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Politique coloniale de lutte contre le paludisme. Cas de l'ancienne province de Léopoldville (1888-1960)

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par Leslie SABAKINU LUKWIKILU
Université de Kinshasa RDC - Licence en sciences historiques 2011
  

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INTRODUCTION GENERALE

0.1. Choix et intérêt du sujet

Les maladies ont de tous temps marqué l'histoire des sociétés humaines, avec leurs lots de bouleversements, elles sont indissociables de l'évolution de l'espèce humaine1. Cette question est d'autant plus importante au regard des répercussions que ces maladies entrainent dans la vie de l'homme. De ce fait, l'historien GRMEK pense que «les maladies revêtent une importance primordiale en tant que phénomène affectant la vie économique, les mouvements démographiques et les moeurs »2.

L'histoire de la santé et des maladies a été longtemps perçue comme un secteur sous-analysé, un terrain en friche en Afrique3 car durant longtemps les aspects politiques, économiques et démographiques ont été mis en avant par les historiens4. Cette affirmation est confirmée par l'historien BERTSHY, S., qui constate le caractère tardif et épars des recherches proprement historiques des maladies. Retard qu'il attribue d'une part au fait que s'engager dans une recherche historique sur les maladies suppose des connaissances techniques préalables, notamment en médecine, en biologie, écologie5, etc. Pourtant, ce continent offre toute une possibilité d'étude dans ce domaine. En effet, de tous les maux auxquels la population africaine doit faire face, la question des maladies occupe la première place et ne cesse d'alimenter de nombreux débats. L'étude des maladies qui affectent la population africaine trouve son importance du fait que les

1 RAOULT, D., « Épidémies et maladies infectieuses dans l'histoire », in Les Café Histoire-Actualité, p.3. 2GRMEK, M.D., « Préliminaires d'une étude historique des maladies », in Economies-Sociétés-Civilisations, XXIV(1996)6, p. 1474.

3BERTSHY, S., « La santé en Afrique, un objet d'histoire marginalisé ? Bilan et perspectives de recherche », in 2ère rencontre du Reseau des études africaines en France, 2006, p. 1-5.

4 SENDRAIL, M., Histoire culturelle de la maladie, Paris, éd. Javot, 1948, p. 13.

5 BERTSHY, S., Art.Cit, p. 3.

maladies sont responsables non seulement du taux élevé de mortalité au sein de la population, mais aussi elles contribuent au faible développement du continent. Face à ce constat, E. M'BOKOLO appelait à des recherches qui « ne se contenteraient pas de faire l'histoire des maladies mais se préoccuperaient aussi de situer la place de ces maladies dans l'histoire et dans leur rapport avec les facteurs économiques, sociaux et démographiques »6. A cet effet, l'une des maladies causant le plus de ravages en terme économique et démographique en Afrique au Sud du Sahara s'avère être le paludisme.

Déjà, dès le début de la colonisation au XIXe siècle, le paludisme suscita un vif intérêt de la part des autorités coloniales non seulement parce qu'il fut l'un des obstacles à la pénétration européenne et à la conquête coloniale7, mais aussi à cause des victimes qu'il faisait en terme de mortalité et morbidité dans une Afrique considérée comme « tombeau de l'homme blanc ».

Etant l'une des causes essentielles de mortalité chez la population africaine et surtout européenne, cette maladie a été aussi à la base de la diminution des activités de la maind'oeuvre, provoquant ainsi un certain ralentissement de l'accroissement économique des colonies. D'où la nécessité pour les pouvoirs publics de mettre en place une politique sanitaire susceptible de réduire la prévalence de cette maladie.

Si durant l'époque coloniale, le paludisme fut au coeur des débats, aujourd'hui encore cette maladie ne cesse de susciter de nombreuses questions, au regard des ravages qu'elle provoque tant du point de vue de l'intensité que du point de vue des fréquences d'apparition. Cela étant, l'intérêt de l'étude d'une telle maladie n'est plus { démontrer aujourd'hui dans la mesure où les dispositions sanitaires mis en oeuvre par le pouvoir colonial peuvent nous servir de référence pour pouvoir améliorer la politique sanitaire actuelle. De plus, il s'agit d'interpeller les décideurs politiques, les professionnels de santé sur la gravité du paludisme dont l'étendue et les conséquences de cette endémie est sans précédent en Afrique subsaharienne. C'est ce qui fait dire {

6 M'BOKOLO, E., « Histoire des maladies. Histoire et maladies : l'Afrique » cité par DELAUNAY, K., Faire de la santé un lieu pour l'histoire de l'Afrique : essai historiographique, p. 5.

7 Van RIEL et JANSSENS, P.G., « Lutte contre les endémo-épidémies », in Livre Blanc, Bruxelles, ARSOM, tome II, 1962, p.919.

l'historienne Karine Delaunay qu'il est nécessaire d' « envisager l'histoire des maladies et de la santé dans une approche sociale, économique et politique en Afrique»8.

0.2. Problématique

Pour bien comprendre certains problèmes socio-économiques que connaissent beaucoup de peuples des pays pauvres, les questions de santé doivent être prises en compte. L'importance d'une telle affirmation réside dans le fait que le facteur « santé » constitue à lui seul un phénomène important qui influe sur l'économie et les mouvements démographiques.

Ces faits méritent bien d'être approfondis pour bien comprendre l'évolution des sociétés africaines, car beaucoup de perturbations socio-démographiques que connait actuellement l'Afrique peuvent être justifiées par la permanence des fléaux naturels tels les sécheresses, les famines et particulièrement les épidémies qui participent grandement à la mortalité élevée de ces régions9.

Dans cette optique, la santé est considérée comme un critère du niveau socioéconomique d'un pays10. En outre, il n'y a pas de croissance économique sans le travail entendu comme moteur du développement dans la mesure où le bien-être général prédispose la population à participer et à contribuer efficacement au progrès d'un pays11. Or, une population ne peut travailler si elle n'est pas en bonne santé. Et le paludisme se trouve être parmi les affections qui semblent dominer dans le tableau de la morbidité dans la plupart des pays pauvres.

En effet, parmi les maladies les plus meurtrières en Afrique, le paludisme figure au premier plan. Cette maladie s'avère être non seulement la première grande endémie

8 DELAUNAY, K. << Faire de la santé un lieu pour l'histoire de l'Afrique : essai d'historiographie » in La santé et ses pratiques en Afrique : enjeux des savoirs et des pouvoirs, XVIIe - XXe siècles, p. 8.

9 NKUKU, K., Santé et population de Kinshasa. Quelques perspectives historiques depuis la fin du 19e siècle, p.1.

10 GRUENAIS M.-E. et POUTIER R., << La santé pour tous en Afrique : un leurre », dans : Afrique Contemporaine, (2000)195, p. 5.

11 TABUTIN, D., et al. << Mortalité et santé » in SHOUMAKER, B., TABUTIN, D. et

MASQUELIER, B., l'Afrique face { ses défis démographiques. Un avenir incertain, 2007, p. 122.

parasitaire en Afrique subsaharienne, mais également la plus meurtrière12. Cette
maladie se manifestant aussi bien dans les zones rurales que dans les zones urbaines, est
considérée à la fois comme une maladie des pays pauvres et comme cause de pauvreté13.

Actuellement, d'après les estimations de l'Organisation Mondiale de la Santé, il existerait entre 300 à 500 millions de personnes atteintes chaque année de cette maladie dont la moitié toucherait des enfants de moins de cinq ans14. C'est en Afrique subsaharienne que l'on retrouve 90% des décès dus au paludisme, soit plus d'un million de décès par an. Cette situation s'explique notamment par une politique de santé publique presque inexistante, une hygiène de vie précaire, un environnement insalubre et un manque de moyens financiers et logistiques nécessaires15. Cette situation d'urgence implique nécessairement la mise au point d'une politique de santé adaptée véritablement aux besoins de la population.16

La nécessité d'élaborer une politique de santé au Congo se fit sentir dès le début de la colonisation belge, au moment où les populations vivant au Congo subissaient les ravages de certaines maladies, notamment celles du paludisme. Cette politique consistait non seulement à préserver la santé des Européens, mais elle visait également à assurer de meilleures conditions sanitaires à la population congolaise dont le travail était nécessaire pour le développement de l'entreprise coloniale17. Comme le souligne si bien J.P. Bado « les priorités en matière de santé était claires pour les administrations coloniales puisqu'elles devaient répondre aux impératifs économiques et à la stratégie de domination coloniale »18.

Dans cette perspective, l'analyse des politiques sanitaires { l'égard des maladies épidémiques et endémiques, telle que le paludisme s'avère être nécessaire pour pouvoir comprendre le fondement même de ce système ainsi que les difficultés auxquelles

12 MOLINEAU, L., « La lutte contre les maladies parasitaires : le problème du paludisme, notamment en Afrique » in La lutte contre la mort, Paris, PUF, 1985, p.11.

13 Roll Back Malaria, Rapport annuel, 2008.

14 OMS, Rapport sur la santé dans le monde, 2009.

15 MOLINEAU, L., Art.cit, p. 34.

16 Roll Back Malaria, Rapport annuel, 2008.

17 BECKER, C., Quelques réflexions sur l'histoire, la santé et l'environnement en Afrique, Dakar, ORSTOM, 1993, p.1.

18 BADO, J.P., Médecine coloniale et grandes endémies, Paris, Karthala, 1996, p.9.

l'administration coloniale était confrontée dans l'élaboration et l'exécution de cette politique de santé. Ainsi, une rétrospective historique est importante car elle permet d'analyser la lutte contre le paludisme durant la période coloniale, en mettant en évidence les quelques tentatives et expériences ayant permis au pouvoir colonial de lutter contre cette maladie.

De ce fait, la question centrale de notre étude porte sur la politique de santé mise en place par le pouvoir colonial pour lutter contre le paludisme. Plus concrètement, ce travail portera sur les interrogations suivantes :

- Quelle a été la politique de santé mise en place par le pouvoir colonial pour lutter contre le paludisme ? Les mesures prises en la matière ont-elles été effectives? Quels en furent les résultats ?

- Quel a été l'intérêt de la lutte antipaludique pour le pouvoir en place et pour la population ? Quels sont les obstacles et difficultés rencontrés tout au long de cette lutte ? Autant de questions qui suscitent des réponses dans cette étude.

0.3. Délimitation du sujet.

Dans le cadre de ce travail, notre étude couvrira l'ancienne province de Léopoldville de 1888 à 1960.

Sur le plan spatial, le choix de la province de Léopoldville est important du fait que dans cette province s'est développée le centre urbain le plus important du Congo belge, dans lequel on retrouva une forte concentration de la population, particulièrement de la main-d'oeuvre provenant des autres régions du Congo. Bien plus encore, cette province, tout en étant le siège des institutions politiques et administratives du pays, regroupa l'essentiel des ressources sanitaires du point de vue personnel, infrastructures et budgets.

Sur le plan temporel, l'année 1888 marque notre point de départ. C'est en effet à partir de cette année que l'administration coloniale édicta les premières mesures de la lutte contre les maladies transmissibles { l'intérieur de la colonie. Et l'année 1960 constituant notre point d'arrivée marque la fin de la période coloniale et le début d'une

nouvelle époque, l'ère des indépendances. Cette date marque aussi la fin de la politique sanitaire belge au Congo, ce qui impliqua la participation des Congolais eux-mêmes à la gestion de leur propre pays, notamment dans le secteur sanitaire.

0.4. Méthodologie

Dans cette étude historique des maladies, l'approche analytique est { la fois plus simple et plus féconde. Et les états pathologiques au sein d'une population déterminée, dans le temps et dans l'espace, forment un ensemble auquel une étude particulière ne doit se dérober19. Ce qui veut dire que la fréquence et la distribution de chaque maladie dépendent, en plus de divers facteurs endogènes et écologiques, de la fréquence et de la distribution de toutes les autres maladies. Ce qui se traduit par des études des relations synchroniques des maladies et des changements diachroniques des ensembles de ces maladies. Nous porterons donc un regard attentif aux autres endémies pour mieux dégager l'importance de notre recherche.

Les maladies endémiques ont une évolution lente qui affecte le potentiel biologique d'une société bien plus profondément et de manière plus durable. L'histoire des maladies a souvent été étudiée d'une façon analytique, c'est-à-dire en examinant le développement dans le temps de chaque maladie, prise séparément. Cette approche a cependant le défaut de laisser dans l'ombre des faits concernant les influences réciproques de plusieurs maladies. Cette tendance vers l'intégration de tous les phénomènes morbides ayant trait à un lieu et à une époque déterminée.

Nous allons donc utiliser la méthode historique qui est une méthode de connaissance qui met en évidence l'exploitation des données par leur analyse et interprétation20. Cette méthode d'explication exploite en ce qui nous concerne deux approches, quantitative et qualitative. Cependant, l»analyse quantitative se heurte immédiatement comme le souligne D. Mirko GRMEK à trois grands obstacles : l'ambiguïté de toute définition de l'espace morbide, les difficultés pratiques d'un

19 GRMEK, M.D., Art.cit, pp 1473-1483.

20 TSHUND'OLELA, E.S., « Un impératif épistémologique { revisiter et redéfinir l'histoire, son domaine, sa méthode et son esprit », in SHOMBA KINYAMBA, S., Les Sciences sociales au Congo-Kinshasa, Paris, l'Harmattan, 2007, pp 63-97.

diagnostic correct et l'impossibilité d'un recensement complet des malades21. C'est ainsi que nous ne pouvons étudier que certaines tendances principales, et certaines caractéristiques essentielles. Nous estimons les données qualitatives et quantitatives auxquelles nous avons pu accéder, suffisantes, pour entrevoir et saisir certaines structures. Sous cette contrainte, il s'est imposé { nous l'analyse préliminaire du vocabulaire médical. Nous avons donc pu établir des fréquences statistiques résultant des données historiques.

0.5. Revue de la littérature

Les problématiques des recherches sur les maladies en Afrique se sont enrichies et diversifiées22. De nouvelles approches ainsi que des perspectives nouvelles ont été élaborées. De même, de nombreuses sources se sont progressivement ouvertes aux investigations des chercheurs.

Ainsi des chercheurs belges, français et anglophones constitués des historiens, anthropologues, sociologues et médecins ont consacré leurs travaux sur les problèmes de santé.

Avec l'apparition des nouvelles maladies d'une part, tel que le VIH/SIDA, et la recrudescence des maladies telles que le paludisme, la tuberculose, le choléra, d'autre part, un intérêt croissant s'est manifesté { l'égard des épidémies et des endémies dévastatrices. Ainsi, plusieurs travaux ont été exécutés dans ce domaine. Parmi eux, nous pouvons citer les ouvrages de J.P. Bado qui consacra son étude sur l'essor de la médecine coloniale en Afrique23 ; J.P. Dozon et L. Vidal24, ainsi que C. Becker et J.P. Dozon25 ont consacré leurs études sur la maladie du VIH/SIDA. Les travaux de Macleod et Milton26 , J. Ford J27 et M. Lyons M.28 ont également ouvert des nouvelles perspectives

21 GRMEK, M.D., Art. cit, p. 1476.

22 BARDET, J.P., BOURDELAIS et alii (sous la direction), Peurs et Terreurs face à la contagion. Choléra, Tuberculose, Syphilis, XIXe-XXe siècle, Paris, Fayart, 1988, 442p.

23 BADO, J.P., Médecine coloniale et grandes endémies, Paris, Karthala, 1996, 432p.

24 DOZON, J.P. et VIDAL, L., Les sciences sociales face au SIDA, Paris, Orstom, 1995,300p.

25 BECKER, C., DOZON, J.P. et al, Vivre et penser le sida en Afrique, Paris, Karthala, 1999, 707p.

26 MACLEOD, R., MILTON, L., Disease, Medicine and Empire, London and New-York, Routledge, 1988, 339p.

dans les études des maladies. Toutefois, il existe très peu d'études en histoire et en sciences sociales sur le paludisme en Afrique. Les rares études que nous connaissons sont celles de Packard et Randall M. (2001)29, Mc Gregor, Jo Anne et Ranger T. (2000)30, ainsi que celles de Ndoye T. et Pourtrain V. (2004)31. Mentionnons également une étude effectuée dans le cadre d'un travail de DEA en sociologie << Urbanisation et malaria à Kinshasa : essai d'une sociologie de santé publique en République démocratique du Congo32.

Au Congo, la plupart des études sur le paludisme pendant l'époque coloniale ont été l'oeuvre des médecins et des missionnaires et apparaissent dès la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Parmi eux, nous retiendrons les noms de Van Campenhout et Dryepondt (1901)33 : cette étude est une des premières recherches scientifiques sur le paludisme au Congo belge. Les auteurs analysent aussi bien la propagation du paludisme que le traitement et la prophylaxie. Un grand nombre d'observations de cas de fièvres paludéennes ainsi que de fièvre bileuse hémoglobinurique sont présentés ; A. Duren (1937) : se basant sur diverses études, l'auteur traite de l'importance du paludisme dans la pathologie générale chez les Européens et chez les Congolais. Il tente d'établir un indice malarien pour l'ensemble du Congo. Pour la prophylaxie du paludisme, il distingue les grands travaux, les divers moyens palliatifs, la protection mécanique (la pulvérisation de produits insecticides, la plantation d'arbres { quinquina, la quininisation. L'étude aborde la thérapeutique, la législation ainsi que l'éducation du

27 FORD, J., The role of trypanosomes in African ecology, Oxford, Oxford University Press, 1981, 568p.

28 LYONS, M., << The colonial Disease. A social history of sleeping sickness in northern Zaïre », in MACLEOD, R., MILTON, L., Op. cit.

29 PACKARD, RANDALL, M., << Malaria blocks development revisited: The role of disease in the history of agricultural development in the Eastern an Transvaal Lowveld, 1890-1960 » in Journal of African historic, 34(2001)2, pp. 271-292.

30 GREGOR, Mc, Jo Anne et RANGER, T., << Displacement and disease: Epidemics and ideas about malaria in Matabeleland, Zimbabwe, 1945-1960 », Past and Present,(2000) 167, pp. 203-237.

31 NDOYE, T., POURTRAIN, V., << L'évolution des savoirs et pratiques médicales : l'exemple de la lutte contre le paludisme au Sénégal » in VIDAL, L. (éd), L'expérience des professions médicales face au paludisme, à la tuberculose et à la prévention en milieu urbain, Autrepart, n° 29, 2004, pp. 81-98.

32 MBALANDA, L.W., Urbanisation et malaria à Kinshasa : essai d'une sociologie en santé publique en République Démocratique du Congo, mémoire de DEA en sociologie, Faculté des Sciences sociales, politique et administratives, Université de Kinshasa, année académique 2007-2008, 216p.

33 VAN CAMPENHOUT, DRYEPONDT, Rapport sur les travaux du laboratoire médical de Léopoldville en 1899-1900.

corps médical et du public. Par ailleurs, dans une autre étude de 1951, l'auteur rassemble les données fournies par plusieurs chercheurs qui ont tenté de déterminer l'importance du paludisme comme cause de la mortalité au Congo belge34 ; J. Schwetzs(1938) pour sa part, effectue des recherches sur le paludisme du Bas-Congo et du Kwango comme il présente, en collaboration avec H.Baumann (1941), les résultats de recherches sur le paludisme dans les villages et les camps de la division de Mongwalu des Mines de Kilo (Congo belge) 35. Clôturons cette brève présentation par J.Rodhain (1933) 36 et (1951) qui reste une grande autorité en la matière : non seulement il fait une note clinique sur la malaria des Européens rentrant du Congo belge, mais également il présente le rapport des travaux des commissions chargées d'étudier l'organisation de la lutte contre le paludisme au Congo belge37.

Il faut reconnaître ici le rôle joué par l'Institut de Médecine Tropicale d'Anvers qui s'est investi dans les recherches sur les endémies et les épidémies de 1906 à nos jours. Il est devenu le lieu d'accumulation des connaissances historiques et de formation sur les maladies tropicales. Il en a résulté de nombreux travaux de grande valeur scientifique38. Les mémoires présentés au sein de cette institution sur les grandes endémies et épidémies depuis 1909 demeurent des références utiles aux recherches sur les maladies. Et nombre de ces études ont été publiées par l'IRCB, l'ARSC et l'ARSOM.

34 DUREN, A., << Un essai d'étude d'ensemble du paludisme au Congo belge », in Institut Royal Colonial belge(IRCB), v(1937), 86p ; << Essai d'étude sur l'importance du paludisme dans la mortalité au Congo belge », in IRCB, xxii(1951)1, pp. 704-718.

35 SCHWETZ, J., << Recherche sur le paludisme endémique du Bas-Congo et du Kwango », in IRCB, vii(1938)1, p. 164.

36 RODHAIN, J., << Notes cliniques sur la malaria chez les Européens rentrant du Congo belge », in Ann. Soc. Belg. Méd. Trop, (1933)13, pp. 421-427.

37 RODHAIN, J., << Compte-rendu des travaux des commissions chargées d'étudier l'organisation de la lutte contre le paludisme au Congo belge », in IRCB, (1951)22, pp.701-750.

38 Citons notamment : LEJEUNE, P.L.(1958), Contribution { l'étude du paludisme endémique des villages riverains du Kwango ; SCHLESSER, E.(1947), La lutte antimoustique à Matadi de 1939 à 1945; VINCKE,I.H.(1937), Note sur la lutte antipaludique à Léopoldville ; ZANETTI, V.(1931), Note préliminaire sur la lutte antimalaria et antimoustique à Léopoldville ; LICHERI, A.(1927), Considérations sur la malaria au Congo ; VALCKE,G.J.O.H.(1922), Prophylaxie antipaludique ; BARTHÉLÉMI,V.(1921), Action de l'électrargot dans le paludisme.

Il convient de mentionner que jusqu'en 1909, il n'existait pas de structure administrative pour les problèmes de santé bien que la première organisation du service sanitaire de l'Etat ait été régi par le Décret Royal du 5 Août 1888, dont la couverture médicale se limite aux centres les plus importants, au fur et à mesure des progrès de l'occupation et de l'accroissement des ressources financières de l'Etat39. Et les commissions d'hygiène instituées { partir de 1889 dans les chefs- lieux de district ne fonctionnaient que de manière très limitée, et ne couvraient pas l'ensemble de l'Etat Indépendant du Congo. Signalons que nous n'avons pas pu consulter le Fonds << Gouvernement Général » aux Archives Africaines et aux Archives Générales du Royaume en Belgique, dans lequel se trouve de nombreuses sources inédites relatives notamment au service de l'hygiène (1889-1946), à la prophylaxie de la malaria (1906- 1940), aux commissions permanentes de la malaria et du quinquina (1931-1945)40 à cause de leur éloignement en Belgique.

Notre recherche repose essentiellement sur deux sources éditées :il s'agit d'une part des Rapports sur l'Administration de la colonie du Congo Belge pendant les années 1909-1958 présentés aux Chambres Législatives, et d'autre part les Rapports sur l'Hygiène Publique au Congo Belge pendant les années 1925-1958 produits par la Direction Médicale du Gouvernement Général.

En effet, les Rapports aux Chambres, élaborés, chaque année, sous la direction du Gouverneur Général sur la base des rapports des provinces et présentés au nom du Roi des Belges par le Ministre des Colonies au Parlement Belge, fournissent des analyses et des indicateurs officiels de l'ensemble des activités de l'administration coloniale. On y trouve un chapitre consacré soit au Service Médical et { l'Hygiène, soit au Service de l'Hygiène qui décrit, par province, et par district, la situation sanitaire de la population

39 VELLUT, J.L, << La médecine européenne dans l'Etat Indépendant du Congo (1885-1908) », in JANSSENS, P.G., KIVITS, M., VUYLSTEKE, J., Médecine et hygiène en Afrique centrale de 1885 à nos jours, Vol. I, Bruxelles, Fondation Roi Baudouin, 1992, p.65.

40Ces informations sont tirées des Inventaires des Archives Africaines nous communiquées aimablement par Monsieur Claude Dandoy.

blanche et de la population noire dans les principaux centres urbains, industriels et dans les milieux ruraux.

Il faut attendre la fin de la seconde guerre mondiale pour que l'Hygiène et la Santé Publique soient réduites au niveau d'une section du troisième chapitre consacré { l'Action Sociale.

D'une manière générale, les statistiques des différentes endémies et épidémies que présentent les Rapports aux Chambres nous renseignent, notamment sur les causes principales qui ont régi la morbidité et la mortalité enregistrées dans la colonie. En outre, ce rapport recense les missions d'études, les instituts de recherches et de formations médicales ainsi que les instructions officielles du Service Médical. Une référence sur le personnel, le matériel, les hôpitaux, les laboratoires y est également consacrés.

Toutefois, il nous faut signaler que l'utilisation des données des Rapports aux Chambres dans une étude historique doit tenir compte de la couverture médicale (effectifs du personnel), du budget et des contextes politiques et économiques de chaque année, car leur richesse et signification en dépendent. Pour mesurer le progrès réalisé dans le contrôle et la lutte contre les fléaux dévastateurs de la population, ces rapports procèdent parfois à la correction des statistiques des années antérieures, ce qui permet de les apprécier.

Si les Rapports aux Chambres fournissent des synthèses de la situation globale qui prévalait, chaque année, dans la colonie, les Rapports annuels sur l'Hygiène Publique sont une mine de données d'une part sur les maladies et leurs conséquences, et d'autre part sur toutes les activités publiques et privées touchant au secteur médical et à l'Hygiène Publique. Ils ont été produits en effet dans le cadre de la nouvelle organisation du Service Médical décidée en 1922 accordant une grande autonomie au service médical et créant des services provinciaux41. Nous avons pu accéder à tous les rapports annuels de 1925 à 1958 qui sont conservés à la Bibliothèque Africaine du Ministère des Affaires Etrangères et à la Coopération au Développement sous la forme

41 Rapport sur l'Hygiène Publique, 1925, p. 1.

des photocopies, grâce au concours des Professeurs Sabakinu Kivilu et Munayeno Muvova à qui nous présentons nos sincères remerciements.

Ces Rapports, imprimés, produits par la Direction Médicale du Gouvernement Général, ont connu les intitulés suivants : Rapport annuel sur l'Hygiène Publique au Congo Belge de 1923 à 1947, et de Rapport annuel de la Direction générale des Services Médicaux du Congo Belge de 1948 à 1960. Par leur consultation, nous sommes ainsi informée de la politique sanitaire mise en place par l'administration coloniale, de la morbidité et de la mortalité au sein de la population blanche et congolaise, la localisation des épidémies et endémies dans les différentes provinces, districts, stations, centres industriels et urbains, prisons, la Force Publique, dans les milieux ruraux, sur les institutions soignantes, les écoles de formation, les laboratoires de recherches médicales, le personnel, le budget. Ils sont publiés sous la responsabilité des Médecins en Chefs42.

Comme on peut le constater, ces deux Rapports constituent des sources importantes pour étudier l'histoire du paludisme au Congo Belge.

Il nous faut par ailleurs mentionner les Rapports annuels du Fonds Reine Elisabeth pour l'Assistance Médicale aux Indigènes du Congo Belge(FOREAMI), créé par l'Arrêté royal du 8 octobre 1930. Cet organisme avait comme but général « d'entreprendre une mission curative et prophylactique intensive, afin d'y combattre les endémies et épidémies et à y promouvoir les oeuvres sociales en vue du développement de la race, tant qualitatif que quantitatif»43. Les actions du FOREAMI portaient sur les milieux ruraux, et étaient complémentaires à celles du gouvernement. Cet organisme avait une personnalité civile. Nous avons consulté les rapports annuels des années 1933 - 1957 conservés aux Archives Nationales du Congo : ils contiennent des données sur toutes les maladies épidémiques et endémiques sévissant dans les districts du Bas-Congo et du Kwango. Il nous faut signaler que la référence à ces données doit tenir compte des trames administratives auxquelles elles correspondent qui ne s'identifient pas aux subdivisions administratives.

42 Dr L. Trolli de 1925 à 1930, Dr L. Mouchet en 1931, Dr L. Van Hoof, de 1932 à 1944.

43 FOREAMI, Rapport annuel, 1938, p.9.

Une autre source à signaler concerne la correspondance du Gouverneur Général Pierre Ryckmans à son épouse, publiée par Jacques Vanderlinden, sous le titre : << Main- d'oeuvre, Eglise, Capital et Administration dans le Congo des années 30 ». En outre, nous avons exploité le travail de Léon Guebels, sur << Relation complète des Travaux de la Commission Permanente pour la Protection des Indigènes au Congo Belge, 1911-1951. » Cette source contient les rapports des sessions de la Commission tenues de 1911 à 1951. Son intérêt réside sur le fait que cette institution faisait des recommandations que le Gouvernement général de la colonie traduisait sous la forme d'instructions relatives notamment aux maladies et hygiène publique. Ce qui semble intéressant dans cette Relation, ce sont les débats suscités par des questions des maladies endémiques et épidémiques auxquels participent les représentants de différents groupes d'intérêts impliqués dans la protection des populations. Les Bulletins Officiels et Administratifs de l'Etat Indépendant du Congo et du Congo Belge contiennent différents rapports au Roi et instructions et décisions administratives diverses traitant de différents aspects de l'organisation médicale.

Pour clôturer cette revue de la littérature et la présentation des sources, nous voulons évoquer deux travaux relativement récents qui traitent du paludisme. Il s'agit tout d'abord de l'étude menée dans le cadre d'une thèse de doctorat en histoire par Nkuku Khonde44. Cette étude met en évidence la dimension épidémiologique et l'évolution des conséquences socio- démographiques du paludisme dans la colonie. Cette étude situe non seulement << la gravité du sévissement de l'affection, mais aussi et surtout les conséquences que le paludisme entraîne dans la société. » Tour à tour, Nkuku Khonde circonscrit les foyers du paludisme et examine les caractéristiques de leur environnement comme il étudie les groupes d'âge de la population les plus affectés par cette maladie. Cette recherche dégage aussi les stratégies élaborées par l'autorité coloniale pour combattre ce fléau. Une deuxième étude historique est celle de P.D. Curtin << Desease and Empire : The Health of European Troops in the Conquest of Africa », Cambridge, 1988. Cette étude évoque les désastres humains crées par l'endémie de malaria sur les armées coloniales. Cette étude prolonge celle publiée par l'auteur en 1989

sur la même thématique mais dans une perspective comparative (Afrique, Asie, Amérique)45. Nous avons également l'étude de M. Wery et P.G. Janssens sur le « Paludisme. Aperçu historique » publiée par la Fondation Roi Baudouin, dans Médecine et Hygiène en Afrique Centrale de 1885 à nos jours, sous la direction de P.G. Janssens, M. Kivits et J. Vuylsteke(1992). Une autre publication dans la même perspective, concerne l'histoire illustrée de Malaria réalisée par C.M. Poser et G.W. Bruyn46. Il nous faut enfin mentionner la récente étude de l'historien Jonathan Roberts qui met en évidence le rôle de la moustiquaire dans la lutte contre la malaria47. Il constate l'existence de différentes perceptions entre le discours officiel et les sources orales, il établi également la relation entre la race, l'environnement et la maladie.

0.6. Division du travail

Notre étude comporte quatre chapitres. Le premier présente les notions générales sur le paludisme. Le deuxième donne quelques considérations sur l'histoire générale du paludisme. Le troisième chapitre quant à lui est consacré { l'évolution des affections du paludisme au Congo belge. Notre dernier chapitre examine la politique de lutte contre le paludisme : son origine, son fondement, son évolution et les différents obstacles rencontrés pour son application. L'étude se termine par une conclusion générale exploitant { la fois les données de l'histoire et le plan actuel de lutte contre le paludisme.

45 CURTIN, P.D., Death by migration. European's Encounter with the Tropical World in the Nineteenth century, Cambridge, Cambridge University Press, 1989, 251p.

46 POSER, C.M. et BRUYN, G.(ed), Illustrated History of Malaria, New York, 1999.

47 ROBERTS, J., « Korle and Mosquito Histories and Memories of the Anti-Malaria Compaign in Accra », 1942-1945, in The Journal of African History, 51(2010)3, pp. 343-365.

CHAPITRE I. NOTIONS GÉNÉRALES SUR LE PALUDISME

En vue d'avoir une connaissance plus claire sur le paludisme, nous avons jugé intéressant d'exposer certaines notions générales sur cette maladie. Notre attention portera sur l'historique de la maladie, ses causes et symptômes, les modes de transmission de la maladie ainsi que les différents traitements utilisés.

I.1. Definition

Le paludisme (du latin paludis, marais ), appelé aussi malaria (de l'italien mal'aria, mauvais air ), est une maladie parasitaire potentiellement mortelle causée par un protozoaire du genre Plasmodium, transmise { l'homme par la piqûre de certaines espèces de moustiques, les anophèles. Le paludisme touche aujourd'hui les régions tropicales et subtropicales, et il est responsable de plus d'un million de décès. Il demeure la maladie la plus importante en Afrique Subsaharienne et concerne majoritairement les enfants de moins de cinq ans et les femmes enceintes48.

I.1.1. Concepts de malaria et de paludisme a) Malaria

Malaria et paludisme sont les deux termes compris partout, et les plus communément utilisés pour désigner la maladie dont nous parlons. De ces deux vocables, le premier impose { l'esprit l'idée de mauvais air, l'autre celle des marais, c'està-dire les deux causes étiologiques invoquées depuis des siècles pour expliquer les fièvres périodiques que nous identifions aujourd'hui au paludisme. Il était naturel, étant donné la fréquence de la maladie en Italie et les nombreuses observations qui y ont été faites, que la référence au « mauvais air » ait trouvé son expression dans ce pays. Il semble que ce soit au Moyen-Age que les deux mots mala et aria ont été réunis, en un seul, malaria, qui ne désignait d'ailleurs pas la maladie mais la cause la provoquant.

48 Encyclopédie du Congo belge, tome III, Bruxelles, éd. Bieleveld, 1951, p. 86.

Le terme s'est maintenu jusqu'{ nos jours en langue anglaise. D'après les recherches de P. F. Russel (en 1955), le mot malaria aurait été écrit pour la première fois « en anglais » en 1740 par Horace Walpole à l'occasion d'un voyage en Italie et pour désigner la cause d'une « mortalité >> annuelle et c'est seulement en 1743 qu'il serait apparu dans un texte médical italien publié à Rome par F. Jacquier. Mais le Dictionary of English Language, dans son édition de 1827, ne fait pas encore figurer le mot malaria. Et c'est Macculloch (1775-1835) qui fut vraisemblablement le premier auteur médical anglais à utiliser le terme, qu'il déclare emprunter { l'italien, dans son ouvrage, écrit en 1828, intitulé Malaria ; an essay on the production and propagation of this poison49.

b) Paludisme

Le Dictionnaire de l'Académie Française par J. B. Coignard en 1694 mentionne bien marais et « marécage », mais il ne comprend ni « palus », ni « palud ». Alors que le Dictionnaire de l'ancienne langue française par Godefroy (1888) fait dater « palustreuse » de 1485, « paludeux » de 1491, « palustre » de 1528, « paludineux » de 1530. Le Dictionnaire étymologique de Dauzat (1958) indique 1505 pour « palustre ».

Il s'agit toujours pour chacune de ces expressions soit de ce qui a trait { la nature du marécage, soit encore de ce qui y vit ou croît (hommes, plantes). Il ne sera pas question avant longtemps de maladie pouvant avoir un rapport avec le « palud ».

Ce n'est qu'aux environs de 1840 que l'adjectif « paludéen >> commence { apparaître dans la littérature médicale associée { fièvre ou maladie. Ce n'est qu'en 1851 que le Nouveau Dictionnaire lexicographique et descriptif des Sciences Médicales et Vétérinaires (RaigeDelorme, Boulet, Daremberg) inclut « paludéen » avec la définition suivante :

Paludéen, adj. (de palus, marais) : qui a un rapport aux marais, qui est causé par les effluves marécageux ; miasmes paludéens ; affections, fièvres paludéennes50.

Le mot paludéen n'est admis { l'Académie Française qu'en 1878 en même temps que son synonyme « palustre >>. Quant au mot « paludisme >>, il n'apparaît toujours pas. Par exemple, il n'existe pas dans le Grand Dictionnaire Universel de Pierre Larousse de

49 DEBACKER, Paludisme: Historique, Mythes, Croyances et idées reçues, Thèse de Doctorat, Université de Paris XII Val de Marne, Créteil, 2000, p.19.

50 Idem, p. 20.

1874. En revanche, « impaludisme >> que l'on commence { lire dans les rapports médicaux et les communications à partir de 1846, est défini en 1873 comme un << état général de l'économie, avec prédisposition aux affections intermittentes de la rate, amené par les séjours dans les marais51. Il faudra attendre 1857, date à laquelle on retrouve le mot paludisme sous la plume de F. Jacquot, médecin militaire appartenant au Corps d'Occupation des Etats Romains. Mais pour lui, le terme paludisme semble toujours (comme impaludisme) se rapporter plutôt à la cause provoquant les fièvres intermittentes qu'{ la maladie elle-même. En 1867, A. Verneuil, chirurgien de l'hôpital Lariboisière, parlant au Congrès international de Médecine de Paris des patients, dit : <<...l'opéré est(...) imprégné d'un poison comme dans la syphilis, le paludisme, la diphtérie, les fièvres éruptives et typhoïdes... ». Et voici le paludisme inclus, sous ce nom, en tant que maladie parmi d'autres affections déjà reconnues52.

En 1881, toujours Verneuil, dans une série d'articles publiés dans la Revue de chirurgie, dit à propos des divers synonymes employés, (fièvre intermittente, fièvre palustre, paludisme, impaludisme, malaria, tellurisme), qu'il préfère le terme paludisme comme plus court et plus clair et parce qu'il est possible d'en tirer le mot paludique qui s'applique aux personnes et aux choses. Toutefois, en cette même année 1881, dans deux communications { l'Académie des Sciences et { l'Académie de Médecine, Alphonse Laveran continue d'employer fièvre palustre et impaludisme.

En 1884 enfin, dans son Traité des fièvres palustres avec descriptions des microbes du paludisme, Laveran écrivait dans son introduction :

<< Les mots paludisme, paludique, qui ont été adoptés par Monsieur le professeur Verneuil (...) me paraissent excellents pour désigner l'ensemble des troubles morbides produits par les microbes des fièvres palustres et les maladies qui sont sous le coup de ces troubles morbides ». En 1907, il souhaitait dans son Traité du paludisme que le mot paludisme soit employé de préférence à ses nombreux synonymes. Il écrivait : << Le mot paludisme a été préconisé par Verneuil. (...) Il est devenu familier au public médical et je l'ai inscrit sans hésiter en tête de ce livre ». De fait, à cette date, le mot paludisme était déjà entré dans l'histoire de la médecine tropicale53.

51 MBALANDA, L.W., Op. cit, p. 53.

52 DEBACKER, Op. cit, p. 20.

53 Idem, p. 21.

La date officielle, sanctionnée par les dictionnaires, de l'entrée du mot dans la langue française est fixée à l'année 1884. Il apparaît dans le Dictionnaire Encyclopédique d'A. Dechambre.

Il fallut toutefois attendre 1920 et la 7° édition du Dictionnaire des termes techniques de Médecine par M. Garnier et V. Delamare pour voir accolé au mot paludisme le nom de A. Verneuil, le chirurgien auquel revient le mérite de l'avoir préconisé et fait adopté par Laveran lui-même54.

I. 2. Cause de la maladie

Le paludisme est transmis par un protozoaire unicellulaire appartenant au genre Plasmodium. Chez l'homme, il est dû à quatre espèces de plasmodium : le plasmodium falciparum, le plasmodium vivax, le plasmodium ovale, le plasmodium malariae. Les deux premières espèces sont responsables de 95% de cas de paludisme déclarés dans le monde. Si le plasmodium falciparum reste le plus sévère en terme de mortalité et le plus répandu en Afrique subsaharienne55, le Plasmodium vivax est, quant à lui, plus présent en Amérique du Sud, en Asie du Sud-est et dans le pourtour du bassin méditerranéen, il supporte également les régions tempérées56 ; le Plasmodium ovale est l'espèce la plus rare que l'on peut retrouver essentiellement en Afrique centrale et occidentale. Tandis que le Plasmodium malariae sévit pour sa part en Afrique, mais de façon beaucoup plus sporadique57.

I.3. Transmission

Le paludisme est une maladie transmise { l'homme exclusivement par la piqûre d'un moustique, du genre anophèles. Seule l'anophèle femelle transmet la maladie ; elle

54 MBALANDA, L.W. Op. cit, p. 53

55 LEFEBVRE, P. et DEMONTY, J., Pathologie infectieuse. Maladies parasitaires. Tome2, Notes de cours Faculté de Médecine, Mons, 2005, pp. 1-7.

56 « Le paludisme », données obtenues sur la page web http://www.institutpasteur/paludisme.com

57 GENTILINI, M., Médecine tropicale, Paris, Flammarion, 1993, pp. 94-95.

pique le plus souvent durant la nuit avec un maximum d'activité entre 23h et 6h58. La transmission de la maladie d'un homme { un autre se fait donc par l'intermédiaire du moustique, le principal en cause étant l'anophèle gambiae. Il existe un seul cas de contamination interhumaine directe, il s'agit de la transmission congénitale et néonatale contracté par le nouveau-né au moment de l'accouchement59. L'intensité de la transmission dépend, d'une part des facteurs liés au parasite, au vecteur, { l'hôte humain et { l'environnement60 ; et d'autre part des conditions climatiques susceptibles d'influer sur l'abondance et la survie des moustiques, telles que le régime des précipitations, la température et l'humidité61.

I.4. Symptômes

Le paludisme est caractérisé par des fièvres aigues et les symptômes apparaissent au bout de sept jours ou plus (généralement 10 à 15 jours) après la piqûre du moustique infectant62.

Les symptômes sont variables selon le type de plasmodium. En règle générale, le paludisme s'accompagne de la fièvre, des céphalées, des vomissements et autres symptômes de type grippal.

Pour le paludisme { Plasmodium falciparum, chez les sujets non prémunis, c'est-àdire en l'absence de médicament ou en cas de résistance des parasites aux médicaments disponibles, on constate une fièvre irrégulière survenant quotidiennement au cours des premiers accès ; une fièvre qui peut s'accompagner des céphalées, nausées, vomissements63. S'il n'est pas traité { temps, cette forme paludique peut évoluer vers une affection redoutable souvent mortelle, jusqu'{ entrainer une insuffisance hépatique ou rénale, une anémie sévère puisqu'il détruit les globules rouges et s'il atteint le

58 http://www.institutpasteur/paludisme.com

59 EUZEBY, J., Dictionnaire de parasitologie médicale et vétérinaire, éd. Médicales internationales, Londres-Paris-New York, p. 332.

60 MOUCHET, J., << Le paludisme, une endémie en expansion dans les pays tropicaux » in Afrique Contemporaine, 29(1990)154, p. 75.

61 << Paludisme » texte tiré dans le site http://www.oms.com/paludisme/aide-memoire n°94, avril 2010

62 LEFEBVRE, P. et DEMONTY, J., Op. Cit, p. 3.

63 Ibidem.

cerveau il prend la forme du paludisme cérébral64. En revanche, chez les patients prémunis, le paludisme à Plasmodium falciparum est en général peu sévère ou moins dangereux, sauf chez les enfants de moins de cinq ans, les femmes enceintes. Avec comme signes cliniques d'ordre général : une température modérée et des malaises qui durent peu de jours65.

Concernant les paludismes à Plasmodium vivax et à Plasmodium ovale, des rechutes cliniques peuvent survenir des semaines ou des mois après la première infection, même si le patient a déj{ quitté la zone impaludée. L'accès est caractérisé par des fièvres intermittentes survenant toutes les 48h, la succession de frisson, la sensation de froid pendant environ une heure puis de chaleur avec transpiration de presque trois à quatre heures. Cependant, chez les nourrissons et chez l'enfant, on observe une forte température qui peut s'accompagner de convulsion66. Le paludisme à Plasmodium malariae, est la cause habituelle du paludisme transfusionnel, et se caractérise par une fièvre survenant toutes les 72h et par des malaises généraux et digestifs67.

I.5. Traitement

Les moyens thérapeutiques employés pour guérir le paludisme a connu une certaine évolution au fil du temps. En effet, dès le XIXe siècle, l'utilisation de la quinine, { titre préventif et curatif, s'avéra être le moyen le plus efficace pour combattre cette maladie68. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la pénurie en quinine entraîna l'utilisation des produits synthétiques tels que l'Atebrine et la Pamaquine ainsi que la chloroquine69.

Néanmoins, l'une des difficultés majeures du traitement (curatif ou prophylactique) du paludisme repose sur le fait que les parasites du paludisme sont devenus résistants aux médicaments antipaludiques en général, et de la chloroquine en

64 Ibidem.

65 LEFEBVRE, P. et DEMONTY, J., Op. Cit, p. 4.

66 Ibidem.

67 EUZBY, J., Op.cit, p. 332.

68 WERY, M., COOSEMANS et alii, Le paludisme de l'Afrique tropicale, éd. Biometrix, Bruxelles, 1993, p.

47.

69 WERY, M., JANSSENS, P.G, Op.cit, p. 1248.

particulier (un antipaludique très largement utilisé { l'échelle mondiale pendant toute la seconde moitié du XXe siècle). Ce phénomène est apparu dès les années 60 en raison notamment de la prise habituelle de ces médicaments par les populations et une mutation génétique de ces parasites De nos jours, le meilleur traitement disponible, en particulier pour le paludisme à Plasmodium falciparum, est une association médicamenteuse comportant de l'artémisinine (ACT)70.

De nos jours, le paludisme est l'un des problèmes de santé publique qui défie le monde. Car jusqu'{ présent, aucun vaccin prometteur n'a déj{ été mis au point. Quoique les chercheurs redoublent d'efforts, il va falloir au mieux attendre des années à venir pour la découverte d'un vaccin efficace71. Il existe toutefois des stratégies plus ou moins efficaces pour la prévention et des activités de lutte contre le paludisme.

En effet, les moustiquaires imprégnées d'insecticide permettent de réduire la transmission de cette maladie et surtout la mortalité observée dans la petite enfance72. C'est ce que prône activement l'OMS dans de nombreux pays d'Afrique au Sud du Sahara. L'application de ces mesures, et d'autres encore, sur une grande échelle entraînera une réduction sensible de la charge de la morbidité et de la mortalité imputable au paludisme.

I.6. Epidémiologie du paludisme : répartition géographique actuelle

On se rappellera que jusqu'au XIXe siècle, le paludisme fut répandu dans presque toutes les parties du monde73.

Ce n'est que plus tard que cette maladie allait devenir endémique dans les régions tropicale et subtropicale. L'Afrique subsaharienne est la plus touchée, car la plupart des cas paludiques et des décès imputables à cette maladie surviennent dans cette partie, aussi bien dans les zones rurales que dans les zones urbaines. Si l'Afrique Centrale,

70 REINHARDT, E., « Les maladies infectieuses. Le paludisme en Afrique aujourd'hui », article tiré du site web www.onu/ chronique.com

71 INED « La recrudescence du paludisme en Afrique Subsaharienne », article tiré du site web www.ined.com

72 REINHARDT, E., Art.cit.

73 PAGES, F., Op. Cit, p. 8.

Equatoriale, Occidentale et Orientale constituent des foyers les plus importants, l'incidence du paludisme est quasi nulle dans certains pays d'Afrique du Nord et dans certains pays de l'Afrique Australe.74.

Toutefois, l'Asie, l'Amérique, dans une moindre mesure le Moyen Orient et certaines parties de l'Europe sont également affectés75. Presque absent des grandes villes et des plaines côtières, le paludisme sévit surtout dans les zones rurales du Cambodge, de l'Inde, du Ceylan, de l'Indonésie, du Laos, de la Malaisie, des Philippines, de la Thaïlande, du Vietnam et en Chine dans le Yunnan et à Hainan. Si les villes de ces différents pays sont pratiquement exemptes de paludisme, celui-ci reste présent dans les campagnes76. En Océanie, on le retrouve en Nouvelle Guinée, dans les îles Salomon77.

De plus, on le retrouve également dans le continent américain, et c'est surtout en Amérique du Sud que l'on trouve de nombreux cas de paludisme. Cette maladie est plus grave dans les zones rurales que dans les grandes villes78. On le retrouve en Bolivie, Colombie, { l'Equateur, au Pérou, au Venezuela et dans toute la partie amazonienne. Dans les Antilles, le paludisme sévit à Haïti et près de la frontière dominicaine79.

En Europe et en Amérique du Nord, la disparition actuelle du paludisme est consécutive { l'efficacité des programmes mis en place par les politiques. Cette régression est principalement due aux travaux d'assainissement des marais et aux drainages des zones humides, et surtout grâce aux pulvérisations de DDT (dichlorodiphényltrichloroéthane)80. Actuellement, seuls des cas d'importation sont signalés en Europe à la suite des voyages effectués surtout en Afrique. Le nombre annuel de cas importés serait stable en France, en augmentation en Italie et Allemagne. La mortalité est estimée à 300 cas par an dont la France compte 30 à 50 décès.81

Ainsi donc, on observe une répartition inégale de la diffusion de la malaria de par le monde. De ce fait, vu sa large diffusion dans le monde, elle est au rang des priorités de l'OMS tant par ses ravages que par ses conséquences socio-économiques.

74 http://www.oms.com/paludisme/aide-memoire n°94, avril 2010

75 GENTILINI, M., Op.cit, p. 97.

76 PAGES, F., Op.cit, p. 7.

77 GENTILINI, M., Op. Cit, p. 97.

78 Ibidem.

79 DEBACKER, M., Op. cit, p. 6.

80 Idem, p. 59.

81 Idem, p. 6.

1.7. Conclusion

Le paludisme est l'une des maladies les plus meurtrières en Afrique subsaharienne, qui se localise spécialement dans les zones tropicales mais les zones tempérées n'en sont pas tout à fait dépourvues. En zone tropicale, le paludisme revêt un caractère endémique, provoquant de nombreuses victimes. Il est à la base de la forte mortalité et provoque parfois quelques épidémies saisonnières. A cause de plusieurs millions de morts dans le monde, chaque année, la lutte contre cette maladie constitue un domaine d'action internationale auquel plusieurs organisations internationales participent et collaborent afin de l'éradiquer. Comme on a pu le constater, le paludisme est présent dans l'histoire de l'humanité.

CHAPITRE II. QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR
L'HISTOIRE GÉNÉRALE DU PALUDISME

Le paludisme est présent dans l'histoire de l'humanité et affecte tous les continents. Il a en outre été la cause d'une mortalité excessive.

Cependant, faute de nombreux documents historiques, il est difficile d'attribuer avec une grande certitude au paludisme telle ou telle grande épidémie de fièvres passées, mais on a pu reconnaitre nombre d'épidémies palustres qui laissent croire que cette maladie est aussi vieille que l'humanité82. Elle s'est déclarée dans presque toutes les régions du monde depuis les temps les plus reculés et continue de sévir dans certaines parties du monde83.

En effet, les premières descriptions de cas des fièvres palustres remontent déjà vers l'antiquité. On trouve ainsi des références sur cette maladie dès 2.700 avant Jésus-Christ, dans les écrits des anciennes civilisations égyptiennes et chinoises. De même, dans les textes sacrés de la civilisation indienne (Veda) vers le Ve siècle avant J-C, on retrouve les différentes descriptions imputables aux fièvres paludiques : piqûre de moustiques, fièvres intermittentes des terres humides ou inondées (palus, marais), et des régions où l'air est vicié (mal' aria).84 Déjà à cette époque, ils établissent un rapport entre les épidémies de fièvres et la saison de pluies.

Dès le IIe siècle, cette maladie a été également évoquée par les Grecs et les Romains, qui firent déjà la relation entre la présence des fièvres et la proximité des marécages, et dont les symptômes ont été décrits par le médecin Hippocrate dans les premiers livres de ses « épidémies » où il fait mention des fièvres intermittentes sévissant dans les

82DESOWITZ, R.S., The malaria capers, article tit2 du site web

http://archive.idrc.ca/books/reports/1996/01-05.html. Selon cet auteur le paludisme aurait existé depuis l'apparition de l'écriture (soit vers 6000 ou 5500 av. J.C. D'autres chercheurs pensent que le paludisme affecte les êtres humains depuis plus de 50.000 ans, cfr Paludisme in wikipédia, http://fr.wikipedia.org/wiki/paludisme, consulté le 30/01/2011

83 DURIEZ, R., « Le paludisme », dans Encyclopedia Universalis, Corpus 13, p. 1001

84 Encarta "paludisme." Microsoft® Encarta® 2009 [DVD]. Microsoft Corporation, 2008.

milieux humides et provoquant des frissons et des températures corporelles très élevées85. En janvier 2010, « une équipe de scientifiques égyptiens et américains ont prouvé, par l'analyse de l'ADN, que Toutankhamon était atteint de paludisme au moment de son décès vers 1327 avant J-C ».86

Toutefois, il convient de signaler que l'histoire du paludisme est le plus souvent liée à la chronique militaire des nations87. En effet, cette maladie a lourdement pesé sur le sort des campagnes militaires dans le monde88, on signale quelques cas de paludisme qui auraient causé d'énormes dégâts lors des campagnes gauloises menées contre Rome. Au Moyen-Âge, cette même maladie avait causé de nombreuses pertes en vies humaines lors des expéditions italiennes de l'empereur Lothaire et de Frédéric Barberousse89. Au XVIe siècle, Charles Quint voulant combattre le sultan Soliman le Magnifique, sort victorieux à Tunis, mais à Alger, ses troupes sont décimées par la maladie90. On la retrouve également au XIXe siècle en Amérique pendant la guerre de sécession (1861-1865) où la moitié des troupes et la plupart des soldats noirs de l'Union contractaient le paludisme annuellement.

Cette maladie exerça également ses ravages au cours des conquêtes et expéditions coloniales en Asie, en Amérique, et particulièrement en Afrique où les différents récits des explorateurs, des voyageurs, missionnaires et agents commerciaux concordent pour attribuer au paludisme la cause de leurs échecs et pertes impressionnantes91. Tel fut le cas lors de la campagne d'Algérie menée par les troupes françaises où un soldat sur quatre mourut de la fièvre palustre, la conquête de Madagascar, considérée comme une

85 Encarta, Art. cit.

86 HAWASS, Z., « Ancestry and pathology in King Tutankhamen's family », in Jama, vol. 17, n° 307, 2010, pp. 638-647.

87 ODIKA, M., Paludisme : maladie parasitaire au très lourd passé militaire. Articlé tiré du site web : http://www.lenouvelobservateur/santé publique.com

88 PAGES, F., Le Paludisme, Coll. Que sais-je? Paris, PUF, 1953, p. 7.

89 Ibidem

90 DEBACKER, J-M., Op. cit, p.25

91 WERY, M. et JANSSENS, P.G., « Paludisme », in Hygiène et Médecine tropicale en Afrique Centrale de

1885 à nos jours, vol. II, Bruxelles, Fondation Roi Baudouin, 1992, p. 1239 ; L'historien CURTIN, P.D. y a consacré une étude approfondie dans son livre Death by migration. Europe's encounter with the tropical world in the nineteenth century, Cambridge, Cambridge University press, 1989.

promenade militaire, fut un désastre sanitaire92, où les troupes françaises perdirent un tiers de leurs effectifs, soit 4.614 morts causés par la malaria93. Lors des constructions du Canal de Suez, du Canal de Panama on dénombra près de 5.527 morts parmi les travailleurs français ou antillais94, de même que les constructions des voies ferrées en Afrique et en Asie furent ralenties à cause du nombre des dégâts que le paludisme avait causé dans les rangs des travailleurs95. Pendant la Première Guerre Mondiale, dans l'armée française d'Orient, le paludisme toucha la moitié des effectifs et nécessita le rapatriement d'au moins 20.000 soldats96. Lors de la Deuxième Guerre Mondiale, près d'un demi-million de soldats américains furent hospitalisés à cause du paludisme97.

Signalons également que le paludisme a joué un rôle important dans la mortalité excessive des différents explorateurs qui avaient osé pénétrer dans une Afrique, considérée comme le tombeau de l'homme blanc. C'est ainsi que l'on retrouve quelques instructions octroyées par certains explorateurs qui avaient déjà subi les conséquences désastreuses de la maladie. Il s'agit notamment des instructions de l'Amirauté Lord John Barrow, fondateur de la Royal geographical «(...) éviter de passer la nuit près des endroits marécageux. Vous empêcherez que les hommes ne soient trop exposés au soleil pendant la grande chaleur, non plus qu'aux pluies lourdes et orageuses. Vous ne permettez jamais { personne de dormir en plein air(...) »98. Malgré cette instruction, l'équipe du capitaine James Kensington Tuckey de la Royal Navy, qui s'était engagée le 9 août 1816, en remontant le fleuve Congo est décimée aux environs d'Isangila le 9 septembre 1916, en proie à des maux étranges, ils doivent tourner sur leurs pas ...tenaillés par les fièvres. Dans des hamacs portés par des indigènes, des moribonds...plusieurs morts le 15 septembre. Un désastre. Au total : vingt-et-un morts!99

92 SEIGNEURIE, C., CAMARA, B. et alii, Du Quinquina et des Hommes, Médecine tropicale, 2008, p. 462.

93 Maladie : l'arme la plus meurtrière, article tiré du site web http://www.Net4war.com

94 DEBACKER, M., Op. Cit, p. 26.

95 PAGES, Op. Cit, p. 8.

96 Ibidem.

97 Idem, p.7.

98 CORNET, R.J., Médecine et exploration. Premiers contacts de quelques explorateurs de l'Afrique centrale avec les maladies tropicales, Bruxelles, ARSOM, 1970, p. 12.

99 Ibidem.

Notons par ailleurs, que certains faits rapportés par l'aide-chirurgien MacKerrow constituent des éléments importants pour l'histoire de la médecine tropicale : « Quoique la plupart aient été emportés par une fièvre intermittente qui se déclara avec la plus grande violence, quelques-uns n'eurent d'autre mal que celui qui résulte d'une extrême fatigue, et ils moururent d'épuisement. Cependant, le plus grand nombre des gens de l'équipage fut attaqué de la fièvre, et il en mourut plusieurs qui étaient restés à bord du « Congo », en deçà des cataractes.

(...) La fièvre, écrit MacKerrow (...) commençait généralement par des frissons auxquels succédaient de violents maux de tête qui se portaient principalement sur les tempes et sur le front. Dans quelques cas, des douleurs dans les reins et dans les extrémités inférieures, de fortes oppressions de poitrine et des vomissements bilieux qui semblaient faire souffrir extrêmement les malades ; mais en général, lorsque le mal de tête était très violent, les symptômes gastriques étaient plus doux et vice versa, quoique j'aie pourtant quelques exemples contraires(...). Beaucoup d'affaiblissement et d'inquiétude, les yeux toujours humides, quoique dans quelques-uns la conjonctivite fut d'un lustre perlé ; la langue d'abord blanche et unie, ayant une espèce de tremblement convulsif lorsqu'on la sortait et devenait bientôt jaune et brune, et, dans la dernière période, couverte d'une croûte noire. Quelquefois la figure était rouge et animée ; plus souvent elle était pâle et les joues creuses et enfoncées. Quelques malades avaient la peau sèche et rude et le pouls dur et fréquent ; d'autres avaient une transpiration pâteuse. Une suffusion jaune se manifesta chez plusieurs, depuis le troisième jusqu'au sixième ou septième jour (...) Le hoquet était un symptôme commun et alarmant. Quelques-unes des personnes qui furent attaquées de cette horrible maladie, moururent dès le troisième ou le quatrième jour ; d'autres languirent jusqu'au vingtième(...) On attribua cette terrible fièvre soit { la fièvre jaune, fièvre typhoïde, soit { la malaria tropicale (paludisme). En conclusion, c'est le paludisme qui est le plus vraisemblable du point de vue épidémiologique100.

Les explorateurs anglais Richard Francis Burton et John Hanning Speke quidécouvrirent le 13 février 1858 le lac Tanganyika eurent surtout à souffrir de cette

maladie, alors mystérieuse en 1858. Pour lutter contre la malaria, les deux explorateurs
prirent de la quinine101. Le Dr David Livingstone pour sa part a eu en six mois six

attaques de malaria et il est miné par la dysenterie : c'est « un squelette couvert de haillons » qui entre à Saint-Paul de Loanda » 102.

100 Idem, p. 20.

101 Idem, p. 21.

102 Idem, p. 27.

Comme nous l'avons dit précédemment, le paludisme a été vécu comme une maladie redoutée et redoutable, traumatisante et très mortelles pour les Européens. L'explorateur Henri Morton Stanley, qui en a souffert, pendant un mois, du 5 mai au 4 juin 1882, à la Station de Manyanga dans les Cataractes au Bas-Congo, nous laisse une description vivante de différents symptômes qu'il a ressentis et des conséquences de cette maladie sur son oeuvre d'occupation coloniale :

« (...) Le premier jour, toutefois, la maladie ne me tourmenta pas assez pour m'empêcher d'assister { une importante palabre(...). Le 6 mai, ma fièvre reparut, plus intense. Je dus m'aliter et les chefs indigènes retournèrent à leurs villages, sans avoir pu avoir avec moi la grande entrevue projetée. Ce fut pis encore le lendemain. La maladie s'accentua considérablement. Et pourtant, elle ne m'effrayait pas encore. Ma santé n'avait pas subi un seul accroc depuis près de douze mois ; je n'attachais pas grande importance { cette indisposition qui me paraissait devoir être passagère et, { vrai dire, j'étais plutôt exaspéré d'avoir { me reposer en un moment si défavorable qu'alarmé des progrès persistants du mal. Le jour suivant, toutefois, l'inquiétude commença { s'emparer de moi, car la fièvre progressait violemment, en dépit des nombreux médicaments que j'absorbais. Le 9 mai, des nausées se produisirent durant toute la journée, je me sentis consumé par un feu qui envahissait peu à peu tout mon être. Ma tente était-elle dressée trop près de la terrasse ? Je le supposai. Aussi la fis-je transporter sur le sommet d'une hauteur qui s'élevait { quatre-vingt-cinq mètres au-dessus du fleuve et surplombait notre camp. La fièvre n'en continua pas moins { m'accabler jusque dans la matinée du huitième jour. Elle me laissa alors un instant de répit dont je profitai pour m'administrer vingt grains de quinine, dissous dans l'acide hydro-bromique et que l'estomac conserva fort heureusement. Cette puissante médication eut pour effet de me troubler la cervelle et de jeter le désordre dans mes idées.

En retrouvant ma lucidité, j'éprouvai une grande faiblesse. Mais craignant une nouvelle rechute, j'absorbai avidement trente grains de quinine préparés comme la première fois. Il était temps, car je ne tardai pas à perdre de nouveau la notion de ce qui se passait autour de moi et à tomber dans l'abime du rêve. Pendant six longs jours, la fièvre se maintint au même degré. Toutes les vingt-quatre heures se produisait une courte accalmie pendant laquelle je voyais et entendais clairement ce qui se faisait et se disait autour de moi. Mais ces trêves étaient de si courte durée qu'elles ne me donnaient pas le temps de me recueillir. Je me réveillais juste assez pour sentir que j'étais très malade, extrêmement faible, presque seul sur le sommet de la montagne, n'ayant pour me soigner que le petit Mabrouki, Doualla et le capitaine Braconnier qui venait une fois par jour recommander quelque nouveau remède, notamment l'augmentation des doses de quinine-unique

moyen de salut, selon lui. Mais le quatorzième jour, je me sentais tellement épuisé qu'il m'était impossible de lever les bras ou de me mettre sur mon séant sans le secours d'autrui. Je restais l{ sans force et sans nerfs, et quand je voulais me mouvoir ou me soulever, je devais m'adresser aux jeunes nègres dont je craignais de lasser à la longue le dévouement. Après chaque dose de quinine, portée désormais { cinquante grains, je sentais mon cerveau battre sur l'oreiller avec bruit de tambour, et, peu à peu, je retombais dans l'inconscience et dans l'oubli du mal qui me dévorait.

Le 20 mai, vers sept heures du matin, la maladie parut atteindre son apogée. Subitement réveillé, je ne me fus pas plutôt rendu compte de ma situation, qu'un sombre pressentiment m'assaillit. La crise était venue, la mort ne pouvait être loin. Alors voulant rendre les derniers devoirs de l'amitié { tout le personnel, je priai Mabrouti d'aller appeler tout mon monde, Européens et Zanzibarites. Il partit. Pendant son absence, Doualla me versa dans la bouche soixante grains de quinine dissous dans du vin de Madère et de l'acide hydrobromique, car j'étais complètement hors d'état de porter moi-même le verre à mes lèvres. Prompt comme la foudre, ce violent breuvage répand son feu dans tout mon être ; mes idées se brouillent, un engourdissement profond commence { m'envahir, je supplie Doualla d'aller dire { tous mes amis de se hâter, d'arriver avant qu'il ne soit trop tard. Quelques instants après, des bruits de pas se font entendre de tous côtés. On soulève les rideaux de ma tente. Je distingue, dans un rayon de soleil qui me paraît froid et blafard, les silhouettes des hommes assis en demi-cercle devant moi. Mes camarades européens se placent au pied du lit. Et, voulant leur indiquer ce qu'ils auront { faire quand je ne serai plus, je lutte pour rassembler mes idées qui s'égarent. Il y a dans mon cerveau comme un violent combat entre les préoccupations de la mort et le désir d'articuler quelques paroles intelligibles. Il me semble discerner dans l'éloignement une grande lumière blanche dont l'attirant éclat me distrait en dépit de mes efforts pour concentrer toute mon attention sur les amis assemblés devant la tente. Et mes lèvres se refusent à prononcer les mots que je cherche à faire entendre.

- Regardez-moi, Albert, m'écriai-je brusquement. Restez immobile et tenez les yeux fixés sur moi, car j'ai quelque chose { vous dire -.

Le jeune marin, dont la main pressait la mienne, riva son regard sur le mien pour me permettre de vaincre l'oppression qui me paralysait. Enfin, après un effort, je triomphe, mes lèvres formulent nettement la phrase voulue et il en résulte pour moi un tel soulagement que ce cri s'échappe de bouche : « sauvé ! ». Puis un nuage noir paraît fondre sur ma tête, la perception des choses s'évanouit, une syncope de plusieurs heures détruit toute espèce de sensation. Quand j'ouvris les yeux, le jour suivant, j'appris que j'étais resté pendant vingt-quatre heures dans la même position. Toute ma personne était courbaturée et affectée comme un tremblement sénile. Mais je ne m'en

préoccupai pas autrement. A peine réveillé, j'éprouvai le désir de manger ainsi qu'une sorte d'aversion pour toute espèce de médicaments. Mon état s'était-il amélioré ? Je l'ignorai ; mais, résigné { l'inévitable, renonçant { lutter contre la fièvre, j'étais décidé { me passer la fantaisie de manger, et l'étonnement du jeune Mabrouki fut grand quand je lui demandai de la soupe. Le capitaine Braconnier, que je fis appeler par le petit garde-malade, déféra à mon désir et aida même Mabrouki à préparer le potage. Une heure après, je redemandai à manger et devins tout à fait vorace. Le capitaine me conseilla de la prudence ; mais Doualla et Mabrouki ne tinrent pas compte de cette recommandation. Pervers jeunes gens !...Ils introduisirent, en fraude, dans ma tente des espèces de petites friandises qu'ils s'étaient procurées on ne sait où et que mon estomac digérait successivement sans la moindre difficulté. Le 30 mai, tout danger était si bien écarté que les soins de Doualla et Mabrouki ne visaient plus qu'{ me rendre des forces. Mais, étant terriblement ébranlé par la maladie, il me fallait du temps pour me rétablir, et ce temps allait me paraître bien long. Ce jour-là(le 30 mai), cependant, je me sentis suffisamment remis pour me faire porter sur mon lit au camp ; et cette promenade, ou plutôt cette visite à mon personnel, me fit grand bien ; le 4, je pus m'habiller et rester assis une grande partie de la journée sous ma tente~103.

Les effets mortels du paludisme ont été ressentis et vécus également lors de la bataille du rail. En effet, Les fièvres de toutes sortes, notamment la fièvre bilieuse hématurique, ont été à la base d'une mortalité effrayante lors de la construction du chemin de fer Matadi-Léopoldville : « La vallée de la M'Pozo est une vaste tombe : des centaines d'hommes y sont morts { la tâche. Le long de la voie, les cimetières s'échelonnent. Ces lieux(...) sinistres et répandirent la terreur : la maladie, le désespoir et la mort les hantaient. Une terrible lassitude, une terreur latente pesaient sur tous. Les Blancs avaient baptisé les camps établis dans la vallée de noms suggestifs, reflets de leurs angoisses : Camp de la Miséricorde, Camp de la Mort, Camp de la Fièvre, Camp de la Misère ? Camp de la Désespérance...104. Tragique période : du 15 novembre au 15 décembre 1891, on avait perdu cent cinquante hommes ; pendant le seul mois de novembre 1891, il y avait eu cent et huit décès ; du 15 décembre 1891 au 1er février 1892 : cent cinquante-cinq ; au 30 juin 1892, neuf cents hommes étaient morts. Les malades et les invalides ne se comptent plus. Les trois médecins blancs n'ont pas un instant de repos. Des

103 STANLEY, H.M., Cinq années au Congo, Notice introductive par Nadine Fettweis et Emile Van Balberghe, Archives Générales du Royaume et Archives de l'Etat dans les Provinces, Bruxelles, Reprints 292, 2002, pp 181-184.

104 CORNET, R.J., La bataille du rail, Bruxelles, édition L. Cuyers, 1958, p. 207.

centaines de noirs abandonnent le travail et adoptent la « profession » de malades. C'est un enfer atroce »105.

Durant longtemps, le paludisme mis en relation aux zones humides, fut jusqu'{ la fin du 19è siècle attribué au mauvais air des marais106. C'est en 1880 que l'on doit au médecin de l'armée française Alphonse Laveran, la découverte de l'agent responsable de la maladie, le plasmodium. Celui-ci démontra que la maladie est provoquée par un parasite, qu'il met en évidence dans les globules rouges des 44 personnes souffrant du paludisme au sein de l'hôpital militaire de Constantine à Alger. Il a émis également l'hypothèse d'une transmission de ce parasite par les piqûres de moustiques107. En 1897, le Britannique Ronald Ross confirma cette hypothèse en soulignant la présence de plasmodiums à différents stades de leur vie dans le tube digestif des moustiques108. A cette découverte s'est ajoutée celle de l'italien Giovanni Batista Grassi qui démontra, en 1898, que les moustiques impliqués dans la transmission du paludisme chez l'homme sont les femelles du genre Anophèles, et il décrivit le cycle de vie du parasite { l'intérieur de l'organisme du moustique109. Les connaissances sur la question ayant progressé, la bataille pour l'éradication du paludisme fut engagée.

Cette lutte contre le paludisme remonte à une période ancienne. Dès la fin du XIXe siècle, les connaissances sur cette maladie ayant progressé, il a fallu donc tout mettre en oeuvre pour son éradication, et c'est { partir du XXe siècle que cette lutte prit véritablement corps110.

Depuis ses débuts, les premiers projets de combat contre le paludisme furent inscrits dans un contexte colonial (Asie et Afrique). La lutte antipaludique fut principalement abordée sous l'angle du développement économique des colonies111. Dans un premier temps, il s'agissait de préserver la santé des Européens afin de permettre la colonisation des pays où le paludisme fut endémique. Néanmoins, les

105 Idem, P. 209.

106 DEBACKER, M., Op. Cit, p. 39.

107 DURIEZ, R., Art.cit, p.1001.

108 Encarta, Art. cit.

109 WERY, M.et JANSSENS, P.G. Art. Cit, p. 1240.

110 GUILBAUD, A., Le paludisme. La lutte mondiale contre un parasite résistant, Paris, l'Harmattan, 2008, p. 27.

111 Idem., p. 39.

pouvoirs coloniaux se sont engagés dans la protection de la population africaine, qui constituait la main-d'oeuvre principale pour les colonies112. Cette lutte était indispensable au fonctionnement de l'économie coloniale et { l'amélioration de la production113. Les premiers projets sanitaires contre le paludisme furent donc liés aux intérêts économiques.

Sur le plan international, la mise en oeuvre des moyens de lutte contre le paludisme débuta effectivement à partir de la Première Guerre Mondiale. A la fin de cette guerre, le développement et la propagation de nombreuses épidémies poussèrent la Société des Nations { instituer en 1923 l'Organisation d'Hygiène de la Société des Nations dans laquelle fut créée en 1924 une Commission spéciale pour le paludisme114. Cette commission avait pour mission l'étude des moyens les plus appropriés pour contrôler le paludisme sur le plan mondial et réduire son impact115. Néanmoins, l'Organisation d'Hygiène de la Société des Nations resta largement centrée sur l'Europe, en particulier parce que certains pays tels que la France et l'Angleterre, se montrèrent réticents { l'idée de laisser une organisation internationale agir dans leurs colonies en Afrique et en Asie, où le paludisme prévalait116. Dès lors, la lutte contre le paludisme fut menée par un acteur privé : la Fondation Rockefeller.

En effet, la Fondation Rockefeller créée depuis 1913, avec comme objectif de promouvoir le progrès de la science dans tous les pays du monde, inscrira dorénavant le problème de santé publique, plus particulièrement le problème du paludisme, dans ses premières priorités. Grâce à ses ressources financières et ses propres experts et laboratoires, elle fut engagée dans la lutte, à grande échelle, contre le paludisme117.

Après des premières tentatives fructueuses de lutte contre le paludisme aux Etats Unis d'Amérique, notamment dans le delta du Mississipi et dans l'Arkansas en 1915118, la

112 KIVITS, M., « Que savait-on de la situation sanitaire en Afrique centrale vers 1885 ? » in Le centenaire de l'Etat Indépendant du Congo, Bruxelles, ARSOM, 1988, p. 266.

113 Ibidem.

114 GUILBAUD, A., Op. Cit. p. 28

115 Ibidem.

116 Idem, p. 29.

117 Ibidem.

118 GUILBAUD, Op. Cit. p. 30.

Fondation Rockefeller développa également ses activités d'assistance auprès des autorités locales d'Amérique du Sud, particulièrement en Argentine et au Brésil, en Italie, en Inde, en Egypte. Cette Fondation joua également un rôle très important dans la recherche sur le paludisme ; à cet effet, elle créa en 1930 un laboratoire d'études scientifiques du paludisme, situé à Tallahassee, en Floride119.

C'est après la Seconde Guerre Mondiale que la lutte contre le paludisme fut prise en charge par les acteurs internationaux, et en particulier par l'Organisation Mondiale de la Santé. Depuis sa création, en 1948, celle-ci s'imposa comme leader de l'action sanitaire internationale, en ce sens que la lutte contre le paludisme va figurer parmi ses premières priorités. C'est ainsi qu'en 1955 fut mis en place le Programme d'Eradication du Paludisme(PEP), avec pour objectif principal l'éradication du paludisme { l'échelle mondiale120.

Malgré les moyens mis en place, ce programme se solda par un échec dans les zones où le paludisme s'avérait le plus intense, c'est-à-dire en Afrique et en Asie. Les seuls succès eurent lieu dans les zones tempérées où le paludisme était instable, ce qui permit l'éradication de la maladie dans certains pays européens121. Cet échec était dû, d'une part aux difficultés financières rencontrées par l'OMS, au regard de l'étendue du travail { couvrir, d'autre part aux obstacles techniques et { l'organisation ayant joué en défaveur de la réalisation du programme122.

Après l'échec du PEP, la campagne mondiale d'éradication fut partiellement abandonnée ; peu d'attention a été accordée au paludisme les années suivantes. Ce n'est que vers les années 1980, compte tenu de l'augmentation de la résistance des parasites aux traitements antipaludiques et de celle des vecteurs aux insecticides, que la lutte contre le paludisme reprit de l'ampleur. Désormais, plusieurs acteurs internationaux entrèrent en jeu : il s'agit notamment de la Banque Mondiale, de l'UNICEF, du PNUD, de Roll Back Malaria Patnership(RBM)123. La lutte antipaludique se retrouve également

119 Idem, p. 31.

120 Idem, p. 43.

121 Idem, p. 45.

122 Idem, p. 50.

123 Roll Back Malaria : Faire reculer le paludisme ; Programme lancé par l'OMS en 1998.

incluse dans les Objectifs du Millénaire pour le Développement, à travers son objectif n°6 « Combattre le VIH/Sida, le paludisme et autres maladies »124 Cette question d'actualité témoigne du retour de la question de la lutte contre le paludisme sur la scène internationale.

C'est ainsi qu'en 1992, sous la coordination de l'OMS, fut organisée { Amsterdam une conférence qui donna lieu à la Déclaration mondiale de contrôle du paludisme et à la mise en oeuvre d'une nouvelle stratégie mondiale mettant l'accent sur l'Afrique subsaharienne où la maladie sévit le plus125. Cette stratégie dite de «contrôle » de l'endémie palustre et non plus d'éradication (mot banni) a pour objectifs de prévenir la mortalité et de réduire la morbidité, ainsi que les pertes sociales et économiques liées à la maladie, grâce à la mise en place progressive et au renforcement de moyens de lutte locaux et nationaux.

De nos jours, le paludisme est considéré comme une maladie des pays en développement, car c'est surtout dans les régions pauvres d'Afrique et d'Asie qu'on le retrouve. D'après certains économistes, la croissance économique des pays { forte transmission du paludisme a toujours été inférieure à celle des pays sans paludisme. Ceux-ci imputent au paludisme un déficit annuel pouvant atteindre 1,3% dans certains pays d'Afrique126. Ainsi, la lutte contre le paludisme devient alors un élément des stratégies de développement, auquel les institutions internationales se sont fermement engagées en raison surtout du coût économique que cette maladie impose aux pays en développement.

Toutefois, certains pays africains ont réussi à réduire le taux de mortalité dû au paludisme grâce leurs politiques nationales visant à promouvoir un traitement efficace contre cette pathologie. Il s'agit notamment de la Tanzanie, du Ghana, de la Guinée, de la Zambie et de l'Erythrée127.

124 www.un.org/french/millenniumgoals/index.html

125 GUILBAUD, Op. Cit. p. 92.

126 Paludisme comme maladie des pays en développement. Article obtenu à la page web : www.rbm.who.int

127 THOMAS, C., Lutte contre le paludisme : encore un effort, avril 2010, article tiré à la page web : www. Rfi.fr /Afrique/santé

On peut dès lors relever que le paludisme presque enrayé totalement dans les pays occidentaux, est devenu l'une des caractéristiques des pays du Tiers-Monde oü il continue de produire de nombreuses victimes, avec ses conséquences socioéconomiques désastreuses.

Après avoir fourni ce repère historique du paludisme, nous allons présenter l'évolution de cette maladie au Congo.

CHAPITRE III. EVOLUTION DES AFFECTIONS DU
PALUDISME AU CONGO BELGE (1888-1960)

Pour mieux comprendre les politiques sanitaires mises en place par l'administration coloniale afin de lutter contre le paludisme, il s'avère nécessaire de connaître les données épidémiologiques de cette maladie. C'est ainsi que ce chapitre tentera de présenter l'évolution du paludisme au Congo belge en mettant en évidence les affections subies par la population européenne et la population congolaise. C'est la morbidité du paludisme qui nous intéresse le plus dans le cadre de cette étude. L'intérêt de la morbidité tient non seulement au fait qu'elle permet d'apprécier l'état de santé des populations et d'en mesurer l'importance, mais aussi elle nous fourni des informations directes sur le nombre d'individus malades par rapport { l'effectif d'une population128.

1. Esquisse de l'évolution de la morbidité du paludisme au Congo belge

Le paludisme reste le problème de santé publique le plus fréquemment rencontré au Congo belge, et cette maladie suscita un vif intérêt auprès des médecins aussi longtemps que cette affection présentait un caractère endémique129. Cette endémie concerna { la fois la population européenne et la population congolaise, mais l'intensité de cette maladie n'a pas été la même dans les deux populations130.

En effet, dès le début de la colonisation, les Européens ont dû faire face au paludisme, qui leur causa une grande perte en vies humaines, du fait qu'ils n'avaient pas encore développé de résistance immunitaire face à la maladie, alors que les Congolais avaient déjà une certaine expérience de cette maladie, suite à des attaques répétées

128 Nous considérons la morbidité comme étant : le nombre de cas traité du paludisme au sein de la population et durant la période examinée.

129 HOSTELETS, G., L'oeuvre civilisatrice de la Belgique au Congo de 1885 { 1945. L'oeuvre économique et sociale, tome 1, p. 41.

130 VELLUT, J.L., Art. cit, p. 69.

durant l'enfance131. Cette endémie était parmi les plus grands obstacles de l'établissement des Européens au Congo132.

Toutefois, la compréhension de l'évolution de la morbidité du paludisme ne peut s'envisager qu'{ travers des données chiffrées disponibles susceptibles de permettre une synthèse afin d'esquisser une interprétation.

Il importe cependant d'attirer l'attention du lecteur sur l'absence des données précises et complètes avant 1925 et après 1958. L'année 1925 n'a pas de particularité en soi ; elle a été retenue en raison de la disponibilité des données, tandis que celle de 1958 se justifie du fait que c'est la dernière année durant laquelle l'administration coloniale a pu élaborer des statistiques médicales adéquates concernant l'ensemble du pays.

1.1. Evolution du paludisme au sein de la population blanche (1925-1958)

Parmi les maladies qui atteignent la population européenne au Congo, le paludisme occupe le premier rang, et c'est avec raison qu'on a pu dire qu'au Congo cette maladie domine toute la pathologie133. Dans le tableau 1, nous présentons à la fois les effectifs de la population blanche, le total des maladies traitées, le taux de morbidité générale, le taux de morbidité du paludisme, la part du paludisme dans la morbidité générale. Ces données proviennent des services médicaux du gouvernement. Nous avons traduit l'ensemble de ces statistiques en graphique pour mieux illustrer leurs tendances d'évolution.

131 Inspection générale d'hygiène du Ministère du Congo belge, La santé en Afrique belge, Bruxelles, Infor Congo, 1958, p. 61.

132 NKUKU, K., Op. cit, p. 304.

133 VAN CAMPENHOUT et DRYEPONDT, Rapport sur les travaux du laboratoire médical de Léopoldville en 1899-1900, p. 1.

Tableau n°1 : Evolution de la morbidité du paludisme au sein de la population blanche du Congo
belge de 1925 à 1958(en%o)

Année

Population totale

Cas globaux des
maladies

Taux de
morbidité
gén en %o

cas de paludisme

Taux de
morbidité
du
paludisme
en%o

Part du paludisme dans la morbidité gén(%)

 

Nombre

Indice

Nombre

Indice

 

nombre

Indice

 
 

1925

15236

13,5

8708

7,1

571,5

1040

15,7

68,3

11,94

1926

18167

16,1

10272

8,3

565,4

1178

17,8

64,8

11,47

1927

20702

18,4

12773

10,3

617,0

1615

24,4

78,0

12,64

1928

23236

20,6

13100

10,6

563,8

1359

20,5

58,5

10,37

1929

25679

22,8

15723

12,7

612,3

1455

21,9

56,7

9,25

1930

25179

22,3

17524

14,2

696,0

1830

27,6

72,7

10,44

1931

22482

19,9

16709

13,5

743,2

1647

24,8

73,3

9,86

1932

18721

16,6

16291

13,2

870,2

1276

19,2

68,2

7,83

1933

17588

15,6

12667

10,3

720,2

1230

18,5

69,9

9,71

1934

17845

15,8

13059

10,6

731,8

1124

16,5

63,0

8,61

1935

18603

16,5

14088

11,4

757,3

1176

17,7

63,2

8,35

1936

20103

17,8

17497

14,4

870,4

1527

23,0

76,0

8,73

1937

23091

20,5

17063

13,8

738,9

1737

26,2

75,2

10,18

1938

25209

22,4

20712

16,8

821,6

2088

31,5

82,8

10,08

1939

27791

24,7

23982

19,4

862,9

2059

31,0

74,1

8,59

1940

29735

26,4

25450

20,6

855,9

2520

37,9

84,7

9,90

1941

30020

26,6

30319

24,5

1010,0

2403

36,2

80,0

7,93

1942

33226

29,5

29855

23,4

898,5

2980

44,9

89,7

9,98

1943

34888

30,9

33867

27,4

970,7

4060

61,2

116,4

11,99

1944

36080

32,0

31224

25,3

865,4

4154

62,6

115,1

13,30

1945

33787

29,9

30236

24,5

894,9

4149

62,6

122,8

13,72

1946

34586

30,7

26444

21,4

764,6

3272

49,3

94,6

12,37

1947

43408

38,5

32291

26,1

743,9

4035

60,8

93,0

12,50

1948

49000

43,5

43006

34,8

877,7

4154

62,6

84,8

9,66

1949

52113

46,2

44192

38,8

848,0

4777

72,0

91,7

10,81

1950

57930

51,4

47646

38,6

822,5

4431

66,8

76,5

9,30

1951

66078

58,6

47412

38,4

717,5

3249

40,9

49,2

6,85

1952

76764

68,1

60815

49,2

792,2

4051

61,1

52,8

6,66

1953

86688

76,9

82216

66,5

948,4

6939

104,6

80,0

8,44

1954

88972

78,9

72169

54,4

811,1

7119

107,3

80,0

9,86

1955

97371

86,4

80737

65,3

829,2

6980

105,2

71,7

8,65

1956

107413

95,3

104692

84,7

974,7

6095

91,9

56,7

5,82

1957

109457

97,1

117726

95,3

1075,5

6285

94,8

57,4

5,34

1958

112759

100

123569

100

1095,9

6633

100

58,8

5,37

Sources : Tableau et graphique élaboré par nous, à partir des Rapports aux Chambres (1918-1956), Rapports sur l'Hygiène Publique (1925-1947) et les Rapports annuels de la Direction générale des services médicaux (1948-1958).

Graphique n° 1 : Evolution de la morbidité au sein de la population blanche(1925-1958)

L'observation la plus frappante qui se dégage du tableau et du graphique n°1 est que le taux de morbidité du paludisme est fortement élevé dans les premières décennies de la colonisation, pour connaître une certaine diminution significative après 1950.

Cette situation s'explique assez bien, du fait que durant les premières années de la colonisation belge, le taux de mortalité fut élevé parmi les agents de l'EIC, dont la cause principale était attribuée au paludisme et à la fièvre hémoglobinurie134. De même, parmi les maladies ayant nécessité un rapatriement, le paludisme occupe une place importante : 42,5% en 1919; il atteignait 25,8% en 1920, alors qu'en 1923, il affecta 27,0% des rapatriements135 et en 1925, il affecta 26,8%. Cette situation est compréhensible si l'on tient compte de l'hygiène et de la prophylaxie rudimentaire qui prévalait { cette époque136.

Quatre périodes peuvent être dégagés de cette évolution générale : de 1925 à 1942, on constate une croissance de la maladie de 1,6% ; de 1943 à 1945, soit seulement après deux années, on constate une hausse de l'ordre de 5,4% ; de 1946 { 1950, c'est une régression de 19,3% qui est constatée; de 1951 à 1952, une légère augmentation de 7,3% et de 1953 à 1958, on constate une régression de 26,5%. Ces fluctuations régulières qui caractérisent cette évolution s'expliquent généralement, d'une part par l'augmentation de la population européenne à la suite de la venue de nouveaux résidents dans la colonie, après la crise économique de 1929-1930, la négligence dans la mise en application des mesures prophylactiques, notamment la mauvaise prise de la quinine et le suivi correct de la protection mécanique contre les moustiques137; ainsi le nombre des cas traités par les médecins du gouvernement fut en partie influencé par l'accroissement de la population138, et d'autre part, les périodes de guerre furent responsables de l'aggravation de la situation. En effet, durant cette période, la colonie a connu une diminution du personnel médical, des difficultés d'approvisionnement en matériels

134 RUPPOL, J.F., Apport de la Belgique en Afrique centrale dans le domaine médical, de 1885 à ce jour, p. 2.

135 Rapport aux Chambres, 1923, p.15.

136ANDRE, J., BURKE, J., « Développement des services de santé », in JANSSENS, P.G., KIVITS, M., VUYLSTEKE, J., Médecine et hygiène en Afrique centrale de 1885 à nos jours, Vol. I, Bruxelles, Fondation Roi Baudouin, 1992, p. 91.

137 DROOGMANS, H. « Le paludisme au Congo belge », in Revue Congo, I(1928)5, p. 626.

138 Rapport sur l'Hygiène publique, 1938, p. 31.

médicaux et pharmaceutiques, ainsi que l'épuisement de certains produits spécifiques de lutte contre les endémies tropicales, particulièrement la quinine139. Tous ces facteurs sont sans aucun doute responsables de l'évolution de la morbidité du paludisme.

La période d'après-guerre fut non seulement bénéfique pour la lutte contre le paludisme, mais aussi pour la régression de la maladie. Ainsi, l'introduction des antipaludiques de synthèse telle que la chloroquine, l'intensification de la campagne de désinsectisation des zones urbaines, grâce { l'usage des insecticides { effet rémanent (DDT, HCH,) expliquent la régression de la maladie140.

Toutefois, lorsqu'on tient compte de l'évolution annuelle des affections du paludisme, on pourrait croire que sa fréquence augmente avec le temps ; cependant, lorsqu'on rapporte cette évolution { l'effectif de la population année par année, on se rend compte que son taux de morbidité diminuait au fil du temps. Celui-ci est passé de 68,3%o en 1925 à 58,8 en 1958, soit une régression annuelle en moyenne de 0,45% ; bien plus encore, on se rend compte également que la part du paludisme dans la morbidité générale a connu une régression jusqu'à la fin de la colonisation ; bien que considérable au départ, avec 11,94% sur une morbidité générale, elle finira par baisser à 5,37% sur 1095,9%o en 1958, soit une régression en moyenne de 2,3%. Cette situation se justifie grâce au développement du rayon d'action des services médicaux qui a permis à la population européenne de bénéficier d'une large assistance médicale du gouvernement. De même, les grandes campagnes de désinsectisation, amorcées après la deuxième guerre mondiale ainsi que les travaux d'assainissement entamés dès les années 30, ont permis de réduire considérablement l'importance du paludisme dans la morbidité générale.

Quant à la mortalité européenne attribuée au paludisme, le Dr. Duren, dans son étude d'ensemble du paludisme au Congo belge141 fait le constat suivant : durant la période 1909-1920, la mortalité générale annuelle fut de 28,17%o et le paludisme intervient pour

139 Rapport sur l'Hygiène Publique, 1940-1944, p. 1.

140 WERY, M. et JANSSENS, P.G., « Paludisme », in JANSSENS, P.G., KIVITS, M., VUYLSTEKE, J., Médecine et hygiène en Afrique centrale de 1885 à nos jours, Vol. II, Bruxelles, Fondation Roi Baudouin, 1992, p. 1243.

141 DUREN, A., « Essai d'étude sur l'importance du paludisme dans la mortalité au Congo belge », in Institut Royal Colonial Belge, XXII(1951)1, p. 704.

6,39%o, soit 22,7% des décès; de 1921 { 1930, la mortalité générale fut de 13,27%o, le paludisme intervient pour 3,1%o, soit 22,6% ; de 1931 à 1940, la mortalité générale était de 8,41%o, le paludisme totalise 1,23%o soit 14,6% ; et de 1941 à 1949, la mortalité générale fut de 7,33%o, la part du paludisme se situe à 0,9%o, soit 12,3% des décès ; en 1957 elle était de 4,25%o, alors que le paludisme représentait 0,33%o, soit 12,3% des décès142. Ce qui signifie que l'importance du paludisme dans la mortalité générale bien qu'en régression reste néanmoins significative.

1.2. Evolution de la morbidité du paludisme au sein de la population
congolaise (1925-1958)

Dans les paragraphes qui suivent, nous allons étudier les effets du paludisme sur l'ensemble des Congolais. Nous avons regroupé les données disponibles dans le tableau n°2. Celui-ci présente la population totale, le total des maladies soignées, le taux de morbidité général, les cas de paludisme traités, le taux de morbidité du paludisme, la part du paludisme dans la morbidité générale.

Tableau 2 : Evolution de la morbidité du paludisme au sein de la population congolaise (1925-1958)

Année

Population totale

Cas globaux des
maladies

Taux de
morbidité
gén en %o

cas de palud

Taux de
morbidité
du palud

en%o

Part du palud
dans la
morbidité
gén (%)

 

Nombre

Indice

Nombre

Indice

 

Nombre

Indice

 
 

1925

7692573

56,8

238351

7,2

31,0

5981

0,6

0,78

2,5

1926

7955450

58,8

239670

7,2

30,1

(...)

(...)

(...)

(...)

1927

8121194

59,9

251428

7,6

31,0

7965

0,9

0,98

3,2

1928

8419181

62,2

249938

7,8

29,7

9057

1

1,08

3,6

1929

8674086

64,1

362946

10,9

41,8

7568

0,8

0,87

2,1

1930

8803422

65,0

412846

12,4

46,9

8345

0,9

0,95

2,0

1931

8880881

65,6

515744

15,5

58,1

15208

1,6

1,71

2,9

1932

8956462

66,2

519249

15,6

58,0

16007

1,7

1,79

3,1

1933

8872283

65,5

580650

17,5

65,4

19160

2,0

2,16

3,3

1934

9282991

68,6

700090

21,1

75,4

30839

3,3

3,32

4,4

1935

9775191

72,2

820562

24,7

83,9

34663

3,7

3,55

4,2

1936

10046731

74,2

921601

27,8

91,7

43757

4,7

4,36

4,7

1937

10217408

75,5

933856

28,1

91,4

47316

5,0

4,63

5,1

1938

10304084

76,1

1289406

38,8

125,1

49119

5,2

4,77

3,8

1939

10328409

76,3

1200473

36,1

116,2

53433

5,7

5,17

4,5

1940

10353909

76,5

1206604

36,3

116,5

66038

7,0

6,38

5,5

1941

10507549

77,6

1221965

36,8

116,3

67197

7,2

6,40

5,5

1942

10530446

77,8

1157464

34,9

109,9

55577

5,9

5,28

4,8

1943

10486291

77,5

1218704

36,7

116,2

61038

6,5

5,82

5,0

1944

10442357

77,1

1210149

36,4

115,9

68220

7,3

6,53

5,6

1945

10508449

77,6

1403369

42,3

133,5

92315

9,8

8,78

6,6

1946

10667087

78,6

1451308

43,7

136,1

98061

10,5

9,19

6,8

1947

10761353

79,5

1613022

48,6

149,9

115445

12,3

10,73

7,2

1948

10914208

80,6

1758691

52,9

161,1

142348

15,2

13,04

8,1

1949

11073311

81,8

2064090

62,1

186,4

188973

20,1

17,07

9,2

1950

11331793

83,7

2262777

68,1

199,7

217995

23,2

19,24

9,6

1951

11593494

85,6

2470499

74,4

213,1

212871

22,7

18,36

8,6

1952

11788711

87,1

2689277

80,9

228,1

293579

31,3

24,90

10,9

1953

12026159

88,8

3054324

91,9

254,0

688841

73,4

57,28

22,6

1954

12317326

90,9

3344754

100,7

271,5

740211

78,9

60,10

22,1

1955

12562631

92,8

3301667

99,4

262,8

819295

87,3

65,22

24,8

1956

12843574

94,9

3527819

106,2

274,7

824152

87,8

64,17

23,4

1957

13174883

97,3

3545291

106,7

269,1

863831

92,1

65,57

24,4

1958

13540182

100

3321471

100

245,3

938477

100

69,31

28,3

Sources : Tableau élaboré par nous, à partir des Rapports aux Chambres (1918- 1956), Rapports sur l'Hygiène Publique (1925-1947) et les Rapports annuels de la Direction générale des services médicaux (1948-1958).

Graphique n°2 : Evolution de la morbidité du paludisme au sein de la population
congolaise (1925-1958)

Cette maladie est répandue chez les Congolais sur toute l'étendue du Congo belge et les principales victimes au sein de la population congolaise sont les nourrissons et les enfants143.

Durant la période avant 1930, les affections de paludisme sont permanentes, mais de nature bénigne144, car les affections qui touchent au premier plan les Congolais sont la maladie du sommeil, la pneumonie et la dysenterie145. C'est pour cette raison que l'évolution de la maladie est relativement stable : le nombre de cas est passé de 5981 cas en 1925 à 8345 en 1930, soit un taux de morbidité de 0,78%o { 0,95%o en 1930, ce qui explique la faible participation du paludisme dans la morbidité générale, durant ces années ; ainsi la participation du paludisme dans la morbidité générale varie entre 2,5% et 2,0% sur une morbidité générale qui oscille entre 31,0% et 46,9%. Ces quelques augmentations que l'on constate sont dues au fait que durant les premières années, la population congolaise s'était montrée méfiante { l'égard de la médecine occidentale, ce qui avait entrainé un certain rejet des moyens thérapeutiques prônés par les services médicaux de l'Etat. Bien plus, la population congolaise ne comprenait pas encore l'intérêt d'une prophylaxie anti-malarienne, d'où le non respect des mesures prophylactiques et des précautions d'hygiène146. De plus, les structures sanitaires en vue de la lutte contre le paludisme étaient encore élémentaires.

Cependant, durant la période qui va de 1931 à 1958, la maladie connait une pleine croissance, en ce sens que la morbidité est passée de 1,71%o en 1931 { 69,3%o en 1958. Soit une croissance annuelle moyenne de 14,1%. Bien plus, on constate que durant cette période, la participation du paludisme dans la morbidité générale est en croissance continuelle, celle-ci est passée de 2,9% à 28,3%, soit une croissance moyenne de 8,8% ; ce qui signifie que dans bien des cas, la population congolaise a fréquenté les formations médicales du gouvernement pour cause de paludisme. Cette augmentation du nombre de malades traités ne signifie pas toujours une aggravation ou une extension de la

143 DUBOIS, A. et DUREN, A., « Soixante ans d'organisation médicale au Congo belge », in ASBMT, p. 22.

144 Rapport aux Chambres, 1911, p. 117.

145 Rapport aux Chambres, 1920-1921, p. 72.

146 GOEMAERE, Le problème de la main- d'oeuvre au Congo belge, Bruxelles, 1928, p. 43.

maladie, celle-ci traduit également l'extension de l'Assistance Médicale aux Indigènes147. Grâce au développement des services de santé et d'hygiène amorcé vers les années 30, la population congolaise fit de plus en plus confiance aux mesures thérapeutiques du gouvernement.

Toutefois, il faut mentionner que ces statistiques ne nous donnent qu'une idée très vague de la situation du paludisme au sein de la population congolaise. La morbidité exacte au sein de cette population n'est qu'approximative, car les données présentées ici ne se rapportent donc qu'aux personnes vivant { proximité d'un centre de santé148. De même, d'après le Rapport sur l'Hygiène Publique de 1927 « les informations concernant cette maladie ne sont livrées que par les médecins du gouvernement, les médecins privés ainsi que ceux des sociétés ne livrent que très rarement leurs données >>149. Ce qui pourrait laisser croire que la fréquence de cette maladie au sein de la population congolaise est beaucoup plus importante qu'on ne le pense150. Mais d'une manière générale, l'évolution du taux de morbidité, ainsi que la part du paludisme dans la morbidité générale sont dans l'ensemble très progressive, de 0,78%o { 69,3%o, avec une participation dans la morbidité générale variant entre 2,5% et 28,3%.

Concernant la part du paludisme dans la mortalité générale, le Dr. A. Duren nous renseigne encore, une fois de plus, que durant la période 1920-1924 sur une mortalité générale de 27%o, la part du paludisme totalisait 0,24%o, de 1931 { 1940, sur une mortalité générale de 26%o, le paludisme intervient pour 1,15%o, et de 1941 { 1949, le paludisme représente 1,73%o sur une mortalité générale de 25%o151.

Le paludisme fut certainement l'un des facteurs actifs de la mortalité infantile. Car, selon le Dr. Kivits « le paludisme et les affections broncho-pulmonaires sont les grands responsables de la mortalité de la première enfance, causant à eux seuls près de la moitié des décès des nouveaux nés >>152. Cette maladie atteignant tous les enfants indigènes est très meurtrière durant la première année, on estime que le paludisme emporte 30

147 Idem, p.23.

148 WERY, M, JANSSENS, P.G., Art. cit, p. 1241.

149 Rapport sur l'Hygiène Publique, 1927, p.8.

150 DUREN, A., Art. Cit, p. 710.

151 Ibidem

152 KIVITS, M., « Pathologie et mortalité de l'enfance indigène au Mayombe », in IRCB, XIX(1951)4, p.15.

enfants sur 1000 entre 0 et 3 ans (soit 22% des décès) et finit par s'atténuer dès la seconde année, sans doute grâce { l'installation progressive de la prémunition.153 De même, cette maladie hypothèque gravement la santé pendant la période de croissance en rendant les enfants congolais plus vulnérables { divers autres infections. C'est donc la première enfance qui paie le plus lourd tribut à la maladie154.

Dans une consultation pour nourrissons, en 1923, le Dr. A. Duren trouva à Lemfu parmi les enfants de 8 à 15 ans un indice de malaria de 92,4%. De même en 1925, le Dr. Fornara constata à Léopoldville que la maladie paraissait plus fréquemment chez les enfants que chez les adultes. Sur 15 enfants noirs examinés, 2 sont décédés suite à un paludisme aigu. L'indice paludéen se maintenait entre 45 et 65%155. La même année dans le district du Bas-Congo, 181 cas de paludisme ont été diagnostiqués dont 3 furent mortels ; dans le district urbain de Léopoldville, 524 cas ont été signalés entraînant ainsi 23 décès. En 1928, les recherches d'endémicité effectuées chez les enfants congolais du camp militaire de Léopoldville donna des résultats suivants : Sur 402 enfants examinés en 1927, 398 ont été déclarés positifs, soit une endémicité de 99% et en 1928 sur les 827 enfants, 644 ont été signalés positifs soit 77,8%. Ceci prouve à quel point les enfants étaient les plus exposés. Dans l'ensemble, la prophylaxie du paludisme durant l'enfance a contribué à faire baisser la mortalité infantile156

153 Idem, p.17.

154 Inspection générale d'hygiène du ministère du Congo belge, Art. cit, p. 61.

155 Rapport sur l'Hygiène Publique, p. 9.

156 FOREAMI, Rapport annuel, 1953, p. 167.

1.3. Evolution de la morbidité du paludisme de la population blanche dans la
Province de Léopoldville

Après avoir présenté l'évolution générale du paludisme au Congo belge, il convient maintenant d'en présentez un aperçu dans la province de Léopoldville, une province qui constitue, par sa position économique et politique, l'un des lieux importants de peuplement de la population blanche au Congo.

Tableau n°3: Evolution du taux de prévalence au sein de la population blanche dans la
province de Léopoldville de 1933 à 1958(en%o)

Année

Effectif de la
population

Nombre de cas
traités

Taux de
morbidité
en%o

1933

4361

212

48,6

1934

4156

252

60,6

1935

4447

258

58,0

1936

4842

383

79,1

1937

5394

363

67,3

1938

5661

333

58,8

1939

6519

397

60,9

1940

6722

500

74,4

1944

8926

1099

123,1

1945

8999

866

96,2

1946

10086

663

65,7

1947

12085

706

58,4

1948

12856

764

59,4

1949

14062

969

68,9

1950

15901

1022

64,3

1955

27899

1500

53,8

1956

30867

1400

45,4

1957

32143

1293

40,2

1958

33578

1392

41,5

Sources : Rapports aux Chambres (1933-1956), Rapports annuels sur l'Hygiène Publique au Congo belge (1925-1947) et les Rapports annuels de la Direction générale des services médicaux (1948-1958).

L'objectif du tableau n°3 est de montrer le poids de la fréquence du paludisme dans la province de Léopoldville. C'est l'une des provinces dans laquelle on trouve un nombre élevé de cas de paludisme ; le but étant de voir l'importance numérique de cette maladie par rapport à la population de cette province.

De ce qui précède, il ressort que, d'une manière générale, l'évolution de la maladie ne s'écarte pas de l'allure générale du taux de morbidité qui prévalait au Congo. Si de 1933 à 1940, la tendance est à la baisse, avec une apogée en 1944, à partir de la fin de la seconde guerre mondiale, l'allure de la prévalence témoigne d'une réduction progressive de la maladie : le taux de morbidité au sein de la population européenne a légèrement diminué, en ce sens qu'il est passé de 48,6%o en 1933 { 41,5%o en 1958. Cette situation s'explique par le fait que durant la période 1933-36, les grands travaux d'assainissement n'avaient pas encore débuté. Les seuls petits travaux d'assainissement mis au point étaient loin de répondre aux besoins de la lutte contre le paludisme.

Toutefois, dans certains centres où les travaux d'assainissement ont été poussés au loin, la maladie est devenue rare, c'est le cas de la ville de Matadi où la maladie semble plus ou moins stable157. Il y a lieu en outre de faire remarquer que la population européenne ne suivait guère les conseils médicaux de prophylaxie individuelle, à savoir la prise de la quinine, la protection mécanique contre les moustiques. Comme le souligne le Rapport sur l'Hygiène Publique de 1931 « la population européenne ne semble pas se rendre compte des conséquences de la malaria qu'elle accepte comme nécessité inéluctable du climat »158.

Durant la deuxième période, la situation du paludisme fut stable dans les villes de Léopoldville et de Matadi, grâce sans doute aux grands travaux d'assainissement exécutés dans ces villes par le gouvernement central159. Comme le souligne le Rapport d'Hygiène Publique de 1937 « le paludisme est plus fréquent chez les européens vivant dans les petits centres et les postes de l'intérieur, tandis que les résidents des grands

157 Rapport sur l'Hygiène Publique, 1933, p. 18.

158 Rapport sur l'Hygiène Publique, 1931, p. 14.

159 Rapport aux Chambres, 1937, p. 43.

centres bénéficient des travaux d'assainissement »160. Mais la guerre de 1940-45, viendra mettre un terme à cette situation.

En effet, durant cette période, comme nous l'avons dit précédemment, les activités médicales avaient subi un ralentissement sur toute l'étendue du pays161. Dans la province de Léopoldville, { cause de l'effort de guerre, les services d'hygiène furent bloqués, l'assainissement des grands centres comme Léopoldville, Matadi, ne put se faire correctement. C'est ainsi que l'incidence du paludisme a été de 74,4%o en 1940, 123,1 en 1944 et 96,2 en 1945.

Les années qui ont suivi la guerre ont été bénéfiques pour la province de Léopoldville, { savoir l'intensification des campagnes de désinsectisation dans les zones urbaines de la ville de Matadi, Léopoldville et Boma, la création de différents services d'hygiène publique dans les centres importants, tels que la mission de désinsectisation du Bas-Congo, dont la zone d'action comprenait les territoires de Thysville et de Madimba162. De plus, grâce aux nouveaux produits synthétiques, les nouvelles thérapeutiques ont permis la régression de la maladie, celle-ci est passée de 74,4%o { 41,5%o en 1960.

1.2.4. Evolution du paludisme au sein de la population congolaise dans la
province de Léopoldville (1937 à 1957).

Les données concernant l'évolution des affections du paludisme dans l'ensemble de la province de Léopoldville sont fragmentaires ; nous ne pouvons donc pas donner des indications concernant toute la période de 1933 à 1958. Toutefois, nous avons pu obtenir quelques données relatives à certains districts de la dite province.

160 Rapport sur l'Hygiène Publique, 1937, p. 27.

161 Conseil du gouvernement, 1949, p.26.

162 Rapport aux Chambres, 1952, p. 152.

[51]
Tableau 4 : Evolution du taux de morbidité dans la province de Léopoldville (1937-1957)

Année

Effectifs de la
population

Nombres
de cas
traités

Taux de
morbidité(%o)

1937

1997796

49642

24,85

1938

2060960

56789

27,55

1949

2431339

43123

17,74

1950

2558882

43510

17,00

1955

2957039

291909

98,72

1956

3024102

242135

80,07

1957

3102383

265379

85,54

Sources : Tableau élaboré par nous, à partir des Rapports aux Chambres (1918-1956), et les Rapports annuels de la Direction générale des services médicaux (1948-1950).

Lorsqu'on examine le tableau n°4, on remarque une augmentation significative du nombre de cas traités par les services médicaux du gouvernement. En ce sens, le nombre de cas est passé de 49642 en 1937 à 265379 en 1957, soit un taux de morbidité de 24,85%o { 85,54%o. Comme nous l'avons dit précédemment, l'augmentation de la morbidité au sein de la population congolaise est due d'une part { l'extension de l'assistance médicale aux indigènes et d'autre part la population congolaise qui faisait de plus en plus confiance à la médecine européenne fréquentait dorénavant plus facilement les centres médicaux se trouvant { proximité de leur habitation. C'est ainsi que le nombre élevé des cas dépistés doit être bien analysé pour pouvoir faire ressortir les causes exactes de cette augmentation continue de la morbidité du paludisme au sein de la population congolaise.

Dans le Bas-Congo, d'après les rapports du Foréami, de 1932 { 1934, sur une mortalité générale de 24%o, le paludisme est intervenu pour 0,73%o ; et l'importance du paludisme dans la morbidité est de 2,6%o163. De même, durant la période 1931-1934, dans une consultation pour nourrissons de 0 à 2 ans, sur 1496 décès constatés dans le Bas-Congo, 237 étaient dus au paludisme164. En 1933, le Dr. Zanetti avait constaté que sur 8051 résidents indigènes à Matadi, il n'y eut que 57 cas de paludisme, soit 0,6% des

163 DUREN, A., Art. Cit, p. 708.

164 Ibidem.

décès165. Grâce aux travaux d'assainissement, de drainages effectués dans cette ville cette maladie était devenue quasiment rare à Matadi166.

C'est au Kwango que la maladie semble être plus grave. En effet, d'après les rapports du Foréami, le paludisme est considéré comme une affection dont l'importance est parfois considérable: de 1936 { 1939, 20725 cas ont été dépistés, ayant entraîné 97 décès, soit un taux de léthalité de 0,46%167 ; de 1941 à 1943, 28330 cas ont été constatés ayant entrainé 115 décès, soit un indice de mortalité de 0,40% ; de 1946 à 1947, 21701 cas ont été traités, ayant entrainé 83 décès, soit un indice de mortalité de 0,38%168. Ceci ne signifie pas toujours l'extension de la maladie au Kwango, mais bien une connaissance plus avancée de la situation sanitaire de la région. De même, la fréquence des consultations médicales a permis de mieux évaluer la maladie en termes de mortalité et morbidité169. Cette maladie occupa une place prépondérante dans les milieux ruraux que dans les milieux urbains parmi les causes de mortalité infantile. Mais grâce à la chimioprophylaxie hebdomadaire dans les consultations pour nourrissons, la mortalité du paludisme est descendue de 50,8% en 1950 à 39,9% en 1953170.

Il est cependant difficile d'évaluer la mortalité du paludisme dans les milieux ruraux, car il existe souvent une surestimation et une sous-estimation de la léthalité dans les dispensaires qui faussent les résultats des enquêtes171.

Comparativement { d'autres maladies, le paludisme n'a pas été la seule maladie { avoir affecté la pathologie générale de la population congolaise dans la province de Léopoldville. En effet, d'autres maladies épidémiques ou endémiques ont affecté considérablement l'état sanitaire des Congolais. Il s'agit notamment de la maladie du

165 VINCKE, « La lutte antimalarienne au Moyen de DDT au Katanga (1947-1950) » in Compte rendus du Congrès scientifique, vol. 5, 1950, p. 56.

166 DUREN, A., « Un essai d'étude d'ensemble du paludisme au Congo belge », in IRCB, V(1937), p. 56; Rapport aux Chambres, 1933, p.21.

167 Rapport annuel du Foréami, 1936, p. 89.

168 Rapport annuel du Foréami, 1946-1947, p. 71.

169 Rapport annuel du Foréami, 1956, p. 40.

170 Rapport annuel du Foréami, 1953, p. 80.

171 Rapport annuel du Foréami, 1956, p. 41.

sommeil, la tuberculose, la variole, la fièvre typhoïde et la méningite cérébro-spinale. Les paragraphes qui suivent y sont consacrés.

La maladie du sommeil est toujours restée active. Elle a ravagé le Bas-Congo, le Kwango et le Lac Léopold II. C'est { cause de cette maladie que des organismes spécialisés dans la lutte contre ce fléau ont été crées, notamment le FOREAMI172, le Service Auxiliaire d'Assistance Médicale aux Indigènes (SADAMI) ; de plus les entreprises installées dans la région, notamment la Société Huilever et la Compagnie du Kasaï s'y sont investies. C'est { cause de cette gravité que des missions médicales de lutte contre la maladie du sommeil furent créées.

La première mission médicale fut confiée { l'Ecole de Médecine Tropicale de Liverpool. Le 8 juillet 1920, deux missions prophylactiques sont créées : elles ont comme objectifs, d'une part, de refaire des essais de recensement et de reprendre des traitements ambulatoires en employant sur place des infirmiers formés en microscopie et habilités à faire des injections, d'autre part, de mettre au point des rôles à attribuer aux agents sanitaires et aux auxiliaires bénévoles de mission.

L'une des missions les plus importantes est celle établie au Kwango où le Dr. Schwetz avait observé des taux d'infection alarmants : 6 { 10%. Les taux d'infection observés respectivement en 1920-1923 et en 1927 sont les suivants : à Kikwit 12,8% et 0,6% ; à Bulungu 12,2% et 0,38% ; à Kandale 5,3% et 1,1% ; à Niadi 5,8% et 0,45% ; au Bas-Kwilu 4,7% et 1,2% ; à Lukula soit 3,7% et 4,3% ; sur la Kamtsha et la Lubue 9,8% et 0,65%. Par rapport à 1920-1923, il constate une régression de l'infection.

Le Dr. Schwetz devait compter sur la collaboration de cinq médecins et de cinq agents sanitaires173. La mission du Kwango examina, en 1923, 285.792 indigènes sur lesquels on trouva 23.865 malades ; en 1924 sur 430.284 Congolais examinés, on recensa 40.061 malades et en 1925 sur 313.839 Congolais consultés, on recensa 67.531 cas de maladies soit 14,8% de la population. Les suspects atteignent le chiffre de 16.029, soit 5,1% de la population totale. La régression des indices annuels est constante et régulière. L'indice annuel d'infection a

172 ANDRE, J., BURKE, J., Art. Cit. p. 105.

173 BURKE, J., « La trypanosomiase », in JANSSENS, P.G., KIVITS, M., VUYLSTEKE, J., Médecine et hygiène en Afrique centrale de 1885 à nos jours, Vol. II, Bruxelles, Fondation Roi Baudouin, 1992, p. 1432

été de 1,4. Le territoire de Bulungu qui a pu être revisité quatre fois donne un indice d'infection de 6,6% en 1923 et de 5% en 1924 et se retrouve avec un indice de 2,3 en 1925. L'opération était basée sur la palpation des ganglions cervicaux, suivi d'un traitement { l'Atoxyl des porteurs de ganglions.

Le Laboratoire de Léopoldville fut chargé d'examiner, chaque année, depuis 1920, la population des environs de Léopoldville. Il observa en 1924 un taux d'infection de 2%, et en 1925 de 1,2%174.

Plus encore, les recherches menées par le Dr. Gilmore à Bolobo sur la population de toute la rive du fleuve Congo depuis Gombe jusqu'{ Kwamount démontra que sur les 6184 Congolais examinés, 309 nouveaux cas furent trouvés. De même, la mission suédoise des Cataractes-Nord dirigée par le Dr. Palmeur, constata que sur les 30.098 Congolais recensés, 584 malades ont été traités dans les dispensaires et 385 dans les chefferies175.

En 1931, on constate que des nouvelles infections sont, d'une façon générale en régression. Ce qui montre une diminution d'intensité de la maladie. Cette évolution est particulièrement signalée dans le cas du Mayumbe, où l'action du FOREAMI a obtenu les résultats suivants durant la période de 1927 à 1931: en 1927, sur les 173.158 congolais examinés, on enregistra 1851 nouveaux cas ; en 1928, sur 154.772 consultés, on signala 1211 nouveaux cas ; en 1929, 1135 nouveaux cas sur 193.919 examinés ; en 1930, 1091 nouveaux cas sur 204.621 examinés et en 1931 sur 209.742 examinés, 589 nouveaux cas furent signalés. L'infection la plus violente est signalée dans le secteur d'entre Lutshima-Bwele176.

En 1937, la province de Léopoldville et celle de Lusambo sont considérées comme les plus atteintes. L'augmentation du chiffre des nouveaux malades n'implique pas pour autant une aggravation de la situation, car dans de nombreuses zones desservies par le FOREAMI le pourcentage de la population atteint a été réduit grâce au travail méthodique effectué par les médecins, et aux résultats thérapeutiques par la tryparsamide et par la tryponasyl.

174 Rapports aux Chambres, 1925, p.17.

175 Ibidem.

176 Rapports aux Chambres, 1931, p. 19.

Durant cette période, on a tout de même relevé la persistance des foyers dangereux dans les territoires de Mushie, de Bolobo, sur le Chenal et au Bas-fleuve.

En 1945, on signale un certain réveil d'infections dans quelques foyers au Kwango et dans les environs du Kwamount et dans les Cataractes. En 1947, les rapports d'hygiène publique signalent que dans la province de Léopoldville un plus grand nombre de congolais fut examinés. Et cette même province est également la seule { connaître une baisse d'infection de la maladie. Cela est dû au fait que l'occupation médicale fit découvrir cette année de nombreux cas non prospectés durant les années précédentes par suite d'une pénurie du personnel. Ainsi, le nombre des Congolais examinés augmenta par rapport à 1946. Durant l'année 1948, l'indice d'infection est tombé de 0,44 { 0,36%177.

Les quelques données présentées dans le tableau n°5 donnent une idée très succincte, mais suffisante de la situation de l'endémie de la maladie du sommeil dans la province de Léopoldville.

Tableau n°5 : Evolution de la maladie du sommeil dans la province de Léopoldville (1933-
1949)

Année

Recensés

Ancien cas

Nouveau cas

Total des
cas

%

1933

1395295

47080

13496

60576

2,03

1934

1451200

44278

11607

55895

1,65

1936

1746100

22353

9182

33926

1,2

1937

1801702

19976

6774

26750

0,75

1938

1778533

5456

14855

20311

0,61

1939

1674095

5117

10511

15626

0,64

1940

1584846

5671

10624

16295

0,76

1941

1437956

4287

9563

13850

0,57

1942

1370385

5333

9451

14784

0,76

1943

1503132

5555

9709

15264

0,59

1944

1458605

5081

8846

13876

0,65

1945

1463950

5568

9904

15472

0,71

1947

1646817

5461

10660

16121

0,59

1949

633610

4088

10731

14895

0,41

Sources : Rapports aux Chambres (1933-1949), Rapport sur l'hygiène publique (1925-1949)

177 Rapport sur l'Hygiène Publique, 1948, p. 39.

La tuberculose resta parmi les problèmes majeurs de santé publique au Congo belge. Cette maladie s'est rapidement propagée dans les grands centres industriels et urbains. La colonisation amena chez les Africains un nouveau genre de vie et les mauvaises conditions de logement, ainsi que la mobilité de la population ont favorisé les contacts entre les populations et les germes de cette maladie.

Les médecins signalent que les Africains sont les plus exposés { cette maladie. L'allure extensive que prit la maladie amena les autorités sanitaires à prendre des mesures réglementaires dès 1921 afin de limiter la propagation.

En 1923, au Stanley Pool, la tuberculose n'avait pas été maitrisée : il avait été admis 31 cas de tuberculose pulmonaire au camp de tuberculeux de Léopoldville, dont 27 provenaient de l'agglomération elle-même. Et le grand nombre des cas signalés en 1925 est en relation avec un dépistage plus sévère qui avait été organisé dans les grands centres et spécialement à Léopoldville et à Stanleyville. L'enquête dirigée par le Dr. Van den Branden { Léopoldville en collaboration avec les docteurs Fornara et Staub, a conclu que l'indice tuberculeux est relativement élevé au Stanley Pool. Le nombre total des cas diagnostiqués s'élève { 90 et le chiffre total des décès est de 53 soit 21,2%.

Au lazaret de Banana, on enregistra 29 tuberculeux et 9 décès sont survenus, dans celui de Léopoldville 80 malades et 34 décès signalés178. La tuberculose a donc un caractère grave et permanent. En 1932, la tuberculose prend une allure lente et chronique et a lieu dans les grands centres où l'on constate des foyers secondaires. En 1933, la province de Léopoldville donne les indications les plus alarmantes : cela est sûrement dû à la promiscuité des travailleurs qui favorisa la contagion et l'augmentation du pourcentage des cas de tuberculose. Il convient de signaler, une fois de plus, la progression lente et sûre qui eut lieu en 1934 dans les milieux africains, soit 206 cas de tuberculose pulmonaire. Cette extension, qui auparavant ne se remarquait que dans les grands centres industriels et urbains touche également les milieux ruraux. Comme les années précédentes, la tuberculose frappa plus d'hommes que les femmes.179Cette situation s'explique par le fait que les villes et les camps des travailleurs étaient peuplés par les hommes.

178 Rapports aux Chambres, 1925, p. 18.

Les données recueillies par le FOREAMI dans le Bas-Congo, au cours de la période de 1931-1935, révèlent que, sur une population de 600.000 habitants examinés par le recensement médical, on trouve, chaque année, 52 à 100 cas de tuberculose pulmonaire. Fort occupé par la maladie du sommeil, les médecins firent moins attention au dépistage de la tuberculose ; ce qui explique le nombre élevé de tuberculeux. Dans la province de Léopoldville, le service du gouvernement signala 260 cas de tuberculose en 1935, 292 en 1936, et, 207 en 1937180. Le nombre de décès par rapport au cas découvert annuellement décroit de façon lente, mais régulière jusqu'en 1945, sans doute en raison de la meilleure résistance acquise par la population181.

Les services du FOREAMI au Kwango tirèrent les conclusions suivantes : l'augmentation des tuberculeux d'année en année est due { l'extension de la maladie et les guérisons qui s'en suivaient grâce aux antibiotiques, ont modifié l'attitude des malades qui se présentent plus spontanément dans les dispensaires et hôpitaux ; ainsi le taux de léthalité était de 36,4% entre 1941 et 1945182. De même en 1946, 298 tuberculeux ont été diagnostiqués et, 460 en 1948. Par contre, durant l'année 1949, sur 204.413 Africains examinés, 1.669 tuberculeux y avaient été dépistés, soit une endémicité de 6,37%0183. Malgré l'emploi de nouveaux produits thérapeutiques, l'on ne peut signaler d'amélioration nette de la situation qui reste confuse { cause de l'état encore élémentaire de l'hygiène publique.

La variole a été pendant longtemps l'une des maladies endémo-épidémiques les plus meurtrières. Dès lors, on peut affirmer que grâce aux vaccinations générales, la variole a été supprimée en tant que fléau possible. Seuls quelques cas sporadiques d'épidémies sont déclarés dans certaines régions de la province, notamment dans le district du Bas-Congo, du Kwango et de Léopoldville où une mortalité excessive a été constatée.

179 Rapport sur l'Hygiène, 1934, p. 36.

180 Rapports aux Chambres, 1937, p. 35.

181 DARRAS, T., CAMPHYN, R. et HALET, J., Art. Cit, p.1539.

182 Idem, p. 1541.

183 Rapport sur l'Hygiène Publique, 1949, p. 168.

En 1923, la variole s'est maintenue au Stanley pool avec virulence où elle s'est étendue dans les régions centrales et surtout occidentales. Le Dr. Duren mentionna que sur 764 décès, il enregistra dans le district urbain de Léopoldville, 210 imputables à la variole soit un indice de 27,49% et en 1927, sur 1647 décès enregistrés, 227 étaient provoqués par la variole, soit un indice de 13,78%184.

Il convient de signaler que la variole avait fait de nombreuses victimes surtout chez les enfants. La mortalité provoquée par cette épidémie avait éveillé l'autorité coloniale. Les autorités du district urbain de Léopoldville rendirent ainsi la vaccination obligatoire depuis 1925. En 1926, on constate une certaine régression de la maladie en termes de mortalité et de morbidité, { l'exception du district du Kwango où 152 cas ont été signalés ayant provoqué 17 décès parmi les travailleurs industriels et agricoles185. Par contre, durant l'année 1926, la variole fit un retour assez sérieux au Stanley pool où elle suivit les voies de communications donnant ainsi naissance à des foyers plus ou moins graves186. L'année 1928 fut plus favorable, car sur 474 cas, on signala seulement 8 décès. Cette situation est due à la vaccination obligatoire effectuée tous les 2 ans.

Néanmoins en 1940, une flambée d'épidémie fut déclarée dans la province entraînant 2058 cas de variole dont 31 furent mortels. Cette épidémie régna surtout dans les régions de Matadi, des Cataractes et de Manianga187. A partir de 1947, la variole été en régression dans toute la province188.

La fièvre typhoïde est une maladie fébrile sévère qui se manifeste sous forme de petites flambées épidémiques et son caractère sporadique a été signalé par presque tous les observateurs. En 1927, elle sévit dans la province de Léopoldville et ce malgré les nombreuses vaccinations pratiquées.

En 1928 le Dr. Vanden Branden mentionne 51 cas de fièvre typhoïde causant 14 décès
parmi les habitants du district urbain de Léopoldville. De même, le Dr. Van Oye indique

184 DUREN, A., « Quelques données sur la situation démographique de la cité indigène de Léopoldville entre 1923 et 1947 » in IRCB, XXI(1950)3, p. 713.

185 Rapports aux Chambres, 1925, p. 13.

186 Rapports aux Chambres, 1926, p. 10.

187 Rapport sur l'Hygiène publique, 1940, p. 16.

188 Ibidem

un indice d'infection de 51,5% sur un total de 3.216 individus reçus au centre de Léopoldville. La province de Léopoldville s'inscrit pour l'année 1935 avec 31 cas dont 10 décès, soit 19 cas et 4 décès à Boma, 12 cas et 6 décès à Léopoldville, 5 autres cas ont été diagnostiqués à la compagnie du chemin de fer du Congo189. Les quelques cas sporadiques signalés dans la province de Léopoldville ne proviennent pas de la pollution des eaux de boisson mais, d'une infection accidentelle { partir des porteurs sains190.

Toutefois, il convient de noter en 1946, une éclosion d'un nombre relativement élevé de cas de fièvre typhoïde parmi les africains, 100 décès sur 252 cas enregistrés. Il est possible que ce phénomène soit attribué aux mouvements des troupes pendant la période de guerre. D'une façon générale, la maladie était en régression dans toute la province.

La méningite cérébro-spinale fut considérée parmi les chroniques des épidémies meurtrières qui désorganisaient la vie des communautés et qui décimaient des collectivités.

C'est au Stanley pool que les premières études sur la méningite furent faites par le Dr. Vanden Branden et Van HooF en 1922. En 1923 aucune épidémie de méningite n'a été déclarée. Cette maladie ne se développant qu'au cours de la saison sèche, explique le caractère sporadique de la maladie dans la province. En 1936,6 cas ont été identifiés dont 2 cas de décès dans le district du Bas-Congo191. En 1937, quelques cas furent signalés sans tendance { l'extension, car la production intensive des vaccins par le Laboratoire de Léopoldville explique la faible mortalité. De même, en 1938, les malades purent être traités par les sulfanilamides192.

Les rapports des médecins du gouvernement mentionnent, en 1943, l'apparition de 74 cas
de méningite et cette augmentation fut attribuée aux effectifs militaires rapatriés de

189 Rapports aux chambres, 1935, p. 34.

190 Rapport sur l'Hygiène publique, 1938, p. 25.

191 Rapport sur l'Hygiène Publique, 1936, p. 21.

192 Rapport sur l'Hygiène Publique, 1938, p. 24.

diverses zones d'engagement. Depuis lors, la méningite ne constituait plus un fléau pour la population.

CHAPITRE.IV. POLITIQUE DE LUTTE CONTRE
LE PALUDISME

Le présent chapitre se propose de faire ressortir la politique élaborée par le pouvoir colonial afin d'éradiquer les conséquences désastreuses du paludisme sur les populations blanche et congolaise.

1. Les recherches scientifiques et médicales dans la lutte contre le paludisme

Dès la création de l'Etat indépendant du Congo, le problème de santé en général et l'extension des maladies tropicales en particulier figuraient parmi les préoccupations de l'administration coloniale193.

S'étant rendu compte des désastres causés par certaines maladies, notamment le paludisme, la fièvre hémoglobinurie, la maladie du sommeil ainsi que la variole, non seulement dans les rangs des agents de l'EIC, mais aussi au sein de la population congolaise, l'administration coloniale s'était donnée comme mission l'élimination voire l'éradication de toutes ces maladies. Ainsi, le relèvement du niveau de santé de la population tant européenne que congolaise, ainsi que la lutte contre les maladies infectieuses et parasitaires furent considérées par l'administration coloniale comme un de ses principaux devoirs194. De ce fait, l'un des domaines sur lequel le pouvoir colonial porta toute son attention pour remédier à cette situation fut la recherche scientifique et biomédicale. En ce sens que cette dernière fut considérée comme la clé de la lutte contre toutes les maladies pouvant être évitées195.

En effet, les recherches scientifiques et médicales ont été le fil conducteur des programmes d'exploration en ce qui concerne l'Afrique en générale et le Congo en

193 RUPPOL, J.F., Art. cit, p. 2.

194 Idem, p. 3.

195 JANSSENS, P.G., « Recherche scientifique biomédicale », in JANSSENS, P.G., KIVITS, M., VUYLSTEKE, J., Médecine et hygiène en Afrique centrale de 1885 à nos jours, Vol. I, Bruxelles, Fondation Roi Baudouin, 1992, p. 196

particulier196. La plupart des maladies qui y sévissaient n'étaient pas encore bien connues des médecins européens, qu'il s'agisse de la maladie du sommeil, du paludisme et de la fièvre hémoglobinurie, des dysenteries, les connaissances sur leur mode de transmission et de propagation étaient limitées197. Il va donc de soi que les observations et recherches médicales se voyaient attribuer une très haute priorité dès la colonisation européenne en Afrique.

De même, l'intérêt réel de l'E.I.C pour la recherche se trouva affirmé par la succession des missions scientifiques et médicales effectuées pendant toute la période coloniale198. Parmi les plus célèbres, nous pouvons citer la mission J. Rodhain effectuée sur la maladie du sommeil respectivement au Maniema(1910) et dans l'Uélé(1913), les recherches sur la lèpre, l'onchocercose et l'éléphantiasis dans l'Uélé par A. Dubois (1934) 199 ; les recherches sur la bilharziose par Van den Berghe(1936), etc.

C'est dans ce contexte-là que la lutte contre le paludisme a été envisagée par le pouvoir colonial. La connaissance, la maitrise et le contrôle de l'environnement du paludisme ont constitué la stratégie initiale adoptée dans la lutte contre le paludisme.

A cet effet, plusieurs recherches et études ont été entreprises au Congo ; il y eut notamment l'envoi de plusieurs missions spéciales dans les régions endémiques pour effectuer une enquête approfondie sur le paludisme200, à savoir : découvrir les types d'environnement et les modes de propagation de la maladie201. Grâce à la création et à l'installation d'un laboratoire de recherche { Léopoldville202, plusieurs chercheurs ont pu effectuer leurs études sur le paludisme, ce qui permit à ce laboratoire de jouir rapide d'une renommée internationale203.

Les premières études sur le paludisme au Congo belge sont celles menées en 1899 et 1900, dans le laboratoire de Léopoldville. Il s'agit d'une étude effectuée par Van

196 Ibidem

197 RUPPOL, J.F., Art. cit, p. 1.

198 JANSSENS, P. G, Art. cit, p. 197.

199 Idem, p. 199.

200 MORISSENS, G., L'oeuvre civilisatrice au Congo belge, Mons, édition Desquesne, 1912, p. 193.

201 DROOGMANS, H., La Malaria. Communication faite au cercle africain, 1925, p. 19.

202 MORISSENS, G., Op. cit, p. 193.

203 ANDRE, J., BURKE, J., Art. Cit, p. 150.

Campenhout et Dryepondt. Ces chercheurs, grâce à leurs études, ont constaté que de toutes les maladies qui touchent les Européens, le paludisme occupe une place prépondérante204 ; ces chercheurs ont analysé aussi bien la propagation du paludisme que son traitement et sa prophylaxie ; ils ont également décrit l'origine des différentes fièvres paludéennes205.

En 1906, le docteur Broden, successeur à la direction du Laboratoire de Léopoldville, effectua des recherches relatives { l'hémoglobinurie et confirma la thèse selon laquelle cette maladie serait une complication du paludisme et que sa prévention est la même que celle du paludisme206. Celui-ci, suite à ses recherches, préconisa l'importance de l'emploi prophylactique de la quinine comme le meilleur moyen de prévention de la maladie er de ses complications207. C'est notamment sous l'impulsion de ces deux chercheurs que le Laboratoire de Léopoldville concentra dès le départ son attention sur le paludisme et sur l'une des ses complications les plus graves, la fièvre hémoglobinurie208.

Depuis ces premières études, le problème du paludisme a été analysé sous de multiples aspects, à savoir : la répartition des espèces anophéliennes, l'épidémiologie, la prévalence, la transmission, les méthodes de prévention, de prophylaxie, les aspects administratifs de l'arrêt de la chaîne de transmission209.

La reprise du Congo par la Belgique a permis à la couverture sanitaire de se développer et de se restructurer. Ainsi, d'autres études ont été organisées sous la direction des services du Gouvernement Général pour approfondir les différentes connaissances relatives au paludisme.

Deux chercheurs avaient cependant tenté de présenter une étude d'ensemble sur le paludisme au Congo belge : il s'agit du Dr A. Duren (1937 et 1951) et J. Gillet (1953). Ces deux études traitent de l'importance du paludisme dans la pathologie générale et nous

204 WERY, M- JANSSENS, P.G., Art. cit, p. 1240.

205 Idem, p. 1241.

206 Ibidem.

207 De la connaissance à la science, approche structurelle, p. 135.

208 Idem, p. 134.

209 WERY, M- JANSSENS, P.G., Art. cit, p. 1241.

fournissent des informations sur la mortalité et la morbidité dues au paludisme chez les Européens comme chez les Congolais210.

En 1948, une étape importante dans la recherche en paludologie est la découverte du docteur Vincke211. Ce dernier avait effectué des recherches sur le paludisme des rongeurs. Ses découvertes ont contribué { l'étude expérimentale de la transmission de la chimiothérapie, de l'épidémiologie et de la lutte contre le paludisme212.

Les études les plus importantes d'entre elles ont été effectuées par le Dr Schwetz. En effet, celui-ci consacra une majeure partie de ses études sur l'état du paludisme au Congo belge ; il s'agit entre autres des études effectuées sur le paludisme au Bas-Congo et Kwango(1936), dans la Province Orientale(1939), ainsi qu'{ Coquilhatville(1945)213. De retour dans la Métropole, ce chercheur continua les études sur le paludisme qu'il avait commencées en Afrique214.

Toutefois, les efforts de l'administration coloniale n'ont pas été les seuls { avoir contribué aux recherches scientifiques. De nombreuses initiatives privées et certaines associations philanthropiques médicales s'y sont aussi investies 215. Il s'agit entre autres de l'Institut de Médecine Tropicale d'Anvers(IMT), de l'Institut pour la recherche Scientifique en Afrique Centrale (IRSAC) qui dès le début de leur création, avaient entrepris des recherches expérimentales sur le paludisme, son écologie et le mode de vie des vecteurs216. Le ministère des colonies comme les autorités sanitaires du Congo belge pouvaient se référer { l'IMT lorsqu'un programme de lutte ou de prévention était en cours d'élaboration217. De même, pour parer à la propagation de certaines endémies, tels que le paludisme et la maladie du sommeil, les autorités coloniales signeront des conventions avec certaines sociétés industrielles. Celles-ci vont contribuer également à

210 Ibidem.

211 Idem, p. 1242.

212 ANDRE, J., BURKE, J., Art. cit, pp. 99-100.

213 De la connaissance à la science, approche structurelle, p. 18.

214 Ibidem.

215 RUPPOL, Op. cit, p. 4.

216 ANDRE, J., BURKE, J., Art. cit, pp. 99-100.

217 De la connaissance..., p. 153.

la lutte contre ces maladies. C'est le cas de l'Union Minière du Haut Katanga, des Huileries du Congo belge, des Mines d'Or de kilo moto218.

Toutes ces différentes missions et études ont été d'une importance capitale quant { la connaissance du paludisme au Congo belge ; elles furent également une nécessité pour toute question relevant de l'étiologie et de l'épidémiologie lorsqu'il s'agissait d'établir des programmes de lutte afin d'éviter de nouveaux foyers de la maladie219. Il s'agissait pour l'administration coloniale de faire connaître la maladie, en ordonnant la publication des documents portant sur cette maladie. Ainsi, les bases d'une lutte efficace pouvaient être établies pour combattre ce fléau.

2. Réglementation et mesures sanitaires

Après la maladie du sommeil, le paludisme fut l'endémie la plus importante au Congo belge. Bien que l'activité déployée dans la recherche scientifique, le traitement, la prophylaxie du paludisme n'ait pas acquis la même intensité déployée pour la maladie du sommeil, cette maladie bénéficia tout de même d'une attention particulière des pouvoirs publics et du corps médical220.

En effet, la lutte contre le paludisme a fait l'objet d'un intérêt général dès la fin du 19e siècle par la protection des résidents étrangers et par la protection des populations indigènes. Bien que cette maladie ne fût rangée qu'au début des années 1930 parmi les maladies transmissibles qui devaient faire l'objet d'une lutte systématique, diverses dispositions ont été prises avant cette époque pour éradiquer cette maladie221.

En fait, la conception coloniale de la lutte contre le paludisme s'appuya premièrement sur la réglementation de l'hygiène publique. Etant donné que l'environnement joue un rôle important dans la propagation des maladies transmissibles tant en raison du climat et de la situation économique des populations, et étant donné que les recherches médicales avaient démontré qu'il y avait un rapport entre le paludisme et

218 Idem, p. 104.

219 De la connaissance à la science, approche structurelle, p. 149.

220 DUREN, A., Art. cit, p.3.

221 WERY, M- JANSSENS, P.G., Art. cit, p. 1250.

l'environnement du milieu, les dispositions légales contribuant { la lutte contre le paludisme furent donc celles ayant pour objet l'hygiène du milieu222, le Service d'Hygiène Publique répondait particulièrement { cette préoccupation223. Celui-ci était chargé non seulement de l'assainissement des cités et agglomérations, mais aussi des mesures de prévention et de lutte contre les différents vecteurs de certaines maladies transmissibles, à savoir les moustiques(paludisme), la mouche tsé-tsé(maladie du sommeil), mouches(cholera, fièvre typhoïde, dysenterie)224.

Dès lors, la situation sanitaire fut assimilée à la première cause de propagation du paludisme. L'hygiène deviendra donc une nécessité pour les autorités belges dans la lutte contre cette maladie. Cependant, quoiqu'il n'existe pas au Congo belge de législation visant exclusivement la lutte contre le paludisme, les principales dispositions intéressant cette lutte sont pourtant réunies en un petit nombre de décrets et ordonnances contenus dans la législation sanitaire225. Comme le disait si bien le docteur Kivits « la législation sanitaire constitue l'armature qui permet { un pays de protéger sa population contre l'introduction et la propagation des maladies transmissibles »226.

Suite aux craintes suscitées par de nombreuses épidémies, l'administration coloniale, essaya, dès 1888, de prendre des mesures sanitaires pour lutter contre les insectes et rongeurs vecteurs de ces maladies. Bien que ces mesures furent généralisées à plusieurs maladies, telles que la fièvre jaune, la fièvre typhoïde, etc., il en reste pas moins, que ces mesures aient été importantes dans la lutte contre le paludisme227.

En mars 1911, une circulaire est émise par l'administration coloniale, qui s'inquiétait des effets du paludisme sur la population tant européenne que congolaise ; ces craintes ont conduit à la création des équipes anti-malariales, sur la constitution et le rôle de ces équipes228. Ces équipes avaient dans leur attribution entre autres la surveillance des

222 VAN RIEL, Hygiène tropicale, Liège, ed. Deoer, 1958, p. 184.

223 ANDRE, J., BURKE, J., Art.cit, p. 123.

224 Idem, p. 124.

225 DUREN, A., Art. cit, p. 76.

226 KIVITS, M., « Hygiène et santé publique » in Livre blanc, Bruxelles, ARSOM, 1962, p. 902.

227 ANDRE, J., BURKE, J., Art. cit, p. 124.

228 Loi sur le gouvernement du Congo belge : loi, décret, ordonnance, p. 921.

collections d'eaux stagnantes et le prélèvement de spécimens de larves dans les zones risquées.

A la base de toute législation sanitaire du Congo belge, se trouve le décret du 19 juillet 1926. Celui-ci prévoit des mesures à prendre pour sauvegarder la santé des populations vivant au Congo belge229. Les recommandations de ce décret ont permis d'échafauder sur des bases légales, les différentes ordonnances qui ont organisé la lutte contre les maladies épidémiques et endémiques230.

Ainsi, l'ordonnance du 10 mai 1929 relative { la création de la Direction technique des travaux d'hygiène mènera ses actions contre le paludisme, plus particulièrement sur la lutte anti-moustique, grâce au comblement des marais et d'une manière générale grâce à toutes les mesures propres à assurer l'assainissement du sol231. Cette ordonnance sera complétée par celle du 4 juin 1929 qui vise la lutte contre les mouches et les moustiques dans les circonscriptions urbaines, et interdit de maintenir dans ces localités des conditions favorables { l'éclosion de ces insectes232. Si ces deux ordonnances portent plus sur les notions d'hygiène publique, elles trouvent tout de même leur importance du fait que la lutte contre les moustiques fut l'un des moyens essentiels si pas le principal, préconisé dans la lutte contre le paludisme. Cette thèse a été confirmée par le Dr Duren « il n'est plus { démontrer que le moyen le plus sûr pour éliminer le paludisme, c'est la destruction des anophèles >>233. Et pour y arriver, toute une série de mesures avait été prise, notamment les travaux d'assainissement, les comblements des marais, le drainage des eaux, tout cela en vue de ne pas favoriser la multiplication des moustiques. Le Dr J. Schwetz l'a lui-même confirmé «pas d'eau stagnante, pas de moustique : voilà la base de la lutte dite mécanique ou anti-larvaire contre le paludisme >>234, quoi de plus normal que la lutte contre les moustiques intervient dans les priorités des différents services d'hygiènes publiques. Toutes ces dispositions vont être renforcées par l'ordonnance du

229 Codes et lois du Congo belge, 1934, p. 1228 ; Bulletin officiel du Congo belge, 1926, p. 732.

230 DUREN, A., Art. cit, p. 76.

231 Bulletin administrative du Congo belge, 1929, p. 185.

232 Ibidem, pp. 230-236.

233 DUREN, A., Art. cit, p. 56.

234 SCHWETZ, J., « Quelques considérations sur l'aspect entomologique de la lutte antimalarienne au Congo belge », in ASBMT, (1928)8, p. 27.

10 octobre 1931 qui va ranger le paludisme parmi les différentes maladies transmissibles, épidémiques et endémiques nécessitant une grande attention235.

En dehors de ces dispositions législatives, d'autres dispositions éparses dans les ordonnances relatives à la réglementation des agglomérations et plus particulièrement des quartiers africains et européens des circonscriptions urbaines vont être prises. Il s'agit notamment des ordonnances du 29 juin 1954 ainsi que celle du 28 juin 1959. Ces dernières reprennent des mesures prises déjà en 1929, mais en y ajoutant quelques améliorations. Elles portent sur le débroussaillement des terrains, l'élimination des eaux stagnantes, la désinsectisation des agglomérations ainsi que leur protection contre les moustiques, non seulement pour des raisons de confort, mais aussi pour réaliser la prophylaxie contre le paludisme236.

En fait, la mise en application de ces différentes mesures a plus concerné la lutte prophylactique du paludisme ; il s'agissait d'exclure tout contact entre les populations et le vecteur de la maladie. L'évincement des moustiques (anophèles) fut donc le point fondamental de cette lutte contre le paludisme.

C'est ainsi que ces différents textes arment suffisamment le Service de l'Hygiène du Congo belge pour appuyer sur des bases légales la lutte contre le paludisme dans les agglomérations et plus particulièrement dans et autour des circonscriptions urbaines237. En dehors de cette législation, une propagande constante est faite pour mettre la population en garde contre le danger du paludisme et les familiariser avec les méthodes de protection individuelle. Ainsi, pour mieux imprégner les populations du danger du paludisme, une inscription géante faite sur le dock flottant au port de Boma, c'est-à-dire à la porte du Congo, leur rappelle que « le plus redoutable ennemi de ce pays est le moustique »238. C'est dans cet angle que la lutte contre le paludisme a été envisagée par le pouvoir colonial.

235 DUREN, A., Art. cit, p. 78.

236 KIVITS, M., Art. cit, p. 912.

237 Ibidem.

238 CORNET, J., Bwana Munganga, in ARSOM, Bruxelles, XLI(1971)1, p. 149.

IV.2.1. Mesures prophylactiques

Ces mesures avaient été prises pour empêcher l'apparition, l'extension ou l'aggravation du paludisme. Etant donné que cette maladie a été l'une des premières causes de mortalité au sein des populations, il avait été pris un certain nombre de mesures appropriées pour lutter contre cette maladie. Comme il n'existait aucun service spécialisé dans la lutte antipaludique, seuls les services d'hygiène avaient la charge de cette lutte. C'est ainsi que l'accent avait surtout été mis sur des mesures prophylactiques. Ces mesures furent très tôt adoptées par le pouvoir colonial dans le cadre de sa lutte contre le paludisme.

Ainsi, la lutte prophylactique contre le paludisme au Congo belge fut donc menée sous deux aspects : le premier consistait { supprimer l'hôte vecteur de la maladie (la lutte antimoustique) ou au moins en empêchant tout contact avec les populations (grâce à l'utilisation des moustiquaires), le deuxième consistait à détruire le germe causal déjà introduit dans l'organisme.

Deux méthodes de lutte antimoustique vont être préconisées. Il s'agit premièrement de la lutte antilarvaire. Cette lutte exigeait au préalable la détermination des types d'anophèles, la localisation exacte de ses gîtes et de ses abris, une fois cet aspect rempli, la lutte antilarvaire visait la destruction de toutes les collections d'eau pouvant abriter des larves de moustiques, le drainage des eaux, le comblement des marais dans des surfaces limitées, le débroussaillement et le désherbage ainsi que le curage des canalisations239. En deuxième lieu, il s'agissait de la lutte contre les moustiques adultes. Cette dernière était menée conjointement avec les mesures classiques d'assainissement en vue de supprimer les gîtes larvaires ou d'entraver le développement des larves dans les gîtes inévitables (grâce { l'épandage de pétrole, de mazout et d'autres produits chimiques)240.

239 DROOGMANS, H., « La lutte antilarvaire dans la lutte contre la malaria », in Revue Congo, I(1927)2, p. 374.

240 WERY, M, JANSSENS, P.G., Art. cit, p. 1243.

Ces mesures qui avaient été préconisées comme des moyens nécessaires et efficaces pour vaincre le paludisme connurent une certaine évolution au fil du temps.

Cette lutte a été dès le début considérée comme la solution aux nombreux problèmes que posait cette maladie. Toutefois, cette lutte connut certaines difficultés suite au manque de financements adéquats, des ingénieurs hygiénistes et surtout cette lutte a souffert d'un manque de personnel entomologiste 241. C'est { ce sujet que le Dr Schwetz s'est lamenté en ces termes : << Au Congo belge, il n'existe pas assez d'études sur les moustiques, cette lacune paralyse l'application des mesures antimoustiques prises dans le cadre de la lutte antimalarienne. L'urgence s'impose donc pour l'envoi au Congo des entomologistes spécialisés dans la lutte antimoustique »242. La situation fut tout de même plus favorable à cause de la petitesse des centres pour lesquels il était question d'effectuer des travaux d'assainissement243. Mais compte tenu du fait que ces centres se développaient rapidement pour devenir de grandes agglomérations, il a fallu améliorer et adapter toutes ces mesures à la situation qui prévalait sur le moment. Des changements ne tardèrent pas à être apportés vers la fin des années 1930.

En effet, c'est { partir de la fin des années 1930 que de grands travaux d'assainissement vont débuter au Congo belge. Il s'agissait des grands travaux de drainage, de comblement des eaux dormantes par assèchement ou l'aménagement d'eaux courantes (endiguement, canalisation, curage). Les marais desséchés seront mis en culture et suivant les cas, les canaux de drainage seront libérés de toute végétation244. Cependant, pour que les mesures antilarvaires soient efficaces, il aurait fallut couvrir la quasi-totalité des gîtes larvaires dans toute la colonie. Or, une telle entreprise pose problème. Si théoriquement, elle pourrait être résolue, pratiquement elle dépasse les forces et moyens ; il a fallu donc envisager cette lutte suivant les possibilités matérielles et l'urgence245. Van den Branden et Van Hoof ont quant à eux confirmé cette thèse << la lutte antimoustique est une question dont le succès dépendra des capitaux engagés et de

241 DROOGMANS, H., Art. cit, p. 640.

242 Ibidem.

243 Rapport aux Chambres, 1926, p. 14.

244 DROOGMANS, H., Art. cit, p. 373.

245 DUREN, A., Art. cit, p. 55.

leur bonne utilisation. Cette situation démontre que la lutte antimoustique n'est pas si simple si l'on veut obtenir des résultats satisfaisants »246.

Bien plus encore, l'assainissement d'une zone contaminée par le paludisme est plus compliqué à exécuter et cette tâche devrait être assurée non pas par les médecins mais par des ingénieurs hygiénistes qui devront travailler de pair avec des médecins, des entomologistes, des géographes, etc.247. Finalement dans le cadre d'une politique de restriction budgétaire, les actions menées vont plus se concentrer sur les grands centres de la colonie, que dans les zones rurales où vivait une forte population congolaise248. C'est ainsi que des grands travaux vont être entrepris dans les centres de Boma, Matadi, Léopoldville, Coquilhatville et Elisabethville249.

Par ailleurs, ces grands travaux ne seront effectués que dans les grands centres où ne vivait que la population européenne et aux quelques cités africaines qui s'y étaient rattachées et seuls ceux-là ont pu bénéficier de ces travaux250. En fin de compte, les mesures prophylactiques prises depuis le début de la colonisation jusqu'{ la fin de la deuxième Guerre Mondiale ont plus bénéficié aux populations vivant dans les zones urbaines que celles des zones rurales. En fait, avant la guerre, la lutte antipaludique au Congo belge était uniquement menée dans les grands centres urbains où des mesures antilarvaires appliquées en permanence étaient complétées par des grands travaux améliorant les conditions locales de salubrité. Le coût de ces grands travaux d'assainissement a justifié le fait qu'il n'a pas été possible d'étendre ces mesures aux immenses étendues rurales que comptait la colonie.

Les autorités coloniales reconnaissaient toutefois que la tâche n'était pas aisée. L'inquiétude sanitaire fut surtout grande en ce qui concerne les agglomérations à forte population, c'est en ce sens que l'ordonnance du 4 juin 1929 fut une des plus importantes dans la lutte contre le paludisme. L'application stricte de cette ordonnance

246 DROOGMANS, Art. cit, p. 376.

247 Idem, p. 375

248 WERY, M., COOSMANS, M., Le paludisme de l'Afrique tropicale, Belgique, ed. Biometrix, 1993, p. 20.

249 DUREN, A., Art. cit, p. 56.

250 Idem, p. 57.

devait réduire considérable le pullulement des moustiques dans les régions tant urbaines que rurales.

C'est ainsi que s'étant rendu compte de la difficulté de réaliser des mesures prophylactiques de grande envergure, les autorités sanitaires vont insister sur la nécessité d'ajouter aux mesures déj{ prises, les moyens de prophylaxie individuelle251. Il s'agissait de mener des actions ciblées pour empêcher tout contact entre les populations du Congo et les vecteurs du paludisme, grâce { la vulgarisation de l'utilisation des moustiquaires de lit, le recouvrement des portes et fenêtres par des treillis antimoustiques252.

La fin de la deuxième Guerre Mondiale va marquer un tournant important dans la lutte contre le paludisme. En effet, cette période sera marquée par l'apparition des insecticides puissants à effet rémanent, qui vont marquer une véritable révolution dans la prophylaxie des maladies parasitaires253. L'avènement des insecticides, tel que le DDT ((dichlorodiphényltrichloroéthan) a permis d'envisager et de mettre en pratique des mesures plus effectives et de grande envergure dans la lutte contre le paludisme. La particularité du DDT est la persistance (rémanence) de son pouvoir toxique : le contact d'une surface qui a été traité au DDT reste mortel pour les insectes pendant plusieurs mois, et c'est cette technique qui a permis { plusieurs pays occidentaux d'éradiquer cette maladie254.

Ainsi, l'usage de ces insecticides a permis de compléter la lutte antimoustique dans toutes les habitations des agglomérations urbaines et même dans certaines régions rurales255. Bien plus encore, l'intensification de désinsectisation, ainsi que les pulvérisations domiciliaires d'insecticide { effet rémanent sont restées à la base de la lutte antipaludique en milieu rural256 ; on constata parmi les populations congolaises des zones rurales qui fréquentaient les dispensaires une certaines diminution du taux du

251 DROOGMANS, Art. Cit, p. 360.

252 DUREN, A., GILLET, H., Art. Cit, p. 71.

253 WERY, M, JANSSENS, P.G., Art. cit, p. 1250.

254 SCHWETZ, J., Art. cit, p. 44.

255 KIVITS, M., Art. cit, p. 914.

256 Rapport aux Chambres, 1954, p. 180.

paludisme et de l'intensité des anémies post-malariennes257. De ce fait, malgré des moyens relativement limités, la lutte antipaludique entra dans une phase active dans presque toutes les régions de la colonie par la mise en train des campagnes de désinsectisation domiciliaire258. Les différents services d'hygiène publique dans les centres importants, la Mission de Désinsectisation du Bas-Congo, la Mission médicale de la Ruzizi et le service d'Hygiène de la côte vont constituer les éléments fondamentaux de cette action antipaludique259.

Par ailleurs, la lutte antipaludique va bénéficier des subventions prévues dans le plan décennal. En effet, l'amélioration de la santé publique fut le premier objectif du plan décennal élaboré en 1949. Cette tâche dépasse toutefois le domaine strictement médical ; elle postule l'amélioration des conditions d'hygiène générale, et notamment de l'alimentation, de l'approvisionnement en eau potable, de l'habitation, de l'habillement, de l'hygiène corporelle260. A cet effet, la lutte contre les maladies épidémiques et endémiques sévissant au Congo sera l'objet d'une campagne intensive. Et au premier plan du programme figure la lutte contre deux maladies ayant attiré l'attention des pouvoirs publics : il s'agit du paludisme et de la maladie du sommeil261.

Ainsi, pour lutter contre le paludisme, ce plan prévoyait l'octroi des crédits importants pour l'exécution des campagnes de prophylaxie de la maladie (il s'agit des campagnes de désanophelisation au DDT et { d'autres produits chimiques), pour l'achat des matériels divers, pour la formation d'un personnel spécialisé dans la lutte antipaludique262. Ces campagnes seront organisées tant dans les milieux ruraux que dans les milieux urbains. Cette lutte prophylactique essentielle dans la lutte contre le paludisme, fera l'objet des campagnes intensives prévues par le plan263.

En résumé, pour combattre le paludisme, le plan prévoyait : l'application de la
chimioprophylaxie individuelle et collective, des campagnes de désinsectisation (c'est-à-

257 Rapport aux Chambres, 1952, p. 170.

258 Rapport aux Chambres, 1956, p. 68.

259 Rapport aux Chambres, 1957, p. 72.

260 Plan décennal, 1949, p. 40.

261 Ibidem.

262 Idem, p. 50. Malheureusement nous n'avons pas pu trouver des références concernant les crédits dégagés spécialement pour le paludisme. Mais nous donnons toutefois, en annexe, le budget prévu par le plan décennal dans le domaine de la santé.

263 Idem, p. 40.

dire la lutte contre les vecteurs), des campagnes d'éducation des populations sur la lutte contre les moustiques, qui doivent apprendre { s'en préserver et aussi { les détruire264.

En 1951, une commission du Conseil Supérieur d'Hygiène Coloniale, présidée par J. Rodhain étudia la question du paludisme dans son ensemble, plus particulièrement des méthodes de lutte contre cette maladie265. Cette commission envisagea successivement l'importance du paludisme dans la mortalité au Congo belge, la prophylaxie chimique contre le paludisme et la lutte contre les vecteurs grâce aux insecticides. De ces travaux se sont dégagées les conclusions suivantes :

- la commission estime que l'éradication totale des vecteurs par l'emploi des insecticides n'est pas possible dans les conditions actuelles du Congo, notamment à cause de l'immensité du territoire qui exige beaucoup de moyens, en matière de finances, en personnel, en produits et matériels adéquats, qu'il n'est pas possible de réunir266.

- Cette même commission estima qu'il était possible de rétrocéder le paludisme de façon très considérable sans obtenir l'éradication complète de la maladie. En ce qui concerne la rétrocession du paludisme et les moyens { mettre en oeuvre pour y arriver, la commission relève que les modalités de la lutte contre le paludisme sont envisageables d'une part sur le plan technique, et d'autre part sur le plan administratif267. Sur le plan technique, il s'agit de la suppression des vecteurs (moustiques) grâce { l'emploi des insecticides { effet rémanent, cette campagne ne pourra se réaliser que dans les grands centres urbains, dans les zones rurales. La commission suggéra de faire le choix de quelques régions pilotes où une campagne massive pourrait être entreprise268. Sur le plan administratif, la commission propose que l'organisation de la lutte contre le paludisme soit pris en charge par des services du gouvernement sous la direction des conseillers techniques fournis par l'OMS, elle préconise l'organisation d'un Service de Paludologie qui devra bénéficier d'un budget

264 Idem, p. 42.

265 RODHAIN, J., << Compte rendu des travaux des commissions chargées d'étudier l'organisation de la lutte contre le paludisme au Congo belge », in IRCB, (1951)22, p. 703.

266 MOUCHET, << Conclusion générale des travaux de la commission pour la coordination des méthodes de lutte contre le paludisme », in IRCB, (1951)22, p. 736.

267 Idem, p. 737.

268 Ibidem.

spécial pour la lutte antipaludique269; le programme d'action antipaludique devra être réalisé dans le cadre de l'activité générale du service médical, mais par des médecins provinciaux, le médecin en chef restant le coordinateur de l'action sur l'ensemble du territoire. Ces spécialistes en lutte antipaludique ne seraient chargés d'aucune autre tâche et le service de paludologie disposerait d'un budget spécial ; enfin cette commission proclama la nécessité de former des médecins hygiénistes spécialisés en matière de lutte antipaludique, et qui ne seraient chargés d'aucune autre tâche que celle de lutter contre le paludisme270.

A la suite de cette commission, la nécessité de coordonner toutes les activités relatives au paludisme et { la lutte antimalarienne fut { l'origine de la création en 1957, d'un organisme central, la S.E.C.L.A (Service d'Etude et de coordination de la lutte antimalarienne)271. Cet organisme qui fonctionna au sein de la Direction générale des services médicaux fut attaché directement { l'inspection des services d'hygiène. Parmi ses attributions, il convient de citer principalement les études effectuées sur le terrain et dans les laboratoires, l'établissement des programmes, le contrôle des moyens employés et l'interprétation des résultats obtenus. Cet organisme disposera d'un laboratoire et d'un insectarium des mieux équipés272.

2.2. Mesures curatives

Pour rendre plus efficace les mesures prônées dans la lutte contre le paludisme, il fut question que les pouvoirs publics puissent soumettre les personnes atteintes de cette maladie à un traitement médical approprié et donc { l'action curative.

Le paludisme est l'une des maladies pour lesquelles, on a connu le remède bien avant la cause de la maladie. Et c'est l'usage de la quinine qui a été retenu comme le moyen le plus efficace pour se préserver des fièvres paludéennes. C'est ainsi que dès le XIXe siècle, une propagande importante fut faite au Congo, auprès des résidents, pour l'adoption de la quinine { titre préventif et curatif. Les premiers succès obtenus contre le

269 Idem, p. 743.

270 Ibidem.

271 Rapport aux Chambres, 1957, p. 72.

272 Ibidem.

paludisme lui sont dus presque exclusivement273. Ainsi, les pouvoirs publics vont procéder à la distribution gratuite de la quinine aux Européens résidant au Congo, particulièrement aux agents de l'Etat, aux missions et aux sociétés274. Au départ, cette mesure n'était pas acceptée par tous les Européens, mais au fil du temps cette méthode commença à être acceptée par la plupart des Européens275. C'est ainsi, au Congo, la prise quotidienne de la quinine et le fait de dormir chaque nuit sous une moustiquaire étaient une pratique obligatoire pour les Européens afin de prévenir le paludisme276.

Toutefois, cette mesure ne concernait nullement toute la population congolaise, seuls les nourrissons en bénéficiaient lors des consultations médicales. Plusieurs raisons furent à la base de cette situation. Premièrement la généralisation des distributions régulières de quinine aurait coûté énormément d'argent au gouvernement colonial, compte tenu de la cherté de ce produit ; deuxièmement, non seulement les populations congolaises ne disposaient pas d'assez de moyens pour l'achat de ce médicament, mais aussi, elles se refusaient à consommer ce médicament quand elles n'étaient pas malades277. En dehors des missions et de quelques hôpitaux, aucun Congolais n'était dans la possibilité d'avoir recours { des traitements curatifs. C'est ainsi qu'au départ, seuls, les Européens ont bénéficié de la prophylaxie médicamenteuse, considérée comme l'une des armes efficaces et prometteuses dans la lutte antipaludique278. Or, il était indispensable de défendre la population congolaise contre le fléau du paludisme, si le gouvernement colonial voulait éviter les effets néfastes du paludisme sur le bien-être de la population congolaise, ainsi que sur l'économie du pays et s'il voulait assurer la prospérité de la colonie. Il fallait donc mettre en place des mesures nécessaires pour la répression de cette maladie.

273 WERY, M- JANSSENS, P.G., Art. Cit, p. 1248.

274 MAES, P., La Lutte Antipaludique, Facteur Important du Développement Economique des pays Tropicaux, Mémoire de Licence en sciences Commerciales et coloniales, Institut Supérieur Commercial et consulaire Mons, 1958-1959, p. 69.

275 Rapport aux Chambres, 1926, p. 10.

276 LAMBIN, F., Congo belge, publié sous les auspices du Ministère des Colonies et du Fonds Colonial de Propagande Economique et Sociale, Bruxelles, édition Cuypers, 1948, cité par HUNT, N.R., A Colonial Lexicon of Birth Ritual, Médicalization and Mobility in the Congo, Durham and London, 1999, p. 245.

277 Rapport aux Chambres, 1932, p. 15.

278 Rapport aux Chambres, 1951, p. 172.

Aussi, en 1932, l'administration coloniale négocia-t-elle avec le Département de l'Agriculture des Indes néerlandaises279 la livraison, à des prix réduits, de grandes quantités de quinine pour permettre aux services médicaux de combattre le paludisme de façon adéquate280. Cette négociation permit tout de même au Congo d'obtenir ce produit { un prix inférieur { celui du marché. Mais l'achat de quinine en grande quantité revenait encore à 500 fr. le kg, ce qui fait que, en 1936, le Congo belge avait importé 4.537 kg de quinine pour une valeur de 2.700.000 fr281. A cette allure, il était difficile à l'administration d'améliorer nettement la situation. Etant donné l'importance du paludisme et la cherté de l'unique médicament connu pour combattre cette maladie, l'administration avait tout intérêt, sur l'avis des services médicaux, { posséder lui-même ses propres plantations de quinine282.

Par ailleurs, pendant la deuxième Guerre Mondiale, le gouvernement eut quelques difficultés quant à la distribution gratuite de quinine. En effet, durant cette guerre, le principal pays fournisseur de quinine qu'était la Hollande, vit ses plantations de quinquina, situées à Java, tomber sous le contrôle des troupes japonaises, ce qui paralysa l'exportation de ces produits vers d'autres pays ; ceci expliqua le fait que l'administration coloniale fut dans l'obligation de rationner sa distribution de quinine, ce qui entraina une légère augmentation de la mortalité par paludisme chez les Européens, mais surtout chez les Congolais, qui ne bénéficiaient déjà pas des mêmes avantages que la population blanche283. Cette situation poussa encore plus les autorités coloniales à tout mettre en place pour obtenir leurs propres plantations de quinquina, compte tenu du fait qu'en cas de guerre, le Congo aurait eu d'énormes difficultés { s'approvisionner en quinine284. Les deux guerres avaient mis plus d'un gouvernement en éveil.

C'est pendant cette même guerre de 1940-45, plus particulièrement en 1942 que le Congo
belge décida d'acheter une usine afin de produire la quinine nécessaire au Congo et au

279 Les Indes néerlandaises, avec leur plantation de quinine se trouvant à Java, furent les principaux fournisseurs du Congo belge.

280 MAES, P., Op. cit, p. 70.

281 Ibidem.

282 Ibidem.

283 Rapport aux Chambres, 1939-1944, p. 43.

284 MAES, P., Op. cit, p. 70.

Ruanda-Urundi ainsi qu'aux autres territoires africains285. Ainsi une fabrique de quinine fut montée à Bukavu durant les années 1943-1944, et entra en fonction en août 1944286. Ce qui permit aux autorités en place d'envisager une prophylaxie médicamenteuse { plus grande échelle.

La raréfaction de la quinine au cours de la seconde Guerre Mondiale eut également pour conséquence un recours plus fréquent aux antipaludiques de synthèse287. En effet, les lendemains de la guerre furent marqués par l'introduction des nouveaux antipaludiques de synthèse (chloroquine, proguanil, pyrimethamine,...). Ces produits modifièrent radicalement la stratégie de lutte antipaludique288. La distribution de ces antipaludiques de synthèse se fit sous la responsabilité des services d'assistance médicale, ceux-ci les distribuaient à leur personnel, à la population congolaise indigente, aux enfants dans les consultations des nourrissons, dans les consultations prénatales, ainsi que dans les écoles289. De ce fait, cette distribution des antipaludiques dans les consultations pour nourrissons a eu une incidence importante sur la morbidité et la mortalité infantile290.

Cependant, l'efficacité de la lutte curative contre le paludisme, visant { guérir les malades déj{ atteints, ne peut être visible que si elle s'accompagne d'autres mesures prophylactiques. L'action curative ne constitua pas une solution stable pour combattre la maladie, elle ne put être envisagée qu'en y ajoutant les mesures prophylactiques antimoustiques. Ce n'est qu'{ ce moment l{ qu'on a pu parler d'une lutte efficace et systémique. Il ne faut cependant pas perdre de vue que malgré l'intensification des mesures de lutte contre le paludisme, celui-ci resta en progression au sein de la population congolaise.

Par conséquent, la solution au problème du paludisme ne put être abordée uniquement sur l'aspect médical, comme le dit si bien le Dr Schwetz : « La malaria devint un double problème très important, pour les Européens dans certains grands

285 Idem, p. 82.

286 Ibidem.

287 WERY, M- JANSSENS, P.G., Art. Cit, p. 1243.

288 Ibidem.

289 MAES, P., Op. cit, p. 111.

290 FOREAMI, Rapport annuel, 1955, p. 25.

centres et pour les congolais vivant dans les zones rurales. Or la malaria n'est nullement un problème médical ordinaire que tous les médecins connaissent. C'est un problème spécial nécessitant des connaissances spéciales : protozoologique et entomologique, morphologique et biologique. Pour la combattre il faut donc avoir des médecins spécialisés dans ce domaine »291.

3. Les problèmes de la lutte contre le paludisme au Congo belge

Nous avons démontré tout au long de cette étude que le paludisme fut l'une des maladies les plus importantes que le Congo belge ait connues. C'est ainsi que depuis le début de la colonisation, le pouvoir colonial s'était décidé { mettre des moyens nécessaires pour éradiquer cette maladie.

Néanmoins, les actions menées par le pouvoir colonial se sont butées à des difficultés énormes, de tout genre, ayant entravé le travail qu'il devait accomplir.

Premièrement, les difficultés rencontrées furent d'abord le manque de moyens financiers pouvant permettre l'éradication de cette maladie dans l'ensemble des territoires du Congo belge.

En effet, la lutte contre le paludisme si elle devait être menée correctement fait appel { un budget particulier. Puisqu'il s'agissait de mener des vastes campagnes de désanophelisation dans les grands centres, il fallait par conséquent prévoir un budget spécial auquel le gouvernement n'a pu s'y atteler292. Aussi, la situation économique de l'époque, particulièrement la crise des années 1929-30 avait eu un impact sur le budget du Congo belge ; ce qui a d'une part retardé les grands travaux d'assainissement qui étaient considérés comme l'un des principaux moyens de lutte antipaludique, dans le cadre de mesures prophylactiques293. Suite à toutes ces lacunes, l'administration coloniale n'avait effectué, au départ, que de manière partielle cette lutte, en ne portant ses actions que dans certains centres où seule la population européenne vivait, alors que la population congolaise représentait la population la plus nombreuse de la colonie. Il a

291 SCHWETZ, J., Art. cit, p. 12.

292 DROOGMANS, Art. cit, p. 20.

293 WERY, M., COOSEMANS, M. et alii, Art. cit, p. 17.

fallu attendre la fin de la seconde guerre mondiale, plus particulièrement le plan décennal (1949-1959) pour que des moyens appropriés soient mis à la disposition des services médicaux, et auxquels la lutte antipaludique a bénéficié294.

Deuxièmement, la méthode de lutte préventive, avec la prise de la quinine, a montré également ses limites. En effet, seule la population européenne a pu en bénéficier, car la population congolaise avait eu du mal à se familiariser avec ces méthodes préventives dont elle ne voyait pas forcément une issue favorable; de même, quininisée cette maladie revêtait un caractère grave au sein de la population congolaise295. Cette situation était due d'une part { la négligence des Congolais dans la prise de ce produit, or pour que celui-ci donne des résultats satisfaisants, il impliquait une prise régulière et quotidienne296 et d'autre part, il ne faut surtout pas oublier que la population congolaise se refusait { consommer ce médicament quand elle n'était pas malade297.

Troisièmement, les travaux pour la lutte contre le paludisme ont souffert sensiblement de l'insuffisance d'un personnel approprié. Cette absence a été aussi l'une des difficultés auxquelles les autorités devaient faire face. En effet, la lutte contre le paludisme n'est pas un domaine que tous les médecins connaissent ; cette lutte faisait appel à un personnel de tout genre, à savoir des ingénieurs hygiénistes, des entomologistes, des biologistes, etc., spécialisés en la matière. C'est ainsi que l'absence de ce personnel bien formé avait suscité des préoccupations auprès des autorités sanitaires, car pour entreprendre des mesures antimoustiques, ou antilarvaires, il fallait nécessairement disposer d'un personnel qualifié et spécialisé dans la lutte antipaludique298.

Enfin, le manque de matériels et produits nécessaires avait également ralenti les actions menées par l'administration coloniale. Ainsi, avant l'apparition des insecticides à effet rémanent, la lutte antimoustique n'occupait qu'une place minime dans la lutte

294 Conseil du gouvernement, Discours du G.G. Jungers E., 1949, p. 26.

295 Rapport sur l'hygiène publique, 1934, p. 21.

296 Rapport sur l'Hygiène Publique, 1932, p. 15.

297 Rapport aux Chambres, 1932, p. 15.

298 DROOGMANS, Art. cit, p. 640.

antipaludique, car les produits dont disposaient les services d'hygiène n'avaient qu'une faible activité. C'est ainsi que durant longtemps, il a été difficile { l'administration coloniale d'envisager une lutte { grande échelle. Quoique la situation s'améliora après la seconde guerre mondiale, avec l'introduction de nouvelles techniques et de nouveaux produits, notamment les insecticides à effet rémanent, nécessaires dans cette lutte contre le paludisme, il fut toutefois reconnu par les autorités que l'éradication totale de la maladie n'était plus possible, mais que seule une rétrocession considérable pouvait être envisagée299.

En outre, au-delà des préoccupations suscitées par le paludisme, il a été établi que malgré les moyens mis en place dès le début de la colonisation et malgré l'intensification de la lutte antipaludique amorcée vers la fin des années 40, le paludisme resta toujours en progression continue au sein de la population congolaise, et ce jusqu'{ la fin de la colonisation. Lorsqu'on examine le graphique 2, l'on se rend compte que la courbe de prévalence est en pleine croissance, de 0,2%o en 1918 { 69,3%o en 1958. L'évolution de cette prévalence témoigne donc de l'impuissance de l'administration coloniale { contrôler et à combattre efficacement cette maladie au sein de la population congolaise.

Il ne faut cependant pas perdre de vue que les priorités sanitaires de l'administration coloniale n'ont pas été les mêmes pour les deux populations. La santé de la population européenne fut la première préoccupation des autorités administratives, il s'agissait de défendre cette population contre toutes maladies en réduisant considérablement la morbidité et la mortalité qui leur étaient dues300. Tandis que les priorités concernant la population congolaise étaient relayées au second plan, leur santé ne fut au centre de ces préoccupations qu'en fonction des priorités économiques de la colonie. Puisqu'il fallait assurer le développement de l'entreprise coloniale, il convenait également d'assurer la santé de la principale main-d'oeuvre, sa base pour ainsi dire, sans laquelle il aurait été difficile voire même impossible d'assurer la prospérité de la colonie301. On comprend dès lors que la lutte contre le paludisme n'a pas été épargnée par cette politique sanitaire mise en place par l'administration

299 MOUCHET, Art. cit, p. 735.

300 Van der KERKEN, La politique coloniale belge, Anvers, ed. Zaïre, 1943, p. 181.

301 Idem, p. 226.

coloniale. Ce qui explique entre autres l'échec des stratégies élaborées par les autorités coloniales pour la maîtrise de la propagation du paludisme au sein de la population congolaise.

Conclusion partielle

La politique coloniale de lutte contre le paludisme a consisté à interrompre la propagation de la maladie au Congo belge. Grâce aux services d'hygiène publique, qui avait la lutte antipaludique dans leurs attributions, l'administration coloniale a pu mettre en place des mesures sanitaires appropriées pour sauvegarder la santé des populations vivant au Congo. Il a été ainsi question de combattre cette maladie soit en empêchant les vecteurs d'infecter la population grâce aux mesures prophylactiques, soit en détruisant le plasmodium dans l'organisme grâce aux actions curatives prônées par le gouvernement. Une étroite relation existe entre les premières mesures et les secondes, aussi il a fallu commencer par les premières pour finir par les secondes.

Conclusion générale

Au terme de notre recherche, il nous faut conclure. Nous avons cherché à étudier la Politique coloniale de lutte contre le paludisme. Cas de l'ancienne province de Léopoldville, de 1888 à 1960. Cette étude nous a permis de nous rendre compte de l'importance du paludisme dans notre pays et dans le monde entier.

Nous avons essayé de mettre en lumière les différents problèmes qu'a posés le paludisme au Congo belge. En effet, cette maladie avait suscité de nombreuses préoccupations au sein du pouvoir colonial, qui voyait en elle un obstacle à la pénétration et { l'exploitation du Congo. De même, nous nous sommes efforcée de mettre en évidence la politique élaborée par l'administration coloniale afin d'éradiquer cette maladie.

Il se dégage que cette maladie, du fait de sa large propagation pendant la colonisation, fut rendue responsable non seulement de la forte mortalité des Européens et des Congolais, mais aussi elle a constitué un handicap { l'exploitation économique de la colonie. En fait, il est nettement établi que depuis la mise en place du système colonial jusqu'{ l'accession du pays { l'indépendance, le Congo a subi les effets de cette maladie, avec un rythme variable selon le temps. A cet égard, durant les premières années de la colonisation, ainsi que durant les deux guerres mondiales, on constata l'accentuation de la morbidité et de la mortalité due { cette maladie.

Etant donné que cette maladie fut mortelle tant pour la population blanche que pour la population congolaise, les différentes stratégies initiées par l'administration coloniale visaient l'éradication totale de la maladie. Il est cependant admis que les différentes mesures de lutte ainsi que leur application n'ont pas eu les mêmes priorités pour les deux populations. Il s'agissait premièrement de sauvegarder la santé de la population européenne en la défendant contre les effets du paludisme, ensuite la santé de la population congolaise qui devait être secourue en raison de son importance, en tant que main-d'oeuvre, pour le développement de la colonie.

De même, si l'administration coloniale a pu réduire considérablement certaines maladies (comme la maladie du sommeil, la variole), elle fut cependant impuissante face au paludisme. Celui-ci fut la maladie la plus grave et la plus fréquente tant chez les Européens que chez les Congolais surtout dans les zones rurales, non parce que les règles de prophylaxie antipaludique ne furent suffisamment pas connues ou respectées, mais en réalité en raison du fait que les mesures de lutte à prendre exigent une mise en application { très grande échelle, d'où des coûts très élevés. Les campagnes sérieuses n'ont été possibles que dans les centres urbains et industriels, mais elles étaient plus difficiles à étendre en zones rurales. Ce qui veut dire aussi que l'environnement dans lequel vit la population a été déterminant dans le développement de cette endémie. C'est pourquoi, toute la lutte contre cette maladie a consisté { l'assainissement de l'environnement, essentiellement dans les centres urbains et industriels, lieu de concentration d'une population abondante. Il nous faut aussi retenir que le paludisme a provoqué une mortalité excessive chez les enfants.

Suite { d'énormes difficultés constatées durant cette lutte, l'administration coloniale a admis que l'éradication du paludisme n'était plus envisageable sur tout le territoire congolais. Ainsi des nouvelles dispositions furent prises pour rétrocéder le paludisme de façon considérable. Cependant ces nouvelles dispositions ont permis de rétrocéder la maladie au sein de la population européenne mais cela ne fut pas le cas pour la population congolaise, qui avait vu cette maladie s'accroitre jusqu'{ la fin de la colonisation.

Certes, nous avons pu disposer des données historiques sur la morbidité et la mortalité qui nous ont permis de mieux découvrir les dimensions multiples de cette endémie, mais nous pensons que les recherches sur les perceptions de cette maladie par les populations congolaises seraient une perspective qui enrichirait davantage les connaissances historiques de cette endémie. Ce serait là une nouvelle orientation de la recherche susceptible d'être exploitée.

Par ailleurs, au moment où l'Afrique en général et la République Démocratique du Congo en particulier sont confrontés au problème du paludisme, diverses stratégies de lutte sont engagées. C'est ainsi que nous avons pensé, en guise de perspective, donner

quelques indications qui évoquent le Programme National de Lutte contre le Paludisme élaboré par le gouvernement de la RDC.

Politique nationale de lutte contre le paludisme en RDC

La RDC figure parmi les pays où non seulement le paludisme est en état endémique sur toute l'étendue du territoire, mais aussi où l'on constate que cette maladie est la première cause de morbidité et de mortalité enregistrée au sein de la population ; il a fallu mettre en place un programme fiable capable de venir à bout de cette maladie302.

C'est ainsi qu'en 1998, il ya eu la création du Programme National de Lutte contre le Paludisme, par l'Arrêté ministériel n° 1250/CAB./MIN./S.P./008/1998 du 22 juillet 1998 portant création, organisation et fonctionnement du Programme National de Lutte contre le Paludisme303.

Ce programme avait comme mission la mise sur pied des méthodes et stratégies de lutte antipaludique appropriées, il devait assurer la technique et la logistique aux différentes zones de santé en rapport avec la prévention et le traitement du paludisme, ainsi que la mise au point et en application des stratégies garantissant aux habitants de la RDC, particulièrement les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes, une vie avec un moindre risque de contracter ou de décéder du paludisme et de contribuer ainsi à la réduction des pertes socio-économiques attribuables à cette endémie.

De même les objectifs qu'il s'est assigné est la réduction de la morbidité et de la mortalité dues au paludisme au sein de la communauté et en particulier chez les enfants de moins de 5 ans ; la réduction de la morbidité et de la mortalité dues au paludisme chez les femmes enceintes ; ainsi que la réduction du fardeau socio-économique dû au paludisme.

- De 1998 à 2000, fut la période de Structuration et d'organisation de la direction centrale.

302 MATINDII, A. B., Politique Nationale de Lutte contre le Paludisme en République Démocratique du Congo, Colloque sur le Paludisme, Kinshasa, 0ctobre 2005, p. 9.

303 Idem, p. 11.

- La période de 2000 à 2005 fut celle du développement du programme en termes de définition de politique nationale de lutte contre le paludisme en RDC, la détermination des directives et normes du programme, l'élaboration du plan stratégique 2002 - 2006, la mobilisation des ressources humaines, matérielles, et financières, la structuration et l'organisation des services provinciaux de lutte antipaludique.

- A partir de 2006, ce fut le lancement de l'implantation { large échelle des interventions de lutte antipaludique.

Ainsi les stratégies de lutte élaborée contre le paludisme par le PNLP furent les suivantes :

a) En matière de prévention :

- La Promotion de l'utilisation de la moustiquaire imprégnée d'insecticide aux enfants de moins de 5 ans et aux femmes enceintes ;

- Un traitement préventif intermittent chez la femme enceinte au cours des CPN: 2 doses de Sulfadoxine pyriméthamine aux 16ème et 28ème semaines ;

- La pulvérisation intra domiciliaire d'insecticide { effet rémanent ;

- L'assainissement péri et intra domiciliaire.

b) Prévention et gestion des épidémies dues au paludisme :

- Surveillance épidémiologique, grâce au système d'information pour la surveillance de la maladie, de l'efficacité thérapeutique des antipaludiques, du comportement du vecteur.

- Détection précoce et riposte rapide aux épidémies dues au paludisme

c) Renforcement des capacités institutionnelles, grâce à la formation du personnel, { la création des infrastructures, { l'achat des équipements et aux frais de fonctionnement ;

Le plan de 2002-2006 prévoyait que : au moins 80% des personnes avec fièvres présumées paludisme simple et cas de paludisme grave auront accès à un traitement adéquat dans un délai de 24 heures ; au moins 60% des personnes à risque, surtout les

enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes dormiront sous la MII ; au moins 60% des femmes enceintes auront bénéficié d'un traitement antipaludique intermittent conformément à la politique nationale.

Tenant compte du développement de la lutte antipaludique au cours de l'année 2008, le plan stratégique 2007-2011 a été revisité et s'est mué en plan stratégique 2009-2013. Le but de ce nouveau plan est de contribuer { l'amélioration de l'état de santé de la population de la République Démocratique du Congo par la réduction du fardeau humain et socio-économique dû au paludisme. L'objectif visé est de réduire de 50% la morbidité et la mortalité spécifiques dues au paludisme d'ici 2013.

Au regard des problèmes que continue de poser le paludisme en RDC et suite aux difficultés rencontrées dans la lutte contre cette maladie, quelques suggestions se profilent { l'issue de cette présente étude : Premièrement, dans le cadre des stratégies de prévention et de lutte contre le paludisme, un accent devra être mis sur des recherches approfondies sur cette maladie, à savoir l'identification des vecteurs, des recherches sur l'écologie et le comportement des espèces déj{ identifiées, afin d'envisager un traitement à long terme. Deuxièmement, le gouvernement devra se concentrer sur la formation d'un personnel qualifié, à savoir des ingénieurs hygiénistes, des débrousseurs, qui seront capables de localiser les différents gîtes des anophèles et de les détruire. Et enfin, l'amélioration des conditions de vie des populations, qui vivent pour la plupart dans un environnement insalubre et propice { l'extension du paludisme. Que les services d'hygiène publique soient dotés de moyens matériels et financiers nécessaires à l'exécution des travaux d'évacuation des déchets, de drainage des eaux et au contrôle de la salubrité dans les milieux tant urbains que ruraux.

Bibliographie générale

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LOUWERS, O. et GRENADE, I.,Codes et lois du Congo belge, 3ème édition, Bruxelles,

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Plan Décennal pour le Développement Economique et Social du Congo Belge, 1949, 43p. ROYAUME DE BELGIQUE, COLONIE DU CONGO BELGE, Rapport sur l'hygiène Publique au Congo belge pendant les années 1925 -1947

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II. Sources narratives

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III. Ouvrages

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IV. Articles

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V. Mémoires et thèses de doctorat

DEBACKER, J-M., Paludisme : Historique, Mythes, Croyances et idées reçues. Thèse de Doctorat, Université de Paris XII Val de Marne, Créteil, 2000, 83p : http://www.astrium.com/granddossier/paludisme/paludismethese.htm

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NKUKU, K., Histoire du paludisme. Santé, environnement et impact socio- démographique, 1900-1960, thèse de doctorat en histoire, Université de Lubumbashi, 1996,510p.

VI. Sources électroniques : sites internet visités

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THOMAS, C., « Lutte contre le paludisme : encore un effort >>, avril 2010 : www. Rfi.fr/Afrique/santé

VII. Instrument de travail

EUZEBY, J., Dictionnaire de parasitologie médicale et vétérinaire, éd. Médicales Internationales, Londres-Paris-New York, 459p.

LEFEBVRE, P. et DEMONTY, J., Pathologie infectieuse. Maladies parasitaires, Notes de cours, Faculté de Médecine, Mons, 2005, 81p.

ANNEXE

Tableau n°6 : Evolution du budget affecté à la santé (1930-1947)

Année

Crédits inscrits au budget

Dépenses réellement faites

Congo
belge

D.U. de
Léopoldville

%

Congo belge

D.U. de
Léopoldville

%

1930

95117557

892911

0,93

81133757,62

420438,15

0,5

1931

92437314

861094

0,93

79777293,74

491393,77

0,6

1932

75244095

852812

1,13

59364242,54

657068,04

1,1

1933

65484218

614957

0,93

53575072,94

600690,9

1,12

1934

59786529

880825

1,47

51821696,85

760653,31

1,46

1935

60866417

940290

1,54

44277630,31

751514,75

1,69

1936

59641166

848386

1,42

52613902,1

794123,51

1,5

1937

62375218

846972

1,35

58795000

893800

1,52

1938

69761000

871790

1,24

60518000

828000

1,36

1939

73527500

1040711

1,41

70977752,29

876651,07

1,23

1940

-

-

-

-

-

-

1941

74291600

1800000

2,42

71966381,87

1213073,43

1,68

1942

108053000

1915900

1,77

81050217,07

1871659,3

2,3

1943

130480000

2211300

1,69

94995694,65

2156033,02

2,26

1944

140985000

3391700

2,4

104794300

1729390

1,65

1945

144889800

4007800

2,76

95998900

2770207,39

2,88

1946

218694000

6207500

2,83

104017802

1750855,9

1,68

1947

296298000

7078700

2,38

181099700

4355473,52

2,4

Sources : Rapports aux Chambres, 1930-1947 Rapport d'Hygiène Publique, 1934-1947

Répartition par Provinces des Investissements de la Colonie en Matière
Médicale

[99]

[101]

Carte administrative du Congo belge, 1949

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE 1

0.1. Choix et intérêt du sujet 1

0.2. Problématique 3

0.3. Délimitation du sujet. 5

0.4. Méthodologie 6

0.5. Revue de la littérature 7

0.6. Division du travail 14

CHAPITRE I. NOTIONS GÉNÉRALES SUR LE PALUDISME 15

I.1. Définition 15

I.1.1. Concepts de malaria et de paludisme 15

Malaria 15

Paludisme 16

I. 2. Cause de la maladie 18

I.3. Transmission 18

I.5. Traitement 20

I.6. Epidémiologie du paludisme : répartition géographique actuelle 21

1.7. Conclusion 23

CHAPITRE II. QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR L'HISTOIRE GÉNÉRALE DU

PALUDISME 24

CHAPITRE III. EVOLUTION DES AFFECTIONS DU PALUDISME AU CONGO BELGE

(1888-1960) 36

III.1. Esquisse de l'évolution du paludisme au Congo belge 36

III.1.2. Evolution du paludisme au sein de la population Congolaise du Congo belge

(1918-1958) 42

III.1.2.1. Evolution du paludisme au sein de la population congolaise dans la province de

Léopoldville (1933 à 1958). 50

CHAPITRE.IV. POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LE PALUDISME 61

IV.1. Les recherches scientifiques et médicales dans la lutte contre le paludisme 61

IV.2. Réglementation et mesures sanitaires 65

IV.2.1. Mesures prophylactiques 69

IV.2.2. Mesures curatives 75

IV.3. Les problèmes de la lutte contre le paludisme au Congo belge 79

Conclusion générale 83

Bibliographie générale 88

Annexe 96

Table des matieres 105






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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite