II.3.2. Les enjeux des prénoms liés
à la crise sociopolitique
Les prénoms attribués aux enfants nés de
décembre 1998 à novembre 2000 nous autorisent à
entreprendre une analyse sociologique de l'état de la situation
sociopolitique comme vécu par les parents géniteurs. La prise de
conscience de la crise sociopolitique par les parents géniteurs a
donné naissance à des enjeux sur les prénoms donnés
aux enfants nés durant cette période. Les situations de rupture
des stocks alimentaires, des famines, de longues marches à travers les
savanes et les forêts, de manque d'eau potable, de manque d'abris
appropriés et des crises sociopolitiques persistantes sont des facteurs
qui ont influencés l'imaginaire des parents à donner des
prénoms spécifiques rares et nouveaux aux enfants nés
pendant cette guerre civile. La plupart de ces prénoms sont
attribués aux enfants de tout sexe confondu. Les parents
géniteurs contre toute attente accordent une importance capitale
à ces prénoms qui vont leur servir peut-être de souvenir de
différents drames et moments difficiles qu'ils auront vécus,
rencontrés durant la guerre. Ces prénoms présentent les
significations les diverses en terme de difficultés rencontrées
sur le terrain. Ces difficultés ont semble-t-il permis aux parents
géniteurs franchir une nouvelle étape de leurs vies d'errants par
monts évallées, savanes boisées et forêts
épaisses, nouvelles étapes qui les amènent à
concevoir les nouveaux prénoms faisant appel pour la plupart à la
bonté de Dieu en vue de demander à ce dernier de le
protéger des affres de la guerre et en un mot, de les mettre à
l'abri de la mort.
La plupart de ces prénoms attirent l'attention du
chercheur sociologue pour les études concernant le message qu'incarnent,
qu'expriment ces nouveaux prénoms. La plupart de ces prénoms
constituent à notre humble avis une véritable page d'histoire des
faits vécus en spectateurs anxieux et soucieux de leurs vies par les
parents géniteurs durant la guerre civile.
L'étude relative de l'attribution aux nouveaux
nés des prénoms issus de la crise sociopolitique nous offre la
possibilité de bien comprendre le bien fondé de ces
prénoms qui ont parfois un caractère fantaisiste aux yeux du
monde dit civilisé ou des intellectuels formés à
l'école européenne. A titre d'exemple, l'enfant portant le
prénom "Ça - ira" devenu adolescent, pourra être en but
à la moquerie des gens au sein de son école ou de ces groupes de
jeunesses. Les parents géniteurs n'ont pas vu ce dernier aspect du
problème, c'est-à-dire l'aspect concernant la consonance du nom
(nom au consonance harmonieuse), l'élégance du nom, etc. Leurs
préoccupations étaient beaucoup plus d'ordre spirituel, à
savoir : adresser des prières à Dieu, demander à Dieu
de sauver leurs vies, la vie de leurs enfants existants et se trouvant à
leurs côtés et la vie de l'enfant en gestation dans le ventre de
sa mère, c'est-à-dire l'enfant qui va naître et qui va
recevoir un prénom spécifique d'inspiration quasi divine. Ces
genres de prénoms qui ont un rapport avec la crise sociopolitique ont
été donnés à beaucoup d'enfants nés durant
cette période ; les anciens prénoms, c'est-à-dire les
prénoms les plus courants dans la société congolaise
d'avant les différentes guerres civiles qu'a connu notre pays ont
été mis de côté ; les parents géniteurs
n'hésitant pas dans le cadre de l'attribution de ces nouveaux
prénoms de prendre en compte des comportements limités dans le
temps. Entre autre comportement, nous citerons le comportement des miliciens
vis-à-vis des "mabonza" ou droit de péage aux endroits où
les miliciens ont érigé des barricades, comportement des
miliciens vis-à-vis des filles et des mères de familles,
comportement se terminant souvent par des viols en pleine guerre civile.
Notre étude a fait aussi l'objet d'une analyse
comparative sur le message que peut exprimer un prénom. L'analyse des
résultats de notre enquête sur le terrain nous
révèle que les prénoms issus des événements
qu'ont vécus pendant la crise sociopolitique ont pour principal message
l'attachement en Dieu et les difficultés rencontrées par les
parents. Ces prénoms expliquent un message religieux. Cette crise a
poussé les parents géniteurs de s'écarter des
prénoms qui n'expliquent pas les valeurs religieuses parce que ces
prénoms au regard de leur imaginaire exposent l'être humain aux
dangers de la guerre en particulier et de tout danger en général.
Les parents géniteurs les plus optimistes ont fait de ces prénoms
un véritable outil qui leur permet de fixer à jamais dans leur
mémoire la page d'histoire qu'ils ont vécue durant les jours et
les nuits qu'ils ont passées hors de leurs lieux d'habitations
habituelles pendant la crise sociopolitique. C'est aussi un véritable
moyen de pérenniser et d'intérioriser cette histoire en vue de
combattre toute à venir de cette attitude de chrétien qui refuse
la guerre est une marque de reconnaissance de Dieu qui la protège avec
ses enfants et sa femme de la mort durant la guerre. La seule réponse,
le seul engagement qu'il peut honnêtement donner à Dieu c'est de
refuser ou de participer à l'avènement de toute autre guerre et
les prénoms qu'ils ont donné à leurs enfants portent bon
gré mal gré cet engagement vis-à-vis de Dieu qui donne
à ces prénoms la force de Dieu ou mieux sa volonté qui
protège, qui assure la protection des enfants à qui on a
donné ces prénoms qui ont en quelques sortes un caractère
sacré.
|