Mouvements de résistance et culture politique au Sud-Kivu. Mise en évidence des fondements idéologiques et des actions revendicatrices.( Télécharger le fichier original )par Philippe KAGANDA MULUME-ODERHWA Université officielle de Bukavu - Diplôme d'études supérieures en sociologie politique 2009 |
Influence Emprise
Innovation Pouvoir Revendication Détermination Modernisation
Source : A. TOURAINE, Pour la sociologie, Paris, seuil, 1974. Ce modèle tourainien retient 3 sous-systèmes : le système organisationnel, le système institutionnel et le champ d'historicité. Le premier est marqué par des relations de différenciation entre statuts et rôles des acteurs sociaux. Le deuxième est le champ d'expression des relations d'influence entre forces politiques. Le troisième enfin comprend les relations de domination entre classes sociales (acteurs historiques). Ce dernier, le champ d'historicité est le plus élevé dans la hiérarchie des sous-systèmes. En effet, l'historicité est, dans la conception touranienne, la capacité de la société de se transformer, de produire des orientations sociétales et culturelles. Il est le siège de l'enjeu collectif, culturel des 13 M. MIAILLE, Op. Cit., p.30. rapports des classes où émerge progressivement l'ordre qui imprime une orientation aux pratiques. Ainsi, l'analyse sociologique peut suivre la démarche indiquée cidessous. Figure n° 4 : Démarche d'analyse actionnaliste selon Touraine ACTION historicité rapports de classe institution ORDRE modernisation adaptation Développement CHANGEMENT répression règle reproduction dysfonctionnement blocage domination décadence organisation CRISE Source : A. TOURAINE, la voix et le regard, Paris, seuil, 1978, p.101. Jérôme LaFargue note ce qui suit à propos de ce schéma d'Alain Touraine. « D'après ce schéma, l'historicité se transforme en organisation sociale, ce qui suppose la formation d'un pouvoir, créateur de l'ordre, lequel décompose directement ou indirectement les relations sociales en opposition entre l'inclusion et l'exclusion ; ce qui a été mis hors société peut devenir agent de changement social si l'Etat cherche à répondre à des demandes nouvelles de l'environnement ».14 14 J. LAFARGUE, Op. Cit, p. 105. Le schéma théorique d'Alain Touraine admet une approche dialectique dans l'explication du social. De ce fait, il rejette toute conception déterministe. La société n'a ni lois, ni base, elle n'est pas un édifice d'instances. La société n'est pas un édifice politique et culturel construit sur des bases matérielles. Il n'y a pas des lois des sociétés capitalistes, il n'y a pas de lois d'évolution des sociétés qui iraient inévitablement vers le socialisme et la société des classes. Il n'y a pas de déterminisme par les forces de production et par l'évolution technologique. Les acteurs n'agissent pas de manière mécanique en réponses aux valeurs. La théorie touranienne permet ainsi de manipuler des concepts opératoires comme l'historicité, les rapports de classes, le système institutionnel et l'organisation sociale, le changement social, les mouvements sociaux. Parlant des mouvements sociaux en particulier, leur étude sociologique a été inaugurée par Mancur Olson(15) sous le terme de l'action collective. Cette dernière est simplement une action concertée visant à attendre des objectifs communs au sein d'un environnement donné. Il met l'accent sur la perspective de l'individualisme méthodologique pour justifier une action individuelle et non sur la communauté des intérêts. Il convient donc de rechercher la logique de l'action collective au-delà de la logique de l'action individuelle (c'est le paradoxe de l'action collective). La mobilisation a les chances de réussir dans les petits groupes où existent des relations denses et en fait, le sentiment d'appartenance. L'aptitude pour un groupe à produire des incitations sélectives ou des mesures coercitives est également une condition pour une action collective. 15 M. OLSON, LRIIIXeUEIUlWIRQUIROBEV, Paris, P.U.F., 1966. Tableau n°1 : Caractéristiques principales des paradigmes de l'action collective
Source : J. LAFARGUE, Op.cit., p. 110. La richesse théorique du paradigme de la « politique par la bas >> se rapportant à notre étude peut se lire à travers ces considérations de Daniel Bourmaud reprises par Amuri Misako: « Inaugurée avec le lancement de la revue politique africaine au détour des années 80, le thème de la « politique par le bas >> se propose de remettre la pyramide africaniste sur ses pieds. Elle s'inscrit en réaction contre le déterminisme dépendantiste et développementalisme (sic), tout en refusant les approches juridico-politiques telles qu'elles ont pu se manifester en France notamment durant les années 60 et 70. L'appellation « politique par le bas >> se veut une méthode d'analyse des sociétés africaines en même temps qu'une théorie sociale et politique >>.16 Ainsi, « les modes populaires d'action politique >> suggère au chercheur de quitter le sphère supérieure de gestion de la cité pour analyser le niveau inférieur de la structure sociale : « Il convient donc de déplacer la perspective classique concentrée autour de l'étude de l'Etat, au sens libéral de l'acceptation, et de ses capacités à réagir la société dans une relation univoque de dominants à dominés. Au contraire, le politique doit accorder une attention prioritaire aux mécanismes par lesquels les dominés manifestent leurs capacités d'innovation, de résistance et de contestation de l'ordre établi >>(17). Le paradigme de la « mobilisation des ressources >> est tout autant nécessaire pour cette étude dans la mesure où il nous permet à la suite de John Mac Carthy et Meyer Zald (conception économiste de la théorie de la mobilisation des ressurces) et Anthony Oberschall (conception politiste de la théorie de la mobilisation des ressources) de comprendre davantage notre objet d'étude. Pour la conception économiste, D. La Peyronnie souligne ce qui suit : « La création d'une action collective se comprend comme la rencontre entre les objectifs d'un entrepreneur ou d'un ensemble d'entrepreneurs et l'achat par des clients des produits de l'entreprise. Les entrepreneurs agissent en essayant de satisfaire au mieux les préférences des consommateurs, les incitants ainsi à acheter leurs produits. L'action collective se crée 16 F.D. AMURI MISAKO, Op.Cit., p. 17. 17 J. F. BAYART, Op. Cit., p.53. lorsque les objectifs d'une organisation rencontrent les préférences pour le changement d'un ensemble d'individus, transformant leur sympathie en participation. En faisant correspondre ses objectifs avec les intérêts du secteur qu'elle cherche à mobiliser, une organisation doit pouvoir convertir les sympathisants en militants »(18). Trois notions ressortent de cette conception à savoir : l'organisation de mouvement social, l'industrie de mouvement social et le secteur des mouvements sociaux. Quant à la conception d'Obers Chall- ce dernier étant considéré à juste titre comme le précurseur de cette théorie avec une empreinte politiste marquée par les présupposés olsoniens- elle met l'accent sur la structuration d'un mouvement social (liens internes solides) combinant la dimension verticale et la dimension horizontale ; l'organisation de la collectivité. Pour lui, la mobilisation consisterait à recruter les groupes d'acteurs organisés et actifs, et non pas à rassembler une masse inorganisée d'individus plus ou moins isolés. Du coup, la segmentation devient un facteur de mobilisation. Le paradigme de la « mobilisation des ressources » suggère le mode de raisonnement suivant : « L'approche en termes de mobilisation des ressources se focalise à la fois sur les supports et les contraintes sociétales des mouvements sociaux. Elle examine la variété des ressources qu'ils doivent mobiliser ; les liens entre les mouvements sociaux et les autres groupes, leur dépendance à l'égard de soutien et les tactiques 18 D. LAPEYRONNIE, « Mouvements sociaux et action politique : Existe-t-il une théorie de la mobilisation des ressources ? »in Revue française de Science Politique, Volume 29, n°4, 1988, pp.604- 605 cité par J. LAFARGUE, Op. Cit., p.96. utilisées par les autorités pour les contrôler ou les infiltrer >>(19). L'on retient de Douz McAdam, John McCarthy et Meyer Zald une synthèse présentée en ces termes : « Ce n'est qu'en combinant les préoccupations conceptuelles des anciennes et des nouvelles approches que l'on peut espérer atteindre une compréhension complète de la dynamique des mouvements (...) Selon nous, un travail complet sur les mouvements sociaux implique deux choses : d'abord, il faut prendre en compte les processus et les variables opérant aux niveaux macro et macro. Secundo, on doit éclairer les dynamiques expliquant la stabilité et le changement dans les mouvements déjà existant en même temps que les processus qui, initialement, donnent naissance à ces mouvements >> (20). S'agissent de l'approche psychosociale des mouvements de résistance, elle permet à l'analyse de ne pas passer sous silence les phénomènes de motivation, contagion, imitation qui sont déterminants dans la production et/ou la re-production des mouvements de résistance. Patrice Mann souligne ce qui suit à ce sujet : « L'interprétation psychosociale prend en compte le jeu de l'influence, le rôle des croyances, des attentes, des frustrations et des espérances des individus qui s'engagent dans les mouvements collectifs alors que le second courant met l'accent sur la rationalité des individus qui, alors qu'ils sont confrontés à une situation 19 J-D. MCCARTHY et M.-N ZALD cités par J. LAGROYE, Sociologie politique, Paris, Presse de la Fondation Nationale des Sciences Politiques et Dalloz, 1991, p. 300. 20 D. MCADAM, J-D. MCCARTHY et M.-N ZALD, « Social mouvement » cité par J. LAFARGUE, Op. Cit., p. 127. de choix, essaient d'atteindre leur but de la façon la plus efficace ou la moins coûteuse »(21). Tout autant riches et élaborés qu'ils soient, ces paradigmes ci-haut présentés trouvent indéniablement leur place ici pour autant qu'ils correspondent à l'objet sous analyse. En effet, l'étude des mouvements de résistance considérée comme mouvements sociaux se situe dans le champ de la sociologie de l'action. Leur présence analysable en termes de composition - re-composition - décomposition, structuration - restructuration - déstructuration, intégration - désintégration traduit évidemment l'expression d'une frustration, un conflit face à un pouvoir, à un environnement. Le but est certainement le contrôle au sein du système social national (RDC) ou local (Sud-Kivu) de l'historicité. Il faut reconnaître que parler du système social national ou local crée une confusion des frontières géographiques de notre investigation. Il n'est pas question d'élargir le champ d'étude mais plutôt de considérer les deux systèmes sociaux dans leurs relations systémiques constantes. Dans cette perspective, les mouvements de résistance sont perçus comme des acteurs historiques ayant leurs logiques. Ils sont également conscients de leur existence fonctionnelle porteurs des projets-rationnels ou nonvéhiculés à travers des idéologiques diverses dont les actions logiques et non logiques sont susceptibles d'induire des changements dans un processus dichotomique soutien-récupération/opposition-conflit. Face au pouvoir et autres acteurs de la société politique, les mouvements de résistance n'est pas une classe sociale contestataire. C'est plutôt un partenaire pour maîtriser les enjeux de la stabilisation et de l'occupation spatiale ainsi que de l'autorité. Faut-il rappeler que dans la théorie touranienne la conception déterministe de la classe sociale est fortement désagrégée sinon sans valeur heuristique. Fustigeant cette conception, Alain Touraine précise dans l'une de ses oeuvres récentes ce qui suit : « Cette place centrale occupée par l'idée de société, et la définition de celle-ci comme un système social doté de ses mécanismes de fonctionnement et de changement, a pour contrepartie, il faut le souligner, un rejet de toute analyse et de toute forme d'organisation sociale qui considère l'acteur autrement que par la place qu'il occupe dans la société »(22). Pour construire les idéologies et poser des actions, les mouvements de résistance mobilisent des ressources symboliques et matérielles issues des rationalités parfois contradictoires (fétichismes, vol, détournement, etc.). Les stratégies sont aussi diversifiées : consensus, coopération, intégration, violence. En partant des mouvements de résistance, il ressort nettement une prise en compte des modes populaires d'action politique. Des changements sociaux peuvent être perceptibles à partir de l'analyse des mouvements de résistance à l'intérieur desquels les acteurs individuels ont des motivations personnelles, subissent la contagion d'attitude ou de jeu d'influence, assurent la conduite du groupe (leader). Le schéma théorique qui guide notre étude se présente comme suit : 22 A. TOURAINE, Un nouveau paradigme pour comprendre le monde aujourd'hui, Paris, Fayard, 2005, p.93. Paradigme de Motivation Contagion Leadership John Mac Carthy Meyer Zald Anthony Obershall Jean-François Bayart Figure n°5 : Schéma du cadre théorique Mancur Olson
Ce schéma indique en synthèse le cadrage théorique de cette étude. Au centre, on trouve la sociologie de l'action soutenue par les apports des paradigmes de mobilisation des ressources, des modes populaires d'action politique, de l'action collective ainsi que l'approche psychosociale. Les flèches vers le centre indique une coopération tandis que celles verticales et horizontales expriment en même temps un continuum et une coopération entre toutes les théories mises en contribution. Les concepts opératoires de cette étude trouvent leurs significations à l'intérieur des paradigmes ci-haut élucidés. 1.2.2.2. Conceptualisation de l'étudeEn ce qui concerne les concepts clés qui forment le sujet de cette recherche, il faut souligner que l'occasion n'est pas indiquée pour superposer les définitions élaborées en sociologie, science politique ou philosophie. C'est plutôt une manière d'apporter un entendement précis se rapportant à cette recherche et inscrit dans le cheminement théorique choisi en vue de construire un cadre conceptuel opérationnel. Le concept de mouvement de résistance mérite une précision sémantique et conceptuelle. Nous aurions pu utiliser les termes « Mai-Mai », milices ou milices Mai-Mai(23). Mais celui de « Mouvement de résistance » nous semble une catégorie opérationnelle adaptée au concept de « mouvement social » que Alain Touraine définit comme suit : « Ne sont caractérisés comme véritables mouvements sociaux que ceux qui dépassent les simples 23 Dans son étude déjà citée plus haut, AMURI MISAKO emploie le concept milice pour désigner selon lui ce type des forces armées ou combattantes privées, comportant des empreintes ethniques/tribales marquées et prétendant exprimer leurs aspirations et revendications par l'action violente faute d'espace démocratique pour les modes conventionnels de participation politique.(p.20) Il y fait dériver le concept de « milicianisation » considérée comme la mise en relief de l'activisme des groupes interethniques ainsi que leurs actions se déployant dans le cadre des terroirs ou espaces locaux par rapport aux groupes politiques dominants qui sont en lutte et qui, par conséquent, tentent de les aligner pour leur donner une signification politique et leur assigner un rôle dans l'ordre institutionnel établi ou à établir. Aussi, il reprend la définition de milice proposée par Kate Mengher : « Les milices sont des instruments créés pour satisfaire des besoins sociaux, mais qui finissent par servir des causes totalement différentes dans la mesure où elles se retrouvent phagocytées par d'autres sociales (...) les milices doivent être perçues non pas comme le fruit des cultures perverses mais plutôt comme le produit des cadres institutionnels pervers ». revendications d'un groupe ou d'une classe pour mettre en cause la domination établie et viser le contrôle du développement >>(24). Ou encore : « L'action collective par laquelle un acteur de classe lutte pour la direction sociale de l'historicité >>(25). Située dans le prolongement tourainien mais globalisante et opérationnelle, l'appréhension de François Chazel semble rejoindre notre propre considération. Elle entend par mouvement social : « Une entreprise collective de protestation et de contestation, visant à imposer des changements d'une importance variable dans la structure sociale et/ou politique par le recours fréquent, mais pas nécessairement exhaustif, à des moyens non institutionnalisés >> (26). Dans cette étude, les mouvements de résistance sont des entreprises collectives sous forme des groupes sociaux intégrées ou non créés au sein des communautés pour s'opposer voir empêcher un ordre socio-politique existant à un moment donné en utilisant des moyens non institutionnels. En effet, ils sont des entreprises collectives car relevant de l'action collective. Entant que groupes sociaux, ils sont le produit des communautés mais dont l'intégration peut ne pas être acquise définitivement. Ils sont des acteurs collectifs porteurs des projets, rationalités propres et idéologies. A leur sein, les motivations et inspirations individuelles s'agrègent et se désagrègent par le jeu des statuts et rôles sociaux pouvant conduire à des contradictions internes. Comme acteurs, ils mobilisent des ressources diversifiées - rationnelles ou 24 A. TOURAINE, Cité par J. ETIENNE et Alii ; Op. Cit., p.284. 25 Ibidem, p.287. 26Ibidem, p.285. non - qui soutiennent leurs actions protestataires à l'endroit de la société politique. Par ces considérations, nous pensons avoir donné un élargissement conceptuel à la notion de mouvement social de conception tourainienne dans la mesure où elle s'étend sur un nouveau contexte socio-historique et tient compte d'un processus d'intégration de l'acteur pour l'efficacité des actions sociales. Ainsi conçus, les mouvements de résistance obéissent aux valeurs téléonomiques (27) et aux principes (28) de tout mouvement social. 1.2.2.3. Culture politiqueLes études les plus citées sur cette catégorie herméneutique de la sociologie politique sont celles de Gabriel Almond et Sidney Verba dans leur célèbre ouvrage The Civic Culture Revisited (1980). Selon eux, une culture politique est « un ensemble de savoirs, de perceptions, d'évaluations, d'attitudes et de dispositions qui permettent aux citoyens d'ordonner et d'interpréter les institutions et processus politiques ainsi que leurs propres relations avec les institutions et processus ».(29) Rapprochée de la précédente, la définition retenue par Philippe Braud souligne ce qui suit : « La culture politique est constituée d'un ensemble de connaissances et de croyances permettant aux individus de donner sens à l'expérience routinière de leurs rapports au pouvoir qui le gouverne, et aux groupes qui leur servent de références identitaires ». 27 Pour D. La Peyronnie cité par Jérôme Lafargue, plus haut cité (p.102), « l'objectif d'un mouvement social est de favoriser la promotion des intérits d'un groupe, c'est-à-dire sa participation sociale ou économique par le moyen d'une augmentation de sa participation politique. Un mouvement social est la conjonction d'une action politique menée par une élite qui vise le pouvoir et de la mobilisation des intérits d'un groupe social à travers une action collective ». 28 A en croire Touraine, Tout mouvement social se constitue à partir de trois éléments : la définition du groupe revendicateur (principe d'identité), l'indentification de l'adversaire (principe d'opposition), l'élaboration d'un projet social ou politique alternatif (Principe de totalité). 29 G. ALMOND et S. VERBA, The Civic culture Revisited, Boston, Little Brown, 1980, p.340. En accord avec Widvsky, Braud retient un triple rôle de la culture politique : meaning function (dégager des catégories qui fassent sens, notamment sur le plan identitaire) ; responsability function (poser des normes qui délimitent le niveau de responsabilité des individus dans leurs comportements), Bovandery maintenance function (identifier les modes de comportements inacceptables, les Ways of life exclus par le groupe). Par ailleurs, Braud relève trois groupes d'approches de la culture politique : les approches anthropologiques, les approches sociohistoriques et les approches néo-institutionnalistes. Les premières ont valorisé les enquêtes empiriques et établissent une typologie de culture politique fondée sur les valeurs et les représentations. C'est la culture politique parochiale (Almond, Verba, Nye). Les deuxièmes représentées par Max Weber, recherchent les modes de légitimation du pouvoir. Cette dernière s'obtient soit par la cérémonie du sacré soit par le suffrage universel identifiant ainsi une culture politique donnée (sociologie historique élaborée par Bertrand Badie). Les troisièmes enfin, représentées par Alfred Schütz, Peter Berger et Thomas Luckmann se fondent sur la notion d'institution en tant qu'elle renferme non seulement les normes formelles mais aussi le système de symboles, les schèmes cognitifs et modèles moraux. Cette approche, dit Braud, associe intimement les phénomènes purement culturels avec des phénomènes politiques et juridiques de pouvoir. Selon Peter Berger et Thomas Luckmann(30), les processus d'institutionnalisation s'effectuent en trois phases successives : « la typification réciproque » d'action habituelles par les acteurs, l'intériorisation des catégories comme fait extérieur et contraignant, la légitimation par les rôles assumés par les individus. Ce regard néo-institutionnel sera pris en compte dans ce travail sans nier la richesse de deux autres approches. Cependant, il est possible de dépasser l'orientation fonctionnaliste consacrée de la culture politique en valorisant le jeu des acteurs historiques qui non seulement tentent de s'y conformer mais aussi la remettent en question par des voies protestataires et/ou institutionnelles en vue de transformer les structures politiques, sociales ou économiques. N'est-ce pas là une tentative nébuleuse d'élargissement actionniste du concept de culture politique. 1.2.2.3. Fondement idéologique- Définir l'idéologie Ce concept a connu une dédale sémantique à la base de plusieurs discussions entre Ecoles. Plus simplement, une idéologie est une représentation du monde réel. L'un des théoriciens modernes de l'idéologie reste Karl Mannheim.(31) Jean Etienne et ses compagnies reprennent de manière admirable les considérations en ces termes : « C'est à Karl Mannhein que revient le mérite d'avoir clarifié les différents usages sémantiques du mot idéologie en les regroupant en deux grands types de définition : dans son sens évaluatif, l'idéologie est assimilée à l'erreur, au mensonge politique ; dans son sens général, le processus d'idéologisation est lié à toute forme d'engagement politique qui incline à ne voir le réel que d'un point de vue particulier, en fonction d'une seule perspective. En ce sens, toutes les classes sociales, y compris le prolétariat, ont une idéologie » (32). 31 Son apport élaboré sur l'idéologie est contenu dans l'oeuvre intitulée Idéologie et utopie, Paris, Ed. de la Maison des Sciences de l'homme, 2006. 32 J. ETIENNE, Op. Cit., p.239. L'idéologie a une dimension représentative et une dimension axiologique. En effet, l'idéologie fournit une interprétation de la réalité sociale, elle est un élément dynamique de la société, elle offre une autojustification à un groupe social, une représentation de soi qui définit la place et le rôle joué par l'individu ou le groupe social. - Fondements idéologiques L'interprétation ou l'explication des fondements idéologiques des mouvements de résistance n'est pas l'histoire des idées politiques de ces groupes sociaux. Olivier Nay note que : « L'histoire de la pensée politique permet en effet de comprendre comment les individus et les groupes produisent des registres d'intelligibilité pour penser le monde social, son organisation, son fonctionnement et sa légitimité » (33). Dans le cadre de cette étude, les fondements idéologiques signifient les éléments structurels et les rationalités qui constituent la base, le soubassement symbolique et matériel des idéologies véhiculées par les mouvements de résistance. 1.2.2.4. Actions protestatairesPour notre étude, les définitions de l'action sociale proposées par Guy Rocher(34) s'avèrent inopérantes car teintées des considérations déterministes lesquelles s'écartent sans réserve de celles d'Alain Touraine dans l'analyse du social. Malheureusement, ce dernier n'en donne pas une définition globalisante. Toutefois, il note à ce propos ce qui suit : « D'un coté, l'action ne peut se définir seulement comme réponse à une situation sociale ; elle est avant 33 O. NAY, Histoire des idées politiques, Paris, Armand Colin, 2007, p.5. 34 G. ROCHER, Introduction à la Sociologie Générale L'action sociale, tome 2, Paris, Ed. HMH, 1968, pp.25- 30. tout création, innovation, attribution de sens ; un mouvement social réel crée des conflits, des institutions, des rapports sociaux nouveaux, (...) De l'autre, l'action ne peut pas davantage être conçue comme l'expression d'un mouvement de l'histoire » (35). Les actions protestataires sont des comportements rationnels ou non observables auprès des mouvements de résistance entant qu'acteur intégré dans « un système d'action histoire » (36). 35 A. TOURAINE, Sociologie de l'action, Essai sur la Société Industrielle, Nouvelle édition, Ed. du Seuil, 1965, pp. 16-17. 36 Expression chère à Alain Touraine pour désigner des rapports sociaux, en particulier de domination, à travers lesquels l'historicité est mise en oeuvre. 43 Figure n°6: Cadre conceptuel de l'étude Environnement Culture politique Motivation Objectif Structures sociales, politiques et économiques Mouvements de Stratégies 1.2.2. Aspects méthodologiques de l'étude Ce paragraphe expose la manière dont nous avons procédé pour récolter les informations sur le terrain et les analyser. Il précise les moyens méthodologiques utilisés. Soulignons de prime abord que la méthodologie est selon une formulation claire de Maurice Angers : « Ensemble des méthodes et des techniques qui orientent l'élaboration d'une recherche et qui guident la démarche scientifique >>.(37) Et Raymond Quivy et Luc Van Campenhoudt d'affirmer ceci : « Il importe avant tout que le chercheur soit capable de concevoir et de mettre en oeuvre un dispositif d'élucidation du réel, c'est-à-dire, dans son sens le plus large, une méthode de travail. Celle-ci ne se présentera jamais comme une simple addition de techniques qu'il s'agirait d'appliquer telles quelles mais bien comme une démarche globale de l'esprit qui demande à être réinventée pour chaque travail >>(38). 1.2.3.1. Phases de la rechercheNotre recherche a connu quatre moments clés, à savoir : la documentation, les pré-enquêtes, les enquêtes proprement dites, l'analyse des données et la rédaction. - Documentation Après une formulation provisoire de notre sujet d'étude qui, avouons-le, a connu plusieurs modifications avant la version finale, nous avons consulté plusieurs ouvrages, articles pour essayer de comprendre la thématique à aborder et élaborer des conjectures théoriques. Cet exercice de lecture 37 M. ANGERS, Initiation pratique à la méthodologie des sciences humaines, Anjou, Centre éducatif et culturel, 1992, p.353. 38R. QUIVY et L. V. CAMPENHOUDT, Manuel de recherche en Sciences sociales, 2e éd. Paris, Dunod, 1995, pp.3-4. pour la recherche a commencé aussitôt qu'il nous a été demandé de formuler un sujet de mémoire de DES et un sujet provisoire de thèse, et s'est poursuivi jusqu'à la rédaction finale de résultat de notre recherche. - Pré-enquêtes Ce stade a consisté en des interviews semi-structurées auprès de quelques anciens Mai-Mai intégrés ou démobilisés et certains chefs coutumiers. Les pré-enquêtes se sont déroulées dans certains milieux jugés accessibles ou sécurisés principalement dans la ville de Bukavu, la cité d'Uvira et le Territoire de Kabare. Ces pré-enquêtes nous ont permis de formuler les hypothèses empiriques et d'explorer tant soit peu le terrain de recherche. - Enquêtes proprement dites C'est le stade de collecte des données sur le terrain. Pour ce faire, nous nous sommes rendu dans tous les territoires de la province du Sud-Kivu et la ville de Bukavu pour rencontrer des sujets sélectionnés rigoureusement et parfois accidentellement en vue de nous fournir les informations. Les catégories sociales choisies sont les autorités coutumières, les combattants Mai-mai et ex-combattants Mai-mai, les chefs de groupes armés nationaux, les autorités politico-administratives, les acteurs de la société civile. Nous avons ainsi observé les phénomènes sous analyse dans leur manifestation (Camp de transit, activités économiques, effets de la guerre, etc.) et recueilli des témoignages et opinions des personnesressources triées dans les catégories sociales ci-haut énumérées. Ces enquêtes se sont déroulées entre Juin 2008 - Juillet 2009. Nos fiches d'enquêtes, à savoir le protocole d'interview et la grille d'observation fournissent les renseignements suivants : - Bukavu : presque toute la période d'enquête - Territoire de Mwenga : Juin 2009 - Territoire de Fizi : Juillet 2009 - Territoire de Shabunda : Août 2009 - Territoire de Kabare : Novembre 2009 - Territoire de Walungu : Novembre 2009 - Territoire de Kalehe : Février 2009 - Territoire d'Uvira : Juin 2009 Le territoire d'Idjwi n'a pas été pris en compte car le phénomène de mouvement de résistance ne s'y était pas manifesté. Nous avons passé en moyenne 4-5 jours par Territoire. - Analyse des données Les données récoltées sur le terrain ont été analysées grâce aux méthodes quantitatives et qualitatives. La combinaison de ces deux types de méthodes est liée à la nécessité pour une recherche de rendre compte de la complexité du social qui a des dimensions à la fois quantifiables, qualifiables voire objectivables. Cependant, il faut reconnaître que les méthodes quantitatives telle la méthode statistique n'a servi qu'au traitement des données et peut, à ce titre, être considérée comme une technique car n'ayant pas conduit à des données approfondies d'explication des faits. La prégnance des méthodes qualitatives est liée à la nature des faits étudiés. Grâce à ce type des moyens nous avons pu construire les variables et leurs indicateurs, les types-idéaux ; déterminer les homologies ; dégager les relations entre les variables ; construire des typologies ; interpréter et expliquer le rapport entre les mouvements de résistance et la culture politique par une analyse interactionniste. S'agissant de la complémentarité entre les méthodes qualitatives et celles quantitatives, l'on retient de Madeleine Grawitz les propos suivants : « En fait, la plupart des savants et chercheurs en sciences sociales admettent qu'il n'y a pas une seule technique, un seul moyen utilisable dans toutes les sciences sociales. Ils reconnaissent qu'il n'y a pas oppositions entre qualitatif et quantitatif, mais un continuum allant de la recherche qualitative systématisée jusqu'à des formes plus rigoureuses »(39). - Redaction C'est le dernier moment de notre recherche par lequel nous avons rédigé sous le format exigé notre mémoire contenant les résultats de l'investigation scientifique. Le travail présenté est, de ce fait, un moyen de communication rédigé selon les règles d'élaboration d'un travail scientifique rédactionnel. 1.2.3.2. Techniques d'investigation utiliséesLa collecte des données en bibliothèque comme sur le terrain a été réalisée par l'usage des outils méthodologiques suivants : la technique documentaire, l'interview semi-directive, le focus group et l'observation directe, la technique d'échantillonnage. Par la technique documentaire, nous avons d'abord identifié et sélectionné des documents (herméneutique), ensuite procédé à leur lecture systématisée, enfin dégagé des synthèses sur des fiches de lecture (heuristique). Ainsi, nous avons lu un nombre considérable d'ouvrages, d'articles, de dictionnaires spécialisés, de thèses de doctorat, des 39 M. GRAWITZ, Méthodes des Sciences sociales, 11e éd., Paris, Dalloz, 2001, pp.374-375. mémoires de D.E.S. et de licence, de T.F.C. sans oublier différent sites Internet grâce au moteur de recherche Google ( www.google.com). Les interviews semi-directives ont consisté à des échanges verbaux avec les enquêtés dans des conditions requises moyennant leur accord préalable. Un protocole d'enquête contenant des questions généralement ouvertes nous a permis d'obtenir des informations nécessaires. Pendant le processus d'entretien, l'accent a été mis sur les données qualitatives. Chaque interview durait en moyenne de 60 ou 70 minutes par enquêté. Dans les territoires d'Uvira, Shabunda, Mwenga et Fizi, nous étions accompagnés par des interprètes pour faciliter la communication. Dans le même ordre d'idées, nous avons organisé cinq focus group pour obtenir certaines informations et vérifier d'autres déjà recueillies. Ci-dessous, le tableau de focus group. Tableau n°2 : Le focus group par entité et catégorie
L'observation a été menée sur base d'une grille d'observation. Les faits suivants ont été soumis à une observation systématique : les centres de transit, le niveau de vie, le milieu de vie, les activités économiques, les structures, les conséquences matérielles des guerres, etc. L'univers d'enquête étant vaste, nous avons prélevé un échantillon par l'échantillonnage à choix raisonné. Un total de 124 sujets ont été soumis à l'interview dont 27 autorités coutumières et 7 notables. En plus, nous avons eu des entretiens avec 14 personnes ressources de certains mouvements de résistance dits « groupes armés » dont 11 retenus par le Programme Amani, 2 anciens groupes armés intégrés dans les Forces Armées de la République Démocratique du Congo et 1 groupe armé opérationnel dans les hauts plateaux de Minembwe (FRF). Enfin, nous avons échangé soit individuellement soit en groupe avec 76 ex-éléments des mouvements de résistance dont 36 étaient effectivement démobilisés, 24 en processus de démobilisation et 16 intégrés dans l'armée régulière. Pour la catégorie des ex-combattants Mai Mai, nous avons utilisé l'échantillonnage en boule de neige. La distribution par sexe est extrêmement faible. En effet, 11 femmes ex-combattantes seulement ont été interrogées sur un échantillon de 124 individus (soit 8,8%) répartis comme suit : Tableau n°3 : Répartition des enquêtés par catégories
Il ressort de ce tableau que le nombre des excombattants est élevé (59,4%) alors que celui des autorités coutumières et assimilés (chefs coutumiers, chefs de groupements, notables) et de mouvements de résistance sont inférieurs avec respectivement 27,9% et 12,6%. Une telle répartition se justifie par un nombre élevé des excombattants, la prise en compte des personnes-ressources dans les enquêtes pour les 2 dernières catégories. Tableau n° 4: Distribution fréquentielle des
enquêtes par
Ce tableau indique que la population d'enquête est formée par un nombre considérable des ex-combattants mai-mai( 61,2%) suivi successivement des chefs de mouvements de résistance ( 11,2%), des autorités coutumières ( 11,2% et 10,4%), des notables et acteurs de la société civile ( 5,6%). La répartition par sexe est trop faible, 8,8% de femmes contre 92,2% d'hommes. En fait la présence des femmes dans les mouvements de résistance est insuffisante. Quant au traitement des données, il a été facilité par l'analyse du contenu qualitatif et l'analyse statistique. Ainsi, non seulement nous avons cherché à comprendre les significations des déclarations de nos enquêtés, mais aussi nous avons prélevé des fréquences, pourcentages pour des variables quantifiables. 1.2.3.3. La méthode d'analysePour analyser les données recueillies, nous avons fait recours à la méthode de l'histoire immédiate représentée par Benoît Verhaegen. Le choix de cette méthode a été dicté par la nature de l'objet d'étude dans le but de dégager les contradictions dont recèlent les idéologies et actions protestataires des mouvements de résistance. Ainsi, nous avons analysé aux fins interprétatives et explicatives les informations fournies par les témoins privilégiés ou sujets historiques (personnes ressources sélectionnées) dans une approche à la fois diachronique et synchronique. Comme cela se dégage, des techniques choisies sont intégrées dans l'application de la méthode de l'histoire immédiate. Benoît Verhaegen note ce qui suit à propos de la méthode : « La méthode (au singulier) est l'ensemble des règles et des principes qu'organisent le mouvement d'ensemble de la connaissance, c'est-à-dire les relations entre l'objet de recherche et le chercheur, entre les informations concrètes rassemblées à l'aide des techniques et le niveau de la théorie et des concepts »(40). Le contexte de crise a été certainement caractérisé par des contradictions qu'il importe de mettre à jour. Les sujets historiques qui y participent sont porteurs des projets que leurs témoignages peuvent révéler à un procès de connaissance. Leurs pensées et pratiques sont une participation aux enjeux sociopolitiques. Ce mode de raisonnement suggéré par la méthode d'histoire immédiate a guidé nos opérations intellectuelles dans le but d'apporter une explication systématique et intelligible au phénomène analysé. M. Nday Wa Mande souligne ce qui suit à propos des conditions pour appliquer la méthode d'histoire immédiate : - une situation de crise : c'est le moment où les contradictions d'une société deviennent virulentes, intolérables, et où les luttes politiques commencent à prendre les pas sur les autres formes de changements sociaux ; - il faut que les acteurs sociaux concernés par ces contradictions prennent conscience de leurs conditions, des enjeux politiques et s'engagent dans ses pratiques transformatrices révolutionnaires ; - il faut que le chercheur repère les acteurs sociaux, observe leurs pratiques, les écoute et, si possible, instaure un dialogue avec eux41 40 VERHAEGEN, « Méthode et techniques. Pour une approche dialectique de leurs relations » in Analyses Sociales, Vol. I, numéro 2, Mars #177; Avril 1984, pp. 50-51. 41 MASCOTSH NDAY WA MANDA, Memento des méthodes de recherche en sciences sociales et humaines, Likasi, Editions Zoe-créativité, 2006, p.58. CONCLUSIONA l'instar de toute recherche en sciences sociales, cette étude a été menée dans une société particulière, la Province du Sud-kivu. Sans être isolée du système national, cette province possède des spécificités qui justifient les contradictions dans les pratiques des sujets historiques ou acteurs sociaux. Un cadre théorique et conceptuel soutenu par une méthodologie approprié ont permis de fournir une explication du phénomène étudié. 54
|
1ère |
2e |
3e |
4e |
5e |
|||||||||
BG |
BG |
BG |
BG |
BG |
|||||||||
7e |
8e |
9e |
10e |
11e |
12e |
||||||||
BG |
BG |
BG |
BG |
BG |
BG |
S4
S1
Légende :
- AUDI MIL : Auditorat Militaire - Bg : Brigades bataillon
- DSS : Direction des Services de Santé
- DTR : Direction de transmission
- EMS : Etat Major Spécial - QG : Quartier Général
- SRT GEN : Secrétariat Général
- T1 : Chef du personnel
- T2 : Service de renseignement
- T3 : Service cargé des opérations
militaires
- T4 : Service chargé de la logistique
- T5 : Service des relations publiques et
questions politiques
Source : Syllabus (sic.) du major Wenemubi K. Araffat cité par WAKILONGO WAUBENGA, Op. Cit., p. 23.
S2
S3
S5
COMPAGNIE
PELETON
SECTION
BATAILLON
Figure n° 8 : Organigramme de l'opération Sud-Kivu /Fizi
Chef d'état Major
Services Spécialisés
Information
Santé
Secrétaire général
Bureaux
Brigades
Bataillons
Bureau 3 T3
Bureau 5 T5
Bureau 1 T1
Bureau 2 T2
Bureau 4T4
Source : Nous détenons l'information du mémoire de licence de
Monsieur Asa Wilondja (p.29) intitulé Militarisation participation politique des Bembe en Territoire de Fizi au Sud- Kivu 2007-2008
3° Ressources et stratégies
sont de trois types : les ressources matérielles, les ressources financières et les ressources symboliques et les ressources humaines.
- Ressources matérielles
Les bases militaires "de tous les mouvement résistance se trouvaient dans les milieux ruraux dépourvus en infrastructures. Par conséquent ils ne disposaient pas des immeubles importants sinon de maisons de fortune en paille ou herbes mortes et parfais des tentes d'abri. Cependant, la logistique militaire, étaient régulièrement approvisionnée. Tous les anciens mai-mai et chefs de mouvement interrogés citent 3 sources principales de l'équipement militaire : récupération des armes abandonnées par l'ennemi, l'approvisionnement par le gouvernement et les dons.63 L'armement lourd n'a pas été utilisé. Ainsi, on pourrait trouver les effets suivants : Boats, vivres, produits pharmaceutiques, armes (lance roquette, mortier, mip 50, M16, canon, MAA, Mag, Fallon, Fal, FM Karachi, R4, G3, etc).
- Ressources humaines
Les mouvements de résistance ont utilisé un nombre considérable de personnes. Celles-ci peuvent être reparties en trois catégories : personnel politique et personnel d'appoint et personnel militaire. Ce dernier est le plus important dans tout mouvement de résistance. Il est formé des cadres de commandement (officiers et sous officiers) et des hommes de troupe. Quant au personnel politique, il est formé des cadres politiques recrutés à la suite des événements de négociation comme souligné plus haut généralement, ces cadres ne restant pas en brousse avec les militaires. Ils résident en ville où ils opèrent clandestinement sous forme d'agents de liaison. Enfin, le
63 Ce soutien du Gouvernement se faisait pendant l'occupation de la province par la rébellion menée par de R.D.C. Les mai-mai étaient utilisés pour déstabiliser le R.C.D., et l'emprcher d'occuper plusieurs entités.
personnel de soutien est formé des gens qui participent indirectement aux activités militaires par des taches diverses : ce sont les porteurs pour le déplacement des armes, les féticheurs dits « docteurs », les cuisiniers, etc.
Le mode de recrutement des militaires et assimilés est à la fois volontaire et forcé. Les jeunes (adultes et enfants) voire les vieux sont intégrés soit volontairement soit par contrainte. Les effectifs déclarés par des mouvements de résistance font état de 81.810 hommes en activité militaire tel qu'indiqué que dans le tableau ci - dessous.
Tableau N° 5 : Effectifs des militaires des mouvements de
résistance au Sud-Kivu.
N° |
MOUVEMENT DE RESISTANCE |
EFFECTIFS |
% |
1 |
Mai-Mai Mahoro |
1.600 |
1, 95 |
2 |
Mai-Mai Kapopo |
800 |
0,97 |
3 |
Pareco/S-K |
4.500 |
5,50 |
4 |
Mai-Mai Ny'ikiriba |
1.625 |
1,98 |
5 |
Mai-Mai Shikito |
1.800 |
2,20 |
6 |
Mai-Mai shabunda |
2.500 |
3,05 |
7 |
Mai-Mai Mudundu 40 |
6.200 |
7,57 |
8 |
Mai-Mai Zabuloni |
13.250 |
16,19 |
9 |
Mai-Mai Yakatumba |
8.000 |
9,77 |
10 |
Mai-Mai kirikicho |
9.000 |
11,00 |
11 |
Mai-Mai Simba/MRS |
32.535 |
39,68 |
TOTAL |
81.810 |
100 |
Source : PROGRAMME AMANI/SUD-KIVU, Plan de mise en oeuvre pour le désengagement 2009, pp. 4-11.
- Ressources financières
Le financement des mouvements de résistance n'est pas organisé. Les moyens financiers proviennent principalement des dons, prélèvement (taxes) sur les populations, exploitation des minerais et parfois des appuis de l'Etat. Ils ne disposent pas des fonds considérables susceptibles de répondre aux multiples exigences d'un mouvement armé, notamment le payement des militaires, les voyages, l'achat des armes, etc. Aucun mouvement des résistances au Sud-Kivu ne dispose d'un compte bancaire ou d'un circuit de financement clair, et stable.
Quant aux stratégies, nous avons relevé la formation
militaire, les correspondances et moyens médiatiques, l'accommodation aux cultures locales, la contrainte.
- Formation militaire.
Tous les mouvements de résistance étudiée ont assuré à leurs combattants des enseignements et entrainements militaires. Ceux-ci visaient à leur donner des capacités nécessaires aux opérations de guerres ou combats mais aussi quelques aspects de la discipline militaire.
- Correspondances et moyens médiatiques
L'écrit comme les medias ont permis aux mouvements de résistances d'entretenir des relations entre eux et avec les autres organisations d'un côté, et sensibiliser les autres catégories sociales à se joindre à leur lutte. Ainsi les échanges des lettres ont eu lieu entre les mouvements de résistance ; des messages écrits, tracts ont été véhiculés dans les populations sous forme d'alerte ou d'interpellation comme le prouvent les correspondances ci - dessous.
S'agissant des moyens médiatiques, non seulement certaines mouvements de résistances exprimaient leurs points de vue sur des chaines de radio nationales (Radio Maendeleo) et internationales ( BBC, RFI) mais aussi ils ont crée occasionnellement un émetteur radio pour annoncer les attaques.
- L'accommodation aux cultures locales
Nombres de mouvement de résistance au Sud-Kivu sont en réalité l'émanation des communautés paysannes ou villageoises qui, confrontées aux situations d'insécurité permanente, le considèrent comme un moyen d'autodéfense. Nous pouvons ranger dans cette catégorie les mouvements de résistance suivant : Mai-mai mahoro (mwenga), Mai-mai NY'iKiriba (Uvira), Mai-mai shikito (mwenga), Mai-mai Mudundu 40 (Walungu), Mai- mai Zabuloni (Uvira ), Mai-Mai yakutumba (Fizi), Raia mutamboki
(Shabunda) . Les entretiens avec les autorités coutumières de ces contrées révèlent que ces celles -ci ont soit participé à la création desdits mouvements de résistance soit contribuer substantiellement par des moyens divers (hommes de troupe, mécanisme, superstition pour l'invulnérabilité, nourriture, etc.).
- La contrainte
Tous les mouvements de résistance n'ont pas reçu un accueil favorable dans les zones contrôlées. Deux facteurs peuvent expliquer cela : l'extension désordonnée dans plusieurs régions et les exactions contre les populations. En effet, à l'exception de Mai-mai Raia Mutomboki, tous les autres groupes armés ont occupé plusieurs zones en dehors de
leurs fiefs. Les sociétés rurales, généralement « homogènes », ont
opposé une résistance à leur présence. Par ailleurs, les exactions
commises sur les populations rurales ont entrainé le rejet social de certains mouvements de résistance. Par conséquent, pour imposer leur présence dans les sociétés rurales, les mouvements de résistance ont utilisé la contrainte matérialisée par des arrestations, l'anéantissement
des autorités administratives et coutumiers, la déportation des enfants et surtout des filles, etc.
Les mouvements de résistance au Sud-Kivu ont imposé leur pouvoir sur des communautés rurales.
Du point de vue de l'occupation politique, le mouvement de résistance ont exercé deux formes de pouvoir dans le milieu occupés :le pouvoir politico-administratif et le pouvoir militaire. En général, on peut noter une incohérence dans la gestion politique et administrative des entités contrôlées. A Mwenga, Shabunda, kabare et Walungu, les mouvements de résistance collaboraient avec les autorités politicoadministratives nommées par le pouvoir légal (les Administrateurs de territoire ou les chefs de poste d'encadrement). Ailleurs, ils les avaient écartés en instaurant une administration parallèle. C'est le cas de kalehe (Bunyakiri) et Fizi. Toutefois ils convient de préciser que les mouvements de résistance n'ont pas instauré une administration permanente. L'administration territoriale était quasiment inexistante.
Il convient de relever que l'administration coutumière a été plus valorisée par rapport à la bureaucratie moderne. En plus, il s'observe l'importante accordée à l'organisation militaire.
Du point de vue de l'occupation géographique, les mouvements de résistance ont occupé plusieurs zones ou entités dans les milieux ruraux. Tous les Territoires de la province du sud - Kivu ont connu le phénomène mai-mai à l'exception du Territoire d'Idjwi (64).
Tableau n°6 : Occupation géographique de Mouvements de résistance
64 Le Territoire d'Idjwi est une grande île située dans le lac Kivu. Cette île a deux Chefferies. Elle a une superficie de 281Km2. Cette absence de mouvement de résistance pourrait s'expliquer notamment par sa situation géographique moins favorable aux opérations militaires et sa proximité avec le Rwanda, considéré comme le pays ennemi.
NOMS DE MOUVEMENTS DE RESISTANCE |
ENTITES OCCUPEES( villages, localités) |
MAI-MAI MAHORO |
MWENGA, LWINDI, BURHINYI, LUHINJA, KALUNDU, MUHUZI, KASOLO, KIZUKA, LUBUNGA, KASIKA, RUBARIKA. |
MAI-MAI KAPOPO |
BATENDE, MAHEKA, MUGUNDA, BIRIMBA, MULA, LUBUMBA, MIKI, KITOKO, KALINGI, NGOMIANO, KITIBINGI, MUBUTI, BYONGA, MULUMBOZI, KALUNDU, KAZIBA, KIPUPU |
PARECO SUD- KIVU |
CHAMBOMBO, SHANJE, LUMBISHI, NYAMUGALE, NUMBI, KALOBA, KARHANGO, KAVUMU, RWANGARA, |
MAI-MAI NYIKIRIBA |
KALAMBI, KIGOGO, BURHINYI, KAMANYOLA, KALUNGA, BWIGALA, LUBAHIKA, KATOGOTA, LUVUNGI, |
MAI-MAI SHIKITO |
BARUNGOLO, LUGUSHWA, KAKEMENGE, BYONGA, BUGUMBU, NYAMIBUNGU, KALAMBI, BUTETEKELE, KAMBULUMBULU, KABIKOKOLE, MBOKO, MUKUNGWE, KAGONGO, SANGE, LUVUNGI, LUBARIKA, KAUNGA, NKUVU, BULEGEYI, BUSHAKE, KATOGOTA, MITIMBI. |
MAI-MAI SHABUNDA |
PANZI, KAMPENE, KAILO, KASESE PUNIA, KAYUYU , KALIMA, LUYUYU, |
KALUNGE, MWENGA, MULUNGU, NZOVU, MATILI, LULINGU, MATIMU, KAZOZOLA, LUGUNGU, KALONGE, |
|
MAIMAI MUDUNDO 40 |
MUSHINGA, NGWESHE, KAZIBA, LUWINDJA, BURHINYI, MWENGA, WALIKALE, FIZI, KALONGE, UVIRA , |
MAIMAI ZABULONI |
MIRHIMBA, ITOMBWE, NGANDJI, MASONGA, RUBUGA, SANGE, LUVUNGI, LEMERA, KANVIVIRA, KILIBA, MAKOBOLA, |
MAIMAI YAKOTUMBA |
NGABO, MBAVU, KAZIMIA, FIZI, MIRIMBA, MUNDA, MANIEMA, MBOKO |
MAI-MAI KIRIKICHO |
CHIRAMBO, BIRIKO, TUSHUNGUTI, TUONANE, W/C, KATALE/BUSHUGU. |
SIMBA MAI-MAI |
KABARE, MITI, MUNGANGANE, KAJEJE, KATANA, KAVUMU, TCHIFI, NYAMUKUBI, KALONGE, BIGIZI, BITALE, BULAMBIKA, KAMBEKETI, HOMBO, NINJA, KASHENYI, KASIMBA, IHEMBE, WALUNGU |
RAIYA MUTOMBOKI |
SHABUNDA |
MAI-MAI BUNYAKIRI |
BUNYAKIRI, KALEHE, KABARE, WALUNGU, SHABUNDA |
Source : PROGRAMME AMANI/SUD-KIVU, Plan de mise en oeuvre pour le désengagement 2009, pp. 4-11.
Figure n°8: Présence des mouvements de résistance dans les collectivités de la la province du Sud-Kivu
Le tableau et la figure ci-dessus indiquent clairement que c'est presque toute la Province du Sud-Kivu (particulièrement les milieux ruraux) qui a connu le phénomène de mouvement de résistance. Dans ces entités (territoire, collectivité, localité, village ou groupement) on peut trouver la présence pacifique ou conflictuelle de deux ou plusieurs mouvements de résistance. Cependant, l'on ne peut affirmer une occupation politique ou géopolitique effective dans toutes ces zones. L'existence de quelques éléments dans une zone déterminée se déclarant d'un mouvement de résistance donnée, et obéissant aux ordres d'un leader suppose une effectivité sans que celle-ci donne lieu nécessairement à une administration politique. Tout au moins, il y a évidemment des activités militaires.
Les mouvements de résistance au Sud-Kivu ont évolué. Ils tirent leur origine à la fois du contexte historique et conjoncturel marqué par les conflits à caractère politique et/ou ethnique. En fait, leur existence semble avoir été influencée par les crises sociales (conflits entre groupes ethniques) et les crises politiques (guerres entre la R.D.C. (ex Zaïre) et le Rwanda, rebellions internes : A.F.D.L. et R.C.D.) ainsi que l'incapacité de l'Etat congolais à garantir l'intérêt général et l'autorité de l'Etat.
Ces mouvements de résistance ont exercé leur pouvoir politique et militaire dans plusieurs zones ou entités de la province du Sud-Kivu grâce à diverses ressources matérielles, humaines, financières et symboliques appuyées par des stratégies.
Ce chapitre met l'accent sur les éléments qui fondent les idéologies des mouvements de résistance ainsi que les actions qui les accompagnent. Il s'agit de l'analyse des idées qui justifient l'existence du phénomène mouvement de résistance en tant survivance culturelle et phénomène nouveau d'une part, et de l'examen critique des actions posées par lesdits mouvements de résistance en terme de contestation, revendication ou opposition, d'autre part.
Ce faisant, la première section va s'appesantir sur les fondements idéologiques tandis que la seconde évalue les actions protestataires des mouvements de résistance sous analyse dans la présente étude.
Trois axes peuvent définir les fondements idéologiques des mouvements de résistance : l'axe philosophico-psychologique, l'axe politico-historique et l'axe anthropo-sociologique.
Les idées-forces des mouvements de résistance ont un fondement philosophique et psychologique se présentant dans un continuum. La littérature philosophique sur l'action humaine - du moins ses déterminants - est fort diversifiée voire spéculative. Elle se prolonge
dans les présupposés psychologiques, lesquels s'avèrent plus
intelligibles.
En effet, nous retenons de l'oeuvre Cours de philosophie positive65 d'Auguste Comte deux préoccupations : édifier une philosophie des sciences et poser les principes d'une politique rationnelle. Prenant la défense de la raison et de la pensée comme principes de l'action humaine, Kant affirme que la théorie oriente l'action et lui donne sens (66). A travers Les confessions de Saint Augustin, on peut déduire que les individus ont la volonté de se proposer des modèles et de justifier des voies nouvelles, mais leur conscience des enrichissements liée aux erreurs, leur mise à jour des conflits entre spontanéité personnelle et nécessité de la tradition sociale, leur vivante expérience de l'obscurité personnelle de l'homme luimême. On y trouve le conflit entre des fins rationnelles ou intérieures et des motivations obscures, adhérentes et éventuellement corruptrices (67). Enfin, le marxisme révèle non seulement que l'histoire de toute société n'a été que l'histoire de luttes de classes (68) mais aussi que ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c'est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience (69).
Les recherches empiriques menées sur le terrain ont permis de retenir les catégories philosophico-phycologiques suivantes : la recherche de la liberté et du bonheur, la protection des valeurs, la lutte contre l'injustice, la protection du territoire. Les fréquences qui se dégagent selon les opinions des enquêtés sont les suivantes.
65 http// www.ac-grenoble.fr/philosophe
66 Idem
67 Idem
68 MARX, K. et Engels, F., Manifeste du Parti Communiste, trad. E. Bottigelli, Paris, Flammarion, 1998, p.40.
69 MARX, K., Le Capital, livre I, trad. J. Roy, Paris, Flammarion, 1999,p.32.
Tableau n°7 : Fréquences des catégories justifiant l'adhésion au mouvement de résistance chez les mai-mai
Catégories |
Fréquences |
% |
Protection du territoire |
90 |
100 |
Protection des valeurs |
10 |
11,1 |
Recherche de la liberté et du bonheur |
50 |
55,5 |
Lutte contre l'injustice |
25 |
27,7 |
Ce tableau indique les fréquences des catégories qui fondent le choix d'adhérer dans un mouvement de résistance. Les interviews ayant été semi-directives, les sujets enquêtés exprimaient plusieurs raisons. Tous les sujets engagés directement dans les mouvements de résistance ont justifié leur présence par la défense du territoire. Dans le même ordre d'idées, ils ont parlé de la recherche de la liberté et du bonheur (55,5 %) suivie de la lutte contre l'injustice (27,7 %) et la protection des valeurs traditionnelles (11,1 %).
1° Protection du territoire
Les groupes humains comme les individus qui les composent se définissent par rapport à leurs terres, créant ainsi des liens mythiques et ontologiques. La terre joue à la fois le rôle identitaire et le substantiel.
Les mouvements de résistance au Sud-Kivu se sont illustrés pendant la période où les troupes étrangères du Rwanda, du Burundi et de l'Ouganda ont envahi le territoire congolais. Leur présence dans plusieurs villages ainsi que les discours de recolonisation, pillages des ressources, annexion, balkanisation, domination ont entrainé une psychose au sein des communautés, et en même temps, incité à l'auto-défense.
Le sentiment d' « envahisseur » ou de « pillard » a été développé entre communautés paysannes locales. En effet, les communautés ethniques ou claniques dont les éléments armés opéraient sur les terres des communautés rurales voisines étaient suspectées d'ambition expansionniste ou de domination. Ce climat de méfiance justifie en partie la création des mouvements de résistance dans plusieurs chefferies de la Province du Sud-Kivu.
A titre illustratif, la présence des « Katuku » venus du Nord-Kivu a conduit à la création de Mai-mai de Bunyakiri ; celle de Mai-mai Zabuloni a poussé les Bafulero et Bavira à créer le groupe Mai-mai Yakulumba ; celle du groupe Mai-mai de Bunyakiri a conduit à la formation des groupes Mudundu 40 à Walungu et Kabare, Simba Mai Mai à Kabare, Mai Mai Shikito à Mwenga, Raiya Mutomboki à shabunda, etc. Toutefois, ces mouvements de résistance étaient solidaires en cas d'attaques venues des troupes étrangères.
La territorialité exprimée ici se limite aux terres ethniques, claniques voire familiales et non à l'ensemble du territoire national. Les périmètres protégés sont souvent délimités en fonction des critères culturels et non géopolitiques.
2° Recherche de la liberté et du bonheur
La présence non désirée des troupes étrangères sur le territoire congolais a enfreint sur la liberté des citoyens (70). Les soumissions doublées des traitements dégradants et inhumains infligés aux populations par celles-ci traduisent l'absence de la liberté dans les contrées occupées par les forces rebelles occupantes avec leurs alliés. Il
70 Dans le sens philosophie, la liberté est la faculté d'agir selon la volonté en fonction des moyens dont on dispose sans ttre entravé par le pouvoir d'autrui. Dans le même prolongement, le sens politique la considère comme l'état d'une personne ou d'un peuple qui ne subit pas de contraintes, de soumission, de servitudes exercées par une autre personne, par un pouvoir tyrannique ou par une puissance étrangère. La liberté est une valeur abstraite et normative de l'action humaine et une réalité concrète et vécue.
www.toupie.org/dictionnaire/liberte.htm du 05/03/2010
A.LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, 14e éd, Paris, P.U.F., 1983, pp.558-567.
en est de même des autres groupes armés étrangers (Interahamwe, FDLR, Rastas, ...) ou nationaux (Mai-mai), tous qualifiés de « forces négatives » par le langage politique. Les témoignages enregistrés auprès des sujets enquêtés relèvent concrètement des faits suivants : travaux forcés (transport sur la tête ou au dos des armes et munitions, vivres et autres objets) la torture, l'exploitation sexuelle des mineurs, tueries, l'obligation des tributs, barricades,...
La notion de bonheur telle qu'exprimée par les enquêtés est sémantiquement inopérante d'autant plus qu'elle ne signifie pas « un état de satisfaction complète de toute les tendances humaines » (71) mais plutôt réjouissance (« raha » en swahili).
Le taux considérable (55,5 %) d'expression de cette catégorie confirme également la prédominance d'un pressentiment de domination, de soumission, d'inhibition de la liberté et les activités expressives de la vie du groupe social (mariage, rites divers, etc.).
3° Lutte contre l'injustice
Cette variable comprend deux volets : juridique et politique. Le premier fait allusion aux actes d'injustice, de violation des droits de l'homme évoqués précédemment, et qui sont consécutifs à l'état d'occupation militaire, de soumission. Le second réfère aux insatisfactions enregistrés à l'issue du premier processus de réunification de l'armée nationale après l'Accord Global et Inclusif de décembre 2001.
D'une part, certains anciens chefs militaires Mai-mai n'ont pas été satisfaits des grades militaires leur attribués au sein de Forces Armées de la RDC. D'autre part, nombreux militaires ont déserté les lieux d'affectation après le brassage. Les sujets interrogés ont avancé le motif de non payement de leurs soldes et la non intégration réelle. A cet effet,
71 P. FOULQUIER, Dictionnaire de la langue philosophie, Paris, P.U.F., 1969, p.74.
nombre d'éléments insatisfaits sont retournés dans leurs villages et entités d'origine pour réorganiser les troupes et reprendre les activités militaires. Il s'agit, en fait, d'une guerre contre le système national et non les troupes étrangères dont la présence n'était plus effective au Congo après la « réunification » du pays, corolaire de l'Accord Global et Inclusif. La reprise des activités militaires par les mouvements de résistance Mudundu 40, Simba Mai-mai, Mai-mai shikito, Mai-mai Kapopo tire sa source dans ce motif essentiellement subjectif.
40 La protection des valeurs culturelles
Un taux relativement faible de sujets d'enquête ont inscrit la protection des valeurs culturelles comme soubassement de leur idéologie. En effet, les troupes étrangères, particulièrement celles rwandaises ont, à leur entrée sur le territoire congolais, détruit les sièges traditionnels des autorités coutumières en brûlant et en profanant des symboles traditionnels. La plupart de chefs coutumiers (Bami) ont été contraints au déplacement vers des villes du pays ou à l'étranger fuyant les menaces et exactions.
L'axe politico-historique permet de retenir des variables suivantes : l'effondrement de l'Etat, l'éclosion des survivances révolutionnaires, le pouvoir politico-militaire.
10 L'effondrement de l'Etat congolais
L'affaiblissement de l'Etat congolais à la suite d'une mauvaise gouvernance s'est matérialisé dans l'incapacité de celui-ci à apporter des réponses aux problèmes de la société et à assurer le fonctionnement normal des institutions. En plus d'une crise idéologique
remarquable, il a été noté les conséquences suivantes : la dégradation sensible de conditions de vie des populations, la corruption, la concussion, le détournement au sein des institutions politiques et de l'administration publique, la détérioration des infrastructures socio-économiques de base, le chômage élevé, etc.
Les débâcles successifs des forces armées nationales devant les forces militaires rebelles et leurs alliés entre les années 1996-2000 ont permis aux mouvements de résistance à se manifester comme forces de << sécurisation » des populations et de << défense » de l'intégrité territoriale.
Dans l'ouvrage Effondrement de l'Etat (72), le concept de l'effondrement de l'Etat est d'une richesse heuristique certaine. L'accent est mis sur l'incapacité de l'Etat à accomplir ses fonctions. L'Etat repose sur trois fonctions à savoir : l'Etat est autorité souveraine, il est une institution ; il est le garant de la sécurité d'un territoire et de sa population. Les indicateurs de l'effondrement de l'Etat sont ainsi exprimés dans les considérations ci-dessous :
«Si l'Etat s'effondre, c'est qu'il ne s'acquitte plus de ses fonctions de base qu'il doit remplir telles qu'elles sont analysées dans les diverses théories. Les centre de décision du gouvernement est paralysé et impuissant ; on ne légifère plus, l'ordre n'est plus maintenu et la cohésion sociale se rel~che (...). L'Etat symbole d'identité n'est plus capable de conférer un nom à ses populations, non plus qu'un sens à l'action de la société (...). Son territoire ne jouit plus de la sécurité et des approvisionnements nécessaires qu'une organisation centrale souveraine doit normalement lui assurer (...). Institution politique dotée
72 y. ZARTMAN, Effondrement de l'Etat,
d'autorité, il a perdu sa légitimité qui est en quelque sorte mise à l'écran ; il a donc perdu le droit d'ordonner et de conduire les affaires publiques (...). Système d'organisation socioéconomique, son équilibre d'échange et de production est anéanti ; les populations ne le soutiennent plus, il n'a plus de pouvoir sur elles et n'est plus capables de leur apporter quoi que ce soit. Incapable de fonctionner, ne possédant plus aucune source de légitimité, qu'elle soit traditionnelle, charismatique, ou institutionnelle, il n'a plus le droit de gouverner » (73).
Il précise aussi que
« D'une part, l'effondrement de l'Etat est une rupture du bon gouvernement, de la loi et de l'ordre. Entité responsable de la prise de décisions, de leur application et de leur exécution, l'Etat n'est plus en mesure de décider, ni de faire respecter ses commandements. L'effondrement de la société, d'autre part constitue une rupture totale de l'harmonie sociale ; génératrice des institutions de cohésion et de maintenir, elle ne sait plus créer, rassembler ni exprimer les soutiens et les demandes qui forment les fondements de l'Etat (...). Ce sont là deux aspects de la décomposition ; à eux deux, ils se brisent les liens et les imbrications entre l'Etat et la société. L'échange normale de demandes et de réponses s'atrophie ; les processus politiques de légitimation populaire sont écartés ou détournés ; la vie politique et l'économique se rétrécit, se localise ; enfin, le centre s'éloigne des rouages de la société » (74).
Les faiblesses de l'Etat congolais s'étaient avérées particulièrement criantes et ce, dans tous les domaines. En 2007, nous avons analysé les forces et faiblesses de seize Gouvernements de transition en R.D.C entre 1990-1997. On peut lire dans la conclusion ce qui suit :
<< (...) l'on est loin de retrouver une action gouvernementale tendant à instaurer une culture politique démocratique et à consolider l'économie nationale, et partant, améliorer les conditions de vie des citoyens. Il s'était plutôt observé une instabilité politique et institutionnelle permanente délibérément entretenue par les acteurs politiques laissant libre cour à l'effondrement de l'Etat. >>(75).
Devant cet effritement de la mission régalienne de l'Etat, les
mouvements de résistance ont assuré à des communautés locales ou
tribales la sécurité des personnes et de leurs biens, substituant ainsi à
l'Etat dans un contexte crisique que G. Muheme présente comme suit : << A nouveau, le mois d'ao~t 1998, la révolte dite
des Rwandais-Banyamulenge a fait de Bukavu le lieu par excellence des revendications tutsi sur l'appartenance aux ethnies du Congo(...). Il va falloir attendre dix mois d'occupation avant que le Rwanda ne reconnaisse sa présence militaire au Kivu a déclaré, un mois après l'Ouganda, un cessezle-feu le vendredi 28 mai 1999, à minuit. L'intention ne se concrétisera pas. (...) >>(76).
75 P. KAGANDA MULUME-ODERHWA, « Evaluation critique du rôle des Gouvernements de la transition dans le développement politique et économique de la R.D.C.( 1990-1997) in Analyses Sociales, vol.X, numéro unique, Octobre 2007, p. 67.
76 G. MUHEME, Op. Cit., p. 8.
Outre le rôle militaire, les mouvements de résistance ont réussi une orientation idéologique des populations se trouvant sous administration des rebelles-qualifiés de "traitres"- et leurs alliés-qualifiés d'envahisseurs- Ils ont, avec l'appui de la société civile, réussi à véhiculer le patriotisme, le nationalisme dont ils étaient le porte-étendard pendant la période de guerre.
Les fonctions militaire et idéologique ont été accomplies avec beaucoup des limites et déviations. Elles ont changé la cible après les années 2000 en s'opposant aux institutions politiques en place. Par ce fait, les mouvements de résistance venaient de modifier leur but et s'ouvrir aux ambitions politiques dans le système politique national.
2° Eclosion des survivances historiques
révolutionnaires et
conflictuelles
Les représentations de mouvements de résistance au SudKivu sont aussi fondées sur les survivances révolutionnaires de premières rebellions décrites dans le chapitre précédent. Pour le cas du Sud-Kivu, il s'agit de la rébellion muleliste qui a laissé des traces idéologiques dans le territoire de Fizi et d'Uvira, dont se servira Laurent Désiré Kabila pour mobiliser les gens à adhérer dans son mouvement rebelle en 1996. Cet acquis historique a poussé tous les autres mouvements de résistance formés à Bunyakiri, Kabare, Walungu, Mwenga, Uvira à garder le commandement général à Fizi pour coordonner les activités militaires contre la rebellions du RCD en appui au Gouvernement de Laurent-Désiré Kabila et de son successeur, Joseph Kabila. A l'exception de Fizi et dans une moindre mesure Uvira, toutes les autres contrées de la Province du Sud-Kivu ont connu le phénomène de résistance vers les années 1997.
terres entre certains peuples du Sud-Kivu (alors organisations politiques traditionnelles) et les banyarwanda (peuple rwandais de l'époque). C'est ce qu'on peut lire dans certains ouvrages ou la tradition orale (expressions, épopées, chansons, etc.). Par exemple, la tradition orale shi (à travers les épopées, légendes) enseigne aux jeunes générations les guerres traditionnelles qui ont opposé les Bashi aux Banyarwanda, et les invitent à pus de vigilance car ces dernies représentent toujours un danger. Cette pensée peut être trouvée dans le 956ème provrbe retenu
par Kagaragu en ces termes : « Eyonera Omuhanya, e Rwanda
ehubuka ». elle se traduit en français « la vache qui ravage le champ du malheureux vient du Rwanda », et s'interprète que la malchance atteint toujours le malheureux, même quand elle vient de loin77.
Dans le même ordre d'idées, on peut lire dans les lignes proposées par Paul Masson ce qui suit :
« Malgré les nombreuses dissensions intérieures qui minaient la vie politique des descendants de KabareKaganda établis au Bushi, les Rwanda (sic.), pourtant brillants soldats, ne purent se (sic.) les soumettre. Les invasions et inflitrations(sic) furent innombrables, surtout s'il faut compter toutes les razzias et expéditions de brigandage que les Watutsi opéraient sur la rive ouest. Jamais cependant, le pays ne fut entièrement conquis. Les Bashi retrouvaient toujours, au milieu de leurs disputes de famille ou des misérables famines, la solidarité nécessaire pour repousser les voisins belliqueux qui convoitaient leurs champs et pâturages. On peut même presque dire que, au cours des derniers règnes, cette solidarité devint un véritable sens national.
Quelques fois occupé, souvent défait par le Rwanda, le Bushi ne fut jamais soumis»(78).
77 KAGARAGU NTABAZA, Emigani Bali Bantu Proverbes et maximes des Bashi, 4èmé éd., Bukavu, Libreza, 1984, p. 123.
78 P. MASSON, Trois siècles chez les Bashi, 2ème édition, Bukavu, La Presse congolaise, 1966, p.102.
3° Le pouvoir politico-militaire
Le pouvoir politique et le pouvoir militaire constituent aussi le fondement des idées dans les mouvements de résistance. La direction politique ou le commandement militaire au sein des M.R a amené certains acteurs à pouvoir gouverner certaines entités rurales sur les plans administratif, économique, militaire. Les processus de réunification entamés à l'issue de l'Accord global et inclusif a permis à certains dirigeants politiques et militaires d'améliorer leurs statuts sociaux dans la structuration sociale nationale, notamment au sein des institutions politiques nationales et de l'armée nationale régulière.
A titre exemplatif, nous relevons quelques postes occupés par certains leaders des mouvements de résistance au Sud-Kivu au sein des institutions politiques de la transition.
Tableau n° 8 : Représentation des mouvements de résistance au sein des institutions politiques et d'appui à la Démocratie
Institutions |
Postes |
Nombre |
Gouvernement |
- Ministre de développement rural - Ministre de l'agriculture |
1 |
- Vice Ministre aux transports et |
||
communication |
1 |
|
- Vice ministre au travail et |
||
prévoyance sociale |
1 |
|
- Ministre de l'Economie |
1 |
|
Commission vérité et réconciliation |
2e rapporteur |
1 |
Commission |
1er rapporteur |
1 |
Electorale indépendance |
A ces rangs et fonctions politiques s'ajoutent des grades militaires comme le grade de général attribué à certains chefs miliciens principalement à Bunyakiri et à Fizi. Nous citons les généraux Padiri Bulenda, Lwecha, Dunia, etc.
Cet axe retient les bases idéologiques liées à la persistance de la conception traditionaliste de l'Etat, à l'isolement des sociétés rurales, à la valorisation de la superstition.
1° La conception traditionaliste de l'Etat
L'Etat traditionnel possède des caractéristiques parmi lesquelles nous pouvons mentionner les suivantes telles que présentées par Georges Balandier : une large place à l'empirisme ; il se crée à partir d'unités politiques préexistantes ; la diffusion ; la segmentation territoriale ; la relation avec le sacré (79).
Les mouvements de résistance réfèrent leur organisation politique, conception de l'Etat aux structures politiques traditionnelles et aux valeurs véhiculées par l'Etat traditionnel. Certes, il se remarque dans les mouvements de résistance une ambivalence organisationnelle, résultante de la confusion entre le moderne et le traditionnel dans les structures politiques. La territorialité limitée à la sphère culturelle, les dynamiques lignagères faisant prévaloir le critère de parenté pour la distribution des fonctions, la place prépondérante des moyens magicoreligieux pour justifier et exercer la commande du groupe des principes bureaucratiques laissent transparaître une vision traditionaliste de l'Etat au sein des mouvements de résistance.
79 G. BALANDIER, L'anthropologie politique, Paris, P.U.F., 1967, p.176.
Par contre, suite à la nécessité de l'intégration dans le système militaire national, les mouvements de résistance ont conformé progressivement leurs structures militaires à l'organisation moderne de l'armée. Ainsi, ils ont copié le modèle de la hiérarchisation et terminologie utilisée dans l'armée régulière sans en respecter les principes.
2° La superstition
Tous les mouvements de résistance sur lesquels notre travail porte reconnaissent recourir aux pratiques superstitieuses ou magico-religieuses. Tous les sujets interrogés, c'est-à-dire les acteurs directs (chefs de groupe, ex-mai-mai), les acteurs indirects (chefs coutumiers et notables ruraux) soutiennent de manière quasi évidente l'inexistence des mouvements de résistance sans les pratiques superstitieuses ou magico-religieuses. Ils expriment admirablement le rôle protecteur desdites pratiques comme on peut le lire à travers les déclarations ci-dessous d'un ex-mai-mai, actuellement colonel de FARDC, rencontré à Bukavu :
« Les effets étaient réels sur la protection des combattants, même de leurs armes. Les balles tombaient d'elles-mêmes. Mon histoire est riche : on m'avait pris le 25/9/1999 à Buholo 4. J'était entouré par 20 militaires qui ont tous tiré sur moi mais sans succès ».
Un vieillard ex- mai -mai rencontré à Sange a également déclaré ceci : « On en peut pas combattre sans les fétiches et Dieu.
Sans la force de nos fétiches, les rwandais nous auraient déjà exterminé. A l'heure où nous parlons, je suis protégé. Vous, les enfants de la ville, vous ne connaissez pas la force de nos herbes. As-tu déjà vu une personne disparaître comme du vent ? »
Il se dégage nettement que les pratiques superstitieuses jouent un rôle idéologique considérable dans les mouvements de résistance Elles impliquent le sacré, les rites, les acteurs, les interdits.
- Le sacré
Le principe du sacré s'observe dans les pratiques magicosuperstitieuses des mouvements de résistance au Sud-Kivu. Les représentations produisent la croyance aux forces surnaturelles protectrices pour lesquelles il faut observer le respect absolu. Ces pratiques expriment également une croyance en un Dieu unique. Les objets de cette croyance sont un Dieu suprême et les esprits des ancêtres à travers les "forces" contenues dans certaines espèces végétales. Tous les chefs des mouvements de résistance interrogés reconnaissent le caractère absolu, sacré de leurs pratiques magico-superstitieuses ainsi que la relation entre celles-ci et la nature. Les éléments de la nature cités sont certaines parties des espèces végétales (racines, écorces, feuilles) et l'eau. Leurs forces respectives seraient dépendantes de la prière et des sacrifices.
- Les rites
Ce sont des gestes exécutés et les formes prononcés par les adhérents dans le but de provoquer ou d'influencer les forces surnaturelles. N'ayant pas été au lieu de déroulement des rites, nous ne pouvons les décrire systématiquement. Néanmoins, des informations recueillies auprès des chefs des mouvements de résistance, ex combattants des mouvements de résistance et autorités coutumières, nous pouvons déduire quatre types de rites à savoir : le rite de « purification » des produits exécutés par le seul magicien dit « docteur » ; le rite d'initiation pour les nouvelles recrues ; le rite avant le combat ; le rite après le combat. Selon tous les sujets d'enquête susindiqués, le portions magiques (l'eau, la bouillie, le cendre, les herbes, ...) peuvent être utilisées pendant le combat en vue du renforcement de la
protection sans faire objet d'un rituel. Il se pratique le rituel de l'eau, le rituel de la bouillie ou le rituel de tatouage. L'expérimentation ou test de vérification se ferait sur les animaux, objets, arbres, etc. Le rituel se déroulerait en exécutant des chants de circonstance, des gestes et états stéréotypes (courber la tête, ne pas porter les habits, etc.).
- Les interdits
Les pratiques magico-superstitieuses des mouvements de résistance connaissent des interdits. Selon les idéaux des mouvements de résistance, les éléments des forces combattantes mortes pendant les affrontements armées sont censé avoir violé les interdits. Ces derniers sont des principes éthiques que tous les membres doivent observer. Nous avons relevé quelques interdits tels qu'ils ressortent de recherches empiriques :
Tableau n°9 : Quelques interdits dans les mouvements
de résistance
Interdits |
Groupes concernés |
Ne pas manger la viande de chèvre |
Mai-Mai Bunyakiri |
Ne pas coucher avec une femme |
Tous |
Ne pas manger les entrailles ou la peau des animaux. |
Mai-Mai Bunyakiri |
Ne pas dormir à son domicile |
Raiya mutomboki |
Ne pas saluer les gens après le rite |
Raiya mutomboki |
Ne pas manger tout autre aliment à l'exception du sombe |
Raiya mutomboki |
Ne pas manger la nourriture préparée par une femme |
Raiya mutomboki |
Ne pas voler |
Tous |
Ne pas violer |
Tous |
- Les acteurs
Les acteurs concernés par ce système magico-superstitieux sont principalement les personnes directement engagés dans les activités militaires. Les cadres administratifs ou agents d'appoint ne sont pas concernés par les cérémonies magico-superstitieuses. Les rites sont souvent conduits par le grand magicien dit « docteur ». Le chef de groupe subit des rituels particuliers qui lui confèrent des forces prépondérantes sur les autres.
En somme, les mécanismes magico-superstitieux ont eu un impact psychologique, philosophique, historique et théologique au sein des mouvements de résistance. Ils ont pu maintenir l'unité des groupes et garantir la détermination pour une lutte commune.
3° L'isolement des sociétés rurales (80)
La désintégration de l'Etat congolais à cause des facteurs structurels (mauvaise gouvernance, l'affaiblissement du système économique) et conjoncturels (les guerres) n'a pas épargné les sociétés rurales. Celles-ci ont été isolées, c'est-à-dire non impliquées dans la participation de la construction de l'Etat. Leurs relations avec les sociétés urbaines (centres décisionnels) sont caractérisées par l'exploitation et la domination. Vu sous cet angle, les mouvements de résistance se sont présentés comme une stratégie, un moyen des sociétés rurales de revendiquer leur participation à la vie nationale. Ils ont été pour les groupes sociaux (communautés, familles) et les individus du monde rural un moyen d'affirmation de soi au niveau national, provincial ou local. Cependant, la présence des mouvements de résistance a bouleversé la
80 L'isolement des sociétés rurales n'évoque pas la rupture des liens entre la société globale et le monde rural. C'est plutôt une faible participation sinon des rapports d'exploitation des sociétés rurales par l'Etat moderne trop urbanise.
stratification sociale en imposant deux types d'autorités avec des logiques ou rationalités différentes. La première, traditionnelle est permanente, coutumière, et incarne l'unité culturelle du groupe ; la seconde est militaire, éphémère avec des qualités particulières.
L'affirmation communautaire ou individuelle a été
remarquée par l'élévation de certains membres des sociétés rurales aux statuts supérieurs dans la hiérarchie sociale nationale au sein des institutions positives, de l'armée et de la police nationales. Cette situation a provoqué des appositions internes au sein des mouvements de résistance, des confits au sein des groupes, et a incité les autres communautés rurales à encourager la création de leurs propres mouvements de résistance. Le mouvement de résistance Mai Mai de Bunyakiri a connu des divisions internes lorsque les combattants venus de Kabare, Nghweshe, Shabunda, Mwenga ont pris conscience des privilèges accordés aux Batembo qui risquaient de devenir un grande force dans les zones rurales de combat. Avec la complicité des autorités coutumières et des faiseurs d'opinions urbains sont nés Simba mai-mai à Kabare, Mudundu 40 à Walungu, Mai-mai Shikito à Mwenga, etc. La même situation s'est produite dans les hauts plateaux où les Bafuliro et Bavira ont créé leurs propres mouvements de résistance après scission au sein des groupes mai-mai de Fizi.
L'hypothèse de l'isolement des masses rurales comme fondement des idées directrices de mouvements de résistance semble être justifiée par le fait de l'isolement politique, l'isolement économique, l'isolement social et culturel que nombreuses études ont démontré. S'agissant de l'isolement politique en particulier, de nombreuses recherches tentent de démontrer que les mouvements de résistance sont un mode de participation politique choisi par les sociétés rurales. A titre illustratif, nous citons certaines hypothèses émises par Fraternel Divin Amuri Misako dans un passage de de conclusion :
« (...) le déclin de l'Etat a déjà été constaté par les masses rurales dont la prise en charge est demeuré pendant longtemps difficile à réaliser. D'où l'appropriation de la violence pour susciter la (re) définition de ou nouvelles politiques en vue de garantir l'autonomie maternelle de ces entités subordonnées et isolées » (81).
Les recherches empiriques auprès des autorités coutumières et assimilés (notables ruraux) et des chefs des organisations Mai Mai prouvent que tous les mouvements de résistance ont un lien direct ou indirect avec les communautés rurales. Statistiquement, les 14 chefs de groupes et 31 autorités coutumières et assimilés contactés ont reconnu qu'il existe des relations de collaboration entre le pouvoir coutumier et les mouvements de résistance d'une part, que ces derniers sont acceptés et soutenus par les populations locales, d'autre part. A cet effet, deux phénomènes dans le rapport mouvement de résistance-communauté peuvent être analysés : le mouvement de résistance comme émanation des communautés et le mouvement de résistance comme appropriation des communautés.
1° Le mouvement de résistance comme émanation des
communautés
Certains mouvements de résitance du Sud-Kivu ont été créés par les communautés pour assurer sa sécurité ou s'affirmer. A l'origine de ces mouvements de résistance l'on trouve la prise de conscience de l'insécurité et ses effets (tueries, vols, viols domination,
81 F.D. AMURI MISAKO, Op.cit., pp. 145-146.
etc.) orchestrés par les troupes militaires étrangères (Interhamwe, FDLR, armée rwandaise, armée burundaise) nationales (armée régulière) ou locales (autres mouvements de résitance.). Des réunions communautaires ont abouti à la mobilisation des moyens et stratégies nécessaires pour mettre sur pied une organisation d'auto-défense. Dans ce registre, nous citons les mouvements de résistance suivants : Raiya mutomboki à Shabunda, Mai- mai Shikito à Mwenga, Mai-mai Zabuloni à Fizi, Mai-mai Nakabaka à Uvira.
2° Le mouvement de résistance comme appropriation des communautés
Sous cette catégorie, on aligne les mouvements de résistance que les communautés acceptent soit par nécessité (besoin de sécurité) soit par contrainte (la force) sans ressortir de la volonté des populations. Le rôle jugé positif de ces mouvements de résistance les a intégrés dans les communautés auxquelles ils s'identifient actuellement. Les groupes non intégrés sont ceux présents dans certains milieux par souci d'expansion dans les zones jugées non contrôlées en vue d'accroître l'influence. Dans cette catégorie, nous citons les mouvements de résistance ci-après : Mai-mai Shabunda, Simba Mai-mai, Mudundu 40, Mai-mai de Bunyakiri, Mai-mai Yakutumba, Mai-mai Zabuloni, Mai-Mai Kirikicho, Pareco, Mai-mai Ny'ikiriba, Mai-mai Kapopo, Mai-mai Mahoro.
Quelle que soit la catégorie, les mouvements de résistance ont bénéficié de trois formes d'appui de la part des communautés rurales : matériel, humain et symbolique.
Modèle explicatif des fondements
idéologiques des mouvements
de résistance
Axe anthroposociologique
Axe philosophicopsychologique
Axe historico-
politique
Base socio-politique et économique
L'axe philosophico-psychologique est au centre de l'explication de l'idéologie mai-mai avec des variables comme la protection du territoire et des valeurs traditionnelles, la recherche de la liberté et du bonheur, la lutte contre l'injustice. Les axes anthropo-sociologique et historico-politique sont liés à celui anthropo-sociologique, et alignent les variables suivantes : l'isolement des masses rurales, la superstition et la conception localiste de l'Etat pour le premier ; l'effondrement de l'Etat, les survivances historiques révolutionnaires et conflictuelles, le pouvoir politique et militaire pour le second. Entre les trois axes et la base sociopolitique et économique, il y a un rapport de détermination réciproque. Par contre, entre les 3 axes, il y a une imbrication suffisante qui appelle à une vigilance épistémologique soutenue pour distinguer et catégoriser les variables. Par le principe de la circularité, il y a lieu d'envisager que selon les contextes, chaque axe peut occuper le centre de l'explication.
Le phénomène de mouvements de résistance s'est manifesté aussi à travers des actions posées par les acteurs impliqués, et exprimant ainsi la dimension praxéologique de toute idéologie. C'est dans ce sens que Guy Rocher affirme que l'idéologie a une fonction conative, elle pousse ou incite une collectivité à l'action, ou du moins dirige celle-ci en fournissant des buts et des moyens. Les actions retenues dans cette étude après les recherche empiriques sont à la fois d'ordre militaire et politico-administratif.
1° Opération militaires
- Combats contre les autres forces
Les 14 chefs de mouvements de résistance rencontrés ont reconnu l'engagement permanent de leurs troupes dans des combats armés contre soit les forces militaires étrangères, soit les forces rebelles, soit les forces armées régulières, soit les milices étrangères (F.D.L.R., Interahamwe, F.D.D., FNL,...), soit les forces militaires d'autres mouvements de résistance.
Les opérations militaires effectuées s'inscrivent dans le cadre de l'offensive ou la contre offensive dont la finalité est de conquérir des espaces ou de protéger le territoire déjà conquis contre les menaces de toute autre force. D'autres opérations militaires ont visé à mette hors d'état de nuire les groupes armés étrangères en activité sur le territoire congolais (F.D.L.R., Interahamwe, F.D.D., PASTAS) semant la terreur au
sein des populations par des actes de viol, vol, tuerie, déportation, tortures, etc.
Outre les chefs militaires interrogés, 48 ex-combattants ont confirmée trois sources d'armement des mouvements de résistance, à savoir : l'approvisionnement par le gouvernement, la récupération des armes abandonnées par l'ennemi vaincu au combat, le don ou l'achat d'armes auprès d'autres groupes armés (nationaux ou étrangers). En effet, les mouvements de résistance en lutte contre la rébellion menée par le R.C.D. ont bénéficié d'un appui en armement de la part du Gouvernement congolais dans le but d'anéantir la progression de celui-ci à en croire les chefs militaires interrogés. Tous les mouvements de résistance sur lesquels portent notre étude n'ont pas reçu les armes du Gouvernement car nombreux n'existaient pas encore. Toutefois, leurs chefs militaires, à l'exception de celui du mouvement de résistance Raia Mutomboki faisaient partie de précédents mouvements de résistance. Les dons et achats auprès des groupes armés étrangères ou nationaux prouvent l'existence de la collaboration entre tous les groupes armés opérationnels. Il faut noter qu'en dépit des intérêts particuliers à chaque groupe armé au Sud-Kivu, il y avait un ennemi commun, la rébellion du R.C.D. et son allié principal, le Rwanda. Ce qui a justifié des coalitions en cas d'attaques par l'ennemi commun.
- Violences interethniques ou tribales
Certains mouvements de résistance ont participé activement dans les conflits interethniques au Sud-Kivu. Car leur existence se justifierait notamment par la protection des groupes ethniques. Tous les groupes mai-mai de territoires de Fizi et d'Uvira ont participé dans les violences ethniques au motif de protéger leurs communautés.
Dans les deux territoires ci-haut citées, quatre groupes ethniques sont en conflit fondé sur l'occupation de l'espace : Bavira, Bafulero, Bubembe et Banyamulenge. Ces derniers sont considérés par la
mémoire collective de trois autres groupes comme des << envahisseurs », des << étrangers » dont les droits sur les terres qu'ils occupent seraient ambigües, et partant non acquis.
Par ailleurs, le soutien en hommes de troupes apporté par le groupe éthique Banyamulenge aux rebellions de l'A.F.D.L. puis du R.C.D., l'occupation forcée de certaines fonctions administratives, politiques et militaires, ainsi que les comportements jugés de << représailles », d'« humiliation », de << conquête » ou de << torture » ont développé une attitude de xénophobie des autres groupes ethniques de la Province du Sud-Kivu envers les banyamulenge.
Cette attitude de rejet mutuel et de conflit est encore présente jusqu'à ce jour tant dans la pensée collective que dans les luttes interethniques où les mouvements de résistance sont engagés. En date du ..., notre séjour à Lemera en territoire d'Uvira pour raison d'enquête a été écourté à la suite des combats apposant le mouvement de résistance N'yikiriba aux forces de F.R.F. à cause d'une partie des terres ancestrales de la chefferie de Bufulero dont les Banyamulenge voudraient s'approprier à en croire le chef de localité de Kigwena-Rubanga en groupement de Lemera, Collectivité de Bafuliro.
2° Actes de violation des droits de l'homme
Nous ne saurions identifier les actes de violation des droits de l'homme retenus particulièrement à charge des mouvements de résistance dans les zones à forte présence des groupes armées. Les statistiques que nous avancerons dans l'argumentaire ne concernent pas exclusivement les mouvements de résistance étudiés mais plutôt toutes les forces militaires en présence. Cette analyse globalisante tient au fait que tous les chefs des mouvements de résistance interrogés ainsi que les autorités coutumières et notables ruraux ont déploré plusieurs actes de violation
des droits de l'homme de la part des mouvements de résistance sans spécifier ni les quantifier.
- Tueries et massacres
Dans les zones occupées par les mouvements de résistance il a été déploré plusieurs cas des tueries et massacres soit commis par eux-mêmes, soit à la suite des combats avec d'autres groupes armés. D'autres éléments dits incontrôlés des mouvements de résistance ont été impliqués dans les tueries dans certains villages à la suite de la résistance ou vigilance des populations pendant une opération de vol ou de viol, d'un règlement de compte pour un conflit foncier ou un conflit matrimonial (opposition autour de la dot ou du divorce). Les 34 autorités coutumières ont confirmé ce fait tout en les attribuant aux éléments isolés et aux mouvements de résistance comme structure. Il y a eu des victimes connus et inconnus dans les villages occupés.
Citant la chefferie de Burhinyi, la monographie de Zihalirwa Nkubafire dénombre 82 cas de tueries et massacres des populations dans ladite chefferie pour le seul mois de mars 1999. Nous avons trouvé également d'autres chiffres avancés par Mwetaminwa Wangachumo (82) dans son mémoire de licence en citant plusieurs sources. Nous pouvons retenir :
- Janvier et février 1999 : enlèvement des civils à Burhale, Mushinga, Lubone et Mulangba.
- 01-03 janvier 1999 : 28 personnes tuées dans la chefferie de Ngweshe
82 MWETAMINWA MWANGACHUMO, les guerres armées comme moyen de changement de régime politique en RDC : Analyses des crises politiques et les événements subséquents. De 1996-2004, Mémoire, FSSPA, UOB, 2003-2004, pp 101-107.
- 17 mars 1999 : 146 personnes tuées à Budaha dans la chefferie de Burhinyi.
- 24/08/1998 : 451 personnes tuées à Kasika dans le territoire de Mwenga
- En 1999 : 818 personnes tuées à Fizi.
Les mouvements de résistance ont fait l'enrôlement des enfants. Une étude publiée par La coalition pour mettre fin à l'utilisation d'enfants a révélé que tous les rapports des experts de Nations Unies font état de l'enrôlement des enfants, y compris les filles, par les groupes armés maimai.83
- Extorsions, vols et viols
Plusieurs cas de vol sont déclarés par les autorités coutumières contres les mouvements de résistance. Il s'agit des extorsions des bétails et volailles, des produits alimentaires voire manufacturés, des habits et ustensiles de cuisine, etc. Ces cas d'extorsion ont appauvri les milieux ruraux occupés par les mouvements de résistance, et ont découragé les paysans aux activités agricoles. Par conséquent, plusieurs villages ont connu la rareté des produits agricoles ne fût-ce que pour la sécurité alimentaire locale. Alors que les autorités coutumières ont parlé des vols destructeurs, les chefs des mouvements de résistance ont reconnu le fait en le qualifiant de « extorsion par nécessité ». Deux de quatorze chefs des mouvements de résistance ont estimé qu'il s'agit plutôt d'une auto rétribution pour le rôle de protection des populations et de défense du territoire national. Des propos contradictoires émaillent les déclarations fournies par les chefs des mouvements de résistance, et poussent à affirmer que les vols sont
83 COALITION POUR METTRE FIN A L'UTILISATION D'ENFANTS SOLDATS, Le recrutement et l'utilisation d'enfants soldats par les Mai-Mai : une pratique profondément ancrée et persistante, Février 2010.
réellement le fait du groupe et non des individus isolés et incontrôlés. En effet, la rupture entre les interdits (y compris celui le vol) et le vol par nécessité justifié par les communautés et les chefs des mouvements de résistance est révélatrice de cette contradiction.
S'agissant des viols, les autorités coutumières, les chefs des mouvements de résistance comme les ex-combattants reconnaissent l'existence desdits actes en les minimisant d'une part, et en les attribuant sans ambages aux éléments incontrôlés. Le viol est considéré par les mouvements de résistance comme une violation flagrante des interdits. Selon leur schème de pensée, tout auteur du viol doit mourir au front ou dans toute autre circonstance non élucidée suite à la « colère des ancêtres ». La philosophie des mouvements de résistance nourrie des représentations traditionnelles sur la femme, considère cette dernière comme pourvoyeuse de malheur et source d'anéantissement de la force mystique protectrice. En dépit de rejet institutionnel du viol par les mouvements de résistance, la communauté internationale à travers les ONG internationales et locales, le gouvernement de la R.D Congo retiennent la Province du Sud-Kivu parmi celles les plus touchées par le phénomène de viol. Les mouvements de résistance sont cités par plusieurs organisations des droits de l'homme comme un des auteurs des actes de viol. Les statistiques avancées sont trop parlantes. En effet, en 2007 et 2009 il a été dénombré respectivement 2773 et 2980 cas de viols au Sud-Kivu selon OCHA84. Dans une étude menée en 2004 sur le viol au Sud-Kivu, nous avons démontré la gravité de ces actes et leurs impacts psychologiques et culturels sur les populations victimes. Les enquêtes empiriques ont relevé que les groupes armés mai-mai font partie des auteurs des viols. Ces derniers sont en définitive un élément perturbateur de l'équilibre familial et de la culture tout entière(85).
84 www .populationdata.net
85 P. KAGAGANDA MULUME-ODERHWA « Violences sexuelles envers la femme et instabilité de la famille en période de guerre en R.D.C. » in Analyses Sociales, vol IX, numéro unique, Janvier-Décembre 2004, p. 149.
La protestation des mouvements de résistance contre la présence des rebelles et autres forces étrangères et contre le gouvernement du pays s'est faite également par la mise en place d'une administration chargée de gérer les zones occupées. C'est l'expression d'une insoumission aux ordres de tout autre pouvoir. Nous avons l'existence d'une administration politico-administrative et d'une administration financière.
1° Administration politico-administrative
Dans toutes les entités occupées par les mouvements de résistance, les autorités légalement établies par l'Etat étaient remplacées par celles investies par ceux-ci. Néanmoins, ils gardaient les bonnes relations avec les autorités coutumières surtout lorsqu'ils opéraient dans leurs propres communautés.
Les mouvements de résistance n'ont pas instauré une administration classique, bureaucratique mais plutôt un pouvoir de facto chargé de gérer des cas ponctuels comme les conflits fonciers, les conflits matrimoniaux, les vols simples, etc. Les mouvements de résistance ont bel et bien administré des entités jusqu'en 2003. A titre d'exemple, une la lettre n° 5072/03/CAFI/E.M.M./05/04 du 20 / 0302004 adressé au Ministre de l'intérieur par le coordonnateur des affaires intérieures, Yves Butachabwa et le Chef de l'entité mai-mai, le Gnl Padiri Bulenda confirme au quatrième paragraphe la gestion de 1. 850 agents et fonctionnaires.
D'une manière générale, il n'y a pas séparation entre la hiérarchie militaire et l'administration du territoire occupé. Nous avons rencontré une exception à cette réalité d'administration confuse et partielle chez les Mai-mai de Bunyakiri. Dans le dernier mouvement de
résistance, il y avait une administration séparée de la structuration militaire qui, en plus des aspects administratifs internes (courriers, relations publiques, etc.) a assuré la gestion de population dans la zone de contrôle en collaboration avec les autorités coutumières.
2° Administration financière
L'administration financière des mouvements de résistance a pour finalité de canaliser les fonds pour satisfaire aux besoins essentiels (nourriture, armes, habillement, fétiches, ...). Les recettes sont généralement issues des taxes, collectes, extorsions sur les barrières, vente illicite des minerais.
D'après 11/14 chefs des mouvements de résistance, la gestion financière de leurs organisations ne répondait pas aux principes de bonne gestion.
1° Première Phase
Après l'accord global et inclusif et la mise en place des institutions politiques, il a été conçu et exécuté un programme visant la réintégration et la démobilisation de toutes les forces dites milices maimai et celles des ex-mouvements rebelles. C'est le programme D.D.R.R. (Démobilisation, Désarmement, Réintégration, Réinsertion des excombattants). Certains mouvements de résistance ont adhérer au processus, notamment les Mai-mai de Bunyakiri et de Fizi. Toutefois, les informations empiriques révèlent qu'aucun mouvement de résistance n'a donné tous ses effectifs pour le brassage ou la démobilisation.
2° Deuxième phase
La multiplicité des mouvements de résistance à l'Est de la RDC après les élections de 2006 a conduit le Gouvernement congolais avec ses partenaires bilatéraux et multilatéraux à mettre en place des cadres institutionnels pour la réintégration de tous les groupes armés. La première étape de ce processus a été la conférence sur la paix, la sécurité et le développement des provinces du Nord et Sud-Kivu tenue à Goma en janvier 2008.
Les accords conclus dans l'Acte d'engagement n'ont pas suffit pour mettre fin à l'activisme militaire des mouvements de résistance et ses conséquences sur l'autorité de l'Etat, le fonctionnement des institutions légales issues des élections et la vie des paisibles citoyens. Le programme Amani a servi des cadres institutionnels de mise en oeuvre des acquis de la conférence de Goma. Plusieurs mouvements de résistance ont refusé au début d'y participer avant d'accepter après plusieurs négociations. Jusqu'à la rédaction de cette étude, en décembre 2009, tous les groupes armés n'avaient pas encore rejoint les centres de brassage prévus à l'exception de Mai-mai Yakutumba. Il est difficile d'affirmer que tous les effectifs déclarés subissent le processus de brassage tant que tous les chefs des mouvements de résistance concernés n'ont cessé de nous déclarer qu'ils sont sceptiques sur l'issue des mécanismes enclenchés d'une part, et que les autorités coutumières estiment quant elles que le brassage, est un moyen pour le Gouvernement d'infiltrer dans leurs communautés des « étrangers », des « tueurs » ou des « envahisseurs ». D'autre part, les attitudes révèlent sans doute une crise de confiance entre les institutions politiques et les populations qu'elles gèrent. Autrement dit, il y a une résistance au processus de brassage en faveur d'une présence indépendante des mouvements de résistance dans certaines zones. Cette attitude est plus observée dans les territoires de Fizi, Uvira qui sont confrontés aux conflits interethniques ; territoire de Shabunda où le mouvement de résistance Raia Mutomboki
est plutôt une organisation communautaire contre tous les autres groupes armés.
Ce chapitre vient d'élucider les fondements idéologiques des mouvements de résistance au Sud-Kivu et les actions entreprises pour ce faire. Les valeurs traditionnelles symboliques et cosmiques, le contexte historique et politique sont mis a profit pour former un système de pensées qui guide les actions de résistance sous forme de contestation ou protestation contre les institutions légales, la rébellion du R.C.D., les forces étrangères ou tout autre groupe militaire ennemi.
Ce chapitre est une analyse de la culture politique véhiculée par l'idéologie des mouvements de résistance. Il analyse les possibilités d'une autodétermination de la société congolaise à travers l'idéologie de mai-mai. Pour y parvenir, nous allons tenter, dans la première section, de définir l'idéologie de mouvements de résistance avant d'analyser, dans la seconde section, le rôle controversé que ces derniers jouent pour la construction de la culture politique démocratique au Sud-Kivu en particulier et en RDC en général.
Le néologisme « mai-maisme » signifie tout simplement l'idéologie des mouvements de résistance. L'appellation « mai-mai », du reste préférée par les mouvements de résistance est, selon leurs chefs respectifs, chargée de sens sur le plan historique et exprimerait, la force, c'est-à-dire l'invulnérabilité à cause de la protection des ancêtres.
En affirmant l'existence du « mai-maisme » comme
idéologie, nous voulons lui attribuer le sens retenu par la sociologie
contemporaine telle que présentée par Guy Rocher en ces termes : « (...) on peut dire que les sociologues contemporains emploient généralement ce terme pour désigner un système d'idées et de jugement, explicite et généralement organisé, qui sert à décrire, expliquer, interpréter ou justifier la situation d'un groupe ou d'une collectivité et qui, s'inspirant largement de valeurs,
propose une orientation précise à l'action historique de ce groupe ou de cette collectivité » (86).
Le sens d'Althusser repris par Jean Etienne précise ceci :
<< (...) les idéologies sont définies comme des systèmes de représentation du monde, nécessaires à toute société, possédant << une logique et une rigueur propres » et qui permettent aux hommes de donner un sens à leur activité dans la société (fonction praticosociale) » (87).
Guy Rocher détermine les éléments de toute idéologie, déduits de la définition qu'il propose :
<< 1° L'idéologie revêt une forme qu'elle est explicite et verbalisé ; elle prend ainsi le caractère d'une << doctrine », au sens large du terme ; cette systématisation exige que des aspects de la situation soient mis en relief, qu'un accent particulier soit mis sur certains liens entre des éléments de la situation, ce qui donne à l'idéologie ce que F. Dumonrt a appelé non syncrétisme ; <<
2° L'idéologie fait abondamment référence à des valeurs, dont elles s'inspirent et qu'elle organise dans le schème de pensée qu'elle formule ; F. Dumont dit qu'on pourrait considérer l'idéologie comme « la rationalisation d'une vision du monde (ou d'un système de valeurs) ; <<
3° L'idéologie a une fonction conative, elle pousse ou incite une collectivité à l'action, ou du moins dirige celle-ci en fournissant des buts et des moyens » (88).
Le << mai-maisme » est alors un système d'idées ou de représentations qui justifient et guident les actions des mouvements de résistance en R.D Congo. A l'instar de toute idéologie, il « construit une
86 G. ROCHER, Introduction à la Sociologie : l'action sociale, Montréal, éd. HMH, 1968, p.127.
87 J. ETIENNE et alii, Op. Ci., p.239.
88 G. ROCHER, Op.Cit, pp. 127-128.
image de la société, désigne les forces et les ensembles tenus pour fondamentaux >>89. Il importe d'abord de définir de manière extensive de système d'idées (sans prétendre en faire une doctrine) avant d'en donner les forces et faiblesses ainsi que la situation actuelle face aux mécanismes nationaux d'inhibition voire de disparition des mouvements de résistance.
1° Particularité du système d'idées
D'emblée, d'aucuns peuvent être tentés de considérer le « mai-maisme » comme un ensemble d'idées dispersées, sans cohérence interne. Cette tendance est souvent influencée par le caractère oral, et souvent avec un prisme ethnocentriste traduit par « le traditionnel >>. Cette conception n'est pas soutenable dans la mesure où l'oralité ne signifie pas l'absence de la cohérence d'une part, et le traditionnel ne revoie pas sémantiquement à l'irrationnel.
Il nous semble que le « mai-maisme >> reste un système d'idées cohérent traduisant les rationalités et logiques des acteurs. Les particularités suivantes peuvent lui être attribuées pour soutenir son statut idéologique.
a) Objet
Le « mai-maisme » a pour objet le nationalisme et l'égalité. Le nationalisme signifie, ici, la valorisation de la Nation, de l'Etat comme un acquis qu'il faut protéger à tout prix contre toute menace extérieure ou tout pouvoir arbitraire. Cela justifie ainsi le patriotisme comme principe du « mai-maisme ». L'égalité signifie la répartition équitable des ressources nationales et la participation de tous à la gestion de la société. Le « mai-maisme >> actuel fait une rupture avec les anciennes rebellions
89 P. ANSART, Les Idéologies politiques, Paris, P.U.F., 1974, p. 14.
dont il est l'émanation du fait qu'il s'oppose à tout impérialisme extérieur, et défend l'égalité en faveur des masses rurales isolées et abandonnées par le pouvoir politique. Les mouvements de résistance contactés se réclament suivre les idées politiques de personnalités historiques et idéologies suivantes : Lumumba ( héros de l'indépendance du Congo), Alvaro 1er et 2ème, Sina Nguvu ( opposition à la pénétration portugaise dans le Royaume Congo et à la traite des noirs), MAU-MAU du Kenya, Simon Kimbangu, Bushiri du mouvement Kitawala. Notons que 7 chefs militaires ont déclaré incarné les idées de Laurent-Désiré Kabila tout en les situant dans le prolongement de Lumumba.
Cet objet est transmis lors de la socialisation, précisément dans les enseignements sur les grandes figures de la résistance africaine contre la domination de l'Occident, les chansons révolutionnaires dont voici un extrait :
Congo niya wa congomani
Congo niya wa congomani
Tu ungane wote kwaku gomboa inchi yetu
Ogopa Mungu ni mwanzo wa hekima
Tuna kataa unyanyasi na uvamizi wowote
b) Valeurs
Le « mai-maisme » prône certaines valeurs, notamment : la nation, l'égalité, la justice, le respect des traditions, la démocratie. L'idéologie mai-mai milite pour l'unité de tous les congolais. Il met l'accent sur l'égalité des chances, c'est-à-dire la prise en compte de toutes les couches sociales dans la planification nationale et le traitement équitable devant la loi. La valeur de la justice insiste sur le partage équitable des ressources sans discrimination. Le respect des traditions et le recours aux valeurs traditionnelles pour la construction d'un Etat fort. Ainsi, un accent particulier est accordé aux religions traditionnelles. La
démocratie implique la participation de tous les citoyens à la gestion de la société.
c) But
Le but poursuivi par l'idéologie mai-mai est d'empêcher toute action de domination des populations congolaises. L'élimination des groupes ethniques n'a pas été vérifiée pour le cas du Sud-Kivu comme but des mouvements de résistance. C'est plutôt le conflit à caractère foncier et/ou politique qui à plusieurs circonstances, a poussé les communautés des territoires de Fizi et d'Uvira dans la lutte ouverte en se servant des mouvements de résistance.
d) Moyens d'action
Le « mai-maisme » prône la lutte armée comme mode d'expression. Tous les mouvements de résistance actuels ont choisi la voie de la violence, la lutte armée comme moyen d'action pour atteindre leur but.
e) Ressources
Deux types de ressources ont été identifiés dans l'idéologie mai-mai : les ressources symboliques ainsi que les ressources humaines et matérielles.
- Ressources symboliques
Les ressources symboliques sont constituées de tous les idéaux culturels mis en évidence par le « mai-maisme » pour se donner une identité propre et mobiliser l'adhésion. Parmi les symboles, l'on note les pratiques magico-religieuses et la notion. Il convient de souligner que les moyens symboliques sont les points forts de l'idéologie mai-mai.
- Ressources matérielles et humaines
Comme indiqué au premier chapitre, l'idéologie mai-mai a utilisé les moyens matériels et humains. Si les ressources humaines ont dans une certaine mesure été importantes, il n'en a pas été autant pour les ressources matérielles et financières qui, par contre, sont faibles par rapport au but poursuivi.
- Stratégies
Les stratégies d'action qui se profilent au sein du « maimaisme » sont, d'une part, la socialisation partisane à travers les rites, les chansons, les enseignements ; la voie médiatique ainsi que la préparation militaire par les exercices aux combats ; et d'autre part, l'occupation politico-militaire des espaces par la lutte armée.
- Portée
Le « mai-maisme » est une idéologie à portée nationale. Elle s'adresse à la société congolaise et relève, de ce fait, des idéologies nationales selon la classification du sociologue Guy Rocher.
2° Nature du « mai-maisme »
L'idéologie mai-mai est essentiellement politique. Ses idées fondamentales constituent une vision sur les fonctions de l'Etat, précisément sa mission régalienne et ses fonctions sociales, économiques. A ce titre, elle s'oppose à toute attitude passive de l'Etat devant une menace extérieure d'une part, et aux inégalités sociales et politiques des sociétés rurales, d'autre part.
Partant de ces caractéristiques du "mai-maisme" et au regard des observations empiriques, nous pouvons dégager les forces et les faiblesses de l'idéologie mai-mai.
A l'instar d'autres idéologies, le « mai-maisme » aligne des forces et faiblesses. Ces dernières ne lui enlèvent pas sa nature idéologique.
1° Forces
Nous retenons comme forces de l'idéologie mai-mai les catégories suivantes : la mise en valeur du contexte de crise, la manipulation des symboles et valeurs traditionnelles, le rôle hégémonique.
- La mise en valeur du contexte de crise
Le << mai-maisme » a pris un essor considérable pendant la période de crise profonde au sein de l'Etat congolais. C'est effectivement au moment de la présence des troupes étrangères sur le sol congolais en appui aux différentes rebellions que le mai-maisme s'est confirmé comme une vision contraire à l'impérialisme, à la domination civilisatrice au 20e siècle finissant et au pillage des richesses nationales. L'influence psychologique du << mai-maisme » lui a permis de canaliser les opinions tant en milieu rural qu'en milieu urbain. En plus, ce contexte d'instabilité a légitimé le mai-maisme comme << stratégie sécuritaire » et la << violence protestataire ou révolutionnaire »90 utilisée comme moyen d'action.
- Le rôle hégémonique substitutif
Les situations conjoncturelles liées aux guerres, notamment l'occupation des vastes étendues du territoire national par des mouvements rebelles et leurs alliées, et par conséquent la partition de facto du pays, n'a pas permis à l'Etat congolais d'exercer sa fonction
90 J. NIMUBONA, « La résolution des conflits au Burundi : Processus, acteurs, enjeux et incertitudes » in Afrique des Grands- lacs. Sécurité et paix durable, Butare, Ed. de l'Université Nationale du Rwanda, 2004 p. 149
idéologique. Le vide créé par ce fait a permis au "mai-maisme" de substituer à l'Etat dans son rôle hégémonique. Les populations sous administration des rebellions ont développé un mythe sur le "mai-maisme" considéré à ce moment comme le seul recours idéologique pour protéger le territoire national. Dans les zones rurales, l'adhésion et le soutien au mai-maisme ont été réels tandis que dans la ville de Bukavu ceux-ci n'ont été que virtuels. Toutefois, les enquêtes démontrent que les mouvements de résistance ont bénéficié des appuis divers de la société civile sous diverses formes (vivres, habits, argent, médicaments, conseils).
- La manipulation des symboles et valeurs traditionnelles.
La symbolique « nation » placée au centre des idées des mouvements de résistance a valu à leur idéologie un droit de cité sur le plan national et local. Quant aux valeurs traditionnelles, leur congruence avec les schèmes culturels des populations locales (rurales et urbaines) a renforcé la confiance et mobilisé les soutiens en termes d'adhésion ou d'appuis matériels.
- Le choix de la lutte armée comme moyen d'action.
Le « mai-maisme » a réellement rempli sa fonction praticosociale en adoptant la voie de l'arme pour barrer la route à l'occupation du territoire qui se pratiquait par la même voie. Cette expression praxéologique a rapporté au « maimaisme » plus de considération que les idéologies exclusivement théoriques dominantes dans les milieux urbains.
2° Les faiblesses
Les faiblesses du « mai-maisme » sont entre autres une structuration désarticulée, les conflits internes, l'insuffisance des ressources financière et matérielles, la prédominance des croyances magico-superstitieuses, la confusion entre le local et le national,
l'insuffisance des cadres instruits, l'absence des relations avec l'extérieur, l'ouverture à la manipulation et à la récupération politiques.
- Une structuration désarticulée
Les organisations qui incarnent le "mai-maisme" ont opéré sans une coordination d'ensemble. Elles étaient éparpillées et parfois isolées. Toutefois, il faut souligner que les opérations militaires contre le RCD étaient coordonnées dans une structure appelée Opération Sud-Sud (O.P.S.S) regroupant toutes les forces dites résistantes de l'Est appelée d'abord secteur opérationnel Est (SOE) puis SOSE (Secteur Opérationnel Sud-Est). Cette coordination, n'a pas fait longtemps suite aux malentendus entre mouvements de résistance, lesquels étaient fondamentalement liés aux conflits d'intérêts.
Par ailleurs, il convient de relever le caractère contingent des objectifs qui ont variés selon les circonstances : lutter contre les agresseurs rwandais, protéger l'unité du pays, protéger les populations civiles et autochtones contre toute menace, protéger les communautés et leurs terres contre les velléités des communautés voisines, etc.
- L'insuffisance des ressources financières et matérielles
L'insuffisance des moyens financiers et matériels est un aspect limitatif du « mai-maisme » surtout dans sa dimension axiologique et de diffusion. En effet, la diffusion d'un système de pensées est fonction des moyens mis en oeuvre. Le mai-maisme est resté une idéologie trop localiste faute des capacités d'expansion sur d'autres horizons. Point n'est besoin de démonter de nouveau que les mouvements de résistance ont manqué les moyens matériels et financiers pour réussir leur but. Cette faiblisse est bel et bien reconnu par tous les 14 chefs des mouvements de résistance interrogés à cette fin.
- La prédominance des croyances magico-superstitieuses
Le « mai-maisme » met l'accent sur le culte de la magie et de la superstition. Des telles pratiques cherchent à poursuivre des buts pratiques en utilisant des moyens métaphysiques dont la logique de l'action est difficile à démontrer. La négligence des entrainements militaires au profit des rituels magico-superstitieux a des effets négatifs sur la qualité des éléments des troupes. Les pertes en vies humaines lors des combats ont fait fuir certains combattants rescapés. 7/76 ex combattants ont estimé que « les fétiches » sont une tromperie car nombreux de leurs compagnons mouraient au front malgré le rituel d'invulnérabilité.
- Confusion entre le local et le national
Comme démontré plus haut, les mouvements de résistance ont oeuvré dans les limites culturelles de leurs communautés et non sur les frontières nationales. Ce qui rend le "mai-maisme" une idéologie localiste et non nationaliste dans la pratique. Cela est d'autant défendable car on ne peut affirmer que la multiplicité non coordonnée signifie une vision nationale. C'est plutôt, nous semble-t-il, une division du travail non conventionnelle consacrant une configuration localiste du "mai-maisme".
- L'insuffisance des cadres instruits
Le mai-maisme n'est pas l'émanation des cercles d'érudition mais plutôt des ruraux caractérisés par un faible niveau d'instruction. Les recherches empiriques font état d'un niveau moyen d'instruction de 3e secondaire pour les chefs de mouvements de résistance et de 4e primaire par les combattants. Ce niveau d'instruction situe les responsables à une immaturité intellectuelle criante et à l'illettrisme ne pouvant pas leur permettre de concevoir et d'appliquer une structuration fonctionnelle et efficace. A cet effet, il y a lieu d'établir une corrélation entre le faible
niveau d'instruction constaté ainsi que la prédominance des pratiques superstitieuses et la structuration désarticulée.
Jusqu'en 2008, à l'occasion de la conférence de Goma, tous les mouvements de résistance opérationnels n'avaient pas encore intégré la branche politique. La contrainte d'en avoir leur imposée par les organisateurs les a conduits à constituer des branches politiques formées en général par des cadres universitaires. Le clientélisme et la précipitation, l'influence de la parenté et surtout l'opportunisme ont caractérisé le choix desdits cadres politiques à cause des promesses des postes politiques et administratifs ainsi que les avantages financiers liés à la participation à cette conférence. Les branches politiques ont joué un rôle représentatif dans la conférence et au sein du programme Amani sans faire preuve d'un impact idéologique dans de leurs mouvements de résistance respectifs.
- L'absence des relations avec des formatons politicoidéologiques étrangères
Le mai-maisme privilégie des relations au niveau local et national mais ne s'est pas ouvert aux organisations politico-idéologiques extérieures. Ceci peut être justifié par la valorisation des principes ésotériques, l'insuffisance des moyens matériels et financiers, le manque des cadres engagés. Seul l'ancien mouvement de résistance Mai-Mai Padiri a prétendu avoir entretenu des relations avec le parti socialiste belge spécialement dans le cadre d'ouverture en attendant la coopération idéologique et matérielle.
- La manipulation et la récupération politique
politiques menées tantôt par le Pouvoir légal tantôt par la société civile tantôt par le mouvement rebelle du R.C.D., tantôt des communautés tribales. La manipulation a consisté à influencer le « mai-maisme » à travers les mouvements de résistance pour servir les intérêts idéologiques, politiques ou matériels des autres forces politiques et communautés. En effet, deux sujets d'enquête qui ont oeuvré au sein du Bureau de coordination de la société civile ont reconnu qu'il a existé des liens directs entre les mouvements de résistance et la société civile mais, précisent-ils, dans le but de les organiser et de les soutenir matériellement à travers des bienfaiteurs. Huit sur quatorze mouvements de résistance nous ont déclaré qu'ils ont des relations avec des structures ecclésiastiques catholique et protestante locales ainsi qu'avec certaines personnalités du monde des affaires dans le cadre de l'assistance matérielle. Les deux anciens mouvements de résistance ( Mai-mai de Bunyakiri et Mai-mai de Fizi) et six actuels mouvements ont déclaré avoir entretenu des bonnes relations avec le Gouvernement et l'Armée nationale pour plusieurs motifs : offensive contre la rébellion du R.C.D., traque de la mutinerie de Mutebusi, combat contre les F.D.L.R., etc. Avec les communautés rurales, le mai-maisme a été utilisé pour alimenter les conflits dans les luttes ouvertes à Fizi et Uvira, en particulier.
Quel que soit l'objectif, l'infiltration du mai-maisme par des influences extérieures, le fragilise et son autonomie de pensée et d'action est fortement réduite.
La récupération politique est la conséquence de la manipulation. Les deux ont contribué à la transfiguration politique des mouvements de résistance, et partant, à l'affaiblissement du « maimaisme ». Deux processus ont été déclenchés à ce sujet : la création des partis politiques à partir du « mai-maisme » et l'intégration des troupes dans l'armée nationale. La première étape (transition instituée par l'Accord Global et Inclusif) a vu naître quelques formations politiques à tendance « mai-maiste », à savoir les patriotes résistants Mai-Mai
(P.R.M.), le mouvement Mai-Mai (MMM), le PANAM ainsi que l'intégration des combattants dans l'armée et la démobilisation des autres. Les partis politiques créés ont participé aux élections de 2006. Cependant, à la suite d'un manque de suivi et d'encadrement des structures de base par les leaders mai-mai qui ont occupé des fonctions élevées pendant la transition, il y a eu la désagrégation des bases existantes et la désintégration des acteurs individuels. La seconde étape (après les élections) est celle en cours, et qui oblige les mouvements de résistance à la reconversion politique et à l'intégration dans l'armée nationale. A ce stage, leurs formations politiques ne sont pas encore constituées officiellement et l'intégration dans l'armée se trouve à l'étape du regroupement et de la formation dans des centres.
Ce paragraphe, au titre interrogatif, n'annonce pas la fin du « mai-maisme ». Il ouvre une réflexion sur l'existence de ce système d'idées en dehors des mouvements de résistance appelées à disparaître en réponse aux dynamiques politiques nationales.
Au regard des recherches empiriques, il y a lieu de soutenir que le « mai-maisme » reste présent dans les communautés rurales surtout dont il provient. La mémoire collective dans les milieux ruraux au Sud-Kivu le considère comme une source d'idées protectrices des communautés. Toutes les personnes ressources interrogées en milieu rural (les bami, les notables) regrettent la reconversion des mouvements de résistance. Les mécanismes nationaux mis en place pour cela sont suspectés d'être à la solde d'un courant extérieur pour la balkanisation du pays voire l'expropriation des terres ancestrales. Dès lors, il nous semble que la militarisation des communautés rurales et le maintien des valeurs symboliques qui fondent le mai-maisme pourraient le pérenniser.
Tels qu'analysés plus haut, les mouvements de résistance ont progressivement intériorisé des ambitions politiques. Leur participation aux processus politiques pendant la transition, aux élections et après ces dernières le prouve suffisamment. Le rôle effectivement joué dans ces processus recèle des contradictions que la présence section se propose d'analyser.
1° Participation politique
Point n'est besoin de revenir sur l'analyse politiste qui se dégage des actions des mouvements de résistance comme un mode de participation politiques dans l'espace politique et social national. Les faits suivants justifient cette perspective théorique et empirique : la participation aux négociations politiques de Sun City qui ont débouché sur l'Accord Global et Inclusif en décembre 2001 ; la participation dans les institutions politiques et d'appui à la démocratie de la transition issue de l'Accord sus-évoqué ; la démobilisation de certains éléments soit volontairement soit pour cause d'invalidité ou d'âge (mineurs) ; la création des partis politiques à tendance mai-maiste ; la participation au processus électoral de 2005-2006.
Par ailleurs, les mouvements de résistance à travers leur idéologie ont justifié leur action essentiellement par la défense du territoire national menacé et envahi par les pays voisins qui exécuteraient l'agenda de balkanisation de la R.D.C. pour des fins inavouées. Cette vision soutenue par la logique de la guerre a produit un impact réel notamment dans l'encadrement idéologique des populations et la lutte
armée contre la progression militaire des forces rebelles soupçonnés d'être à la solde de l'étranger.
2° Sociétés contre l'Etat et refus de la modernité
- Société contre l'Etat
Le concept de « société contre l'Etat » est utilisé par Pierre Clastres dans une étude d'anthropologie politique sur les sociétés amérindienne et indienne. Il démontre la résistance desdits sociétés à l'événement de l'Etat comme mode d'organisation du pouvoir moderne. Il note à ce sujet ce qui suit :
« Mais, jusque dans l'expérience extrême du prophétisme (...), ce que nous montrent les sauvages, c'est l'effort permanent pour empêcher les chefs d'être de chefs, c'est le refus de l'unification, c'est le travail de conjuration de l'un, de l'Etat. L'histoire des peuples qui ont une histoire est, dit-on, l'histoire de la lutte des classes. L'histoire des peuples sans histoire, c'est, dira-t-on avec autant de vérité au moins, l'histoire de leur lutte contre l'Etat » (91).
Tout en regrettant l'archaïsme conceptuel choisi par Pierre Clastres en utilisant des concepts désuets de l'anthropologie sociale et culturelle car teintés d'ethnocentrisme (sociétés primitive, société sans histoire, société sans Etat), il y a lieu de trouver un élargissement épistémologique du concept « société contre l'Etat » dans le cadre de la présente étude.
Les sociétés rurales ont connu l'évènement de l'Etat depuis l'époque coloniale. L'Etat colonial a fonctionné à côté des structures sociales, politiques et économiques traditionnelles. L'indépendance n'a pas bouleversé l'ordre politique traditionnel car le pouvoir coutumier a été
91 P. CLASTRES, Société contre l'Etat, Paris, Editions de Minuit, 1974, p.186.
maintenu. Comme pendant la colonisation, les sociétés rurales ont gardé leurs structures. À cet effet, la vie en communauté est restée organisée par les coutumes et traditions, donnant une place prépondérante aux autorités coutumières, à la famille. Dans ces conditions, la position de l'Administration a été dans la pratique, fragilisée au point de jouer fondamentalement deux rôles : un rôle représentatif de l'Etat au village et un rôle de prélèvement des impôts sur les activités agricoles.
Cette position marginale de l'Etat devant les structures politiques et sociales paysannes fonctionnelles et dominantes a été renforcée par le dysfonctionnement de l'Etat qui, en toute évidence, n' a pas assuré ses fonctions essentiels vis-à-vis des communautés rurales. L'autoprise en charge rurale a influencé le développement des mouvements de résistance dans le but de se protéger contre la menace extérieure ou des communautés voisines.
Dans cette perspective, les communautés rurales du SudKivu se comportent en sociétés contre l'Etat dans la mesure où elles cherchent à entretenir les M.R comme structure permanente de sécurisation communautaire et non l'armée nationale d'une part et n'assimilent pas l'ordre politique et administratif institué par l'Etat en valorisant les coutumes et traditions locales.
- Refus de la modernité
La modernité est fondamentalement définie par rapport au triomphe de la raison dans la conception et la production de la société. Dans la révisitation que fait Alain Touraine sur le concept de la modernité, il retient cette signification tout en la critiquant et en l'élargissant tel qu'on peut le lire dans les considérations suivantes :
« si la modernité ne peut pas être
définie seulement
par la rationalisation et si, inversement, une
vison de la
modernité comme flux incessant de changement fait
trop bon marché de la logique du pouvoir et de la résistance des identifiés culturelles, ne doivent-il pas clair que la modernité se définit précisément par cette séparation croissante du monde objectif, créé par la raison en accord avec les lois de la nature, et du monde de la subjectivité, qui est d'abord de l'individualisme, ou plus précisément celui d'un appel à la liberté personnelle ? La modernité a rompu le monde sacré, qui était à la fois naturel et devin, transparent à la raison et crée. Elle ne l'a pas remplacé par celui de la raison et de la sécularisation, en revoyant les fins dernières dans un monde que l'homme ne pourrait plus atteindre ; elle a imposé la séparation d'un sujet descendu du ciel sur terres, humanisé, et du monde des objets, manipulés par les techniques. Elle a remplacé par l'unité d'un monde créé par la volonté divine, la raison ou l'histoire, par la dualité de la rationalisation et de la subjectivisation » (92).
Selon lui, deux principes fondent la société moderne : l'action rationnelle et la reconnaissance des droits universels à tous les individus (93).
A travers les mouvements de résistance et le « maimaisme », il s'observe un rejet de la modernité. Cette dernière est un système de pensées dont la démocratie, les droits de l'homme, la morale, l'Etat font partie des idéaux. En effet, le « mai-maisme » voit dans le pouvoir traditionnel, les coutumes une valeur transcendantale qu'il faut protéger contre la démocratie et l'Etat. Les droits de l'homme ne trouvent une signification que dans la société culturellement définie. La religion occidentale est totalement abandonnée dans le mai-maisme en faisant recours à la religion africaine, à la cosmogonie noire. Pourtant, depuis d'un siècle, les religions occidentales s'efforcent de conquérir la sphère religieuse des sociétés rurales dans la Province du Sud-Kivu. Le
christianisme dominant dans cette partie du pays, n'est il pas une religion de façade pour s'intégrer à l'ordre national et international et non une identité religieuse impliquant des terminismes de pensées et d'action.
Cependant, si la modernité semble être rejetée comme idéaux, il ne l'est pas pour autant de ses produits issus de la technique ou de la technologie. Ainsi, les mouvements de résistance utilisent les armes à feu, les moyens de communication (téléphone, internet, radio et télévision, ...). C'est un usage de la modernité par nécessité.
- Regard théorique
La citoyenneté suppose l'appartenance à une identité
nationale et le respect des droits et devoirs reconnus par la société. En
accord avec Fred constant (94), nous pouvons retenir les attributs suivants
à la citoyenneté : idéal, manifestation de l'identité nationale, ensemble de
droits et d'obligations, participation active à la vie de la cité, ensemble de
facilités morales. Il retient également trois dimensions de la citoyenneté à
savoir : les dimensions statutaire, affective et identitaire.
S'agissant de la dimension identitaire, il précise ce qui suit :
« Loin d'être un simple rouage fonctionnel, la citoyenneté « marche au symbolique ». Elle est partie de la « chanson de geste » de l'Etat républicain. Elle tient au sentiment d'appartenance à une collectivité politique qui utilise réélabore les liens primordiaux préexistants à l'Etat en les transférant à son profit. Elle est cette formule magique qui dissimile la cruauté des rapports sociaux et l'inégalité des conditions par une projection des individus, indépendamment de leur localisation dans la structure sociale et la division du travail, dans la communauté nationale dont le caractère
94 F. CONSTANT, La Citoyenneté, Paris, Edition Montchrestien, 1998, pp.26-33.
abstrait n'a d'égale que l'égalité parfaite de ses membres » (95).
Dans le même ordre d'idées, Alain Touraine ajoute :
« Historiquement, le sujet moderne s'est incarné d'abord dans l'idée de citoyenneté, qui a imposé le respect des droits politiques universels par - delà toutes les appartenances communautés. Une expression importante de cette séparation de la citoyenneté et des communautés est la laïcité, qui sépare l'Etat des Eglises » (96).
Cette conception théorique est confortable au phénomène social total qu'est le « mai-maisme »ou le mouvement de résistance. Des contradictions s'en dégagent dans la manifestation.
- Regard empirique
Dans l'analyse précédente, il a été démontré que le déploiement idéologique des mouvements de résistance se limite aux entités géographiques et culturelles tribales, et qu'en conséquence il y a absence d'une rupture entre l'indenté tribale et l'identité nationale.
Par rapport à la citoyenneté, cette contradiction entre le tribal et le national fait émerger l'identité tribale ou locale au détriment de l'identité nationale facteur de la cohésion sociale et de l'efficacité de l'Etat. Egalement, les droits et devoirs définis par les traditions et coutumes prennent une emprise sur les lois nationales et la morale en les fragilisant et en instituant une culture de la violence. De ce fait, le « mai-maisme » peut être une source de désintégration sociale des masses rurales. N'est pas le refus d'un ordre moderniste qui ne reconnait pas leurs schèmes de pensée et leurs expériences en tant que sociétés particulières. Dès lors, les lois sont bafouées notamment en ce qui concerne les droits humains,
les libertés fondamentales et devoirs du citoyen tels que définis par le texte fondamental du pays.
Au terminus de cette analyse, il parait complet d'interroger les faits sur la possibilité de construire une historicité par le « maimaisme » qui maintient la culture de la violence dans les processus de lutte et négociation qui s'imposent à toute société dans un continuum construction - destruction - reconstruction. D'emblée, la thèse d'une historicité par la culture de la violence n'est pas soutenable en ce qui concerne la modernisation (97) du Sud-Kivu en particulier et de la R.D. Congo en général. Cependant, l'hypothèse de construire un système d'idéaux à partir du « mai-maisme » sur lesquels peut être fondée l'historicité de la Nation congolaise est théoriquement riche et défendable tant qu'il transparait dans cette idéologie des valeurs telle que la nation, la patrie, l'identité culturelle, etc. Faudra-t-il alors identifier ces processus sociaux qui freinent son affirmation « modernisée », et qui rendent désintégré et inopérant le « mai-maisme ». «Au banc des accusés » se trouvent l'éthnicisme et les conflits communautaires qui germent dans sa philosophie. Bien sûr, en tant que mouvements sociaux, les mouvements de résistance ne peuvent s'empêcher d'une dimension conflictuelle ou de la violence comme l'a démontré Alain Touraine en affirmant ce qui suit :
« La crise des institutions touche encore plus l'Etat que les relations de travail, et la globalisation affaiblit ou détruit la capacité de nombreux pays, surtout parmi les plus pauvres, de se doter d'un Etat. C'est la violence qui remplace l'espace du traitement institutionnel des conflits. (...) L'Afrique centrale, de la région des Lacs jusqu'à la République Démocratique du Congo et
97 Le sens de la modernisation est emprunté à Alain Touraine pour qui, la modernisation combine la modernité avec des champs culturels et sociaux différents les unes des autres. Aucune société n'a le doit d'identifier sa modernisation à la modernité. (A. TOURAINE, 2005, p.384).
récemment la Côte d'Ivoire, est marquée par cette violence, de même que partout où l'Etat est détruit ou affaiblit. La violence règne aussi dans les zones rurales où les conflits ethniques ou régionaux ne sont plus contenus par la puissance étatique (...) » (98).
Le mai-maisme s'est depuis un temps défini comme un système de pensée plutôt qu'une organisation occasionnelle des communautés pour se défendre. Il a des forces et limites. Ces dernières entraves son intégration et son émergence. Ce qui lui confère un statut marginal et l'empêche d'impulser une culture politique véritablement démocratique.
98 A. TOURAINE, Penser autrement, Paris, Fayard, 19....., p. 227.
Au terme de ce travail, il importe de souligner qu'il s'inscrit dans le champ épistémologique de la sociologie politique et de l'anthropologie politique. Il est consacré à l'étude des fondements des idéologies des mouvements de résistance et leurs actions protestataires en tant que phénomène social total. Pour dégager en aval, le rapport entre le mouvement de résistance et la culture politique dans un processus interactionniste, nous avons manipulé, en amont, les catégories analytiques suivantes : fondements idéologiques, actions protestataires, culture politique et actions protestataires ou revendicatrices.
Le choix du Sud-Kivu comme champ d'étude tient au fait qu'il est un système social autonome et intégré au système national. Le phénomène de mouvement de résistance s'y manifeste à l'instar des provinces du Nord-Kivu et du Maniema. Dans les 3 provinces du Kivu ancien, il est évident que la production du phénomène mai-mai n'a pas été identique. Dans son article cité par F.D. Amuri Misako, A. Mwaka Bwenge précise que :
« Le phénomène Mayi-Mayi reste enraciné dans les contradictions locales au Kivu, en Afrique des Grands Lacs, et dans le nouvel ordre mondial qu'il serait biaisé de n'y voir qu'une réalité récurrente ne s'enracinant que dans les problèmes fonciers et identitaires caractéristiques de province du Nord-Kivu et, dans une certaine mesure, du Sud-Kivu (...) » (99).
Le constant sur l'existence réelle des mouvements de résistance au Sud-Kivu a alerté notre esprit scientifique. Ainsi, nous avons
99 A. MWAKA BWENGE, « Les milices mai-mayi à l'Est de la République Démocratique du Congo : dynamique d'une gouvernementalité en situation de crise » in Revue africaine de sociologie 7, 2003, p. 86 cité par F.D. AMURI MISEKA, Op.cit, p.8.
cherché à répondre à un questionnement sur les fondements de leurs idéologies et la nature des actions revendicatrices d'une côté, ainsi que sur le rôle du système d'idées dans la construction d'une culture politique démocratique. C'est donc, la recherche du pourquoi de la persistance des idéologies de résistance dans un processus de démocratisation.
Partant de ce questionnement, nous avons formulé les hypothèses dans les termes ci-dessous:
Les mouvements de résistance au Sud-kivu tirent leurs origines dans les rebellions historiques connues dans le Kivu.
Les idées contestataires qui ont présidé à la formation-déformationreformation des mouvements de résistance au Sud-Kivu sont justifiables du contexte de guerre et de l'inefficacité des pouvoirs publics à résorber les tensions sociales et à assurer l'intérêt général. Cette crise conjoncturelle a permis de légitimer les idées protestataires dont la manifestation sous forme de mouvement de résistance est une expression collective du refus de l'ordre politique établi.
L'idéologie des mouvements de résistance a pour soubassement l'effondrement de l'Etat, l'exclusion dans le système politique national des communautés rurales et l'éclosion des survivances révolutionnaires. Les actions menées sont de nature violente.
Le choix de la violence attribue aux mouvements de résistance un rôle freinateur pour la construction d'une culture démocratique qui se veut pacifiste et légaliste.
Après l'analyse des faits, il se dégage que la résurgence des mouvements de résistance au Sud-Kivu est essentiellement liée au contexte de crise politique en RD Congo, se trouvant dans le prolongement des rebellions existantes au début de l'indépendance de la R.D. Congo. Né dans un contexte nouveau caractérisé par la présence du mouvement rebelle du R.C.D. avec ses alliées, le Rwanda et l'Ouganda, les mouvements de résistance ont été des acteurs dans les conflits violents et dans le processus de négociation politique conduisant à leur
transfiguration. Par ailleurs, ils sont nés également de la cristallisation des conflits identitaires et fonciers entre les communautés. En dehors de ce socle de violence, les mouvements de résistance trouvent leur émergence dans une prise de conscience des communautés rurales en imposant leur participation dans le système national longtemps dominé et géré par le milieu urbain. D'une manière générale, il s'observe une rupture avec les anciennes rébellions quant à leur permanence dans les milieux ruraux à l'exception des mouvements de résistance de Fizi. Toutefois, il y a lieu de relever la contagion dans certaines représentations comme les rites superstitieux. Ces derniers ont joué un rôle psychologique certain sur l'engagement des combattants, en même temps qu'ils ont servi d'élément identitaire aux groupes armés qui les pratiquent.
Les moyens mis en oeuvre ont plus valorisé les ressources humaines et symboliques en négligeant les ressources matérielles et financières perçues comme hasardées et contingentées. Ceci explique en partie l'occupation des espaces tribaux ou claniques.
En tant que mouvement social au sens tourainien, les mouvements de résistance, loin d'être des forces négatives, sont des acteurs au processus historique, et sont porteurs des projets propres avec des logiques protestataires, parentales, nationales ou ethniques. Les projets tirent leur source dans le système d'idées véhiculé sous forme d'une idéologie, laquelle a des fondements à la fois matériels et immatériels. En effet, les fondements des mouvements de résistance présentent trois axes à savoir : philosophico-psychologique, historicopolitique et anthropo-sociologique. La recherche empirique démontre que l'axe philosophico-anthropologique retient des variables plus favorables liées aux aspects ontologiques (lien mythique entre l'homme et la terre ainsi que le souci de la protection du territoire) et aux aspirations naturelles de l'homme (la liberté, la justice, les valeurs culturelles). Toutefois, l'influence des bases historico-politiques comme l'effondrement de l'Etat, l'éclosion des survivances révolutionnaires et la recherche du
pouvoir ou celles anthropo-sociologiques comme l'isolement des sociétés rurales, la superstition et la conception traditionnaliste de l'Etat ne sont négligeables. Il y a lieu de remarquer que les bases de l'idéologie des mouvements de résistance sont plus immatérielles que matérielles. Cependant, les variations constatées dans les pratiques et systèmes de pensées rejettent le principe de l'immuabilité des essences de leurs idées mais elles confirment le relativisme de leurs bases idéologiques100.
Les actions protestataires ne sont pas que violentes mais aussi la mise en place d'un système de gestion des entités contrôlées. La violence s'est manifestée par les combats engagés, les viols et extorsion, les tueries et massacres, etc. Quant à l'administration des entités, les mouvements de résistance ont, dans certaines entités, exercé les attributs de l'Etat en exerçant de l'autorité sur des populations. Cependant, leur pouvoir était en confit avec le pouvoir coutumier et celui des autorités légalement établies. Dès lors, ces actes sont contradictoires avec les discours et les représentations exprimées en termes de salut, de protection ou de revendication de la liberté et de la justice.
Entant que système d'idées, le «mai-maisme » est une idéologie qui dans sa matérialisation aligne des forces et faiblesses. Plutôt que de parler de son caractère spontané, il faut voir sa permanence latente ou manifeste selon les circonstances. Il se présente comme recours idéologique des sociétés rurales pour se défendre ou mener une protestation ou une revendication. Certes, la diffusion de ce système de pensée est trop faible à cause de son caractère ésotérique, de l'insuffisance des moyens matériels et financiers et des qualités intellectuelles limitées de ses acteurs101. C'est pourquoi, le « maimaisme » reste mal connu.
100 La généralisation faite par Karl Mannheim sur les courants d'études en sociologie de la connaissance exclue l'immuabilité des essences des idées et soutient leur relativisme.
101 L'étude de la diffusion des connaissances en sociologie a été menée par Florian Znaniecki en s'inspirant des hypothèses émises par Georges Herbet Mead sur la communication. ( Lire à ce sujet, F. ZNANIECKI, The social role of the man of knowledge, New York, Colombia University Press, 1940.)
Devant les processus de consolidation de l'unité nationale dans un Etat pluraliste, les mouvements de résistance apparait comme une idéologie désintégrée. En valorisant l'ethnie ou la tribu, le maimaisme privilégie la culture politique paroissiale, et empiète sur la citoyenneté. L'identité nationale est remise en cause au profit d'une identité tribale ou clanique. Les droits et devoirs du citoyen sont systématiquement violés dans un cycle de violence récurrente.
Il semble se dégager des considérations précédentes que les idéologies de résistance persistent suite à la désintégration du système politique nationale mais aussi à leur permanence dans les schèmes culturels des communautés ethniques ou tribales. Elles relèvent d'une réalité structurelle des sociétés concernées, et sont utilisées par ces dernières comme moyen et stratégies pour une participation politique. Autrement dit le « mai-maisme » n'est pas un élément isolé mais plutôt une idéologie insérée dans la culture globale des sociétés qui y recourent. Il est effectivement encré dans les schèmes mentaux des sociétés rurales étudiées. Leur rapport conflictuel avec la société globale a, dans une certaine mesure, influencé la circulation de l'élite politique et militaire.
Cette étude, pour en finir à ce stade, est aboutie aux résultats susceptibles d'ouvrir aux recherches ultérieures sous forme d'hypothèses sur le mouvement de résistance. De ce fait, elle reste perfectible. Parmi les perspectives possibles de recherche, nous pouvons indiquer l'étude du rapport entre le mai-maisme et le développement politique dans le but d'élaborer un modèle théorique d'explication de la construction de la paix en zone post-conflit. Comme étude appliquée, il nous sera important de circonscrire sémantiquement et épistémologiquement le concept de zone post-conflit en tant que typeidéal pour le rendre scientifiquement opérationnel et expliquer davantage le mai-maisme comme système de pensée.
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www.toupie.org/dictionnaire/liberte.htm du 05/03/2010 www.congo-mai-mai.net
INTRODUCTION GENERALE 0
CHAPITRE PREMIER : CONSIDERATIONS GENERALES, THEORIQUES ET
METHODOLOGIQUES 15
Introduction 15
1.1. Le Sud-Kivu :un espace géographique, politique et multiculturel 15
1.1.1. Le Sud-Kivu comme espace géographique 16
1.1.2. Le Sud-Kivu comme espace politique 18
1.1.3. Le Sud-Kivu comme espace multiculturel () 19
Le Sud-Kivu est formé des populations appartenant à plusieurs communautés ethniques. L'ethnographie du Sud-Kivu retient une diversité de groupes ethniques notamment : 19
1.2. Démarche de la recherche 21
1.2.1. Sujet d'étude et mode de raisonnement 22
1.2.2. Cadre théorico-conceptuel 25
1.2.2.1. Construction théorique 25
1.2.2.2. Conceptualisation de l'étude 36
1.2.2.3. Culture politique 38
1.2.2.3. Fondement idéologique 40
1.2.2.4. Actions protestataires 41
1.2.2. Aspects méthodologiques de l'étude 44
1.2.3.1. Phases de la recherche 44
1.2.3.2. Techniques d'investigation utilisées 47
1.2.3.3. La méthode d'analyse 51
CHAPITRE DEUXIEME :
SOCIOGENESE, PHYSIONOMIE ET DISTRIBUTION
GEOGRAPHIQUE DES MOUVEMENTS DE RESISTANCE AU SUD-KIVU. 54
INTRODUCTION 54
2.1 Héritage historique 55
2.2.1. Sociogénèse, physionomie et Leadership des 59
mouvements de résistance. 59
2.2.1.1. Les mouvements de résidence à tendance nationaliste
hérités des rebellions. 59
2.2.1.2. Mouvements de résistance nés du contexte de guerre 61
2.2.1.3 Mouvements de résistance nés de l'opportunisme politique.
70
2.2.1.4. Mouvement de résistance de défense locale. 71
2.2.1.5. Mouvements de résistance à tendance ethniciste 72
2.2.2. Structuration et occupation géopolitique des mouvements de
résistance au Sud-Kivu. 72
2.2.2.1 Structuration 72
2.2.2.2. Occupation géopolitique 83
PROTESTATAIRES DES MOUVEMENTS DE RESISTANCE 88
INTRODUCTION 88
3.1. FONDEMENTS IDEOLOGIQUES DES MOUVEMENTS DE
RESISTANCE 88
3.1.1. Axe philosophico-psychologique 88
3.1.2. Axe politico-historique 93
3.1.3. Axe anthropo-sociologique 100
3.1.4. Les bases communautaires des mouvements de 106
résistance au Sud-Kivu 106
3.2. ACTIONS PROTESTATAIRES ET REVENDICATRICES DES
MOUVEMENTS DE RESISTANCE 109
3.2.1. Opérations
militaires et actes de violation des droits de
l'homme 109
3.2.3. Refus de participer au processus d'intégration dans l'armée
nationale 116
CONCLUSION 118
CHAPITRE QUATRIEME : CULTURE POLITIQUE DANS L'IDEOLOGIE DES
MOUVEMENTS DE RESISTANCE 119
INTRODUCTION 119
4.1. DEFINIR LE « MAI-MAISME » COMME IDEOLOGIE 119
4.1.1. Particularité et orientation idéologique du « mai-maisme » 121
4.1.2. Forces et faiblesses du « mai-maisme » 125
4.1.3. Que reste-t-il du mai-maisme ? 131
4.2. Rôle contradictoire des mouvements de résistance dans la
construction de la culture politique démocratique 132
4.2.1. Participation politique ou sociétés contre l'Etat 132
4.2.2. Citoyenneté en question 136
4.2.3. Historicité par la violence 138
CONCLUSION GENERALE 140
BIBLIOGRAPHIE 145
$ 1 1 ( ; ( 6 II1E7
TABLE DES MATIERES 151