CHAP I. NOTIONS SUR QUELQUES CONCEPTS CLEF
I.LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DES TIC
I.1 TECHNOLOGIE
A. DEFINITION
Le mot technologie possède plusieurs acceptions de fait
:
1. Étymologiquement et historiquement : l'étude
des techniques. On dit alors la technologie.
2. De plus en plus fréquemment, un ensemble de
méthodes et techniques autour de réalisations industrielles
formant un tout cohérent. On parle alors d'une technologie. Elle ne se
confond pas dans cette seconde acception avec la technique :
3. On peut aussi se contenter de la formulation du
dictionnaire, qui la définit comme Étude des techniques, des
machines, des outils, etc., employés dans l'industrie,
La technologie est un terme se référant à
tout ce qui peut être dit à plusieurs périodes historiques
particulières, concernant l'état de l'art dans tous les domaines
des savoir-faire pratiques et d'utilisation des outils. Il inclut donc l'art,
l'artisanat, les métiers, les sciences appliquées et les
connaissances. Par extension il peut aussi se référer aux
systèmes ou méthodes d'organisation qui permettent une telle
technologie, ainsi que tous les domaines d'études et les produits qui en
résultent.
L'étymologie du mot technologie renvoie toujours au
sens moderne, il vient du grec technología
(ôå÷íïëïãßá)
téchnç (ô÷íç), "art",
"compétence", ou "artisanat" et -logía
(-ëïãßá), l'étude de quelque chose, ou
d'une branche de connaissance d'une discipline.1 Le Petit Robert
indique que le mot est emprunté en 1656 au grec tardif tekhnologia
« traité ou dissertation sur un art, exposé des
règles d'un art », de tekhnê
et logos. La notion a ensuite été utilisée
en 1772 par un physicien allemand Johann Beckmann2
B. ORIGINE ET HISTOIRE3
Le mot technologie renvoie à la notion d'artefact
(techne en grec) et à celle de sciences (logos). La notion semble avoir
été pour la première fois utilisée en 1772 par un
physicien Allemand : Johann Beckmann. D'autres étymologistes situent son
apparition au début du XVIIe siècle. Mais son usage
populaire précède en fait de quelques années la
révolution industrielle. C'est semble-t-il. un professeur de Harvard,
Jacob Bigelow, qui en a pour la première fois systématisé
l'usage dans son ouvrage Elements of technology (1829). Botaniste et professeur
à la chaire Rumford de Harvard consacrée à "l'application
de la science aux arts utiles" (useful arts), Bigelow est reconnu par certains
historiens américains comme un visionnaire , mais aussi un fervent
promoteur de la technocratie. Promoteur d'une véritable « fusion
» entre les arts et la science, Bigelow va dévaloriser à la
fois les savoirs fondamentaux qui ne s'articulent pas avec une pratique
concrète et les techniques (les arts dans les mots de l'époque)
qui s'inscrivent dans une tradition sans le recours systématique au
savoir scientifique. En promouvant une sectorialisation accrue des savoirs
scientifiques et une répartition scientifique des tâches dans le
domaine du travail il va fournir à la société capitaliste
américaine naissante un véritable modèle
d'éducation. C'est d'ailleurs sur les recommandations du professeur de
Harvard que le MIT (Massachusetts Institute of Technologies)empruntera son nom
mais aussi de nombreuses orientations pédagogiques qui en feront un des
centres de recherches technologiques les plus performants au monde (dans le
domaine de la communication, de l'informatique et aujourd'hui de la robotique
et de l'intelligence artificielle).
2
www.wikipedia.com
3
www.techno-science.net
Le mot << technologie »4 ne
désignait pas simplement pour Bigelow les << arts utiles ».
Il voulait suggérer en fait la convergence qui s'opérait à
l'aube de la révolution industrielle entre les arts et la science. Une
convergence jusqu'alors compromise par l'impossible articulation des savoirs
scientifiques fragmentés et des arts nécessairement
enfermés dans une tradition (ce que les membres du comité des
arts et sciences américain nommaient << une routine empirique
»).
Bigelow s'inscrit largement dans le sillon du
"millénarisme technologique" qui anime avec ferveur l'enthousiasme
scientifique et technique des nations occidentales (pour l'historien David
Noble, il faut remonter au moine Bénédictin Erigène
promoteur d'un salut grâce aux "arts mécaniques").
Millénarisme séculier qui renvoie plus ou moins à
l'idée d'un paradis sur terre qui s'incarne désormais dans le
progrès technologique (idée largement redevable aux philosophies
progressistes de l'histoire européenne qui émergent au
siècle des Lumières). L'une des influences majeures de cette
téléologie du progrès technique fut sans aucun doute
Francis Bacon : le chancelier d'Angleterre qui a initié la philosophie
expérimentale, philosophie inductive qui marque une rupture fondamentale
avec les approches scolastiques médiévales de la science (pour
qui la nature s'appréhende par le prisme des dogmes de l'Église :
la méthode "aprioriste"). Bacon était un fervent
millénariste profondément imprégné de la
rationalité puritaine (il restera anglican : fonctions obligent...).
Contrairement à une idée répandue, la
notion de technologie et son institutionnalisation internationale entretiennent
des liens forts avec les expectatives religieuses européennes et
américaines des XVIIe, XVIIIe et XIXe
siècles (le puritanisme, la franc-maçonnerie, le déisme
pour ne citer qu'eux). La Royal Society de Londres, l'une des premières
académies des "arts et sciences" (inspirée par l'Evangile
baconien de la science) en
4 idem
fournit un bon exemple. Parmi ses membres, on compte une
quantité incroyable de déistes (comme Isaac Newton), des
unitariens descendants des puritains (comme Joseph Priestley, l'homme qui a
découvert l'oxygène et qui a créé la
première église unitarienne), le huguenot français
expatrié en Angleterre, Jean Desaguiller (qui fut le créateur de
la première loge de franc-maçonnerie spéculative). On a
trop vite fait d'oublier cette généalogie de la notion de
technologie qui porte un éclairage fondamental sur les espoirs
suscités en occident depuis la révolution industrielle par toutes
ces découvertes. Technologie et progrès apparaissent donc
dès le départ intrinsèquement lié.
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