Notion de système formel. Prolégomènes à une logique cognitiviste à partir de Donald Davidson( Télécharger le fichier original )par Tamis Muamba Ngueshe Université de Kinshasa - Licence 2010 |
II.3. Autre solution : la logique illocutoireDaniel Vanderveken est d'avis que : « la sémiotique est aujourd'hui communément divisée comme Charles Morris l'a préconisé en trois parties. La syntaxe traite des relations qui existent entre les signes en vertu de leur forme apparente, la sémantique des relations entre les signes et leur signification et enfin la pragmatique des relations entre les signes, leur signification et l'usage qu'on en fait en parlant. »(63(*)). Pour ce logicien québécois, il existe deux grands courants rivaux en philosophie du langage. Le courant logique, fondé par Frege et Russell, étudie surtout comment le langage représente ce qui se passe dans le monde. Ce courant s'est concentré sur l'analyse des conditions de vérité des énoncés déclaratifs. Le second courant, celui de l'analyse du langage quotidien, fondé par Moore et le second Wittgenstein, étudie plutôt comment et à quelles fins le langage est utilisé dans la poursuite du discours. Aussi, à la suite de Searle, la logique illocutoire de Vanderveken a pour but d'analyser la signification des marqueurs de force illocutoire et des verbes performatifs. Ainsi, l'entreprise de cet auteur interprète-t-elle des énoncés de n'importe quel type (déclaratif ou non) exprimant des actes illocutoires de n'importe quelle force et formalise les inférences pratiques et théoriques valides. Cette logique traite également des principes d'une pragmatique formelle de la signification non littérale et d'une logique du discours. Ce troisième moment du deuxième chapitre de notre mémoire est donc reparti en trois petits points. La première pose les principes de la logique illocutoire. Le deuxième traite de la définition de base du succès des énoncés. Et le dernier démontre ce qu'est une proposition en logique illocutoire. II.3.1. Les principes de la logique illocutoireVanderveken critique l'approche de Montague et de Davidson. A ce propos, il souligne que : « la théorie sémantique de la vérité prônée par Montague et Davidson pour le langage courant est tout juste le fragment théorique particulier visant les actes illocutoires assertifs de la théorie plus générale de la satisfaction visant les actes illocutoire de force quelconque » (64(*)). Toutefois, c'est dans «Foundations of illocutionary logic » que Searle et Vanderveken ont posé les bases de leur logique en 1985. Selon leur analyse, les actes illocutoires élémentaires sont de la forme F(P) ; ils sont pourvu d'une force F et d'un contenu propositionnel P. Lors de leur accomplissement, le locuteur relie le contenu propositionnelle au monde avec l'intention d'établir une certaine correspondance entre les mots et les choses selon la direction d'ajustement déterminée par la force. Notons également que, de par leur nature, les actes illocutoires sont des actions intentionnelles, c'est-à-dire dont on peut dire qu'un agent les accomplisse. Comme c'est le cas pour les autres actions humaines, toutes tentative de les accomplir peut réussir au échouer. Précisons aussi que Vanderveken, contrairement à Searle, est un fervent partisan du formalisme comme en témoigne ce passage : «les langues naturelles disposent d'un riche vocabulaire afin de déterminer les forces et les propositions. Cependant, elles sont ambigües et leurs conventions grammaticales compliquée si bien qu'il est difficile d'analyser directement la forme logique sous-jacente des actes illocutoires exprimés comme je l'ai argumenté (1988, 1991), il vaut sans doute mieux interpréter indirectement les énoncés courants via leur traduction dans une langue objet formelle idéographique »(65(*)). Ainsi, les principes de la logique illocutoire se fondent essentiellement sur la notion de force illocutoire. Cette dernière n'est pas primitive, mais dérivée de six autres notions plus simples, à savoir : le but illocutoire, le mode d'atteinte de ce but, les conditions sur le contenu propositionnel, les conditions préparatoires, les conditions de sincérité ainsi que le degré de puissance de sincérité. Essayons maintenant d'analyser chacune de ces notions simples. a. Le but illocutoireSearle et Vanderveken estiment qu'il existe cinq buts illocutoires reliant un contenu propositionnel au monde. Ces buts sont les suivants : assertif, engageant, directif, déclaratif et expressif (66(*)). En effet, un locuteur poursuit un but assertif lorsqu'il accomplit des actes illocutoires comme assertion, rappels, informations, etc. ce locuteur exprime ainsi une proposition afin de représenter comment les objets auxquels il se réfère sont dans le monde. Pour des actes illocutoires comme promesses, voeux, serments, etc., en les accomplissant, le locuteur poursuit un but engageant. Il exprime une proposition afin de s'engager à accomplir plus tard l'action qu'il se représente En accomplissant des actes illocutoires tels que demandes, ordres, etc., le locuteur poursuit le but directif. Il exprime ainsi une proposition afin de tenter de faire en sorte que l'interlocuteur accomplisse plus tard l'action qu'il se représente. Comme l'on peut s'en rendre compte, les buts engageant et directif ont la même direction d'ajustement, celle qui va des choses aux mots. Enfin, en accomplissant des actes illocutoires comme remerciement, louanges, excuses, un locuteur poursuit le but expressif. Il exprime une proposition afin de manifester quel état de son âme et de son esprit lui inspire l'état des choses représentées. De l'avis de Daniel Vanderveken lui-même, « le but illocutoire est la composante principale de chaque force. Il détermine la condition essentielle de succès des actes illocutoires ayant cette force. »67(*) Aussi, à ces cinq buts illocutoires correspondent quatre directions d'ajustement. Analysons de plus près cette notion nouvelle. Les actes illocutoires dont le but est assertif ont la direction d'ajustement des mots aux choses. Leur but est de représenter comment les choses sont dans le monde, c'est-à-dire comment les mots utilisés doivent correspondre aux objets de référence. Un acte ayant la direction d'ajustement des mots aux choses est satisfaisant dans un contexte si et seulement si son contenu propositionnel est vrai dans le monde de ce contexte au moment de l'énonciation. Les actes illocutoires à but assertif sont en fait des énoncés constatifs dans le vocabulaire d'Austin. Nous pouvons ainsi lire sous la plume de Mutombo Matsumakia l'affirmation suivante : « Un énoncé constatif peut échouer non pas seulement par le fait qu'il est faux, mais aussi par le fait qu'il est absurde. Par exemple, je peux affirmer que ` tous les enfants du pape sont bien portant', sans qu'il en ait. Je peux aussi attester que ` le président des USA est perché sur un arbre', sans la moindre conviction. L'absurdité tient à la non réalisation de la présupposition de l'énoncé ».68(*) Les actes illocutoires dont les buts sont engageant et directif ont la direction d'ajustement des choses aux mots. Ils ont pour but de transformer le monde par l'action future du locuteur (engageant) et de l'interlocuteur (directif) de façon à correspondre au contenu propositionnel. Les actes illocutoires déclaratifs ont une double direction d'ajustement. Leur but est de faire en sorte que le monde corresponde au contenu propositionnel en disant que ce contenu propositionnel est vrai. En effet, lors de leurs énonciations, les objets de référence sont transformés pour correspondre aux mots par le fait même de leur utilisation, et donc de leur énonciation. Les actes illocutoires dont le but est expressif ont la direction d'ajustement vide ou nulle. En les accomplissant, le locuteur n'a pas la moindre intention d'établir une quelconque correspondance entre les mots et les choses. Son but est simplement celui d'exprimer l'état mental que lui inspire les objets de référence.69(*) * 63 Daniel VANDERVEKEN, « Sémantique et pragmatique » in la philosophie d'expression française au canada, Québec, PUL, 1998, p.1. * 64 Idem, p.45. * 65 Ibidem, p.20. * 66 Ibidem, p.9. * 67 Ibidem, p.10. * 68 MUTOMBO MATSHUMAKIA, Opacité référentielle et quantification. Une introduction à la sémantique intentionnelle, op.cit, pp.139-140. * 69 Daniel VANDERVEKEN, op.cit, p.13 |
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