Politiques C.U.L. : Centre Universitaire Lovanium
CUD : Commission Universitaire pour le Développement E.I.C
: Etat indépendant du Congo
ENDA : Ecole Nationale de Droit et d'Administration ESU :
Enseignement Supérieur et Universitaire
FOMULAC : Fondation Médicale de l'Université de
Louvain au Congo
I.F.E.P. : Institut de Formation et d'Etudes Politiques
INBTP : Institut National des Bâtiments et des Travaux
Publics INM : Institut National des Mines
I.P.N : Institut Pédagogique Nationale
IRES : Institut de Recherches Economiques et Sociales ISP :
Institut Supérieur Pédagogique
JMPR : Jeunesse du Mouvement Populaire de la Révolution
MPR : Mouvement Populaire de la Révolution
ONRD : Office National de la Recherche Scientifique ONU :
Organisation des Nations Unis
PUZ : Presse Universitaire du Zaïre
Q.I. : Quotient Intellectuel
TP : Travail Pratique
UGEC : Union Générale des Etudiants Congolais U.L.
: Université Lovanium
U.L.C. : Université Libre du Congo
U.O.C. : Université Officielle du Congo UNAZA :
Université Nationale du Zaïre
Introduction
Il est de coutume de dire que la « jeunesse est l'avenir
de demain ». Cela est vrai car c'est à elle que reviendra la charge
quand les aînés auront disparu, de conduire la
société vers un avenir que, nous tous, espérons meilleur.
Cependant, pour que cette jeunesse puisse mener à bien cette mission,
elle doit être instruite et capable de relever les défis. C'est
dans ce cadre que s'inscrit l'instruction, tant traditionnelle que moderne avec
ses cycles primaires, ses humanités et son enseignement
supérieur. Dans nos sociétés modernes, l'initiation
traditionnelle a pratiquement disparu, et là où elle existe
encore, elle a été supplantée par le modèle
européen d'instruction. C'est donc dans les universités
d'aujourd'hui que se forme l'élite de demain.
I. Intérêt du sujet
L'intérêt de ce travail est d'analyser et de
comprendre chacune des étapes par lesquelles est passée
l'enseignement supérieur ainsi que les implications qui en ont
découlé ; car c'est de ces anciennes réalités que
résulte notre système universitaire actuel. Pour songer à
l'améliorer, il faudrait d'abord comprendre la nature du mal qui le
ronge.
Cela est important car le rôle de l'université
dans la formation de l'élite est essentiel pour qu'un pays aille de
l'avant. C'est cette élite qui sera amenée à avoir entre
ses mains les destinées du pays. Le développement de
l'enseignement universitaire est donc un facteur capital pour
l'épanouissement d'un pays.
II. Problématique
La question, en matière de politique d'enseignement,
qui se posa au départ, fut celle de savoir pourquoi l'Etat colonial, qui
se fiait totalement aux missions catholiques en leur confiant la conception
d'un secteur prioritaire de la vie nationale qu'était l'enseignement de
base, ne voulait il pas favoriser le développement de l'enseignement
supérieur. La pyramide de l'enseignement dont la base est l'enseignement
primaire pour la masse s'est fort peu souciée du développement de
l'enseignement secondaire et encore moins de l'enseignement universitaire
durant la période coloniale.
Fut-il facile pour l'Etat de se débarrasser de cette
politique qui favorisait l'enseignement de masse au détriment de celle
d'une élite ? Quelles sont les décisions qui furent prises pour
marquer une volonté d'aller de l'avant? Quelles furent les orientations
données à l'enseignement universitaire naissant ? Quels furent
les divers intervenants et les questions majeures qui marquèrent
l'évolution de cette politique ?
Comment l'Etat postcolonial chercha-t-il à s'assurer le
contrôle de l'institution universitaire ? Quel serait le profil d'hommes
à former et pour quelle utilité sociale ? Voulait-on former des
élites proches ou coupés de leur peuple ? Des cadres faisant
preuve d'une conscience nationale ou totalement aliénés et
extravertis ?
Voilà autant de questions qui mériteraient de
trouver une réponse dans le cadre de la présente étude.
III. Méthode
Dans ce travail, nous avons fait usage de la méthode
historique non seulement dans l'heuristique, c'est-à-dire, dans la
recherche des documents relatifs à notre sujet d'étude, leur
confrontation et leur critique mais aussi dans l'explication et la relation des
faits permettant de réaliser une synthèse historique. Celle-ci
est soucieuse de montrer non seulement la succession des faits dans le temps,
les continuités mais aussi les ruptures dans les
évènements passés.
Cette approche s'imposait car en tant qu'historien, il ne
convient pas seulement d'évoquer un thème de recherche, mais il
faut aussi l'analyser objectivement en le replaçant dans son contexte.
C'est à ce niveau que se situe l'intérêt de cette
méthode qui permet de ressortir les faits dans leur totalité mais
aussi dans leurs époques afin de pouvoir en saisir les différents
aspects, autant les continuités que les cassures, ainsi que leurs
causes. Grâce à cela, il devient plus aisé, comme dans
notre cas, de cerner les véritables problèmes qui se posent
durant la période étudiée.
IV. Délimitation du sujet
Le présent travail commencera en 1949 et se terminera en
1993.
Le choix de l'année 1949, date de la reconnaissance
officielle de la C.U.L. qui deviendra UL comme « terminus a quo » n'a
pas été aisé pour nous. Car d'aucun pourrait penser que
l'aventure universitaire commence de nombreuses années plus tôt.
En 1926 avec la FOMULAC de Kisantu, ou en 1933 avec la CADULAC parce que
même si le pouvoir colonial les considéraient comme des
écoles professionnelles, pour les concepteurs du projet, il était
question d'arriver à long terme à la mise en place d'un
établissement d'enseignement supérieur dans la colonie belge et
à une formation universitaire pour les autochtones du Congo. Deux autres
dates ultérieures auraient pu être prises comme « terminus a
quo » de notre travail; l'année 1954 date de l'ouverture de l'UL,
la première université de notre pays, ou encore l'année
1947 date de la création du C.U.L.
Il nous a pourtant paru plus pertinent de choisir
l'année 1949 comme « terminus a quo » car, c'est de cette
année que date la reconnaissance officielle du C.U.L par un
arrêté royal promulgué le 21
février 1949. Et même si la première année
académique d'une université au Congo ne débuta qu'en
octobre 1954, cette reconnaissance officielle marque, pour nous, le
véritable début de l'enseignement universitaire au Congo, puisque
le climat tant national qu'international se prêtait beaucoup mieux
à la mise au point de ce projet qui était en gestation depuis
1945 déjà.
Comme « terminus ad quem », nous avons choisi de
nous arrêter en 1993 parce que c'est durant cette année que fut
promulguée la loi de « libéralisation » de
l'enseignement universitaire. L'Etat n'avait plus le monopole de l'organisation
de l'enseignement supérieur et universitaire. Les particuliers, qui
répondaient aux critères instaurés par le Ministère
de l'Enseignement supérieur et universitaire, pouvaient créer des
établissements d'enseignement supérieur et universitaire.
La seconde raison qui a motivé ce choix, c'est qu'il
fallait éviter la dispersion. Ainsi, nous avons
préféré nous limiter à la période où
il n'existait que trois grandes institutions universitaires dans notre pays.
V. Revue de la littérature
Nous allons commencer cette revue de la littérature par
les publications officielles de la période coloniale.
Nous avons les bulletins officiels qui contiennent les
différentes lois qui ont ponctué les débuts de
l'enseignement universitaire dans la colonie belge.
Ensuite viennent les Comptes Rendus Analytiques du Conseil
Colonial, qui sont des documents reproduisant les débats qui avaient
lieu alors. Ils nous donnent une vision assez nette de tous les débats
au sein du conseil colonial, donc l'esprit des décrets, lois et
règlements concernant la colonie.
Nous avons aussi les Rapports Annuels sur l'Administration du
Congo Belge, présentés aux chambres. Ils sont une source
importante pour dresser une liste des différents changements qui ont eu
lieu et de leur effectivité dans la colonie.
Nous avons utilisé des publications de
l'université, des discours de rentrée académique,
prononcés par Mgr Luc Gillon, recteur de l'Université Lovanium et
Mgr Tharcisse Tshibangu ou encore des discours prononcés à
l'université de Louvain en Belgique et qui ont eut une grande importance
pour le Congo. « L'appel de la colonie à l'université
» de Mgr Van Waeyenbergh, que nous avons utilisé pour notre
travail, en fait partie.
Des programmes de cours. Nous avons eu à travailler
avec les programmes de l'UL ainsi que ceux de l'UOC. Analyser ces documents
permet d'avoir une idée de l'orientation de l'enseignement dans les
universités en présence.
Ces publications de l'université nous ont permis de
nous plonger dans la réalité de ces universités dont nous
parlons. Car au-delà de tout ce qui aura été écrit,
il est important parfois de se servir des sources de première main pour
se faire une idée qui ne soit pas faussée par les
préjugés qu'un auteur pourrait introduire dans son
étude.
Deux livres nous ont particulièrement
intéressés : « Servir en acte et en
vérité » paru à Kinshasa en 1995 et «
L'université Lovanium des origines lointaines à 1960
» paru à Kinshasa en 2008. Ces deux ouvrages sont respectivement
des biographies de deux personnages importants dans l'histoire de Lovanium,
Monseigneur Luc Gillon le premier recteur de l'UL et Guy Malengreau professeur
mais aussi un des fondateurs de Lovanium. Ils retracent de manière
étonnamment vivante la naissance et les premiers pas de l'UL.
Pour la période traitant de l'Université sous la
deuxième République et des différentes réformes
sous cette période, le livre de Monseigneur Tharcisse Tshibangu «
L'université congolaise, étapes historiques, situation
actuelle et défis à relever » paru à Kinshasa en
2006 nous a été d'une aide considérable. Au delà de
son étude sur l'université congolaise, ce livre nous donne la
retranscription de nombreux documents originaux, et des rapports des
commissions ayant promulgué les différentes réformes.
Malgré cela on pourrait regretter le caractère impersonnel de
l'ouvrage où il parle des faits auxquels il a participé comme
l'aurait fait un simple rapporteur. Ses impressions nous aurait pourtant permis
d'avoir une meilleure perception du pouvoir réel de décision
qu'avait les autorités académiques et du poids de l'Etat sur les
décisions de l'université.
Nous pouvons aussi citer l'ouvrage de Galen Spencer Hull
« Université et Etat : l'UNAZA Kisangani » paru en
1976 à Bruxelles qui nous donne une vision de l'ULC assez
complète pour permettre une bonne compréhension de cet
établissement et de son fonctionnement.
D'autres ouvrages qui traitent de la question de
l'université avec cette fois ci un regard beaucoup plus critique ont
été pour nous d'une aide précieuse dans l'écriture
de ce mémoire. Il s'agit, entre autres, de « Pouvoir et
structure de l'Université Lovanium » de Bernadette Lacroix, du
livre du professeur Verhaegen « L'enseignement supérieur au
Zaïre. De Lovanium à l'UNAZA » ainsi que du livre du
professeur Bongeli « L'université contre le
développement au Congo-Kinshasa ». Ces ouvrages ne se
contentent pas de relater les faits comme les ouvrages que nous avons
cités plus haut,
ils nous proposent surtout une analyse assez pertinente de
l'université et de son insertion dans la société.
Nous avons aussi utilisé des ouvrages collectifs. Tels
que « L'Université dans le devenir de l'Afrique : Un demi
siècle de présence au Congo Zaïre ». Cet ouvrage
dirigé par le professeur Isidore Ndaywel est écrit pour
commémorer les cinquante ans de l'Université au Congo. On y
retrouve des témoignages d'hommes et de femmes ayant participé
à la grande histoire de l'université congolaise.
VI. Division du travail
Notre travail est divisé en trois chapitres. Le premier
chapitre est axé sur les conditions de naissance d'un enseignement
universitaire au Congo belge.
Les deux derniers chapitres traitent respectivement de la
politique de l'enseignement universitaire au Congo durant la première
période qui va de 1954 à 1971 puis durant la seconde
période qui commence en avec la nationalisation des universités
et se termine par une libéralisation du système d'enseignement
universitaire.
CHAPITRE I : Les débuts de l'enseignement
universitaire au Congo
La question de la pertinence et de l'importance de la
création d'un enseignement universitaire au Congo s'est posée de
nombreuses années avant l'ouverture de la première
université en 1954. Durant la deuxième guerre mondiale de
1940-1945 déjà, cette question se posait avec insistance pour les
fils de colons qui ne pouvaient pas partir continuer leurs études dans
la métropole : la communication entre la colonie et la métropole
avait été interrompue pour cause de guerre. Afin de palier
à cette carence, une ébauche d'université fut
créée à Lubumbashi en octobre 1944.
Pour ce premier essai, trois facultés furent
créées : une faculté de philosophie et lettres, une
faculté des sciences naturelles et médicales, ainsi qu'une
faculté de physique et de mathématique1. Au total
treize étudiants y furent inscrits : quatre en philosophie et lettres,
trois en sciences naturelles et médicales et six en physique et
mathématique. Cette expérience fut éphémère
puisqu'en juillet 1946 déjà, soit un an après la fin de la
guerre, elle prit fin et que les étudiants furent envoyés en
Belgique pour continuer leurs études.
Il est intéressant de noter que cette courte
expérience n'a concerné que l'enseignement universitaire pour les
jeunes européens, car, pour les autochtones du Congo Belge, la question
de l'enseignement se posait différemment dans la métropole belge.
La politique scolaire coloniale belge était à tendance
paternaliste. Elle ne cherchait pas à favoriser l'émergence d'une
élite noire au Congo. L'effort du Ministère des colonies en
matière d'enseignement se concentrait essentiellement sur l'enseignement
de base avec l'alphabétisation de la population, l'apprentissage des
notions de base et celle d'un métier. On résume souvent ce
système par une formule extrêmement simple : « pas
d'élites, pas d'ennuis ». Et il suffit de retourner en
arrière pour se rendre compte de la pertinence de cette assertion. En
effet jusqu'à la réforme de 1948, il n'existait pas
d'études secondaires générales pour indigènes au
Congo belge alors que la première colonie scolaire fut
créée en 1890 à Boma soit 58 ans plus tôt.
1 DE SAINT MOULIN, L., « L'université
au Congo, hier, aujourd'hui et demain » dans L'Université dans
le devenir de l'Afrique : Un demi-siècle de présence au
Congo-Zaïre sous la direction de Isidore NDAYWEL E NZIEM, Paris,
l'Harmattan, 2007, p. 29.
I. Le système scolaire au Congo Belge
Un des éléments, qui ressort de la colonisation,
est qu'une poignée d'hommes expatriés a réussi à
dominer une population nombreuse sur son propre sol. S'il existe quelques
éléments qui pourraient expliquer cet état de
chose2, on peut classer le « prestige du colonisateur blanc
» parmi les causes les plus probantes. Au Congo belge, surtout, les colons
entourèrent tout ce qui touchait à la métropole ou aux
Européens d'une sorte d'aura mystificatrice, d'un cocon qui les
protégeaient et les faisaient paraître dans l'imaginaire populaire
congolais comme des surhommes. Pour préserver cette image, ils se
devaient en toutes choses d'éviter tout comportement qui pouvait les
rendre ridicules ou mettre en question ce prestige. Tout excès de
familiarité avec les indigènes était proscrit. Même
l'immigration d'Européens vers la colonie était soumise à
des règles très strictes. En effet, seuls des personnes pouvant
justifier des moyens d'existence honnêtes et suffisants pouvaient faire
le voyage3. C'est cet idéal qui a prévalu dans le
système colonial de l'époque où tout était
agencé pour que le colonisateur blanc soit toujours
considéré comme supérieur. Pour ne citer qu'un exemple,
dans la Force publique, le grade le plus élevé pour un noir
était sergent major, celui-ci était directement inférieur
au grade d'adjoint militaire qui était le plus bas grade pour un soldat
européen4.
Cette hiérarchisation de la société
à tendance paternaliste a dicté l'évolution de la
politique de l'enseignement au Congo belge et l'a emmené à se
centrer principalement sur l'enseignement de base et sur l'enseignement
pratique. Après des études primaires organisées
grâce à l'Eglise catholique surtout, les élèves
continuaient avec le secondaire spécialisé et étaient
finalement orientés vers des instituts de formation. Après des
débuts difficiles, cet enseignement pour enfants noirs est allé
en s'améliorant. De nombreux changements tant sur le plan national que
mondial ont fait sentir le besoin d'une meilleure prise en charge de la
population sur le plan de l'éducation. C'est cette évolution qui
explique la création d'universités pour Noirs au Congo belge.
2 La supériorité technologique de la
civilisation européenne occidentale - surtout en matière
d'armement - notamment lui a permis t de dominer les autres civilisations pas
seulement africaines mais aussi asiatiques, américaines et même
océaniennes.
3 MUTAMBA, J-M., Du Congo Belge au Congo
indépendant 1940-1960 : Emergence des « évolués
» et genèse du nationalisme, Kinshasa, I.F.E.P, 1998, p.
137.
4 Cours d'Histoire des institutions du Congo par le
professeur SIKITELE GIZE A SUMBULA Charles.
A. Pas d'élites pas d'ennuis
L'un des prétextes de la colonisation, celui qui
d'ailleurs était le plus mis en avant au début de la
conquête des territoires par tous ceux qui sont venus en Afrique au
XIXème siècle, était l'apport du « flambeau de la
civilisation aux populations africaines ». Par « civilisation »,
les Européens entendaient le mode de vie, la culture occidentale qu'il
fallait transférer aux Africains. Cela ne pouvait se faire - et ne s'est
fait d'ailleurs - que par l'entremise de l'évangélisation et de
la scolarisation des Congolais.
Au Congo Belge, la tâche d'évangéliser et
de donner une instruction aux autochtones a été menée
à bien par l'Eglise catholique5 qui avait reçu cette
prérogative du gouvernement de la colonie grâce au concordat du 26
mai 1906 entre l'Etat indépendant du Congo et le Saint Siège
d'abord et à la convention de 19266 ensuite. L'Etat colonial
s'est appuyé ainsi sur l'église pour deux raisons principales
:
- D'abord parce que les missions étaient
installées effectivement sur le terrain depuis un certains temps
déjà et avaient des assises dans les régions. qu'ils se
contentèrent de consolider ;
- Ensuite donner aux Congolais une éducation
chrétienne présentait un certain avantage pour les colons. Le
ministre libéral des colonies Franck dit à ce sujet : «
Seule la religion chrétienne catholique, basée sur
l'autorité, peut être capable de changer la mentalité
indigène, de donner à nos Noirs une conscience nette et intime de
leurs devoirs, de leur inspirer le respect de l'autorité et l'esprit de
loyalisme à l'égard de la Belgique. » 7. Ce
monopole était tellement grand que les divisions territoriales
catholiques, à savoir : les vicariats et les préfectures
apostoliques déterminaient aussi les divisions territoriales de
l'enseignement.
L'implantation des écoles dans la colonie belge
s'était heurtée à ses débuts à
de nombreuses difficultés tant matérielles que
culturelles8. Malgré cela et grâce surtout
5 Une préférence était
accordée aux congrégations belges.
6 EKWA, M., L'école trahie, Kinshasa,
éditions Cadicec, 2004, p. 143-144 : l'E.I.C avait signé un
accord avec le saint siège où en échanges de terrains les
missions catholiques s'engageaient à s'occuper de l'enseignement de la
population, et en 1925-1926 le gouvernement conclut une convention avec les
missions chrétiennes qui s'occupaient de l'enseignement en
échange de subside de l'Etat.
7 LACROIX, B., Pouvoirs et structures de
l'Université Lovanium, Bruxelles, cahiers du CEDAF n° 2-3,
1972, p. 10.
8 EKWA, M., Op. Cit., pp.25-29 : Les
premiers colonisateurs ont eu à vaincre la méfiance des
populations à l'égard de cette école venue d'Occident.
Certains la voyaient comme une nouvelle forme d'esclavage. Il y avait aussi
d'autres difficultés telles que, l'absence d'infrastructures de
transport qui rendait difficile la création de succursales
organisées, le manque de personnel enseignant, la barrière de la
langue due à la diversité ethnique qui posait la question de la
langue de l'enseignement et aussi celle de la langue des manuels scolaires.
aux subsides que le pouvoir colonial leur versait, les
missions catholiques purent étendre leurs actions9. Cette
coopération entre les missions catholiques et l'administration fit qu'en
matière d'accès des autochtones à l'enseignement de base,
le Congo belge prit une avance considérable sur les colonies voisines et
il est communément admis que, de la fin des années 40 jusqu'au
début des années 50, une grande majorité des enfants
congolais était scolarisée10. Mais même si ce
que nous avons dit plus haut est vrai, avant la réforme de
l'enseignement de 1948, cette scolarisation se concentrait essentiellement sur
l'enseignement de base, à savoir : le niveau primaire et ensuite sur
l'apprentissage d'un métier.
La situation se présentait de la même
manière pour tous les enfants congolais scolarisés. En effet,
après avoir fini le cycle primaire, l'élève pouvait
continuer son cursus en faisant un niveau post-primaire. Il pouvait ainsi
commencer l'apprentissage du métier de son choix. Avant la
réforme de 1948, la formation de l'élite noire était quasi
inexistante. Les Noirs les plus instruits étaient ceux qui avaient
fréquenté des séminaires. Pour les autres, les
études supérieures existaient, c'est vrai, mais faute de cycle
secondaire général, elles avaient le statut d'école
professionnelle.
On pourrait tenter une ébauche d'analyse en se basant
sur l'aspect de l'enseignement durant cette période. Il ressort
clairement que les colonisateurs évitaient, autant que possible, de
pousser trop loin l'enseignement des autochtones. Cela principalement pour deux
raisons que nous allons effleurer ici mais sur lesquelles nous nous
étendrons plus loin :
- La première raison est que pour certains
Européens, les Africains avaient une intelligence infantile ; pour leur
bien, ils préconisaient de ne pas les pousser trop en avant dans des
enseignements trop compliqués qui risquaient de n'avoir aucun sens et
aucune utilité pour eux ;
- La deuxième raison est que les coloniaux avaient peur
qu'un excès de connaissance soit susceptible de pousser les Congolais
à causer des ennuis dans la colonie car
9 MUTAMBA, J-M., Op. Cit., pp. 143-144 :
Les écoles officielles congréganistes étaient
administrées par des congrégations religieuses et recevaient
leurs fonds des pouvoirs publics ; les écoles libres subsidiées
aussi percevaient des subventions de l'Etat qui les contrôlaient. Seules
les écoles libres non subsidiées (séminaires,
établissements créés par des sociétés
privées) qui ne recevaient pas d'aides n'étaient soumises
à aucun contrôle.
10 Mgr GILLON, L., Servir en actes et en
vérité, Kinshasa, C.R.P, 1995, p. 69 : En 1946 (...)
1.150.000 enfants alphabétisés, ce qui représentait 42% de
la population scolarisable, alors qu'à la même époque, la
scolarisation n'atteignait que 7% au Nigéria, 5% en Afrique
équatoriale française, 12% en Gold Coast (Ghana) et 17% au Kenya
; MUTAMBA J-M., Op. Cit., p.145 : le taux de scolarisation
plaça (la colonie belge) en tête de peloton des pays alors
colonisés. En 1955 50% des enfants entre 6 et 12 ans étaient
scolarisés.
Il faut noter que sur la valeur de cette formation, les avis
divergent. Le professeur Delacroix [Op. cit., p. 9], explique que lors
du recensement de 1956 on constata un écart important entre le nombre de
scolarisés et celui d'enfants sachant lire et écrire ; Le
professeur Mutamba [Op. cit., p. 145], constate quant à lui,
que ce pourcentage élevé d'élève s'estompait avec
le temps, en effet sur six élèves, un seul obtenait sons
certificat.
pour certains « la vanité [était
un] des défauts dominants du caractère du Noir. [Et que]
dès qu'il [avait] un vernis de civilisation, il se
[croyait] volontiers l'égal de l'européen...
» 11. Leur donner une formation plus avancée aurait
irrémédiablement conduit à une poussée de
revendications. C'est pour cette raison qu'ils ne voulaient pas former ceux qui
risqueraient plus tard de les chasser.
B. La réforme de 1948
Cette réforme est importante parce qu'en instituant le
cycle secondaire, elle a permis de donner aux élèves le niveau
nécessaire pour pouvoir prétendre à des études
universitaires. Même si elle apporta un changement considérable
pour les populations du Congo Belge, l'organisation de l'enseignement n'en
resta pas moins extrêmement rigide et sélective. Car la tendance
générale resta celle d'orienter le plus d'enfants possibles vers
des écoles professionnelles plutôt que vers un enseignement
secondaire général et universitaire. Voici un petit aperçu
des changements intervenus après la réforme.
La première différence est que le système
scolaire comporte dès lors deux niveaux : le niveau primaire et le
secondaire.
Le premier niveau comportait deux degrés : le
degré normal et le degré sélectionné. Le premier
degré du primaire s'appliquait à tous les enfants quels que
soient leurs aptitudes. Après cette étape et selon les
dispositions de l'enfant, on l'orientait soit vers le deuxième
degré ordinaire soit vers le degré
sélectionné12. Les moins doués étaient
dirigés vers le degré ordinaire, où après trois ans
de cours, on les orientait vers des écoles d'apprentissage pour
s'initier à un métier. Les plus doués, après avoir
réussi à un concours d'admission, intégraient le
degré sélectionné13. Seuls ces
élèves ou les élèves du degré ordinaire, qui
étaient passés par une classe de liaison, pouvaient
accéder aux études secondaires. Là encore, la
sélection était rude et de nombreux élèves
étaient guidés vers des écoles professionnelles. Pour le
petit nombre d'élèves qui étaient jugés aptes, la
réforme introduisit la possibilité de poursuivre des
études secondaires.
Comme pour le niveau primaire, le niveau secondaire se divisait
en deux degrés : le degré spécial et le degré
général. Seul l'enseignement du secondaire général,
qui
11 NDAYWEL E NZIEM, I., Histoire du Congo : des
origines à nos jours, Bruxelles, Le cri/ Afrique éditions,
2011, p.148
12 MUTAMBA, J- M., Op. Cit., p. 148 : le
second degré primaire ne se retrouvait pas partout dans la colonie,
seulement dans les centres urbains et dans des localités où se
trouvaient des missions.
13 Idem, p. 149 : On ne tenait pas seulement compte
des capacités intellectuelles, mais aussi des capacités
morales.
comprenait des humanités scientifiques ou latines,
donnait accès à l'enseignement universitaire. La majorité
des élèves se retrouvait dans les écoles secondaires
spéciales qui pouvaient s'apparenter à des écoles
professionnelles par leurs formations14.
Ce système extrêmement sélectif s'explique
par la méfiance des autorités coloniales vis-à-vis de
l'enseignement supérieur qui tendait à évoluer. Pour faire
valoir les diplômes qui seraient obtenus par les élèves,
cette rigueur était nécessaire car le climat politique
était tel qu'on aurait pu contester leur mérite réel en
qualifiant l'enseignement reçu d'instruction de pure forme et les titres
qu'ils avaient acquis de document sans valeur pour cause de laxisme et de
manque de rigueur de la part des enseignants.
Cette réforme est à situer dans une certaine
évolution de la société coloniale. En effet, avec la
deuxième guerre mondiale et l'interruption des communications entre la
colonie et sa métropole, le manque de main d'oeuvre qualifiée sur
place se fit sentir et la mise en place d'un système scolaire avec un
programme pouvant préparer à l'enseignement supérieur et
universitaire sans spécialisation obligatoire devint
important15.
C. L'enseignement supérieur pour
indigènes
L'enseignement supérieur pour Noirs existait
déjà avant l'ouverture de la première année
d'université à Léopoldville en 1954. L'apprentissage d'un
métier pour les jeunes congolais commençait à partir de la
fin du cycle primaire comme nous l'avons expliqué dans le point
précédent et à partir de 1910 déjà,
l'enseignement supérieur s'était spécialisé dans la
colonie avec des structures telles que l'école A.M.I,
créée par l'Etat, ensuite avec la FOMULAC (1927) et la CADULAC
(1933) affiliées à l'Université Catholique de Louvain.
Pourtant quand l'idée de la création d'une université pour
indigènes a commencé à voir le jour dans le milieu de la
métropole, de nombreuses voix se sont levées pour protester.
Pourquoi ?
L'enseignement supérieur, qui avait cours avant 1954 et
l'ouverture du C.U.L, était considéré comme un
enseignement professionnel à un degré supérieur. Il
servait surtout à procurer à la colonie la main d'oeuvre dont
elle avait besoin pour son développement et aussi des aides efficaces
pour les milieux administratif, médical ou même agricole.
14 Idem, p. 150 : avec deux cycles de trois ans
chacun. Le premier était commun à tous et le second
différencié en cinq options : la section administrative et
commerciale, la section des géomètres arpenteurs, la section
normale, la section éducation physique, et la section sciences.
15 LACROIX, B., Op. Cit., p. 14
Pour comprendre le parcours suivi par les étudiants de
ces écoles supérieures spécialisées et la valeur
que l'Etat a donné à leurs diplômes, nous prendrons
l'exemple de l'enseignement médical pour indigènes16
qui existait dans plusieurs grandes agglomérations telles que Kisantu et
Kamponde. On y formait au départ des infirmiers, des infirmières
accoucheuses et par la suite des assistants médicaux. Le cas des
assistants médicaux, particulièrement, pourrait nous
éclairer sur le système.
Le parcours que les jeunes devaient effectuer pour pouvoir
devenir assistant médical était long. Certains comparent
même ces années à la formation des médecins
européens. Ce processus débutait par un cycle primaire qui durait
six ans, et qui se complétait par quatre années d'études
post-primaires. Avant de pouvoir intégrer la formation d'assistant
médical, l'élève était soumis à un test
d'entrée. Ceux qui réussissaient commençaient une
formation qui durait six ans ; quatre années de théorie,
complétées par deux années de stage pratique. A la fin de
ce cycle de formation, ils recevaient un diplôme qui prouvait qu'ils
avaient effectivement reçu la formation donnée aux assistants
médicaux.
Après ce long combat, qui permettait de faire un «
tri » et qui ne laissait filtrer que les meilleurs éléments,
quels étaient les attributions des assistants médicaux
indigènes ?
Les assistants médicaux indigènes étaient
habilités à :
- Diriger des dispensaires ;
- Diagnostiquer des maladies qu'ils ne pouvaient pas soigner,
quand le cas les dépassaient, ils renvoyaient les malades vers les
hôpitaux où des médecins s'occupaient d'eux;
- Administrer des traitements simples et pratiques ;
- Tenir à jour la situation épidémiologique
des centres médicaux ruraux ; - Vacciner ;
- Piquer et distribuer des médicaments17.
Ces assistants médicaux n'étaient pas des
médecins mais pas des infirmiers non plus. Ils étaient d'un
statut inférieur à celui de médecin et ne pouvaient
assumer aucune grande responsabilité. Cela pouvait à la longue se
révéler assez frustrant pour les intéressés. Paul
Bolya, un assistant médical qui faisait partie des meilleurs de ce
métier, déclare ce qui suit, « La formation que les
belges nous ont donnée était une
16 Pour avoir un aperçu de ce que
représentaient ces instituts d'enseignements, nous allons ici parler
essentiellement de l'enseignement médical, car c'est là que l'on
trouvait les plus de filières et aussi la meilleure organisation.
17 MUNAYENO, M., Les infections sexuellement
transmissibles (maladies vénériennes) et la santé publique
au Congo. Contribution à l'histoire socio-épidémiologique
des IST en milieux urbains (1885-1960), thèse de doctorat, volume
I, 2009-2010, p. 124
formation humaine très poussée [...] Sans
responsabilité. [...] assistant médical proche des
médecins en profession, je ne pouvais signer aucun papier même si
j'opérais ; c'était toujours sous la responsabilité d'un
Blanc. En l'absence du médecin, dans une formation médicale,
c'est toujours une infirmière religieuse qui assumait l'intérim
» 18.
Dans ces écoles supérieures, il ne s'agit pas de
la formation de l'élite noire : même si elle avait
été formée, faute d'études secondaires
générales et de valeurs accordées aux diplômes,
leurs compétences n'auraient pas été reconnues. Il s'agit
plutôt d'une formation professionnelle pour les autochtones du Congo,
pour parler plus simplement, on leur apprenait un métier. C'est cela qui
différencie tellement l'enseignement supérieur avant 1954 d'un
enseignement totalement universitaire. Il faut comprendre que la tâche
dévolue à une université est plus que l'apprentissage d'un
métier. L'université a aussi le devoir de détecter les
problèmes cruciaux de la société, de révéler
les maux de la communauté et de catalyser les idées nouvelles. A
cette fin, elle exige de la rigueur et de la liberté dans ses recherches
ainsi qu'un certain culte de l'objectivité tant dans le domaine
scientifique, social que culturel. On comprend que l'Université ne se
contente pas de transmettre le savoir mais qu'elle élabore aussi de
nouvelles connaissances en encourageant l'effort, l'assiduité et la
créativité quotidienne. A y regarder de près, on se rend
compte qu'il ne s'agit pas de cela dans ces écoles
spécialisées.
En résumé, on peut dire que même si le
niveau supérieur était très dur, que la sélection y
était extrêmement rude et la formation assez profonde. Ce type
d'enseignement supérieur était considéré comme
étant des écoles professionnelles, en aucun cas universitaire.
Ainsi, on comprend pourquoi la possibilité de former des universitaires
congolais était, encore en 1947, un sujet de discussion qui ne mettait
pas tout le monde d'accord dans la métropole.
II. Premiers jalons pour un enseignement universitaire
pour indigènes au Congo
La question universitaire congolaise a mis la scène
coloniale belge en ébullition et la bataille a été rude
entre les partisans du oui et ceux du non. Tous les arguments étaient
bons dans les deux camps pour expliquer le bien fondé de sa position. Ce
que nous allons faire ici, c'est de tenter une synthèse des avis qui
motivaient la controverse en cette matière.
18 SABAKINU KIVILU J., «
Paul-Gabriel-Dieudonné Bolya : de l'assistant médical à
l'homme politique » dans La mémoire du Congo, le temps colonial
sous la direction de Jean Luc Vellut, p. 238.
A. Les études universitaires pour Congolais
Cette perspective n'était pas populaire dans le milieu
colonial belge. Pour en juger, il suffisait de se référer
à la chronologie des faits. En effet, l'E.I.C devint une colonie belge
en 1908. Le Congo belge existait déjà depuis 46 ans quand la
première université pour autochtones ouvrit ses portes en 1954.
Si l'accès des Congolais à cette formation était un sujet
tabou, c'était surtout dû à la politique coloniale en
matière d'enseignement. Et lorsqu'une poignée d'hommes
estimèrent que, pour la continuité de l'oeuvre coloniale, il
fallait en arriver là, ils durent faire preuve de beaucoup de
détermination pour réussir à concrétiser cette
idée.
Le 20 octobre 1947 lorsque Mgr Van Waeyenbergh, recteur de
l'Université Catholique de Louvain, UCL, parle dans son discours
d'ouverture de l'année académique 1947- 1948 de
l'opportunité de faire accéder les indigènes à
l'enseignement universitaire, c'est avec beaucoup de réserves:
« ... il nous faut préparer les
générations capables de répondre à l'appel du Pays.
Le développement de l'enseignement secondaire implique (...) la
construction d'un enseignement universitaire. Mais il faut attendre qu'il y ait
des étudiants suffisamment préparés et
sélectionnés. (...) je ne crois pas que la
génération actuelle soit déjà prête à
recevoir un enseignement véritablement universitaire, mais elle doit
être conduite à un tel enseignement, car elle en a la
capacité »19.
Cet exemple illustre le climat de méfiance qui
régnait dans les milieux coloniaux belges vis-à-vis de
l'idée d'une instruction pas seulement universitaire mais aussi trop
élevée pour les Noirs. Ceux qui militaient pour cela, savaient
qu'il fallait user de beaucoup de précautions lorsque l'on abordait le
projet sous peine de voir ces efforts tomber en ruine. C'est pour respecter
cette réserve - qui permettait d'avoir droit à l'appui du
gouvernement et des sociétés coloniales - que pour parler des
écoles affiliées à l'Université de Louvain qui
existaient déjà dans la colonie, la FOMULAC et la CADULAC, les
promoteurs disaient « écoles professionnelles à un
degré supérieur » tout en précisant qu'il
n'était pas question dans l'immédiat de créer un
enseignement universitaire20.
De nombreux dirigeants belges estimaient que pour le
développement harmonieux du pays, il n'était pas
nécessaire de créer une petite élite indigène. Il
valait
19 « L'appel de la colonie à l'université
», la promotion honoris causa Juste Lipse, Mgr VAN WAEYENBERGH recteur
magnifique, Université catholique de Louvain, ouverture de
l'année académique 1947-1948. Aula, 20.X.1947,
20 MALENGREAU, G., « L'université
Lovanium: Des origines lointaines à 1960 », Kinshasa, Editions
universitaires africaines, 2008, p. 6
mieux se focaliser d'abord sur la formation d'un grand nombre
de cadres moyens qui pourraient efficacement seconder les autorités
coloniales.21 Il ne fallait surtout pas creuser un fossé trop
profond entre l'élite et la masse, mais s'assurer « que tous
les noirs étaient capables d'assimiler les matières de
l'enseignement primaire, la plupart d'entre eux d'assimiler les matières
de l'enseignement moyen du degré inférieur, et un certain nombre
d'aborder avec fruits les études moyennes du degré
supérieur, et même les études supérieures proprement
dites»22.
Cela permettrait de dégager progressivement de
manière harmonieuse une élite de la masse, sans que cette
élite ne perde contact avec la masse qui, elle-même, aurait
reçu une bonne formation23.
D'aucun pensait qu'avec les structures d'enseignement
supérieur, qui existaient au Congo depuis les années 20, la
promotion intellectuelle des Noirs allait déjà trop vite et qu'il
fallait se contenter des structures existantes avant de chercher à en
créer de nouvelles. La question qui se posait était celle des
débouchés que ces étudiants pourraient avoir après
la fin de leurs études. Il ne fallait pas créer une classe de
chômeurs mais « plutôt proportionner aussi exactement que
possible la préparation scolaire aux emplois susceptibles de s'ouvrir
aux élèves formés »24. Les coloniaux ne
voulaient pas créer une classe de contestataires qui pourrait à
la longue remettre en question leur légitimité et par la
même occasion contester leurs pouvoirs. Ils voulaient encore moins faire
face à une concurrence congolaise.
Heureusement pour ce projet que ce n'étaient pas tous
les coloniaux qui pensaient de cette manière. Pour certains, il
était impératif de penser à former la relève
congolaise qui prendrait le relais une fois que les Belges seraient partis. Car
la décolonisation ne manquerait pas d'arriver un jour ou l'autre. Le
professeur Van Bilsen l'écrivait en 1954 déjà : «
L'émancipation est inéluctable »25. Il
ne fallait pas, selon lui, chercher à freiner la transformation des
masses indigènes qui se poursuivait à une allure rapide. Pour
cela, il était dans l'intérêt de la colonie de
préparer des élites autochtones solides, des cadres sociaux
éprouvés capables de fournir l'armature d'un Congo, d'un
RuandaUrundi autonomes, si la Belgique voulait garder un certain ascendant sur
les Congolais.
21GILLON, L., Op. Cit.., p.75
22 MALENGREAU, G., Op. Cit., p. 44.
23 STENGERS, J., Congo mythes et
réalités (100 ans d'histoire), Paris, document Duculot,
1989, p. 198.
24 GELDERS, V., Quelques aspects de
l'évolution des colonies en 1938, Bruxelles, ARSOM, 1941, p.17
25 VAN BILSEN, A., « Pour une politique coloniale
de mouvement en Afrique » La revue Nouvelle, Bruxelles 1954, dans MUTAMBA
J-M., « L'histoire du Congo par les textes. Tome II : 1885-1955
», Kinshasa, éditions universitaires africaines, 2007, p. 249
: même si pour lui cette émancipation ne devait pas venir en 1960
mais beaucoup plus tard.
Un appel fut lancé par des partisans de l'enseignement
universitaire pour Noirs :
« Des problèmes que soulèvent la
politique indigène, ceux qui touchent directement à
l'évolution des Noirs, sont parmi les plus urgents. La transformation
des masses indigènes se poursuit à une allure rapide qu'il serait
vain de vouloir freiner. De ces masses en effervescence sortira demain une
classe dirigeante qui en fixera les destinées. Si nous voulons
éviter (qu'elle) ne sombre dans le désarroi et l'anarchie, nous
devons en préparer les cadres par la formation d'une élite ;
c'est là une nécessité admise par tous les esprits
clairvoyants, au Congo comme dans les territoires voisins (...). Il faut
dés à présent, donner aux Noirs l'enseignement
supérieur qu'ils réclament (...)26.
Pour tous ceux qui avaient participé à la
création de l'enseignement primaire puis supérieur au Congo
belge, former une élite était inéluctable. Les
Français et les Anglais l'avaient fait dans leurs colonies et les Belges
devaient faire de même. Car ainsi ils pouvaient former des dirigeants
qui, plus tard, pourraient devenir leurs plus chauds partisans en Afrique.
Cette étape n'était qu'une suite logique et inévitable
dans l'histoire de l'enseignement au Congo belge.
L'incapacité d'assimilation de toutes les connaissances
par les Africains figurait parmi les arguments avancés. Cette
thèse raciste soutenait que le Noir n'avait pas le même quotient
intellectuel que le Blanc ; l'on pouvait, selon eux, comparer son Q.I. à
celui d'un enfant d'une dizaine d'années. A cause de cela, il leur
serait impossible d'apprendre quoi que ce soit. Cet extrait tiré d'une
défense de mémoire de 1954, exprime assez bien cette idée
générale. L'auteur y fustige la création d'une
faculté de médecine pour indigènes :
« Les connaissances exigées à l'heure
actuelle (...) sont vastes, nombreuses et appuyées sur une formation
scientifique et mathématique très poussée, ensemble de
connaissances abstraites qui, à notre avis ne sont pas encore
accessibles au cerveau du Noir, à peine sorti d'une civilisation
élémentaire, qui est au stade que nous dénommons(...)
intelligence pratique.
N'oublions pas que quelle qu'en soit la raison, le Noir n'est
pas, ou si l'on veut n'est pas encore, doué pour les sciences
mathématiques ni pour le raisonnement logique et rationnel et nous
considérons que c'est pourquoi il serait erroné de le pousser
dès à présent, dans la voie des connaissances
universitaires pour lesquelles il ne semble pas être doué. (...)
En réalité, l'enseignement universitaire n'est pas
indépendant de la recherche scientifique et nous mettons fortement en
doute la possibilité pour les Noirs
26 MALENGREAU, G., Op. Cit., p. 11 : Ce
texte fut signé par : Mgr Van Waeyenbergh, P. Ryckmans, L. Van Hoof, V.
Antoine, prof G. Debaisieux, et F. Malengreau. Elle date du 20 août 1947,
et elle ne fut pas distribuée à cause de l'opinion coloniale
belge qui dans sa grande majorité était contre l'idée d'un
enseignement supérieur pour Noirs dans la colonie...
de passer dès à présent, tout de go
à ce stade de développement qui va à l'encontre de leur
tempérament qui n'a rien et n'a jamais eu rien de créateur
»27.
Ici on souligne que même si l'idée part d'un bon
sentiment, elle ne pourrait aboutir qu'à un fiasco car toute tentative
d'enseignement universitaire pour indigènes aboutirait à un
échec ou emmènerait à devoir revoir à la baisse la
qualité de l'enseignement, ce qui amènerait à l'obtention
d'un diplôme sans aucune valeur réelle. On ne voulait pas donner
de trop grands espoirs aux Noirs en leur faisant miroiter un niveau
d'instruction qu'ils ne pourraient pas atteindre. Pour cette raison il ne
faillait pas que l'enseignement laisse trop de jeunes gens préparer des
diplômes qu'ils ne parviendraient pas à atteindre28. De
plus ! La colonie ne pouvait pas se permettre de créer des
universités pour les Noirs car la préparation intellectuelle,
morale et sociale que cette formation demandait n'était pas atteinte au
Congo Belge29. L'extrait suivant traduit cette crainte :
«Il y a (...) une espèce de mystique scolaire,
qui voit dans la diffusion de l'instruction, et spécialement dans
l'instauration et l'extension de l'enseignement universitaire, le moyen de
réaliser l'égalité de civilisation avec les
européens. Les protagonistes ne se rendent pas compte que, si
l'école peut répandre la science, elle est impuissante à
conférer la sagesse fruit d'une expérience séculaire, sans
laquelle la conduite des sociétés humaines n'est qu'une
succession d'aventures »30.
Cet avis n'était pas partagé par tous. Nombre de
ceux qui étaient d'un avis contraire faisaient partie de
l'Université de Louvain. Il s'agissait de ceux qui s'étaient
déjà impliqués dans la formation supérieure des
Congolais dans des structures telles que la FOMULAC, la CADULAC et avaient
obtenus d'excellents résultats. Dans son discours, dont nous parlions
plus haut, Mgr Van Waeyenbergh, qui venait d'une tournée dans la colonie
et avait visité les fondations de l'Université de Louvain au
Congo Belge, expliquait que les centres existant déjà au Congo
belge, avaient formé de nombreux « indigènes de
premières valeurs »31. Les assistants
médicaux ont rendu de grands services à la métropole
durant la deuxième guerre mondiale. Comme le disait le professeur Louis
Bruyns : « pour ceux qui préconisaient un enseignement
au
27 ROBERT Maurice, extrait du mémoire
présenté le 16 janvier 1954 à l'Institut Royal Colonial
Belge. Repris dans MUTAMBA Jean-Marie, Op. Cit., document
n°69 : L'enseignement universitaire est-il accessible au Noir du
Congo-Belge ?, p.243
28 GELDERS, V., Op. Cit., p. 40
29 GILLON, L., Op. Cit., p. 75.
30 GELDERS, V., Op. Cit., p. 41
31 Mgr Van Waeyenbergh, Op. Cit., p.11
Congo, (...) les africains avaient déjà
montré leurs capacités d'assimiler et de réussir
brillamment (...)32.
Après la deuxième guerre mondiale, les partisans
de l'université pour les Noirs reçoivent une aide importante et
décisive de l'ONU grâce à la Charte de San Francisco du 26
juin 1945. L'article 73 du chapitre XI contient une déclaration relative
aux territoires non autonomes parmi lesquels se rangent les colonies. Il y est
écrit :
« Les membres des Nations Unies qui ont ou qui
assument la responsabilité d'administrer des territoires dont les
populations ne s'administrent pas encore complètement elles-mêmes,
reconnaissent le principe de la primauté des intérêts des
habitants de ces territoires. Ils acceptent comme une mission sacrée
l'obligation de favoriser dans toute la mesure du possible leur
prospérité, dans le cadre du système de paix et de
sécurité internationale établi par la présente
charte et, à cette fin :
- a) D'assurer, en respectant la culture des populations
en question, leur progrès politique, économique et social, ainsi
que le développement de leur instruction, de les traiter avec
équité et de les protéger contre les abus ;
-b) De développer leur capacité de
s'administrer elles-mêmes, de tenir compte des aspirations politiques des
populations et de les aider dans le développement progressif de leurs
libres institutions politiques, dans la mesure approprié aux conditions
particulières de chaque territoire et de ses populations et à
leurs degrés variables de développement
»33.
La Belgique ayant ratifié ce traité, elle se
trouvait contrainte de prendre des mesures vis-à-vis de sa colonie pour
y satisfaire et éviter ainsi une intrusion trop évidente de cet
organisme dans sa gestion de la colonie. Car l'ONU, en plus de ses
recommandations, demandait à tous les signataires de la Charte de «
Communiquer régulièrement au Secrétaire
Général de l'ONU(...) des renseignements statistiques et autres
de nature technique relatifs aux conditions économiques, sociales et de
l'instruction dans les territoires dont ils sont respectivement
responsables(...) »34. En 1948, le conseil de tutelle de
l'ONU fut saisi de l'opportunité de créer, à partir de
l'année 1952, une université commune en Afrique pour satisfaire
aux besoins de tous les territoires sous tutelle. La France, la Belgique et la
Grande Bretagne écrivirent un mémorandum pour protester. Chacun y
mit en avant les progrès qui avaient déjà
été accomplis en termes
32 BRUYNS, L., « les fondations FOMULAC Lovanium
à Kisantu », dans Recueil d'étude en l'honneur de Guy
Malengreau. Problèmes de l'enseignement supérieur et de
développement en Afrique centrale, UCL, groupe de travail en relations
internationales, Paris, Librairie générale de droit et de
jurisprudence, p.69.
33 MUTAMBA, J-M., Op. Cit., p. 29.
34 Ibidem.
d'enseignement universitaire dans leurs colonies respectives.
La Belgique expliqua qu'un établissement d'enseignement universitaire
était prévu à Léopoldville dans de bref
délai et qu'un collège universitaire avait déjà
ouvert ses portes à Kisantu en 1947. Cela a facilité les
démarches des promoteurs du C.U.L et le 21 février 1949 un
arrêté royal le reconnut comme établissement
d'utilité publique ayant pour objet l'enseignement supérieur et
tout objet pouvant directement ou indirectement favoriser cet enseignement.
B. Quels universitaires ?
Une fois le principe de l'enseignement universitaire
accepté, une autre question s'est posée : fallait- il construire
une université dans la colonie comme certains le préconisaient ou
envoyer des boursiers poursuivre leurs études en Europe comme certaines
autres métropoles le faisaient ? Pour les partisans de la
deuxième option, construire une université au Congo reviendrait
trop cher et risquerait de mener le pays à la banqueroute, la colonie
n'ayant pas les moyens d'investir dans un tel projet. Les autres pensaient, au
contraire, qu'il était indispensable que la formation des jeunes
congolais ait lieu dans leur propre pays.
Une des raisons en faveur de l'octroi des bourses pour des
études à l'étranger plutôt que la création
d'une université au Congo, était la peur dans les milieux belges
que ces institutions ne puissent dispenser aux étudiants une formation
d'un niveau scientifique. Cela se ressent dans les rapports des conseils
coloniaux. C'est ainsi, par exemple, que lors de l'examen du «
décret du 26 octobre 1955 relatif à la création et
à l'organisation d'une Université au Congo Belge » et cela
malgré le fait que la C.U.L. avait déjà ouvert ses portes
une année plus tôt, des voix se levèrent pour remettre en
cause le véritable potentiel scientifique qu'aurait eu une
université créée en Afrique35. Beaucoup
proposaient de suivre l'exemple de la France et de la grande Bretagne qui
obtenait d'excellents résultats en envoyant les élèves les
plus doués étudier dans la métropole. Le second argument
sur lequel ils s'appuyaient était le coût extrêmement
élevé d'une telle entreprise. En effet, il fallait non seulement
créer les infrastructures mais, en plus, prendre en charge les futurs
professeurs de ces universités, les rémunérer de
manière assez attractive pour leur donner envie de
rester36.
Pour les partisans de la création
d'établissements universitaires en Afrique, L'Université se
devait de devenir un foyer de rayonnement culturel pour l'ensemble du pays, un
pôle de développement intellectuel ainsi qu'un centre de
recherches scientifique et d'adaptation du savoir aux particularités
locales. Elle ne devait pas se
35 Compte rendu analytique du Conseil colonial du 25
novembre 1955
36 GILLON, L., Op. Cit., p.78
contenter de délivrer des diplômes, mais devait
étendre progressivement son influence sur toutes les couches de la
population37. Pour cela, elle devait être ancrée sur le
territoire d'où la nécessité de la construire dans la
colonie.
Il était question de former des autochtones conscients
de leur patrimoine culturel, pas des hybrides intellectuels ne pouvant pas
appréhender convenablement les véritables enjeux du pays parce
que ne les connaissant pas et ne les ayant jamais vécus. Il fallait
intérioriser la formation intellectuelle dans la réalité
de la vie familiale et sociale africaine en restant en contact avec la
réalité du milieu et de la famille.
Cette solution avait aussi l'avantage de permettre un
contrôle des étudiants et de les soustraire à l'influence
des milieux progressistes qui existaient en Europe38.
Au final, ce sont les partisans de la construction d'une
Université en Afrique qui l'emportèrent et en 1953
commencèrent les travaux de construction du C.U.L qui ouvrit ses portes
l'année suivante et devint l'U.L, par l'arrêté royal du 3
février 1956. En 1956, une seconde université officielle cette
fois ci ouvrit ses portes : l'Université Officielle du Congo belge et du
Ruanda Urundi. La troisième université, quant à elle,
l'U.L.C, n'a démarré qu'en 1963, après la fin de la
colonisation sous l'action des églises protestantes.
37 Idem p.75
38 LACROIX, B., Op Cit., p. 26
CHAPITRE II : La politique de
l'enseignement universitaire au Congo (1954-1971)
Si à ses débuts l'Etat belge exerçait un
très grand contrôle sur ce secteur, après
l'indépendance cela changea et c'est la grande autonomie des
universités qui permit à la marque coloniale de continuer
à s'exercer à l'université jusque vers l'année1969.
Voilà pourquoi nous avons divisé ce chapitre en deux sections :
la première traite de la période coloniale et la deuxième
de la période postcoloniale.
Nous avons vu dans le premier chapitre toutes les attentes
qu'avait engendrées l'instauration du degré universitaire et
supérieur. Durant cette première période qui va des
débuts de l'indépendance à la première
réforme, l'accent est mis sur la formation d'une élite pour le
pays. Mais pour les besoins de la colonisation cela se fait sous le
contrôle de la métropole. Après l'indépendance, le
manque de cadres congolais se fait sentir, car à ce moment de son
histoire, le départ des Européens créa une sorte
de vide. Le pays manquait de techniciens formés, il
fallait donc combler ce vide. D'oüla création de nombreux instituts
supérieurs durant les années qui suivent
l'indépendance.
I. L'Université avant l'indépendance
(1954 - 1960)
Dans le premier chapitre, nous avons donné un
aperçu de la politique scolaire qui régnait au Congo belge.
Après l'avènement du C.U.L., la peur de créer une classe
de contestataires était toujours présente dans le milieu
colonial. Pour l'éviter, l'Etat exerça un contrôle
très strict sur les universités naissantes, cela est vrai autant
pour l'Université Officielle du Congo Belge et du Ruanda-Urundi qui
était une université officielle que pour le C.U.L. qui
était une université catholique.
Il ressort des grands débats qui ont eu lieu au
début de la création des premières universités, que
l'une des raisons pour laquelle la construction d'universités au Congo a
été privilégiée au détriment du
développement du système de bourses vers des universités
européennes, était de permettre aux nouveaux
établissements de rayonner sur le pays et de former des universitaires
qui ne soient pas des hybrides culturels. Pour ses concepteurs au Congo
« l'Université se devait de devenir un foyer de rayonnement
culturel pour l'ensemble du Pays, un pôle de développement
intellectuel ainsi qu'un centre de recherche scientifique et d'adaptation du
savoir aux particularités locales. Elle ne devait pas se contenter de
délivrer des diplômes, mais
devait étendre progressivement son influence sur
toutes les couches de la population »39.
Ces objectifs étaient extrêmement difficiles
à atteindre car ils se heurtaient à la réalité de
la colonie, qui se caractérisait par un paternalisme extrêmement
prononcé. Pour répondre aux objectifs qu'elle s'était
assignés, à savoir : devenir une université africaine
d'où naîtrait, petit à petit, une culture
autochtone40, il était important d'avoir une culture
universitaire en symbiose avec la culture locale. Cela ne pouvait se faire que
par l'aide d'un programme universitaire qui devait tenir compte des
réalités congolaises.
Cela ne se fit pourtant pas, les programmes de
l'U.L41 et de l'U.O.C n'étant que des transpositions
parfaites de ceux des universités métropolitaines dont elles
étaient issues. Les universités congolaises, créées
durant la période coloniale, pouvaient être assimilées
à des universités belges construites sur le sol
africain42.
A notre avis, deux facteurs étaient susceptibles
d'expliquer une telle situation. D'une part il y avait la question de la
légitimité des programmes qui expliquait qu'il soit conforme
à celui de la métropole, et d'autre part celle de
l'ingérence de l'Etat dans la création des programmes.
L'ouverture d'une université au Congo Belge
était une expérience nouvelle pour la métropole tant dans
le milieu catholique que public. Car jusqu'alors le domaine de
l'éducation s'était cantonné aux niveaux inférieurs
et professionnels. Comme nous l'avons vu dans le premier chapitre, les
promoteurs avaient eu beaucoup de mal à faire accepter ce projet d'abord
et à réussir à le concrétiser ensuite. Il ne
voulait pas courir le risque de voir leurs projets compromis par une
expérimentation dont ils doutaient de l'issue. Ils ne voulaient pas
« tenter une expérience dont l'échec retarderait (...)
l'essor de l'université »43. Ils ne voulaient pas
tenter d'expérimentation hasardeuse. Les étudiants congolais ne
devaient pas servir de cobaye. Ils voulaient mettre le plus de chance de leur
côté pour la réussite de leurs projets en se maintenant sur
un terrain qui ne leur était pas inconnu : l'université de
Louvain ainsi que les universités qui parrainaient l'UOC avaient,
derrière elles, des siècles de tradition universitaire. Il
était
39 Chapitre I, pp. 25-26
40 LACROIX, B., Pouvoirs et structures de
l'Université Lovanium, Bruxelles, Cahiers de CEDAF n°2-3,
1972, p 47.
41 MALENGREAU, G., L'université Lovanium.
Des origines lointaines à 1960, Kinshasa, Editions universitaires
africaines, 2008, p. 180 : Le C.U.L était devenu l'Université
Lovanium grâce à l'arrêté royal du 3 février
1956.
42 LACROIX, B., Op. Cit., p. 49 : Même
si Lovanium délivrait des diplômes congolais, le programme
était totalement belge.
43 MALENGREAU, G., Op. Cit., p. 48
donc préférable de jouer la carte de la
sécurité plutôt que celle de l'innovation. Pareille option
s'expliquait par le fait qu'afin de prouver la qualité de l'enseignement
donné en son sein, l'université devait pouvoir accueillir, en
plus des étudiants africains, des étudiants européens.
La conformité du diplôme de la colonie avec celui
de la métropole était un moyen de les attirer, car, cela
était avantageux pour les fils des coloniaux qui n'étaient plus
obligés de retourner en Belgique pour parfaire leurs études. Ils
pouvaient les faire au Congo belge et avoir la reconnaissance de leurs
diplômes en Belgique. Par la même occasion, l'on pouvait attirer
des professeurs et des chercheurs européens dans les universités
congolaises.
Il faut dire que cette situation44 n'était
pas nouvelle dans la colonie belge. Déjà pour l'enseignement
secondaire au niveau des humanités, le programme des cours était
recopié sur celui des humanités belges. Pour les concepteurs, il
était entendu que ce serait aux Africains de donner une touche
totalement africaine à tout cela45.
Un autre élément à prendre en compte est
la crédibilité des étudiants. En effet, dans un univers
aussi européocentrique que celui de la colonie belge, le programme ne
devait pas être trop différent de celui de la métropole
pour la valeur du diplôme en lui-même. Il ne faut pas oublier que
la société coloniale belge était paternaliste et à
tendance raciste. Les détracteurs auraient pu voir dans ces changements,
une manière de rabaisser l'enseignement pour le ramener au niveau des
Noirs. Les étudiants euxmêmes avaient conscience de cela et pour
éviter que la valeur de leurs diplômes ne soit mise en cause, ils
n'étaient pas d'accord avec des changements trop rigoureux. Le
professeur Guy Malengreau explique que « si les programmes de
l'Université Lovanium devaient être fort différents de ceux
des universités belges, les Congolais (...), auraient accusé les
organisateurs de l'enseignement universitaire au Congo de vouloir abaisser le
niveau de cet enseignement, pour légitimer ensuite une discrimination de
statut juridique et social séparé et différent entre les
universitaires européens et les universitaires africains ».
44La transposition d'un programme métropolitain
dans la colonie.
45 MALENGREAU, G., Op. Cit., p. 47 : il tire
une citation d'une brochure paru en 1954 qui traitait de l'université
Lovanium : Nous sommes incapables de donner aux africains une culture qui
leur soit propre. Aussi longtemps que le Belgique aura en mains les
destinées du Congo, il est assez normal qu'elle pratique à son
égard une certaine politique d'intégration... s'il nous
appartient d'apporter aux africains notre patrimoine culturel, son insertion
dans leur milieu ne peut se faire que par eux. La culture universitaire de
Lovanium ne pourra informer vraiment la mentalité, les moeurs et la vie
congolaise que le jour où une partie au moins de ses professeurs et de
ses savants seront eux mêmes des africains issues de la souche
bantoue
Qui plus est, y aurait- il eu la moindre
velléité de changement dans les universités, un autre
problème de taille se serait posé ; Le contrôle
exercé par l'Etat sur les programmes.
Pour ce qui est de l'ingérence de l'Etat dans la
création des programmes, il convient de dire que pour l'U.O.C, il allait
de soi qu'en tant qu'université officielle, l'Etat avait un droit de
regard sur ses programmes de cours. Dans l'exposé des motifs
précédent l'arrêté royal, le Ministre des Colonies,
Auguste Buisseret, explique que pour son fonctionnement effectif, le nouvel
institut universitaire devait être un établissement public
décentralisé qui jouirait de la personnalité civile, cela
afin qu'elle puisse avoir une grande liberté et une très large
autonomie qui lui permettrait de mener à bien ses diverses
tâches.
Toutefois, selon l'article 8 du chapitre I et l'article 16 du
chapitre II du titre II de l'arrêté du 26 octobre 1955 portant
« création et organisation d'une université officielle
» à Elisabethville, c'est au Roi que revenait la nomination de tous
les membres du conseil d'administration ainsi que celle du recteur.
Pour veiller à la bonne exécution des
décrets et règlements sur l'enseignement, le ministre des
colonies nommait un délégué permanent du gouvernement en
Afrique et le roi nommait un commissaire du gouvernement auprès du
conseil d'administration. Les deux pouvaient faire opposition à toute
décision qu'ils estimaient contraire aux décrets et
règlements de l'université. C'est le conseil d'administration qui
décidait de toute question académique et administrative. Le
ministre de la colonie avait toutefois le droit d'émettre son
véto s'il n'était pas d'accord avec une proposition prise par le
conseil d'administration.
En tant qu'établissement public, sa principale source
financière était l'Etat. Le titre IV de l'arrêté
portant sur les « ressources financières, le budget, l'inventaire
des comptes et le bilan » dans son article 43 stipulait que pour que
l'université accepte des libéralités offertes par un
tiers, elle devait avoir l'approbation du ministère des colonies. Le
budget et les comptes de l'Université étaient soumis à
l'approbation du ministère des colonies
L'U.L était une université catholique depuis
195746. Elle avait été créée sous le
parrainage de l'université belge de Louvain. Toutefois, à ses
débuts, les promoteurs se retrouvèrent face à un
problème de taille : le financement du nouvel établissement. Il
fallait construire des bâtiments, acheter des équipements et payer
les enseignants ainsi que le personnel administratif. L'université de
Louvain n'avait pas les moyens de
46 GILLON, L (Mgr), Servir en actes et en
vérité, Kinshasa, CRP, 1995, p. 123 : Lorsqu'une
faculté de théologie fut crée à Lovanium en 1957,
en même temps que la reconnaissance de cette faculté par le Saint
siège qui était obligatoire, un décret romain
conféra à Lovanium le statut d'Université Catholique le 25
avril 1957.
fournir tous les fonds nécessaires et les dons des
particuliers ne pouvaient permettre de mener à terme une entreprise
d'une telle envergure47. Ils se tournèrent donc vers l'Etat,
qui avait toujours financé le système scolaire catholique. Et
même là l'Etat accorda son aide.
Le 11 mars 1950, un accord fut conclut entre le conseil
d'administration de Lovanium et le gouvernement du Congo-belge. Selon cette
convention, l'Etat s'engageait à rétribuer à 100 % tout le
personnel laïc et des 2/3 celui des missionnaires. Il interviendrait dans
les frais de fonctionnement du nouvel établissement à raison de
50% pour l'entretien et le renouvellement de l'équipement didactique et
de 75 % pour les dépenses socio- culturelles des étudiants. Tous
les congés vers l'Europe des professeurs ainsi que les
déplacements des étudiants jusqu'à l'université
était pris en charge par l'Etat. Pour l'investissement des
débuts, il supportait 70 % des dépenses agréées de
construction d'immeubles, de fabrication ou d'achats de mobilier et
d'équipement, tant pour le logement du personnel enseignant que pour les
homes résidentiels des étudiants et pour les bâtiments
facultaires48. En contrepartie, l'U.L devait soumettre tous ses
programmes à l'agrégation du gouvernement qui pouvait en cas de
désaccord opposer son véto49.
II. Le temps de l'autonomie
L'indépendance de la République du Congo amena
à une carence de main d'oeuvre. Les Européens étant
partis, il apparaissait clairement qu'il n'y avait pas suffisamment de cadres
congolais formés pour satisfaire aux besoins du nouvel Etat. On pouvait
compter en tout trente diplômés pour l'ensemble du territoire
national. Le pays ne possédait aucun juriste diplômé, aucun
médecin en titre, aucun ingénieur civil, aucun
scientifique50. Face à cette carence et à ce besoin,
des solutions complémentaires apparaissent.
A. L'Université de Kisangani et les instituts
supérieurs techniques
De nombreux instituts supérieurs techniques furent donc
créés.
47 Idem, p. 90
48 GILLON, L (Mgr), Op. Cit., p. 81
49 MALENGREAU, G., Op. Cit., p. 49
50MUTAMBA, J-M., Du Congo belge au Congo
indépendant 1940-1960 : Emergence des « évolués
» et genèse du nationalisme, Kinshasa, IFEP, p.154
Pour former des magistrats et des cadres administratifs,
l'Ecole Nationale de Droit et d'Administration (E.N.D.A.) fut
créée le 28 décembre 1960. De même, pour former des
ingénieurs d'exécution pour les chantiers, l'Institut National
des Bâtiments et des Travaux Publics (I.N.B.T.P.) ainsi que, l'Institut
National des Mines (I.N.M.) de Bukavu furent créés en 1961.
Un Institut Pédagogique National (I.P.N.) est
crée à Léopoldville en 1961. Puis des Instituts
Supérieurs Pédagogiques (I.S.P.) surgissent un peu partout sur le
territoire congolais, à Boma en 1963, Bukavu en 1965, Lubumbashi en
1966, Bunia et Mbuji Mayi en 1968. Car, il fallait assurer la formation
d'enseignant pour le primaire et le secondaire51.
L'ordonnance loi n°160 du 10 juin 1963, créa une
« Université Libre du Congo » à Kisangani. Cette
dernière, comme Lovanium, n'était pas officielle mais
confessionnelle privée ; elle était créée sous
l'impulsion des églises protestantes. Cette université vint
compléter le tableau. Après l'indépendance donc, l'on
retrouve une Université catholique l'« Université Lovanium
» à Léopoldville, une Université officielle l'«
Université Officielle du Congo »52 à
Elisabethville et une université protestante l'« Université
Libre du Congo » à Stanleyville.
B. L'africanisation de l'enseignement
Avec l'indépendance et la prise en main de sa
destinée par les Congolais, la donne changea. A présent,
l'ancienne colonie belge devenait un Etat autonome. Désormais ce
n'était plus des intérêts étrangers qui devaient
primer mais plutôt les intérêts nationaux.
Au début de l'année académique 1966-1967,
à l'U.L., l'on peut ressentir la satisfaction qui transparaît dans
le discours des autorités académiques concernant le travail
accompli : satisfaction par rapport aux nombreuses constructions et
acquisitions :
« Le dynamisme constructeur de notre
université, qui devient légendaire, ne s'est pas
démenti... notre colline est toujours en chantier, à l'un de ses
endroits... un home destiné à recevoir 450 étudiants sont
en voie d'établissement. »53« Si nous nous tournons
du côté de l'équipement scientifique et technique, nous
devons signaler deux ou trois faits marquants... une acquisition importante
vient d'être faite à l'université
51 BONGELI, E., L'université contre le
développement au Congo-Kinshasa, Paris, l'Harmattan RDC, 2009, p.
60
52 Pendant la sécession, l'ordonnance
présidentielle n°800/162 en fit l'Université de l'Etat
à Elisabethville. Elle garda ce nom du 14 septembre 1960 à la fin
de sécession en 1963.
53Discours académiques prononcé pour
l'ouverture de l'année académique 1966-1967 par le vice recteur
Tharcisse TSHIBANGU, pp. A1-A2
(...). La propriété d'un matériel
d'une valeur de 50.000 dollars ... a été transférée
à la République Démocratique du Congo(...). Le recteur de
l'université a par ailleurs pu acquérir à notre
institution un ordinateur électronique dans la série des plus
perfectionnés qui existent en ce moment. »54
Mais aussi par rapport à une africanisation toujours plus
visible :
« En même temps que l'Université essaie
de développer sa vie académique, elle fait un effort toujours
plus grand pour s'insérer davantage dans la réalité
africaine sous tous ses aspects, c'est ce que nous nommerons son africanisation
»55.
Malgré ce discours résolument optimiste, force
est de constater que dans les faits, c'était un peu plus
compliqué. Certes comme, le disait le vice-recteur, les cours
continuaient, de nouveaux bâtiments étaient construits, mais
à ce moment là il se posait un problème de taille : celui
de la capacité de l'université à former des universitaires
aptes à résoudre les nombreux problèmes qui se posaient
dans la société. L'enseignement donné était- il
vraiment apte à former des Africains et dans ce cas précis des
Congolais, fiers d'abord de leur identité africaine, des Noirs
conscients de leur Nation et de leurs devoirs, pouvant leur permettre d'aller
de l'avant ?
C'est cette problématique de l'enseignement
universitaire, de ses aspirations et de ce qu'elle entraina réellement
que nous allons tenter de capter dans ce point en parlant d'un concept
extrêmement important pour les universités africaines :
l'africanisation.
Le concept d'africanisation de l'enseignement est tellement
important qu'il revient dans les différents débats sur
l'université au Congo.
Au commencement de l'Université, les promoteurs
parlaient d'une université africaine. Il s'agissait de créer au
Congo une institution d'où pourrait sortir une culture purement
africaine.
Après l'indépendance, c'est un sujet qui porte
débat, car si, pour prendre l'exemple de Lovanium, Monseigneur Luc
Gillon dit d'elle qu'elle n'a jamais été une université
belge en Afrique56. Pour d'autres, elle ne fut qu'une pâle
copie de l'Université de Louvain au Congo, car avec
l'indépendance politique, l'absence de correspondance entre la culture
enseignée à l'université et la culture vécue par la
société africaine se fait sentir57.
54 Ibidem
55Ibidem
56 GILLON, L. (Mgr), Op. Cit., p. 178
57 LACROIX, B., Op. Cit., p 6
Devant ces contradictions, se pose la question de savoir
effectivement le sens de cette africanisation et dans quelle mesure elle a
été effective dans nos universités.
Pour Monseigneur Tshibangu, l'africanisation comporte deux
plans de réalisation : tout d'abord celui de l'africanisation des
cadres, et ensuite la profonde insertion de l'établissement dans le
milieu africain et son orientation spirituelle.
Selon cette définition, on doit donc d'abord tenir
compte de l'africanisation des cadres.
Dans les différentes universités congolaises, cette
donne n'a été vraiment effective que vers la fin des
années 60.
A Lovanium, le premier recteur congolais n'apparaît
qu'en 1968 avec Monseigneur Tshibangu et à Lubumbashi, il ne viendra
qu'en 1970 avec le professeur Ferdinand Ngoma. La majorité du corps
enseignant des universités jusqu'à la réforme de 1971 se
composait presque exclusivement des professeurs étrangers, surtout
européens et belges.
Cette constatation peut s'expliquer par le fait que les
études universitaires ayant commencé relativement tard dans nos
universités, il fallait donner le temps à la relève
congolaise de se former. Il fallait que les universités sortent des
assistants, des chargés de cours, des professeurs congolais.
Le deuxième facteur relevé par Monseigneur
Tshibangu, a été l'orientation spirituelle de l'université
grâce aux programmes de cours, leurs contenus, leur mode d'enseignement
utilisé, les approches épistémologiques et aussi la
référence à des préoccupations
spécifiquement africaines. Cela pour aboutir à la reprise, la
recréation et au développement d'une culture africaine
renouvelée, enrichie par des acquisitions venant de
l'extérieur58. Au-delà de l'emplacement de
l'université59, ou de la nationalité de ses membres.
Dans une université, la formation reçue doit pouvoir permettre
aux étudiants de détruire les formes sociales anciennes pour en
faire sortir une société nouvelle, meilleure et plus
adaptée.
Pour parler simplement, disons qu'une université est
africaine lorsqu'elle contribue le mieux possible à connaître et
à résoudre les contradictions des sociétés
africaines ; lorsqu'elle prend une part importante dans la création de
forme sociale nouvelle dans une Afrique confrontée au défi de son
développement et de son adaptation au monde moderne60. Pour
cela, les universitaires doivent connaître la société
qu'ils entendent
58 Rapport académique prononcé par Mgr
Th. Tshibangu p. A15
59 En Afrique ou en Europe
60 VERHAEGEN, B., L'enseignement universitaire au
Zaïre : de Lovanium à l'UNAZA 1958-1978,
Paris-BruxellesKisangani, L'Harmattan-CRIDE-CEDAF, 1978, p. 74
transformer ; ils doivent comprendre les structures qui
existent déjà, le système de pensée et les valeurs
existantes61. Un médecin ne peut soigner une maladie qu'il
n'a pas diagnostiquée.
Il semble pourtant que cette norme soit très peu prise
en compte au Congo, puisque dans les programmes des cours une place
extrêmement réduite voir quasi inexistante dans certaines
facultés est donnée à la société congolaise.
Les programmes tendent plus à définir la société
européenne que la société africaine. Comme le dit le
professeur Bongeli « l'apprentissage de la science occidentale dans le
milieu universitaire congolais s'accompagnait de l'acquisition du mode de vie
occidentale. (...) Il était question de former des blancs à peau
noire »62.
Dans les facultés, on faisait table rase du
passé africain, pour ne prendre en compte que l'apport européen.
Dans le programme, le cours d'histoire n'était pas mentionné, de
même que l'ethnologie africaine. Le département d'histoire
à Lovanium ne sera créé qu'en 1967. La
société, le système de valeurs congolais est exclu de la
réflexion des étudiants congolais. Lors de la réforme qui
intervient en 1971, l'un des griefs retenus contre le système
antérieur, était que : l'enseignement qui est dispensé
est en réalité un enseignement étranger, nullement
adapté à notre système de valeurs, à notre milieu,
à nos problèmes, à notre culture. De même, il n'y a
pas de lien suffisant entre les thèmes de recherche de l'enseignement et
nos secteurs d'activités nationales ni entre les résultats de
cette recherche et leur utilisation pratique.63
Les années 50 sont une période
d'ébullition dans le monde du savoir, par rapport à l'Afrique et
à sa place réelle dans l'histoire de l'humanité.
L'historiographie de l'Afrique prend de nouveaux chemins, dès 1947, des
revues comme « Présence Africaine », militent pour une
histoire de l'Afrique décolonisée, moins
européocentrique64. Cette tendance est, de plus en plus,
présente dans certaines universités européennes : à
l'université de Londres par exemple, en 1950, il existait une «
School of Oriental and African Studies ». A la Sorbonne en France, une
chaire
61 Idem, p. 75 : la transformation des
sociétés africaines, qui doit leur permettre
d'intérioriser et de poursuivre ce développement en
l'africanisant, implique d'abord une connaissance en profondeur et totalisante
de l'Afrique et non pas une connaissance externe, analytique,
c'est-à-dire, nécessairement aliénante ... il faut une
appréhension globale, historique et dialectique, des
sociétés africaines en tant que totalité concrètes,
c'est-àdire dans toutes leurs relations avec leur passé et leur
culture d'une part, avec les composantes du monde moderne, y compris les
survivances coloniales.
62 BONGELI, E., Op. Cit., p. 92
63 Discours de Mgr Tshibangu p. A14
64 FACE, J.D., « Evolution de l'historiographie
de l'Afrique » dans Histoire générale de l'Afrique
I dirigé par Joseph Ki-Zerbo, Paris, UNESCO, 1980, p. 59
d'histoire africaine avait été
créée durant la même période.65 En
Afrique même, une génération de fils du continent
s'était plongée dans des recherches sur leur continent. Au Congo
belge toutefois, ces nouveaux champs de recherche n'ont aucun écho.
Mais au-delà de la réalité de l'insertion
de l'étudiant dans sa société, on remarque à
l'université, l'absence de grands débats sur l'Afrique et des
réflexions ayant conduit à l'indépendance. La
compréhension du message des chantres de la décolonisation
était découragée. Les étudiants se plaignaient que
le fait de parler de Sékou Touré pouvait les faire renvoyer des
établissements66.
Il est intéressant de noter que parler d'une
africanisation totale de l'enseignement est comparé pour les
autorités à une baisse de niveau de l'enseignement67,
comme si pour que l'enseignement garde un niveau acceptable et international,
il fallait qu'il continue à utiliser les programmes calqués sur
les universités belges uniquement.
La question qui se poserait ici serait de savoir comment on
pourrait tenter de transformer une société sans savoir ce qu'elle
était réellement.
C. L'Etat et l'université
Après l'indépendance, le nouveau gouvernement
congolais portait un grand intérêt à ces institutions
universitaires dont proviendraient les cadres qui aideraient à
construire et à créer le Congo nouveau. Nombre d'entre les
dirigeants pensaient que le développement de l'éducation serait
la clé du développement68. Le nouvel Etat n'avait
cependant pas les moyens de s'occuper pleinement de ce secteur qui était
en pleine expansion69. Certes, elle honorait ses engagements, mais
l'Etat au prise avec de nombreuses difficultés, n'avait pas les moyens
de soutenir les universités dans la même mesure où la
métropole belge le faisait. Dès le début juillet 1960,
soit un mois après l'indépendance, la machine administrative et
financière congolaise connaissait
65 CURTIN, P.D., « Tendances récentes des recherches
historiques africaines et contribution à l'histoire en
générale » dans Histoire générale de
l'Afrique I dirigé par Joseph Ki-Zerbo, Paris, UNESCO, 1980, p.
88
66 VERHAEGEN, B., Op. Cit., p. 28
67 GILLON, L. (Mgr), Op. Cit., p. 178:
Parfois des esprits qui se disaient éclairés reprochaient
à Lovanium de ne pas tenir compte du fait même de
l'indépendance du pays et de rester la copie conforme d'une
université européenne... Mais en réalité, ces bons
esprits confondaient deux choses : le maintient d'un niveau universitaire
international, que j'entendais fermement protéger, et la propension
à « copier » les universités européennes, que je
ne pouvais approuver. Il fallait africaniser toujours davantage Lovanium, j'en
étais convaincu, mais pas au prix d'une baisse de niveau.
68 BONGELI, E., Op. Cit., p. 94
69 GILLON, L. (Mgr), Op. Cit., p. 183 : En
effet le nombre de ceux qui voulaient s'inscrire, étaient de plus en
plus élevé
quelques déboires dus à une mauvaise gestion
politique du dossier politico-financier lors de la table ronde
économique, qui eut lieu en Belgique du 26 avril au 26 mai 1960. Le
nouvel Etat avait été spolié de certains de ses
avoirs70. Par ailleurs, le gouvernement de la République du
Congo se trouva au prise avec de nombreux problèmes politiques: la
mutinerie de la Force publique le 5 juillet 1960, la sécession
katangaise qui fut proclamée le 11 juillet 1960, celle du sud Kasaï
qui fut proclamée le 8 août de la même année ; les
problèmes de leadership entre le président Joseph KasaVubu et le
premier ministre Patrice Emery Lumumba.
A ce niveau même si le gouvernement congolais
s'intéresse beaucoup aux universités elle préférait
laisser une certaine liberté à ces
établissements71.
Pour garder une qualité de fonctionnement acceptable, les
différentes universités en
présence, surtout celle non publiques72,
devaient trouver de nouveaux moyens de
subsistance pour ne pas avoir à compter uniquement sur
l'aide gouvernementale.
- Pour Lovanium, cela ne se fit pas sans difficultés.
Pour arriver à assurer le commencement de l'année
académique 1960-1961, Monseigneur Luc Gillon alla aux Etats-Unis pour
solliciter l'aide de la Rockefeller Foundation et de la Ford Foundation qui lui
octroyèrent 250 mille dollars américains chacun. Grâce
à cette subvention, Lovanium put assurer la reprise des cours le 25
octobre de l'année 1960 et la survie de l'université pendant 6
mois73. Cela n'était qu'une solution intermédiaire. Le
recteur tenta aussi de négocier avec les gouvernements congolais et
belge pour obtenir une aide plus substantielle et plus permanente. Suite
à ces tractations, en avril 1962, la « Fondation Université
Lovanium » fut créée. Elle avait le statut d'institution de
droit belge et était situé à Louvain. Elle procurait au
personnel étranger, en plus du salaire qu'il recevait de l'Etat
congolais, une prime d'assistance technique et l'ouverture d'un fond de pension
en Belgique74.
70NDAYWELL, I., Histoire du Congo. Des origines
à nos jours, Bruxelles-Kinshasa, Le Cri édition-Afrique
Editions, 2010, p.178 : durant la conférence belgo congolaise,
économique, financière et sociale, qui eu lieu en Belgique
après la table ronde politique, les responsables congolais
étaient absent, parce que occupée à préparés
leurs campagnes électorales. La métropole s'était donc
trouvé à la fois juge et partie dans la répartition des
biens entre le Congo et la Belgique. Et en profita pour dépouiller le
plus possible le Congo des avantages qui lui revenaient.
71 BONGELI, E., Op. Cit., p.95 : Le
gouvernement ne s'opposa pas à la création de cette
université mais il ne s'engagea pas (...) à y intervenir (...)
sous forme de contrôle.
72 Pour l'UOC la situation était
différente, d'abord sous la session katangaise et ensuite dans la
République du Congo elle reçu les subsides de l'Etat qui la
mettait dans de bonnes conditions. Dibwe & Ngandu pp. 148-149
73 GILLON, L. (Mgr), Op. Cit., p.165
74 Idem, p180
- La nouvelle université de Kisangani, quant à
elle, reçut de l'Etat au moment de sa création, des dons en
nature, immeubles et bâtiment. Les frais qui servirent à sa
fondation et à la rémunération du personnel enseignant
provenaient, pour l'essentiel, de l'étranger75, même si
au fil des ans l'Etat continua à participer financièrement et de
façon de plus en plus élevée à son budget de
fonctionnement.
Les universités ne dépendaient donc pas en
majorité de l'Etat pour assurer leur survie. Elles pouvaient, de par ce
fait, avoir une plus grande liberté de manoeuvre dans leur
fonctionnement. Mais même quand c'était le cas, l'Etat congolais
préférait laisser les pleins pouvoirs aux autorités
académiques. Il y avait toujours des représentants du
gouvernement dans les différents conseils d'administration, mais la
situation était assez ambigüe, la majorité du corps
enseignant venant de l'extérieur, l'université était
gérée par eux.
Bernadette Lacroix rapporte le cas de l'U.L. Elle nous donne un
aperçu de sa gestion après l'indépendance.
Le 10 juin 1960, le siège du conseil d'administration
de l'Université Lovanium est transféré à
Léopoldville au Congo et le 25 juin les nouveaux statuts de
l'Université sont publiés. L'article 4 de ces statuts stipule que
l'Université Lovanium serait administrée par un conseil
d'administration et que désormais cet organe serait assisté par
un conseil académique supérieur. Les pouvoirs de ce conseil
étaient extrêmement étendus. Le conseil d'administration
devait obligatoirement consulter le conseil académique supérieur
pour toutes les questions qui touchaient à l'enseignement et la
recherche à l'université. C'est lui qui proposait au conseil
d'administration la nomination du recteur, du vice recteur, du personnel
enseignant et scientifique. On avait besoin de son accord pour établir
le règlement général de l'Université. Selon
l'article 6 « tout amendement au statut devait recevoir l'approbation
du conseil académique supérieur » 76.
Ce Conseil Académique Supérieur (C.A.S.)
était composé du recteur de Lovanium, Mgr Gillon, du recteur de
Louvain Mgr Waeyenbergh et d'au moins un représentant de chacune des
facultés de Louvain qui correspondait aux facultés se trouvant
à Lovanium.
En outre, le conseil d'administration était
composé en plus de six évêques du Congo, du
président du Sénat Joseph Iléo et de monsieur Albert
Ndele, gouverneur de la banque nationale. Il était composé aussi
du recteur de Lovanium ainsi que de celui de Louvain qui faisaient aussi parti
du C.A.S. et qui pouvaient donc proposer des textes et
75 HULL, G., Université et Etat : l'UNAZA-
Kisangani, Bruxelles, Cahiers du CEDAF, n°1-2, 1976, p. 9
76 LACROIX, B., Op. Cit., p. 48
les voter. Comme on peut le voir, le pouvoir des
représentants de l'Etat est quasi inexistant, ce sont les
décideurs de Louvain qui gèrent Lovanium.
L'ordonnance loi n ° 277 du 27 novembre 1963, donne plus
de pouvoir au conseil d'administration et réduit par la même
occasion les prérogatives du C.A.S77. Malgré cela, la
même loi prévoit que le conseil d'administration de Lovanium soit
tenu de faire tous les ans un rapport de ses activités au conseil
d'administration de Louvain.
L'université Libre du Congo, nouvellement
créée, se retrouve presque dans la même situation. Elle
s'engageait à servir loyalement le gouvernement établi autant que
ce dernier lui accordait une pleine liberté de foi, de pensée et
d'expression, elle voulait bien accepter l'aide que l'Etat pourrait lui
fournir, mais elle assurait qu'elle n'accepterait pas pour autant son
ingérence dans ses affaires internes78.
Cette autonomie était vraie même pour
l'université de Lubumbashi. En effet, sous la sécession
katangaise, elle devint l'Université d'Etat d'Elisabethville. Comme
l'Etat katangais tenait à lui préserver une qualité
scientifique et pédagogique, il fallait non seulement lui donner les
moyens de poursuivre et d'intensifier ses activités scientifiques, mais
aussi de la faire connaître dans le monde entier79. Pour cela,
elle a accepté de se faire parrainer par les Universités d'Etat
de Gand et de Liège. Le conseil supérieur de l'Université
du Katanga tel que désigné par le président Moïse
Tshombe était composé de douze membres, dix d'entre eux
étaient des Belges qui provenaient de ces deux universités et les
deux autres membres étaient le ministre katangais de l'éducation
nationale, Mathieu Kalenda, et le représentant du président du
Katanga, Jean Paulus. L'Université d'Etat, bien que subventionnée
par le gouvernement katangais, est laissée libre. Même si c'est
l'Etat qui nomme le personnel académique, scientifique et technique pour
s'assurer de leur loyauté.
Après la sécession katangaise lorsque
l'Université d'Etat d'Elisabethville est redevenue l'UOC., cette
liberté a été respectée. En 1968, la politique
scientifique de l'université était définie par un Conseil
Académique Supérieur, cet organe était
présidé par le recteur et était composé
essentiellement des professeurs, deux de chaque faculté.
77 Idem, p. 47 : Son accord n'était plus
exigé pour la modification des statuts. Le conseil d'administration,
après deux délibérations successives pouvait le faire ;
désormais c'était le conseil d'administration qui nommait les
membres du CAS exception faites des professeurs Waeyenbergh, Malengreau et
Schueren.
78 HULL, G., Op. Cit, p. 9
79 DIBWE, D. - NGANDU, M., « De
l'université officielle du Congo belge et du Ruanda-Urundi à
l'Université de Lubumbashi : la mémoire d'un peuple » dans
L'Université dans le devenir de l'Afrique. Un demi siècle de
présence au Congo-Zaïre, Bruxelles-Paris, CUD - L'Harmattan,
2007, p149
Le Conseil d'Administration, où se retrouvait les
représentants de l'Etat, s'occupait de définir la politique
générale de l'université, à savoir :
- Contrôler la gestion financière de
l'Université ;
- Arrêter le règlement organique ;
- Nommer le personnel scientifique et proposer les candidatures
du personnel enseignant auprès des différents
ministres80.
Durant la période qui va de 1960 à 1971, le
milieu universitaire fut un oasis scientifique totalement indépendant
d'une quelconque influence de l'Etat. Les universités
définissaient elles-mêmes leurs orientations scientifiques et
leurs programmes. C'est d'ailleurs cette autonomie et cette liberté qui
lui ont été reprochées par les étudiants dans la
suite.
A ce stade de l'évolution du climat du pays et des
universités, l'on pourrait se poser la question de savoir qu'en est-il
de la place donnée à l'africanisation par les dirigeants des
universités congolaises? A vrai dire, cette problématique
n'était plus vraiment d'actualité pour les trois
universités du Congo.
Nous avons déjà vu que le personnel
académique et scientifique, c'est- à- dire, les professeurs, les
assistants et les chargés de cours, étaient composés en
très grande majorité d'étrangers, européens et
belges surtout. Après l'indépendance de la colonie belge en juin
1960, nombre d'entre eux qui avaient peur pour leur avenir, ont
préféré retourner en Belgique.
A Lovanium, beaucoup de professeurs, pour pouvoir continuer
à assurer leurs cours, voulaient avoir la garantie que si au Congo
l'horizon s'assombrissait pour eux, ils pourraient avoir la possibilité
de retourner dans leur pays pour y travailler. Pour les garder à
Lovanium, le recteur Mgr Gillon avait négocié une entente avec
l'Université catholique de Louvain. Elle stipulait qu'un professeur
ordinaire qui aurait passées à Lovanium dix années
académiques ou qui seraient expulsés du Congo pour cas de force
majeure seraient repris à l'Université de
Louvain81.
On peut donc comprendre qu'à Lovanium durant cette
période où le recyclage pour la Belgique était une
finalité en soi pour les enseignants, la reforme de l'enseignement
universitaire au Congo pour africaniser les cours n'était plus
d'actualité. Plus que jamais, il fallait s'en tenir à l'exemple
de Louvain.
80 BILONDA, M., « L'université de
Lubumbashi : de 1956 à nos jours » dans L'Université
dans le devenir de l'Afrique. Un demi siècle de présence au
Congo-Zaïre, Bruxelles-Paris, CUD - L'Harmattan, 2007, p52 : On
retrouvait dans le conseil d'administration le ministre de l'enseignement
supérieur, celui de la jeunesse et des sports ainsi que le directeur de
l'enseignement supérieur au ministère de l'éducation
nationale
81 GILLON, L. (Mgr), Op. Cit., p. 176
Notons toutefois que l'africanisation des cadres se faisait
petit à petit. Dans la faculté de théologie plus
rapidement qu'ailleurs. Vers les années 1967, les premiers professeurs
formés à Lovanium revinrent de l'étranger où ils
étaient allés se spécialiser. Ils commencent à
s'insérer petit à petit dans le décor académique.
Même s'ils sont accueillis avec une certaine méfiance de la part
de leurs collègues européens82.
Les concepteurs de l'Université Libre du Congo,
pensaient pour leur part, que même si la façon d'enseigner et les
matières enseignées devaient tenir compte des milieux culturel,
économique, social et académique africains, le savoir, lui,
était universel. Il n'existait pas de méthode africaine, pour
enseigner les mathématiques ou les sciences83. A cause de
cela, même si on constate qu'il y a beaucoup plus d'Africains dans son
administration que dans les autres universités, les programmes sont
d'inspiration étrangère, américaine surtout car l'on
retrouve de nombreux professeurs américains. C'est cela qui fera dire au
recteur Mollet, ce qui suit : « Les universités congolaises ne
pourront réellement jouer (de) rôle essentiel que dans la mesure
où elles jouiront, dans le domaine intellectuel qui leur est propre,
d'une grande autonomie et de la possibilité d'adapter, de modifier, de
moderniser et d'africaniser des programmes qui pour la plupart, datent d'avant
l'indépendance. »84
Pour l'U.O.C, comme nous l'avons vu plus haut, l'orientation
de l'enseignement ne change pas. Pour ce qui est de l'africanisation des cadres
pourtant, elle se fait progressivement et le premier recteur congolais, le
professeur Ferdinand Ngoma, est nommé en 1970.
D. La rupture
Le 25 novembre 1965 eut lieu le coup d'Etat du
général Joseph Mobutu. Les débuts du nouveau régime
furent prometteurs. Le nouveau régime eut droit à
82 GAMBEMBO, D., « De Lovanium à
l'Université de Kinshasa » dans L'Université dans le
devenir de l'Afrique. Un demi siècle de présence au
Congo-Zaïre, Bruxelles-Paris, CUD - L'Harmattan, 2007, p. 68 : Au
delà du salaire qui n'était pas le même pour les
ressortissants congolais et ceux étrangers. Il parle d'une certaine
discrimination à son égard « Bien que je sois issu d'une
université catholique, celle de Fribourg en Suisse, il me fut
imposé un
stage de six mois à Louvain(...). Alors que nous
étions trois venus de l'Université de Fribourg, avec le
même titre de docteur, mes collègues furent nommés au grade
de Professeur associé et moi à celui d'assistant de
première classe ! (...) en outre , le doyen de la faculté
reçut la mission de faire un rapport semestriel sur ma moralité,
condition pour un engagement définitif. J'étais le seul à
être soumis à ce régime ! Je connus même
l'éloignement de la faculté pour un bureau dans un chantier
(l'actuel bâtiment de Droit, à l'époque en
construction) ».
83 HULL, G., Op. Cit., p.6
84 HULL, G., Op. Cit., p.58
l'adhésion populaire, ainsi qu'au soutien des
étudiants.85 La politique du nouveau gouvernement,
n'était au départ pas très différente de celle de
l'ancien dans le domaine scolaire. Et le leadership des anciens colonisateurs
dans les milieux universitaires, commençait à faire des
mécontents au sein de la population estudiantine, surtout à
Lovanium.
Les étudiants reprochaient à l'université
son caractère trop colonial. Ils lui reprochaient d'être un «
Etat dans un Etat, une survivance insupportable du colonialisme sous sa
forme la plus originale... » 86. Les étudiants de
Lovanium se plaignaient de l'esprit colonialiste qui inspirait toute la
politique de Lovanium et en faisait une université belge, un
dédoublement de Louvain totalement indépendant des
autorités congolaises87. Au-delà de leurs autres
revendications pour de meilleures conditions de travail et de vie, ils
voulaient une plus grande transparence dans la gestion de l'université
ainsi qu'une implication plus active des étudiants dans le gouvernement
de l'Université à travers la cogestion.
Pour faire entendre leurs voix, les étudiants qui
étaient réunis dans des groupements d'étudiants
organisèrent de nombreuses grèves. Les frictions entre les
étudiants d'une part et les autorités académiques
étaient de plus en plus, perceptibles. Pour tenter de trouver une
solution à cette crise, un « colloque national sur l'enseignement
» fut convoqué à Goma en février 1969. Il
réunissait tous les acteurs de l'enseignement
universitaire88.
Ce colloque tenta d'apaiser les étudiants en
adhérant à une partie de leurs revendications. La charte de Goma
propose aux étudiants, dans son premier article, la
coresponsabilité qu'elle définit comme le fait de participer
effectivement à la gestion et de participer avec voix
délibérative aux organes de décisions. Les
étudiants sont définis dans l'article III comme un groupe de
participation au même titre que les autorités académiques,
le personnel enseignant et scientifique national et étranger. Leurs
représentants élus peuvent participer aux conseils des
facultés ou des sections d'études, au conseil rectoral, au
conseil pédagogique, conseil de discipline, conseil de résidence,
et tous les conseils restreints. Ils ne sont exclus que du conseil
d'administration89.
85 BONGELI, E., Op. Cit., p.70 les
étudiants de l'AGEL surtout
86 Idem, p.62
87 Ibidem
88 Initié par le ministre Kithima
89 EKWA, M., « La coresponsabilité dans
l'enseignement supérieur. Le colloque de Goma (15-20 février
1969) » dans Congo-Afrique, p.174
Cette charte sera trouvée trop progressiste par les
autorités du pays qui la qualifieront d'inacceptable90et la
rejetteront. Ce refus de l'Etat de donner suite à leurs revendications
fut à la base d'une mobilisation massive des étudiants de
Kinshasa pour la marche de protestation du 04 juin 1969. C'était une
marche pacifique organisée par les étudiants réunis au
sein du C.E.K91. Ils souhaitaient se rendre au ministère de
l'éducation nationale d'abord, puis jusqu'à la demeure du Chef de
l'Etat pour lui remettre leurs revendications. Cette marche n'avait pas
été autorisée par le gouvernement, mais les
étudiants passèrent outre.
Les militaires ouvrirent le feu sur les étudiants et cette
manifestation se solda par une dizaine de morts92.
Pour expliquer la réaction du pouvoir qui semble
démesurée face à la contestation - ouvrir le feu contre
des étudiants qui revendiquent pour une amélioration du
système estudiantin-, il faut prendre en compte le fait qu'entre le
pouvoir en place et les étudiants il existait des points de friction.
Les milieux estudiantins étaient de tendance marxiste
léniniste93. Ils reprochaient aux autorités du pays
une politique trop néocolonialiste, et outre leur revendication pour une
réforme de l'enseignement supérieur, les universitaires, qui
s'étaient toujours impliqués dans la politique et qui ne
craignaient pas de prendre position94, devenaient des contestataires
du régime dictatorial du Président Mobutu.
Ils organisèrent une marche pour protester contre le
refus de l'accord de Goma mais aussi contre le recul de la démocratie au
Congo. Ils entendaient protester contre le néocolonialisme et
l'impérialisme qui sévissaient en République
Démocratique du Congo. La veille du 4 juin 1969 l'un des tracts qui
circulaient sur le campus était ainsi
90 Ils furent influencés par une note
officieuse des autorités académiques leurs expliquant la nature
inspiratrice que pouvaient avoir une telle réforme ;
91BONGELI, E., Op. Cit., p. 83 : ce
comité réunissait des étudiants de toutes les institutions
d'enseignement supérieurs installées à Kinshasa.
92 DEMUNTER, P., Analyse de la contestation
estudiantine au Congo-Kinshasa (juin 1969) et de ses séquelles,
Bruxelles, Etudes africaines du CRISP, 1971 : Le nombre exact n'a pas pu
être établi. Entre les autorités qui parlent de moins de
dix morts et ceux qui parlent de plus d'une vingtaine de morts. Ce
dénombrement-ci est celui de l'auteur qui pense que les
témoignages les plus dignes de foi sont ceux qui attestent d'à
peux près une vingtaine de morts.
93BONGELI, E., Op. Cit., p. 77 : L'UGEC au
cours de son troisième congrès en octobre 1966 adopta une
idéologie et une méthode d'explication
marxiste-léniniste.
94 Il s'insurgèrent contre la
sécession katangaise, ils s'opposèrent en 1964 à la
commission constitutionnelle crée par le président Kasa Vubu, ils
protestèrent aussi contre la venue au Congo en 1968 du vice
président américain Humphrey pour protester contre le néo
colonialisme.
formulé « En tant qu'étudiant, il est
clair que nous sommes au premier chef sensibilisés par le
problème crucial de l'enseignement au Congo. Mais il n'y a pas l'ombre
d'un doute que c'est tout le problème du développement
général du pays qui est posé et, par voie de
conséquence, la politique globale du gouvernement. C'est pourquoi les
étudiants réitèrent leur conviction d'une nouvelle
conception du développement. Par delà les problèmes de
l'enseignement et de la bourse d'études, les étudiants posent le
nécessaire problème de libération nationale au seul profit
des masses paysannes et ouvrières du Congo Kinshasa
»95.
La marche du 4 juin 1969 et sa répression brutale
marque un tournant du changement de la politique de l'Etat vis-à-vis de
l'enseignement supérieur. Elle marque les débuts de la fin de
l'autonomie des établissements universitaires. La fin de cette autonomie
fut totalement consommée avec la réforme de 1971.
Mais avant cela quelques changements eurent lieu dans les
milieux universitaires. Face à cette contestation et à sa
gestion, il y a eu des sanctions temporaires, car ces mesures ont
été levées par le Président Mobutu, le 14 octobre
1969, jour de son 39éme anniversaire. Ces mesures ont conduit
à :
- La fermeture de certains établissements d'enseignement
supérieur : l'université Lovanium, l'IPN et l'IEM notamment ;
- La condamnation de certains étudiants, 19, jugés
et condamnés à des peines de prison qui allaient de 2 à 20
ans de prison ferme96 ;
- Le renvoi de certains étudiants avec
impossibilité pour eux de s'inscrire dans d'autres
établissements.
D'autres mesures définitives ont été
prises. C'est avec ces mesures que la rupture avec le passé intervient,
que s'instituent les débuts de la mainmise de l'Etat sur l'enseignement
supérieur aboutissant à la création de l'UNAZA en 1971.
Pour les étudiants, l'une des conséquences
directes est l'interdiction de toutes les organisations ou associations
estudiantines autres que la JMPR, à partir du 12 juin 1969. Ainsi, la
JMPR devient le seul syndicat légal des étudiants. En outre,
l'étude du Manifeste de la N'sele devient obligatoire dans touts les
établissements scolaires du pays97.
95 DEMUNTER, P., Op. Cit., p. 14
96 Ils furent jugés sur les accusations de pour
complots contre la sureté de l'Etat, organisations. Pour excitation
à la révolte...
97 DEMUNTER, P., Op. Cit., p 19
Le gouvernement décide, lors du conseil des ministres
du 13 juin 1969, qu'une restructuration de l'enseignement supérieur va
être menée avec comme finalité un renforcement du
contrôle de l'Etat sur les instituts d'enseignement supérieur.
Pour éviter que ne se répète les évènements
du 4 juin, les conditions d'admission à l'université deviennent
plus strictes, la création des facultés, instituts ou
écoles est soumise à l'accord préalable du gouvernement.
Les colloques et les dialogues avec les étudiants sont remplacés
par une participation active de leurs délégués dans les
différents conseils consultatifs qui siégeaient auprès du
ministère de l'éducation nationale.
Législativement, six lois consacrent cette nouvelle
politique. Il s'agit de :
- La loi n° 69/034 du 1er août 1969 qui
stipulait que désormais tous les établissements d'enseignement
supérieur dépendaient du ministère de l'éducation
nationale ;98
- La loi n°69/035 du 1er août 1969 qui
donne le droit au Président de la République de nommer le recteur
et le vice-recteur99 ; les professeurs ordinaires, les professeurs,
les professeurs associés, le personnel scientifique à temps plein
et le personnel académique des cadres supérieurs, quant à
eux, étaient nommés par le ministre de l'éducation
nationale, et cela même dans les universités
privées.100
Les quatre autres lois concernaient aussi l'enseignement
supérieur non universitaire ;
- La loi n°69/153 du 4 août 1969 portant
création du conseil national de l'enseignement supérieur non
universitaire. Ce conseil était constitué des membres de droit et
des membres nommés par le ministre de l'éducation nationale. Il
était appelé à :
- Donner son avis sur la représentation des enseignements
à dispenser dans les établissements ;
- La détermination du niveau académique
d'engagement du personnel enseignant et scientifique ;
- Déterminer la politique de formation des cadres
enseignants, les conditions d'inscription des étudiants, la politique
générale des bourses et prêts aux étudiants, les
programmes ainsi que le problème de l'emploi des
diplômés.101
98 Moniteur congolais, Kinshasa, n°16, 15
août 1969, p. 659.
99 Sur une proposition du conseil d'administration.
100 Moniteur congolais, Kinshasa, n°24, 15 décembre
1969, pp.959-961.
101 Moniteur congolais, Kinshasa, n°16, 15 août 1969,
pp. 661-663
- La loi n°69/154 du 4 août 1969 relative à
la création du conseil national de l'éducation, constitué
de la même manière comme celui de l'enseignement supérieur
non universitaire. Il a un rôle consultatif auprès du ministre de
l'éducation nationale et est appelé à donner son avis sur
toutes les questions relatives à la politique générale en
matières d'éducation et d'enseignement que le ministère
lui soumet ;102
- La loi n°69/155 du 4 août 1969 qui modifie la
composition de la commission interuniversitaire consultative tel que
défini dans la loi n°57 du 5 mars 1969 ; 103
- La loi n°69/156 du 4 août 1969 : elle
créait une commission consultative de l'enseignement supérieur
non universitaire chargé de donner son avis sur les programmes et la
durée des études. Elles pouvaient proposer des modifications des
textes légaux relatifs à l'enseignement supérieur et non
universitaires ainsi que toutes mesures pouvant contribuer au
développement et à l'harmonisation de ce
secteur.104
Pour survivre, les universités durent s'adapter et les
trois universités en présence modifièrent leurs structures
pour être en accord avec la vision du gouvernement. Les étudiants,
pour leur part, continuèrent à s'insurger contre le
système et à protester en coulisse. Deux ans plus tard, ils
l'exprimèrent par un coup d'éclat: en tentant une
commémoration en l'honneur de tous ceux qui étaient tombés
le 4 juin 1969. Le pouvoir considéra ces cérémonies comme
une provocation et réagit en envoyant les forces armées. La
violence de la réaction des étudiants face à cette
intrusion entraîna des décisions graves de conséquences
pour les étudiants de Lovanium d'abord et pour toutes les
universités du Congo ensuite. Le pouvoir décida de la fermeture
de l'UL pour une durée indéterminée et de
l'enrôlement de tous les étudiants de Lovanium ainsi que de
quelques étudiants de Lubumbashi dans l'armée. Après cela,
il s'en suivit une vaste réforme de tout le système de
l'enseignement universitaire et supérieur sur toute l'étendue de
la République avec comme point d'orgue, la création de
l'UNAZA.
102Moniteur congolais, Kinshasa, n°16, 15
août 1969, pp. 663-665 103Moniteur congolais, Kinshasa,
n°16, 15 août 1969, p. 665
104 Moniteur congolais, Kinshasa, n°16, 15 août 1969,
pp. 665-666
CHAPITRE III : La politique de
l'enseignement universitaire au Congo. (1971 - 1993)
A partir de 1969, des mesures ont été prises par
l'État pour réduire l'autonomie des universités. Le
discours officiel par rapport à ce durcissement est que vue les
sacrifices immenses consentis par l'État pour le secteur de
l'éducation d'abord et universitaire et supérieur ensuite, il est
parfaitement naturel, qu'il y ait un droit d'ingérence.
Ce droit d'ingérence, l'État congolais
l'applique pleinement surtout à travers les deux réformes de 1971
et 1981. « L'enseignement [étant] un moyen et un instrument
efficace au service de l'idéal et des aspirations de la
nation. il fallait une
parfaite harmonie entre la finalité et les méthodes
d'enseignement d'une part, et le système politique d'autre part ».
En vertu de cela le pouvoir se donna la toute puissance sur le secteur de
l'éducation universitaire afin que « l'enseignement soit
imprégnés de la philosophie du système politique
»105.
I. Les premières grandes réformes
(1971-1981)
Les évènements qui entourèrent la marche
du 4 juin 1969 avaient déjà permis une plus grande intrusion du
gouvernement dans les affaires de l'Université. En effet, des lois
avaient été promulguées et les Universités avaient
décidé de les respecter. Les étudiants qui militaient pour
une plus grande transparence dans leur milieu, se virent privés de leurs
organes d'expression propres, avec la suppression de tous les syndicats
d'étudiants. On leur imposa un organe d'expression conforme à
l'optique gouvernementale : la JMPR. Elle devint le seul organe d'expression
étudiant autorisé par le bureau politique du MPR à partir
du 12 juin 1969.
En plus d'être le seul organe habilité à
parler au nom des étudiants, il avait aussi un caractère
obligatoire. Tous les étudiants faisaient obligatoirement partie du
JMPR. Pour accentuer cet aspect obligatoire et incontournable, chacune des
universités fut désormais définie comme une section de la
JMPR dirigée par le chef d'établissement. Les facultés
étaient des sous sections, et les promotions des cellules. Pour
être sûr que les étudiants ne dérogeraient pas
à cette règle, des astuces sont trouvées par les
officiels. En effet, le 9 août 1969, il est décidé que
désormais toute personne voulant intégrer un établissement
universitaire devait être régulièrement inscrit à la
JMPR et
105BONGELI, E., L'université contre le
développement au Congo Kinshasa, Paris, l'Harmattan RDC, 2009, p.
91
avoir sa carte de membre. Pour pouvoir bénéficier
d'une bourse d'étude, il fallait être inscrit dans une section de
la JMPR106.
Malgré toutes ces précautions visant à
faire taire les voix discordantes provenant de l'Université, certaines
blessures restent ouvertes et le 4 juin 1971, le calme apparent est
brisé.
Les évènements du 4 juin 1969 avaient
laissé un certain flou. Il existait une grande différence entre
la version officielle et la version officieuse, sur les raisons de cette
tragédie qui avait causé la mort de certains étudiants
à propos du nombre de mort même des chiffres contradictoires
circulaient. Qui pis est, il n'a pas été permis aux
étudiants et aux familles de pleurer leurs morts et un silence
assourdissant de la part des de la communauté extérieure a suivi
cette journée107. Les milieux universitaires ont gardé
de ce jour un certain ressentiment contre le pouvoir et aussi contre les
autorités académiques accusées de jouer le jeu du
gouvernement.
Deux ans après cet événement, les
étudiants de Lovanium ont voulu commémorer ce jour de deuil et
cela malgré l'interdiction des autorités de l'université.
Ils organisent une veillée mortuaire dans la nuit du 3 au 4 juin et le
matin du 4 juin, un cercueil vide est enterré symboliquement en face du
bâtiment administratif. Après quoi une messe est dite en
mémoire de tous ceux qui étaient tombés108. Le
pouvoir, qui était déjà très méfiant
vis-à-vis des universitaires qu'il soupçonnait de subir une
grande influence des pays communistes109, y vit une révolte.
Le lendemain de ce coup de tête des étudiants, le conseil des
ministres décida de fermer l'université et d'enrôler les
étudiants dans l'armée110.
Pour gérer la crise, le 6 juin le bureau politique du
MPR sous l'inspiration du président Mobutu décide de créer
une « commission de réforme de l'enseignement supérieur au
Congo » qui a pour mission de :
- Définir une nouvelle conception de l'enseignement
supérieur du pays.
- Prévoir les moyens d'encadrement des étudiants
pour leur assigner l'optique du parti et de la JMPR.
106 DEMUNTER, P., Analyse de la contestation estudiantine au
Congo-Kinshasa (juin1969) et de ses séquelles, Bruxelles, Etudes
africaines du CRISP, 1971, pp.19-20
107 GABEMBO, D., « De Lovanium à l'Université
de Kinshasa » dans L'Université dans le devenir de l'Afrique.
Un demi siècle de présence au Congo-Zaïre,
Bruxelles-Paris, CUD - L'Harmattan, 2007, p 70.
108 Idem, pp.71-72
109 On était en pleine guerre froide, et le Congo
était dans le camp des capitalistes.
110 BONGELI, E, Op. Cit., p.88.
- Réfléchir sur l'enseignement à donner
surtout dans le domaine des sciences humaines.
Cette commission de réforme a été
composée uniquement de membres du Bureau Politique du MPR. Ce sont les
résolutions prises par les participants qui ont été
discutées lors du premier « congrès des professeurs
nationaux de l'enseignement supérieur » réuni à la
N'sele111, qui ont abouti à la réforme de 1971.
A. Réforme de 1971
Cette réforme implique des grands changements dans les
milieux universitaires, notamment :
- Les 3 universités en présence Lovanium,
l'U.O.C et l'U.L.C sont nationalisées et sont réunies dans une
seule Université : l'Université Nationale du Zaïre
(UNAZA).
Cette dernière disposait d'un conseil d'administration
unique qui définissait, dans tous les domaines, la politique des
universités et des instituts d'enseignement supérieur non
universitaire.
Chacune des trois universités devint un campus
universitaire, avec une spécialisation particulière et des
facultés bien distinctes.
· Le Campus universitaire de Kinshasa comprenait:
· La Faculté de Droit ;
· La Faculté de Médecine et Pharmacie ;
· La Faculté Polytechnique;
· La Faculté des Sciences [(Maths + chimie +
Physique)] ;
· La Faculté des Sciences Économiques ;
· La Faculté de Théologie.
· Le Campus universitaire de Lubumbashi comprenait :
· La Faculté des Lettres ;
· La Faculté de Médecine
vétérinaire ;
· La Faculté Polytechnique (Mines +
Métallurgie + Chimie industrielle) ;
· La Faculté des Sciences (Géologie +
Géographie + Minéralogie) ;
· La Faculté des Sciences sociales administratives
et politiques.
· Le Campus universitaire de Kisangani regroupait :
· La Faculté des Sciences (Biologie + Botanique +
Zoologie),
· La Faculté des Sciences Agronomiques,
· La Faculté des Sciences de l'Éducation.
111 Idem, p. 89
- Tous les instituts supérieurs existants sont
intégrés dans l'UNAZA, et pour optimiser les cours et les
uniformiser, une échelle unique de diplômes et de grade est
instituée pour toute l'UNAZA. Désormais il devient plus facile
pour un étudiant de passer d'un institut à une université.
Ses cycles sont répartis de la manière suivante :
· Un premier cycle de graduat ;
· Un deuxième cycle de licence, d'ingénieur,
de pharmacien ou de doctorat ;
· Un troisième cycle de doctorat.
La finalité de cette réforme était de
mettre sur pied une « Université zaïroise étant en
état d'assurer l'ensemble des services nécessaires à la
société moderne et de s'adapter constamment aux besoins de
celle-ci »112. Il fallait rejeter l'ancien système
qui dispensait un savoir trop encyclopédique, pour que l'enseignement
universitaire devienne plus concret.
L'État expliqua qu'elle voulait éliminer toute
les idéologies centrifuges des universités (catholique,
protestante, libre), mettre un terme aux distinctions des universités et
rationaliser la gestion administrative en centralisant le
système113. Toutefois nombre d'observateurs extérieurs
et intérieurs sont d'accord sur le fait que cette réforme visait
beaucoup plus à contrôler d'avantages les milieux universitaires
et à instrumentaliser l'université.
Officiellement, cette réforme était essentielle,
car il fallait rentabiliser l'enseignement universitaire : l'État
estimait qu'elle dépensait beaucoup d'argent pour ce secteur mais qu'en
contrepartie, les étudiants formés n'étaient pas
utilisables directement. Il fallait donc une réorganisation rationnelle
de toute la structure114 pour empêcher le développement
anarchique qui sévissait dans ce domaine. L'enseignement au Congo devait
être désoccidentalisé pour détruire l'image de
« jeunes formés en occident » que donnaient les universitaires
congolais115.
En outre, depuis quelques années, des voix se levaient
dans le pays pour critiquer le système universitaire et demander sa
réforme.
Les étudiants congolais, à travers leurs
nombreuses grèves, demandaient entre autres choses des réformes
pour sortir du carcan de l'occidentalisation que lui imposait son corps
professoral.
112UNAZA, 1973-1974, 1974-1975, Kinshasa,
Presses universitaires du Zaïre, , ... p. 16
113 GAMBEMBO, D., Art. Cit., p 72
114 Idem, p 91
115 BONGELI, E., Op. Cit., p. 89
Pour Mgr Luc Gillon, il était clair qu'il fallait
changer des choses dans le système. En 1967, il rédigea une note
sur la nécessité de « la réorganisation de
l'Enseignement universitaire au Congo » dans laquelle il proposait de
créer une Université Nationale qui serait un établissement
public chargé de la programmation générale, de la
coordination du développement et de la haute gestion de l'enseignement
universitaire116. Deux ans plus tard, en Belgique, lors d'un
séminaire sur la formation des cadres de l'enseignement universitaire,
cette idée resurgit. L'on proposa même de créer un
regroupement de ces universités pour permettre une plus grande
concertation entre les universités en présence117.
A coté de ces autres revendications, une autre revenait
: l'inadéquation entre la formation donnée et les besoins
réels de la société, le professeur Verhaegen reprocha
à l'université de créer des «
diplômés parasites »118.
Ces exemples montrent qu'une réforme de l'enseignement
était inévitable et demandée de toute part pour permettre
une meilleure utilisation de l'université dans le processus du
développement du pays. Les différents acteurs étaient
d'accord sur le fait que le milieu universitaire avait de sérieuses
lacunes, et qu'il était essentiel de trouver des moyens pour y
remédier et l'améliorer.
A ce stade des revendications, la réforme de 1971
pourrait être considérée comme une étape importante
pour le développement et le relèvement de l'enseignement
supérieur au Congo. Quand en est-il au juste ?
La réforme, à ses débuts, se fixa des
objectifs très élevés. En effet, elle devait permettre de
former un nouveau type d'homme congolais, « un patriote convaincu,
intègre, engagé, qui enracine sa personnalité dans les
valeurs africaines de solidarité, de respect des anciens et des
autorités. Un congolais ouvert, apte à l'intégration
harmonieuse des valeurs de modernité, préparé à la
réalisation d'un Congo moderne et en continuel développement,
tout en conservant sa personnalité et son authenticité
»119. Elle devait inciter les universités à
s'africaniser ; en se fixant comme objectif de « dispenser un
enseignement qui décolonise les esprits, c'est-à-dire un
enseignement dont le contenu sera basé non seulement sur des valeurs
universelles, mais aussi sur les valeurs africaines et surtout [zaïroise]
». Et leur permettre participer
116 TSHIBANGU, T. (Mgr), Op. Cit., p 25
117 BONGELI, E., Op. Cit., p89
118VERHAEGEN, B., L'enseignement Universitaire au
Zaïre de Lovanium à l'UNAZA, Paris-Bruxelles-Kisangani,
L'Harmattan-CRIDE-CEDAF, 1978, p 122
119 TSHIBANGU, T. (Mgr), Op. Cit., p. 102
activement au processus de développement du pays en
fournissant avec une économie maximum de temps et d'argent tous les
cadres dont le pays avait besoin120.
Force est pourtant de constater que ce ne fut pas le cas. La
réforme de 1971 conduit plutôt à une politisation de
l'Université qui s'opéra souvent aux dépens de celle-ci.
C'est cela qui fait dire que le but réel de cette réforme
n'était pas une amélioration quelconque du système, mais
plutôt une main mise effective du pouvoir afin de réduire à
néant ces lieux de contestation qu'étaient les universités
et les instituts.
Désormais c'est au gouvernement et au parti unique, le
MPR, que revient le contrôle de l'UNAZA. Les nouvelles lois sont claires.
Seul le Président de la République est habilité à
faire le choix du recteur, du pro-recteur121 ainsi que du
vice-recteur122. Un autre exemple de la toute puissance du
gouvernement, dans le nouveau système, se retrouve dans la composition
même du conseil d'administration qui est, selon les nouvelles
règles en vigueur, l'organe supérieur assurant la direction de
l'UNAZA au fil du temps, ce contrôle se faisant d'ailleurs de plus en
plus sentir. L'on peut le constater à travers l'évolution de la
loi.
C'est le Conseil d'Administration qui définit la
politique et les objectifs de l'université ; c'est lui qui crée
les instituts supérieurs, les facultés dans les campus, les
départements et les enseignements nouveaux ainsi que les sections dans
les instituts ; et c'est encore le Conseil d'Administration qui arrête,
sous réserve de l'article 48123, le statut du personnel de
l'Université124.
Lorsque l'ordonnance- loi portant n° 71-075 portant
création de l'Université Nationale du Congo fut
promulguée, elle définissait ainsi les membres composant le
Conseil d'administration dans ses articles 5 et 6 :
« Article 5.
120 KUYIYA, Makiona, L'UNAZA face au devenir socio
professionnel de l'étudiant, Mémoire de licence en SPA,
UNILU, 1979-1980, p. 2O.
121UNAZA, Op. Cit., p.24 : Article 10 : le
recteur et le pro-recteur de l'Université Nationale sont nommés
par le Président de la République sur proposition du Ministre de
l'Education Nationale et après avis du Conseil d'Administration de
l'Université Nationale...
122 Idem, p.26 Article19 : le vice-recteur est nommé par
le président de la République, sur proposition du Ministre de
l'Education Nationale et après avis du Conseil d'Administration de
l'Université Nationale...
123Idem, p.23 : Chapitre VII. Statut du Personnel
Administratif, Académique et Scientifique.
Article 48 : Le président de la République fixe par
voie d'ordonnance le statut du personnel académique, scientifique et
administratif du cadre supérieur de l'Université nationale.
124Idem, p.23 : Article 7.
L'Université nationale du Congo est administrée
par un conseil d'administration comprenant :
- Le Ministre de l'Education Nationale
- Le Recteur
- Les Vice-recteurs des campus universitaires
- Le Président du Conseil général des
Instituts supérieurs pédagogiques - Le Président
du Conseil général des Instituts supérieurs
techniques
- Le président de l'Office Nationale de la Recherche
scientifique
Deux délégués du parti
désignés par le bureau politique pour chaque session du
conseil.
Le président de la République peut, sur
proposition du Ministre de l'éducation Nationale, nommer cinq autres
membres au maximum.
Article 6.
Les fonctions de Président et de Vice-président
du Conseil d'administration sont remplies respectivement par le Ministre de
l'éducation Nationale et par le Recteur.125
L'ordonnance loi n° 72-002 du 1é janvier 1972
modifia cette composition. Dans son article 2.
« Le Conseil d'administration comprend :
1) Le Recteur
2) Le Pro-Recteur de l'Université Nationale
3) Le Secrétaire Générale de
l'Education Nationale
4) Les Vice-recteurs des Campus Universitaires
5) Le Président du Conseil général des
Instituts Supérieurs pédagogiques
6) Le Président du Conseil général des
Instituts Supérieurs techniques
7) Le Président de l'Office National de la Recherche
et du Développement
8) Deux délégués du Parti
désignés par le bureau politique
125 Moniteur congolais n° 20 du 15-10-1971, p. 929
9) Eventuellement des membres « étrangers
» nommés par le Président de la République, sur
proposition du ministre de l'Education Nationale, pour un terme de cinq ans
renouvelable.
Le nombre de ces membres ne peut excéder cinq.
Les fonctions de Président et de
vice-président du Conseil d'administration sont remplies respectivement
par le Recteur et le Pro-Recteur. Si le ministre de l'Education Nationale
assiste aux séances du Conseil d'administration il en est de plein droit
le Président.126
Après une autre modification par l'ordonnance loi
74-022 du 12 janvier 1974, la présidence du Conseil d'administration
n'était plus l'apanage du recteur, qui perdit de son pouvoir, au profit
des membres du MPR :
« Article 6.
Le conseil d'administration comprend :
1) Trois délégués du MPR nominés
par le Président de la République par voie d'ordonnance.
2) Le Recteur et le Pro-Recteur de l'UNAZA.
3) Le Directeur Générale de l'Education
nationale.
4) Les présidents du Conseil Générale
des campus, des Instituts supérieurs pédagogiques et des
Instituts supérieurs techniques.
5) Le Directeur Générale de l'Office nationale
de la Recherche et du Développement.
6) Eventuellement, des membres nommés par le
Président de la République sur proposition du commissaire d'Etat
à l'Education nationale, pour un terme de cinq ans, renouvelable ; le
nombre de ces membres ne peut excéder 9.
Les fonctions de Président et de vice-président
du Conseil d'administration sont remplies par deux
délégués du MPR.127
L'on assiste ainsi à une baisse des critères de
sélection des autorités académiques car désormais
le choix du Président prime sur les compétences. Il faut savoir
que le pouvoir du président est grand dans le conseil d'administration,
car la loi stipule que « Les décisions sont prises à la
majorité absolue des voix des membres présents. En
126 Journal officiel n° 3 du 1-2-1972, p. 69.
127 UNAZA, Op. Cit., p.22 : Article 6.
cas de partage des voix, celle du président de
séance est prépondérante »128.
Même au niveau des campus dés le départ, il y a ce laxisme
profond, pour exemple, la fonction de vice-recteur à l'UNAZA qui pouvait
être exercé par toute personne ayant un « diplôme
d'un niveau au moins égal à la licence » pourvu qu'il
ait été nommé par le Président de la
République129. Il n'était pas nécessaire
d'être un professeur pour devenir vice-recteur. Or le rôle de vice
recteur était extrêmement important dans les campus, car c'est eux
qui dirigeaient les comités directeurs des campus130; ils
assuraient également la direction générale de
l'université, convoquaient et présidaient avec voix
délibérative les conseils de faculté et enfin assistaient,
avec voix délibérative, aux jurys d'examen131.
A coté de cela, la réalisation des grands
objectifs affichés de la réforme se heurtait au manque de
financement adéquat ; Mgr Tshibangu, recteur de l'UNAZA, parlant des
écueils rencontrés par la réforme, cite le budget
constamment insuffisant qui était « toujours inférieur
aux prévisions soumises au Législateur » et «
l'irrégularité dans son octroi, [qui] rendait impossible une
gestion rigoureuse ». A cela s'ajoutait une place totalement
insuffisante pour les subventions scientifiques « 80% du budget
allaient à la rémunération et à la
restauration »132. Les laboratoires et les
bibliothèques ne fonctionnaient pour une bonne part que grâce aux
accords de coopération.
Un autre problème de taille était la «
lourdeur [...] et [la] lenteur [...] administrative [...] compte tenu de
l'éloignement de nombreux établissements de l'UNAZA
disséminés à travers tout le pays
»133. Cela conduisait au blocage des initiatives locales. Dans
ce système, les propositions de ceux qui travaillaient sur le terrain et
qui auraient pu mieux cerner les difficultés rencontrées
étaient rejetées pour privilégier les
128 Moniteur congolais n° 20 du 15-10-1971, p. 930
129Idem, p. 931 : Article 19.
130Le comité directeur était l'organe
principal des campus universitaires. Il avait comme attributions, selon
l'article 14 : 1°. Il arrête le règlement d'ordre
intérieur du campus universitaire... ; 2°. Il détermine,
après avis des facultés ou départements
intéressés, le nombre d'heures de cours que comporte
l'enseignement de chaque matière ; 3°. Il fixe, après avis
de l'intéressé, le nombre d'heures de cours qu'un membre du
personnel enseignant à temps plein peut assurer au-delà de la
durée minimum légale du service des membres de ce personnel ;
4°. Il établit le calendrier de l'année académique
et, après avis des facultés ou des départements, selon le,
l'horaire des cours et le calendrier des examens et des
délibérations ; 5°. Il décide, dans la limite des
crédits budgétaires, des travaux d'entretien des bâtiments
du campus universitaires.
131UNAZA, Op. Cit., p. 26 : Article 20.
132TSHIBANGU, T. (Mgr), Op. Cit., pp. 31-32.
L'exemple qu'il nous donne est édifiant : En 1979-1980 :
90.000.000.00 Zaïres sont prévus pour la restauration, contre
500.000.00 Zaïres pour les bibliothèques de l'ensemble de
l'UNAZA.
133Idem p.31.
décisions des responsables qui se trouvaient à
des milieux de kilomètres de distance et n'avaient peut- être pas
un aperçu global des réalités du terrain134. Le
président de la République lui-même admet qu'une certaine
« lourdeur de gestion au niveau du rectorat a parfois paralysé
bien des choses »135.
Pour finir, l'un des problèmes le plus important
était un conflit d'autorité et de compétence entre le
rectorat, les instances du MPR et le Ministère de tutelle ou le
président du conseil d'administration. Certaines décisions
importantes pouvaient être prises, puis annulées parce que ne
correspondant pas à la volonté de certains décideurs
politiques haut placés136.
Du point de vue des infrastructures, à cause du «
non établissement d'un grand projet d'ensemble [...] d'extension et
de développement de l'Université »137,
l'université qui n'avait pas appliqué de politique d'expansion
des bâtiments dut remettre en cause sa capacité d'accueil, qui
devenait insuffisante face à l'afflux toujours plus nombreux
d'étudiants et cela dans les trois campus.
Cette réforme, comme l'on peut le voir n'a pas atteint
ses objectifs, c'est même plutôt le contraire qui s'est produit.
Les universités qui, en 1965, au-delà de tout ce qu'elles
pouvaient rencontrer comme difficultés, avaient des politiques
d'expansion pour une meilleure capacité d'accueil138, se
trouvèrent, confrontées à une stagnation qui a
entraîné une incapacité à contenir tous les
étudiants et à les faire étudier dans des conditions
acceptables. Le président Mobutu le reconnaît en affirmant que
« l'insuffisance des structures d'accueil risque de compromettre la
qualité de l'enseignement »139.
134NGUB'SIM, R., Pour la refondation de
l'université de Kinshasa et du Congo : Faut-il recréer Lovanium
?, Paris, L'Harmattan, 2010, p. 190 : La masse de circulaire
émanant du rectorat et du ministère allant jusqu'aux
détails de la gestion quotidienne, témoignait justement de cette
illusion bureaucratique, avec le double danger d'une standardisation
artificielle du fonctionnement de tous les établissements pour les
besoins de l'administration centrale et d'un penchant à donner des
solutions formelles et stéréotypées au détriment
des solutions spécifiques, fruit de l'imagination créatrice des
acteurs de terrain.
135MOBUTU Sese Seko, Discours, allocutions et
messages : 1976-1981, tome 2 (1979-1981), Kinshasa, Bureau du
président, p. 154.
136 Idem, p.191: ...les évaluations de
sélection de février, qui permettaient de se débarrasser
des étudiants faibles, instaurées par le Rectorat, ont...
finalement [été] supprimés sur ordre du conseil
révolutionnaire.
137TSHIBANGU, T. (Mgr), Op. Cit., p. 32
138NGUB'USIM, R., Op. Cit., p.191 : des
constructions qui avaient cours à l'ULC et qui prévoyaient 12
homes et divers complexes avec piscine universitaire, ainsi que la construction
d'un restaurant universitaire à l'UOC, et des constructions
prévue à Lovanium (construction d'une faculté de
pharmacie, d'un home 40) furent arrêtés avec l'arrivée de
l'UNAZA.
139TSHIBANGU, T. (Mgr), Op. Cit., p. 153
La trop grande centralisation a également
empêché l'Université de fonctionner de manière
réellement efficace. Face à cette crise, une autre réforme
s'imposait pour corriger le tir. Elle intervint en 1981, soit dix ans
après la première grande réforme de l'enseignement
universitaire.
B. Réforme de 1981
Les forces en présence étant d'accord sur le
fait que la réforme de 1971 avait mené à une impasse et
qu'il était essentiel de trouver des solutions, la Décision
d'Etat n°09/CC/81 du 1er juin 1981 a essayé de corriger
le problème de la trop grande centralisation dont les résultats
n'ont pas été satisfaisants, en proposant une certaine
décentralisation et une autonomie de gestion plus grande pour les
différents établissements.
Ainsi, l'UNAZA fut scindée en trois universités
d'Etat, à savoir: l'Université de Kinshasa (UNIKIN),
l'Université de Kisangani (UNIKIS) et l'Université de Lubumbashi
(UNILU). Chacune de ces universités était dotée par la
réforme « d'une personnalité juridique et
gérée de manière autonome » par le Conseil de
l'Université, lui-même dirigé par un recteur. Mais cette
« autonomie de gestion» se fait sous la supervision d'un
Conseil d'administration commun à toutes les trois universités. A
ce niveau, le conseil d'administration était lui-même sous le
contrôle supérieur d'un conseil de tutelle140. La
raideur administrative que l'on avait déplorée sous la
première reforme, et qu'il avait fallu combattre, était toujours
présente car là encore, chacun des établissements n'a
toujours pas la liberté totale de définir sa politique compte
tenu des réalités rencontrées sur le terrain. La
centralisation est toujours d'actualité, ce qui fait dire au professeur
Ngub'usim que « la réforme de 1981 n'était [...]
à plusieurs égards, qu'une restructuration de façade
»141 de l'UNAZA, avec toujours à sa tête Mgr
Tshibangu, ancien recteur, devenu le président du Conseil
d'administration des Universités.
Dans le nouveau système, l'Etat garde toujours son
pouvoir de décision et de pression sur les Universités, car c'est
à elle que revient le pouvoir de nommer les autorités en
présence. L'article 14 de l'ordonnance n°081-142 du 3 octobre 1981
précisait que « le recteur est nommé par le
président de la République, [...] parmi les membres du personnel
académique ayant rang de professeur ordinaire ». Il faut
souligner que dans le nouveau système, le recteur de l'Université
peut être comparé au vice-recteur de l'ancien système. On
pourrait donc se réjouir du fait que désormais, c'est parmi
les
140 TSHIBANGU, T. (Mgr), Op. Cit., p.143-144 : les
instituts supérieurs Pédagogiques, et les instituts
supérieurs techniques, possédaient aussi leurs conseils
d'administration. Ce sont ces trois conseils d'administration qui se retrouvait
sous le contrôle du département de l'enseignement supérieur
et de la recherche scientifique.
141NGUB'USIM, R., Op. Cit., p.197
professeurs que l'on retrouve les dirigeants de
l'université. Mais l'article précise plus bas que « sans
égard aux dispositions de l'alinéa précédent, le
Président de la République [pouvait] nommer Recteur tout
Zaïrois jugé digne et compétent »142.
Il y a donc une régression par rapport à l'ancienne
législation. Car, auparavant, légalement du moins, le
vice-recteur devait au moins avoir un diplôme de licence. Ici la
compétence n'est même plus un critère de sélection
des responsables de l'université.
Dans le même temps les problèmes de financement
de l'Université persistent et s'aggravent même car l'Etat,
principal bailleur de fond de l'enseignement, n'a plus du tout les moyens de sa
politique.
A partir de 1975, l'Etat zaïrois traverse une crise
économique profonde dû à une mauvaise gestion du
pays143. L'Etat, pour survivre et sortir de la crise, se met sous la
tutelle des organes de financement internationaux, qui l'astreignent à
des mesures drastiques. Il se trouve contraint, pour recevoir cette aide, de
faire des coupes importantes dans certains secteurs sociaux. La baisse du
budget alloué au secteur de l'éducation en fait partie. Si au
départ l'insuffisance du budget du système universitaire est
définie comme résultant du désir du pouvoir de mettre les
universités à genoux afin de briser la contestation, à ce
moment de l'histoire, l'Etat n'a réellement plus les moyens d'investir
dans le système éducatif, et donc d'atteindre les objectifs qui
sont assignés aux universités.
En 1984, la table ronde sur l'Etat et l'avenir de l'ESU admet
qu'il existe « une inadéquation entre, d'une part, les
objectifs et les grandes orientations politiques de la Réforme de 1981et
d'autre part, les moyens mis en oeuvre pour atteindre ces objectifs et par
conséquent, pour réussir la Réforme, moyens qui sont
insuffisants, étant donné notamment que leurs prévisions
ne sont pas judicieusement articulées. » 144
Cette réforme n'arrive donc pas à réparer
les lacunes existant dans l'Université et la dérive du
système continue.
142 TSHUND'OLELA, G., « Pour une (re)définition
des libertés académiques en République démocratique
du Congo » dans Universités et libertés
académiques en République démocratique du Congo,
Dakar, CODESRIA, 2005, p.114
143NDAYWEL, I., Histoire générale du
Congo. De l'héritage ancien à la République
Démocratique du Congo, Paris-Bruxelles, Duculot, 1998, pp. : Le
Congo connu une certaine croissance à ses débuts grâce
à une politique assez heureuse, il y eu la renégociation du
contentieux belgo congolais, la réforme monétaire de 1967, et la
promulgation en 1969 d'un nouveau code d'investissement. En 1973 eu lieu la
zaïrianisation qui donna de nombreuses entreprises à des membres du
gouvernement qui ne surent les gérer, cela constitua l'une des
premières raisons de la crise.
144 TSHIBANGU, T. (Mgr), Op. Cit., p. 125
C. La formation durant cette période.
Dès le départ, les législateurs sont
clairs, sur le fait qu'il faut discipliner les étudiants qui n'ont
« pas conscience de leur rôle vis-à-vis de la Nation
[...] [et] se considèrent uniquement comme des ayant-droits et des
techniciens devant voir les choses de haut et se cantonner dans la critique
destructive et stérile alors qu'il doivent être des militants
»145. Pour les autorités, c'est cette inconscience qui
explique les grèves, les marches et les protestations qui ont, depuis un
certain temps, ponctué la vie universitaire. En même temps, il
faut revoir l'enseignement qui leur est dispensé car c'est un «
enseignement étranger ».
Pour arriver donc à conscientiser les étudiants,
un accent particulier est mis sur la formation idéologique à
l'UNAZA. L'enseignement est utilisé comme instrument pour promouvoir
l'idéologie nationale. Cet extrait tiré du rapport du
congrès des professeurs de juillet 1971 qui concrétisa les points
marquant de la réforme, pourra étayer nos propos :
« Dans le but de cultiver le sens civique des
étudiants congolais, il est à recommander d'organiser un cours
obligatoire sur le Manifeste de la N'sele à partir de la
1ère année du Cycle d'enseignement supérieur ou
universitaire ; toutefois, dans le but de prévenir des
interprétations déviationnistes et tendancieuses du Manifeste de
la N'sele, il est demandé que le Bureau Politique du Parti mette sur
pied une Commission d'experts chargée de concevoir ce cours.
Le contenu de ce cours porterait sur la philosophie du
Nationalisme congolais authentique dont parmi les éléments
essentiels il conviendrait de citer :
a. L'exaltation des valeurs et de l'entité nationales
;
b. Le maintien de l'intégrité territoriale et
de sa souveraineté nationale ;
c. L'affirmation de la grandeur de l'Etat et de la politique
nationale ;
d. La maitrise et le contrôle des moyens
matériels et humains du développement économique et social
de la Nation ;
e. L'incorporation des diversités régionales
dans l'entité nationale ;
f. La place du Congo dans l'Afrique et dans le
monde.
Dans le cadre de cette analyse du Nationalisme congolais
authentique contenu dans le Manifeste de la N'sele, il serait fort
indiqué de faire mieux connaître aux étudiants les
145Idem, p. 101
nombreuses réalisations à mettre au compte de
cet effort de développement par le nationalisme (Bilan du Régime
Mobutu 1965-1970).» 146
Ainsi, il fallait inculquer une culture civique forte aux
étudiants. Un cours de « civisme et développement » fut
programmé dans toutes les facultés. Dés 1973, ce cours,
défini et contrôlé par le Bureau politique du parti unique,
fut consacré à l'étude du mobutisme afin d'obtenir
l'adhésion des étudiants aux idéaux du
MPR147.
Au-delà de cette formation idéologique de plus
en plus présente, ces réformes ne contribuèrent nullement,
dans le milieu universitaire, au renouveau de l'enseignement qu'elles avaient
promis et dont les universités avaient tant besoin. L'africanisation
dont nous avons parlé au chapitre deux, ne devint qu'à
moitié effective dans le nouveau système.
A moitié, car pour ce qui est des autorités
académiques et du corps professoral, une africanisation eut
réellement lieu au fur et à mesure. Des efforts ont
été effectivement réalisés pour permettre
d'augmenter le nombre des chercheurs et des professeurs nationaux, avec la
création du BEPUZA. Cet organe offrait aux assistants et aux chefs de
travaux, la possibilité d'avoir des bourses locales, pour pouvoir
poursuivre leurs cursus académiques148.
Pour ce qui est du deuxième volet de l'africanisation
par contre, force est de constater que malgré le fait que l'objectif
principal de cette reforme de l'enseignement fût de renforcer cette prise
en compte des besoins de la société149, cet objectif
ne fut jamais atteint. Nous disions au deuxième chapitre que pour parler
d'africanisation des cours, il fallait revisiter en profondeur tous les
programmes de l'université en cherchant, en même temps, à
identifier les besoins de la société. Ces recherches et ces
restructurations demandent énormément d'implications de la part
de tous les acteurs de l'université, mais aussi des moyens
considérables, alors que ni l'UNAZA d'abord, puis ni les
universités officielles congolaises ensuite, ne remplissaient les
critères permettant une telle avancée.
Toutefois, on note une certaine volonté d'aller de
l'avant. Car une certaine poussée a été donnée aux
recherches avec la création, des PUZ en 1976150, pour
146 Idem, pp. 109--110
147 TSHUND'OLELA, G., Art. Cit., p.113.
148 NGUB'USIM, R., Op. Cit., p. 186
149 TSHIBANGU, T. (Mgr), Op. Cit., p. 104 : «
Il faut un lien constant entre l'enseignement d'une part et les structures
et les besoins réels et profond de la société congolaise
d'autre part. Ainsi l'Université doit s'associer à
l'élaboration des programmes de développement du pays de
façon qu'elle soit un instrument efficace de progrès.
»
permettre la publication d'ouvrages scientifiques. D'autres
centres de recherches universitaires ont été aussi
créés en grand nombre : le CIEDOP, l'IRES, le CERP, le CERDAC, le
CELTA, le CERUKI, le CCFPE, le CANDIP, le CEDAR, le CRIDE, le CEPAC, le CERPHA,
le CECOMAS, le CEZEA, le CREM, le CRIDHAC. Un service de pédagogie
universitaire est même créé. Il publiera un bulletin
universitaire très apprécié dans les milieux
académiques qui fournira de la documentation sur la pédagogie
universitaire151.
Pourtant, toutes ces initiatives ne sont pas allées
bien loin et n'ont pas rempli leurs fonctions correctement car le principal
bailleur de fond, à savoir l'Etat, ne donnait pas les moyens aux
universités pour appliquer des politiques de développement. Le
budget accordé par l'Etat était constamment inférieur
à celui proposé par les dirigeants de l'UNAZA pour sa
croissance152. A ce niveau, l'université devait tenter de
survivre et avait à faire face à une préoccupation
beaucoup plus importante que celle de son africanisation : la baisse de son
niveau d'enseignement.
Quand nous avons parlé de l'africanisation de
l'enseignement, nous avons fustigé l'inadéquation qui existait
durant la période coloniale, la première République et le
début de la deuxième République, entre les études
universitaires et leur finalité dans l'établissement
universitaire qui était restée coloniale malgré
l'indépendance. Force est toutefois de constater qu'au-delà de
tous les reproches que l'on peut faire à l'université congolaise
dans ses débuts, la majorité des acteurs, qui ont
participé à sa création, ou aux différentes
mutations qu'elle a subies, avaient à coeur de lui conserver un niveau
universitaire respectable.
Nous l'avons dit au deuxième chapitre, si au
début de Lovanium, on n'a pas voulu trop changer les programmes et si on
les a gardés les plus semblables possible à ceux de la
métropole, c'est parce qu'il ne fallait pas que les détracteurs
accusent les dirigeants de vouloir baisser le niveau de l'enseignement. Plus
tard, après
l'indépendance, le recteur Mgr Gillon explique que
« pour conserver la qualitéacadémique de
Lovanium, je veillais à maintenir, dans chaque programme, des
cours pour lesquels nous faisions appel à des professeurs visiteurs
venus d'Europe, surtout
150 NGUB'USIM, R., Op. Cit., p.186
151 TSHIBANGU, T. (Mgr), Op. Cit., p.29
152 NGUB'USIM, R., Op. Cit., p. 197 : Les
dépenses de l'enseignement pour l'ESU tombèrent de 25% en 1970
à 7,38% en 1980.
des universités belges. Leur présence dans les
jurys me donnait l'assurance du respect des exigences qui avaient valu à
l'université sa bonne réputation ».153
Il en est de même de l'UOC, comme exemple, nous pouvons
citer cet extrait de la note du Ministre de l`Education nationale et des
affaires culturelles du Katanga lors de la sécession Mr Joseph Kiwele:
« le but du gouvernement [...] fut de lui donner [à
l'université] un caractère authentiquement africain [...]. Mais
il fut aussi de lui préserver sa haute qualité scientifique et
pédagogique, de lui donner les moyens non seulement de poursuivre ses
activités, mais aussi de les intensifier et de les faire connaître
dans les milieux scientifiques du monde entier »154. Comme
on le voit, tout était mis en oeuvre tant par les autorités
académiques que par les autorités gouvernementales
compétentes pour préserver un certain niveau que l'on estimait
devoir garder aux universités.
Avec les nouvelles réformes universitaires, l'on
remarque que cet élitisme disparait peu à peu de
l'Université, car cette dernière se trouve placée devant
un défi qu'elle n'arrive pas à résoudre : réussir
à garder un niveau suffisant avec des moyens tant matériels que
financiers de plus en plus réduits.
A l'UNAZA d'abord puis dans les trois universités
nationales ensuite, on assiste à une lente baisse du niveau
universitaire.
D. Les causes de la baisse du niveau universitaire
Pour nous, trois causes principales peuvent être
identifiées. Il s'agit d'abord des conditions déplorables
auxquelles étaient soumis les enseignants. Ensuite vient la baisse de
rigueur dans les critères de sélection des étudiants et
enfin il y a le manque de moyens logistiques.
- La situation des professeurs est extrêmement difficile
durant cette période, car leurs conditions de travail, au fil des ans,
ne cesseront de se détériorer. Leur salaire devient de plus en
plus dérisoire, parfois même, ils ne sont pas payés tous
les mois155. L'Université s'est retrouvée dans des
moments où c'est bénévolement que
153 GILLON, L. (Mgr), Servir en actes et en
vérité, Kinshasa, C.R.P, 1995, p. 177 : La raison pour
laquelle nous donnons cet exemple, est que même si nous ne sommes pas
d'accord avec lui, force nous est de constater du moins que son argument est
louable.
154 DIBWE, D. - NGANDU, M., « De l'Université
Officielle du Congo-belge et du Ruanda-Urundi à l'Université de
Lubumbashi : la mémoire d'un peuple » dans L'Université
dans le devenir de l'Afrique. Un demi siècle de présence au
Congo-Zaïre, Bruxelles-Paris, CUD - L'Harmattan, 2007, p. 149
155 TSHISHIMBI, E., « Politisation ethnicisation des
libertés académiques sous la deuxième République au
Congo-Kinshasa » dans Universités et libertés
académiques en République Démocratique du Congo,
Dakar, CODESRIA, 2005, p. 55 : « A partir de 1980, le professeur qui,
touchait l'équivalent de plus ou moins 1000
les enseignants travaillent156. Cette situation aura
des conséquences extrêmement fâcheuses sur la qualité
de l'enseignement.
Tout d'abord, l'enseignant pour pouvoir vivre, devait trouver
un emploi extrauniversitaire157. Cela implique donc une
disponibilité moins grande pour le travail académique. Parfois
lui-même n'avait pas le temps de venir travailler à
l'université et abandonnait son cours à ses assistants, qui
gère cela à leur entendement158.
Le professeur n'a plus le temps de se remettre à jour
sur le plan scientifique car il a d'autres préoccupations que celle qui
consiste à faire de la recherche. Cela implique, que l'on remarque que
pour certains enseignants, malgré le progrès de la science, le
contenu du cours ne change pas. A cette indisponibilité physique,
s'ajoute une autre raison expliquant l'impossibilité d'assurer cette
mise à jour, c'est le manque de supports scientifiques valables.
Le manque de rémunération des professeurs fait
aussi que nombre d'entre eux se lancent dans une certaine forme de corruption,
qui privilégie les étudiants fortunés au détriment
des étudiants doués : la réussite aux examens étant
assurée par l'achat d'un syllabus ou d'un TP et non par la
compréhension de la matière enseignée et la
réussite effective aux épreuves.
- Du coté des étudiants, le problème se
pose tout d'abord au sujet des critères de sélection qui sont
imposés par la réforme, désormais en lieu et place des
examens d'entrée à l'université, les recrutements se
feront en respectant un certain quota régional. Ce quota se
définissait de la manière suivante « on attribuait
à chaque province un quota d'admission à l'enseignement
supérieur et universitaire proportionnel à son poids
démographiques »159. Cela implique donc que si
un
dollars, va toucher désormais moins de 100 dollars.
Nombreux seront sans logement, sans transport. Ils devront faire face aux
multiples aléas de la vie pour lesquels ils n'ont pas d'argent
».
156 NGUB'USIM, R., Op. Cit., p. 224 : Il s'agit de
l'année académique 1992-1993 157TSHIBIMBI, E.,
Art. Cit., p. 56 : il parle d'« extra muros ».
158 MABIALA, P., « Les indicateurs de la permanence de la
crise à l'Université » dans L'Université dans le
devenir de l'Afrique. Un demi siècle de présence au
Congo-Zaïre, Bruxelles-Paris, CUD - L'Harmattan, 2007, p.247 :
l'absentéisme des professeurs entraine la négligence dans la
transmission des connaissances. Des cours préparés sans
concentration sont souvent transmis de façon décousue. Le
professeur interrompt parfois brusquement son cours, se rappelant qu'il doit
aller assister à une réunion de service en dehors de
l'université. Les cours sont parfois confiés à des chefs
de travaux ou à des assistants qui enseignent parfois des choses
contradictoires.
159LUSAMBA, J., « La politisation de la gestion
des ressources humaines dans l'enseignement supérieur et universitaire
en République démocratique du Congo : cas du système de
quota régional » dans Universités et libertés
académiques en République Démocratique du Congo,
Dakar, CODESRIA, 2005, p. 130
élément intéressant se trouve être
l'un de ceux de trop d'une région dont le quota est atteint, on lui
préfèrera l'incompétent de la région dont le quota
n'est pas encore atteint ou plus simplement que certains élèves
brillant venant de provinces dont le quota était atteint, se voyaient
exclus au profit d'élèves médiocres venant des
régions dont le quota n'était pas encore atteint.
La culture de l'excellence dans la sélection des
étudiants n'est plus de mise, et à coté de cela,
malgré la surpopulation des établissements, en 1982
l'arrêté ministériel du 5 juillet abrogea la condition
d'avoir réussi aux examens de fin du secondaire avec au moins 60% pour
pouvoir intégrer l'enseignement universitaire160. Cela baissa
encore le niveau des universitaire d'un cran et entraina par la même
occasion un gonflement de l'effectif des étudiants dans des
universités qui, n'ayant ni amélioré ni agrandi leurs
infrastructures n'avaient plus la capacité de les accueillir tous.
- Le manque d'infrastructures adaptées : en effet, on
retrouva dans des auditoires prévus pour 100 places, parfois,
jusqu'à 500 étudiants. Il en résulte des cours qui se
donnent dans des conditions impossibles, avec des étudiants qui
écrivent par terre et d'autres qui restent dehors. Cela ne favorise pas
une compréhension réelle des matières enseignées.
Beaucoup pour palier à cette carence de compréhension, on donc
recourt soit à la corruption, facilité par les difficultés
dans lesquelles se trouvent les professeurs, ou même à
l'utilisation de mercenaires, pour faire les examens à leurs places.
A coté de cela, avec la suppression de certaines
subsides, scientifiquement les universités ont du mal à se
maintenir dans la course internationale à cause du manque
d'infrastructures qui au fil du temps se sont de plus en plus
détériorées, et ensuite à cause du manque de
financement des bibliothèques universitaires, ou des laboratoires. L'un
des reproches que Mgr Tshibangu fait à la réforme, est d'avoir
emmené à l'insuffisance de l'infrastructure
générale et des équipements scientifiques faute de budget.
C'est grâce à des accords de coopération, que
l'Université arrivait désormais difficilement à
s'approvisionner en livres et à faire fonctionner ses
bibliothèques. Cela emmène à une impossibilité pour
les professeurs ou les étudiants d'avoir accès aux grands
réseaux du savoir international161. L'incongruité du
budget n'autorise plus à s'abonner à des revues
160 NGUBU'USIM, R., « Gestion et financement des
universités congolaises: expérience de « sauvetage » et
« partenariat » à l'Université de Kinshasa » dans
Congo-Afrique, XXXXéme année-n°345, mai
2000, p.. 297
161 NDAYWEL, I., Op. Cit., p. 125 : Ces parole du
recteur honoraire Musinde « L»Université de Lubumbashi,
comme les autres universités congolaises, [...] s'est repliée sur
elle même, faute de moyens financiers, elle ne peut plus rayonner ni
entretenir une coopération interuniversitaire en partenaire
responsable »
scientifiques ou à recevoir les derniers ouvrages. Les
recherches en elles-mêmes deviennent impossibles, faute de documentation
et cela se ressent dans les travaux scientifiques qui deviennent de plus en
plus difficiles à réaliser162.
II. La question de la politique de l'enseignement
universitaire à la Conférence Nationale Souveraine CNS
(1991-1992)
Le sujet de la politique universitaire, fut longuement
traité durant la CNS par la « Commission de l'éducation
». Cette commission fustigea la politisation à outrance qui avait
cours dans le milieu éducatif. Un bilan des différentes
réformes fut fait et
entre autres, il a été mis en exergue « la
nomination, dans plusieurs cas de responsable médiocres à la
tête des établissements, lesquels responsables n'ont eu pour
principale préoccupation que de maintenir dans les établissements
une soit disant paix sociale, dans l'optique de l'idéologie du MPR
Parti-Etat »163 ou encore «
l'instauration d'un système de quotas [...][qui] a souvent conduit
à l'exclusion de meilleurs élèves au
bénéfice de médiocres, entraînant, par
conséquent, la non- maîtrise des inscriptions et un accroissement
du taux de déperdition à tous les niveaux
»164. La « commission de l'éducation
» fustigea aussi « le manque d'impact de la formation sur le
processus du développement national » et « la
modicité des crédits alloués par l'Etat au système
éducatif »165.
La CNS proposa des solutions pour remédier aux
problèmes qu'elle avait trouvés. Des propositions qui selon nous
méritent d'être considérées. Il s'agit entre autre,
de l'intérêt de créer un Conseil Académique National
qui sera « un organe consultatif d'harmonisation
générale et de coordination des normes et principes
académiques et scientifiques de l'enseignement supérieur national
»166. Grâce à cet organe, l'Etat pourra
organiser et contrôler le système éducatif. Ou encore la
proposition de pourvoir chaque établissement de l'enseignement
supérieur et universitaire d'un « Conseil d'administration
». Pour permettre de « doter chaque institut
supérieur et chaque
162 MABIALA, P., Art. Cit., p. 246 :
L'incapacité, pour certains professeurs, de fournir deux articles
publiés pendant un délai de quatre ans ou un syllabus [...] est
le signe manifeste d'une performance scientifique ou académique
médiocre.
163 SABAKINU Kivilu - MPEYE Nyango, Education
recherché scientifique et technologie au Zaïre : analyse et
décisions de la Conférence Nationale Souveraine, Kinshasa,
Bibliothèque Nationale du Zaïre, p. 11
164 Idem, pp. 11-12
165Idem, p.12 166Idem, p.70
université des structures administratives et
dynamiques indispensables à leur rapide développement
»167.
Pour arriver à ce renouveau, la CNS conseillait
à l'Etat de mettre dans le système éducatif les moyens
qu'il faut, pour pouvoir alors accomplir les réformes et le suivit dont
les universités ont besoin pour leur développement. Afin de
permettre une meilleure gestion de ce dossier, elle proposa de créer
« une Commission d'Etude Permanente du Financement de l'Education
auprès du gouvernement. Elle serait chargée en toute autonomie de
la préparation d'un plan général de financement des
institutions d'éducation, des études et projets
nécessaires à la définition des budgets annuels, des
modalités de leur emploi et de l'évaluation de leurs effets, des
dossiers techniques préparatoires à des négociations avec
des partenaires nationaux et étrangers»168.
Ces propositions restèrent lettre morte, et même
si une année après la fin de la CNS une nouvelle réforme
fut mise en application, elle ne pris pas en considération les
revendications de la « Commission de l'éducation ».
III. La libéralisation de 1993
Comme on le voit, l'Université d'Etat se trouve
confrontée à une crise majeure et pour trouver des palliatifs
à cela, les particuliers vont se mettre dans la danse. C'est le
début de l'épopée des universités et des instituts
privés qui prennent tous ceux qui ne peuvent être pris dans des
établissements publics d'enseignement supérieur et universitaire
officiels. En 1987, l'on comptait au moins 200 de ce genre
d'établissement répandus à travers tout le pays et l'on y
retrouvait à peu près 30.000 étudiants dans tout le
pays169.
Face à ces micros instituts qu'il ne peut
contrôler et qui, pour la plupart, fonctionnent en dehors de toutes les
normes académiques, l'Etat en 1986 va réaffirmer dans la
décision d'Etat n°44/CC/86 du 11avril 1986 son monopole dans
l'organisation de l'enseignement universitaire « la création
d'un établissement d'Enseignement Supérieur ou Universitaire
reste le monopole de l'Etat ». Il exigera la fermeture de ces micros
universités, jugées illégales170.
167 Idem, p.69
168 Idem, p. 60.
169NGUB'USIM, R., Op. Cit., p. 201: il s'agit
des résultats d'une enquête du ministère de l'enseignement
supérieur et université et de la recherche scientifique
170 TSHIBANGU, T. (Mgr), Op. Cit., p.150
Certes, il était précisé que la gestion
des dits établissements pouvait être conviée aux
privés, personnes physiques ou morales qui pouvaient « apporter
la preuve qu'ils [disposaient] de moyens suffisants et présenter des
garanties de moralité, d'honnêteté et de
crédibilité », mais l'Etat ne voulait pas abandonner sa
prérogative. Pourtant comme nous l'avons dit plus haut, elle
n'arrêta pas de diminuer le budget alloué à l'enseignement
et au fil des ans, la crise de l'Université d'Etat alla en s'accentuant
en montrant chaque jour un peu plus les limites du système.
Devant ce naufrage, l'Etat tentera de revoir ses positions
trop stricte pour trouver d'autres voies de sorties à la crise. C'est
ainsi que lors de la 17éme session ordinaire du Comité
Central du Parti, une décision importante fut prise pour tenter un
énième sauvetage de l'enseignement supérieur et
universitaire. La décision d'Etat n°75/CC/89 du 29 avril 1989 qui
modifiait la décision de 1986. Désormais « les
particuliers, personnes physiques ou morales [...] [pouvaient] [...]
créer des établissements d'Enseignement Supérieur et
Universitaire »171. L'Etat décidait donc qu'il
reconnaitrait le droit d'exister aux différents établissements
universitaires qui existaient déjà, pour peu que ces derniers
respectent les conditions qu'il poserait à travers une Loi-cadre sur
l'enseignement national.
Pour arriver à trouver les modalités acceptables
à l'effectivité de cette mesure, une Commission Nationale fut
créée sous la direction du Commissaire d'Etat à
l'Enseignement supérieur et Universitaires et à la recherche
scientifique, M Lombeya Bosongo pour mettre sur pied des combinaisons
convenables. Il fallait « tracer les lignes directrices d'une action
qui [rendrait les] exigences concrètes, réelles pour le profit de
la jeunesse et de la Nation »172. Cette commission se
réunit du 1er au 5 juin 1989 à la N'sele.
Au bout du compte, une nouvelle structure fut donnée
à l'ESU. Elle comprenait un département de tutelle confié
au commissariat d'Etat de l'ESU, un CAS universitaire, ainsi qu'une
chancellerie des universités et enfin des conseils d'administration des
établissements.
Les conseils d'administration des universités
étaient décentralisés, et avaient tous les pouvoirs en
matière de fonctionnement académique, de fonctionnement financier
et de fonctionnement administratif de leurs établissements. La
chancellerie de l'université devait s'assurer que les normes
académiques et scientifiques étaient respectées dans les
différents établissements et en faire rapport au
département de tutelle173. Cette
171 Idem, p. 152
172 Idem, p.154
173 Idem, p.159
libéralisation de l'enseignement, fut officiellement
promulguée durant l'année 1993, avec pour objectif,
l'accroissement du nombre d'établissements d'enseignement
supérieur, mais aussi la création d'une certaine
compétitivité qui devait être bénéfique
à l'enseignement universitaire. Cela ne résolut qu'une partie du
problème, car dans les Universités d'État les mêmes
problèmes continuaient à se poser et le contrôle effectif
de l'État sur ces nouveaux établissements ne fut pas toujours
effectif174.
174Ici encore c'est un problème de moyen,
l'Etat n'a pas les moyens de contrôler effectivement tous ces
établissements.
Conclusion
Les relations entre l'État et l'université,
comme nous l'avons vu, n'ont pas cessé de bouger et ont
été très dynamiques : extrêmement présentes
au début de l'Université, elles devinrent ensuite moins
contraignantes avant de devenir totalement autoritaires et destructrices. Ces
différents rapports ont été d'une importance capitale,
dans les nombreuses orientations que l'enseignement universitaire a prises tout
au long de son histoire.
La tendance paternaliste des débuts à
l'époque de la colonisation belge, reste présente même
après la colonisation, au moment de l'indépendance et de la
première République, parce que l'État a laissé
à ce secteur une grande liberté de manoeuvre et de gestion. Avec
l'avènement de la deuxième République et surtout de la
dictature du général Mobutu, les choses changent.
L'Université qui était restée une oasis de liberté
sera mise sous la coupe du gouvernement, ce qui la rendra totalement
dépendante de lui. Cette situation aura, entre autres, pour
conséquences, la baisse du niveau scientifique et son orientation
résolument idéologiste.
A travers ce travail, nous avons pu suivre les nombreuses
réformes qui ont matérialisé cette volonté
évidente de mettre à genoux le système universitaire et
qui ont entrainé à la longue sa déstructuration.
Pour conclure, dans ce travail nous pouvons dire qu'il
apparait clairement que la majorité des problèmes dont souffre
notre université aujourd'hui, résultent du rapport clairement
conflictuel entre l'Etat et l'université, de la trop grande
ingérence du pouvoir organisateur dans les affaires universitaires.
Face à la dérive que connait l'enseignement
universitaire, déjà à partir des réformes
désastreuses des années 70-80, de nombreuses solutions ont
été cherchées et souvent proposées, mais il
apparait que pour la plus grande majorité, toutes ces propositions sont
restées lettre morte, faute la plupart du temps, d'une volonté
réelle du pouvoir de changer un système qui l'arrangeait ou
parfois simplement par manque de moyens financiers conséquents.
Pourtant, ces propositions souvent très pertinentes, auraient permis une
amélioration notoire du système éducatif en
général et du système universitaire par la même
occasion.
La Conférence Nationale Souveraine avait proposé
de nombreuses voies de sortie permettant à l'Etat et à
l'Université de trouver des points d'équilibre, des tangentes
où l'Etat tout en gardant son rôle de gardien laisserait aux
universités une grande liberté. En effet, si l'exemple de la
période de la concentration des pouvoirs a montré ses limites, il
apparait tout aussi évident que le système qui avait cours avant,
des
débuts jusqu'aux réformes, n'était pas le
meilleur non plus. L'ingérence de l'État est nécessaire
car elle permet d'éviter de nombreuses dérives au sein des
institutions, toutefois, elle doit être dosée et ne pas être
omniprésente
C'est ainsi que nous formulons les recommandations suivantes
à l'Etat et aux Universités pour un meilleur fonctionnement des
nos institutions universitaires :
Comme cela a été fait lors de la période
coloniale, l'État devrait avoir son mot à dire sur l'orientation
générale que l'on devrait donner aux universités. C'est
à l'État que revient, avec l'aide des personnalités
compétentes, d'instituer une réforme réelle de
l'enseignement qui pourrait enfin emmener à cette africanisation de la
société que l'on recherche et au développement effectif du
pays, car le problème de la formation des étudiants se pose
aujourd'hui encore avec une grande actualité.
Avec la prolifération des établissements
universitaires, depuis la réforme de 1993, l'État a plus que
jamais le devoir de s'assurer que ces institutions, mettent réellement
en pratique la politique qu'elle entend faire respecter, tout en tenant compte
de la liberté qu'il convient de laisser aux différents
établissements universitaires pour leur permettre de se
développer hors du carcan destructeur d'une certaine idéologie
trop stricte.
A coté de cela il serait bon de privilégier pour
le choix des dirigeants des organes de direction, des critères
basé sur les mérites et les compétences réelles,
pour un niveau plus inférieur, comme les facultés et les
départements cela devrait se faire en choisissant de manière
interne. Mais pour le rectorat de l'université, le conseil
d'administration de l'université pourrait proposer aux autorités
compétentes, une liste restreinte de noms parmi lesquels ces derniers
choisiraient un candidat, il s'entend que je parle ici des universités
publiques.
Pour arriver à ce renouveau, l'État devrait
mettre dans le système éducatif les moyens qu'il faut, pour
pouvoir accomplir les réformes et le suivit dont les universités
ont besoin pour leur renouveau. Cet investissement serait important, car il
permettra de garantir à notre pays un meilleur avenir.
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MABIALA MANTUBA-NGOMA, Pamphile, « Université et
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textes. Tome II : 1885-
1955 », Kinshasa, éditions universitaires
africaines, pp.242-243.
SABAKINU KIVILU Jacob, « Paul-Gabriel-Dieudonné Bolya
: de l'assistant médical à l'homme politique » dans La
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temps colonial sous la direction de Jean Luc Vellut,
Tervuren, éditions Snoeck, 2005. pp. 221-238.
TSHISHIMBI, Evariste, « Politisation et ethnicisation des
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Dakar, CODESRIA, 2005, pp. 46-60.
TSHUND'OLELA, Georges, « Pour une (re) définition des
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VAN BILSEN A, « Pour une politique coloniale de mouvement en
Afrique » La revue Nouvelle, Bruxelles 1954.Repris dans MUTAMBA
Jean-Marie,
« L'histoire du Congo par les textes. Tome II :
1885-1955 », Kinshasa, éditions universitaires africaines,
2007, pp. 248-249.
III. Travaux inédits
MUNAYENO, M., Les infections sexuellement transmissibles
(maladies vénériennes) et la santé publique au Congo.
Contribution à l'histoire socio-épidémiologique des IST en
milieux urbains (1885-1960), thèse de doctorat, volume I,
2009-2010, 201 p.
KUYIYA, Makiona, L'UNAZA face au devenir socio professionnel
de l'étudiant, Mémoire de licence en SPA, UNILU, 1979-1980,
117 p.
Tables des matières
Dédicace 1
Avant-propos 2
Sigles et abréviations 4
Introduction 7
I. Intérêt du sujet 7
II. Problématique 7
III. Méthode 8
IV. Délimitation du sujet 8
V. Revue de la littérature 9
VI. Division du travail 11
CHAPITRE I : Les débuts de l'enseignement universitaire au
Congo 12
I. Le système scolaire au Congo Belge 13
A. Pas d'élites pas d'ennuis 14
B. La réforme de 1948 16
C. L'enseignement supérieur pour indigènes 17
II. Premiers jalons pour un enseignement universitaire pour
indigènes au Congo 19
A. Les études universitaires pour Congolais 20
B. Quels universitaires ? 25 CHAPITRE II : La politique de
l'enseignement universitaire au Congo (1954-1971) 27
I. L'Université avant l'indépendance (1954 - 1960)
27
II. Le temps de l'autonomie 31
A. L'Université de Kisangani et les instituts
supérieurs techniques 31
B. L'africanisation de l'enseignement 32
C. L'Etat et l'université 36
D. La rupture 41 CHAPITRE III : La politique de
l'enseignement universitaire au Congo. (1971 - 1993)
47
I. Les premières grandes réformes (1971-1981) 47
A. Réforme de 1971 49
B. Réforme de 1981 57
C. La formation durant cette période. 59
D. Les causes de la baisse du niveau universitaire 62
II. La question de la politique de l'enseignement universitaire
à la Conférence
Nationale Souveraine CNS (1991-1992) 65
III. La libéralisation de 1993 66
Conclusion 69
Bibliographie 71
I. Publications officielles 71
II. Travaux édités 71
A. Ouvrages 71
B. Articles 74
III. Travaux inédits 76
Tables des matières 77
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