De l'indemnisation des victimes des infractions amnistiées de la loi n?°09/003 du 7 mai 2009 portant amnistie pour faits de guerres et insurrectionnels commis dans les provinces du nord-kivu et du sud-kivu( Télécharger le fichier original )par Pascal Burume Cimanuka Université de Goma/RDC - Licence en Droit Public 2009 |
§2. Les caractères d'amnistieL'amnistie est une mesure ayant pour effet d'enlever rétroactivement à certains faits leur caractère délictueux90(*). Les faits ont bel et bien eu lieu et constituaient des infractions, car ils sont considérés, par la volonté du législateur, comme n'ayant jamais été commis. Leur caractère infractionnel et leur dimension pénale sont effacés, car la société décide de les couvrir du voile du pardon et de les faire sombrer dans l'oubli. L'amnistie ne peut être accordée que par la loi. Le droit d'amnistie se justifie alors par l'intérêt qui s'attache sur le plan social à faire passer l'oubli sur certains faits et sur leurs conséquences pénales. C'est ainsi que l'amnistie intervient le plus souvent après des périodes politiques troublées pour apaiser les esprits en provoquant l'oubli qui doit faciliter la réconciliation des citoyens91(*). Toutefois, le droit d'amnistie n'est pas homogène, chaque loi d'amnistie détermine ses conditions d'application et se suffit à elle-même. Ce qu'une loi d'amnistie a décidé peut ne pas être repris par une autre loi d'amnistie postérieure. Néanmoins, les lois d'amnistie présentent quelques caractéristiques communes92(*). L'amnistie suppose toujours une loi : le législateur, seul apte à créer des crimes et délits, est seul apte à les supprimer. Cela dit, l'amnistie peut être accordée, en raison de la nature de l'infraction (amnistie réelle) par mesure individuelle (amnistie personnelle), en raison du quantum ou de la nature de la peine93(*). a) Amnistie réelle En principe, l'amnistie est accordée en raison de la nature de l'infraction. C'est celle par laquelle la loi énumère les infractions qui seront amnistiées, tout en prévoyant souvent des exclusions. Historiquement, l'amnistie était, à l'origine de caractère, réel, elle était dispensée en considération, non de la qualité et des mérites d'un délinquant, mais seulement en raison de la nature des infractions et de l'époque où elles avaient été commises94(*). Elle est accordée aux auteurs des infractions déterminées, énumérées dans la loi, sans qu'il ne soit tenu compte de la qualité des bénéficiaires. Le législateur peut s'attacher à la nature des infractions amnistiées, en en donnant la qualification ou en les énumérant. L'exemple donné par le professeur NYABIRUNGU Mwene SONGA est celui de l'amnistie pour faits de guerre, infractions politiques ou d'opinion, accordée par la loi n° 05-023 du 19 décembre 2005. « il est accordé une amnistie pour faits de guerre, infractions politiques et d'opinion à tous les congolais résidant au pays ou à l'étranger, inculpés, poursuivis ou condamnés par une décision de justice95(*)» Le législateur peut exclure expressément les infractions qui, à ses yeux présentent un danger particulier au regard de l'ordre social : Crimes de sang, atteintes aux moeurs ou à l'environnement, crimes économiques, etc. C'est dans le même sens que l'art. 3 de la loi n° 09/003 du 7 mai 2009 dispose expressément que « la présente loi d'amnistie ne concerne pas les crimes de guerre, les crimes de génocide et les crimes contre l'humanité » Le législateur peut plutôt prendre en compte la gravité des infractions, et ne faire alors bénéficier de l'amnistie que les auteurs des infractions dont la peine est inférieure à tel taux déterminé. La loi d'amnistie peut déterminer l'époque des faits concernés par l'amnistie. Ainsi, la loi du 19 décembre 2005 précise que « les faits amnistiés sont ceux commis pendant la période allant du 20 août 1996 au 30 juin 2003 ». b) Amnistie personnelle Au lieu de lier l'amnistie de la commission de certaines infractions (amnistie réelle), le législateur peut s'attacher aux qualités propres à certains délinquants. Depuis 1919 et surtout depuis 1945, le législateur prend en effet en considération la qualité d'anciens combattants, des victimes de guerres des déportés, les mineurs au moment de l'infraction, voir le fait de s'être distingué d'une manière exceptionnelle dans le domaine culturel ou scientifique96(*). Ici, le bénéfice de l'oubli est contourné à des individus déterminés qui satisfont aux exigences légales et leurs coauteurs et complices ne sauraient en profiter sauf à présenter eux-mêmes les qualités voulues. En pratique, cette amnistie personnelle est liée dans les lois d'amnistie présidentielle, avec l'amnistie par mesure individuelle du président de la République, qui peut par exemple être demandée par des personnes qui se sont distinguées d'une manière exceptionnelle dans les domaines humanitaires, culturels, sportifs, scientifique ou économique. En effet, la doctrine a critiqué ce type d'amnistie c'est-à-dire l'amnistie des personnes qui se sont distinguées exceptionnellement dans les domaines humanitaires ou celles de toutes les personnes devant par ailleurs ne pas avoir fait l'objet d'une condamnation car elle étend singulièrement le domaine du pardon, puis- que ses bénéficiaires peuvent avoir en principe commis n'importe quelle infraction, sous réserve des exclusions posées par la loi, et que soulève des difficultés d'appréciation pour certaines qualités. Tantôt encore le comportement du délinquant est pris en considération, l'oubli étant alors subordonné à l'accomplissement d'obligation précise97(*). Sur le plan de la politique législative, cette forme d'amnistie est assez inquiétante car on en devine de moins en moins les limites sur le plan de la technique pénale, elle suscite des difficultés lorsqu'il s'agit d'apprécier l'existence des qualités retenues ce qui est sur, en tout cas, c'est que tandis que l'amnistie produit des effets à l'égard de tous les auteurs et complices de l'infraction, l'amnistie personnelle ne profite qu'aux bénéficiaires de la faveur législative98(*). c) Amnistie mixte L'amnistie peut être mixte, en ce sens que la loi la portant peut tenir compte à la fois de la nature de l'infraction commise (caractère réel) et de la qualité du délinquant (caractère personnel). Tel fut le cas de la loi n°74/023 du 27 novembre 1974 promulguée par le président MOBUTU SESE SEKO et qui portait amnistie des commissaires d'Etat, des commissaires de région et des ambassadeurs ainsi que leurs complices condamnés pour détournement des deniers publics99(*) Ainsi, certaines lois d'amnistie subordonnent leurs applications à l'accomplissement par le délinquant d'obligations précises, une des plus courantes est le paiement de l'amende100(*). * 90 Idem, p 423. * 91 PRADEL (J), Op. Cit, p 773. * 92 GALLO, Blandine Koudou, Op. Cit, p 5. * 93 PRADEL (J), Op. Cit, p 283. * 94 NYABIRUNGU Mw., Op. Cit, p 423. * 95 Idem, p 424. * 96 PRADEL (J), Op. Cit, p 414. * 97 PRADEL (J), Op. Cit, p 415. * 98 DESPORTES, Op. Cit, p 954. * 99 NYABIRUNGU, Op. Cit, p 425. * 100 WILFRID, Op. Cit, p 302. |
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