Notion de système formel. Prolégomènes à une logique cognitiviste à partir de Donald Davidson( Télécharger le fichier original )par Tamis Muamba Ngueshe Université de Kinshasa - Licence 2010 |
I.2. Les grandes approches des systèmes formelsI.2.1. Approche syllogistiqueL'approche syllogistique comprend deux moments importants. Le premier, la syllogistique traditionnelle, est l'oeuvre d'Aristote et des mégaro-stoïciens telle que revisitée par les médiévaux. Le second, la syllogistique généralisée, commence avec Leibniz et prend fin avec Auguste De Morgan. La spécificité de la syllogistique traditionnelle est qu'elle est dominée par le paradigme des sciences de la nature, quoi que le modèle géométrique n'y soit pas exclu. A.1. Syllogistique aristotélicienne La logique aristotélicienne, nous semble-t-il, se sert de la zoologie comme paradigme dominant. Nous nous expliquons. En effet, Aristote regroupe les prédicats en dix catégories ou classes d'êtres. Il s'agit de : la substance, la quantité, la qualité, le lieu, le temps, la relation, l'action, la passion, la situation et la possession. Notons au passage qu'une catégorie peut être prédicat de divers sujets, mais ne peut être sujet d'aucun énoncé, car on ne peut rien en dire. On est en droit de se demander si cette classification ne nous suggère pas la zoologie. De plus, la théorie de la définition des concepts qu'Aristote a proposée, théorie selon laquelle pour définir un terme il faut lui trouver un genre proche ensuite une différence spécifique, ne nous renvoie-t-elle pas non plus à la zoologie ? Aussi, ce penchant vers le modèle zoologique pose-t-il problème, de fois, au niveau purement formel. A titre exemplatif, nous évoquerons le cas de la première règle du syllogisme catégorique, laquelle stipule que « le syllogisme ne comporte que trois propositions comprenant trois termes uniques ». En réalité, cette règle implique l'analyse préalable des contenus des termes du syllogisme. Or, nous le savons, une science qui se veut formelle doit normalement faire abstraction des contenus des énoncés pour ne retenir que leur forme canonique ainsi que la forme de leurs combinaisons. En clair, la logique aristotélicienne n'est pas complètement formelle. Toutefois, on retrouve des élans géométriques, par exemple, avec les opérations du carré logique : A contrariété E Subalternance Subalternance I subcontrariété O Ici, comme l'on peut s'en rendre compte, seule la forme est significative et l'on peut bien se passer des contenus des termes et des propositions. En outre, la réduction des modes de trois dernières figures aux modes de la première figure exhibe également cet esprit géométrique. Cependant, Bamalip, mode concluant de la quatrième figure, prouve que la syllogistique aristotélicienne n'est pas catégorie. Nous l'avions vu, la catégoricité est une propriété formelle d'un système logique : elle consiste à ce que le système puisse disposer d'une méthode de décision uniforme. Or, la conversion par accident effectuée sur le I de Bamalip est illégitime, car la conversion par accident n'est possible que pour E et A. dans le cas de Bamalip, elle est appliquée sur I. A.2. La syllogistique mégoro-sytoïcienne Les mégaro-stoïciens prenaient la physique comme paradigme dominant. En effet, dans leur école, la science gravitait autour d'une triade constituée par la physique, la logique et la morale (34(*)). Par ailleurs, leur science est essentiellement empirico-panthéiste. Les stoïciens sont convaincus que « le monde est dieu et que Dieu est aussi cette matière » (35(*)). Du coup, étudier le monde, c'est chercher à découvrir les lois divines immuables. Sur le plan logique, les conséquences sont telles qu'il n'a y a plus de place pour un syllogisme de type catégorique. Aussi, les stoïciens privilégient - ils le syllogisme hypothétique, car l'homme doit suivre le cours naturel des événements, c'est-à-dire en réfléchissant de façon hypothétique et non en décidant de manière catégorique. Brochard accuse l'adaptation de la logique d'Aristote et celle des mégaro-stoïciens par les médiévaux, car les deux logiques relèvent de deux philosophies bien différentes : celle de la substance (Aristote) et celle de l'événement (les mégaro-stoïciens). A ce propos, Brochard affirme ce qui suit : «la substance s'exprime naturellement par un nom et l'événement par une proposition. La marque distinctive de la logique stoïcienne était d'être une logique des propositions, et non plus une logique des noms »(36(*)). Notons aussi que la logique mégaro-stoïcienne était axiomatisée à sa manière. Elle admettait cinq indémontrables ou axiomes que voici : 1. Si le premier, alors le second ; or, le premier, donc le second ; 2. Si le premier, alors le second, or, pas le second, donc pas le premier ; 3. Pas à la fois le premier et le second ; or, le premier ; donc pas le second ; 4. Ou le premier ou le second, or le premier, donc pas le second ; 5. Le premier ou le second, or pas le second, donc le premier. Il sied de distinguer deux moments importants de cette généralisation. Le premier moment est celui de Leibniz et le second, celui de De Morgan. B1. Leibniz et la syllogistique La première généralisation de la syllogistique traditionnelle est l'oeuvre de Leibniz (1646 -1716). Cette généralisation concerne l'intention, c'est-à-dire la compréhension des termes. En effet, ce logicien estimait que le contenu de tout terme est un caractère soit simple, soit composé des caractères simples. En clair, toute proposition n'est que la combinaison de ce concept sujet et de concept prédicat ; et que tout concept complexe est analysable en concepts simples dont les relations sont codifiables en formules combinatoires symboliques. Leibniz voyait dans son art une sorte d'algèbre universelle utilisable pour évaluer logiquement n'importe quelle proposition. Il disait à ce propos : «Grâce à l'emploi de cet art, il ne devrait plus y avoir matière à discussion entre philosophes qu'il n'y en a entre comptables. Il leur suffirait de prendre en main leur crayon, de s'asseoir devant un tableau et de se dire mutuellement : `Et bien ! Calculons !'» (37(*)). Pour ce, il s'attendait à obtenir deux objets simultanées : construire un système de nomenclature universelle, qu'il appelait charactéristica universalis, et établir les principes d'une sorte de calcul qui remplacerait le raisonnement, et qu'il appelait calculus raciocinator. Cette caractéristique universelle est appelée, par Kotarbinski (38(*)) entre autres, idéographie, car les signes graphiques désignent la compréhension ou l'objet des concepts de façon directe et non par l'intermédiaire d'une reproduction des mots correspondants du langage phonétique. Leibniz propose ainsi un modèle arithmétique de la combinatoire (39(*)) dont il espère tirer une logique de l'invention. Les concepts sont représentés par des nombres. On peut ainsi définir tout prédicat possible d'un sujet donné en utilisant la règle de calcul des combinaisons suivante : 2k-1 K représente le nombre des termes simples entrant dans la définition du terme complexe. Le problème inverse de trouver tout sujet possible pour un prédicat donné revient à déterminer toutes les combinaisons où peut entrer la combinaison correspondant à ce terme prédicat. A supposer que soit le nombre de la combinaison du prédicat, la formule à appliquer s'énoncera comme suit : 2n-k-1 En éliminant la possibilité d'identité entre le prédicat et le sujet, la formule de calcul devient : 2n-K Voyons maintenant le problème du nombre des syllogismes requis pour démontrer une proposition, en excluant le cas où le sujet et le prédicat appartiennent à la même classe d'ordre (cas d'identité). Soit K, le nombre des facteurs (termes) simples de p (prédicat) et n le nombre de facteurs simples des (sujet) ; en raison de l'exclusion de s lui -même, la formule donne ce qui suit : 2n-k-2
Leibniz propose d'utiliser de telles ressources combinatoires pour résoudre des problèmes en droit, en physique, en théologie, etc. Tout compte fait, sans y parvenir, Leibniz s'efforça toute sa vie de construite un système formel capable d'épuiser automatiquement toutes les combinaisons de principe de nos raisonnements. En outre, nous pouvons déplorer deux choses chez lui. Premièrement, la notation numérique qu'il propose n'est pas d'utilisation aisée. Deuxièmement, nous ne voyons pas clairement ni distinctement avec quoi ses règles de calcul riment. B.2. Auguste De Morgan et la syllogistique La seconde généralisation de la syllogistique est l'oeuvre de De Morgan. Cette seconde généralisation se rapporte à l'extension et non plus à l'intention des termes comme chez Leibniz. A ce propos, Kotarbinski nous renseigne ce qui suit : «l'enrichissement et en même temps l'homogénéisation de la syllogistique traditionnelle consiste ici, avant tout, dans la quantification non seulement des sujets, mais également des attributs (ce qui constitue un trait qui est commun avec Hamilton), et, en outre, dans le fait qu'il introduit de façon aussi étendue que possible des termes négatifs et non seulement des termes positifs (ce qui, dans l'exposé de la logique traditionnelle n'apparait que pour les observions et les formes en dépendant, dans le cas de transfert de la négation de la copule à l'attribut) » (40(*)). Voici l'économie de la logique de De Morgan : - Les termes positifs (comme homme, mortel) sont désignés par des majuscules : X, Y, Z, alors que les termes négatifs (comme non homme ou non-mortel) par leurs correspondants en minuscules : x, y, z ; - Un terme quantifiée universellement (comme tout homme, aucun mortel) est accompagné d'un croissant dont la convexité est tournée vers l'extérieur. Exemple X ou X ;. - Un terme à quantification partielle (comme certains hommes, certains mortels) est accompagné d'un croissant en sens contraire. Exemple : X ou X. - Deux termes avec croissants juxtaposés sans signe intermédiaire ou reliés à l'aide de deux points disposés horizontalement forment une proposition affirmative. Exemple : X y ou X .. Y. - Deux termes avec croissant reliées par un point forment une proposition négative. Exemple : X . Y. Ainsi, fort des informations ci-hautes, nous pouvons, à titre illustratif, formaliser les propositions d'Hamilton à l'aide du modèle de De Morgan.
Notons que De Morgan n'avait pas prévu des foncteurs pour connecter les propositions entre elles. Aussi, va-t-il élaborer la théorie de la relation pour que, dans les schémas de la syllogistique généralisée, les membres représentés par les termes soient reliés par des relations arbitraires et pas nécessairement par les relations d'inclusion ou d'exclusion. Soit le raisonnement suivant : A..FB B..MC A..FMC Si nous posons F pour la fraternité, M pour la maternité, alors ce raisonnement pourra se lire de la manière suivante : A est le frère de B, et B est la mère de C, alors A est le frère de la mère de C, donc son oncle. * 34. Cfr MUTUNDA MWEMBO, op.cit, p.21. * 35. Cfr. MBOLOKALA IMBULI, Notes de cours d'histoire de la philosophie antique, destiné aux étudiants en 1er graduat philosophie * 36. Cité par Robert BLANCHE, La logique et son histoire. D'Aristote à Russell, Paris, Armand Colin, 1970, p.92. * 37. LEIBNIZ, L'art combinatoire, cité par « http://fr.wikipedia.ordg/leibniz ». * 38. Tadeuzs KOTARBINSKI, Leçons sur l'histoire de la logique, Paris, PUF, 1964, p.131. * 39. Cfr Jean François MATTEI, Encyclopédie philosophie universelle, III, les oeuvres philosophiques, dictionnaire, Tome1, Paris, PUF, 1992,p.1274. * 40. Tadeuzs KOTARBINSKI, op.cit, p.150-151. |
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