Pauvreté et grossesse des adolescentes au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Sandrine NANKIA DJOUMETIO Institut Sous-Régional de Statistique et d'Economie Appliquée -ISSEA - Ingénieur d'Application de la Statistique 2010 |
Chapitre 2 : REVUE DE LA LITTÉRATURE LIÉE AUX GROSSESSES CHEZ LES ADOLESCENTES, PRÉSENTATION DE LA SOURCE DE DONNÉES ET MÉTHODOLOGIECe chapitre est consacré à la présentation de quelques travaux liés à la grossesse chez les adolescentes. En effet, dans la première section nous ferons un inventaire des différentes hypothèses qui sont avancées pour expliquer la montée de la prévalence des grossesses chez les adolescentes et dans la deuxième section la source de données sera présentée, ainsi que la méthodologie qui a été retenue pour réaliser notre étude. 2.1 Hypothèses d'explication de la prévalence des grossesses chez les adolescentes 2.1.1 Selon DENAUNAY Valérie23(*) (1994)Pour expliquer le nombre croissant des grossesses chez les adolescentes, différentes hypothèses sont proposées. Certains avancent des hypothèses d'ordre physiologique : la diminution de l'âge aux premières règles augmente la période d'exposition au risque de conception et entraîne une baisse de la « sous-fécondité des adolescentes », ou d'ordre structurel : l'extension de la taille de la population adolescente impose une augmentation structurelle de l'effectif des grossesses d'adolescentes (Gyepi-Garbrah, 1985). D'autres hypothèses d'explication font référence à des changements de comportement : l'intensification de l'activité sexuelle précoce et/ou prénuptiale, les changements de systèmes matrimoniaux avec l'apparition d'unions informelles, surtout en ville (Lacombe, 1987) ou les modifications des normes relatives à la sexualité. Au Nigéria (Etiki), les normes en matière de sexualité prénuptiale évoluent en milieu urbain : 18 % des femmes interrogées en milieu urbain répondent qu'il est important qu'une femme soit vierge lors du premier mariage contre 31 % en milieu rural (Orubuloye et al., 1991). Mais l'hypothèse centrale qui revient souvent dans la littérature (qui n'est pas en contradiction avec les précédentes) est celle de l'impact de l'urbanisation et de la modernisation sur les comportements sexuels par le biais d'une perte de contrôle social des anciens sur la sexualité des jeunes générations. Elle concerne naturellement les sociétés où la sexualité est contrôlée et où les grossesses prénuptiales sont réprimées. Olukunlé Adégbola (1987) montre qu'au Nigéria la modernisation, à travers l'éducation, la contraception, le retard au mariage, l'activité non agricole (commerciale ou industrielle) et les arrangements résidentiels (location en groupe), favorise une certaine libéralisation sexuelle. Douglas Nichols et al. (1986), toujours au Nigéria, parlent du changement social et de la modernisation, accompagné de l'affaiblissement du contrôle social sur la sexualité, comme des facteurs déterminants des grossesses des célibataires en milieu urbain. L'urbanisation apparaît, pour Kathérine Darabi et al. (1979) comme une cause de la déstructuration du système familial traditionnel, assortie d'une baisse de l'influence familiale au profit de celle des pairs, lesquels semblent souvent être une source d'information sur la sexualité et la contraception (Barker et Rich, 1992). Anastasia Gage - Brandon et Dominique Meekers (1993) attribuent les changements du comportement reproductif des jeunes au processus de changement social et de modernisation (affaiblissement du contrôle social des anciens) et au temps passé à l'école qui allonge la durée entre la puberté et le mariage. Selon cette hypothèse les grossesses précoces et prénuptiales correspondent à une désorganisation sociale pour reprendre l'expression de Cherlin et Riley (1986 : « social disorganization », cité par Valérie, 1994) et sont non désirées et non planifiées. Une autre hypothèse voit aujourd'hui le jour selon laquelle les grossesses précoces et prénuptiales correspondraient à un comportement rationnel, visant un but (Meekers, 1994). Ce but peut être un bénéfice économique, par échange de cadeaux contre des relations sexuelles. Il peut aussi être une promesse de mariage, la jeune fille pensant qu'une fois enceinte, le partenaire se verrait donc obligé de l'épouser, ou encore que la grossesse l'aiderait à admettre un fiancé à la famille. Cherlin et Riley (1986) parlent alors de « pragmatic uses of sexual activity ». En dépit de ce cas de figure, qui reste encore un cas isolé, l'explication de la prévalence des grossesses précoces et préconjugales semble se trouver dans le recul de l'âge au premier mariage et dans la détérioration du contrôle social, sous l'effet de l'urbanisation. * 23 _ Dans son livre : l'entrée en vie féconde, Expression démographique des mutations socio-économiques d'un milieu rural sénégalais, Les étude du Ceped n°7, 1994 |
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