D. Les antagonismes autour de la gestion du PNVi
La multiplication des conflits ruraux, avec leur corollaire de
violences ouvertes est un thème d'une brûlante actualité en
Afrique sub-saharienne. Les médias et les analystes qui se sont
intéressés à la question n'ont pour la plupart du temps
retenu que les aspects politiques au ethniques comme causes de ces conflits. Or
les causes profondes de ces conflits sont inhérentes aux modes
d'accès ou d'utilisation des ressources naturelles comme la terre,
l'eau, les pâturages, les forêts, les mines, les sources
énergétiques (Harouna G., 2003).
Des conflits sont vifs autour de la gestion du PNVi et du DCR,
quelques illustrations sont ci après illustrés.
Radio Okapi dans son article « Rutshuru : les
riverains privés de droits de terre dans le parc » du 11
juillet 2007 fait montre du conflit existant depuis des décennies entre
riverains du Domaine de Chasse de Rutshuru, plus précisément ceux
du groupement de Bukoma et les gestionnaires de cette partie du Parc National
des Virunga. Selon la population riveraine, l'ICCN continuait à les
priver de leurs droits de terre alors que la nouvelle saison culturale
approchait. Pour les responsables du SAP (Syndicat d'Alliance Paysanne) de
Rutshuru, cette situation persiste depuis la création de ce domaine de
chasse en 1974. La population du groupement de Bukoma est condamnée
à une vie de mendicité et de famine. Elle est privée des
terres de leurs ancêtres incorporées dans le domaine de chasse. Il
continue en affirmant que les promesses de la direction provinciale de
l'ICCN/Nord-Kivu de 1994, n'ont jamais été
concrétisées par les gestionnaires du parc. Ces promesses
visaient la création d'une zone tampon. Les paysans pourraient, dans le
cadre de la conservation communautaire, y implanter leurs champs de cultures et
calmer ainsi le conflit en satisfaisant les différentes parties dont les
membres du SAP. Cette mesure n'a cependant pas directement abouti, car juste
après la plantation des arbres, des inconnus les ont détruits,
créant ainsi de nouvelles tensions entre les deux parties. Pourtant,
à Rumangabo, à 30 km au Sud de Rutshuru, la même chefferie
de Bwisha et l'ICCN ont trouvé un terrain d'entente, sous la forme d'un
comité de dialogue entre l'Institut et les populations riveraines. Ce
comité gère les différends, notamment lorsque des animaux
s'échappent du parc et ravagent les cultures de paysans (Syfia Grand
Lacs, 2009).
En début de la saison culturale 2007, les habitants de
Bukoma menacèrent de retourner de force sur « leurs
terres » dans le parc. Le porte-parole du SAP, Mr Paluku Muvuya
Arnold se plaint en ce terme : « Depuis 1974 nous avons
été chassés de nos terres et nous sommes contraints de
travailler dans les champs d'autrui pendant que nous avons nos terres à
nous. Maintenant nous devons retourner de force dans nos champs car nous ne
devons pas continuer à vivre comme des esclaves. Il y avait une
convention de créer une zone tampon pour séparer les champs de
paysans et les zones protégées, ce qui n'a jamais était
fait. Et c'est là la source de conflit » (Radio Okapi,
2007).
Le conservateur en chef du DCR Mr BAGURUGUMWE NDERA Nestor,
rétorqua, le SAP ne veut pas s'associer aux autres associations locales
qui ont eu la charge de délimiter la zone tampon et d'attribuer des
portions de terre à leurs membres pour y implanter leurs champs, il
insista en ce terme « le domaine de chasse est régi par
une loi qu'on ne peut pas violer n'importe comment. La zone tampon a
été créée pour les associations qui vivent aux
alentours du parc. Mais on ne peut pas accorder aux particuliers, c'est
impossible, vu toute la population de Rutshuru. C'est pour cela que nous avons
demandé aux gens de se regrouper en association, maintenant le SAP,
s'est retiré de cette communauté pour continuer à se
plaindre » (Radio Okapi.net, 2007).
La fixation des limites du Parc National des Virunga, provoque
depuis des années des tensions entre l'Institut congolais de
conservation de la nature et le Syndicat d'alliance paysanne. Les deux parties
se disputent le contrôle de cette zone. Résultat : des familles
entières sont contraintes d'abandonner leurs champs. L'origine du
conflit se trouve dans une ordonnance-loi de 1974 qui crée le domaine de
chasse de Rutshuru, sur une partie du Parc des Virunga, en y interdisant la
culture. Cette loi avait pour but non seulement de protéger les animaux
du parc mais aussi de faciliter le tourisme cynégétique, qui
rapportait gros au pays (Syfia Grands Lacs, 2009). Certains gardes du parc
reconnaissent que, dans leur jeunesse, les terres étaient
cultivées, avant d'être déclarées domaine de chasse.
C'est le cas de K. M. : Ces champs faisaient partie de la chefferie de Bwisha.
Moi-même, j'ai grandi et vécu là-bas. Nous y habitions et
cultivions nos terres. Mais depuis la loi de 1974, celles-ci doivent être
abandonnées, et nous sommes là pour la faire exécuter.
L'actuel régisseur du domaine de chasse précise que les terres
domaniales situées dans les réserves intégrales ne peuvent
être cédées ni concédées. C'est parce que la
population venait d'envahir le parc que nous avons été
obligés d'appliquer la rigueur de la loi pour refouler les gens,
confirme-t-il, à propos des arrestations. (Syfia Grands Lacs, 2009).
Le SAP dit admettre la loi, mais regrette une gestion
unilatérale des limites du parc sans y associer la communauté
riveraine ainsi que l'absence d'un système d'information ou de dialogue.
Ces paysans ne critiquent pas l'existence du domaine foncier du parc, mais le
sort réservé aux victimes de cette mesure. Depuis une quinzaine
d'années, progressivement, des familles entières ont dû
abandonner les champs qui étaient leur seul moyen de subsistance, sans
qu'aucun mécanisme de dédommagement n'ait été mis
en place. Depuis lors, la fixation des limites exactes séparant le parc
de la zone d'exploitation agricole représente une pierre d'achoppement
dans les relations entre l'ICCN et la population riveraine (Syfia Grands Lacs,
2009).
Ailleurs, on dialogue, plusieurs tentatives de
résolution de ce conflit ont été entreprises, mais sans
succès. Dès 1996, l'ICCN a créé une zone de
reboisement appelée "ceinture verte", dans le but de ?permettre aux
paysans de visualiser les limites du parc. Cette ceinture va de la
localité d'Ishasha, vers Nord-Est du territoire, jusqu'à la
partie Sud du PNVi ? confie le conservateur du DCR, Nestor BAGURUGUMWE NDERA
(Syfia Grands Lacs, 2009).
Réfléchissant sur les approches
théoriques et pratiques à même de faire comprendre,
analyser et gérer les conflits avant, pendant et après leur
apparition, une cinquantaine de chercheurs, enseignants, producteurs,
communautés rurales, décideurs politiques d'Afrique de l'Ouest et
du centre, d'experts internationaux d'Europe et d'Amérique réunis
à Niamey du 24 au 26 mars 2003, ont proposé quelques
pistes en guise de réponse. Il s'agit essentiellement de: l'utilisation
des approches participatives et consensuelles basées sur les
mécanismes formels ou informels ; la mise en place ou le renforcement
des cadres de concertation, de médiation, de négociation,
d'arbitrages ; l'amélioration de la communication et la diffusion de
l'information correcte aux différents groupes d'intérêts et
l'amélioration de la gouvernance locale (CRDI, 2003).
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