DEUXIEME PARTIE :
LES PERSPECTIVES DE DEVELOPPEMENT DE L'INDUSTRIE AU
MALI
La deuxième partie analysera la politique
industrielle et les perspectives du développement industriel au
Mali.
Chapitre I : La politique industrielle et les
retombées économiques.
Les approches d'industrialisation utilisées
jusqu'à ce jour par notre pays n'ont pas permis d'assurer un essor
industriel durable. A titre de rappel, on retiendra que pendant les
premières années de l'indépendance, l'industrialisation du
pays a été fortement marquée par la création des
Sociétés et Entreprises d'Etat pour les secteurs vitaux de notre
économie (ciment, huile, tabac, sucre, peaux et cuirs, textiles, fruits
et légumes, ...etc.). L'activité industrielle qui se
définit par l'ensemble des activités économiques qui
produisent des biens matériels par la transformation et la mise en
oeuvre des matières premières était à cette
époque, tournée vers la satisfaction des besoins de nos
populations et décentralisée dans les régions
économiques du pays (Kayes, Bamako, Sikasso, Ségou). Pendant leur
démarrage, ces unités industrielles, propriété
exclusive de l'Etat, ont contribué à la création d'un
tissu industriel pourvoyeur d'emplois et de richesse nationale. Il est utile de
noter qu'à coté de ces entreprises d'Etat et à la faveur
du libéralisme économique prôné au début des
années 1970, quelques rares opérateurs privés dont la
figure emblématique a été feu Mamadou Sada DIALLO se sont
lancés, mais timidement dans la création d'unités
industrielles.
Au milieu des années 1970, les Sociétés
et Entreprises d'Etat ont rencontré des difficultés au plan
technique, financier et de gestion des ressources humaines, hypothéquant
leur survie. Cette situation a amené l'Etat au début des
années 80 à établir le diagnostic de ces unités et
à conclure en 1987 avec les institutions de Bretton Woods un programme
d'ajustement du secteur des entreprises publiques. En substance, le programme
d'ajustement susvisé s'inscrivait dans le cadre du désengagement
progressif de l'Etat du secteur productif au profit des privés
(nationaux ou étrangers). Au début des années 90, l'Etat
a résolument opté pour un développement industriel
basé sur l'initiative privée en limitant son rôle à
la réglementation et à la création d'un cadre propice aux
affaires.
Actuellement, la contribution du secteur industriel,
malgré les atouts et les potentialités du pays dans le domaine
agro-industriel, demeure encore faible dans la création de la richesse
nationale. En effet, d'après les résultats du recensement
industriel de 2003, ce secteur représentait 11% du Produit
Intérieur Brut (PIB) en 2002 et seulement 6% ont été
réalisés par les entreprises manufacturières. Cette
situation dénote la fragilité de notre économie, car
fortement tributaire des perturbations économiques internes et
externes.
De ce recensement, on retiendra également que le parc
industriel compte 243 entreprises industrielles en activité dont 79%
sont détenues par les nationaux, 9% par les étrangers et 12% par
les nationaux associés aux étrangers. Ceci dénote la
faiblesse des investissements directs étrangers.
Le secteur industriel y compris la CMDT et les
sociétés d'exploitation minières, dominé à
48% par les industries alimentaires, a réalisé en 2002 un chiffre
d'affaires d'environ 616 milliards de F CFA et une valeur ajoutée de 241
milliards de F CFA. Le secteur emploie 13.127 personnes pour une masse
salariale de l'ordre de 51 milliards de F CFA.
Par ailleurs, sur 653 projets agréés au Code des
Investissements pendant la période (1998-2003), 338 relèvent du
secteur industriel. Sur ces 338 projets d'investissement industriel, seulement
78 ont été réalisés.
La faiblesse des investissements industriels privés,
notamment étrangers dans notre pays, est fortement liée au cadre
des affaires peu attractif. Ce cadre se caractérise entre autres
par :
- l'absence de zones industrielles
viabilisées ;
- le manque d'infrastructures routières
nécessaires à la distribution de la production ;
- l'état encore précaire du réseau
ferroviaire indispensable à l'acheminement de certaines matières
premières jusqu'à l'usine, et à l'évacuation de la
production vers les grands centres de consommation ;
- une alimentation électrique insuffisante, notamment
en terme de puissance et de disponibilité ;
- l'étroitesse et les difficultés d'accès
au marché.
On notera également que les investissements industriels
n'ont pas accru à cause notamment des coûts élevés
des facteurs de production, de l'absence au niveau de l'administration publique
d'une véritable culture de développement du secteur industriel
et enfin de l'état ou de l'absence d'infrastructures de base.
Ces résultats à ce jour ont certainement peu
varié au regard de la persistance des difficultés structurelles
qui empêchent la relance de ce secteur et cela, malgré certains
avantages accordés par le Code des Investissements, les efforts
entamés dans la simplification des procédures administratives et
un climat politique apaisé...etc.
Pour changer qualitativement cette situation et inverser la
structure de notre économie au profit d'un secteur industriel fort, le
Président de la République a instruit, entre autres au
Gouvernement, à travers la lettre de cadrage du 23 octobre
réactualisée et complétée par la feuille de route
du 5 mai 2004, la mise en oeuvre d'une industrialisation rapide et soutenue sur
la base de productions agro-sylvo-pastorales et cela pendant les quatre
années à venir. La Déclaration de Politique
Générale du Premier Ministre du 10 juin 2004 devant les
élus de la nation a précisé les objectifs
opérationnels à atteindre pour la réalisation de cette
directive présidentielle pendant la période susvisée.
Le présent document de politique d'industrialisation
s'inscrit dans le cadre de ces différentes orientations et propose au
Gouvernement les stratégies appropriées et les mesures à
prendre pour atteindre efficacement les objectifs visés.
I- Objectifs et Stratégies :
Pour atteindre l'objectif global fixé, à savoir
un développement industriel ordonné, rapide et durable permettant
de créer 6.000 emplois industriels et faire passer la part du secteur
manufacturier de 6% à 10% du PIB de 2004 à 2007, il est retenu
les objectifs spécifiques suivants :
- la réalisation d'unités industrielles
privées compétitives et porteuses de croissance rapide et
d'emplois durables. Ceci se traduira par la création de trois (03)
unités textiles, d'une sucrerie de 165.000 tonnes et d'autres
entreprises pour 5.000 emplois permanents pendant la période
susvisée ;
- la mise à niveau des entreprises industrielles
existantes et la réhabilitation de celles en difficulté,
entraînant la création de 1.000 nouveaux emplois industriels.
Dans le contexte actuel de la mondialisation, l'approche
d'industrialisation la plus appropriée demeure sans doute celle qui
permet la pénétration des marchés extérieurs et
cela pour renforcer la compétitivité de notre économie.
Au regard des objectifs à atteindre,
l'industrialisation rapide du pays reste possible en se référant
à la stratégie de décollage industriel
développée par certains pays, dont les conditions
économiques étaient similaires aux nôtres. Certains de ces
pays non producteurs de coton et souvent sans tradition culturelle dans le
domaine du tissage, ont amorcé leur industrialisation sur les
exportations des textiles.
A ce jour, le plan d'action sur les filières
prioritaires (fruits et légumes, céréales,
oléagineux, bétail et viande, cuirs et peaux, lait, coton,
poisson, avicole), adopté en juillet 2001, rencontre des
problèmes de mise en oeuvre en raison de la faiblesse des moyens
financiers et surtout de l'immensité des actions à mener au
regard du nombre élevé des produits à développer
dans le temps imparti. C'est pourquoi, notre pays doit se consacrer au
développement de quelques produits de ces filières notamment,
ceux pouvant rapidement disposer d'un avantage réel de
compétitivité. Cette discrimination positive est
nécessaire, d'une part, en raison des exigences liées à
l'ouverture actuelle des marchés et d'autre part, pour tirer un meilleur
avantage des facilités d'accès aux marchés des pays
développés. Ces facilités sont par ailleurs
limitées dans le temps.
Compte tenu de l'étroitesse du marché
local et des facilités d'accès actuelles, notre pays
dans sa stratégie d'industrialisation doit axer ses efforts sur le
développement des filières agro-industrielles qui assurent des
revenus d'exportations significatifs. Autrement dit, il s'agit de pouvoir
écouler sur les marchés extérieurs des produits
manufacturés compétitifs. La réalisation de cet objectif
de compétitivité se traduira également par la
reconquête du marché national.
Pour ce faire, la stratégie à adopter pour une
industrialisation rapide et soutenue, basée essentiellement sur la
réalisation d'investissements productifs privés (nationaux et/ou
étrangers) et un meilleur accompagnement de l'Etat, se résume
comme suit :
A court et moyen termes, il s'agira de :
- développer les filières riz, sucre, viande,
mangues, pour l'exportation vers les marchés des pays voisins et ceux de
la Méditerranée ;
- susciter l'émergence d'entreprises industrielles
d'exportation réalisées à partir d'investissements
étrangers directs en vue de mieux tirer profit des avantages des
facilités actuelles d'accès aux marchés de l'Union
Européenne, des Etats-Unis d'Amérique, du Canada ...etc. A
cet effet, les filières à développer demeurent les
textiles, les fruits et légumes et le karité ;
- promouvoir la création d'unités de
valorisation des ressources du sous-sol comme la cimenterie, l'usine d'engrais,
en vue de leur substitution aux importations;
- poursuivre avec efficacité les programmes et reformes
en cours (justice, éducation, transports, énergie, zones
industrielles, financement,...etc.). Il conviendrait également de
veiller à l'élaboration et à la mise en oeuvre des mesures
sectorielles de l'UEMOA prévues en accompagnement de l'application du
Tarif Extérieur Commun (TEC). Les initiatives doivent porter aussi sur
le NEPAD pour l'amélioration des infrastructures ;
- garantir un approvisionnement régulier des industries
en matières premières locales ( en quantité et en
qualité ) et assurer une relative stabilité de leur
prix ;
- mettre un accent particulier sur les programmes de mise
à niveau des entreprises industrielles et de certification de
conformité des produits aux normes. Egalement, il conviendrait de
renforcer la formation professionnelle et de promouvoir les technologies
appropriées auprès des industriels ;
- l'industrialisation doit s'accompagner de la lutte efficace
contre la fraude, la contrefaçon et la concurrence déloyale.
De façon spécifique, pendant cette
période, le portefeuille des projets retenus pour être
réalisés est le suivant :
- un complexe sucrier à Markala
- une fabrique d'engrais phosphatés
- une fabrique de fertilisants bactériens (engrais
organique)
- une cimenterie
- deux filatures
- une unité de confection de vêtements
- cinq unités de production de concentré de
tomates et jus de fruits
- deux rizeries modernes
- trois unités de transformation d'amandes de cajou et
de sésame
- trois unités de transformation de la viande rouge
- deux unités de production d'aliment bétail
- une fabrique d'articles en cuir.
Les réflexions en cours au niveau du Ministère
de la Promotion de la Femme, de l'Enfant et de la Famille permettront de
déterminer les unités de transformation du karité à
créer.
A long terme, il s'agit après les
quatre ans de renforcer la base industrielle à travers les
stratégies retenues dans le cadre du projet « Sources de
Croissance » en cours d'élaboration.
|