CONCLUSION
GÉNÉRALE
La grossesse des adolescentes est un phénomène
qui porte atteinte tant à la santé de la mère que celui du
futur bébé. La présente étude cherchait à
établir et à mesurer le (s) lien (s) existant entre la
pauvreté et la survenance d'une grossesse chez les adolescentes au
Cameroun. De manière spécifique, il était question pour
nous de répondre à ces deux questions : « quelles
sont les facteurs qui déterminent la survenance d'une grossesse chez les
adolescentes au Cameroun ? » et « ces facteurs
différent-elles entre les ménages dits
« pauvres » et les ménages dits « non
pauvres » ? La base de données utilisée a
été extraite du fichier des femmes de l'enquête EDS-III,
2004. Nous avons mis en oeuvre les méthodes d'analyse descriptive et de
régression logistique pour exploiter Ces données. Au terme de
l'analyse, nous avons obtenu les résultats qui suivent.
Des adolescentes enquêtées, 55,85 % ont
déjà commencé leur vie sexuelle parmi lesquelles 22,37 %
sont enceintes et 51,87 % ont déjà été enceinte. Le
phénomène de grossesse des adolescentes est une
réalité qui est rencontrée dans les ménages quelque
soit leur niveau de vie. Les ménages « pauvres » et
« moyens » sont ceux où il est le plus
observé avec respectivement 17,50 % et 12,46 %. Par ailleurs, le niveau
de vie influencerait la survenance d'une grossesse.
De façon générale, il existerait une
dépendance entre la survenance d'une grossesse chez les adolescentes et
les caractéristiques sociodémographiques de l'adolescente, les
caractéristiques liées à sa vie sexuelle et celles
liés au ménage auquel elle appartient. Des adolescentes
enceintes, la majorité d'entre elles sont sans niveau d'instruction
(21,22 %), proviennent du groupe Béti/Bassa/Mbam (13,32 %), pratiquent
la religion musulmane (17,81 %), vivent en milieu rural (15,37 %) et ont
vécu pendant l'enfance au village (15,54 %).
En ce qui concerne la vie sexuelle des adolescentes
enceintes : 38,10 % ont conclu un mariage non précoce et 29,86 % un
mariage précoce, 22,04 % ont connu de manière précoce leur
premier rapport sexuel et la plupart ont connaissance des méthodes pour
éviter la grossesse, mais ne le pratiquent pas (15,32 %).
L'Analyse des Correspondances Multiples nous a permis
d'apprécier l'influence combinée des caractéristiques les
adolescentes sur la survenance d'une grossesse. Cela nous a permis d'une part
de ressortir le profil des filles enceintes au Cameroun d'une manière
globale et d'autre part celui des adolescentes issues des ménages
« pauvres » et « non pauvres ».
La première ACM nous a permis de mettre en exergue deux
groupes distincts d'adolescentes : les adolescentes enceintes et les
adolescentes pas enceintes. Delà il est ressorti le profil des
adolescentes enceintes au Cameroun. D'une manière
générale, toute les variables que nous avons
sélectionnées définissent au mieux les profils des
adolescentes enceintes.
La seconde ACM a été effectuée dans la
population constituée uniquement des adolescentes
« pauvres ». Il ressort également deux groupes
distincts : les adolescentes enceintes ayant 18 ans et plus,
épouses des chefs de ménage, sans niveau d'instruction, du groupe
ethnique Adamaoua-Oubangui, ayant précocement conclu leur premier
mariage et connu leur premier rapport sexuel, connaissant et pratiquant les
méthodes contraceptives et dont le chef de ménage est de niveau
secondaire. Le second groupe quant à lui est composé des filles
non enceintes ayant 15 ans, filles des chefs de ménage, de niveau
secondaire et plus, des groupes ethniques Bamiléké/Bamoun et
Béti/Bassa/Mbam, ayant vécu leur enfance dans les capitales,
n'ayant jamais conclu de mariage et connu de rapport sexuel, n'ayant aucune
connaissance des méthodes contraceptives et dont le chef de
ménage est de sexe féminin et sans niveau d'instruction.
Enfin la troisième ACM a été
effectuée dans la population constituée des adolescentes issues
des ménages « non pauvres ». Également deux
groupes se distinguent : les adolescentes enceintes, ayant 19 ans,
épouses des chefs de ménage, sans niveau d'instruction, du groupe
ethnique Béti/Bassa/Mbam, sexuellement actives, ayant précocement
conclu leur premier mariage, connaissant et pratiquant des méthodes de
contraceptions et dont le chef de ménage est de niveau secondaire. En
revanche, le second groupe est composé des filles non enceintes ayant 15
ans, filles des chefs de ménage, de religion musulmane, du groupe
ethnique « Autres ethnies », ayant vécu leur enfance
dans les capitales, n'ayant jamais conclu de mariage, et n'ayant jamais eu de
rapport sexuel, n'ayant aucune connaissance des méthodes contraceptives,
et dont le chef de ménage est sans niveau d'instruction.
Suite à ces trois ACM, l'approche
économétrique nous à permis d'estimer trois modèles
logistiques pour déterminer les facteurs influençant la
survenance d'une grossesse. Ces modèles ont été
estimés d'une part de manière globale et d'autre part en
distinguant les adolescentes issues des ménages
« pauvres » et des ménages « non
pauvres ».
Il ressort du premier modèle que toute chose
égale par ailleurs, celles des groupes ethniques
« béti/Bassa/Mbam » et « Autres
ethnies » ont environ 2 fois plus de chance de tomber enceinte que
celles du groupe ethnique Adamaoua-Oubangui. S'agissant des méthodes
contraceptives, celles n'ayant aucune connaissance ces méthodes ont
92,61 % de chance de tomber enceinte que celles qui non seulement en ont, mais
en plus la pratiquent. En plus, la précocité du premier rapport
sexuel et du premier mariage augmentent respectivement de 2 et 3 fois plus de
chance la survenance d'une grossesse chez l'adolescente par rapport à
celles qui l'ont connu ou conclu tardivement. Le deuxième modèle
quant à lui révèle que, les mêmes conclusions que le
modèle global en ce concerne le groupe ethnique. Les adolescentes
pratiquant les « Autres religions » ont 2 fois plus de
chance de tomber enceintes que celles qui pratiquent la religion catholique.
S'agissant du milieu de résidence pendant l'enfance, les adolescentes
qui ont vécu au village ou dans les petites villes pendant l'enfance ont
3 fois plus de chance de tomber enceintes que celles qui ont vécu leur
enfance à Yaoundé ou à Douala. Pareil que le
modèle, global les variables liées à la vie sexuelle
jouent un rôle très significatif dans la survenance d'une
grossesse chez les adolescentes issues des familles pauvres. Celles qui n'ont
aucune connaissance des méthodes de contraception ont 89,54 % de chances
d'avoir une grossesse que celles qui connaissent et pratiquent. Celles ayant
connu leur premier rapport sexuel précocement ont 2 fois plus de chance
d'être enceintes. Il en est de même de celles qui ont conclu
précocement leur premier mariage. Enfin du troisième
modèle il ressort que seule la précocité du mariage et la
connaissance et pratique des méthodes contraceptives ont une influencent
sur la survenance d'une grossesse chez les adolescentes issues des
ménages « non pauvres ». En effet, celles n'ayant
aucune connaissance des méthodes pour éviter une grossesse ont
environ 77,1 % de chances que celles qui en ont une connaissance et ne
pratiquent pas (au seuil de 10 %) et 98,9 % de chances que celles qui ont une
connaissance et la mettent en pratique, d'avoir une grossesse. Celles ayant
conclu leur premier mariage avant l'âge de 18 ans ont environ 4 fois plus
de chance de tomber enceintes que leurs consoeurs ayant conclu tardivement leur
premier mariage ou n'ayant jamais vécu en union avec un homme
À la lumière des résultats de nos
analyses, nous formulons des suggestions aux pouvoirs publics, aux responsables
de la santé et ainsi qu'aux ménages.
Recommandations
Il est important de mettre sur pied des politiques visant
à réduire et/ou à prévenir la survenance des
grossesses chez les adolescentes. Cela passe par la coopération de tous
les membres de la communauté, depuis les ménages jusqu'aux
décideurs gouvernementaux. Pour mener à bien cette lutte contre
le phénomène de grossesse précoce, la stratégie
adoptée visera deux axes : la prévention des nouveaux cas de
grossesse chez les adolescentes, et la prise en charge des jeunes filles ayant
déjà connues ce phénomène.
Concernant la prévention, les ménages, les
responsables médicaux, le Gouvernement, certains ONG et organismes
internationaux sont interpellés.
· Au Gouvernement, certains ONG et organismes
internationaux (UNFPA, OMS,...)
Concernant la prévention, Ils pourraient :
ü intensifier les politiques visant à assurer la
scolarisation des filles sur une longue période de leur vie, notamment
durant toute leur adolescence ; cela pourrait aider à retarder
l'âge d'entrée en vie conjugale qui est l'un des principaux
facteurs déterminant la survenance d'une grossesse dans
l'adolescence.
ü intensifier les campagnes de sensibilisation sur les
méthodes contraceptives (à travers les financements).
ü sensibiliser les adolescentes sur les risques d'une
grossesse pendant cette tranche de leur vie.
ü envisager des politiques différentes pour
réduire la prévalence des grossesses selon le niveau de vie, car
les facteurs les favorisants ne sont pas pareils.
ü combattre la pauvreté à tous les niveaux,
car elle fait partie des causes des grossesses des adolescentes : ceci en
améliorant les conditions de vie des populations.
Concernant la prise en charge, les mesures qui peuvent
être prises vont à l'endroit du Gouvernement et sont les
suivantes :
ü créer plusieurs structures de prise en charge
des adolescentes enceintes, ceci dans le but d'apporter une aide sociale
à celles-ci ;
ü améliorer l'accès des adolescentes
enceintes aux soins prénataux, en facilitant leur entrée aux
services de santé génésique ;
ü veiller à ce que l'adolescente enceinte ait un
personnel qualifié présent à l'accouchement et fournir
l'accès aux soins obstétriques d'urgence au bon moment si cela
s'avère nécessaire.
· Aux responsables de la santé
Ils doivent s'impliquer fortement dans la sensibilisation les
adolescentes sur les méthodes de contraceptions, car leurs importances
ne passent pas seulement par l'utilisation, mais aussi par la bonne
utilisation.
· Aux ménages
Il serait intéressant :
ü que les parents d'enfants ne fassent pas de la
sexualité un sujet tabou. Qu'ils en discutent sans complexe avec eux,
car ceci est un de leurs devoirs en tant que parent.
ü qu'ils recommandent l'usage des méthodes
contraceptives à celles qui ont commencé leur vie sexuelle, et
mieux encore l'usage des préservatifs car ceux-ci permettrons non
seulement d'éviter les grossesses, mais aussi de se protéger
contre les IST.
ü que pour celles qui n'ont pas encore eu leur premier
rapport sexuel, des conseils doivent leur être prodigués dans le
sens de le retarder le plus possible.
Limites de l'étude
Les grossesses des adolescentes sont une réalité
complexe qui ne saurait être totalement appréhendée par une
seule étude. De ce fait, cette étude comme on pourrait s'en
douter comporte quelques limites.
Certains axes dans l'étude n'ont pas été
analysés. En effet, nous n'avons pas examiné l'impact des
grossesses des adolescentes sur la santé de la femme, notamment
l'exposition au VIH/Sida et aux infections sexuellement transmissibles (IST) et
a bien d'autres maladies. De plus nous n'avons pas essayé de capter le
comportement des adolescentes enceintes face aux soins prénataux, en
occurrence les consultations prénatales, la vaccination contre le
tétanos, la prise des traitements préventifs intermittents (TPI)
contre le paludisme.
L'étude a été faite à l'aide des
données de l'Enquête Démographique et de Santé 2004
(EDSC-III, 2004) qui en réalité n'ont pas été
collectées aux fins d'une pareille étude. En effet, elles ne
permettent pas d'étudier les comportements sexuels aux âges
inférieurs (au début de l'âge de la puberté).
Certaines analyses ont été faites sous l'hypothèse que les
filles enquêtées ont pratiquement toujours vécue dans le
ménage où elles ont été interviewées. Il
serait par conséquent intéressant qu'une enquête soit
spécifiquement conçue et menée à bien une pareille
étude. Toutefois, cette étude rentre en droite ligne des
objectifs internationaux, qui visent à améliorer les conditions
de vie de l'adolescente et le bien être social en
général.
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